Arthrose
DOSSIER
2 Etat des lieux
de l’arthrose
Et perspectives de nouveaux traitements n Le traitement de l’arthrose est certainement, en rhumatologie, l’enjeu le plus important dans les années à venir. Non seulement parce qu’il s’agit de la maladie articulaire la plus fréquente, mais aussi parce que son coût économique est tout à fait considérable. Mais où en sommesnous actuellement ?
L'
arthrose est de loin la maladie articulaire la plus fréquente. Nous disposons en France, depuis l’étude KHOALA, de données chiffrées de cette fréquence (1). Ainsi, il a été montré que la gonarthrose symptomatique dans une population entre 40 et 75 ans variait de 2,1 % à 10,1 % pour les hommes et de 1,6 à 14,9 % pour les femmes et en ce qui concerne la coxarthrose de 0,9 % à 3,9 % pour les hommes et de 0,7 à 5,1 % pour les femmes (1). L'arthrose est une maladie qui devient invalidante au fil de son évolution de par la chronicité de la douleur et le handicap fonctionnel attenant (2). La meilleure compréhension de la physiopathogénie de la maladie arthrosique nous ouvre des champs et des perspectives thérapeutiques jusque-là ignorés (Fig. 1). En effet, nous sommes passés du concept d'une maladie d'usure du cartilage, à celle d'une maladie évolutive touchant plusieurs tissus dans l'articulation, dont la membrane synoviale, l'os sous-chondral, les tissus péri-articulaires, et bien entendu le cartilage lui-même (3, 4). L’enjeu majeur dans les années à venir dans le traitement l'arthrose *Service de rhumatologie, Hôpital Henri Mondor, Créteil
Rhumatos •Novembre 2013 • vol. 10 • numéro 92
Pr Xavier Chevalier*
Agents anti-inflammatoires Anti-cytokines Inhibiteurs d’enzymes Inhibiteurs d’oxyde nitrique fémur Membrane synoviale ménisque
cartilage
rotule Cartilage
Os sous chondral tibia
membrane syniviale tendon rotulien (ligament rotulien)
Agents anti-ostéoclastiques Anti-angiogéniques
Figure 1 - Ciblage de la membrane synoviale et de l’os sous-chondral dans le but de diminuer la dégradation du cartilage.
est de trouver une molécule pouvant à la fois ralentir le processus arthrosique, tout en diminuant les phénomènes douloureux. Cette molécule idéale, doit également présenter un rapport bénéfice/ risque très favorable (5). En réalité, il est possible de dissocier d'une part l'objectif de traiter purement la douleur et les symptômes, de celui, plus ambitieux, qui consiste à retarder l'évolution de la maladie (5). Ainsi, les essais qui visent uniquement à améliorer les symptômes
sont en général de durée beaucoup plus courte, et ciblent plus spécifiquement les mécanismes non spécifiques de la douleur, alors que les essais de chondro-protection sont des essais beaucoup plus lourds, difficiles à mettre en place, nécessitant un investissement très important et pour lesquels, sur une période de suivi longue, il est beaucoup plus difficile d'apprécier l'évolutivité des symptômes. Actuellement,
nous
disposons 263
Arthrose
DOSSIER
dans notre arsenal thérapeutique validé par différentes conférences de consensus, d'antalgiques, d'anti-inflammatoires, d'infiltrations locales de corticoïdes et d'acide hyaluronique, et d'une classe thérapeutique définie comme des médicaments à action lente (6). Ces derniers ont montré une certaine capacité à ralentir l'évolutivité des lésions arthrosiques mais de façon modérée et avec une pertinence clinique qui reste à déterminer. Les dernières recommandations de l’American College of Rheumatology ne retiennent plus ni les ASAAL ni les injections d’acide hyaluronique (7). Nous ne disposons pas actuellement de véritables médicaments ciblés qui permettent de ralentir l'évolutivité de la maladie.
Comment aborder les différents traitements nouveaux de l'arthrose ?
Dans cette revue, nous distinguerons les nouveaux traitements spécifiquement dirigés sur les symptômes, de ceux ciblant plus spécifiquement une molécule impliquée dans la dégradation du cartilage, mais dont le blocage pourrait également avoir un effet symptomatique (8).
