RH73_P380A381

Page 1

ACR : Les études marquantes du congrès

DOSSIER

Physiopathologie de la polyarthrite rhumatoïde A propos de l’immunotolérance n L'impact de l'immunosuppression induite par la combinaison du méthotrexate aux agents biologiques actuellement disponibles nous permet de viser la rémission de la polyarthrite rhumatoïde. De nouvelles approches thérapeutiques, reposant notamment sur l'utilisation de cellules dendritiques tolérogènes autologues, pourraient nous permettre d'envisager des phases de rémission prolongées après induction d'une immunotolérance.

Du concept d’immunosuppression vers celui d’immunotolérance

Les avancées réalisées dans la compréhension de la physiopathologie de la polyarthrite rhumatoïde (PR) se sont traduites au cours de ces 15 dernières années par l’avènement d’agents biologiques ciblant spécifiquement les cellules clés de la réponse immunitaire adaptative (cellules T ou B) ou les cytokines clés de la réponse inflammatoire (TNF, IL-6 ou IL-1). L’impact de la suppression de la réponse immunitaire et/ou de la réponse inflammatoire induite par ces agents biologiques nous permet aujourd’hui d’envisager la rémission sous traitement comme un objectif réaliste de la prise en charge de la PR. Des avancées significatives pourraient résulter de nouvelles approches thérapeutiques reposant non plus sur l’immunosuppression mais sur l’immunotolérance, ciblant spécifiquement la composante auto-immune de la réponse immunitaire et la réponse inflammatoire qui en découle, tout en respectant sa composante physiologique, essentielle dans les domaines de l’immunité *Rhumatologue, CHU Purpan, Toulouse

380

anti-infectieuse et anti-tumorale. L’induction d’une immunotolérance pourrait nous permettre d’envisager des phases de rémission prolongées sans traitement, minimisant notamment le risque de complications infectieuses imputables à l’immunosuppression prolongée (1).

Quelques approches d’induction d’immunotolérance

Le ciblage spécifique des cellules T, via l’inhibition des voies de costimulation (abatacept) ou des cellules B, via la neutralisation de BAFF (belimumab) et/ou d’APRIL (atacicept), constitue une approche indirecte du concept d’immunotolérance (1). La modulation des cellules T régulatrices représente une approche directe du concept d’immunotolérance. Il est ainsi possible d’envisager l’induction et/ou l’expansion de cellules T régulatrices non spécifiques d’antigène ex vivo ou in vivo, ou d’entreprendre l’induction de cellules T régulatrices spécifiques d’antigène in vivo (2). La manipulation du phénotype des cellules dendritiques constitue une autre

Pr Arnaud Constantin* approche directe du concept d’immunotolérance. Ces cellules sont capables, en fonction notamment de leur stade de maturation et de l’expression de molécules de costimulation, soit d’induire et d’entretenir l’activation des cellules T, soit au contraire d’induire et de maintenir la tolérance centrale et périphérique. Il est aujourd’hui possible de générer des cellules dendritiques aux propriétés tolérogènes, phénotypiquement et fonctionnellement stables, via l’utilisation d’agents pharmacologiques et/ou la manipulation de leurs conditions de culture (1). C’est la faisabilité de l’utilisation de cellules dendritiques à visée thérapeutique qui a été évaluée dans la PR, dans le cadre d’un travail présenté par une équipe australienne, en session plénière du congrès de l’ACR 2011 (3).

Faisabilité d’un protocole d’immunotolérance dans la PR

L’objectif de cet essai clinique de phase I était, pour la première fois chez l’homme, de faire la preuve Rhumatos • Décembre 2011 • vol. 8 • numéro 73


ACR : Les études marquantes du congrès

DOSSIER

de la faisabilité et de la tolérance de l’administration sous-cutanée de cellules dendritiques tolérogènes autologues dans la PR (3).

L’étude

Ces cellules dendritiques autologues tolérogènes étaient générées après isolement, mise en culture et traitement par un inhibiteur irréversible de NF-kB (Bay11-7082) de monocytes, issus d’un prélèvement de 250 ml de sang périphérique, chez dix-huit patients atteints de PR, ACPA+, HLADRB1*SE+ (Fig. 1). Elles étaient ensuite exposées à un mélange de quatre peptides citrullinés, avant d’être injectées au patient dont elles étaient issues, par voie sous-cutanée, à la dose d’un million (n = 9) ou de cinq millions (n = 9) de cellules dendritiques, sans modification par ailleurs des traitements de fond en cours. Onze patients atteints de PR, ACPA+, HLA-DRB1*SE+ faisaient office de groupe contrôle. Les évaluations de la tolérance clinique, de la tolérance biologique et de la réponse clinique étaient réalisées 3 mois et 6 mois après l’injection des cellules dendritiques autologues tolérogènes (Rheumavax®) (3).

Résultats

A l’inclusion, les 29 patients (19 femmes, 57 ans d’âge moyen, 2,8 ans de durée d’évolution moyenne) bénéficiaient d’un traitement de fond en monothérapie ou en combinaison, avec

Figure 1 – Cycle de préparation et d’administration des cellules dendritiques autologues tolérogènes spécifiques des peptides citrullinés (Rheumavax®).

un DAS28-CRP moyen à 2,8. En termes de tolérance, les injections de Rheumavax® n’ont pas déclenché de poussée de la PR, de réaction anaphylactique, de réaction au point d’injection, d’adénopathie régionale ou d’hypoglycémie sévère. Seuls des évènements indésirables sans gravité ont été rapportés (céphalées (n = 2), anémie (n = 3), leucopénie (n = 3), lymphopénie (n = 3), élévation des phosphatases alcalines (n = 2) ou des transaminases (n = 1), hypoglycémie transitoire (n = 1)). En termes d’efficacité, 7 des 9 patients dont le DAS28CRP initial était >2,5 ont vu leur DAS28-CRP passer en dessous de 2,5, parfois de façon prolongée, alors que 7 des 9 patients dont le DAS28-CRP initial était <2,5 ont vu leur DAS28CRP rester en dessous de 2,5. L’impact immunologique des injections de Rheumavax® a pu être objectivé

sur les variations des sous-populations des cellules T effectrices et régulatrices (3).

Conclusion

Les résultats de cet essai clinique de phase I démontrent la faisabilité et la tolérance de l’administration sous-cutanée de cellules dendritiques tolérogènes autologues chez des patients atteints de PR. Les essais cliniques de phase II à venir auront pour objectif d’évaluer le réel impact clinique de cette approche thérapeutique reposant sur le concept d’immunotolérance. n

Mots-clés : Polyarthrite ­rhumatoïde, Physiopathologie, ­Immunosuppression, ­Immunotolérance

Bibliographie 1. Albani S, Koffeman E, Prakken B. Induction of immune tolerance in the treatment of rheumatoid arthritis. Nat Rev Rheumatol 2011 ; 7 : 272-81. 2. Wehrens E, van Wijk F, Roord S et al. Treating arthritis by immunomodulation: is there a role for regulatory T cells ? Rheumatol 2010 ; 49 : 1632-44.

Rhumatos • Décembre 2011 • vol. 8 • numéro 73

3. Thomas R, Street S, Ramnoruth N et al. Feasibility, safety and clinical effects of a single intradermal administration of autologous olerising dendritic cells exposed to citrullinated peptides in patients with rheumatoid arthritis. Arthritis Rheum 2011 ; 63 : S946.

381


Turn static files into dynamic content formats.

Create a flipbook
Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.