la Pratique quotidienne en RHUMATOLOGie
Décembre 2013 • Volume 10 • n° 93 • 9 E
ce qu’il faut retenir de l’ACR 2013 San Diego, 25 - 30 octobre 2013
Le centre de convention de San Diego a accueilli le congrès annuel de l’American College of Rheumatology. Plus de 2 900 abstracts y ont été présentés.
LE COMPTE RENDU Indépendant POLYARTHRITE RHUMATOÏDE (PR) 1
Place de la triple thérapie de fond : le grand débat Dr Edouard Pertuiset
OSTéOPOROSE
Nouveaux traitements et conséquences osseuses des maladies inflammatoires
LUPUS
Actualités sur le lupus néonatal et ses complications pour l’enfant Dr Christophe Richez
Dr Karine Briot
Retour sur les traitements "classiques" 2
Pr Thierry Lequerré
SPONDYLOARTHRITE
Traitement, vitamine D et imagerie
RHUMATISME PSORIASIQUE
Actualités thérapeutiques Pr Arnaud Constantin
Pr Daniel Wendling 3
PR et spondyloarthrite : quoi de neuf dans l’imagerie ? Pr Damien Loeuille
RHUMATISMES iNFLAMMATOIRES PéDIATRIQUES
Quel avenir à l’âge adulte pour ces patients ? Pr Isabelle Koné-Paut
ARTHROSE
Comment les cristaux calciques induisent une inflammation et contribuent à l’arthrose Dr Dominique Clerc
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sommaire Décembre 2013 • Vol. 10 • N° 93
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Ce qu’il faut retenir de l’aCR 2013 San Diego, 25 - 30 octobre 2013
Le compte rendu de nos experts Coordonné par le Dr Dominique Clerc
Comité de lecture Rédacteurs en chef : Dr Dominique Clerc (Paris) et Pr Thierry Schaeverbeke (Bordeaux). Dr Didier Rousseau (Paris), Pr Yannick Allanore (Paris), Dr Laure Artru (Le Mans), Dr Laurence Bellaïche (Paris), Dr Olivier Brocq (Monaco), Pr Gérard Chalès (Rennes), Pr Arnaud Constantin (Toulouse), Dr Philippe Dieudé (Paris), Dr Patrick Djian (Paris), Dr Olivier Fichez (Saint-Raphaël), Dr Gilles Hayem (Paris), Pr Eric Houvenagel (Lomme), Dr Frédéric Jacq (Paris), Dr Alain Karneff (Versailles), Dr Frédéric Lavie (Le Kremlin Bicêtre), Dr Bernard Maillet (Moulins), Pr Yves Maugars (Nantes), Pr Souhaïbou Ndongo (Dakar), Dr Edouard Pertuiset (Pontoise), Dr Muriel Piperno (Lyon), Dr Eric Roulot (Paris), Dr Philippe Thelen (Paris), Dr Philippe Thomas (Metz), Dr Jean-Marc Ziza (Paris).
