L’essentiel sur Le lupus systémique (2e partie) Coordonné par le Pr Yannick Allanore
3 Les auto-anticorps du lupus systémique Quels sont ceux utiles pour le clinicien ? ������������������������������������������ p. 133 Pr Olivier Meyer (Paris)
4 La néphropathie lupique Que retenir pour le rhumatologue ? �������������������������������������������������� p. 139 Dr Alexandre Karras (Paris)
5 Le risque cardiovasculaire Comment l’évaluer et le prendre en charge ? �������������������������������� p. 144 Pr Yannick Allanore (Paris)
3 Les auto-anticorps
du lupus systémique Quels sont ceux utiles pour le clinicien ? n La diversité des auto-anticorps (ciblant plus de 100 auto-antigènes différents) illustre l’hyperactivation de l’immunité acquise à médiation humorale, mais ne doit pas faire oublier que seuls certains de ces anticorps sont utiles en clinique, soit pour une aide au diagnostic, soit pour leur valeur pronostique (association à certaines manifestations viscérales, suivi évolutif sous traitement). Nous envisagerons en premier lieu les principaux anticorps antinucléaires, puis nous passerons en revue quelques auto-anticorps utiles au clinicien : antiphospholipides, antiribosomes, anti-C1q et divers autres marqueurs de pratique courante.
Anticorps à visée diagnostique Anticorps ayant valeur de critères de classification
Il s’agit de certains anticorps antinucléaires et antiphospholipides. En effet, parmi les critères *Service de rhumatologie, Hôpital Bichat, Paris. Mail : olivier. meyer@bch.aphp.fr
Rhumatos • Mai 2013 • vol. 10 • numéro 88
de classification, ACR 1982 modifiés en 1997, du lupus systémique, figure un critère “immunologique” (n°10) qui comporte plusieurs déterminations d’autoanticorps : il s’agit des anticorps anti-ADN natif ou des anticorps anti-Sm d’une part, des anticorps antiphospholipides sous la forme soit d’un anticoagulant circulant de type lupique, soit d’anticorps
Pr Olivier Meyer*
anticardiolipines d’isotype IgG ou IgM, soit d’une fausse sérologie syphilitique d’autre part. Une seule de ces anomalies sérologiques permet de remplir le critère n°10 à condition, pour les anticorps antiphospholipides, d’avoir été reconnus positifs à 2 reprises à 12 semaines d’intervalle. Le critère n°11 est représenté par un test global de dépistage des anticorps 133
DOSSIER
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Tableau 1 – Critères de classification SLICC/ACR 2012 du lupus systémique. Critères cliniques
Critères immunologiques
• Lupus cutané aigu (rash malaire, lupus bulleux, rash maculopapuleux, rash photosensible) • Lupus cutané chronique (discoïde, localisé ou généralisé, verruqueux, panniculite, muqueux, tumidus, engelure, chevauchement avec lichen plan) • Ulcérations orales (palais, bouche, langue) ou nasales • Alopécie non cicatricielle • Synovite (≥ 2 arthrites) ou arthralgies (≥ 2 articulations) avec raideur matinale > 30 minutes • Sérite : pleurésie sèche ou liquidienne ou péricardite • Atteinte rénale : protéinurie/créatininurie ≥ 500 mg/24 h ou cylindres hématiques • Atteinte neurologique : convulsions, psychose, multinévrite, neuropathie périphérique ou des nerfs crâniens, état confusionnel • Anémie hémolytique • Leucopénie (< 4 000/mm3 au moins une fois ou lymphopénie (< 1 000/mm3 au moins une fois) • Thrombopénie (< 100 000/mm3 au moins une fois)
• Anticorps antinucléaires à taux significatif • Anti-ADN natif à taux significatif (si ELISA : exiger 2 fois la limite supérieure de la normale du laboratoire) • Anti-Sm • Antiphospholipides : o Anticoagulant circulant lupique o Fausse sérologie syphilitique o Anticardiolipine à taux moyen ou élevé o Anti-b2-glycoprotéine I • Hypocomplémentémie o C3 o C4 o CH50 • Test de Coombs érythrocytaire positif (en l’absence d’anémie hémolytique)
Un patient est classé lupus systémique si : 4 critères dont 1 clinique et 1 immunologique, ou si atteinte rénale lupique et présence d’ANA ou d’anti-ADN natif.
