imagerie
Complexe ganglionnaire et glaucome Vingt clés pour comprendre la superposition structure et fonction n La confrontation de la structure, c’est-à-dire de la papille et des fibres nerveuses rétiniennes qui y convergent, avec la fonction, c’est-à-dire du champ visuel, tient une place importante dans l’examen d’un patient suspect de glaucome. Cette association est nécessaire car chaque examen pris séparément a ses propres limites dans l’interprétation des stades débutants et des stades évolués. Il existe des cas ou une papille apparemment normale s’accompagne d’altérations périmétriques caractéristiques, et inversement des atteintes évidentes des fibres nerveuses rétiniennes resteront un certain temps sans répercussion sur le champ visuel. Aux stades avancés de la maladie, la progression est difficile à évaluer sur les fibres papillaires résiduelles. Cinquante-sept superpositions de la structure sur la fonction font apparaître quelques lignes de force que nous tenterons de préciser. Nous allons décrire notre méthode (clés 1 à 5), exposer ses particularités (clés 6 à 9), présenter les résultats (clés 10 à 18) et entrevoir les perspectives (clés 19 et 20).
Clé numéro 1
L’utilisation du complexe ganglionnaire pour la superposition structure et fonction semble faciliter la confrontation. Les tests classiques de structure étudient la papille, le C/D, l’excavation, l’anneau neurorétinien, le RNFL circulaire à 3,4 mm, les fibres nerveuses péripapillaires. Ils ont tous pour but de détecter l’apoptose des fibres ganglionnaires rétiniennes le long d’un faisceau et d’en déduire la sévérité. Dans un deuxième temps, il faut superposer mentalement le champ visuel à une estimation du territoire concerné par l’apoptose. Il y a donc *Ophtalmologiste, Saint-Brice-sous-Forêt michel.zeitoun@wanadoo.fr
190
deux approximations : l’atteinte des fibres nerveuses rétiniennes papillaires est un reflet concentré de l’atteinte des cellules ganglionnaires à distance, et la localisation du faisceau atteint par rapport au champ visuel est une moyenne statistique. La superposition directe du champ visuel avec le relevé OCT du complexe ganglionnaire permet une confrontation plus précise. Pour l’instant, cette superposition est manuelle par logiciel d’imagerie après inversion de la cartographie et mise à l’échelle (Fig. 1).
Clé numéro 2
Nous avons utilisé le protocole OCT qui explore une large zone du pôle postérieur.
Dr Michel Zeitoun*
La tomographie en cohérence optique (OCT) (Spectral Domain) quantifie l’atteinte des fibres optiques et des cellules ganglionnaires électivement touchées par cette maladie. Le scan circulaire péripapillaire (RNFL) et son relevé en double bosse a été successivement complété par une analyse de la surface péripapillaire, puis du complexe ganglionnaire maculaire. Depuis peu, l’acquisition large champ (Wide) de 12 mm sur 9 mm permet d’englober la papille et le pôle postérieur (Fig. 2). La prise de vue (sur l’OCT Topcon 3D 2000 ou le Maestro) correspond à un champ de 40° sur 30°. Quarante points sur cinquante-quatre du
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Figure 2 – Évolution des stratégies de l’OCT papillaire sur un même patient (papille dysversique). A : D’abord simple courbe RNFL sur base normative avec ici une zone douteuse en temporal inférieur. B : La cartographie des fibres optiques est Figure 1 – La cartographie du complexe ganglionnaire est
plus expressive montrant l’atteinte temporale inférieure. C : La
rehaussée pour bien séparer les zones saines des zones en
cartographie du complexe ganglionnaire maculaire montre
apoptose. Elle est ensuite inversée et superposée au champ
une atteinte inféro-maculaire prolongeant l’atteinte des fibres.
visuel en déviation individuelle. Très bonne correspondance
D : La cartographie Wide est la plus démonstrative, l’atteinte
structure et fonction, mais la quadranopsie du champ visuel est
arciforme part de la papille et s’étale en éventail vers la rétine
en fait une atteinte arciforme.
inférieure.
champ visuel seront ainsi directement superposables.