Comité scientifique Pr Bernard Augereau (Paris), Pr Bernard Bannwarth (Bordeaux), Pr Thomas Bardin (Paris), Pr Bernard Cortet (Lille), Dr Henri Dorfmann (Paris), Pr Jean-Denis Laredo (Paris), Dr Catherine Marty (Garches), Pr Anne Redondo (Clichy), Dr Jacques Rodineau (Paris), Pr Christian Roux (Paris), Pr Richard Trèves (Limoges), Pr Pierre Youinou (Brest). Rhumatos est une publication
n POLYARTHRITE RHUMATOÏDE (PR)
1 Place de la triple thérapie de fond dans la PR Le grand débat . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 274 Dr Edouard Pertuiset (Pontoise)
2 Retour sur les traitements "classiques". . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 281 Pr Thierry Lequerré (Rouen)
3 PR et spondyloarthrite Quoi de neuf dans l’imagerie ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 288 Pr Damien Loeuille (Vandœuvre-lès-Nancy)
n Spondyloarthrite Traitement, vitamine D et imagerie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 290 Pr Daniel Wendling (Besançon)
n Ostéoporose Nouveaux traitements et conséquences osseuses des maladies inflammatoires. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 293 Dr Karine Briot (Paris)
n Arthrose Comment les cristaux calciques induisent une inflammation et contribuent à l’arthrose . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 296 Dr Dominique Clerc (Paris)
n Lupus Actualités sur le lupus néonatal et ses complications pour l’enfant. . . . p. 299 Dr Christophe Richez (Bordeaux)
©Expressions Santé SAS 2, rue de la Roquette, Passage du Cheval Blanc, Cour de Mai - 75011 Paris Tél. : 01 49 29 29 29 - Fax : 01 49 29 29 19 E-mail : rhumatos@expressiongroupe.fr RCS Paris B 394 829 543 N° de Commission paritaire : 1116 T 85687 ISSN : 1771-0081 Mensuel : 10 numéros par an
n Rhumatisme psoriasique
Actualités thérapeutiques. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 302 Pr Arnaud Constantin (Toulouse)
n Rhumatismes inflammatoires pédiatriques
Quel avenir à l’âge adulte pour ces patients ?. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 305 Pr Isabelle Koné-Paut (Le Kremlin-Bicêtre)
Revue indexée dans la base PASCAL Les articles de “Rhumatos” sont publiés sous la responsabilité de leurs auteurs. Toute reproduction, même partielle, sans le consentement de l’auteur et de la revue, est illicite et constituerait une contrefaçon sanctionnée par les articles 425 et suivants du code pénal.
n Bulletin d’abonnement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 301 n Rendez-vous de l’industrie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 308 Assemblés à ce numéro : 2 bulletins d’abonnements (2 pages et 4 pages) Crédit de couverture : © Timothy Hursley / San Diego Convention Center
ce qu’il faut retenir de l’ACR 2013
1 Place de la triple thérapie de fond dans la PR Le grand débat n
Pendant 90 minutes, un grand débat a confronté deux visions différentes de la stratégie
thérapeutique à adopter dans la polyarthrite rhumatoïde : James O’Dell défendait la triple thérapie face à Ronald van Vollenhoven, partisan de l’association du méthotrexate aux anti-TNF.
L
a stratégie thérapeutique la plus utilisée en pratique dans la prise en charge des PR débutantes est le méthotrexate (MTX) de première intention, associé ou non à une corticothérapie. En cas d’échec ou d’efficacité insuffisante du MTX, il est fréquent d’associer à l’heure actuelle un traitement biologique, les antiTNF étant les plus utilisés. La Triple thérapie de fond conventionnelle, que nous appellerons ici TTFC, associe méthotrexate (MTX), sulfasalazine (SSZ) et hydroxychloroquine (HCQ). Depuis presque vingt ans maintenant, James O’Dell, éminent rhumatologue du Nebraska et président de l’ACR en 2012, défend la supériorité de la triple thérapie par rapport à une monothérapie ou une bithérapie conventionnelle, comme en témoigne l’article publié en 1996 dans le New England Journal of Medicine (1), puis celui publié en 2002 dans Arthritis Rheumatism (2). Plus récemment, deux grands essais thérapeutiques, l’essai TEAR publié en 2012 (3)
*Centre hospitalier René-Dubos, Pontoise
274
Dr Edouard Pertuiset*
et l’essai RACAT publié en 2013 (4) sont en faveur de la non-infériorité, chez les patients atteints de PR récentes et insuffisamment répondeurs au MTX, du TTFC par rapport à l’association MTX + anti-TNF (etanercept). En revanche, l’étude Swefot, rapportée par van Vollenhoven en 2009, est, dans cette situation, en faveur de la supériorité de l’association MTX + anti-TNF (infliximab) par rapport au TTFC (5). De même, les résultats à un an de l’étude IMPROVED sont en faveur, dans cette situation de réponse insuffisante au MTX de polyarthrites très récentes, d’une plus grande efficacité clinique de l’association MTX + anti-TNF (adalimumab) par rapport au TTFC (6).
nant le traitement de la PR : valeur = (efficacité – toxicité)/coût financier. Et le rhumatologue fut comparé à un clown jonglant avec trois boules : efficacité, tolérance et coût. O’Dell alla même jusqu’à jongler sur l’estrade, puis à proposer à son adversaire d’en faire autant ! La raison principale de cette actualité brûlante du TTFC est avant tout financière, comme cela est bien souligné par O’Dell dans le récent article du New England Journal of Medicine (4). En effet, le coût financier de la prise en charge thérapeutique de la PR est devenu très élevé et les “payeurs” des différents pays sont probablement à l’affût des moyens de contrôler cette dépense.
