PRATIQUES EN
OPHTALMOLOGIE R E V U E
D I D A C T I Q U E
M É D I C O - C H I R U R G I C A L E d www.ophtalmologies.org
DMLA de stade 4
Plage d’atrophie géographique touchant le centre entourée de drusen de grande taille involutifs.
Cliché en autofluorescence correspondant avec hypoautofluorescence des zones atrophiques.
DMLA exsudative avec volumineux hématome maculaire.
Évolution fibrineuse de l’hématome.
Mise au point
Dégénérescence maculaire liée à l’âge Comment prévenir cette pathologie rétinienne ? Dr Aude Affortit Lecture critique
Chirurgie
En pratique
Analyse de deux publications récentes
Chirurgie réfractive : actualité sur les implants multifocaux
Noyaux durs : la technique de la pyramide inversée
page 216
page 220
Échos des congrès
Thérapeutique
PROFESSION
TFOS 2013 : les nouveautés en sécheresse oculaire
Première expérience d’un traitement par IVT d’aflibercept
Le médecin face aux conflits d’intérêts
page 228
page 238
page 214
page 223
Novembre 2013 • Volume 7 • n° 68 • 9 e
PRATIQUES EN
OPHTALMOLOGIE R E V U E
D I D A C T I Q U E
M É D I C O - C H I R U R G I C A L E
• Directeur de la publication : Dr Antoine Lolivier • Chef du Service Rédaction : Odile Mathieu • Rédactrice : Caroline Sandrez • Directrice de la Production : Gracia Bejjani • Assistante de Production : Cécile Jeannin •M aquette et illustration : Antoine Orry • Chef de publicité : Emmanuelle Annasse • Service Abonnements : Claire Lesaint • I mpression : Imprimerie de Compiègne 60205 Compiègne Rédacteur en chef Dr Pierre-Vincent Jacomet (Paris) Responsable éditorial
sommaire www.ophtalmologies.org
n Lecture critique
Choc anaphylactique après injection intracamérulaire de céfuroxime chez une patiente allergique à la pénicilline Chirurgie du trou maculaire sans positionnement face vers le sol mais pelage étendu de la limitante interne . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 214 Dr Guillaume Leroux Les Jardins (Paris)
Dr Michaël Assouline (Paris) Comité de Rédaction Dr Valérie Ameline (Le Sou médical-Groupe MACSF), Dr Corinne Bok-Beaube Dr Catherine Favard (Paris), Dr Eric Gabison (Paris), Dr Jacques Laloum (Paris), Dr Guillaume Leroux Les Jardins (Paris), Dr Benjamin Wolff (Paris) COMITé éDITORIAL Dr Isabelle Aknin (Vallauris-Golfe-Juan), Dr Cati Albou-Ganem (Paris), Dr Florence Coscas (Créteil), Dr Laurent Laloum (Paris) (Conseiller éditorial de la rédaction), Dr Gérard Mimoun (Paris), Dr Vincent Pierre-Kahn (Suresnes) Comité scientifique Pr Jean-Paul Adenis (Limoges), Pr Christophe Baudouin (Paris), Dr Yves Bokobza (Boulogne-Billancourt), Pr Antoine Brézin (Paris), Pr Alain Bron (Dijon), Dr Georges Caputo (Paris), Dr Sylvie Chokron (Paris), Pr Béatrice Cochener (Brest), Dr Salomon-Yves Cohen (Paris), Dr Howard Cohn (Paris), Pr Joseph Colin (Bordeaux), Pr Gabriel Coscas (Créteil), Dr Marie Delfour-Malecaze (Toulouse), Pr Paul Dighiero (Poitiers), Dr Serge Doan (Paris), Dr Olivier Gout (Paris), Dr Jean-Claude Hache (Lille), Pr Jean-François Korobelnik (Bordeaux), Dr Yves Lachkar (Paris), Dr Evelyne Le Blond (Grenoble), Dr Dan Alexandre Lebuisson (Suresnes), Pr Frédéric Mouriaux (Caen), Pr Jean-Philippe Nordmann (Paris), Dr Pascal Pietrini (Saint Herblain), Pr José Sahel (Paris, Strasbourg), Dr Monique Schaison (Paris), Dr Eric Sellem (Lyon), Dr Jean-Bernard Weiss (Paris) Pratiques en Ophtalmologie est une publication ©Expressions Santé SAS 2, rue de la Roquette Passage du Cheval Blanc • Cour de Mai 75011 Paris Tél. : 01 49 29 29 29 - Fax : 01 49 29 29 19 E-mail : contact@ophtalmologies.fr Site : www. ophtalmologies.org RCS Paris B 394 829 543 N° de Commission paritaire : 0314T88767 ISSN : 2106 – 9735 Mensuel : 10 numéros par an Les articles de “Pratiques en Ophtalmologie” sont publiés sous la responsabilité de leurs auteurs. Toute reproduction, même partielle, sans le consentement de l’auteur et de la revue, est illicite et constituerait une contrefaçon sanctionnée par les articles 425 et suivants du code pénal.