Clé numéro 3
Nous étudions la segmentation sur le complexe ganglionnaire complet. La délimitation peut se faire sur le complexe ganglionnaire rétinien incluant les fibres nerveuses rétiniennes (CGR), ou sa sous-couche : corps cellulaires plus plexiforme interne au-dessous, sans les fibres nerveuses rétiniennes. Le complexe ganglionnaire complet présente l’avantage de montrer le déficit arciforme sur toute sa longueur. Cependant, étudier spécifiquement les corps cellulaires ganglionnaires périmaculaires est utile pour quantifier la maculopathie glaucomateuse plus ou moins présente selon le faisceau atteint et la gravité de la maladie (Fig. 3).
Clé numéro 4
Nous vérifions la pertinence de la segmentation automatique du complexe ganglionnaire. La segmentation automatique de l’OCT est régulièrement prise en défaut dès que le profil maculaire s’éloigne de la norme en raison d’une pathologie concomitante. Il est donc nécessaire de vérifier la segmentation par une coupe centrale en gros plan, verticale de préférence, avec affichage de la délimitation pour s’assurer de la justesse de l’algorithme. Les coupes du rapport imprimé sont trop réduites et ne montrent que les artéfacts grossiers. Avec un peu d’expérience, l’apoptose est souvent visible sur la coupe verticale, en comparant le complexe ganglionnaire supérieur à l’inférieur qui est normalement symétrique (Fig. 4). Les reliefs vasculaires deviennent proéminents du fait de l’apoptose environnante.
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Clé numéro 5
Nous répétons les champs visuels jusqu’à obtenir un relevé fiable. Le champ visuel doit toujours être demandé en Sita Standard qui est le plus fiable. Les faux négatifs et les indices de fiabilité doivent être surveillés. Les fluctuations sont banales sur une zone d’apoptose, mais elles perturbent l’interprétation si elles siègent en zone saine. La superposition va nous rendre exigeants. Les déficits incongrus qui se situent sur une zone riche de la cartographie ganglionnaire doivent être recontrôlés par un nouveau champ visuel ou un CV 10°-2 selon la zone (Fig. 5).
Clé numéro 6
Nous avons rehaussé légèrement la cartographie obtenue avec l’OCT Topcon 2000 pour correspondre au champ visuel. Nous avons modifié l’échelle de couleurs pour séparer nettement 191
imagerie
Figure 3 – À gauche, le complexe ganglionnaire complet avec ses fibres optiques : la délimitation du complexe ganglionnaire
Figure 4 – Nous avons rehaussé l’image brute, sans la trahir,
est la plus expressive car elle montre l’atteinte complète de
pour mieux distinguer les zones saines en “fluo”, des zones
l’unité ganglionnaire allant de la papille à la macula. À droite,
pathologiques, sombres. Sur les coupes verticales, l’apoptose de
la délimitation des corps cellulaires et plexiformes se focalise
la rétine inférieure est évidente sur le complexe ganglionnaire,
sur la recherche de la maculopathie glaucomateuse, qui est
entre les lignes rouges, en comparaison avec la partie supé-
sectorielle dans cet exemple, ou diffuse dans d’autres cas, et en
rieure saine. Il faut toujours vérifier la segmentation automa-
général proportionnelle à la gravité de la maladie.
tique avant de porter un diagnostic.
les zones saines des zones malades. Dans ce but, nous avons légèrement rehaussé l’image brute, pour mieux mettre en évidence les zones riches qui apparaîtront en “fluo”. Nous avons minutieusement élaboré ce rehaussement pour sa cohérence avec le champ visuel. Nous avons déterminé qu’il n’y avait pas de perte visuelle significative dans les régions où le complexe ganglionnaire dépasse 70 microns (Fig. 6). La cartographie soulignera les zones supérieures à 70 microns, qui correspondent aux zones normales du champ visuel. Par contraste, cette méthode met bien en évidence les atteintes arciformes sombres qui partent de la papille pour s’étaler en éventail vers le pôle postérieur, gage d’une bonne segmentation. Nous verrons plus loin qu’il n’est pas facile de prédire la fonctionnalité de ces zones inférieures à 70 microns.