Lors du congrès 2013 de l’ACR, un grand débat de 90 minutes, conduit presque à l’instar des débats politiques, avait été organisé confrontant O’Dell, comme défenseur de la triple thérapie, et van Vollenhoven, comme partisan de l’association MTX et anti-TNF. O’Dell a posé l’équation suivante concer-
Au cours de ce congrès ACR 2013, Michaud et al. (7) ont rapporté l’analyse médico-économique de l’étude TEAR précitée et concluent à un rapport coûtefficacité en faveur du TTFC, plutôt utilisé en première intention qu’en seconde et à un mauvais rapport coût-efficacité de l’association MTX + anti-TNF. Rhumatos • Décembre 2013 • vol. 10 • numéro 93
polyarthrite rhumatoïde
Pour ces raisons, nous avons choisi d’exposer ici les données rapportées à ce congrès concernant les associations de traitements de fond conventionnels. Ces nouvelles données concernent essentiellement l’intérêt potentiel de cette approche en première intention dans les PR récentes.
L’étude treach
L’étude tREACH (the Rotterdam Early Arthritis Cohort) est une étude hollandaise multicentrique (8) ayant eu pour but de comparer, dans des polyarthrites récentes, l’efficacité entre : • d’une part, une triple thérapie de traitements de fond conventionnels (TTFC) versus une Monothérapie par MTX (MMTX) ; • d’autre part, une corticothérapie orale versus une dose intramusculaire unique de corticostéroïde, comme traitement additionnel au traitement de fond conventionnel. Il s’agissait d’une étude randomisée, en simple aveugle, réalisée chez des patients ayant une polyarthrite évoluant depuis moins d’un an et répondant aux critères de Leiden (Tab. 1) (9) en sélectionnant les patients ayant une forte probabilité (> 70 %) d’évoluer vers une polyarthrite chronique (score ≥ 6). L’algorithme de Visser et les critères ACR 2010 de PR ont les mêmes capacités d’identifier les patients à risque d’avoir une polyarthrite persistante à un an. Les 281 patients inclus dans l’étude ont été randomisés en trois bras thérapeutiques d’induction : • A : TTFC (MTX 25 mg/s + SSZ 2 g/j + HCQ 400 mg/j) + dépomédrol 120 mg IM ; Rhumatos • Décembre 2013 • vol. 10 • numéro 93
• B : TTFC (idem au bras A) + corticothérapie orale à dose dégressive en débutant à 15 mg/j ; • C : MMTX + corticothérapie orale à dose dégressive en débutant à 15 mg/j (idem au bras B). Les patients ont été examinés tous les trois mois et le traitement a été adapté avec une stratégie de contrôle de la maladie, l’activité de la PR étant mesurée par le DAS44 et l’objectif thérapeutique ayant été fixé à une faible activité (DAS44 ≤ 2,4). Si l’objectif n’était pas atteint lors d’une évaluation (DAS44 > 2,4), le traitement était intensifié par l’introduction d’une biothéra-
pie. En cas de rémission persistante (DAS44 ≤ 1,6) à deux visites successives, le traitement de fond était allégé. Les critères de jugement de l’étude étaient : • critères principaux : évolution dans le temps de la réponse du DAS44 et du HAQ en utilisant les Aires sous la courbe (AUC) ; • critères secondaires : progression radiographique à 12 mois, recours thérapeutique aux biothérapies, tolérance (effets indésirables). Les caractéristiques des patients inclus dans les trois bras sont présentées dans le tableau 2.