Novembre 2013 • Vol. 7 • N° 68
n chirurgie Chirurgie réfractive Actualité sur les implants multifocaux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 216
Dr Cati Albou-Ganem (Paris)
n En pratique
Noyaux durs La technique de la pyramide inversée ������������������������������������������������������ p. 220
Dr Christophe Chassain (Montpellier)
n échos des congrès
TFOS 2013 Les nouveautés en sécheresse oculaire. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 223
Dr Éric Gabison (Paris)
n Thérapeutique Néovaisseaux choroïdiens Première expérience d’un traitement par IVT d’aflibercept �������������� p. 228
Dr Florence Coscas, Pr Gabriel Coscas, Pr Éric Souied (Paris, Créteil)
n mise au point
Dégénérescence maculaire liée à l’âge Prévention. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 232
Dr Aude Affortit (Paris)
n PROFESSION
Le médecin face aux conflits d’intérêts Recommandations de bonnes pratiques. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 238 Benjamin Attali (Strasbourg)
n Bulletin d’abonnement ���������������������������������������������������������������� p. 218 n Petites annonces/agenda . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 241
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Lecture critique
Nous avons lu pour vous Publications récentes
Dr Guillaume Leroux Les Jardins*
Cataracte
Choc anaphylactique après injection intracamérulaire de céfuroxime chez une patiente allergique à la pénicilline 4 Anaphylactic reaction following intracameral cefuroxime injection during cataract surgery. Moisseiev E, Levinger E. J Cataract Refract Surg 2013 ; 39 : 1432-4.
second cas décrit dans la littérature L’utilisation de céfuroxime intracamérulaire à la fin de la chirurgie de la cataracte s’est beaucoup développée depuis la publication,en 2007, de l’étude de l’European Society of Cataract and Refractive Surgery (1). En France, l’Aprokam® (laboratoire Théa) a reçu une AMM en 2012 pour la prophylaxie de l’endophtalmie après chirurgie de la cataracte. En Europe, l’utilisation de cette prophylaxie est extrêmement variable en fonction des pays mais son usage tendrait à progresser (2). Le cas décrit correspond à la survenue d’un véritable choc anaphylactique (rash cutané, hypotension, désaturation, difficultés respiratoires, passage en réanimation) régressif après prise en charge adéquate. Il s’agissait d’une patiente de 64 ans, avec pour seuls antécédents une HTA et une allergie à la pénicilline, sans antécédent d’anaphylaxie. L’incident est survenu quelques minutes après la fin d’une chirurgie de la cataracte sans incident, sous anesthésie topique, conclue par l’injection intracamérulaire de céfuroxime (1 mg/0,1 mL). La prise en charge médicale immédiate de l’incident a été rendue plus délicate par le fait que ce chirurgien opérait sans anesthésiste.