Les anti-NGF : les nouveaux super antalgiques dans l'arthrose ?
Le Nerve Growth Factor est un facteur de croissance directement impliqué dans la transmission des voies de la douleur (9). En effet, le NGF sensibilise les nocicepteurs. Ce facteur de croissance a été mis en évidence dans le liquide synovial de différentes arthropathies et son taux est détectable dans le liquide synovial (10). Des 264
anticorps monoclonaux bloquant spécifiquement ce facteur de croissance ont été mis au point. En 2010, un essai portant sur des patients souffrant de gonarthrose symptomatique, publié dans le New England Journal Medecine, comparant des perfusions de tanezumab à celles d'un placebo toutes les 8 semaines, a montré des résultats tout à fait spectaculaires sur la diminution de la douleur (11). Le pourcentage moyen de la diminution de la douleur était entre 45 et 62 %, et un tiers des patients dans le groupe traité n’avaient pratiquement plus de douleur au terme des 16 semaines de suivi (11). L’enthousiasme initial a été quelque peu refroidi par l'apparition d'effets secondaires graves à type d'arthropathie rapidement destructrice (11). Cela a amené la FDA à suspendre tous les essais utilisant ce type d'inhibiteurs du NGF. L'analyse plus détaillée de ces événements a montré qu’ils étaient dépendants de la dose utilisée du tanezumab et qu'ils survenaient plus fréquemment en association aux anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS). Après cette adjudication, il a été décidé d'autoriser à nouveau les essais avec les anti-NGF dans des phases III, mais sans association aux AINS. Ces nouveaux médicaments biologiques ont un effet antalgique extrêmement important, mais il sera bien entendu majeur de savoir si, oui ou non, ils continuent à entraîner à nouveau des arthropathies destructrices. Dans le traitement purement fonctionnel de l'arthrose, les antiNGF constituent la seule vraie avancée de ces dernières années.
Blocage de l'inflammation dans l'arthrose
Au cours de ces dernières an-
nées, il a bien été mis en évidence le rôle majeur de l'inflammation, notamment de la membrane synoviale dans les poussées congestives de la maladie arthrosique (12, 13). Le degré de la synovite est corrélé avec la survenue ultérieure d'une chondrolyse (14). Les molécules qui gouvernent cette inflammation sont principalement les cytokines pro-inflammatoires comme l'interleukine 1 et le TNFα, mais également l’oxyde nitrique (NO) et d'autres molécules comme de nouveaux facteurs de croissance appartenant à la famille des WNT ou des protéines intervenant dans l'immunité innée comme les alarmines et l'activation de la cascade du complément (12). De façon schématique, on peut dire que ces molécules, notamment l’interleukine, activent la production des enzymes d'une part, et d'autre part bloquent l’anabolisme des chondrocytes (12, 13). Le tout contribue à la dégradation de la matrice du cartilage. Il est donc tout à fait logique d'envisager que des inhibiteurs de ces cytokines ou de ces protéines de l'inflammation puissent être bénéfiques sur le plan structural dans la maladie arthrosique (15, 16). De plus, ces mêmes cytokines interviennent dans les voies périphériques et centrales de la transmission de la douleur (17). Néanmoins et compte tenu de la lourdeur de ces essais de chondro-protection, l'utilisation de ces biologiques a surtout été faite dans des essais à court terme avec, pour critère principal, le suivi de l'évolution de la douleur. Cela peut expliquer en partie les résultats globalement négatifs de l'utilisation des biologiques dans l'arthrose. Rhumatos • Novembre 2013 • vol. 10 • numéro 92
Utilisation des anti-cytokines type inhibiteur de l'IL-1