Clé numéro 7
Nous traçons ensuite une ligne rouge pour mettre en évidence les asymétries du complexe ganglionnaire. 192
L’asymétrie supérieure versus inférieure et droite versus gauche devient évidente grâce à une ligne rouge dérivée de l’ETDRS 6 mm que nous avons adaptée au glaucome. Le cercle rouge est conçu pour délimiter le “plateau ganglionnaire”, zone du pôle postérieur la plus riche en cellules. Il est facile de voir que les zones ganglionnaires riches l’affleurent ou le dépassent. Avec l’âge, une diminution diffuse du complexe ganglionnaire rétinien est habituelle et doit être prise en compte (Fig. 7).
Clé numéro 8
La ligne rouge met facilement en évidence les trois principales atteintes glaucomateuses. La ligne rouge nous a permis de décrire trois éléments sémiologiques nouveaux en matière d’atteinte structurale arciforme. - L’enfoncement en coin signant un début d’arciforme en temporal supérieur ou en temporal inférieur sur deux zones de faiblesse, pauvres en fibres ganglionnaires,
ainsi que l’atteinte du faisceau supérieur ou inférieur. - La marche temporale par atteinte asymétrique, correspondant à la marche nasale du champ visuel. - Le grignotage du plateau ganglionnaire localisé ou généralisé au niveau de la convexité (Fig. 8).
Clé numéro 9
La base normative et la ligne rouge repèrent les atteintes débutantes. La ligne rouge est souvent plus sensible que le RNFL pour les atteintes débutantes car, d’une part, la région temporale a moins de variation anatomique que la région papillaire et, d’autre part, les fibres ganglionnaires y sont plus étalées. La ligne rouge combinée à l’échelle colorée semble être un repère commode et intuitif de normalité. Ces trois éléments sémiologiques peuvent être associés ou non. Ils permettent dans certains cas difficiles d’aider au diagnostic (Fig. 9, 10, 11 et 12).
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Figure 5 – Contradiction structure et fonction du fait d’un
Figure 6 – Coupe verticale illustrant la limite de 70 microns.
champ visuel non fiable. Il s’est normalisé avec l’apprentissage.
Le complexe ganglionnaire inférieur, qui est à 65 microns,
La cartographie et le RNFL sont normaux.
correspond à un scotome absolu et les fibres optiques y ont quasiment disparu. Le complexe ganglionnaire supérieur est à 75 microns et a gardé une assez bonne sensibilité bien que son épaisseur normale soit de l’ordre de 100 microns.
Figure 8 – Identification de trois nouveaux éléments sémiologiques du glaucome. 1 : Enfoncement en coin de la ligne rouge Figure 7 – Cartographies normales à 40 et 82 ans : atteinte
indiquant une atteinte arciforme à l’émergence papillaire.
diffuse modérée avec l’âge par perte neuronale. Il n’y a norma-
2 : Marche temporale par asymétrie d’atteinte supérieure vs
lement jamais d’atteinte sectorielle ou d’asymétrie. La ligne
inférieure, correspondant à la marche nasale du champ visuel.
rouge est débordée par richesse ganglionnaire chez le sujet
3 : Grignotage du plateau ganglionnaire délimité avec la ligne
jeune, juste atteinte chez le sujet âgé. Le bourrelet ganglion-
rouge, par l’atteinte d’un faisceau arqué. Ces trois atteintes
naire s’affaisse avec l’âge.
peuvent être associées.
