Po68 complet

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PRATIQUES EN

OPHTALMOLOGIE R E V U E

D I D A C T I Q U E

M É D I C O - C H I R U R G I C A L E d www.ophtalmologies.org

DMLA de stade 4

Plage d’atrophie géographique touchant le centre entourée de drusen de grande taille involutifs.

Cliché en autofluorescence correspondant avec hypoautofluorescence des zones atrophiques.

DMLA exsudative avec volumineux hématome maculaire.

Évolution fibrineuse de l’hématome.

Mise au point

Dégénérescence maculaire liée à l’âge Comment prévenir cette pathologie rétinienne ? Dr Aude Affortit Lecture critique

Chirurgie

En pratique

Analyse de deux publications récentes

Chirurgie réfractive : actualité sur les implants multifocaux

Noyaux durs : la technique de la pyramide inversée

page 216

page 220

Échos des congrès

Thérapeutique

PROFESSION

TFOS 2013 : les nouveautés en sécheresse oculaire

Première expérience d’un traitement par IVT d’aflibercept

Le médecin face aux conflits d’intérêts

page 228

page 238

page 214

page 223

Novembre 2013 • Volume 7 • n° 68 • 9 e



PRATIQUES EN

OPHTALMOLOGIE R E V U E

D I D A C T I Q U E

M É D I C O - C H I R U R G I C A L E

• Directeur de la publication : Dr Antoine Lolivier • Chef du Service Rédaction : Odile Mathieu • Rédactrice : Caroline Sandrez • Directrice de la Production : Gracia Bejjani • Assistante de Production : Cécile Jeannin •M aquette et illustration : Antoine Orry • Chef de publicité : Emmanuelle Annasse • Service Abonnements : Claire Lesaint • I mpression : Imprimerie de Compiègne 60205 Compiègne Rédacteur en chef Dr Pierre-Vincent Jacomet (Paris) Responsable éditorial

sommaire www.ophtalmologies.org

n Lecture critique

Choc anaphylactique après injection intracamérulaire de céfuroxime chez une patiente allergique à la pénicilline Chirurgie du trou maculaire sans positionnement face vers le sol mais pelage étendu de la limitante interne . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 214 Dr Guillaume Leroux Les Jardins (Paris)

Dr Michaël Assouline (Paris) Comité de Rédaction Dr Valérie Ameline (Le Sou médical-Groupe MACSF), Dr Corinne Bok-Beaube Dr Catherine Favard (Paris), Dr Eric Gabison (Paris), Dr Jacques Laloum (Paris), Dr Guillaume Leroux Les Jardins (Paris), Dr Benjamin Wolff (Paris) COMITé éDITORIAL Dr Isabelle Aknin (Vallauris-Golfe-Juan), Dr Cati Albou-Ganem (Paris), Dr Florence Coscas (Créteil), Dr Laurent Laloum (Paris) (Conseiller éditorial de la rédaction), Dr Gérard Mimoun (Paris), Dr Vincent Pierre-Kahn (Suresnes) Comité scientifique Pr Jean-Paul Adenis (Limoges), Pr Christophe Baudouin (Paris), Dr Yves Bokobza (Boulogne-Billancourt), Pr Antoine Brézin (Paris), Pr Alain Bron (Dijon), Dr Georges Caputo (Paris), Dr Sylvie Chokron (Paris), Pr Béatrice Cochener (Brest), Dr Salomon-Yves Cohen (Paris), Dr Howard Cohn (Paris), Pr Joseph Colin (Bordeaux), Pr Gabriel Coscas (Créteil), Dr Marie Delfour-Malecaze (Toulouse), Pr Paul Dighiero (Poitiers), Dr Serge Doan (Paris), Dr Olivier Gout (Paris), Dr Jean-Claude Hache (Lille), Pr Jean-François Korobelnik (Bordeaux), Dr Yves Lachkar (Paris), Dr Evelyne Le Blond (Grenoble), Dr Dan Alexandre Lebuisson (Suresnes), Pr Frédéric Mouriaux (Caen), Pr Jean-Philippe Nordmann (Paris), Dr Pascal Pietrini (Saint Herblain), Pr José Sahel (Paris, Strasbourg), Dr Monique Schaison (Paris), Dr Eric Sellem (Lyon), Dr Jean-Bernard Weiss (Paris) Pratiques en Ophtalmologie est une publication ©Expressions Santé SAS 2, rue de la Roquette Passage du Cheval Blanc • Cour de Mai 75011 Paris Tél. : 01 49 29 29 29 - Fax : 01 49 29 29 19 E-mail : contact@ophtalmologies.fr Site : www. ophtalmologies.org RCS Paris B 394 829 543 N° de Commission paritaire : 0314T88767 ISSN : 2106 – 9735 Mensuel : 10 numéros par an Les articles de “Pratiques en Ophtalmologie” sont publiés sous la responsabilité de leurs auteurs. Toute reproduction, même partielle, sans le consentement de l’auteur et de la revue, est illicite et constituerait une contrefaçon sanctionnée par les articles 425 et suivants du code pénal.

Novembre 2013 • Vol. 7 • N° 68

n chirurgie Chirurgie réfractive Actualité sur les implants multifocaux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 216

Dr Cati Albou-Ganem (Paris)

n En pratique

Noyaux durs La technique de la pyramide inversée ������������������������������������������������������ p. 220

Dr Christophe Chassain (Montpellier)

n échos des congrès

TFOS 2013 Les nouveautés en sécheresse oculaire. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 223

Dr Éric Gabison (Paris)

n Thérapeutique Néovaisseaux choroïdiens Première expérience d’un traitement par IVT d’aflibercept �������������� p. 228

Dr Florence Coscas, Pr Gabriel Coscas, Pr Éric Souied (Paris, Créteil)

n mise au point

Dégénérescence maculaire liée à l’âge Prévention. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 232

Dr Aude Affortit (Paris)

n PROFESSION

Le médecin face aux conflits d’intérêts Recommandations de bonnes pratiques. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 238 Benjamin Attali (Strasbourg)

n Bulletin d’abonnement ���������������������������������������������������������������� p. 218 n Petites annonces/agenda . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 241

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Lecture critique

Nous avons lu pour vous Publications récentes

Dr Guillaume Leroux Les Jardins*

Cataracte

Choc anaphylactique après injection intracamérulaire de céfuroxime chez une patiente allergique à la pénicilline 4 Anaphylactic reaction following intracameral cefuroxime injection during cataract surgery. Moisseiev E, Levinger E. J Cataract Refract Surg 2013 ; 39 : 1432-4.

second cas décrit dans la littérature L’utilisation de céfuroxime intracamérulaire à la fin de la chirurgie de la cataracte s’est beaucoup développée depuis la publication,en 2007, de l’étude de l’European Society of Cataract and Refractive Surgery (1). En France, l’Aprokam® (laboratoire Théa) a reçu une AMM en 2012 pour la prophylaxie de l’endophtalmie après chirurgie de la cataracte. En Europe, l’utilisation de cette prophylaxie est extrêmement variable en fonction des pays mais son usage tendrait à progresser (2). Le cas décrit correspond à la survenue d’un véritable choc anaphylactique (rash cutané, hypotension, désaturation, difficultés respiratoires, passage en réanimation) régressif après prise en charge adéquate. Il s’agissait d’une patiente de 64 ans, avec pour seuls antécédents une HTA et une allergie à la pénicilline, sans antécédent d’anaphylaxie. L’incident est survenu quelques minutes après la fin d’une chirurgie de la cataracte sans incident, sous anesthésie topique, conclue par l’injection intracamérulaire de céfuroxime (1 mg/0,1 mL). La prise en charge médicale immédiate de l’incident a été rendue plus délicate par le fait que ce chirurgien opérait sans anesthésiste.

L’allergie croisée pénicilline-céphalosporine de deuxième génération est rare La céfuroxime est une céphalosporine de 2e génération. Comme les différentes pénicillines, elle fait partie de la grande famille des bêta-lactamines. L’allergie à la pénicilline est fréquente mais le risque d’allergie croisée pénicilline-céphalosporine serait très rare, aux alentours de 1 % (3-4). Pour la céfuroxime, qui présente des *Cabinet d’Ophtalmologie, Paris ; Hôpital Hôtel-Dieu, groupe hospitalier Cochin–Hôtel-Dieu, Paris

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spécificités moléculaires, ce risque serait encore plus faible (5). Une étude récente (6) indique qu’en Angleterre 67 % des chirurgiens de la cataracte utilisent la céfuroxime même en cas d’allergie à la pénicilline. Pourtant, rapporté aux centaines de milliers de phacoémulsifications annuelles, ce risque d’allergie ne semble pas négligeable. Cette réaction anaphylactique à la céfuroxime intracamérulaire serait le second cas décrit (5). Ce cas démontre bien que, via la rupture de la barrière hémato-aqueuse liée à la chirurgie, l’exposition systémique à une dose minime d’antigène peut suffire à déclencher cette réaction allergique sévère. D’un point de vue pratique, il paraît toujours logique de s’enquérir des allergies connues du patient avant l’utilisation de céfuroxime et de l’éviter en cas d’allergie connue à la pénicilline. La surveillance postopératoire immédiate doit aussi prendre en compte ce risque. n

Tableau 1 - Exemple des taux variables d’utilisation de céfuroxime intracamérulaire après chirurgie de la cataracte d’après (2). Suède

France

Allemagne

90 % (2012)

40 % (2011)

Probablement < 20 %

Bibliographie 1. ESCRS Endophthalmitis Study Group. Prophylaxis of postoperative endophthalmitis following cataract surgery: results of the ESCRS multicenter study and identification of risk factors. J Cataract Refract Surg 2007 ; 33 : 978-88. 2. Behndig A, Cochener B, Güell JL et al. Endophthalmitis prophylaxis in cataract surgery: overview of current practice patterns in 9 European countries. J Cataract Refract Surg 2013 ; 39 : 1421-31. 3. Campagna JD, Bond MC, Schabelman E, Hayes BD. The use of cephalosporins in penicillin-allergic patients: a literature review. J Emerg Med 2012 ; 42 : 612-20. 4. Anne S, Reisman RE. Risk of administering cephalosporin antibiotics to patients with histories of penicillin allergy. Ann Allergy Asthma Immunol 1995 ; 74 : 167-70. 5. Villada JR, Vicente U, Javaloy J, Alió JL. Severe anaphylactic reaction after intracameral antibiotic administration during cataract surgery. J Cataract Refract Surg 2005 ; 31 : 620-1. 6. Gore DM, Angunawela RI, Little BC. United Kingdom survey of antibiotic prophylaxis practice after publication of the ESCRS Endophthalmitis Study. J Cataract Refract Surg 2009 ; 35 : 770-3.