Tableau 1 - Score de Leiden (9). Critère
Score
- ≥ 6 semaines et moins de 6 mois - ≥ 6 mois
2 3
Dérouillage matinal ≥ 1 heure
1
Arthrites ≥ 3 articulations*
1
Douleurs à la pression des métatarso-phalangiennes (Squeeze test positif )
1
Facteur rhumatoïde positif
2
ACPA (anti-CCP) positifs
3
Présence d’érosion radiographique (mains/pieds)
2
* sur 22 articulations ou groupes articulaires (MCP, IPP, IPD, MTP comptés comme une seule articulation de chaque côté)
Tableau 2 - Caractéristiques des patients à l’inclusion dans l’étude tREACH (8).
N patients Age moyen (ans)
TTFC + GC IM
TTFC + GC per os
MMTX + GC per os
91
93
97
53
54
54
Femmes
60 %
72 %
72 %
Durée d’évolution moyenne (jours)
162
184
154
FR positif
60 %
55 %
53 %
ACPA positifs
65 %
54 %
58 %
Pourcentage de patients avec érosions Rx
26 %
13 %
12 %
Pourcentage de patients répondant aux critères ACR 2010
97 %
95 %
98 %
DAS44 (moyenne)
3,28
3,40
3,38
TTFC : triple traitement de fond conventionnel (méthotrexate, sulfasalazine, hydroxychloroquine) MMTX : monothérapie par méthotrexate
277
ce qu’il faut retenir de l’ACR 2013
Figure 1 - Etude tREACH : évolution du DAS44 moyen au cours des
Figure 2 - Etude tREACH : évolution du score HAQ moyen au cours
12 mois, dans les trois bras thérapeutiques : A (TTFC + GCIM),
des 12 mois, dans les trois bras thérapeutiques : A (TTFC + GCIM),
B (TTFC + GC per os) et C (MMTX + GC per os) (8).
B (TTFC + GC per os) et C (MMTX + GC per os) (8).
L’évolution, dans chaque bras thérapeutique, au cours des 12 mois du score DAS44 et du score HAQ est représentée dans les figures 1 et 2. La comparaison de l’AUC du DAS44 entre les patients traités par TTFC et ceux traités par MMTX montre une réduction de -2,39 (IC 95 % : -4,77 à 0,00 ; p = 0,05) en faveur du TTFC et cette comparaison pour le score HAQ montre une réduction de -1,67 (IC 95 % : -3,35 à 0,02 ; p = 0,05). Ces différences apparaissent modérées et sont à la limite de la signification statistique. Pour le score d’activité DAS44, la différence s’observe principalement au cours des trois premiers mois, témoignant d’une réponse plus rapide sous TTFC par rapport à MMTX. Toutefois, le pourcentage de patients ayant eu recours à une intensification par adjonction d’une biothérapie (avec recours chez certains patients à un switch pour une 2e biothérapie) est plus élevé dans le bras MMTX (bras C : 43 %) par rapport aux deux bras de TTFC (29 % dans le bras A et 26 % dans le bras B). Cela influence donc les courbes du DAS44 qui se rejoignent à 12 mois. A un an, 278
le pourcentage de patients ayant une progression radiographique n’est pas différent entre les trois bras : 19 % dans le bras A, 23 % dans le bras B et 21 % dans le bras C. Il n’a été observé aucune différence d’efficacité entre les deux modalités d’utilisation de la corticothérapie. Il n’a pas été observé de différence de fréquence des effets indésirables et des effets indésirables sévères entre les trois bras thérapeutiques. Ainsi, l’objectif thérapeutique était atteint plus rapidement avec le TTFC par rapport au MMTX et les patients initialement traités par TTFC ont eu moins souvent recours à une biothérapie que ceux traités par MMTX initialement. En revanche, en termes de stratégie, à un an, l’activité de la PR et la progression radiographique ne sont pas différentes. Les auteurs ont donc analysé le rapport coûtefficacité dans chaque bras thérapeutique au cours de la première année (10). L’efficacité étant estimée en termes de QALY (QualityAdjusted Life Years). Le calcul du QALY représente à la fois la quantité et la qualité de vie induite par une intervention thérapeutique
(QALY = 1 représentant une année de vie en parfaite santé ; QALY = 0 représentant le décès ou un état de vie particulièrement mauvais). Dans la PR, le QALY représente l’efficacité de l’intervention thérapeutique qui peut être estimée à l’aide des mesures du DAS et du HAQ. Les coûts comportent les coûts directs, et notamment les coûts des traitements prescrits et consommés, et les coûts indirects liés à la perte de productivité. La comparaison entre les bras thérapeutiques montre que les coûts par QALY sont plus élevés dans le bras MMTX que dans les bras TTFC. On observe un surcoût direct dans le bras MMTX lié à environ 40 % de prescriptions supplémentaires de biothérapie ainsi qu’une tendance à une augmentation des coûts indirects dans le bras C. Ainsi, l’analyse médico-économique effectuée au cours de la première année est en faveur d’une prescription de première intention d’un TTFC et non d’une monothérapie par MTX.