Clé numéro 10
Les atteintes du champ visuel doivent correspondre aux zones en apoptose sur l’OCT. Dans notre pratique, c’est une observation quasiment jamais prise en défaut pour les cellules ganglionnaires : tout scotome doit correspondre à une atteinte importante du complexe ganglionnaire (Fig. 13) ou doit se trouver dans le prolongement d’une arciforme (Fig. 14). En cas de désaccord, il faut recontrôler le champ visuel. Si le désaccord persiste il faudra
rechercher une atteinte dans la chaîne de transmission visuelle (photorécepteurs, cellules bipolaires, radiations optiques, cortex visuel). Dans une étude personnelle de 57 glaucomes avec au total 753 points analysés, 91 % des points ayant un déficit allant de -6 à -35 dB sont situés sur des zones de complexe ganglionnaire inférieures à 70 microns.
Clé numéro 11
Les zones saines et riches n’ont en règle générale pas de perte de
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sensibilité. Si un scotome correspond à une zone saine, il faut remettre en question le champ visuel ou chercher une autre anomalie dans la chaîne de transmission visuelle. Dans notre étude, 87 % des points situés sur un complexe ganglionnaire plus épais que 70 microns ont une déviation individuelle de sensibilité comprise entre -3 dB et +3 dB (Fig. 15).
Clé numéro 12 L ’a t t e i n t e
structurale 193
imagerie
Figure 9 – Asymétrie droite-gauche chez un emmétrope. L’œil
Figure 10 – RNFL dans la norme pour les deux yeux, mais
gauche est globalement dans la norme pour le RNFL, la carto-
montre une asymétrie droite-gauche pour le faisceau tem-
graphie et la base normative. Pour l’œil droit, le RNFL est dans
poral sup. Sémiologie : marche temporale OG, grignotage du
la norme basse, la cartographie aidée de la ligne rouge montre
plateau en temporal sup. OG : c’est un glaucome, confirmé
le grignotage du plateau, confirmé par la base normative gan-
par l’atteinte temporale supérieure sur la base normative
glionnaire : c’est un glaucome.
ganglionnaire.
Figure 11 – Sémiologie : marche temporale, grignotage du plateau : c’est déjà un glaucome. Le RNFL et le champ visuel sont proches de la normale et n’apportent aucune certitude.
Figure 12 – RNFL dans la norme basse et champ visuel normal.
La base normative dépiste une atteinte modérée du complexe
Cartographie : enfoncement en coin supérieur, confirmé par la
ganglionnaire en temporal inférieur.
base normative. C’est un glaucome.
194
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Complexe ganglionnaire et glaucome
Figure 14 – Atteinte du RNFL en temporal inférieur et marche nasale périphérique concordante sur le champ visuel. Elle se Figure 13 – Très bonne corrélation structure et fonction avec
trouve sur le prolongement de l’arciforme, ce qui confirme sa
atteinte absolue de l’hémichamp visuel supérieur. Les zones
réalité. Cartographie : forte marche temporale s’approchant
riches en complexe ganglionnaire de l’hémirétine supérieure
dangereusement de la fovéa, alors que l’atteinte du champ
ont préservé la sensibilité de l’hémichamp inférieur.
visuel paraît très éloignée du centre et peu menaçante.
Figure 16 – Nette anticipation de l’atteinte structurale sur Figure 15 – Bonne correspondance structure et fonction : les
l’atteinte fonctionnelle : le RNFL et la cartographie montrent
zones riches n’ont pas de perte fonctionnelle, alors que les
une atteinte sévère du faisceau temporal inférieur, alors que le
zones en apoptose sont fortement déficitaires. Notez un début
champ visuel est rassurant. On surveillera de près la fonctionna-
d’atteinte du faisceau papillo-fovéolaire.
lité de la zone atteinte.