Pratiques en Ophtalmologie • Novembre 2013 • vol. 7 • numéro 68


Lecture critique

Trou maculaire idiopathique

Chirurgie du trou maculaire sans positionnement face vers le sol mais pelage étendu de la limitante interne 4 No face-down positioning and broad internal limiting membrane peeling in the surgical repair of idiopathic macular holes. Iezzi R, Kapoor KG. Ophthalmology 2013 ; 120 : 1998-2003. Depuis les démarrages de la chirurgie du trou maculaire au début des années 1990 (1), des débats récurrents agitent les rétinologues concernant l’intérêt des différentes étapes opératoires possibles (pelage de la limitante, type de tamponnement, positionnement). Le positionnement strict face vers le sol peut être particulièrement délicat chez les patients âgés ou peu compliants.

Questions sur l’intérêt du positionnement postopératoire Il s’agit d’une étude rétrospective, monocentrique (Mayo Clinic, Rochester, Minnesota), mono-opérateur, concernant la prise en charge chirurgicale du trou maculaire idiopathique. L’intervention consistait en une vitrectomie 23 ou 25 gauges, pelage de la limitante interne jusqu’aux arcades vasculaires (sur environ 8 000 microns), échange fluide-air-SF6 20 % (non expansif ) avec une bulle complète. En postopératoire, il était demandé aux patients de garder une position type lecture (de 45° vers le bas) pendant trois à cinq jours. Il y avait 68 yeux opérés pour 65 patients. L’âge moyen était de 69 ans. Neuf patients (13,8 %) présentaient un trou maculaire persistant après échec d’une ou deux précédentes chirurgies. Le diamètre minimal du trou maculaire était en moyenne de 285 +/- 135 microns, dont 31 % de stade 2, 40 % de stade 3 et 29 % de stade 4.

Figure 1 - Pelage étendu de la limitante interne jusqu’aux arcades vasculaires.

trou maculaire < à 400 microns (moyenne de 300 microns), mais sans pelage de la limitante interne. Il était demandé aux patients de ne pas s’allonger sur le dos. Le taux de succès était de 91,3 %, sans différence entre les deux groupes. Pour expliquer ce taux élevé de 100 %, les auteurs discutent de l’effet biomécanique bénéfique du pelage très étendu de la limitante interne, censé relâcher au maximum les forces tangentielles au trou maculaire. En revanche, ils n’évoquent pas le risque de traumatisme des couches internes de la rétine lié à ce pelage. De plus, contrairement à ce que semble annoncer le titre, les patients de l’étude avaient quand même une forme de positionnement vers le bas. Cette position de 45° est probablement plus tolérable que celle face vers le sol strict. Au final, dans cette étude, c’est bien le pelage étendu de la limitante interne qui semble avoir permis un taux de succès à 100 % de fermeture pour les trous maculaires de petite dimension. n

Pelage étendu de la limitante interne + position “de lecture” = taux de succès de 100 % Lors du suivi postopératoire, le taux de succès (fermeture) était de 100 %. Ce taux de succès est intéressant car il est plus important que les taux précédemment publiés dans des études sans positionnement face vers le sol (2-3) pour des trous maculaires eux aussi de petite dimension (< 400 microns). En 2011, l’équipe de Lariboisière (2) ne retrouvait pas de différence entre positionnement vs pas de positionnement dans une série randomisée et contrôlée de 69 patients avec Pratiques en Ophtalmologie • Novembre 2013 • vol. 7 • numéro 68

Bibliographie 1. Kelly NE, Wendel RT. Vitreous surgery for idiopathic macular holes. Results of a pilot study. Arch Ophthalmol 1991 ; 109 : 654-9. 2. Tadayoni R, Vicaut E, Devin F et al. A randomized controlled trial of alleviated positioning after small macular hole surgery. Ophthalmology 2011 ; 118 : 150-5. 3. Nadal J, Delas B, Pinero A. Vitrectomy without face-down posturing for idiopathic macular holes. Retina 2012 ; 32 : 918-21.

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chirurgie

Chirurgie réfractive Actualité sur les implants multifocaux n Le Dr Cati Albou-Ganem, Présidente de la SAFIR, nous éclaire sur l’actualité des implants multifocaux. Avec un taux de satisfaction avoisinant les 100 %, cette chirurgie réfractive enthousiasmante est amenée à se développer...

Pratiques en Ophtalmologie : Quels sont les principes optiques (diffractifs, réfractifs, multifocaux) ? Dr Cati Albou-Ganem : Il y a deux types d’optiques, les implants réfractifs et les implants diffractifs. Les implants réfractifs sont composés de plusieurs zones de puissances différentes qui peuvent être, soit circulaires et concentriques, soit sectorielles. En fonction de la puissance, les rayons lumineux sont déviés sur un foyer plus ou moins proche. Les implants diffractifs reposent sur la diffraction de la lumière lorsque celle-ci rencontre un objet de forme aiguë (arête ou bordure) de dimension supérieure à la longueur d’onde. La lumière se diffracte différemment selon la forme de l’arête. La largeur des marches détermine la quantité d’addition. Quand les marches sont étroites, la lumière est diffractée sur un foyer proche. Quand les marches sont plus larges, la lumière est diffractée sur un foyer plus éloigné. Il existe des optiques qui associent des marches de tailles différentes, plus étroites au centre, donc la lumière est diffractée sur le foyer de près, et plus larges en périphérie, donc la lumière est diffractée sur le foyer de loin. La hauteur des marches détermine la quantité de lumière qui est déviée sur chaque foyer. Les deux modes d’action de ces implants multifocaux (MF) sont donc la réfraction, selon la puissance de la zone, ou la diffraction plus ou moins importante selon la forme des arêtes. Le but étant bien évidemment d’avoir, sur la même optique, une lumière qui est déviée sur un foyer de loin, un foyer intermédiaire (implants trifocaux) et un foyer de près. On ne sait pas restaurer l’accommodation, car il faudrait savoir redonner de la souplesse au cristallin, donc quelle 216

que soit la technique de chirurgie réfractive, il s’agit de créer une pseudo-accommodation, c’est-à-dire qu’on compense une perte d’accommodation par des systèmes divers et variés tels que les implants MF. P. O. : Comment fonctionne la trifocalité des iols diffractifs ? Dr C. A.-G. : Le concept des implants trifocaux est plus récent. Il résulte de la superposition de deux réseaux diffractifs bifocaux d’addition différente. C’està-dire une optique diffractive avec un foyer de loin et un foyer de près collée sur une optique diffractive avec un foyer de loin et un foyer intermédiaire. Ce qui ajoute une vision intermédiaire. P. O. : Qu’est ce qu’une optique apodisée ? Convoluée ? Dr C. A.-G. : Une optique apodisée est une optique dont la hauteur et la largeur des marches varient du centre vers la périphérie. Elles sont donc plus plates et plus larges en périphérie pour que la lumière se diffracte de manière préférentielle au centre vers le foyer de près et en périphérie vers le foyer de loin. Une optique convoluée est une optique apodisée avec des marches lissées. Aujourd’hui, toutes les marches sont lissées, le but étant de diminuer les effets secondaires induits (phénomènes de halos), c’est-à-dire d’augmenter la qualité de vision. Quasiment toutes les optiques sont lissées mais toutes les optiques ne sont pas apodisées. P. O. : Quels sont les avantages et inconvénients des iols MF ? Dr C. A.-G. : Le but est d’entraîner une pseudoaccommodation, donc de compenser la perte d’accommodation liée à la presbytie. L’objectif de ces implants Pratiques en Ophtalmologie • Novembre 2013 • vol. 7 • numéro 68


Chirurgie réfractive

MF est d’affranchir les patients d’un moyen de correction quel qu’il soit (lunettes ou lentilles). Les inconvénients sont liés au principe optique. Le partage de la lumière sur plusieurs foyers entraîne, d’une part, une perte de luminosité (les patients ont donc besoin de plus de lumière pour la lecture) et, d’autre part, des phénomènes de halos. Cependant, grâce à toutes les améliorations des optiques, comme le lissage des marches, les effets secondaires sont maintenant nettement atténués. Il existe par ailleurs une adaptation à ces optiques et les effets secondaires induits s’atténuent avec le temps. P. O. : Pourquoi ne sont-ils pas plus souvent proposés et posés ? Dr C. A.-G. : D’une manière générale, à l’heure actuelle, il y a environ 2 % d’implants MF posés. En revanche, les chirurgiens réfractifs, dont je fais partie, en posent 40 %. C’est donc très variable. Les implants MF pâtissent encore de leur réputation initiale. Car, il y a 10 ou 15 ans, les optiques étaient moins performantes, la chirurgie plus astigmatogène, donc les effets secondaires plus marqués. Par ailleurs, pour poser les bonnes indications il est indispensable de faire un long interrogatoire du patient, pour connaître ses habitudes, ses besoins visuels. Il faut également l’informer des avantages et des inconvénients de ces implants (besoin de plus de lumière, confort visuel qui s’améliore avec le temps et une fois les deux yeux opérés, etc.). C’est donc un examen beaucoup plus long que lorsqu’on traite une cataracte avec un implant classique car il faut déterminer si le patient est un bon candidat et quel type d’implant lui conviendra le mieux. Cela impose aussi un bilan plus complet. Si pour un implant classique monofocal, seul un calcul d’implant suffit, pour un implant MF il est nécessaire de neutraliser l’astigmatisme avec des incisions arciformes ou avec des implants MF toriques qui donnent des résultats plus précis et plus stables. L’astigmatisme est en effet très délétère sur la qualité de vision. La pose d’un implant MF nécessite donc un examen ophtalmologique plus long, un bilan plus complet et une chirurgie qui ne peut pas tolérer la moindre imperfection. Enfin, ces lentilles ont un surcoût et l’ophtalmologiste doit en informer le patient Pratiques en Ophtalmologie • Novembre 2013 • vol. 7 • numéro 68