Nous disposons actuellement de deux grands essais randomisés contre placebo de l'utilisation d'inhibiteur de l’IL-1 dans la gonarthrose (18, 19). Nous avons réalisé le premier essai d’un biologique dans la gonarthrose par injections intra-articulaires de l’antagoniste de l'IL-1 chez des patients souffrant d'une gonarthrose symptomatique (18). Les patients bénéficiaient d'une seule injection, soit de 50 mg, soit de 150 mg d’IL-1 comparativement à celle d'un placebo. Cet essai est négatif sur le critère principal qui était l'évolution des symptômes à 1 mois (18). Le seul élément positif de l’essai était une différence significative à 3 jours entre le groupe ayant reçu 150 mg et le groupe placebo en ce qui concerne l'évolution du Womac global (18). Rétrospectivement, la demi-vie très courte de cet antagoniste peut parfaitement expliquer l'échec de cet essai (18). Un second essai a utilisé cette foisci un anticorps monoclonal dirigé contre le récepteur soluble de l’IL-1 (19). L’administration de l'anticorps se faisait par voie sous-cutanée avec des injections mensuelles, et le critère principal était l'évolution de la douleur à 3 mois (19). A nouveau, cet essai est négatif et n'a pas permis de montrer de différence significative entre le groupe placebo et le verum. Il existait néanmoins une tendance favorisant le traitement dans le groupe de patients ayant le niveau de douleur le plus élevé à base-line. Cet essai est entaché par ailleurs d'un décès lié à une surinfection pulmonaire, elle-même reliée à une neutropénie (19). L'utilisation des anticorps au long cours entraîne une neutropénie constante. Rhumatos •Novembre 2013 • vol. 10 • numéro 92
Blocage des anti-TNFα
La seconde molécule ciblée a été le TNFα. Nous disposons dans la polyarthrite rhumatoïde de très nombreux anticorps dirigés contre le TNFα et qui ont montré des résultats très spectaculaires. Il était tout à fait logique d'utiliser ces anticorps préférentiellement dans l’arthrose digitale, notamment dans sa forme érosive, qui est une forme qui se rapproche un peu d’un rhumatisme inflammatoire (20). Nous avons mené récemment un essai comparant deux injections d’adalimumab à 40 mg comparativement à un placebo avec, comme critère principal du suivi, l'évolution de la douleur à 6 semaines (21). Cet essai n'a pas permis de montrer de différence entre le groupe placebo et le groupe traité (21). Le second essai qui a été publié avait pour objectif de montrer une modification de l'évolution structurale dans l’arthrose digitale (22). Dans cet essai, 60 patients au total ont reçu sur une période d'un an, soit le placebo, soit l’adalimumab (40 mg toutes les 2 semaines) (22). Il n'a pas été montré de différence sur l'évolution structurale entre les deux groupes en utilisant différents scores radiographiques (22). Néanmoins, le sous-groupe de patients ayant au départ des inflammations cliniquement décelables des inter-phalangiennes avait moins d'érosions à terme dans le groupe traité, que dans le groupe placebo (3 % dans le groupe traité, 14 % de nouvelles érosions dans le groupe placebo) (22). Globalement ces deux essais sont négatifs. Néanmoins, ils pourraient faire apparaître un sous-groupe de patients ayant des formes plus inflammatoires comme étant le meilleur groupe
potentiellement répondeur aux anti-TNFα. Un essai très récent ouvert a utilisé toujours ce même anticorps monoclonal anti-TNFα (adalimumab) chez 20 patients ayant une gonarthrose symptomatique associée à un épanchement intra-articulaire (23). A trois mois, il existe un taux de répondeurs OARSI très élevé audelà de 60 %. Néanmoins, il s'agit d'une étude ouverte, qui nécessite bien entendu d'être contrôlée et confirmée dans un essai de plus grande envergure.