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imagerie
Figure 18 – Atteinte diffuse certaine sur la cartographie. Le RNFL est limite par endroits et le champ visuel normal. La cartographie “fluo” combinée à la ligne rouge apporte la certitude Figure 17 – RNFL atteint en temporal inférieur. Sémiologie : gri-
de l’atteinte anatomique. Il s’agit d’une atteinte modérée dif-
gnotage du plateau, enfoncement en coin à 6 h. On surveillera
fuse dont le diagnostic est classiquement difficile. Sémiologie :
l’apparition d’une marche nasale périphérique sur le champ
grignotage du plateau ganglionnaire qui n’atteint pas la ligne
visuel.
rouge. Enfoncement en coin de la ligne rouge à 12 h et 6 h.
ganglionnaire précède l’atteinte fonctionnelle décelable. La cartographie rehaussée permet de repérer les atteintes anatomiques débutantes (Fig. 16). De façon caractéristique, l’atteinte débute en général à la marge des gros troncs de fibres, sur un bord vasculaire, souvent en temporal inférieur, et s’étale en éventail vers le pôle postérieur (Fig. 17). Des atteintes diffuses sont possibles dont le diagnostic est difficile par les moyens classiques et plus aisée avec la ligne rouge (Fig. 18). Dans notre expérience, toute atteinte du champ visuel est accompagnée d’une atteinte anatomique correspondante sur l’OCT Wide du complexe ganglionnaire, alors que l’examen papillaire isolé ignore 20 à 30 % des glaucomes.
À travers les exemples montrés, il apparaît que ce sont les derniers microns de l’amincissement ganglionnaire qui sont corrélés au profond déficit visuel. La perte totale de la fonctionnalité survient dans une fourchette située entre 50 et 70 microns et varie d’un patient à l’autre, et même d’une région à l’autre sur le même œil (Fig. 19). Un nombre restreint de cellules ganglionnaires survivantes suffit à maintenir une certaine sensibilité lumineuse (Fig. 20). Le champ visuel reste indispensable pour suivre ces zones car la fonctionnalité des cellules ganglionnaires en apoptose n’est pas résumée par leur épaisseur (Fig. 21). Cependant, la disparition totale de la réflectivité des fibres nerveuses rétiniennes correspond toujours à un scotome profond à cet endroit (Fig. 6).
Clé numéro 13
Clé numéro 14
Les zones en apoptose ont une sensibilité variable et imprévisible en OCT. 196
La périphérie rétinienne ganglionnaire n’est pas explorable en OCT.
En périphérie, la couche ganglionnaire est fine, de l’ordre de 60-70 microns, et il y a peu de différence entre les zones saines et les zones pathologiques ; on ne peut plus se baser sur l’épaisseur locale du complexe ganglionnaire. Cela n’a pas d’importance, car l’atteinte des fibres nerveuses rétiniennes et du complexe ganglionnaire a toujours un aspect arciforme qui prend son départ au niveau de la papille ou à proximité. Sur un OCT englobant la papille et la macula, tous les faisceaux sont analysés sur une bonne partie de leur trajet. Même si la rétine temporale extrême est hors du champ de l’OCT, les atteintes périphériques du champ visuel seront authentifiées si elles se trouvent sur le prolongement d’une arciforme (Fig. 14 et 24).
Clé numéro 15
Le moindre scotome peut maintenant être authentifié ou rejeté.
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Complexe ganglionnaire et glaucome
Figure 19 – Sur la cartographie et le RNFL : double atteinte arciforme qui semble d’égale profondeur. Il existe cependant une nette différence entre l’hémichamp supérieur assez préservé, de l’inférieur plus sévèrement atteint. Dans le même faisceau, des atteintes de profondeur différentes coexistent. Les rares
Figure 20 – Les zones saines sont bien identifiées sans perte
zones anatomiquement saines ont gardé une bonne sensibilité.
visuelle, mais la profonde atteinte arciforme a une sensibilité
La cartographie identifie avec certitude les zones épargnées
variable sur son trajet, totalement en retard par rapport à
mais ne peut prédire la fonctionnalité des zones en apoptose.
l’atteinte anatomique.