Donc, au total, la pose d’un implant MF est une indication très chronophage et beaucoup d’ophtalmologistes n’ont pas le temps ou l’organisation nécessaire. P. O. : Quelles sont les indications et les contreindications ? Dr C. A.-G. : Il faut bien évidemment un examen ophtalmologique strictement normal, sans antécédent, que la cornée soit parfaitement claire et qu’il n’y ait pas de sécheresse oculaire parce que toute imperfection diminue la qualité de vision. Le patient doit être informé des aléas et les accepter (besoin de plus de lumière pour la lecture, halos en conduite nocturne ce qui contre-indique ces implants chez les patients conduisant la nuit, etc.). Le patient ne doit pas avoir d’exigences que l’on ne pourra satisfaire car il est actuellement impossible de recouvrer la vue de ses 20 ans. Il faut donc choisir un patient acceptant, pour avoir un affranchissement à la correction, un petit prix à payer, financier mais aussi fonctionnel. Il faut enfin qu’il accepte, dans certaines circonstances, une éventuelle correction, qui est en réalité rarement prescrite. Si ces conditions sont remplies les résultats sont excellents, le taux de satisfaction très élevé et le service rendu important. P. O. : Y a-t-il un bilan particulier à prévoir ? Dr C. A.-G. : Le plus souvent, en plus du calcul d’implant qui doit être particulièrement précis car la moindre erreur de calcul entraîne une baisse des performances visuelles de l’implant, il est important d’analyser la morphologie de la cornée. Personnellement, je réalise systématiquement une topographie de la cornée pour quantifier l’astigmatisme, analyser son axe et éliminer tout astigmatisme asymétrique qui serait une contre-indication à un implant multifocal. Il est conseillé également de compléter l’examen de la rétine par un OCT maculaire. Le bilan est donc plus lourd que pour l’implantation monofocale. P. O. : Que proposer si l’emmétropie n’est pas parfaitement obtenue ? Dr C. A.-G. : Il y a plusieurs possibilités. La première solution consiste à changer l’implant pour corriger l’erreur réfractive. La chirurgie est d’autant plus aisée que l’on est proche de l’intervention. Il faut attendre cependant la stabilisation de la réfraction. C’est la solution la plus logique. Cependant, la taille des incisions actuelles est réduite (entre 1,5 et 2 mm), ce qui impose des manipulations plus nombreuses, et parfois risquées pour l’endothélium, pour couper la lentille en trois ou quatre morceaux si l’on 217


chirurgie

ne veut pas élargir l’incision ce qui pourrait induire un astigmatisme également délétère pour la réfraction et la qualité de vision. La deuxième solution est le laser excimer. Je la privilégie personnellement, pour plusieurs raisons, même si l’on ajoute un geste cornéen au geste cristallinien. En effet, le risque chirurgical, endothélial, maculaire et de rupture capsulaire existe au cours du changement d’implant. Les erreurs réfractives sont en général minimes donc faciles à corriger au laser, on peut y ajouter la correction d’un astigmatisme préopératoire ou induit, la précision du laser et sa sécurité ne sont plus à démontrer et la prédictibilité est identique à celle d’un laser de première intention. Enfin, l’implantation en piggy-back est une autre

solution séduisante. Elle consiste à implanter dans le sulcus une lentille au design spécifique, de grand diamètre hors tout, concave en arrière afin de corriger l’erreur réfractive sphérique et même cylindrique. En conclusion, les résultats de la chirurgie du cristallin avec implantation multifocale sont excellents à condition de bien poser l’indication, d’avoir un calcul d’implant précis et une chirurgie parfaite. Le taux de satisfaction avoisine les 100 %. L’information des patients, en particulier sur les potentiels effets secondaires, est indispensable. Ceux-ci sont cependant rares et s’atténuent avec le temps. Le meilleur candidat pour commencer est un patient hypermétrope non astigmate de 65 ans. Si le calcul d’implant est bon, les suites seront simples et les patients très satisfaits, ce n qui encouragera l’ophtalmologiste à continuer.

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En pratique

Noyaux durs La technique de la pyramide inversée Dr Christophe Chassain*

Introduction L’abord des noyaux durs représente toujours un défi pour les chirurgiens du segment antérieur. La technique de la pyramide inversée peut être utilisée dans cette indication. C’est une variante du Divide and Conquer, reproductible et facile à acquérir. Le principe essentiel est de retirer le maximum de matériau dans la partie antérieure du cristallin tout en laissant un sillon postérieur étroit et facile d’accès permettant d’effectuer un cracking traditionnel.

Description • L’incision en cornée claire doit être la plus radiaire possible afin d’éviter brûlure et problème d’étanchéité en fin d’intervention. • Le rhexis doit être large pour permettre de retirer le maximum de volume lors du premier étage de la pyramide. Un colorant bleu est souvent utile pour mieux voir la capsule dans ces cataractes à mauvaise lueur pupillaire. • L’hydrodissection est souvent difficile à visualiser en raison de l’opacité du noyau mais elle doit être complète pour ne pas sollici-

*Clinique Beau-Soleil, Montpellier

220

A

B

Figure 1 - A : 1er étage bevel up (3 sillons). B : 1er étage bevel down (cratère).

ter une zonule souvent fragile, lors de la rotation des héminoyaux. • L’appareil de phacoémulsification est réglé en mode sculpture, avec les niveaux de vide et d’aspiration préprogrammés pour les noyaux durs. • Le premier sillon (ou étage) de la pyramide peut être effectué avec la sonde en position standard vers le haut (bevel up), de la largeur de 3 sillons standard. Si le noyau est excessivement dur, il est préférable de tourner la sonde vers le bas (bevel down) en laissant agir les ultrasons d’avant en arrière tout en progressant de proche en proche, ce qui permet de ne pas solliciter la zonule. On peut également retirer le maximum de noyau possible en choisissant d’effectuer une ablation plus large, en cratère, limitée par les bords du rhexis (Fig.1). • Le deuxième étage de la pyramide doit être effectué sonde en position standard vers le haut

(bevel up), (exceptionnellement en bevel down si noyau grade 5), en creusant sur une largeur de 2 sillons standard, en suivant les 2 crêtes centrales du premier étage. Un ou plusieurs passages seront effectués selon la dureté du noyau. Il faut avancer à la vitesse que permet la dureté du noyau, sans mobiliser la zonule (Fig.2). • Le troisième étage ou sommet de la pyramide est effectué au milieu des 2 sillons précédents, en suivant la crête centrale à leur intersection, de la largeur d’un sillon standard. Il sera creusé le plus profondément possible afin d’obtenir à la fois un mur de hauteur suffisante et un plancher fragile. Lorsque la lueur pupillaire est suffisamment claire, on peut tenter la nucléofracture en posant micromanipulateur et sonde de phacoémulsification au fond du sillon, et en les éloignant l’un de l’autre. Si le noyau ne craque pas, ou bien de façon incomplète, ne pas hésiter à poser directement la sonde sur le plancher, afin de mieux apprécier

Pratiques en Ophtalmologie • Novembre 2013 • vol. 7 • numéro 68


Noyaux durs

par le toucher l’épaisseur restante à retirer mais également pour ne garder qu’une seule variable dans la délivrance des ultrasons. En effet, lorsque l’on reste éloigné du fond du sillon, ce sont à la fois la distance extrême de la sonde-plancher du sillon, ainsi que la pression sur la pédale du phacoémulsificateur qui vont varier. Il est plus sécurisant de rester au contact du plancher et d’appuyer sur la pédale d’abord à la limite inférieure entre les positions 2 et 3, puis en augmentant doucement la pression sur la pédale. On vérifie l’action de la sonde, en avançant sur de courtes distances et en revenant régulièrement en arrière jusqu’à ce qu’un effet d’ablation tissulaire soit visible. On essaie régulièrement de séparer les 2 héminoyaux jusqu’à ce que la fracture soit possible. Il faut alors s’assurer que la séparation des 2 héminoyaux est bien complète avant d’effectuer la rotation de 90° permettant d’aborder le premier héminoyau (Fig.3). • Les héminoyaux sont abordés selon le même principe que le noyau lui-même, en réduisant l’épaisseur en avant par un premier sillon double, au milieu duquel sera effectué un sillon postérieur étroit pour faciliter le cracking. Si le noyau est particulièrement induré, on peut aussi passer en mode CHOP (technique du stop-and-chop). L’appareil de phacoémulsification est alors passé en mode Quartier, et le CHOP est grandement facilité par l’espace central libre permettant de désengrainer plus facilement les fragments de noyau (Fig.4).

plan énergétique est certainement la technique du prechop d’Akahoshi (4), dont le but est de limiter au maximum l’énergie des ultrasons puisque la fracture est effectuée manuellement avant même l’utilisation du phacoémulsificateur.

Figure 2 – 2e étage = 2 largeurs de sillons.

est d’emblée attaqué par le chopper, ou bien le stop-and-chop qui commence par une nucléofracture. Le phaco-chop est plus économe en ultrasons que le stop-and-chop (1) ou pour certains seulement dans les noyaux les plus denses (2), mais il n’y a pas de différence de perte endothéliale, ni de variation d’épaisseur cornéenne entre les 2 techniques (1-3). Par contre la technique du phacochop est plus difficile à acquérir, avec en particulier un risque plus élevé de complication au niveau du rhexis (3). La méthode la plus économe sur le

A

La technique de la pyramide peut être considérée comme la première étape du stop-and-chop. Le temps de sculpture qui génère le plus d’ultrasons est encore augmenté par rapport à un stop-andchop classique, puisque les sillons sont plus larges dans la partie antérieure du noyau. Il est donc probable que l’énergie délivrée soit supérieure avec une pyramide et même une pyramide-chop, qu’avec les 2 techniques de chop classique. Cependant, avec une pyramide, la majorité de l’énergie est délivrée pendant la phase de sculpture, en arrière de l’iris, et à distance de la cornée, ce qui n’est pas le cas du phaco-chop où les fragments sont émulsifiés près de l’endothélium. L’énergie d’ultrasons délivrée n’est sans doute pas un critère qui suffit

B

Figure 3 - A : 3e étage = 1 sillon standard. B : Fracture complète en 2 héminoyaux.

Discussion Pour de nombreux chirurgiens, la technique de référence pour l’abord des noyaux durs est le CHOP, que ce soit le phaco-chop où le noyau

A

B

Figure 4 - A : Héminoyau pyramide. B : Héminoyau CHOP.

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221


En pratique

à lui-même : il faudrait également préciser où ces ultrasons sont délivrés, en fonction du plan irien. En effet, l’onde ultrasonore, en se propageant, cède une partie de son énergie au milieu : il y a absorption de l’énergie ultrasonore selon une loi exponentielle décroissante (Fig. 5). I = I0e-a.x avec I = intensité à la distance x ; I0 = intensité initiale ; e = base des logarithmes népériens ; a = coefficient d’absorption et x = distance à la source. C’est sans doute cette décroissance exponentielle de l’intensité ultrasonore qui explique l’absence de différence en microscopie spéculaire et en pachymétrie entre phaco-chop et stop-andchop (1- 3) : le stop-and-chop (et à un degré supérieur, la pyramide) produit davantage d’ultrasons, mais à distance de la cornée, et l’énergie délivrée effectivement au niveau de l’endothélium ne semble pas plus importante qu’en phaco-chop. Ainsi, aucune des cornées opérées avec la technique de la pyramide n’a présenté d’œdème, malgré certains noyaux extrêmes. Pour l’exemple présenté en figure 6, il s’agit d’une pyramide effectuée sans CHOP avec un phacoémulsificateur Infiniti (avant l’upgrade et la technologie IP) : le cratère en bevel down du premier étage a nécessité 40 mj d‘énergie en ultrasons, 30 supplémentaires pour terminer la sculpture, et 62 pour l’émulsification des quartiers dans

manipulateur, d’autant plus que le sommet de la pyramide est étroit.

100 75 50

25

0

1

2

3

4

cm

Figure 5 - Absorption des ultrasons

À cette nucléofracture initiale plus complète, s’ajoute le grand volume central libéré par la phase de sculpture : la libération des quartiers est ainsi facilitée, que les héminoyaux soient séparés en divide classique ou en stop-and-chop.

dans la matière.

le plan irien sans chopper : soit un total de 112 mj. Malgré ce chiffre exceptionnellement élevé, la cornée n’a pas souffert cliniquement. Le but de la technique de la pyramide n’est donc pas d’avoir le meilleur rapport énergie-efficacité mais plutôt le meilleur rapport sécurité-efficacité : il s’agit d’une technique sûre et abordable pour tous, en particulier pour les chirurgiens débutants.

