EULAR 2013 : L’essentiel du congrès
La goutte N’est-elle plus un facteur de risque cardiovasculaire indépendant ? Dr Hang-Korng Ea*
Introduction L’association entre la goutte, l’HTA, le diabète, l’obésité, les dyslipidémies et l’insuffisance rénale (IRC) est connue depuis des siècles. Des études récentes ont montré une augmentation du risque d’accidents cardiovasculaires et en particulier coronariens chez les patients hyperuricémiques et plus encore chez les patients goutteux. Ainsi, deux études prospectives portant respectivement sur 51 297 et 9 105 hommes suivis pendant 12 et 17 ans ont montré que le risque relatif (RR) de mortalité cardiovasculaire des patients goutteux était de 1,38 (IC 95 % : 1,15-1,66) et de 1,21 (IC 95 % : 0,99-1,49) après ajustement pour les différents facteurs de risque (FdR) cardiovasculaire (CV) par rapport aux patients non-goutteux (1, 2). Il semblait donc acquis que la goutte représente un FdR CV indépendant. Les résultats de la présentation suivante sont de ce fait surprenants (3).
*Hôpital Lariboisière, Appareil locomoteur, Service de rhumatologie, Centre Viggo Petersen, Paris
Rhumatos • Juin 2013 • vol. 10 • numéro 89
Jeudi
13 JUIN
goutte et Risque d’accident cardiovasculaire
Méthodologie
Les auteurs ont cherché les FdR des accidents cardiovasculaires chez 251 hommes goutteux (diagnostic confirmé par la mise en évidence des cristaux d’urate monosodique) suivis de façon prospective pendant 10 ans. À l’inclusion, ils avaient en moyenne 51,9 ± 11,4 ans et ils ont été suivis pendant 6,9 ± 2,0 années. Ils avaient eu au moins une hospitalisation. Les accidents CV et les décès CV ont été systématiquement recueillis. Les FdR CV habituels ont été recherchés ainsi que le syndrome métabolique, l’IRC, l’insuffisance coronarienne, l’uricémie, la consommation éthylique et le taux de la CRP ultra-sensible. Le risque des événements CV chez les patients traités par allopurinol a aussi été calculé.
Résultats
Au cours du suivi, la prévalence des maladies coronariennes, du diabète, de l’HTA, de l’obésité et de l’IRC a augmenté. En revanche, la prévalence des tophi (37,5 %) et des arthropathies uratiques (30,7 %) n’a pas changé. L’uricémie cible (< 360 µmol/l) a été observée chez 17,1 % des patients et 52,9 % des patients avaient continué l’allopurinol pendant toute la période de l’étude
avec une posologie moyenne de 150 ± 90 mg/jour. Des accidents CV ont été observés chez 58 patients (23,1 %) dont 30 recevaient régulièrement de l’allopurinol. Vingt-deux (8,8 %) patients sont décédés, 12 étaient traités par allopurinol. L’analyse en régression logistique a montré que le risque des événements CV était augmenté pour : - l’HTA (RR : 8,68, IC 95 % : 0,9380,61) ; - la consommation d’alcool ; - l’IRC (RR : 4,76, IC 95 % : 1,6213,99) ; - un taux élevé de la CRP ultrasensible (> 5 mg/l) (RR : 5,71, IC 95 % : 1,57-20,77) ; - un antécédent familial d’accident CV précoce (RR : 3,09, IC 95 % : 1,32-7,25). En revanche, la goutte (RR : 1,36, IC 95 % : 0,60-3,11), l’uricémie (RR : 1,22, IC 95 % : 0,48-3,14) et les tophi (RR : 0.92, IC 95 % : 0,422,01) n’étaient pas associés aux événements CV. De même, les risques d’événements CV fatals étaient uniquement observés pour les FdR CV habituels : CRP ultrasensible (RR : 1426, IC 95 % : 1,36-149,19), IRC (RR : 8,42, IC 95 % : 1,63-43,38), antécédent familial (RR : 7,53, IC 171
EULAR 2013 : L’essentiel du congrès
95 % : 142-40,01). Le quartile supérieur de l’uricémie (> 550 µmol/l) était aussi associé aux événements CV fatals (RR : 3,24, IC 95 % : 0,8312,55). En revanche, l’utilisation régulière de l’allopurinol n’a pas de retentissement sur les accidents CV fatals ou non.