Pour être validée, toute perte de sensibilité doit se trouver sur le trajet d’une atteinte anatomique ou dans son prolongement périphérique (Fig. 22). Cette contrainte est encore plus forte pour le champ visuel 10-2 dont l’atteinte doit correspondre à une apoptose localisée majeure du complexe ganglionnaire (Fig. 23), toujours évidente sur une coupe verticale de 6 à 9 mm.
Clé numéro 16
La surveillance du champ visuel et de son aggravation se focalisera sur les zones en apoptose. Le glaucome peut évoluer de deux façons : en surface, l’atteinte gagnant de nouveaux territoires, ou en profondeur, l’atteinte s’aggravant dans un faisceau donné. L’OCT du complexe ganglionnaire peut guider la surveillance de la fonction : il attire l’attention sur les zones arciformes
pathologiques quelquefois mieux que le RNFL (Fig. 24). Il éclaire également les fluctuations glaucomateuses du champ visuel (Fig. 25). Les faux négatifs sont repérés et différenciés des fluctuations caractéristiques du glaucome qui surviennent dans les zones en apoptose (Fig. 26).
Clé numéro 17
Tous les faisceaux peuvent être atteints par le glaucome. Les atteintes les plus redoutables sont celles du pôle postérieur et du faisceau maculaire : elles sont précocement identifiées en OCT du complexe ganglionnaire, souvent mieux que le RNFL (Fig. 15). L’atteinte du faisceau nasal est rare, mais possible (Fig. 27). Elle cause peu de handicap visuel.
Clé numéro 18
Le complexe ganglionnaire permet un suivi structurel jusqu’à
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l’agonie. Dans les glaucomes évolués, l’analyse de la papille et du RNFL n’est plus d’un grand secours pour suivre l’évolution. En revanche, le complexe ganglionnaire apporte des renseignements utiles tout au long de la maladie jusqu’aux stades ultimes, tant qu’il reste des zones un peu épargnées par l’apoptose (Fig. 28 et 29). La cartographie rehaussée permet la détection des zones encore fonctionnelles lorsqu’elles sont supérieures à 70 microns.
Clé numéro 19
La topographie de l’atteinte est un élément important pour différencier les glaucomes à pression normale des atteintes neurologiques. L’atteinte glaucomateuse est arciforme et surtout asymétrique par rapport à l’axe horizontal. Cette asymétrie est exploitée pour le champ visuel 197
imagerie
Figure 22 – La superposition de droite authentifie le scotome car il se trouve sur une forte atteinte anatomique. La superposition de gauche permet de rejeter le scotome qui ne correspond à aucune atteinte arciforme : c’est un faux négatif. L’intérêt de la superposition est immense pour distinguer les fausses atteintes des vraies atteintes fonctionnelles débutantes. Figure 21 – Double atteinte arciforme. Dans l’une la perte visuelle est plus marquée à l’émergence, dans l’autre elle prédomine en périphérie. Ni le RNFL ni la cartographie ne pouvait apporter cette information.
Figure 24 – Contradiction entre un RNFL encore dans la norme Figure 23 – Forte atteinte temporale inférieure. Le scotome
avec un champ visuel altéré en nasal inférieur. Cartographie :
paracentral isolé du 24-2 est beaucoup plus étendu sur le 10-2
marche temporale et grignotage du plateau ganglionnaire
qui reflète mieux l’atteinte anatomique. La répétition des tests
confortent le champ visuel. Ici, l’atteinte arciforme n’est
concentrée sur une petite surface semble épuiser les cellules
marquée qu’à distance de l’émergence papillaire, ce qui est la
ganglionnaires en apoptose.
source de la contradiction.
198
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Complexe ganglionnaire et glaucome
Figure 25 – Fluctuations d’un champ visuel refait plusieurs fois.