Conclusion La technique de la pyramide inversée permet d’effectuer en toute sécurité la phase de sculpture des noyaux, jusqu’au cracking. Elle peut s’associer au bevel down pour le premier étage, ainsi qu’au CHOP pour l’émulsification des héminoyaux, ce qui en fait une variante du stop-and-chop dont elle facilite l’apprentissage. n

Mots-clés : Noyaux durs, Pyramide En effet, la pyramide, en association avec la technique du bevel down pour les noyaux les plus durs, permet d’effectuer très facilement la première nucléofracture : l’ablation d’un grand volume de noyau avec la sculpture des 2 premiers étages laisse un accès optimal pour le dernier sillon autant pour la visualisation de la lueur pupillaire et donc l’appréciation de la profondeur, que pour les instruments : la sonde de phacoémulsification va progresser sans à-coup, même en cas de sculpture très profonde, et peut être positionnée sans difficulté sur le plancher du sillon pour un cracking efficace à l’aide du micro-

inversée

Bibliographie 1. Pereira AC, Porfírio F Jr, Freitas LL, Belfort R Jr. Ultrasound energy and endothelial cell loss with stop-and-chop and nuclear preslice phacoemulsification. J Cataract Refract Surg 2006 ; 32 : 1661-6. 2. Park JH, Lee SM, Kwon JW et al. Ultrasound energy in phacoemulsification: a comparative analysis of phaco-chop and stop-andchop techniques according to the degree of nuclear density. Ophthalmic Surg Lasers Imaging 2010 ; 41 : 236-41. 3. Vajpayee RB, Kumar A, Dada T et al. Phacochop versus stop-and-chop nucleotomy for phacoemulsification. J Cataract Refract Surg 2000 ; 26 : 1638-41. 4. Akahoshi T. Phaco prechop: manual nucleofracture prior to phacoemulsification. Operative Tech Cataract Refract Surg 1998 ; 1 : 69-91. 5. Joo CK, Yeong Hoon K. Phacoemulsification with a bevel-down phaco tip: Phacodrill. J Cataract Refract Surg 1997 ; 8 : 1149-52.

Figure 6 - A : M. P. : préopératoire. B: M. P. : 1er étage. C : M. P. : J + 8.

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échos des congrès

TFOS 2013 Les nouveautés en sécheresse oculaire Dr Éric Gabison*

Introduction Si les sécheresses oculaires ont des facteurs favorisants et des modes de révélation multiples, l’atteinte cornéenne constitue le signe de gravité essentiel qui guide leur pronostic et la démarche thérapeutique. Le dernier congrès du TFOS (Tear Film and Ocular Society) a été l’occasion de présenter les dernières avancées dans la compréhension de cette pathologie qui touche plusieurs millions de patients dans le monde.

Origines des lésions cornéennes au cours des sécheresses oculaires Si le cercle vicieux reliant la dégradation du film lacrymal aux lésions de la surface oculaire fait l’objet d’un consensus international, son point de départ est différemment interprété en Occident (Europe/ États-Unis) et au Japon. Ainsi, l’augmentation de l’osmolarité des larmes est, pour les Européens et les Américains, à l’origine d’une inflammation qui initie les lésions de la surface oculaire. Pour les équipes japonaises, l’instabilité du film lacrymal est l’élément central qui induit des lésions mécaniques de frottement entre les conjonctives tarsales et palpébrales, contribuant ainsi aux lésions de la surface oculaire. Ces différentes approches *MCU-PH, Fondation Adolphe de Rothschild, Hôpital Bichat, Paris

expliquent la place primordiale des recherches dans le domaine des anti-inflammatoires chez les uns (dont la ciclosporine topique) et dans le domaine de l’amélioration du film lacrymal chez les autres (dont l’acide hyaluronique et les sécrétagogues) respectivement. Le rébamipide (sécrétagogue et anti-inflammatoire) et le diquafosol (sécrétagogue, agoniste P2Y2) sont en cours de développement pour le traitement des sécheresses oculaires. Ces molécules, déjà commercialisées au Japon, améliorent les signes et/ou les symptômes dans différents travaux présentés au congrès, tant chez l’animal (modèles murins de sécheresse oculaire) que chez l’Homme (blépharospasme, GVH, meibomites, etc.).

La kératite ponctuée superficielle : osmolarité et métalloprotéinases La KPS observée lors du test à la fluorescéine correspond à la rupture des jonctions serrées qui permet la diffusion du colorant entre les cellules de la surface épithéliale cornéenne. Sa présence est l’élément déterminant de la sévérité des sécheresses oculaires.

Figure 1 – Cornée de souris, co-marquage inducteur de MMP (rouge) et jonction serrée (vert). Haut : souris sauvage ; milieu : souris déficiente pour inducteur de MMP ; bas (souris déficiente pour MMP-9). Notez la présence intense du marquage des jonctions

Nous avons récemment identifié un lien direct entre l’osmolarité et l’induction d’une enzyme de la famille des métalloprotéinases (la MMP-9), par les cellules épithéliales de la cornée. Cette enzyme, induite par l’osmolarité élevée, est

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serrées en absence de MMP ou de leur inducteur.

capable de cliver les occludines, l’un des constituants principaux des jonctions serrées. Nous avons de plus identifié le mécanisme 223


échos des congrès

d’induction de cette enzyme par l’osmolarité, EMMPRIN ou CD147, dont l’expression augmente avec l’osmolarité. De manière intéressante, les souris déficientes pour cette enzyme ou pour la MMP-9 ont une augmentation de la présence des jonctions serrées à la surface de l’épithélium cornéen (Fig. 1). De nouveaux inhibiteurs des MMP aux propriétés protectrices sur la surface oculaire ont été présentés et notamment la molécule clusterine qui posséderait des propriétés inhibitrices de la MMP-9. Cette molécule, diminuée au cours des sécheresses oculaires, pourrait en représenter une nouvelle approche thérapeutique. En pratique clinique, nous disposons ou disposerons prochainement de molécules capables de diminuer les conséquences de l’osmolarité sur la surface oculaire, soit directement (osmoprotecteurs dont glycérol, érythritol, L-carnitine ou tetrahalose), soit indirectement en inhibant les MMP (Nacetyl cystéine malheureusement encore conservée, azythromycine topique ou per os, doxycycline per os).

Sécheresse oculaire et neuropathie cornéenne Les symptômes tels que l’impression de grain de sable sous-palpébral ou la douleur généralement associée à la KPS pouvant manquer, la recherche d’une atteinte cornéenne doit être systématique. La présence de KPS chez des patients asymptomatiques, confirme la complexité de la physiopathologie de la sécheresse oculaire. Une étude de dépistage de la KPS chez plus de 400 patients asymptomatiques a révélé sa présence crois224

Figure 2 – Rupture du film lacrymal (gauche : en l’absence d’une KPS ; droite : en présence d’une KPS).

sante en fonction de l’âge. Avant l’âge de 40 ans, sa prévalence est de moins de 4 % pour atteindre plus de 20 % après 70 ans. Une des pistes poursuivies pour expliquer la célèbre “dissociation des signes et des symptômes” est la notion de neuropathie cornéenne induite par la sécheresse. Cette neuropathie pourrait être induite par l’augmentation de l’osmolarité des larmes et aggravée par la présence de conservateurs dans les collyres instillés à la surface de l’œil.

Instabilité du film lacrymal avec ou sans KPS ? L’apparition de plages sèches fluo avant 10 secondes lors du test de temps de rupture du film lacrymal (BUT-Break up time) est généralement attribuée à une instabilité du film lacrymal. Ce test, qui serait plus sensible que le test de Schirmer pour le diagnostic de sécheresse oculaire, peut cependant être perturbé par des anomalies du glycocalyx à la surface de l’épithélium cornéen ou par une KPS (Fig. 2). Lors du congrès, de nouveaux éléments de sémiologie du temps de rupture lacrymal ont été proposés, distinguant parmi les patients ayant un temps de rupture lacrymal inferieur à 5 secondes ceux ayant une KPS et un test de

Schirmer diminué et ceux ayant un Schirmer normal et une absence de KPS (groupe “film lacrymal instable”). Une sous-population de ces patients atteints de “film lacrymal instable” présenterait une rupture immédiate punctiforme en de multiples endroits du film lacrymal et une symptomatologie particulièrement sévère malgré des signes cliniques modérés (détérioration de leur qualité de vision et de leur acuité visuelle fonctionnelle). Les pathologies et facteurs favorisant cette instabilité du film lacrymal sont les dysfonctionnements meibomiens et les déficits aqueux modérés “infracliniques”, les anomalies des mucines membranaires (toxiques ou inflammatoires), les causes environnementales telles que l’air conditionné ou les lentilles de contact.

Blépharites et sécheresses oculaires : de plus en plus étudiées… De nombreuses études ont confirmé les effets bénéfiques des macrolides et des tétracyclines dans la prise en charge des blépharites postérieures. Dans une

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TFOS 2013

étude française en double insu randomisée et sponsorisée par les Laboratoires Théa, des cures répétées d’azithromycine collyre ont significativement amélioré les symptômes de patients atteints de meibomites.

Réaction du greffon contre l’hôte La réaction du greffon contre l’hôte est une atteinte inflammatoire liée à la reconnaissance allogénique de l’hôte par les cellules du greffon médullaire. L’atteinte de la surface oculaire est à l’origine de lésions de sécheresses sévères proches des lésions observables au cours du Syndrome de GougerotSjögren. Une analyse systématique et prospective de la surface oculaire de patients avant et après greffe de moelle suggère que l’atteinte oculaire de la réaction du greffon contre l’hôte serait plus fréquente et plus sévère chez les patients atteints de sécheresse oculaire avant la greffe de cellules souches hématopoïétiques. Une prise en charge précoce, voire même avant la greffe, pourrait permettre de diminuer les

conséquences de cette pathologie au niveau de la surface oculaire.

La lumière bleue : toxique pour la surface oculaire ? Alors que les effets secondaires de la lumière bleue et des ultraviolets sur la rétine et en particulier sur la macula ont été évoqués depuis de nombreuses années, des chercheurs japonais ont suggéré que la lumière bleue pouvait également avoir des effets néfastes sur la surface oculaire. Le Professeur Kazuo Tsubota, de l’université de Tokyo, a présenté des travaux suggérant que des rayons de lumière bleue du spectre visible, de haute énergie et possédant un fort potentiel oxydatif, avaient des effets néfastes sur la surface oculaire. Les LED d’ordinateurs qui contiennent jusqu’à 35 % de lumière bleue pourraient donc représenter des facteurs de risque de sécheresse oculaire. Ce spécialiste de la surface oculaire est depuis peu le président de la Société internationale de la lumière bleue qui a tenu son premier congrès en juin dernier ! Outre

Encadré - Facteurs pouvant influencer la tolérance des lentilles Modification des délais avant remplacement de la lentille. Changement de composition de la lentille. Traitements additionnels : - larmes artificielles ; - inserts lacrymaux ; - occlusion méatique ; - suppléments alimentaires ; - azythromycine/doxycicline. Suppression des produits d’entretien (lentilles journalières). Modification de l’environnement extérieur : - modifier le clignement ; - changer le type de lentilles (rigides/souples) ; - port de lunettes correctrices ; - orthokératologie ; - chirurgie réfractive.