L’allergie croisée pénicilline-céphalosporine de deuxième génération est rare La céfuroxime est une céphalosporine de 2e génération. Comme les différentes pénicillines, elle fait partie de la grande famille des bêta-lactamines. L’allergie à la pénicilline est fréquente mais le risque d’allergie croisée pénicilline-céphalosporine serait très rare, aux alentours de 1 % (3-4). Pour la céfuroxime, qui présente des *Cabinet d’Ophtalmologie, Paris ; Hôpital Hôtel-Dieu, groupe hospitalier Cochin–Hôtel-Dieu, Paris
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spécificités moléculaires, ce risque serait encore plus faible (5). Une étude récente (6) indique qu’en Angleterre 67 % des chirurgiens de la cataracte utilisent la céfuroxime même en cas d’allergie à la pénicilline. Pourtant, rapporté aux centaines de milliers de phacoémulsifications annuelles, ce risque d’allergie ne semble pas négligeable. Cette réaction anaphylactique à la céfuroxime intracamérulaire serait le second cas décrit (5). Ce cas démontre bien que, via la rupture de la barrière hémato-aqueuse liée à la chirurgie, l’exposition systémique à une dose minime d’antigène peut suffire à déclencher cette réaction allergique sévère. D’un point de vue pratique, il paraît toujours logique de s’enquérir des allergies connues du patient avant l’utilisation de céfuroxime et de l’éviter en cas d’allergie connue à la pénicilline. La surveillance postopératoire immédiate doit aussi prendre en compte ce risque. n
Tableau 1 - Exemple des taux variables d’utilisation de céfuroxime intracamérulaire après chirurgie de la cataracte d’après (2). Suède
France
Allemagne
90 % (2012)
40 % (2011)
Probablement < 20 %
Bibliographie 1. ESCRS Endophthalmitis Study Group. Prophylaxis of postoperative endophthalmitis following cataract surgery: results of the ESCRS multicenter study and identification of risk factors. J Cataract Refract Surg 2007 ; 33 : 978-88. 2. Behndig A, Cochener B, Güell JL et al. Endophthalmitis prophylaxis in cataract surgery: overview of current practice patterns in 9 European countries. J Cataract Refract Surg 2013 ; 39 : 1421-31. 3. Campagna JD, Bond MC, Schabelman E, Hayes BD. The use of cephalosporins in penicillin-allergic patients: a literature review. J Emerg Med 2012 ; 42 : 612-20. 4. Anne S, Reisman RE. Risk of administering cephalosporin antibiotics to patients with histories of penicillin allergy. Ann Allergy Asthma Immunol 1995 ; 74 : 167-70. 5. Villada JR, Vicente U, Javaloy J, Alió JL. Severe anaphylactic reaction after intracameral antibiotic administration during cataract surgery. J Cataract Refract Surg 2005 ; 31 : 620-1. 6. Gore DM, Angunawela RI, Little BC. United Kingdom survey of antibiotic prophylaxis practice after publication of the ESCRS Endophthalmitis Study. J Cataract Refract Surg 2009 ; 35 : 770-3.
Pratiques en Ophtalmologie • Novembre 2013 • vol. 7 • numéro 68
chirurgie
Chirurgie réfractive Actualité sur les implants multifocaux n Le Dr Cati Albou-Ganem, Présidente de la SAFIR, nous éclaire sur l’actualité des implants multifocaux. Avec un taux de satisfaction avoisinant les 100 %, cette chirurgie réfractive enthousiasmante est amenée à se développer...