Inhibition de l’oxyde nitrique
Le NO est un gaz qui intervient dans différentes fonctions cellulaires. Schématiquement, on peut retenir que la production physiologique de NO est plutôt protectrice visà-vis des tissus mais que, dans des conditions pathologiques, la surproduction de ce gaz entraîne de l'inflammation, des phénomènes de nitrosylation des protéines, de peroxydation des protéines et de mort des cellules (24). Nous disposons d'inhibiteurs des enzymes de la synthèse du NO. Un essai très récent a utilisé un inhibiteur spécifique de la NO synthétase dans une étude de chondro-protection dans la gonarthrose sur 2 ans (25). Les patients recevaient soit le placebo, soit 50 mg ou 200 mg de l'inhibiteur spécifique administré par voie orale. Sur l'ensemble de la population étudiée, à 1 et à 2 ans, il n’y avait aucune différence significative sur l'évolution du pincement de l'interligne articulaire (25). Seul le sous-groupe des patients ayant au départ un stade radiologique correspondant à un stade de Kellgren et Lawrence de grade II avait une tendance à une moindre évolution dans le groupe traité, et seulement dans le groupe traité à 50 mg. Au total, cet essai est totalement négatif sur l'évolutivité de la maladie. 265
DOSSIER
Arthrose
Arthrose
DOSSIER
Inhibiteur des métalloprotéases et des agrécanases
Il y a eu beaucoup de progrès dans la définition d’une plus grande spécificité des inhibiteurs de ces différentes enzymes, alors même que les premiers essais utilisant des inhibiteurs non spécifiques de métalloprotéases avaient été entachés par des effets secondaires notamment musculo-squelettiques (26, 27). On dispose actuellement d’essais faits chez l’animal avec des inhibiteurs très spécifiques notamment de la métalloprotéase 13 (collagénase 3) (28). Cependant, nous n'avons actuellement aucun essai chez l'Homme. Il faut rester très prudent sur les essais positifs chez l'animal qui constituent un modèle d'arthrose rapide, difficile à transposer chez l'Homme où l'évolution de la maladie se fait au long cours.
Cibler l'os sous-chondral
L’avancée majeure de ces dernières années a été sans aucun doute la compréhension des relations complexes entre le cartilage et l'os sous-chondral (29). Le rôle de l’os sous-chondral apparaît tout à fait majeur dans la stabilisation mécanique du cartilage. Plus récemment, il a été montré, notamment dans les modèles expérimentaux chez l'animal, qu'il existait une accélération du turnover de l'os sous-chondral dans les stades précoces de l'arthrose (29). Dans les stades plus tardifs, il existe au contraire une sclérose de l'os sous-chondral qui va se traduire radiologiquement par un épaississement et une densification de l'os. De plus, l'invasion des cellules de l'os sous-chondral dans les couches les plus profondes du cartilage entraîne une inflammation locale et une invasion vascu266
laire qui participent à l'altération de la matrice cartilagineuse (29). Toutes ces données laissaient à penser que l'utilisation d’inhibiteurs du métabolisme osseux et d’agents anti-ostéoclastiques était logique dans la gonarthrose. De fait, l’utilisation de tériparatide dans un modèle d’arthrose expérimentale chez le rat permet une diminution à la fois préventive et thérapeutique des lésions du cartilage (30). Les premiers essais de chondroprotection chez l’Homme utilisant un bisphosphonate (le risédronate), comparativement à un placebo sur une période de 2 ans dans le traitement de la gonarthrose, ont été décevants et n’ont pas permis de mettre en évidence un quelconque bénéfice sur le ralentissement du pincement de l’interligne articulaire (31). Récemment, a été publié un essai de grande envergure (le plus gros essai de chondro-protection) portant sur 1 600 patients souffrant de gonarthrose et ayant comparé deux doses de ranélate de strontium 1 et 2 g à un placebo (32). Le ranélate de strontium est un agent découplant, qui inhibe à la fois le catabolisme de l'os, mais également qui favorise l’anabolisme des ostéoblastes. Cet essai est globalement positif à 3 ans d’évolution et montre qu’à la dose de 1 et 2 g, on peut épargner 0,1 mm de pincement de l'interligne (32). Cette épargne, qui peut apparaître modeste, correspond néanmoins au gain d’une année d'évolution de la gonarthrose sur cette période de 3 ans. De façon plus intéressante, il a été montré en parallèle que dans le groupe de patients ayant une évolution plus rapide (0,5 mm sur une période de 3 ans), le ranélate de strontium pouvait diminuer de façon substantielle, de plus de 30 %, le nombre de patients ayant
une progression rapide (32). Ce dernier élément est certainement le plus intéressant car il indique que, probablement, cette diminution des progresseurs rapides pourrait se traduire à terme par une diminution de patients ayant recours à une prothèse. Néanmoins, ce point majeur reste bien entendu à démontrer à partir de suivis de cohortes de patients prenant au long cours ce type de traitement. Un autre essai, utilisant de la calcitonine orale avait été publié uniquement sous forme d’abstracts dans un essai de chondro-protection utilisant à la fois les données radiographiques, mais également celles de l’IRM (33). Globalement, l'utilisation de calcitonine orale ne modifie pas l'évolution du pincement de l'interligne à 2 ans, mais semble améliorer le volume du cartilage (33). Au total, cibler l'os sous-chondral apparaît certainement comme un objectif intéressant et qui n'est pas contradictoire avec l'utilisation d'agents plus anti-inflammatoires dans la gonarthrose.