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les règles d’hygiène telles que l’intensification du clignement ou l’instillation d’agents mouillants lors du travail sur écran, le port de lunettes dont les verres filtreraient une partie du spectre bleu pourrait diminuer le stress oxydatif et le présumé inconfort qui lui est attribué.

Une sécheresse oculaire sur l’œil controlatéral des patients atteints de kératite herpétique récidivante Une étude française rapporte la présence d’anomalies de la surface oculaire sur les yeux “sains” de patients atteints de kératites herpétiques récidivantes. L’équipe du Professeur Labetoulle a de plus démontré que ces sécheresses étaient d’autant plus sérieuses que l’atteinte herpétique controlatérale était sévère.

Des greffons cornéens bientôt protégés des récidives herpétiques ? Notre équipe a rapporté les résultats préliminaires d’une étude de thérapie génique à visée antiherpétique. Nous avons mis au point des modèles in vitro, ex vivo et in vivo visant à évaluer l’effet cytopathogène du virus de l’herpès. Dans ces modèles, nous avons rapporté les effets bénéfiques d’une thérapie génique protégeant des greffons cornéens des récidives herpétiques en détruisant spécifiquement l’ADN viral.

Inconfort oculaire et lentilles de contact La TFOS a également abordé l’inconfort oculaire associé au port de lentilles de contact. Lors du Contact Lens International Workshop, un groupe international d’experts a fourni un cadre 225


échos des congrès

de travail pour les futures études dans ce domaine. L’inconfort lié au port de lentilles de contact a été défini comme une condition associée à une gêne oculaire permanente ou épisodique attribuée au port de lentilles de contact. Cette pathologie peut ou non s’accom-

pagner d’altération de la fonction visuelle et résulte d’une diminution de la compatibilité entre la lentille et la surface oculaire. Elle peut conduire à une diminution de la durée voire à une discontinuation de l’utilisation des lentilles. La prise en charge thérapeutique de

ce type de patients a été discutée et confrontée aux publications internationales (encadré). n

Mots-clés : TFOS, Sécheresse oculaire

Bibliographie 1. www.TFOS2013.org 2. Doan S, Gabison E, Chiambaretta F et al. Efficacy of azithromycin 1.5% eye drops in childhood ocular rosacea with phlyctenular blepharokeratoconjunctivitis. J Ophthalmic Inflamm Infect 2013 ; 3 : 38. 3. Liu Y, R. Kam W, Ding J, A. D. Influence of azithromycin on human meibomian gland epithelial cells. TFOS 2013, Taormina. 4. Versura P, Giannaccare G, Bonifazi F et al. Predictivity of tear parameters in the onset of ocular graft versus host disease (GVHD) dry eye after hematopoietic stem cell transplantation (HSCT). TFOS 2013, Taormina. 5. Seo Y, Ji Y, Shim J et al. Co-Expression of COX-2 and MMP9 in dry eyeInduced mouse lacrimal glands. TFOS 2013, Taormina. 6. Uchino Y, Mauris J, Dieckow J et al. Galectin-3 contributes to the

226

ocular surface inflammatory response. TFOS 2013, Taormina. 7. Lema C, Redfern R. Toll-like receptor agonists increase in vivo and in vitro expression of matrix metalloproteinases. TFOS 2013, Taormina. 8. Hosotani H, Shirasaki H. Therapeutic effects of rebamipide eye drops for short-but type dry eye. TFOS 2013, Taormina. 9. Takano H, Kinoshita N, Shimmura-Tomita M et al. The 2% rebamipide eye drop treatment for dry eye. TFOS 2013, Taormina. 10. Gabison E, Labetoulle M, Gailledrat M et al. Toward a tissue and gene therapy of herpes related corneal blindness. TFOS 2013, Taormina. 11. Labetoulle M, M’Garrech A, Rousseau A et al. Tear secretion impairment as a function of severity of herpetic keratitis. TFOS 2013, Taormina.

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thérapeutique

Néovaisseaux choroïdiens Première expérience d’un traitement par IVT d’aflibercept Dr Florence Coscas*, Pr Gabriel Coscas*, Pr Éric Souied**

introduction Les remarquables progrès actuels dans la prise en charge de la dégénérescence maculaire liée à l’âge dans la forme exsudative ouvrent toujours de nouveaux horizons, d’une part, grâce à l’imagerie multinodale et ses développements et d’autre part grâce à de nouvelles molécules qui permettront de mieux adapter le choix thérapeutique en fonction de la forme clinique et de la réponse au traitement.

Figure 1 - Imagerie multimodale pour diagnostic. Anastomose choriorétinienne avec décollement de l’épithélium pigmentaire, décollement séreux rétinien, logettes cystoïdes sur deux couches, effraction de l’épithélium pigmentaire et altérations de l’ellipsoïde (couches externes – photorécepteurs), points hyperréflectifs. CMT : 510 µm. AV : 20/160, M+).

I

l devient donc indispensable de préciser des stratégies sur mesure et adaptées en tenant compte des diverses approches thérapeutiques validées par les études cliniques, contrôlées et randomisées (1-8). Les résultats des études les plus récentes concernent les effets des anti-VEGF par injection intravitréenne dans le cas de néovaisseaux choroïdiens liés à la dégénérescence maculaire liée à l’âge. Ils montrent une amélioration significative de l’acuité visuelle pour les yeux traités qui perdure au-delà de la deuxième année (1-8).

Ces résultats se retrouvent dans la vie courante avec l’utilisation du ranibuzimab depuis plusieurs années. Un nouvel anti-VEGF a actuellement reçu son AMM et a montré, lors des études View 1 et View 2 (10-12), des résultats de non-infériorité avec un nombre d’IVT moindre en deux ans, et des injections espacées tous les deux mois pendant la première année après la phase d’induction (versus des injections fixes mensuelles), suivies d’un PRN capé lors de la seconde année pour les deux molécules (Pro Renata soit “à la demande” avec injection systématique trimestrielle).

*Consultation d’Ophtalmologie, Centre hospitalier intercommunal de Créteil ; Université Paris Est, Créteil ; Centre de l’Odéon, Paris **Consultation d’Ophtalmologie, Centre hospitalier intercommunal de Créteil ; Université Paris Est, Créteil Correspondance : gabriel.coscas@gmail.com

Nous présentons un premier cas clinique de néovaisseaux choroïdiens dans leur forme anas-

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tomose choriorétinienne (ACR) avec décollement de l’épithélium pigmentaire (DEP), diagnostiqués et surveillés par imagerie multimodale, angiographie à la fluorescéine, angiographie au vert d’indocyanine et OCT couplé grâce au HRA Spectralis Heidelberg pour évaluer avec précision, l’évolution clinique de ce patient.

Observations Il s’agit d’une femme de 84 ans qui a présenté une dégénérescence maculaire liée à l’âge bilatérale, ayant d’abord évolué à l’œil droit, au cours des années 2000 avec des néovaisseaux choroïdiens de type visible, juxtafovéolaires. Ceuxci ont bénéficié d’un laser thermique, focal, et aucune récidive

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Néovaisseaux choroïdiens

n’a été observée avec une acuité visuelle à 20/80. Cette patiente a présenté, en mai 2013, une baisse d’acuité visuelle de l’œil gauche à 20/160 avec des métamorphopsies évoluant depuis quinze jours.

Figure 2 - OCT en eye tracking (ART 50) trois jours après la première IVT d’aflibercept. Régression du DEP gardant une cavité optiquement vide, régression des logettes

L’imagerie initiale a permis de poser le diagnostic de décollement de l’épithélium pigmentaire (DEP) avec effraction liée à une ACR active, exsudative et décompensée sans hémorragie sous-rétinienne ni vasculopathie polypoïdale (Fig.1). La patiente a bénéficié d’une phase d’induction de 3 IVT d’aflibercept avec consultation mensuelle durant ces cinq mois (échantillons mis à disposition par le laboratoire, après AMM). Dès le troisième jour, puis au huitième jour, apparaissent : - un affaissement partiel du DEP ; - une diminution notable du décollement séreux rétinien (DSR) ; - une régression débutante des logettes cystoïdes. Puis, à un mois, le DEP est pratiquement à plat, sans effraction, et la partie discrètement décollée surmonte une cavité hyperréflective. Le DSR et les logettes cystoïdes ont disparu. La CMT passe de 510 µm à 287 µm. Seuls quelques points hyperréflectifs persistent. L’acuité visuelle est remontée de deux lignes, à 20/100, avec disparition des métamorphopsies (Fig. 2 et 3). La patiente a poursuivi sa phase d’induction et, après la troisième IVT d’anti-VEGF à un mois (Fig. 4), il est constaté une dépression fovéolaire à plat avec une normalisation de l’épithélium pigmentaire qui reste irrégulier, lié aux drusen, une bonne visibilité et une intégrité correcte de la jonction articles internes-ar-

cystoïdes. CMT : 432 µm.

Figure 3 - OCT en eye tracking (ART 50) à huit jours après la première IVT d’aflibercept. Affaissement du DEP notable mais encore partiellement hyporéflectif, disparition des logettes et du fluide intrarétiniens. CMT : 365 µm.

Figure 4 - OCT en eye tracking (ART 50) à un mois après la première IVT, avant la seconde. DEP plat et hyperréflectif sans fluide intra et sous-rétinien. CMT : 287 µm. AV : 20/125.

ticles externes et de la limitante externe, l’absence de matériel de surcharge, l’absence de fluide intra ou sous-rétinien, l’absence de récidive. Actuellement, deux mois après la phase d’induction, il ne s’est pas présenté de récidive et l’épithélium pigmentaire est quasiment à plat sans effraction ni fluide, il reste irrégulier. Le gain d’acuité visuelle est conservé (Fig. 5).

Discussion Dans les études View 1 et 2 (9), le traitement de patients naïfs par aflibercept a montré un gain d’acuité visuelle de 8,4 lettres et une diminution de l’épaisseur maculaire de 139 µm à un an avec 7,5 injections.

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Les cas cliniques de dégénérescence maculaire liée à l’âge exsudative avec décollement de l’épithélium pigmentaire peuvent nécessiter d’effectuer de nombreuses IVT d’anti-VEGF de ranibuzimab, et un switch vers un autre anti-VEGF peut permettre d’obtenir de bons résultats, ce qui n’exclut pas des récidives et des besoins d’inversion de switchs (1519). La tolérance à cette thérapeutique s’est montrée particulièrement satisfaisante, aussi bien sur le plan local que sur le plan général, pendant toute la durée du suivi sans aucune modification du tonus oculaire ni manifestation inflammatoire, aucune anomalie sur l’état général non plus, comme les études randomisées l’avaient prouvé (3). 229


thérapeutique

La surveillance ultérieure va reposer sur la détection de reprise évolutive, progressive, ou par rebonds ou aggravation brutale, à l’occasion de l’interruption d’un traitement ou d’un espacement du traitement, ce qui nécessite une surveillance régulière, mensuelle, de ce décollement de l’épithélium pigmentaire, même cicatrisé. Il apparaît actuellement légitime de surveiller mensuellement ce patient, avec un examen clinique ophtalmologique et les examens d’imagerie du fond d’œil, comportant au minimum des photographies monochromatiques et clichés couleurs associés aux examens en OCT (13-14) et aux examens en angiographie trimestriellement.