Pratiques en Ophtalmologie : Quels sont les principes optiques (diffractifs, réfractifs, multifocaux) ? Dr Cati Albou-Ganem : Il y a deux types d’optiques, les implants réfractifs et les implants diffractifs. Les implants réfractifs sont composés de plusieurs zones de puissances différentes qui peuvent être, soit circulaires et concentriques, soit sectorielles. En fonction de la puissance, les rayons lumineux sont déviés sur un foyer plus ou moins proche. Les implants diffractifs reposent sur la diffraction de la lumière lorsque celle-ci rencontre un objet de forme aiguë (arête ou bordure) de dimension supérieure à la longueur d’onde. La lumière se diffracte différemment selon la forme de l’arête. La largeur des marches détermine la quantité d’addition. Quand les marches sont étroites, la lumière est diffractée sur un foyer proche. Quand les marches sont plus larges, la lumière est diffractée sur un foyer plus éloigné. Il existe des optiques qui associent des marches de tailles différentes, plus étroites au centre, donc la lumière est diffractée sur le foyer de près, et plus larges en périphérie, donc la lumière est diffractée sur le foyer de loin. La hauteur des marches détermine la quantité de lumière qui est déviée sur chaque foyer. Les deux modes d’action de ces implants multifocaux (MF) sont donc la réfraction, selon la puissance de la zone, ou la diffraction plus ou moins importante selon la forme des arêtes. Le but étant bien évidemment d’avoir, sur la même optique, une lumière qui est déviée sur un foyer de loin, un foyer intermédiaire (implants trifocaux) et un foyer de près. On ne sait pas restaurer l’accommodation, car il faudrait savoir redonner de la souplesse au cristallin, donc quelle 216
que soit la technique de chirurgie réfractive, il s’agit de créer une pseudo-accommodation, c’est-à-dire qu’on compense une perte d’accommodation par des systèmes divers et variés tels que les implants MF. P. O. : Comment fonctionne la trifocalité des iols diffractifs ? Dr C. A.-G. : Le concept des implants trifocaux est plus récent. Il résulte de la superposition de deux réseaux diffractifs bifocaux d’addition différente. C’està-dire une optique diffractive avec un foyer de loin et un foyer de près collée sur une optique diffractive avec un foyer de loin et un foyer intermédiaire. Ce qui ajoute une vision intermédiaire. P. O. : Qu’est ce qu’une optique apodisée ? Convoluée ? Dr C. A.-G. : Une optique apodisée est une optique dont la hauteur et la largeur des marches varient du centre vers la périphérie. Elles sont donc plus plates et plus larges en périphérie pour que la lumière se diffracte de manière préférentielle au centre vers le foyer de près et en périphérie vers le foyer de loin. Une optique convoluée est une optique apodisée avec des marches lissées. Aujourd’hui, toutes les marches sont lissées, le but étant de diminuer les effets secondaires induits (phénomènes de halos), c’est-à-dire d’augmenter la qualité de vision. Quasiment toutes les optiques sont lissées mais toutes les optiques ne sont pas apodisées. P. O. : Quels sont les avantages et inconvénients des iols MF ? Dr C. A.-G. : Le but est d’entraîner une pseudoaccommodation, donc de compenser la perte d’accommodation liée à la presbytie. L’objectif de ces implants Pratiques en Ophtalmologie • Novembre 2013 • vol. 7 • numéro 68
En pratique
Noyaux durs La technique de la pyramide inversée Dr Christophe Chassain*
Introduction L’abord des noyaux durs représente toujours un défi pour les chirurgiens du segment antérieur. La technique de la pyramide inversée peut être utilisée dans cette indication. C’est une variante du Divide and Conquer, reproductible et facile à acquérir. Le principe essentiel est de retirer le maximum de matériau dans la partie antérieure du cristallin tout en laissant un sillon postérieur étroit et facile d’accès permettant d’effectuer un cracking traditionnel.
Description • L’incision en cornée claire doit être la plus radiaire possible afin d’éviter brûlure et problème d’étanchéité en fin d’intervention. • Le rhexis doit être large pour permettre de retirer le maximum de volume lors du premier étage de la pyramide. Un colorant bleu est souvent utile pour mieux voir la capsule dans ces cataractes à mauvaise lueur pupillaire. • L’hydrodissection est souvent difficile à visualiser en raison de l’opacité du noyau mais elle doit être complète pour ne pas sollici-
*Clinique Beau-Soleil, Montpellier
220
A
B
Figure 1 - A : 1er étage bevel up (3 sillons). B : 1er étage bevel down (cratère).