antinucléaires positif à un taux significatif. Plus récemment, en 2012, le groupe SLICC (systemic lupus international collaborating clinics) a proposé un autre système de critères de classification (toujours basé sur un minimum de 4 critères) et devant comprendre au moins un critère clinique et un critère immunologique (Tab. 1). Parmi ces critères immunologiques, on trouve la présence d’anticorps anti-nucléaires à un taux significatif, ou la présence d’anti-ADN natif également à un taux significatif, ou la présence d’anticorps anti-Sm, ou la présence d’anticorps antiphospholipides sous forme d’un anticoagulant circulant, ou d’une fausse sérologie syphilitique, ou d’un taux moyen ou élevé d’anticardiolipine, ou d’un taux significatif d’anticorps anti-β2 GPI. Il existe 2 autres sous-critères immunologiques représentés, soit par un test de Coombs érythrocytaire positif (même en l’absence d’hémolyse), soit par une hypocomplémentémie dosée par le 134
CH50 (dosage fonctionnel) ou le C3 ou le C4 (dosages pondéraux). Bien qu’il ne s’agisse que de critères de classification, l’usage fait que ces critères immunologiques sont régulièrement utilisés pour faire le diagnostic positif de lupus systémique. C’est dire s’il faudra être exigeant sur la méthode de dosage employée et sur le seuil minimal de positivité à exiger pour retenir le critère.
Anticorps antinucléaires
Ces auto-anticorps apparaissent très précocement, souvent plusieurs années avant le premier signe clinique (1, 2). ❚❚Dépistage global Il s’effectue en routine par une réaction d’immunofluorescence indirecte (IFI) sur frottis de cellules tumorales humaines, habituellement de la lignée HEp2. Il faut exiger du laboratoire un double résultat donnant le titre des anticorps et l’aspect de la fluorescence. Plusieurs aspects sont
possibles pour un même sérum selon la dilution considérée, témoignant de la présence de multiples anticorps antinucléaires au cours du lupus. Les aspects homogènes et mouchetés sont évocateurs du diagnostic, mais un aspect membranaire périphérique, et même nucléolaire, sont possibles. Le titre minimal à retenir chez l’adulte est le 160e (voire pour certains auteurs le 320e) car des taux faibles (80e) sont fréquents (20 %) dans la population générale (3). A côté du test d’IFI, on voit apparaître des tests de dépistage global en ELISA avec une soupe d’antigènes nucléaires, ou des antigènes purifiés ou recombinants, et d’autres automates type “Bioplex” équipant certains gros laboratoires d’auto-immunité. La sensibilité de ces nouvelles méthodes serait au moins égale à celle de l’IFI (4-7). Aujourd’hui, 99 % des LES non traités ont des anticorps antinucléaires par IFI sur cellules HEp-2 au moment du diagnostic. Rhumatos • Mai 2013 • vol. 10 • numéro 88
❚❚Anticorps anti-ADN natif La méthode de référence est le test radio-immunologique de Farr en phase liquide. Ce test est très spécifique (> 90 %) du diagnostic de lupus, mais il peut être négatif, même au début en l’absence de traitement, n’éliminant pas le diagnostic (seuls 65 à 75 % des lupus ont eu, ou auront des anti-ADN natif ). Le maniement des radioisotopes lui a fait préférer d’autres méthodes plus simples d’emploi : • la méthode d’IFI utilisant un parasite agent de la trypanosomiase murine : Crithidia luciliae. Cette méthode, assez peu sensible, nécessite une lecture manuelle et une technicienne entraînée pour éviter les faux positifs (spécificité 96 %) (Fig. 1). Elle est semi-quantitative et permet de confirmer une méthode en phase solide telle que la deuxième présentée ci-dessous. • l’ELISA anti-ADN natif. C’est la méthode la plus utilisée en routine, mais les trousses sont de sensibilité et de spécificité assez différentes d’une marque à l’autre. Seuls les taux élevés d’isotype IgG ont une réelle valeur diagnostique (83 à 97 % de spécificité). Elle est semi-quantitative et peut être utilisée pour le suivi biologique d’un malade à la condition de procéder au dosage toujours avec la même trousse dans le même laboratoire (8, 9). ❚❚Anticorps anti-nucléosomes Il s’agit d’anticorps reconnaissant soit l’ADN, soit les histones liées à l’ADN (H2A, H2B, H3 ou H4) (30 %) dans la chromatine, soit un épitope conformationnel fait à la fois d’ADN et d’histones (70 %). L’antigène utilisé par les réactifs commerciaux est soit un mono-nucléosome purifié, soit des polynucléosomes formés de chromatine avec l’histone H1 (H1 stripped chromatine) et dans ce cas on parle souvent d’anticorps Rhumatos • Mai 2013 • vol. 10 • numéro 88
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Figure 1 - Anticorps anti-ADN natif : kinétoplaste de Crithidia luciliae. Fluorescence intense du kinétoplaste (ADN) à différencier de la fluorescence modérée du noyau.
