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Journées nationales de rhumatologie 2013

Les pathologies rachidiennes Affections microcristallines, classification et prise en charge de la douleur n La séance consacrée au rachis a connu un grand succès, témoignant de l’intérêt que les rhumatologues praticiens portent à cette pathologie. Trois exposés composaient cette session : rachis et pathologies microcristallines, phénotypage des lombalgies et prise en charge des séquelles douloureuses de chirurgie rachidienne.

Rachis et affections microcristallines

Thomas Bardin a commencé la session par une mise au point sur les relations entre rachis et pathologies microcristallines. La goutte est classiquement considérée comme rare, mais cette fréquence est peut-être sous-estimée (15 % des gouttes sévères tophacées). Le tableau clinique est variable : latence, compressions nerveuses, douleurs rachidiennes. Le scanner montre les dépôts d’urates dont la ponction radioguidée ou la chirurgie permettent d’affirmer la nature. Les cristaux calciques sont d’origine variable : cristaux d’oxalate dans l’oxalose primitive, au stade d’insuffisance rénale, dépôts de phosphates de calcium (rhumatisme apatitique, séquelles d’infiltrations de corticoïdes, ochronose, immobilisation vertébrale) ; ils peuvent être responsables de rachialgies aiguës, parfois fébriles. La chondrocalcinose a une prédominance lombaire et cervicale, pouvant toucher tous les *Département de rhumatologie, CHRU de Montpellier **Service de rhumatologie, CHU de Rennes

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Pr Francis Blotman* et Pr Gérard Chalès**

éléments anatomiques d’une vertèbre. Les calcifications discales de la chondrocalcinose s’associent souvent à une maladie de Forestier. Le syndrome de la dent couronnée peut être dû à des dépôts cervico-occipitaux de pyrophosphate de calcium (ou d’apatite). Les arthropathies destructrices y sont classiques avec, souvent, des aspects de pseudospondylodiscites. Au total, les dépôts microcristallins peuvent, lorsqu’ils sont symptomatiques, être responsables de douleurs inflammatoires rachidiennes, de compressions neurologiques et d’arthropathies destructrices.

Lombalgies et phénotypes cliniques

François Rannou, dans une conférence brillante et dense, donc difficile à résumer, a proposé un phénotypage des lombalgies pour les prendre en charge de façon plus spécifique, en dépassant le classique paradigme du modèle biopsycho-social qui leur est communément attribué. Les lésions peuvent être un élément du phénotypage : instabilité segmentaire, canal lombaire

étroit, discopathie évolutive avec remaniement de Modic, scoliose, discopathie isolée du sujet jeune avec discolyse rapide… Dans cette optique, l’IRM, les clichés dynamiques répétés pour dépister une instabilité, les clichés EOS peuvent être des bio-marqueurs pour apprécier l’effet structural des traitements. Une stratification des patients selon le risque de la chronicité peut être aussi établie : lombalgie peu grave ou risque majeur de désocialisation. Les traitements peuvent, eux-mêmes, être classés en deux groupes : spécifiques (infiltrations, renforcement des spinaux par isocinétisme, chirurgie…) et non spécifiques (lutte contre les facteurs de chronicité, travail aérobie….).

Radiculalgies postopératoires : de la physiopathologie a la prise en charge

Philippe Bertin a abordé de façon originale une entité complexe et multifactorielle : les lomboradiculalgies post-opératoires. La fréquence des patients souffrant de douleurs après chirurgie Rhumatos • Septembre 2013 • vol. 10 • numéro 90


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du rachis (Failed Back Surgery Syndrom) varie entre 10 et 40 %, selon la chirurgie (fusion vertébrale > discectomie) et le nombre d’interventions chirurgicales. Les causes sont différentes selon le délai d’apparition des douleurs après la chirurgie (post-opératoire immédiat ou quelques jours, semaines, mois, années). Multiplier les imageries peut être facteur de catastrophisme. D’où la nécessité d’avoir préalablement une approche sémiologique analytique : radiculalgie prédominante, douleur neuropathique (DN4), mécanique ou mixte, composante sensorielle et/ou émotionnelle (questionnaire ANAES), critères de juge-

ment, facteurs professionnels et médico-légaux. L’approche non médicamenteuse n’a pas été abordée. Philipe Bertin a voulu essentiellement « revisiter » l’approche médicamenteuse, nous incitant à oublier les paliers de l’OMS (niveau d’efficacité des antalgiques en fonction de l’intensité de la douleur) et à classer les médicaments en fonction du mécanisme supposé de la douleur : antalgiques antinociceptifs (non opioïdes, opioïdes, cannabinoïdes), antihyperalgésiques (kétamine, antiépileptiques, néfopam), modulateurs des contrôles descendants inhibiteurs ou excitateurs (tricycliques, IRS),

modulateurs de la transmission et de la sensibilisation périphériques (anesthésiques locaux, carbamazépine, oxcarbazépine, topiramate, capsaïcine), mixtes (tramadol, tapentadol). L’évaluation thérapeutique doit être personnalisée, en soulignant que la meilleure arme reste la prévention : discuter l’indication chirurgicale, documenter les facteurs « psycho-sociaux » et prendre en charge précocement la douleur n post-opératoire.