Stimuler l’anabolisme du cartilage
Une autre façon d'appréhender le problème n'est pas de limiter la destruction du cartilage mais plutôt de favoriser sa réparation. C'est dans cette perspective qu’a été réalisé un essai d’injections intra-articulaires d’un facteur de croissance, le FGF-18. Dans cette famille de facteurs de croissance, le FGF-18 est, avec d'autres facteurs de croissance comme les BMP, un facteur anabolique puissant du chondrocyte. Le design de cette étude était complexe puisqu’il consistait à utiliser des doses variables, et à des rythmes d'injections variables en intra-articulaire du FGF-18 (34). Globalement sur l'évolution de Rhumatos • Novembre 2013 • vol. 10 • numéro 92
Arthrose
Utilisation des cellules souches dans le traitement futur de la gonarthrose
Il existe un réel engouement concernant l'utilisation des cellules souches dans les phénomènes de réparation tissulaire (35). Plus que la capacité de ces cellules à se transformer in situ en des cellules résidentes, comme des chondrocytes, des ostéoblastes ou des cellules adipeuses, l'avantage principal de l'utilisation de cellules souches réside dans leur capacité à produire des cytokines contreinflammatoires. Un essai très récent chez l'animal montre qu’une seule injection intra-articulaire de quelques millions de cellules souches mésenchymateuses autologues d'origine adipeuse est capable dans un modèle d'arthrose induite par injections de collagènase de diminuer les lésions du cartilage, de diminuer la production des entésiophytes et de diminuer l'inflammation de la membrane synoviale (36). Il existe actuellement en cours un essai de phase 1, 2 chez l'Homme de l'utilisation de ces cellules souches d'origine adipeuse. Là encore, il conviendra d'être très prudent et de regarder attentivement si ces cellules souches ne Rhumatos •Novembre 2013 • vol. 10 • numéro 92
peuvent pas in situ se transformer en des cellules résidentes et favoriser par ailleurs la production d’ostéophytes. On peut également envisager de délivrer dans l’articulation in situ ces facteurs de croissance par l'administration de concentrés plaquettaires. Cette technique, connue sous le nom de PRPP, consiste à injecter des plaquettes concentrées autologues en intra-articulaire au rythme de trois à cinq injections avec des intervalles d’1 à 2 semaines. Ces injections connaissent un véritable engouement, notamment dans le milieu sportif. Néanmoins nous ne disposons que de très peu d’études randomisées contrôlées et bien faites qui permettent de démontrer leur effet symptomatique. Récemment, un essai comparant les PRPP à l'acide hyaluronique montre un effet antalgique discrètement supérieur de PRPP (37). Il s'agit d'une option thérapeutique potentiellement intéressante mais qui, à nouveau, mérite d'être confirmée. Nous aurons peut-être à l’avenir également à disposition de nouveaux agents lubrifiants à côté de l'acide hyaluronique déjà largement utilisé dans notre pratique quotidienne. Parmi ces agents lubrifiants, figure une glycoprotéine, la lubricine. Contrairement à l'acide hyaluronique qui agit plutôt comme un gel protecteur, la lubricine agit davantage comme une forme de colle qui vient protéger les couches les plus superficielles du cartilage. L'utilisation chez l’animal dans des modèles d'arthrose de cette molécule a montré des résultats probants en termes de protection du cartilage (38). Pour autant, nous ne disposons actuellement d'aucun essai en cours chez l'Homme.