Figure 5 - OCT en eye tracking (ART 50) cinq mois après la première IVT, soit après trois IVT d’aflibercept. Normalisation de la dépression fovéale avec EP présentant des drusen confluant en un DEP plat non-vascularisé. AV stabilisée à 20/100 et CMT : 242 µm.

Conclusion

Ce premier cas de real life en pratique courante d’aflibercept ouvre de nouvelles alternatives thérapeutiques chez des patients présentant ce type de NVC avec décollement de l’épithélium pigmentaire par anastomose choriorétinienne pour lequel nous observons la disparition totale de tout fluide et la normalisation de l’épithélium pigmentaire rétro-

fovéal avec une amélioration rapide de l’acuité visuelle au décours de la phase d’induction. n Les auteurs n’ont aucun droit de propriété sur les matériaux utilisés dans cette étude.

Mots-clés : DMLA, Aflibercept, Néovaisseaux choroïdiens

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Mise au point

Dégénérescence maculaire liée à l’âge Prévention Dr Aude Affortit*

Introduction La DMLA est une pathologie rétinienne acquise affectant électivement la région centrale de la rétine responsable de la discrimination des hautes fréquences spatiales (lecture), de la vision des couleurs et du champ visuel central. Si la DMLA de forme néovasculaire peut être traitée, la forme atrophique est majoritaire et ne bénéficie à ce jour d’aucun traitement curatif, d’où l’intérêt d’un traitement préventif.

P

remière cause de malvoyance après 50 ans dans les pays occidentaux (1) et d’incidence croissante, la DMLA constitue un enjeu de santé publique. En Allemagne, par exemple, une étude de 2011 a montré que cette pathologie représentait 50 % des causes de malvoyance, loin devant le glaucome et la rétinopathie diabétique, et que cette proportion s’élèverait à 57 % en 2030 (2). Avant d’exposer les moyens de prévention possibles de la DMLA, les mécanismes physiopathologiques supposés de cette pathologie seront rappelés ainsi que ses facteurs de risque et sa classification qui définit différents stades de progression, les stades précoces ou “précurseurs” constituant un risque de développer ultérieurement un stade plus sévère.

*Fondation ophtalmologique Adolphe-de-Rothschild, Paris

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Physiopathologie de la DMLA Le stress oxydatif est le mécanisme principal des altérations rétiniennes constituant progressivement une DMLA (3). Le cycle visuel produit physiologiquement des radicaux libres oxygénés qui, compte tenu de leur toxicité, doivent être éliminés de façon constante par un système dit “antioxydant”. Le renouvellement permanent des segments externes des photorécepteurs par l’épithélium pigmentaire contribue à cette élimination des radicaux libres, tout comme le pigment xanthophylle qui joue un double rôle d’antioxydant et de filtre vis-à-vis des ultraviolets (UV). Plusieurs enzymes utilisant notamment le cuivre comme cofacteur et certaines vitamines comme les vitamines C et E participent également à ce système antioxydant. Des mécanismes inflammatoires et ischémiques sont également impliqués dans la physiopathologie de la DMLA.

Facteurs de risque Âge La DMLA est une pathologie multifactorielle, l’âge constituant le principal facteur de risque. Une étude récente de la prévalence de la DMLA aux États-Unis chez les plus de 60 ans l’estimait à 13,4 % pour les formes précoces et 2,2 % pour les formes tardives (4).

Facteurs ethniques Des facteurs ethniques entrent également en jeu, les sujets caucasiens étant préférentiellement atteints.

Facteurs environnementaux Certains facteurs environnementaux comme le tabagisme (supérieur à 10 paquets/année) et l’obésité sont des facteurs de risque avérés ; le rôle négatif des UV, bien que très fortement suspecté, reste quant à lui hypothétique (5).

Facteurs génétiques Le caractère familial de la DMLA a été observé de longue date. Le risque relatif de développer une DMLA pour un sujet ayant un antécédent familial de la maladie est approximativement multiplié par 4 (6). Deux principaux gènes de prédisposition à la DMLA ont été à ce jour identifiés. Le premier est le gène du CFH (facteur H du complément) situé sur le chromosome 1. Un individu porteur d’un allèle muté de ce gène (hétérozygote) présente un risque accru de développer une DMLA avec un odds ratio entre 2 et 3 qui s’accroît encore si les deux allèles sont mutés (sujet homozygote). Le second gène de susceptibilité à la DMLA est le gène ARMS2 (Age Related Maculopathy Susceptibility) (7) situé sur le chromosome 10 qui code pour une protéine au rôle encore indéterminé. Il faut noter que les allèles à risque des gènes CFH et ARMS2 sont fréquents dans la population générale, qu’ils confèrent un risque important de développer une DMLA et que ces

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Dégénérescence maculaire liée à l’âge

risques se combinent entre eux. Ainsi, un individu double homozygote (porteurs de deux allèles mutés du gène CFH et du gène ARMS 2) présente un risque considérable de développer une DMLA avec un odds ratio de 57,6 (7).

Classification de la DMLA selon l’AREDS

L’AREDS 1 (Age Related Eye Disease Study) (8) est la grande étude prospective, multicentrique et randomisée menée aux États-Unis entre 1992 et 1998 à l’initiative du National Eye Institute, qui a confirmé l’intérêt d’une supplémentation en vitamines antioxydantes et en minéraux à visée préventive dans la DMLA. La classification de la DMLA utilisée dans l’AREDS est essentiellement fondée sur l’aspect du fond d’œil et définit quatre stades. - Stade 1 : absence d’anomalies ou petits drusen (de taille inférieure à 63 microns) non extensifs. - Stade 2 : petits drusen extensifs, drusen intermédiaires (entre 63 et 125 microns) ou anomalies pigmentaires sur au moins 1 œil. - Stade 3 : drusen intermédiaires extensifs, grands drusen (de taille supérieure à 125 microns) ou atrophie géographique non centrale sur au moins 1 œil. - Stade 4 : DMLA avancée (atrophie géographique touchant le centre ou néovascularisation choroïdienne) ou acuité visuelle < 20/32 attribuable à des lésions de DMLA précoce.

Les stades 2 et 3 constituent la maculopathie liée à l’âge (MLA) (Fig. 1) qui peut être asymptomatique ou se traduire par un trouble de l’adaptation au changement d’ambiance lumineuse ou encore par un besoin accru d’éclairage lors de la lecture. Ces stades 2 et 3 prédisposent au développement d’un stade 4. Le stade 4 constitue la DMLA à pro-

Figure 1 - DMLA de stade 3, photos du fond d’œil. A : drusen séreux et intermédiaires. B : drusen séreux partiellement confluents. C et D : décollement de l’épithélium pigmentaire drusénoïde et hyperpigmentations.

Figure 2 - DMLA de stade 4. A : photos couleur objectivant une plage d’atrophie géographique touchant le centre entourée de drusen de grande taille involutifs. B : cliché en autofluorescence correspondant avec hypoautofluorescence des zones atrophiques. C : photo couleur d’une DMLA exsudative avec volumineux hématome maculaire. D : évolution fibrineuse de l’hématome.

prement parler (Fig. 2). Les symptômes associent de façon variable une baisse d’acuité visuelle prédominant en vision de près, des métamorphopsies et un scotome central. La DMLA atrophique, majoritaire, se caracté-

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rise par le développement progressif de plages d’atrophie rétinienne autour de la fovéa avec une tendance variable à l’extension notamment en position rétrofovéolaire. Comme dit plus haut, elle ne bénéficie à ce 233


Mise au point

jour d’aucun traitement curatif. La DMLA exsudative est définie par le développement de néovaisseaux choroïdiens de différents types selon leur comportement en OCT et angiographies (Fig. 3 et 4). Elle est désormais traitée par injections intravitréennes (IVT) d’anti-VEGF qui en ont considérablement amélioré le pronostic. Cette classification en quatre stades utilisée dans l’AREDS ne souligne pas l’importance des pseudo-drusen (9) dont on sait désormais qu’ils confèrent un risque important de développer une DMLA (Fig. 5).

Classification simplifiée Secondairement, en 2005, le rapport n°18 de l’AREDS (10) a établi une classification simplifiée permettant de déterminer le risque de développer une DMLA avancée à 5 ans en fonction des anomalies du FO. Ces dernières sont cotées comme suit : - présence de migrations pigmentaires sur 1 œil = 1 point ; - présence d’au moins 1 drusen séreux (de taille > 125 microns) sur 1 œil = 1 point. Les scores de l’œil droit et de l’œil gauche s’additionnant, la présence de drusen intermédiaires bilatéraux correspond à un score de 1 et l’existence d’une DMLA néovasculaire unilatérale à un score de 2. Ainsi, le risque de développer une DMLA avancée à 5 ans peut être estimé à : - score = 0 : 0,5 % - score = 1 : 3 % - score = 2 : 12 % - score = 3 : 25 % - score = 4 : 50 %

le risque global de DMLA Si elle est informative et permet de situer le patient en fonction de l’aspect de son FO, cette classification simplifiée ne tient pas compte du caractère multifactoriel de la 234

Figure 3 - Différents types de néovaisseaux choroïdiens. A : néovaisseaux visibles actifs en angiographie à la fluorescéine à 1 minute et B : 3 minutes, montrant une diffusion progressive de l’hyperfluorescence initiale. C et D : néovaisseaux occultes œil droit et gauche, stade tardif de l’ICG montrant une plaque hyperfluorescente. E et F : OCT spectral domain objectivant un discret soulèvement de l’épithélium pigmentaire isolé à droite et accompagné d’un décollement séreux rétinien à gauche.

DMLA. Pour déterminer au mieux le risque réel d’un individu de développer la maladie, l’ensemble des facteurs de susceptibilité (lésions précurseurs au FO mais également âge, tabagisme, indice de masse corporelle et facteurs génétiques) devraient être considérés. Cette approche globale du risque de DMLA a été modélisée par Seddon et al. (11) qui ont établi un algorithme déterminant le risque de développer une DMLA en fonction de son statut vis-à-vis de l’ensemble des facteurs de risque. À l’avenir, cet algorithme pourrait être utilisé en pratique clinique pour identifier les patients les plus à risque afin d’adapter au mieux les conseils préventifs et le rythme de surveillance.