Conclusion
Les résultats paraissent en contradiction avec les études antérieurement citées et celles récemment publiées qui convergent sur la mise en évidence d’un risque indé-
pendant de l’hyperuricémie dans les événements cardiovasculaires. D’autant que certaines études ont montré que le traitement par allopurinol pouvait normaliser la tension artérielle chez une population d’adolescents avec HTA. L’absence d’association observée dans cette étude est probablement liée à la petite taille de l’échantillon. Les résultats concernant la prise en charge de la goutte sont aussi très inhabituels avec seulement 17,1 % des patients qui ont une uricémie à la cible sur 10 ans de suivi. n
Mots-clés : Goutte, Facteur de risque cardiovasculaire
Bibliographie 1. Choi HK, Curhan G. Independent impact of gout on mortality and risk for coronary heart disease. Circulation 2007 ; 116 : 894-900. 2. Krishnan E, Baker JF, Furst DE, Schumacher HR. Gout and the risk factor of acute myocardial infarction. Arthritis Rheum 2006 ; 54 : 2688-96. 3. Barskova VG, Eliseev MS, Denisov IS, Gluhova SI. Independent risk factors for cardiovascular events in male patients with gout: results of the 7-year prospective follow-up study. EULAR 2013 : OP0130.
ÉCHO DES SYMPOSIUMS - EULAR 2013 Biothérapies
Cibles des traitements biothérapiques
L
e Dr G.S. FIRESTEIN (San Diego, USA) a évoqué le rôle de la cascade inflammatoire et les mécanismes d’action des inhibiteurs de cytokines. La transduction du signal en régule la production et la fonction, induisant la réponse cellulaire, modifiant l’expression des gênes et la libération des médiateurs dans le milieu extra-cellulaire. Les kinases amplifient le signal, sous l’effet du stress, des cytokines, des growth factors. Les JAK (Janus Kinases) régulent la réponse cellulaire aux cytokines et peuvent être ciblés pour diminuer la réponse immunitaire en cas de PR. Dans la PR et le lupus, le principal JAK impliqué est JAK 1, JAK 2 dans le psoriasis, JAK 3 dans les transplantations. Le tofacitinib, inhibiteur de JAK1, bénéficie déjà d’une approbation aux USA. D’autres petites molécules inhibent les kinases, (SYK et MAPK) avec une efficacité modérée sur la PR. Leur indication et leur efficacité devront être en permanence mises en balance avec leur toxicité. Pour le Pr R. Van VOLLENHOVEN (Stockholm, Suède), l’éventail des produits en développement s’accroît. Le tofacitinib (JAK/1/3 inhib.) a terminé le programme de phase III, et est considéré comme efficace chez les patients naïfs de MTX, por-
172
teurs de PR clinique et biologique, et non-répondeurs au MTX. Les effets secondaires répertoriés sont : diarrhée, neutropénie, HTA, augmentation des transaminases, et, plus rares, les manifestations infectieuses et tumorales. Les autres inhibiteurs de JAK sont en phase II. Le fostamatinib, inhibiteur de SYK est en cours de phase III, et semble efficace chez les PR insuffisamment répondeurs ou non-répondeurs au MTX. Comment s’organise l’avenir du traitement des rhumatismes inflammatoires ? L’exposé du Pr R. LANDEWE (Amsterdam, Pays-Bas) a évoqué l’évolution de la prise en charge passée, présente et future de la PR. La riche gamme de produits efficaces et la meilleure connaissance des affections rhumatismales imposent la formulation de recommandations. Pour la dernière version de celles de l’Eular, 5 revues systématiques de la littérature ont été établies. Le centre d’Oxford a établi les niveaux de preuve pour chaque item, et un board d’experts a défini la force de chacune d’elles. La meilleure efficacité a été reconnue pour 4 traitements synthétiques et 8 biologiques. L’industrie pharmaceutique, les gouvernements, les instances officielles, les rhumatologues et leurs patients sont tous concernés par ces dispositions. n Dr Michel Bodin
Rhumatos • Juin 2013 • vol. 10 • numéro 89