Conclusions
Comme nous l’avons vu, il y a de très nombreuses pistes thérapeutiques mais globalement, à ce jour, les résultats utilisant des nouveaux traitements sont décevants. Ces résultats négatifs peuvent s’expliquer de différentes façons. La première, la plus simpliste mais qui est certainement l’une des plus importantes, est de se rappeler que le cartilage est un tissu dépourvu de vascularisation et que par conséquent, il est difficile à atteindre. Les nouveaux traitements de l'arthrose devront certainement se faire par voie intra-articulaire pour essayer de cibler au mieux et le cartilage et la membrane synoviale (16). Le second problème majeur concerne le temps de résidence des molécules dans l’articulation. En effet, il est illusoire de penser pouvoir traiter la maladie par des injections directes de ces molécules de façon ponctuelle. Il faut donc envisager soit des traitements avec des injections répétées, soit des procédés qui permettent d’allonger de façon substantielle le temps de résidence intra-articulaire de ces molécules. Nous disposons actuellement de beaucoup de voies de recherche qui vont de l'utilisation de nanoparticules à celles de peptides recombinants, de gels, de liposomes, ou de microsphères qui permettent toutes d'augmenter le temps de distribution de ces molécules (16). Néanmoins, jusqu'à ce jour, aucune de ces nouvelles approches n’a franchi le seuil de résultats probants en clinique humaine. La thérapie génique est une façon également élégante de pouvoir prolonger la production locale d'une molécule (39). Actuellement, est en cours d'élaboration un essai clinique utilisant un adénovirus dans lequel a été inclus le 267
DOSSIER
l'interligne, l’essai est totalement négatif (34). D'autre part, il est également négatif sur l'évolution de la douleur montrant de façon paradoxale un effet plus favorable du groupe placebo (34). Il faut certainement être prudent avec l’utilisation de ces facteurs de croissance qui ont la potentialité locale de différencier des cellules souches, mais également les chondrocytes vers des fibro-chondrocytes et par ailleurs de favoriser la production de chondro-ostéocytes.
Arthrose
DOSSIER
gène de l’IL-1 antagoniste (40). L'objectif de cette étude est de distribuer, par injections intraarticulaires directes ce vecteur viral incluant l’ADN cible, afin de permettre une production importante et rémanente de cet antagoniste de l’IL-1 (40). D'autre part, le traitement de l'arthrose ne peut pas être calqué sur celui d'un rhumatisme inflammatoire. Il faut certainement repenser les perspectives de ce traitement à l’échelon individuel, mais également en fonction des différents profils de la maladie.
Ainsi, il serait logique d'utiliser des super molécules anti-inflammatoires lors de poussées congestives de la maladie (15, 16). Il n’est sans doute pas licite de les utiliser au long cours. Ainsi, il serait logique d'utiliser des facteurs plutôt anaboliques dans des formes d'arthrose ayant une évolution lente avec peu d’ostéophytes, plutôt que de les utiliser dans des formes très hypertrophiques avec production d’ostéochondromes. Il faut donc imaginer à l'avenir adapter les nouveaux traitements à des temps différents, en fonction du phénotype et de l'évolu-
tion à un temps T de la maladie. Traiter la maladie arthrosique est un enjeu majeur et passionnant pour les années à venir. n
Mots-clés : Arthrose, Gonarthrose, Anti-NGF, Anti-TNFα, Inhibiteurs de l’IL-1, Inhibition de l’oxyde nitrique, Inhibition des métalloprotéases et des agrécanases, Os sous-chondral, Anabolisme, Cellules souches