L’étude CareRA L’étude CareRA (11) est une Rhumatos • Décembre 2013 • vol. 10 • numéro 93
polyarthrite rhumatoïde
étude institutionnelle multicentrique belge, randomisée, ayant eu pour but de définir la meilleure stratégie d’induction chez des patients atteints d’une PR récente avec des facteurs de risque péjoratifs : PR érosive avec auto-Ac ou DAS28 ≥ 3,2 ; PR non érosive avec auto-Ac et DAS28 ≥ 3,2. Cette étude compare les trois stratégies suivantes : • bras COBRA classique qui comporte du MTX 15 mg/s (possibilité d’augmenter à 20 mg/s) + SSZ 2 g/j (mais sans ajout de l’HCQ) + prednisone 60 mg/j diminuée progressivement en 7 semaines à 7,5 mg/j ; • bras COBRA Slim : MTX 15 mg/j (possibilité d’augmenter à 20 mg/s) + prednisone 30 mg/j diminuée progressivement à 5 mg/j en 6 semaines ; • bras COBRA avant-garde : MTX 15 mg/j (possibilité d’augmenter à 20 mg/s) + léflunomide 10 mg/j + prednisone 30 mg/j diminuée progressivement à 5 mg/j en 6 semaines. L’étude est prévue pour deux ans et les premiers résultats d’efficacité et de tolérance à quatre mois ont été présentés à l’ACR en Late Breaking Abstracts. Le but initial de cette étude était de démontrer la supériorité des bras A ou C par rapport au bras B. Parmi les 290 patients inclus, 98 ont été randomisés dans le bras A, 98 dans le bras B et 94 dans le bras C. Les résultats sont donnés en intention de traiter. Le principal critère de jugement était la rémission EULAR (DAS28-CRP < 2,6). Les critères secondaires comprenaient les réponses ACR, le HAQ et l’aire sous la courbe du DAS28-CRP. La rémission EULAR à quatre mois n’est pas significativement Rhumatos • Décembre 2013 • vol. 10 • numéro 93
différente entre les trois bras En particulier, le taux de rémission EULAR est élevé dans le COBRA Slim (où seulement 15/98 patients ont augmenté le MTX à 20 mg/s à partir de S8) : 73,5 %. Les taux de réponse ACR20, ACR50 et ACR70 ne sont pas significativement différents entre les trois bras de traitement, avec en particulier un taux de réponse ACR50 d’environ 65 % pour le bras COBRA Slim (Fig. 4). Il n’existe pas de différence entre les bras thérapeutiques, ni pour les aires sous la courbe du DAS28 (Fig. 5), ni pour l’évolution du score HAQ. Il a été observé une moindre fréquence des effets indésirables liés au traitement dans le bras B (46,9 %) par rapport aux bras A (61,2 %) et au bras C (69,1 %). Il est difficile de comparer ces résultats avec ceux de l’étude tREACH, notamment car les résultats préliminaires ne sont fournis qu’à quatre mois et qu’il s’agit de doubles et non triples associations de traitements de fond classiques. Mais l’on note de très bons résultats de la monothérapie par MTX associée à une corticothérapie orale qui, il faut le souligner, est donnée à une posologie initiale supérieure (30 mg/j) à celle utilisée dans l’étude tREACH (15 mg/j). Les taux de rémission obtenus avec la monothérapie par MTX + prednisone 30 mg/j (dose initiale) sont ici très proches de ceux obtenus avec le même type de schéma thérapeutique, mais avec une corticothérapie initiale supérieure (60 mg/j dose initiale) dans l’étude IMPROVED (6). Mais l’équivalence d’efficacité entre les bras thérapeutiques n’était pas attendue par les investigateurs de l’étude CareRA. (Fig. 3).