ter une zonule souvent fragile, lors de la rotation des héminoyaux. • L’appareil de phacoémulsification est réglé en mode sculpture, avec les niveaux de vide et d’aspiration préprogrammés pour les noyaux durs. • Le premier sillon (ou étage) de la pyramide peut être effectué avec la sonde en position standard vers le haut (bevel up), de la largeur de 3 sillons standard. Si le noyau est excessivement dur, il est préférable de tourner la sonde vers le bas (bevel down) en laissant agir les ultrasons d’avant en arrière tout en progressant de proche en proche, ce qui permet de ne pas solliciter la zonule. On peut également retirer le maximum de noyau possible en choisissant d’effectuer une ablation plus large, en cratère, limitée par les bords du rhexis (Fig.1). • Le deuxième étage de la pyramide doit être effectué sonde en position standard vers le haut
(bevel up), (exceptionnellement en bevel down si noyau grade 5), en creusant sur une largeur de 2 sillons standard, en suivant les 2 crêtes centrales du premier étage. Un ou plusieurs passages seront effectués selon la dureté du noyau. Il faut avancer à la vitesse que permet la dureté du noyau, sans mobiliser la zonule (Fig.2). • Le troisième étage ou sommet de la pyramide est effectué au milieu des 2 sillons précédents, en suivant la crête centrale à leur intersection, de la largeur d’un sillon standard. Il sera creusé le plus profondément possible afin d’obtenir à la fois un mur de hauteur suffisante et un plancher fragile. Lorsque la lueur pupillaire est suffisamment claire, on peut tenter la nucléofracture en posant micromanipulateur et sonde de phacoémulsification au fond du sillon, et en les éloignant l’un de l’autre. Si le noyau ne craque pas, ou bien de façon incomplète, ne pas hésiter à poser directement la sonde sur le plancher, afin de mieux apprécier
Pratiques en Ophtalmologie • Novembre 2013 • vol. 7 • numéro 68
échos des congrès
TFOS 2013 Les nouveautés en sécheresse oculaire Dr Éric Gabison*
Introduction Si les sécheresses oculaires ont des facteurs favorisants et des modes de révélation multiples, l’atteinte cornéenne constitue le signe de gravité essentiel qui guide leur pronostic et la démarche thérapeutique. Le dernier congrès du TFOS (Tear Film and Ocular Society) a été l’occasion de présenter les dernières avancées dans la compréhension de cette pathologie qui touche plusieurs millions de patients dans le monde.
Origines des lésions cornéennes au cours des sécheresses oculaires Si le cercle vicieux reliant la dégradation du film lacrymal aux lésions de la surface oculaire fait l’objet d’un consensus international, son point de départ est différemment interprété en Occident (Europe/ États-Unis) et au Japon. Ainsi, l’augmentation de l’osmolarité des larmes est, pour les Européens et les Américains, à l’origine d’une inflammation qui initie les lésions de la surface oculaire. Pour les équipes japonaises, l’instabilité du film lacrymal est l’élément central qui induit des lésions mécaniques de frottement entre les conjonctives tarsales et palpébrales, contribuant ainsi aux lésions de la surface oculaire. Ces différentes approches *MCU-PH, Fondation Adolphe de Rothschild, Hôpital Bichat, Paris
expliquent la place primordiale des recherches dans le domaine des anti-inflammatoires chez les uns (dont la ciclosporine topique) et dans le domaine de l’amélioration du film lacrymal chez les autres (dont l’acide hyaluronique et les sécrétagogues) respectivement. Le rébamipide (sécrétagogue et anti-inflammatoire) et le diquafosol (sécrétagogue, agoniste P2Y2) sont en cours de développement pour le traitement des sécheresses oculaires. Ces molécules, déjà commercialisées au Japon, améliorent les signes et/ou les symptômes dans différents travaux présentés au congrès, tant chez l’animal (modèles murins de sécheresse oculaire) que chez l’Homme (blépharospasme, GVH, meibomites, etc.).
La kératite ponctuée superficielle : osmolarité et métalloprotéinases La KPS observée lors du test à la fluorescéine correspond à la rupture des jonctions serrées qui permet la diffusion du colorant entre les cellules de la surface épithéliale cornéenne. Sa présence est l’élément déterminant de la sévérité des sécheresses oculaires.