Bibliographie 1. Guillemin F, Rat AC, Mazieres B et al. 3000 Osteoarthritis group.Prevalence of symptomatic hip and knee osteoarthritis: a two-phase population-based survey. Osteoarthritis Cart 2011 ; 19 : 1314-22. 2. Brooks PM. Impact of osteoarthritis on individuals and society: how much disability? Social consequences and health economic implications. Curr Opin Rheumatol 2002 ; 14 : 573-7. 3. Chevalier X. Physiopathogenesis of osteoarthritis. The osteoarthritic cartilage. Presse Med 1998 ; 27 : 81-7. 4. Loeser RF, Goldring SR, Scanzello CR et al. Osteoarthritis: A disease of the joint as an organ. Arthritis Rheum 2012 ; 64 : 1697-707. 5. Hunter DJ. Pharmacologic therapy for osteoarthritis-the era of disease modification. Nat Rev Rheumatol. 2011; 7(1) : 13-22. 6. Zhang W, Nuki G, Moskowitz RW et al. OARSI recommendations for the management of hip and knee osteoarthritis: part III: Changes in evidence following systematic cumulative update of research published through January 2009. Osteoarthritis Cart 2010 ; 18 : 476-99. 7. Hochberg MC, Altman RD, April KT et al.American College of Rheumatology 2012 recommendations for the use of non pharmacologic and pharmacologic therapies in osteoarthritis of the hand, hip, and knee. Arthritis Care Res (Hoboken) 2012 ; 64 : 455-74. 8. Chevalier X. Evolution of the pharmacological management of osteoarthritis: the biologics. Presse Med 2010 ; 39 : 1164-71 9. Wood JN. Nerve growth factor and pain. N Engl J Med 2010 ; 363(16) : 1572-3. 10. Barthel C, Yeremenko N, Jacobs R et al. Nerve growth factor and receptor expression in rheumatoid arthritis and spondyloarthritis. Arthritis Res Ther. 2009 ; 11(3) : R82. 11. Lane NE, Schnitzer TJ, Birbara CA et al. Tanezumab for the treatment of pain from osteoarthritis of the knee. N Engl J Med 2010 ; 363 : 1521-31. 12. Pelletier JP, Martel-Pelletier J, Abramson SE. Review: Osteoarthritis, an inflammatory disease: potential implication for the selection of new therapeutic targets. Arthritis Rheum 2001; 44: 1237-47. 13. Scanzello CR, Goldring SR. The role of synovitis in osteoarthritis pathogenesis. Bone 2012 ; 51 : 249-57. 14. Ayral X, Pickering EH, Woodworth TG et al. Synovitis: a potential predictive factor of structural progression of medial tibiofemoral knee osteoarthritis: results of a 1 year longitudinal arthroscopic study in 422 patients. Osteoarthritis Cartilage 2005 ; 13 : 361-7. 15. Chevalier X, Mugnier B, Bouvenot G. Targeted therapies for anti-cytokines therapies for osteoarthritis. Bull Acad Natl Med 2006 ; 190 : 1411-20. 16. Chevalier X. Intraarticular treatments for osteoarthritis: new perspectives. Curr Drug Targets 2010 ; 1 : 546-60. 17. Sachs D, Cunha FQ, Poole S et al. Tumour necrosis factor-alpha, interleukin-1beta and interleukin-8 induce persistent mechanical nociceptor hypersensitivity. Pain 2002 ; 96:89-97. 18. Chevalier X, Goupille P, Beaulieu AD et al. Intraarticular injection of
268
anakinra in osteoarthritis of the knee: a multicenter, randomized, doubleblind, placebo-controlled study. Arthritis Rheum 2009 ; 61 : 344-52. 19. Cohen SB, Proudman S, Kivitz AJ, et al. A randomized, double-blind study of AMG 108 (a fully human monoclonal antibody to IL 1R1) in patients with osteoarthritis of the knee. Arthritis Res Therapy 2011 13 : R125. 20. Punzi L, Ramonda R, Sfriso P. Erosive osteoarthritis. Best. Pract Res Clin Rheumatol 2004 ; 18 : 739-58. 21. Chevalier X, Ravaud Ph, Maheu E et al. A Randomized, Multicentre, Double Blind, Placebo-Controlled Trial of Anti TNF Alpha (adalimumab) in Refractory Hand Osteoarthritis: the Dora study. Arthritis Rheum 2012 ; 64 : 10 Suppl 10 : 2472. 22. Verbruggen G, Wittoek R, Cruyssen BV et al. Tumour necrosis factor blockade for the treatment of erosive osteoarthritis of the interphalangeal finger joints: a double blind, randomised trial on structure modification. Ann Rheum Dis 2012 ; 71 : 891-8. 23. Maksymowych WP , Russell AS , Peter Chiu et al. Targeting tumor necrosis factor alleviates signs and symptoms of inflammatory osteoarthritis. Arthritis Res Ther 2012 ; 14 : R206. 24. Abramson SB. Nitric oxide in inflammation and pain associated with osteoarthritis. Arthritis Res Ther 2008 ; 10 Suppl 2 : S2. 