Figure 26 – Atteinte arciforme temporale inférieure avec ses
Il existe une forte atteinte arciforme temporale inférieure qui
trois signes caractéristiques : marche temporale, grignotage du
coïncide bien avec les pertes de sensibilité (cadres rouges),
plateau ganglionnaire et enfoncement en coin à 6 h. Cette atteinte
même si elles varient d’une fois sur l’autre. Le champ visuel
arciforme correspond à une perte modérée de sensibilité du champ
inférieur (cadres verts) est respecté et correspond bien aux
visuel. Les zones riches de la cartographie n’ont pas de perte
zones indemnes, ce qui atteste de la fiabilité des réponses. Les
visuelle sauf quelques points périphériques non reproductibles, qui
fluctuations du champ visuel sont un signe de souffrance des
sont en fait des faux négatifs. Il est fréquent que les champs visuels
cellules ganglionnaires.
mêlent le vrai et le faux. La cartographie permet de trancher.
Figure 28 – Glaucome très évolué. La région inter-papillomaculaire est encore préservée et correspond bien à l’épargne Figure 27 – Atteinte des fibres optiques sur le versant nasal de
du champ visuel. La cartographie rehaussée permet de suivre
la papille sur la cartographie et le RNFL. Le champ visuel est
le glaucome à tous les stades et montre bien les quelques
atteint en temporal (rare).
régions encore préservées.
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imagerie
Figure 30 – Atteinte neurologique débutante typique. A : Sur la cartographie, atteinte diffuse du bourrelet ganglionnaire avec inversion du gradient, la partie inter-papillo-fovéolaire est plus fine que la partie temporo-maculaire, contrairement à la norme et a fortiori au glaucome. B : Le faisceau temporal (papillo-maculaire) frôle la zone pathologique sur le RNFL. C : La base normative indique comme fortement pathologique le faisceau papillo-maculaire, avec un respect de la moitié temporo-maculaire. L’atteinte est symétrique horizontalement et asymétrique verticalement. D : Les gros troncs des fibres nerFigure 29 – Glaucome agonique. Les derniers ilots de complexe
veuses rétiniennes sont préservés, mais il existe (en jaune) une
ganglionnaire correspondent au champ visuel. Comme le
atteinte triangulaire du quadrant temporal des fibres optiques
champ visuel, la cartographie rehaussée permet de suivre le
papillaires. Tous ces éléments différencient une atteinte neuro-
glaucome jusqu’au stade terminal.
logique d’une atteinte glaucomateuse.
avec l’indice GHT et dans le rapport de certains OCT. En conséquence, il faut être attentif devant une atteinte diffuse et prépondérante sur le faisceau maculaire et les cellules ganglionnaires périfovéolaires. Le premier diagnostic alors à retenir n’est pas le glaucome, mais une atteinte neurologique. Cette imagerie peut donc aider à distinguer un glaucome à pression normale d’une pathologie neurologique (Fig. 30).
Clé numéro 20
Un dépistage du glaucome devient envisageable sur la base de l’OCT Wide rehaussé et accompagné de la ligne rouge. Nous avons colligé 57 superpositions 200
exploitables que nous avons effectuées à tous les stades. La cartographie Wide rehaussée permet généralement d’affirmer l’atteinte, y compris lorsque le champ visuel et le RNFL donnaient des diagnostics divergents ou rassurants. Rappelons qu’une pathologie oculaire concomitante peut rendre l’OCT ininterprétable.
En conclusion
Améliorer la corrélation entre l’atteinte structurelle et fonctionnelle est une voie qui paraît de plus en plus prometteuse. Les superpositions que nous présentons semblent rendre plus facilement identifiable une atteinte dès les stades initiaux
lorsque le RNFL ou le champ visuel sont “limites”, douteux ou contradictoires : les hésitations concernant les fibres papillaires ou le champ visuel semblent plus faciles à lever. Les stades intermédiaires montrent une atteinte anatomique toujours plus étendue que celle suggérée par le relevé du champ visuel. Le suivi est possible jusqu’au stade agonique. L’automatisation de la superposition structure et fonction sur le complexe ganglionnaire large champ faciliterait cette analyse qui pourrait alors devenir un standard. n
Mots-clés : Complexe ganglionnaire, Glaucome, Structure, Fonction
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