antichromatine. Une méta-analyse récente évalue la sensibilité comparée des tests antinucléosomes à 61 % et la spécificité à 94 % avec un odds ratio en faveur du diagnostic de lupus de 40,7. Comparativement les performances des tests anti-ADN natifs sont de 52,4 % pour la sensibilité et de 94,9 % pour la spécificité avec un odds ratio de 28 (10). On peut donc indifféremment utiliser l’une ou l’autre des 2 catégories d’anticorps pour confirmer un diagnostic de lupus. ❚❚Anticorps anti-histones Contrairement aux anti-ADN et aux antinucléosomes, ces anticorps ne sont pas spécifiques du lupus et leur recherche en première intention ne doit pas être faite. Leur prescription (test ELISA) n’est justifiée qu’en cas de négativité des anti-ADN ou anti-nucléosomes chez un patient ayant une forte suspicion clinique de lupus : c’est le cas de certains lupus induits médicamenteux au cours desquels seuls seront présents des anti-histones (en réalité beaucoup de médicaments induisent des anti-ADN natif : citons la sulfasalazine, la minocycline, les anti-TNFα). Les anti-histones H1 et H2B sont responsables de la formation des cellules LE ou
cellules de Hargraves, test historique tombé en désuétude et abandonné dans les critères ACR dès 1982. Qu’il s’agisse des anti-ADN, des antinucléosomes ou des antihistones, les taux d’anticorps s’élèveraient souvent parallèlement à l’évolutivité clinique du lupus et sont utilisés comme marqueur immunologique de l’activité du lupus avec des exceptions nombreuses. ❚❚Anticorps anti-Sm et autres antigènes nucléaires solubles Plusieurs types d’antigènes nucléaires solubles sont à l’origine d’auto-anticorps dans le lupus, mais seuls les anti-Sm sont quasi spécifiques de cette maladie. Il s’agit de complexes ribonucléoprotéiques de petite taille présents dans le nucléoplasme, mais aussi parfois dans le cytoplasme (du fait de navettes entre les deux compartiments cellulaires) : “snRNPs et scRNPs”. On évoquera la présence de tels auto-anticorps devant un aspect moucheté de la fluorescence nucléaire à un titre élevé (11). Leur détection est assurée aujourd’hui par des tests ELISA ou LIA. En pratique, on utilisera généralement un test ELISA global de dépistage, puis un ELISA spécifique à partir des principaux antigènes, soit recombinants, 135
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soit purifiés pour caractériser et éventuellement quantifier les autoanticorps. Les principaux autoanticorps anti-sn RNP sont : • les anti-SmD détéctés chez 8-10 % des lupus caucasiens, 30 % des lupus des sujets noirs (Afrique et Afro-américains) et 30 % des Asiatiques (12). • Les anti-U1 RNP 70 kD, A et C détectés chez 30 à 40 % des lupus de toutes ethnies. Les principaux anti-scRNPs sont les anti-SSA (Ro) 60 kD et 52 kD détectés chez 35 % des lupus en général, beaucoup plus fréquemment dans certains tableaux cliniques, tels que le lupus cutané subaigu (80 %), le lupus des sujets âgés (60 %), les lupus avec déficit congénital en C4, C2 ou C1q (90 %), les lupus néonataux cutanés ou avec bloc auriculoventriculaire congénital (> 85 %), les lupus avec syndrome de Sjögren. Ils sont plus rares dans les lupus à début juvénile (13). Les anti-SSA 60 kD sont habituellement les premiers auto-anticorps à précéder le début clinique du lupus. Les anti-SSB (La) détectés chez 10 % environ des lupus, incitent à rechercher un syndrome de Sjögren associé. Un même malade peut avoir simultanément plusieurs de ces auto-anticorps : Sm + U1RNP, SSA ± SSB, mais aussi SSA et Sm + U1 RNP, notamment chez les sujets noirs. Contrairement aux anti-ADN et aux antinucléosomes, le titre des antiSm (et autres anti-snRNPs) ne varie pas (sauf exception) avec l’activité de la maladie. ❚❚Anticorps anti-PCNA Présents chez moins de 5 % des lupus, cet anticorps est faiblement dépisté en immunofluorescence indirecte sur cellules HEp2 puisqu’il donne une fluorescence moucheté des seules cellules en phase de la 136
division cellulaire (aspect pleiomorphique). Ils ne sont cependant pas spécifiques du LED (14).