25. Hellio le Graverand MP, Clemmer RS, Redifer P et al. A 2-year randomised, double-blind, placebo-controlled, multicentre study of oral selective iNOS inhibitor, cindunistat (SD-6010), in patients with symptomatic osteoarthritis of the knee. Ann Rheum Dis 2012 Nov 10. 26. Krzeski P, Buckland-Wright C, Bálint G et al. Development of musculoskeletal toxicity without clear benefit after administration of PG-116800, a matrix metalloproteinase inhibitor, to patients with knee osteoarthritis: a randomized, 12-month, double-blind, placebo-controlled study. Arthritis Res Ther 2007 ; 9(5) : R109. 27. Li H, Feng F, Bingham CO 3rd et al. Matrix metalloproteinases and inhibitors in cartilage tissue engineering. J Tissue Eng Regen Med 2012 ; 6 : 144-54. 28. Settle S, Vickery L, Nemirovskiy O et al. Cartilage degradation biomarkers predict efficacy of a novel, highly selective matrix metalloproteinase 13 inhibitor in a dog model of osteoarthritis: confirmation by multivariate analysis that modulation of type II collagen and aggrecan degradation peptides parallels pathologic changes. Arthritis Rheum 2010 ; 62 : 3006-15. 29. Pesesse L, Sanchez C, Henrotin Y. Osteochondral plate angiogenesis: a new treatment target in osteoarthritis. Joint Bone Spine 2011 ; 78 : 144-9. 30. Sampson ER, Hilton MJ, Tian Y et al. Teriparatide as a chondroregenerative therapy for injury-induced osteoarthritis. Sci Transl Med 2011 ; 3(101) : 101ra93. 31. Bingham CO 3rd, Buckland-Wright JC, Garnero P et al. Risedronate decreases biochemical markers of cartilage degradation but does not decrease symptoms or slow radiographic progression in patients with medial compartment osteoarthritis of the knee: results of the two-year
Rhumatos • Novembre 2013 • vol. 10 • numéro 92
Bibliographie multinational knee osteoarthritis structural arthritis study. Arthritis Rheum 2006 ; 54 : 3494-507. 32. Reginster JY, Badurski J, Bellamy N et al. Efficacy and safety of strontium ranelate in the treatment of knee osteoarthritis: results of a double-blind, randomised placebo-controlled trial. Ann Rheum Dis 2013 ; 72 : 179-86. 33. Karsdal MA, Alexandersen P, John MR et al. Oral calcitonin demonstrated symptom- modifying efficacy and increased cartilage volume: results from a 2year phase 3 trial in patients with osteoarthritis of the knee. Osteoarthritis Cart, 2011, 19 (suppl 1) : S35 : 64. 34. McPherson R, Flechenshar K, Hellot S et al. Double blind, placebocontrolled, multicenter study of RHFGF18 administered intraarticularly using single or multiple ascending doses in patients with primary knee osteoarthritis (OZA), not excepted to require knee surgery within a year. Osteoarthritis Cart 2011 ; 19 : S35 : 65. 35. Jorgensen C, Djouad F, Bouffi C et al. Multipotent mesenchymal stromal cells in articular diseases. Best Pract Res Clin Rheumatol 2008 ; 22 : 269-84.
Rhumatos •Novembre 2013 • vol. 10 • numéro 92
36. ter Huurne M, Schelbergen R, Blattes R et al. Antiinflammatory and chondroprotective effects of intraarticular injection of adipose-derived stem cells in experimental osteoarthritis. Arthritis Rheum 2012 ; 64 : 360413. 37. Kon E, Mandelbaum B, Buda R et al. Platelet-rich plasma intra-articular injection versus hyaluronic acid viscosupplementation as treatments for cartilage pathology: from early degeneration to osteoarthritis. Arthroscopy 2011 ; 27 : 1490-501. 38. Jay GD, Elsaid KA, Kelly KA, Anderson SC, Zhang L, Teeple E, Waller K, Fleming BC.Prevention of cartilage degeneration and gait asymmetry by lubricin tribosupplementation in the rat following anterior cruciate ligament transection. Arthritis Rheum 2012 ; 64 : 1162-71. 39. Evans CH, Ghivizzani SC, Robbins PD. Gene therapy of the rheumatic diseases: 1998 to 2008. Arthritis Res Ther 2009 ; 11 : 209. 40. Evans CH, Ghivizzani SC, Robbins PD. Getting arthritis gene therapy into the clinic. Nat Rev Rheumatol 2011 ; 7 : 244-9.
269
DOSSIER
Arthrose