Figure 3 - Etude CareRA : pourcentage de rémission EULAR (DAS28-CRP < 2,6) dans les trois bras de traitement (11).
100 90
Cobra Classic
Cobra Slim
Cobra Avant Garde
80 70 60 50 40 30 20 10 0
ACR 20
ACR 50
ACR 70
Figure 4 - Etude CareRA : pourcentage de réponse ACR20, 50 et 70 dans les trois bras de traitement (11).
Figure 5 - Etude CareRA : aire sous la courbe du DAS28-CRP dans les trois bras de traitement (11).
Le Maintien thérapeutique de la triple thérapie L’évaluation du maintien thérapeutique du TTFC dans la vie réelle a été faite dans la vaste cohorte observationnelle américaine de la NDB (National Data Bank for Rheumatic Disease) (12). Le premier enseignement de cette cohorte est le suivant : entre 1998 et 2012, parmi 10 156 patients atteints de PR, seulement 388 (3,8 %) ont dé279
ce qu’il faut retenir de l’ACR 2013
buté un TTFC. Deux définitions ont été utilisées pour définir l’arrêt de la triple thérapie : une version stricte (A) dans laquelle l’association triple n’était plus prise en tant que telle (modification quelconque), une définition large (B) dans laquelle les patients n’étaient plus sous une combinaison quelconque de ces trois DMARDs ou si une biothérapie était associée à la triple thérapie. Le taux d’arrêt a été de 78,4 % (40,8 % par an) pour la définition A et de 55,7 % (23,5 % par an) avec la définition B. La médiane de “survie” du TTFC est de 14 mois selon la définition A et de 28 mois selon la définition B. Ces chiffres montrent que, dans la population de cette cohorte, le taux de maintien thérapeutique du TTFC est faible. Dans 41 % des cas d’arrêt, une biothérapie est utilisée après le TTFC. Il s’agit de la première étude analysant cette donnée. Néanmoins, il est important de préciser que cette population ne représente probablement pas une population de PR récentes et que l’ancienneté de la mala-
die et les traitements antérieurs utilisés sont indispensables pour analyser correctement le maintien thérapeutique dans la PR. La question du maintien thérapeutique du TTFC en pratique courante apparaît comme fondamentale et nécessite l’analyse tout à la fois de la tolérance et de l’observance dans la vie réelle, ainsi que du maintien de l’efficacité avec le temps.
Conclusion Les études actuelles donnent des résultats discordants concernant l’efficacité du TTFC en comparaison à celle de l’association MTX + anti-TNF chez les PR récentes non suffisamment contrôlées par le MTX. Le praticien doit rester dans l’expectative et doit tenir compte du meilleur traitement permettant d’éviter la progression structurale chez les PR les plus à risque. Concernant le traitement d’attaque des PR, il nous semble que le MTX en monothérapie reste la stratégie à privilégier, mais il
est nécessaire d’utiliser des posologies suffisantes de MTX et très probablement d’y associer une corticothérapie transitoire, mais à dose suffisante, et que l’on pourrait qualifier d’induction. La stratégie ciblée (objectif thérapeutique de rémission ou de faible activité) et l’adaptation rapide des traitements en fonction de la réponse observée constituent avec certitude l’armature indispensable à ces différentes options. Les analyses médico-économiques vont à l’évidence se développer et interviendront peut-être demain dans les recommandations qui n nous seront faites.