Anticorps antiphospholipides
Ces anticorps sont détectés globalement chez 30 % des lupus, mais ne sont pas spécifiques puisqu’ils constituent le marqueur indispensable du syndrome primaire des anticorps antiphospholipides et des rares syndromes secondaires associés à d’autres situations (connectivites non lupiques, cancer, prise médicamenteuse, accidents obstétricaux divers...). Plusieurs tests, non redondants, basés sur des principes différents, sont disponibles pour la détection des anticorps antiphospholipides. ❚❚Sérologie syphilitique dissociée Les réactions utilisant des antigènes cardiolipidiques (et non tréponémiques) sont essentiellement le VDRL (test d’agglutination) car la réaction de Bordet Wasserman (déviation du complément) est abandonnée. Le VDRL détecte seulement les IgM anticadiolipine. Les réactions utilisant des antigènes tréponémiques (TPHA, immunofluorescence, Nelson) seront négatives en l’absence de syphilis ou de tréponématose, d’où le nom de “sérologie syphilitique dissociée” donné à cette situation. Sa fréquence est de 20 % dans le lupus. ❚❚Tests d’hémostase/anticoagulant circulant de type lupique Les anti-phospholipides interfèrent en inhibant l’action “activatrice” de la coagulation in vitro des activateurs phospholipidiques utilisés dans les tests d’hémostase. Les tests les plus sensibles à la présence de ces anticoagulants circulants phospholipidiques sont ceux qui explorent la voie intrinsèque
de la coagulation (TCA/APTT, dRVVT, temps de Kaolin...) et non la voie extrinsèque (TP) ou le temps de prothrombine dilué (dPT). Un seul test n’est pas suffisant pour détecter tous les anticoagulants circulants lupiques et des recommandations internationales ont été édictées avec remise à jour périodique afin d’optimiser et de standardiser les procédures (15). La première étape du dépistage doit obligatoirement comporter 2 tests, le dRVVT en première intention et le TCA. Il n’est plus recommandé d’inclure le temps de thromboplastine diluée en dépistage. Il peut être important de poursuivre la recherche d’anticoagulant circulant lupique même devant un TCA normal. Devant un allongement anormal du TCA ou/et du dRVVT, la mise en évidence d’un inhibiteur de la coagulation nécessite la réalisation d’une épreuve de correction en étudiant le mélange volume à volume du plasma à tester avec un pool de plasma normal. Les valeurs des seuils pathologiques font également l’objet de recommandations internationales. Enfin la confirmation de la dépendance en phospholipides de l’inhibiteur de la coagulation constitue la 3e étape pour différencier anticoagulants circulants lupiques d’un anticorps anti-facteur de la coagulation (tel un anti-facteur VIII). Un raccourcissement du temps de coagulation traduit alors la présence d’un anticoagulant circulant lupique (test de neutralisation). Les tests d’hémostase ne sont pas quantitatifs, mais sont mieux corrélés au risque de thrombose ou d’accident obstétrical que les autres méthodes, notamment ELISA. Environ 20 % des lupus ont un anticoagulant circulant, mais à peine la moitié ont des manifestations cliniques associées. Rhumatos • Mai 2013 • vol. 10 • numéro 88
❚❚Anticorps anticardiolipine Ces anticorps sont dosés par des ELISA spécifiques des IgG ou des IgM. Seuls les taux moyens et élevés ont une valeur diagnostique. La fréquence des IgG anticardiolipine est de 25 à 50 % au cours du lupus, augmentant avec la durée du suivi. Ils sont associés soit à l’activité de la maladie, soit aux manifestations cliniques de thrombose et aux complications obstétricales. ❚❚Anticorps anti-β2 glycoprotéine 1 Leur mise en évidence se fait par un ELISA spécifique des IgG ou des IgM selon des modalités qui nécessitent encore des ajustements pour être homogénéisées d’une trousse commerciale à l’autre (16). La β2-glycoprotéine 1 est le cofacteur protéique principal lié aux phospholipides et la cible principale des anticoagulants circulants détectés par le test dRVVT. Les anticorps anti-β2 GPI sont présents chez 20 % environ des lupus systémiques. Qu’il s’agisse d’anticardiolipine ou d’anti- w2 GPI, voire d’anticoagulant circulant, il est nécessaire de procéder à un examen de confirmation 12 semaines plus tard afin d’éliminer les situations, fréquentes, où ces anticorps seraient transitoires (infections, médicaments...).
