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Le point sur

Chirurgie réfractive de la myopie et qualité de vision Évaluation des différentes techniques laser actuelles Dr Thomas Gaujoux*

Introduction Les performances visuelles de la perception de détails fins dépendent à la fois du système nerveux visuel et de la qualité optique de l’œil. La chirurgie réfractive conventionnelle corrigeant l’astigmatisme et le défocus altère la qualité optique de l’œil en modifiant la courbure cornéenne. Les aberrations optiques ainsi créées peuvent engendrer une diminution de la sensibilité aux contrastes et des halos pouvant altérer la vision nocturne. L’objet de cet article est de faire le point sur les différentes techniques laser disponibles afin d’optimiser les résultats et d’augmenter la satisfaction des patients.

Facteurs limitant l’acuité visuelle Les aberrations optiques Les aberrations optiques sont classées en deux groupes : les aberrations chromatiques et les aberrations monochromatiques. Les premières dépendent de la longueur d’onde du rayon lumineux et de l’indice de réfraction du milieu traversé. Elles ne sont donc pas beaucoup modifiées après chirurgie réfractive par laser. Les secondes sont spécifiques pour chaque longueur d’onde. Les aberrations monochromatiques sont modifiées après chirurgie réfractive par laser et sont subdivisées en deux sous-groupes : les Aberrations d’ordre inférieur (AOI) et les Aberrations d’ordre supérieur (AOS). De façon générale, les AOI déforment la partie centrale du front d’onde alors que les AOS affectent principalement les bords du front d’onde. *Ophtalmologue, Nîmes

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Figure 1 - Fonction d’étalement du point et image rétinienne d’un œil parfait comparativement à des yeux ayant des aberrations d’ordre supérieur.

Les AOI, représentant 85 % des déformations du front d’onde, comprennent les aberrations de premier ordre (déviation prismatique) et de deuxième ordre (myopie, hypermétropie et astigmatisme régulier). Les AOS comprennent les aberrations de troisième ordre (coma et tréfoil), correspondant à un astigmatisme irrégulier, et les aberrations optiques de quatrième ordre (aberrations asphériques),

augmentant avec le diamètre pupillaire et aggravées par la photoablation au laser excimer (Fig. 1).

La diffraction La diffraction est le comportement des ondes lorsqu’elles rencontrent un obstacle ; le phénomène peut être interprété par la diffusion d’une onde par les points de l’objet. Ainsi, les bords de la pupille se comportent comme des sources ponctuelles. La diffraction se manifeste

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par le fait qu’après la rencontre d’un objet, la densité de l’onde n’est pas conservée contrairement aux lois de l’optique géométrique. La pupille est donc responsable d’une tache de diffraction ou disque d’Airy. Cette tache de diffraction conditionne la limite de résolution pour un système optique limité par la diffraction.

La diffusion La diffusion est le phénomène par lequel un rayonnement lumineux est dévié dans de multiples directions (on peut parler d’“éparpillement”) par une interaction avec d’autres milieux. La diffusion est ainsi, avec l’absorption, la principale cause de l’affaiblissement de la lumière lors de sa propagation. Ce phénomène est responsable de la diminution de la sensibilité aux contrastes puis de l’acuité visuelle si la diffusion devient importante.

Les différentes techniques : LASIK, PKR, épi-LASIK et LASEK Comparaison des résultats des différentes techniques Le LASIK et la PKR sont les deux techniques les plus utilisées en France. Le LASIK s’est développé ces dernières années avec l’arrivée du laser femtoseconde qui a permis de diminuer les risques lors de la découpe du capot. Cependant, nous assistons actuellement à une augmentation des procédures de PKR car le risque d’ectasie est très faible après cette procédure. ❚❚Qu’en est-il des résultats visuels après ces deux procédures ? Alex Shortt a réalisé une méta-analyse sur la comparaison de ces deux techniques dans le traitement de la myopie (1). Treize essais incluant