Figure 1 – Cornée de souris, co-marquage inducteur de MMP (rouge) et jonction serrée (vert). Haut : souris sauvage ; milieu : souris déficiente pour inducteur de MMP ; bas (souris déficiente pour MMP-9). Notez la présence intense du marquage des jonctions
Nous avons récemment identifié un lien direct entre l’osmolarité et l’induction d’une enzyme de la famille des métalloprotéinases (la MMP-9), par les cellules épithéliales de la cornée. Cette enzyme, induite par l’osmolarité élevée, est
Pratiques en Ophtalmologie • Novembre 2013 • vol. 7 • numéro 68
serrées en absence de MMP ou de leur inducteur.
capable de cliver les occludines, l’un des constituants principaux des jonctions serrées. Nous avons de plus identifié le mécanisme 223
thérapeutique
Néovaisseaux choroïdiens Première expérience d’un traitement par IVT d’aflibercept Dr Florence Coscas*, Pr Gabriel Coscas*, Pr Éric Souied**
introduction Les remarquables progrès actuels dans la prise en charge de la dégénérescence maculaire liée à l’âge dans la forme exsudative ouvrent toujours de nouveaux horizons, d’une part, grâce à l’imagerie multinodale et ses développements et d’autre part grâce à de nouvelles molécules qui permettront de mieux adapter le choix thérapeutique en fonction de la forme clinique et de la réponse au traitement.
Figure 1 - Imagerie multimodale pour diagnostic. Anastomose choriorétinienne avec décollement de l’épithélium pigmentaire, décollement séreux rétinien, logettes cystoïdes sur deux couches, effraction de l’épithélium pigmentaire et altérations de l’ellipsoïde (couches externes – photorécepteurs), points hyperréflectifs. CMT : 510 µm. AV : 20/160, M+).
I
l devient donc indispensable de préciser des stratégies sur mesure et adaptées en tenant compte des diverses approches thérapeutiques validées par les études cliniques, contrôlées et randomisées (1-8). Les résultats des études les plus récentes concernent les effets des anti-VEGF par injection intravitréenne dans le cas de néovaisseaux choroïdiens liés à la dégénérescence maculaire liée à l’âge. Ils montrent une amélioration significative de l’acuité visuelle pour les yeux traités qui perdure au-delà de la deuxième année (1-8).
Ces résultats se retrouvent dans la vie courante avec l’utilisation du ranibuzimab depuis plusieurs années. Un nouvel anti-VEGF a actuellement reçu son AMM et a montré, lors des études View 1 et View 2 (10-12), des résultats de non-infériorité avec un nombre d’IVT moindre en deux ans, et des injections espacées tous les deux mois pendant la première année après la phase d’induction (versus des injections fixes mensuelles), suivies d’un PRN capé lors de la seconde année pour les deux molécules (Pro Renata soit “à la demande” avec injection systématique trimestrielle).
*Consultation d’Ophtalmologie, Centre hospitalier intercommunal de Créteil ; Université Paris Est, Créteil ; Centre de l’Odéon, Paris **Consultation d’Ophtalmologie, Centre hospitalier intercommunal de Créteil ; Université Paris Est, Créteil Correspondance : gabriel.coscas@gmail.com
Nous présentons un premier cas clinique de néovaisseaux choroïdiens dans leur forme anas-
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tomose choriorétinienne (ACR) avec décollement de l’épithélium pigmentaire (DEP), diagnostiqués et surveillés par imagerie multimodale, angiographie à la fluorescéine, angiographie au vert d’indocyanine et OCT couplé grâce au HRA Spectralis Heidelberg pour évaluer avec précision, l’évolution clinique de ce patient.
Observations Il s’agit d’une femme de 84 ans qui a présenté une dégénérescence maculaire liée à l’âge bilatérale, ayant d’abord évolué à l’œil droit, au cours des années 2000 avec des néovaisseaux choroïdiens de type visible, juxtafovéolaires. Ceuxci ont bénéficié d’un laser thermique, focal, et aucune récidive
Pratiques en Ophtalmologie • Novembre 2013 • vol. 7 • numéro 68
Mise au point
Dégénérescence maculaire liée à l’âge Prévention Dr Aude Affortit*
Introduction La DMLA est une pathologie rétinienne acquise affectant électivement la région centrale de la rétine responsable de la discrimination des hautes fréquences spatiales (lecture), de la vision des couleurs et du champ visuel central. Si la DMLA de forme néovasculaire peut être traitée, la forme atrophique est majoritaire et ne bénéficie à ce jour d’aucun traitement curatif, d’où l’intérêt d’un traitement préventif.