La prévention de la DMLA Historique : l’étude AREDS 1 ❚Méthode ❚ Cette étude a étudié 3 557 sujets répartis en 4 groupes : le premier supplémenté par une association de vitamine C (500 mg), de vitamine E (268 mg) et de bêta-carotène (15 mg), le deuxième par zinc (80 mg) et cuivre (2 mg), le troisième à la fois par vitamines antioxydantes, cuivre et zinc, le quatrième par un placebo. ❚❚Résultats (12) Une réduction de 25 % du risque de progression de la DMLA a été observée dans le groupe de pa-

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tients présentant un stade 3 ou 4 de DMLA et traités par l’association de vitamines C et E, de bêtacarotène, de zinc et de cuivre, contrairement aux groupes traités par l’un ou l’autre de ces éléments seuls et aux groupes de patients présentant un stade plus précoce de MLA. Aucun effet secondaire majeur n’a été rapporté dans l’AREDS en dehors d’une coloration jaunâtre des téguments par ailleurs réversible. Par contre, un surrisque de cancer pulmonaire, associé à la supplémentation par bêta-carotène chez les fumeurs, a été attesté par deux études (13-14).

Une méta-analyse de Chong et al. (17) concluait récemment à la nécessité d’études randomisées supplémentaires pour attester for-

mellement l’intérêt d’une supplémentation par oméga-3. L’étude NAT-2 (18) (Nutritional AMD Treatment 2 Study) a étudié le délai de sur-

Oméga-3 et caroténoïdes Après l’AREDS 1, un faisceau d’arguments avait suggéré l’effet protecteur d’autres nutriments : les oméga-3 et les caroténoïdes. ❚❚Les oméga-3 Acides gras polyinsaturés, ils sont représentés d’une part par l’acide alpha-linolénique (ALA) à chaîne courte et, d’autre part, par l’acide docosahexaénoïque (DHA) et l’acide eicosapentaénoïque (EPA), tous deux à longue chaîne. L’ALA et l’EPA sont des précurseurs du DHA qui est fortement concentré dans les segments externes des photorécepteurs. Leur provenance est essentiellement alimentaire, l’organisme ne pouvant les synthétiser en quantité suffisante. Le DHA est très concentré dans les poissons gras (thon, sardines, maquereaux, saumon), l’ALA dans les huiles d’origine végétale (colza, soja, noix, germe de blé). Des études épidémiologiques ont montré que les sujets présentant une alimentation riche en oméga-3 et pauvre en acides gras polyinsaturés de type oméga-6 présentaient un moindre risque de DMLA (15-16).

Figure 4 - Anastomose choriorétinienne. A et B : au temps précoce et tardif de l’angiographie à la fluorescéine. C et D : en SD-OCT, volumineux œdème intrarétinien entourant l’anastomose en regard de laquelle un décollement de l’épithélium pigmentaire est identifiable. E : temps précoce de l’ICG montrant deux vaisseaux rétiniens juxtafovéolaires à l’extrémité dilatée semblant plonger de façon perpendiculaire vers une hyperfluorescence choroïdienne. F : ICG temps tardif, hot-spot.

Figure 5 - Pseudo-drusen réticulés. A : dépôts jaune pâle coalescents en réseau en supéro et inféromaculaire ainsi qu’au-delà de l’arcade vasculaire temporale supérieure. B : hypoautofluorescence de ces drusen. C : pseudodrusen hyporéflectifs en infrarouge. D : SD-OCT : dépôts hyperréflectifs de forme triangulaire situés au-dessus de l’épithélium pigmentaire.

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Mise au point

venue d’une DMLA néovasculaire dans le second œil de 300 sujets atteints de DMLA néovasculaire sur le premier œil, les uns étant, de façon randomisée, supplémentés par 840 mg/jour de DHA et 270 mg/ jour d’EPA, les autres par un placebo. Aucune différence significative en termes de délai de survenue d’une DMLA néovasculaire sur le second œil n’a été retrouvée entre ces deux groupes. Néanmoins, dans le sous-groupe de sujets supplémentés par DHA et présentant les taux membranaires de DHA les plus importants (reflet du taux sanguin), un risque significativement plus faible de développer une DMLA exsudative à 3 ans a été observé. ❚❚Les caroténoïdes La lutéine et la zéaxanthine composent physiologiquement le pigment xanthophylle maculaire où ils jouent un double rôle de filtre des courtes longueurs d’onde associé à une action antioxydante. Tout comme les oméga-3, leur source est essentiellement alimentaire. Ils sont présents à de fortes concentrations dans le cresson, les épinards, le chou vert, la laitue, les brocolis, les petits pois, le maïs et le jaune d’œuf. Leur rôle a d’abord été suggéré par des études épidémiologiques fondées sur des questionnaires alimentaires retrouvant un plus faible taux de DMLA chez les sujets à l’alimentation riche en légumes verts (1920). Une augmentation de la densité du pigment maculaire a d’autre part été observée chez des sujets supplémentés en lutéine et zéaxanthine (21). Des études interventionnelles de petite taille ont également suggéré l’effet bénéfique d’une telle supplémentation (22).

Les vitamines du groupe B Les vitamines B6, B9 et B12 interviennent dans le métabolisme de l’homocystéine en réduisant son taux 236

circulant. Dans la Blue Mountain Eye Study, une hyperhomocystéinémie ou un faible taux sanguin de vitamine B12 étaient associés à un risque plus élevé de DMLA (23). Une récente étude a retrouvé une diminution du risque de DMLA en cas de supplémentation en vitamines du groupe B dans une population très spécifique de femmes présentant une pathologie cardiovasculaire préexistante ou de multiples facteurs de risque (24). Le bénéfice d’une telle supplémentation dans une plus large population reste à démontrer.

L’étude AREDS 2 (25) Cette étude visait à évaluer l’effet d’une modification de la formulation initiale de l’AREDS, à savoir d’une part, l’adjonction d’oméga-3 et/ou de lutéine et zéaxanthine et, d’autre part, la suppression du bêta-carotène (risque de cancer pulmonaire chez les fumeurs) et/ou la réduction de la dose de zinc à 25 mg (correspondant à la dose maximale absorbée). ❚❚Méthode Les 4 203 participants de l’étude AREDS 2 présentaient soit des drusen bilatéraux de grande taille, soit des drusen de grande taille sur un œil et une DMLA avancée sur l’autre. Une double randomisation a eu lieu. Les patients ont reçu la formulation de l’AREDS 1 associée à des caroténoïdes (10 mg/j de lutéine et 2 mg/j de zéaxanthine) ou à des oméga-3 (650 mg/j d’EPA et 350 mg/j de DHA) ou à l’association des deux ou à un placebo. Parallèlement, la formule originale de l’AREDS était laissée telle quelle ou modifiée : dépourvue de bêta-carotène, moins dosée en zinc ou les deux. ❚❚Résultats Une réduction du risque de DMLA à 5 ans de l’ordre de 30 % a été observée dans tous les groupes. Ainsi, l’adjonc-

tion d’oméga-3 à la formulation de l’AREDS 1 n’a pas démontré de bénéfice supplémentaire, contrairement au faisceau d’arguments en faveur de ces molécules. Il faut néanmoins noter que les doses de DHA et d’EPA utilisées dans l’AREDS 2 étaient différentes de celles de l’étude NAT 2. L’ajout de lutéine et zéaxanthine n’a globalement pas non plus démontré d’effet protecteur supplémentaire sauf dans le sous-groupe de patients présentant un apport nutritionnel faible en lutéine et zéaxanthine, la diminution du risque de DMLA dans ce sous-groupe concernant la forme néovasculaire de DMLA. La suppression du bêta-carotène et la diminution de la dose de zinc a par contre été validée par cette étude.

Que faire en pratique ? En prévention primaire Chez le sujet sain, indemne de DMLA, il n’existe pas suffisamment de preuves scientifiques pour conseiller une supplémentation en micronutriments (1). On peut conseiller une éviction des facteurs de risque (tabagisme, surpoids) associée à une alimentation riche en vitamine C (poivrons, kiwis, agrumes), vitamine E (huiles et margarines végétales), zinc (huîtres, coquillages, pain complet, foie) et caroténoïdes. Une prévention ciblée des individus présentant un risque relatif de DMLA élevée du fait de leurs variants génétiques pourrait à l’avenir être indiquée (26) mais n’est pas encore d’actualité.

En prévention secondaire Pour diminuer le risque de développer une DMLA sévère ou retarder sa survenue chez les sujets présentant une DMLA de stade 3 ou 4 sur un œil, la conduite à tenir théorique est cette fois mieux codifiée et comprend : • Les règles hygiéno-diététiques précédemment citées : arrêt du tabac,

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réduction pondérale et alimentation variée. Il faut toutefois préciser que le surrisque lié à la consommation de tabac n’est annulé qu’après 20 ans de sevrage. • Une association d’antioxydants fidèle à l’étude AREDS 2, seule supplémentation formellement validée. • Une supplémentation éventuelle en oméga-3 qui, pour l’heure, ne s’appuie pas sur des preuves scientifiques formelles mais dont le rôle bénéfique reste pressenti avec en tout cas des effets secondaires minimes.

quels compléments alimentaires ? Pour conseiller au mieux le patient, la notion de supplémentation “fidèle à l’AREDS” mérite d’être précisée. Une étude sur les pratiques de prévention de la DMLA en Grande-Bretagne

(27) a récemment montré que, si de nombreux praticiens conseillaient une supplémentation à leurs patients présentant des lésions précurseurs au FO, la formulation conseillée était souvent éloignée de l’AREDS, notamment sous-dosée, et n’était donc pas adaptée aux preuves scientifiques actuelles. En France, pour conseiller une formulation adaptée, le praticien se heurte à un écueil de taille qui tient au dosage des compléments alimentaires actuellement disponibles. Les compléments alimentaires sont en effet régis par une réglementation d’abord européenne puis française (décret n°2006-352 du 20 mars 2006 qui transpose la directive européenne n°2002/46/CE, disponibles sur www.legifrance.gouv.fr et europa.eu). Ces lois distinguent les compléments alimentaires des médica-

ments et limitent strictement leur composition et leur dosage. À titre d’exemple, la dose journalière maximale (DJM) de vitamine C que peut légalement contenir un complément alimentaire est de 180 mg/j alors que la dose de vitamine C journalière de l’AREDS est de 500 mg/j. La vitamine C est par ailleurs autorisée dans le Vidal à la posologie journalière de 1 000 mg/j dans l’indication “asthénie de l’adulte”, un surdosage possible survenant au-delà de 2 000 mg/j. Ainsi, si l’on peut conseiller aux patients certains compléments alimentaires qualitativement conformes au cocktail de l’AREDS, ceux-ci restent quantitativement éloignés des doses supranutritionnelles de l’étude. n

Mots-clés : DMLA, Prévention, AREDS

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PROFESSION

Le médecin face aux conflits d’intérêts Recommandations de bonnes pratiques Benjamin Attali*

introduction Le conflit d’intérêts est un sujet dont la maîtrise par le médecin devient à double titre indispensable. D’une part, le contexte social actuel voit une crise de confiance généralisée se développer au point que les autorités politiques françaises aient avancé la nécessité d’une moralisation. D’autre part, plus spécifiquement concernant le monde médical, les crises liées à certains traitements et certains laboratoires pharmaceutiques entraînent une certaine suspicion de la société à l’encontre du milieu médical. Et quand le contexte général croise le contexte médical, comme dans le cas d’une affaire désormais célèbre d’un ancien médecin devenu ministre, à qui il est notamment demandé des comptes sur ses liens avec l’industrie pharmaceutique, le choc a une ampleur particulière. Le praticien est donc contraint d’être informé sur les conflits d’intérêts et d’adopter de bonnes pratiques en la matière.