1 135 participants et 231 923 yeux ont pu être analysés. Cette métaanalyse met en évidence que le LASIK est la technique donnant la récupération visuelle la plus rapide avec le minimum de douleur. Cependant, les résultats en termes d’acuité visuelle à 1 an sont comparables. De même, Neeracher a montré que la qualité de vision (éblouissements, halos, sensibilité aux contrastes) était similaire après LASIK et PKR conventionnelles (2). L’épi-LASIK est une technique de chirurgie réfractive cornéenne de surface, où le pelage épithélial est effectué de manière mécanique avec un épi-kératome. Après photoablation, l’épithélium est conservé et repositionné sur le stroma cornéen. Le LASEK (Laser-assisted sub epithelial keratomileusis) est également une technique de surface. L’épithélium, préalablement préparé avec une solution éthanoïque, est décollé. Après action du laser excimer, l’épithélium est replacé sur la cornée. Ces deux techniques sont de plus en plus délaissées car le bénéfice supposé de conserver l’épithélium par rapport à une PKR classique n’a pas été prouvé. En effet, le postulat selon lequel la conservation de l’épithélium diminuerait le risque de haze et la douleur postopératoire par rapport à une PKR n’a pas été démontré. Kyung-Sun Na a comparé le LASIK et les traitements de surfaces incluant l’épi-LASIK, le LASEK et la PKR. L’auteur en conclue que les différentes techniques donnent des résultats similaires en termes d’acuité visuelle, de stabilité et de sécurité (3).

Aberrations optiques induites par le LASER La chirurgie réfractive au laser (LASIK et PKR) induit une

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détérioration de la qualité de vision. Beaucoup d’études ont corrélé cette baisse de la qualité de vision à l’augmentation des aberrations d’ordre 3 (en particulier la coma) et d’ordre 4 (aberrations sphériques) (4). Ces aberrations optiques apparaissent principalement entre le 1er et le 6e mois après chirurgie réfractive au laser (LASIK et PKR) et restent habituellement stables après le 9e mois postopératoire (5). Anders Ivarsen a ainsi analysé pendant 7 ans l’évolution des paramètres cornéens et optiques de patients opérés de LASIK et de PKR (6). Comme dans la plupart des études, une augmentation des aberrations d’ordre 3 et 4 a été observée après LASIK et PKR mais l’auteur démontre par ailleurs que ces aberrations restent stables entre 1 et 7 ans après le laser. La coma et les aberrations sphériques évoluaient de 0,07 µm avant le laser à 0,15 µm un an après le laser (LASIK et PKR). Il paraît donc nécessaire d’attendre au moins neuf mois avant de comparer des résultats visuels, d’autant plus que la myopie traitée est importante.

Traitements personnalisés Comme nous venons de le voir, avec l’apparition des aberromètres les résultats visuels ne se limitent plus à la seule acuité visuelle mais également à l’identification des aberrations de hauts grades pouvant altérer la qualité de vision : halos, impression de voile ou diminution de la sensibilité aux contrastes. Il était donc logique de penser qu’un traitement prenant en compte les aberrations optiques donnerait des résultats meilleurs qu’un traitement conventionnel. Avec l’apparition des traitements personnalisés, de nouveaux 65


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qualificatifs du LASIK ont vu le jour : ultra-LASIK, traitements topo-guidés, traitements aberroguidés. Cependant, l’impression d’une mise en valeur plus “marketing” que scientifique était ressentie par la plupart des ophtalmologistes.

Profil d’ablation asphérique La géométrie des profils asphériques vise à conserver l’asphéricité cornéenne physiologique dans la zone optique traitée par le laser. Ces profils reposent sur des modèles comportant des surfaces cornéennes asphériques prolates, et ont pour objectif de prévenir l’induction d’un taux élevé d’aberrations sphériques.

Figure 2 - Irrégularité cornéenne secondaire à une complication de chirurgie réfractive. Un traitement topo-guidé avec reconnaissance irienne peut régulariser la cornée.

Traitement aberro-guidé Ce profil de traitement est établi à partir du recueil et de l’analyse du front d’ondes total effectués idéalement en conditions mésopiques. Ils visent à corriger les aberrations optiques de bas et haut degré, sans en distinguer l’origine. Cependant, la plupart des études retrouvent une augmentation des aberrations après traitement aberro-guidé mais cette augmentation reste moindre qu’avec un traitement “conventionnel” (7). Certains auteurs recommandent donc ce profil de traitement lorsque les aberrations optiques préopératoires sont supérieures à 0,3 µm. Les traitements aberro-guidés peuvent être réalisés en LASIK ou en PKR. Ces deux techniques donnent des résultats comparables (8). L’analyse du front d’ondes permet d’estimer la qualité optique de l’œil donné par la restitution d’un signal monochromatique alors que l’environnement est polychromatique. Cela peut expliquer la variabilité des 66

Figure 3 - Correction d’une amétropie au laser femtoseconde sans utiliser de laser excimer par la technique du Smile (Small Incision Lenticule Extraction).

résultats publiés et les limites de ce type de profil d’ablation.