P
remière cause de malvoyance après 50 ans dans les pays occidentaux (1) et d’incidence croissante, la DMLA constitue un enjeu de santé publique. En Allemagne, par exemple, une étude de 2011 a montré que cette pathologie représentait 50 % des causes de malvoyance, loin devant le glaucome et la rétinopathie diabétique, et que cette proportion s’élèverait à 57 % en 2030 (2). Avant d’exposer les moyens de prévention possibles de la DMLA, les mécanismes physiopathologiques supposés de cette pathologie seront rappelés ainsi que ses facteurs de risque et sa classification qui définit différents stades de progression, les stades précoces ou “précurseurs” constituant un risque de développer ultérieurement un stade plus sévère.
*Fondation ophtalmologique Adolphe-de-Rothschild, Paris
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Physiopathologie de la DMLA Le stress oxydatif est le mécanisme principal des altérations rétiniennes constituant progressivement une DMLA (3). Le cycle visuel produit physiologiquement des radicaux libres oxygénés qui, compte tenu de leur toxicité, doivent être éliminés de façon constante par un système dit “antioxydant”. Le renouvellement permanent des segments externes des photorécepteurs par l’épithélium pigmentaire contribue à cette élimination des radicaux libres, tout comme le pigment xanthophylle qui joue un double rôle d’antioxydant et de filtre vis-à-vis des ultraviolets (UV). Plusieurs enzymes utilisant notamment le cuivre comme cofacteur et certaines vitamines comme les vitamines C et E participent également à ce système antioxydant. Des mécanismes inflammatoires et ischémiques sont également impliqués dans la physiopathologie de la DMLA.
Facteurs de risque Âge La DMLA est une pathologie multifactorielle, l’âge constituant le principal facteur de risque. Une étude récente de la prévalence de la DMLA aux États-Unis chez les plus de 60 ans l’estimait à 13,4 % pour les formes précoces et 2,2 % pour les formes tardives (4).
Facteurs ethniques Des facteurs ethniques entrent également en jeu, les sujets caucasiens étant préférentiellement atteints.
Facteurs environnementaux Certains facteurs environnementaux comme le tabagisme (supérieur à 10 paquets/année) et l’obésité sont des facteurs de risque avérés ; le rôle négatif des UV, bien que très fortement suspecté, reste quant à lui hypothétique (5).
Facteurs génétiques Le caractère familial de la DMLA a été observé de longue date. Le risque relatif de développer une DMLA pour un sujet ayant un antécédent familial de la maladie est approximativement multiplié par 4 (6). Deux principaux gènes de prédisposition à la DMLA ont été à ce jour identifiés. Le premier est le gène du CFH (facteur H du complément) situé sur le chromosome 1. Un individu porteur d’un allèle muté de ce gène (hétérozygote) présente un risque accru de développer une DMLA avec un odds ratio entre 2 et 3 qui s’accroît encore si les deux allèles sont mutés (sujet homozygote). Le second gène de susceptibilité à la DMLA est le gène ARMS2 (Age Related Maculopathy Susceptibility) (7) situé sur le chromosome 10 qui code pour une protéine au rôle encore indéterminé. Il faut noter que les allèles à risque des gènes CFH et ARMS2 sont fréquents dans la population générale, qu’ils confèrent un risque important de développer une DMLA et que ces
Pratiques en Ophtalmologie • Novembre 2013 • vol. 7 • numéro 68
PROFESSION
Le médecin face aux conflits d’intérêts Recommandations de bonnes pratiques Benjamin Attali*
introduction Le conflit d’intérêts est un sujet dont la maîtrise par le médecin devient à double titre indispensable. D’une part, le contexte social actuel voit une crise de confiance généralisée se développer au point que les autorités politiques françaises aient avancé la nécessité d’une moralisation. D’autre part, plus spécifiquement concernant le monde médical, les crises liées à certains traitements et certains laboratoires pharmaceutiques entraînent une certaine suspicion de la société à l’encontre du milieu médical. Et quand le contexte général croise le contexte médical, comme dans le cas d’une affaire désormais célèbre d’un ancien médecin devenu ministre, à qui il est notamment demandé des comptes sur ses liens avec l’industrie pharmaceutique, le choc a une ampleur particulière. Le praticien est donc contraint d’être informé sur les conflits d’intérêts et d’adopter de bonnes pratiques en la matière.