Autres anticorps à visée diagnostique ❚❚Auto-anticorps antiérythrocytaires Détectés par le test de Coombs indirect, ces anticorps “chauds” sont des IgG fixant le complément. Ainsi, le test de Coombs chez les lupiques (25 à 50 % de malades positifs) est habituellement de type IgG ou IgG/complément, plus rarement complément seul. Rhumatos • Mai 2013 • vol. 10 • numéro 88
L’hémolyse clinique à Coombs positif est en revanche exceptionnelle dans le lupus (< 5 %). ❚❚Anticorps anti-ribosomes Autrefois détectés sur des coupes de tissus en immunofluorescence indirecte, les anti-ribosomes sont désormais détectés par ELISA avec des peptides recombinants de la protéine Po ribosomale. Ces anticorps sont présents chez 15 à 20 % des lupus systémiques mais ne sont pas spécifiques. Ils peuvent exister en l’absence d’anticorps antinucléaires et anti-ADN (parmi les exceptionnels lupus “séronégatifs”) (17). Les anti-ribosomes seraient plus fréquents chez l’enfant et seraient associés, du moins dans certains travaux, à l’atteinte rénale, aux troubles psychiatriques (18) à type de dépression ou aux hépatites lupiques. ❚❚Anticorps anti-C1q Les anticorps dirigés contre la protéine C1q de la voie classique du complément sont dosés par ELISA et sont présents chez 40 % des lupus. Ils sont habituellement associés aux atteintes rénales prolifératives (classes histologiques III et IV). Plus que leur sensibilité, c’est leur valeur prédictive négative qui est intéressante puisqu’il est quasiment exclu d’observer une atteinte de classe III ou IV lorsqu’il n’y a pas d’anticorps anti-C1q (19). ❚❚Facteurs rhumatoïdes IgM (FR) Environ 20 % des lupus ont un test au latex positif. Il s’agit volontiers des lupus du sujet âgé, des lupus avec Sjögren ou associés à une polyarthrite destructrice de type PR associée (rhupus). Les lupus avec FR auraient moins souvent une atteinte rénale sévère (les anticorps anti-protéines citrullinées sont rares (10 %) et s’observent principalement en cas de PR associée).
❚❚Autres anticorps antiphospholipides/cofacteurs Seuls les anticorps contre le complexe phosphatidyl sérine/ prothrombine sont utilisés en routine et peuvent venir compléter la recherche des anti-phospholipides classiques déjà étudiés dans les rares cas de syndrome antiphospholipides dits “séro-négatifs”. ❚❚Anticorps d’usage non courant On citera les anticorps anti-bactinine, marqueur de l’atteinte rénale, les anticorps anti-NR2 (récepteur du glutamate) associés aux lupus neurologiques (non thrombotiques).
Clinique et profil anticorps : principales associations cliniques
Diverses associations clinico-immunologiques sont désormais classiques : • phénomène de Raynaud et anticorps anti-U1-RNP ; • glomérulonéphrite proliférative et anti-C1q ; • lupus cutané subaigu et anti-Ro/ SSA ; • lupus avec syndrome de Sjögren et anti-Ro/SSA ; • lupus néonatal et anti-Ro/SSA ; • dépression lupique et anti-ribosomes ; • thromboses/accidents obstétricaux et anticorps anti-phospholipides. Parmi les anticorps anti-phospholipides, les associations les plus fortes sont, par ordre décroissant : les anti-coagulants circulants, puis les IgG anti-β2 GPI, puis les IgG anti-cardiolipine. Les associations, chez un même malade, de 2 types d’anticorps, et a fortiori 137
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de 3, sont les situations où le risque est le plus élevé (20, 21).
Anticorps du lupus marqueurs biologiques d’activité de la maladie
Certains auto-anticorps sont utilisés dans la surveillance régulière, leur fluctuation (surtout en cas d’élévation rapide) étant habituellement, mais pas toujours, utile pour prédire une poussée ou, à défaut, contemporaine d’une poussée. Citons principalement les anti-ADN natif, les anti-nucléosomes
et les anti-C1q (22). Les exceptions sont nombreuses dans les deux sens représentant 20 % des cas environ (lupus sérologiquement quiescents et cliniquement actifs ou lupus sérologiquement actifs et cliniquement quiescents (6 à 15 %) (23). Ainsi d’autres marqueurs, indépendamment du taux du complément CH50, C3 ou C4 sont activement recherchés afin de pouvoir mieux surveiller les patients.
Pour conclure Au total, les autoanticorps du lupus systémique sont multiples et jouent un rôle probable
dans la survenue de certaines manifestations cliniques de la maladie (activation du complément, cytotoxicité directe ou via des complexes immuns...). Plusieurs des marqueurs diagnostiques sont irremplaçables alors que peu d’entre eux sont des indicateurs fidèles de l’activité, et a fortiori de la sévérité, n du lupus systémique.
Mots-clés : Lupus systémique, Auto-anticorps, Suivi, Diagnostic
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