Les principales situations de conflits d’intérêts pouvant être vécues par le médecin Le praticien peut se trouver principalement dans deux situations de conflits d’intérêts : le conflit d’intérêts à l’occasion du traitement médical d’un patient et le conflit d’intérêts à l’occasion d’un acte d’information médicale lié à l’industrie pharmaceutique.

Traitement médical d’un patient Concernant le conflit d’intérêts à

Il n’existe pas de définition légale spécifique du mot “intérêt”. Le dictionnaire Larousse donne la définition suivante : « Souci de ce qui va dans le sens de quelque chose, de quelqu’un, qui leur est favorable, constitue pour eux un avantage. » Un intérêt est donc un état d’esprit tourné vers le bénéfice de soi-même ou vers un autre intérêt, celui de quelque chose ou de quelqu’un.

*Avocat, ATTALI ASSOCIÉS, Strasbourg avocats@attali-associes.fr

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Pour le médecin, quatre catégories d’intérêts se présentent : - l’intérêt personnel du médecin (satisfaction personnelle, intérêt financier...) ; - l’intérêt du patient ; - l’intérêt de la santé publique (intérêt général) ; - l’intérêt d’une autre personne physique (un proche du patient...) ou morale (laboratoires pharmaceutiques...). Le cumul d’intérêts n’est pas problématique lorsque tous ces intérêts sont respectés et qu’aucun n’est sacrifié ou amoindri au bénéfice d’un autre. Le problème se pose lorsqu’un intérêt est privilégié au détriment d’un autre. Dans ce cas, une situation de conflit apparaît. Pratiques en Ophtalmologie • Novembre 2013 • vol. 7 • numéro 68

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Que recouvre la notion d’intérêt pour le médecin ?


Le médecin face aux conflits d’intérêts

l’occasion du traitement médical d’un patient, le praticien fera face à une contradiction entre l’intérêt de son patient et l’intérêt d’une autre personne. Le conflit peut opposer l’intérêt d’un patient à celui ou ceux d’un ou des proches. Un exemple prégnant d’une telle situation est celui de la circonstance dans laquelle se trouvera le médecin face à un désaccord entre le patient et sa famille à propos de l’arrêt d’un traitement (l’hypothèse maximale ouvrant la question de l’euthanasie) ou d’une interdiction de certaines activités (professionnelles, sportives…). Le conflit peut aussi opposer l’intérêt d’un patient à celui d’un laboratoire pharmaceutique. La prise en compte de l’intérêt d’un laboratoire lors de la prescription d’un médicament ou lors de la proposition de participation à un traitement nouveau n’est pas exclue. Le praticien pourrait en effet avoir des prédispositions psychologiques ou pourrait intentionnellement prendre en compte, en raison d’un lien avec un laboratoire pharmaceutique, l’intérêt de ce dernier. Ce qui pourrait orienter ses décisions médicales et influencer son exercice médical. Par exemple, face au choix de prescriptions de plusieurs médicaments, le praticien pourrait avoir tendance à se focaliser sur les bénéfices et minimiser les risques d’un médicament produit par un laboratoire pharmaceutique avec qui il entretient une relation particulière. Cependant, l’existence d’un tel conflit est a minima circonscrit par le secret médical faisant obstacle à la transmission

d’informations sur l’état ou le traitement médical particulier d’un patient à un laboratoire pharmaceutique et donc à une influence directe et volontaire sur une prescription médicale par un laboratoire pharmaceutique.

Information médicale liée à l’industrie pharmaceutique Concernant le conflit d’intérêts à l’occasion d’un acte d’information médicale liée à l’industrie pharmaceutique, le praticien se trouvera confronté essentiellement à une rivalité entre l’intérêt d’un laboratoire pharmaceutique et l’intérêt de la santé publique. Cet acte d’information peut être écrit ou oral. En effet, cette situation peut se révéler à l’occasion d’une publication médicale (publication d’un article dans une revue, publication d’un compte-rendu de conférence ou de congrès...), ou à l’occasion d’une intervention orale (lors d’une conférence, dans les médias...). Dans cette hypothèse, le médecin pourrait se trouver en situation de conflit entre un intérêt de santé publique et un intérêt particulier d’un laboratoire pharmaceutique. Ainsi, il pourrait omettre ou amoindrir l’évocation des effets indésirables d’un médicament voire les risques importants liés à la prise d’un médicament. Il pourrait à l’inverse exagérer les bénéfices d’un médicament produit par un laboratoire pharmaceutique avec lequel il entretient une relation nourrie. Il pourrait, dans un exposé comparatif de plusieurs médicaments, faire preuve de partialité. Cependant, un cadre de conduites, même s’il ne couvre pas l’intégralité de la matière, s’est mis en place suite à l’édiction de certaines règles juridiques imposant certaines pratiques.

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Quel cadre juridique des pratiques pour la résolution du conflit d’intérêts ? En situation de conflit d’intérêts ou afin de s’en prémunir, le médecin devra respecter certaines règles impératives imposant l’adoption de certaines pratiques. Le serment d’Hippocrate prenait déjà en compte les problématiques de la probité et de l’indépendance du médecin : « Au moment d’être admis(e) à exercer la médecine, je promets et je jure d’être fidèle aux lois de l’honneur et de la probité. Mon premier souci sera de rétablir, de préserver ou de promouvoir la santé dans tous ses éléments, physiques et mentaux, individuels et sociaux. (...) Je ne me laisserai pas influencer par la soif du gain ou la recherche de la gloire. (...) Je préserverai l’indépendance nécessaire à l’accomplissement de ma mission. »

Règles complémentaires Des règles sont venues ensuite apporter des compléments. Cinq règles principales et non-exhaustives peuvent être dégagées. ❚❚Premièrement Privilégier l’intérêt du patient sur celui d’une autre personne et l’intérêt de la santé publique sur celui d’un laboratoire pharmaceutique. Il sera simplement rappelé l’article L. 1110-5 du Code de la santé publique qui dispose que : « Toute personne a, compte tenu de son état de santé et de l’urgence des interventions que celui-ci requiert, le droit de recevoir les soins les plus appropriés et de bénéficier des thérapeutiques dont l’efficacité est reconnue 239


PROFESSION

et qui garantissent la meilleure sécurité sanitaire au regard des connaissances médicales avérées. Les actes de prévention, d’investigation ou de soins ne doivent pas, en l’état des connaissances médicales, lui faire courir de risques disproportionnés par rapport au bénéfice escompté. » Ainsi que l’article R. 4127-2 du même code : « Le médecin, au service de l’individu et de la santé publique, exerce sa mission dans le respect de la vie humaine, de la personne et de sa dignité. » ❚❚Deuxièmement S’abstenir de toute attitude publicitaire. L’article R. 4127-13 du Code de la santé publique vise en effet cet impératif : « Lorsque le médecin participe à une action d’information du public de caractère éducatif et sanitaire, quel qu’en soit le moyen de diffusion, il doit ne faire état que de données confirmées, faire preuve de prudence et avoir le souci des répercussions de ses propos auprès du public. Il doit se garder à cette occasion de toute attitude publicitaire, soit personnelle, soit en faveur des organismes où il exerce ou auxquels il prête son concours, soit en faveur d’une cause qui ne soit pas d’intérêt général. » ❚❚Troisièmement S’abstenir de faire partie d’une entreprise présentant un risque quant à son indépendance professionnelle. L’article R. 4127-5 du Code de la santé publique rappelle que : « Le médecin ne peut aliéner son indépendance professionnelle sous quelque forme que ce soit. » Cette indépendance a conduit à l’édiction de certaines incompatibilités. 240

L’article R. 4127-26 du Code de la santé publique dispose en effet que : « Un médecin ne peut exercer une autre activité que si un tel cumul est compatible avec l’indépendance et la dignité professionnelles et n’est pas susceptible de lui permettre de tirer profit de ses prescriptions ou de ses conseils médicaux. » La création ou l’intégration d’une association destinée en réalité à la promotion d’un laboratoire doit bien évidemment être évitée.

prises, établissements, ou organismes de conseil produisant, exploitant des produits de santé ou intervenant sur eux, lors d’interventions publiques relatives à ces produits. L’article L. 4113-13 du Code de la santé publique édicte en effet que : « Les membres des professions médicales qui ont des liens avec des entreprises et établissements produisant ou exploitant des produits de santé ou des organismes de conseil intervenant sur ces produits sont tenus de les faire connaître au public lorsqu’ils s’ex-

Probité et indépendance, telles sont les valeurs cardinales devant guider le praticien en matière de conflits d’intérêts. ❚❚Quatrièmement S’abstenir de recevoir des intérêts ou ristournes proportionnels ou non au nombre des unités prescrites ou vendues. L’article L. 4113-8 du Code de la santé publique prévoit que : « Sauf les cas mentionnés aux articles L. 4211-3 et L. 5125-2, est interdit le fait, pour les praticiens mentionnés au présent livre, de recevoir, sous quelque forme que ce soit, d’une façon directe ou indirecte, des intérêts ou ristournes proportionnels ou non au nombre des unités prescrites ou vendues, qu’il s’agisse de médicaments, d’appareils orthopédiques ou autres, de quelque nature qu’ils soient. Sont interdits la formation et le fonctionnement de sociétés dont le but manifeste est la recherche des intérêts ou ristournes définis ci-dessus, et revenant aux individus eux-mêmes ou au groupe constitué à cet effet (...). » ❚❚Cinquièmement Déclarer ses liens avec les entre-

priment lors d’une manifestation publique ou dans la presse écrite ou audiovisuelle sur de tels produits. (...) » Et l’article R. 4113-110 du même code de préciser que : «  L’information du public sur l’existence de liens directs ou indirects entre les professionnels de santé et des entreprises ou établissements mentionnés à l’article L. 4113-13 est faite, à l’occasion de la présentation de ce professionnel, soit de façon écrite lorsqu’il s’agit d’un article destiné à la presse écrite ou diffusé sur Internet, soit de façon écrite ou orale au début de son intervention, lorsqu’il s’agit d’une manifestation publique ou d’une communication réalisée pour la presse audiovisuelle. » Précisons que des manquements à ces règles sont susceptibles de poursuites notamment disciplinaires devant le conseil de l’ordre des médecins voire civilement ou pénalement devant les tribunaux.

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Le médecin face aux conflits d’intérêts

Conclusion Probité et indépendance, telles sont les valeurs cardinales devant guider le praticien en matière de conflits d’intérêts. Le

médecin peut en effet se trouver dans une situation où des intérêts peuvent diverger. Certaines règles devront être respectées afin de préserver la confiance du

agenda

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