Les principales situations de conflits d’intérêts pouvant être vécues par le médecin Le praticien peut se trouver principalement dans deux situations de conflits d’intérêts : le conflit d’intérêts à l’occasion du traitement médical d’un patient et le conflit d’intérêts à l’occasion d’un acte d’information médicale lié à l’industrie pharmaceutique.
Traitement médical d’un patient Concernant le conflit d’intérêts à
Il n’existe pas de définition légale spécifique du mot “intérêt”. Le dictionnaire Larousse donne la définition suivante : « Souci de ce qui va dans le sens de quelque chose, de quelqu’un, qui leur est favorable, constitue pour eux un avantage. » Un intérêt est donc un état d’esprit tourné vers le bénéfice de soi-même ou vers un autre intérêt, celui de quelque chose ou de quelqu’un.
*Avocat, ATTALI ASSOCIÉS, Strasbourg avocats@attali-associes.fr
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Pour le médecin, quatre catégories d’intérêts se présentent : - l’intérêt personnel du médecin (satisfaction personnelle, intérêt financier...) ; - l’intérêt du patient ; - l’intérêt de la santé publique (intérêt général) ; - l’intérêt d’une autre personne physique (un proche du patient...) ou morale (laboratoires pharmaceutiques...). Le cumul d’intérêts n’est pas problématique lorsque tous ces intérêts sont respectés et qu’aucun n’est sacrifié ou amoindri au bénéfice d’un autre. Le problème se pose lorsqu’un intérêt est privilégié au détriment d’un autre. Dans ce cas, une situation de conflit apparaît. Pratiques en Ophtalmologie • Novembre 2013 • vol. 7 • numéro 68
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Que recouvre la notion d’intérêt pour le médecin ?
Le médecin face aux conflits d’intérêts
Conclusion Probité et indépendance, telles sont les valeurs cardinales devant guider le praticien en matière de conflits d’intérêts. Le
médecin peut en effet se trouver dans une situation où des intérêts peuvent diverger. Certaines règles devront être respectées afin de préserver la confiance du
agenda
public pour le milieu médical. n
Mots-clés : Conflits d’intérêts, Médecin
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regards croisés : l’esthétique péri-oculaire 16-17-18 janvier 2014 – Val d’Isère • Inscriptions au congrès et hébergement www.valdisere-congres.com • Renseignements/hébergement E-mail : regardscroises@valdisere-congres.com Tél. : 04.79.06.21.23 • Renseignements programme scientifique E-mails : ogalatoire@fo-rothschild.fr vdauvin@fo-rothschild.fr Tél. : 01.48.03.65.72
Située aux portes de Paris au cœur du site stratégique de la Seine-Amont et du Val-de-Marne (métro - RER) - 57 700 habitants
Médecin ophtalmologue (h/f) Pour son Centre Municipal de Santé, la mairie d’Ivry-sur-Seine recherche
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un médecin ophtalmologue
pour compléter son équipe pluridisciplinaire
Pour tout renseignement contacter le Docteur Marianne PETIT au 01 80 51 86 04
Merci d’adresser CV et lettre de motivation à courrier@ivry94.fr ou à M. le Maire, esplanade Georges-Marrane 94205 Ivry-sur-Seine Cedex
Vous recherchez un médecin, ou un remplaçant pour compléter votre équipe médicale ? Contactez nos services pour une diffusion maximale de votre petite annonce dans la revue et sur les sites associés Votre contact : Claire Lesaint - Tél. : 01 49 29 29 20 - Fax : 01 49 29 29 19 Mail : clesaint@expressiongroupe.fr ou connectez-vous sur la rubrique “petites annonces” de nos sites : www.ophtalmologies.org