Mots-clés : Rachis, Affections microcristallines, Lombalgies, Radiculalgies

Maladies osseuses rares Quelle prise en charge ? n

Cette session s’intéresse plus particulièrement à trois maladies : la dysplasie fibreuse, la

mastocytose osseuse et l’ostéogenèse imparfaite.

La dysplasie fibreuse (Pr Philippe Orcel, Paris)

Cette maladie rare est secondaire à une mutation protéinique induisant une activation de l’adénylcyclase et l’AMP cyclique, une prolifération excessive et un défaut de maturation des préostéoblastes. Ces cellules produisent en excès des cytokines (IL-6), avec augmentation de l’activité des ostéoclastes et de la résorption osseuse. *Rhumatologue, Griselles

Rhumatos • Septembre 2013 • vol. 10 • numéro 90

Dr Michel Bodin* Une hyperproduction de phosphatonine peut entrainer un diabète phosphaté et une ostéomalacie. La peau (taches café au lait à bords déchiquetés), les glandes endocrines (puberté précoce) peuvent être touchées. Des complications ophtalmologiques, ORL et stomatologiques sont fréquentes. Une lésion osseuse isolée pose un problème de diagnostic et de bilan global. Les taches sont généralement caractéristiques en localisation (métamère) et en aspect. Une biopsie peut aider si l’imagerie

n’est pas assez explicite (lésions en fumée, atteintes soufflantes des corticales, alternance de zones lytiques et condensantes). La scintigraphie est souvent utile (disposition monomérique ou métamérique évocatrice). Les côtes sont très souvent atteintes. Le bilan d’extension et l’évaluation pronostique sont indispensables. L’approche thérapeutique passe par les antalgiques, les corticoïdes, les bisphosphonates, les traitements endocriniens et le traitement chirurgical éventuel. Plusieurs protocoles sont en cours 197


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d’essai, dont un avec le tocilizumab (TCZ).

Mastocytose osseuse (Dr Rose-Marie Javier, Strasbourg)

La mastocytose osseuse est une maladie rare (1/10 000) liée à une prolifération des mastocytes accumulés dans la peau et l’os, activés anormalement sans stimulation, et à une mutation somatique du récepteur tyrosinekinase CD117 (c-kit). Cliniquement, les manifestations transitoires de l’enfant diffèrent des atteintes de l’adulte : atteinte osseuse systémique (plus chez l’homme de 60 ans) et manifestations cutanées rougebrun : le frottement de la peau induit une réaction pseudo-allergique (turgescence, prurit). Une intolérance alimentaire, des diarrhées, une toux chronique, une fatigue, une dépression, des palpitations et des flushes doivent orienter. Les douleurs osseuses sont diffuses, liées à une ostéoporose pure et aspécifique avec des fractures éventuelles. Sur les radiographies, on constate une ostéopénie, des lésions lytiques et condensantes axiales. Une ostéoporose inexpliquée avec ou sans fracture, des

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troubles alimentaires, des diarrhées et des lésions cutanées imposent la recherche d’une mastocytose (éventuellement biopsie, dosage de la tryptase). Des recommandations ont été établies : recherche des risques de fracture, densitométrie, bilan radiographique et biologique. Le traitement passe par les antihistaminiques de types 1 et 2, avec IPP associés. En cas d’échec, prescrire les inhibiteurs de la tyrosine-kinase. Le traitement osseux implique les bisphosphonates, associés ou non à l’interféron.

Ostéogenèse imparfaite (OI) (Pr Marie-Christine de Vernejoul, Paris)

On doit y penser devant une fragilité osseuse : trois fractures de fragilité avant 20 ans, un T-score < -2.5 peuvent suffire au diagnostic. Les sclérotiques bleues et la dentinogenèse imparfaite ne sont que des éléments d’orientation. Il n’y pas de test biologique spécifique. Depuis un siècle, sept formes d’OI ont été identifiées, en fonction de la sévérité clinique, de la taille des patients, des signes associés. Depuis 2004, dix nouveaux gènes ont été associés au

diagnostic. Il existe des formes légères (fractures nombreuses dans l’enfance, taille normale, peu de signes associés, altération du collagène I) et des formes sévères (petite taille, déformations invalidantes, scoliose et poursuite de fractures à l’âge adulte, DMO très basse, atteinte du collagène III ou IV). L’OI est associée à un taux bas de PINP et un taux d’ostéocalcine élevé (augmentation du remodelage). L’OI est également liée à des manifestations cardiaques (formes sévères) et ORL (diminution de l’audition). Il faut normaliser le calcium et la vitamine D et vérifier les conditions de vie. En cas de grossesse souhaitée, il faut prendre l’avis d’un généticien et éviter l’allaitement. Les douleurs doivent être traitées par antalgiques et surtout bisphosphonates à hautes doses. Ces traitements peuvent induire des ostéonécroses de mâchoire, voire des fractures atypiques. L’avenir passe vraisemblablement par l’utilisation des anticorps anti-sclérostine chez les enfants atteints. n

Mots-clés : Maladies osseuses rares, dysplasie fibreuse, Mastocytose osseuse, Ostéogénèse imparfaite

Rhumatos • Septembre 2013 • vol. 10 • numéro 90


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