à savoir
Immunogénicité des biothérapies Ce qu’il faut comprendre, ce qu’il faut retenir pour la pratique Pr Thierry Schaeverbeke* immunoglobulines polyvalentes (6).
Introduction Les biothérapies, et historiquement les anti-TNF, ont constitué une avancée majeure dans la prise en charge de la polyarthrite rhumatoïde. Cependant, tous les patients ne répondent pas de la même façon à ces différents traitements. En ce qui concerne les anti-TNF, les données issues des registres montrent qu’environ 20 à 30 % des patients ne répondent pas à un premier anti-TNF, et que, parmi les patients ayant initialement répondu à ce premier anti-TNF, une proportion de 20 à 30 % échappe au cours des deux premières années de traitement (1-3). Dans le même temps, de multiples études ont montré qu’en cas de perte d’efficacité d’un premier anti-TNF, l’augmentation de posologie ou l’utilisation d’un second antiTNF s’avérait efficace dans environ la moitié des cas, montrant que l’échec n’était pas lié à la cible thérapeutique (le TNF) et suggérant que la perte d’efficacité pouvait être la conséquence d’une immunisation vis-à-vis du traitement (4, 5). Ces dernières années, les données concernant l’immunogénicité des biothérapies se sont accumulées et des kits de dosages d’anticorps anti-biomédicaments ont été proposés aux rhumatologues… De quoi justifier une mise au point dans Rhumatos ! Par ailleurs, les travaux parmi les plus pertinents sur ce sujet proviennent de nos collègues tourangeaux, une raison de plus de s’intéresser à cette question passionnante.
Pourquoi les biomédicaments sont-ils immunogènes et non les traitements conventionnels ?
Les biomédicaments sont des substances biologiques “étrangères” injectées de façon répétée à un patient. C’est exactement ce que l’on fait pour une vaccination : première injection d’une protéine ou d’une substance polysaccharidique étrangère, suivie d’injections de rappel. Ce phénomène s’observe beau*Département de rhumatologie, CHU de Bordeaux - Unité sous Contrat, Infections à Mycoplasmes et à Chlamydia chez l’Homme, Université Bordeaux Segalen
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coup plus fréquemment avec des biomédicaments qu’avec les médicaments conventionnels, car ce sont des molécules volumineuses, plus facilement identifiées par le système immunitaire. C’est un phénomène connu depuis longtemps avec bien d’autres substances biologiques employées en thérapeutique, comme l’insuline, l’érythropoïétine, les facteurs anti-hémophiliques, les enzymes de substitution employées dans les maladies génétiques comme la maladie de Gaucher ou la maladie de Fabry, les facteurs de croissance ou les
Ces anticorps anti-biomédicaments sont couramment dénommés ADAb, pour anti-drug antibodies.
L’immunisation vis-à-vis des antiTNF : presque tout avait été dit d’emblée lors des premiers essais de l’équipe de Maini !
Il est d’ailleurs intéressant de se remémorer que, si l’essentiel de la littérature rhumatologique consacrée à ce sujet est récente, le risque d’immunisation a été identifié dès les toutes premières utilisations des anti-TNF. Dès le début des années 1990, alors que les tout premiers patients atteints de polyarthrite rhumatoïde (PR) faisaient l’objet d’une évaluation d’un traitement anti-TNF (le cA2, qui deviendra l’infliximab) et que le traitement n’était pas administré de façon séquentielle mais à la rechute clinique, l’équipe de Maini avait noté que la répétition des injections se faisait à un rythme de plus en plus rapide, l’intervalle séparant l’administration du traitement de la rechute clinique se réduisant progressivement (Fig. 1). Les auteurs avaient suggéré d’emblée que ce phénomène Rhumatos • Novembre 2013 • vol. 10 • numéro 92