Profils d’ablation guidés par la topographie cornéenne Ces profils (topo-guidés) visent à corriger les aberrations optiques de haut degré d’origine cornéenne. Ils nécessitent les données issues de la topographie cornéenne. Ils sont établis à partir d’un calcul de différence d’élévation entre les irrégularités de la

cornée du patient, et une surface idéale dont la courbure est calculée pour être emmétropisante. Ces profils sont largement utilisés pour les reprises en cas de décentrement ou pour des corrections sur des cornées très irrégulières (greffe) (Fig. 2). Les résultats sont satisfaisants mais nécessitent un centrage optimal avec une reconnaissance irienne et un système d’asservissement aux poursuites oculaires performant.

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Nouvelles techniques : ReLEx et Smile Depuis quelques années, le laser femtoseconde permet la correction de la myopie et de l’astigmatisme par l’extraction d’une lenticule cornéenne sans utiliser le laser excimer. Plusieurs variantes de cette technique ont vu le jour : le ReLEx (Refractive Lenticule Extraction) et le Smile (Small Incision Lenticule Extraction) (Fig. 3). Gertenere a ainsi comparé le ReLEx et le traitement aberro-guidé par LASIK. Il en conclut que les

deux techniques donnent des résultats similaires en termes d’acuité visuelle (9). Cependant, les aberrations de haut grade seraient moindres et la sensibilité aux contrastes serait meilleure avec le ReLEx. Des études randomisées sur un grand nombre de patients sont nécessaires afin d’affirmer la supériorité d’une technique.

Conclusion Le laser idéal n’existe pas. Cependant, grâce à l’importance du nombre de techniques et de

profils d’ablation à disposition, il est désormais possible d’optimiser les résultats en fonction de certains critères analysés en préopératoire. L’avenir des photoablations personnalisées repose en grande partie sur la prédiction des effets non prédits par les profils d’ablation ainsi que la compréhension du rôle précis des aberrations optiques sur la fonction visuelle. n

Mots-clés : Myopie, Chirurgie réfractive, Laser

Bibliographie 1. Shortt AJ, Allan BD, Evans JR. Laser-assisted in-situ keratomileusis (LASIK) versus photorefractive keratectomy (PRK) for myopia. Cochrane Database Syst Rev 2013 ; 1 : CD005135. 2. Neeracher B, Senn P, Schipper I. Glare sensitivity and optical side effects 1 year after photorefractive keratectomy and laser in situ keratomileusis. J Cataract Refract Surg 2004 ; 30 : 1696-701. 3. Na KS, Chung SH, Kim JK et al. Comparison of LASIK and surface ablation by using propensity score analysis: a multicenter study in Korea. Invest Ophthalmol Vis Sci 2012 ; 53 : 7116-21. 4. Muñoz G, Albarrán-Diego C, Ferrer-Blasco T et al. Long-term comparison of corneal aberration changes after laser in situ keratomileusis: mechanical microkeratome versus femtosecond laser flap creation. J Cataract Refract Surg 2010 ; 36 : 1934-44. 5. Benito A, Redondo M, Artal P. Temporal evolution of ocular aberrations fol-

lowing laser in situ keratomileusis. Ophthalmic Physiol Opt 2011 ; 31 : 421-8. 6. Ivarsen A, Hjortdal J. Seven-year changes in corneal power and aberrations after PRK or LASIK. Invest Ophthalmol Vis Sci 2012 ; 53 : 6011-6. 7. Moshirfar M, Schliesser JA, Chang JC et al. Visual outcomes after wavefront-guided photorefractive keratectomy and wavefront-guided laser in situ keratomileusis: Prospective comparison. J Cataract Refract Surg 2010 ; 36 : 1336-43. 8. Barreto J Jr, Barboni MT, Feitosa-Santana C et al. Intraocular straylight and contrast sensitivity after contralateral wavefront-guided LASIK and wavefront-guided PRK for myopia. J Refract Surg 2009 ; 26 : 588-93. 9. Gertnere J, Solomatin I, Sekundo W. Refractive lenticule extraction (ReLEx flex) and wavefront-optimized Femto-LASIK: comparison of contrast sensitivity and high-order aberrations at 1 year. Graefes Arch Clin Exp Ophthalmol 2013 ; 251 : 1437-42.

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