Mots-clés : Polyarthrite rhumatoïde, Méthotrexate, Anti-TNF, Triple thérapie de fond conventionnelle
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280
7. Michaud K, Jalal H, Curtis J et al. Cost-effectiveness analysis of triple therapy versus etanercept plus methotrexate in early agressive rheumatoid arthritis : analysis based on the TEAR trial. ACR 2013, abstract 2646. 8. de Jong PHP, Hazes JMH, Han KH et al. Initial triple DMARD therapy is more efficient than methotrexate monotherapy in recent onset rheumatoid arthritis ; 1-year data of a randomized clinical trial (tREACH). ACR 2013, Abstract 1693. 9. Visser H, le Cessie S, Vos K et al. How to diagnose rheumatoid arthritis early: a prediction model for persistent (erosive) arthritis. Arthritis Rheum 2002 ; 46 : 357-65. 10. de Jong P, Weel A, Luime JJ et al. Better cost-effectiveness and worker productivity in triple DMARD therapy versus methotrexate monotherapy in early rheumatoid arthritis; cost-utility analysis of the treach trial. ACR 2013, Abstract 1772. 11. de Cock D, Meyfroidt S, Joly J et al. For remission induction with glucocorticoid bridging, methotrexate monotherapy is as effective as a combination with other DMARDs, with fewer reported side effects: 4 months primary outcome of CareRA, a randomized induction strategy end treat to target trial in early RA. ACR 2013, Late breaking abstract 14. 12. Pedro S, Wolfe F, Hawre J et al. Discontinuation rate in patients with RA of triple disease modifing antirheumatic therapy. ACR 2013, Abstract 1055.
Rhumatos • Décembre 2013 • vol. 10 • numéro 93
polyarthrite rhumatoïde
2 La polyarthrite rhumatoïde Retour sur les traitements "classiques" n Différentes sessions de l’ACR ont été consacrées au traitement de la PR. Il est ici question de Pr Thierry Lequerré* méthotrexate et d’association à l’adalimumab et à l’etanercept.
Est-il préférable d’utiliser le méthotrexate per os ou par voie sous-cutanée ?
*Service de rhumatologie, CHU - Hôpitaux de Rouen
Rhumatos •Décembre 2013 • vol. 10 • numéro 93
2500
AUC (ng.h/ml)
Le méthotrexate (MTX) est la molécule à proposer en première intention chez la majorité des patients atteints de polyarthrite rhumatoïde. Toutefois, l’absorption et par suite la biodisponibilité sont très variables d’un patient à l’autre, notamment à cause des polyglutamates érythrocytaires. Dans une étude randomisée, multicentrique, ouverte, de 12 semaines, Schiff et al. (1) ont comparé la biodisponibilité du MTX administré soit per os (PO) soit par voie souscutanée (SC) et à différentes doses - 10 mg, 15 mg, 20 mg et 25 mg par semaine - chez 49 patients atteints de PR. Les paramètres de pharmacocinétique et par la suite de biodisponibilité étaient mesurés par chromatographie et spectrométrie de masse dans le sérum des patients avant l’administration du MTX et à 13 instants répartis entre 15 minutes et 12 heures après la prise de celui-ci. Les patients (une majorité de femmes : 63,3 %) étaient âgés de 61,4 ans (± 10,53) en moyenne avec un IMC à 30,7 kg/m2 (± 6,39) avec une PR évoluant depuis en moyenne 13,3 ans (± 8,78). Comme le montre la figure 1, la
MTX SC auto-injection (n = 96, cuisse + abdomen)
3000
MTX Oral (n = 47)
2000 1500 1000 500 0 0
10
15
20
25
Dose de MTX (mg)
Figure 1 - Biodisponibilité du MTX administré par voie sous-cutanée (rouge) ou par voie orale (bleu) en fonction de la posologie.
biodisponibilité du MTX administré par voie SC est supérieure à celle du MTX administré PO quelle que soit la posologie, et surtout pour les posologies de 20 et 25 mg/semaine. Par ailleurs, cette étude montre que la biodisponibilité du MTX administré PO atteint un plateau à 15 mg et n’est pas améliorée pour les doses de 20 et 25 mg/semaine. A l’inverse, la biodisponibilité du MTX administré par voie SC continue à augmenter avec des doses croissantes de MTX. En revanche, la demi-vie était globalement comparable entre la forme PO et la forme SC, respectivement 3,804 h (± 0,6574) versus 3,887 h (± 0,7017). Les effets secondaires étaient comparables entre les deux formes
d’administrations. Cette étude rejoint les conclusions de l’étude de Braun et al. (2) qui démontrait l’intérêt de passer d’une forme orale (15 mg/semaine) à une forme injectable par voie sous-cutanée (20 mg/semaine) pour optimiser le MTX. En conclusion, cette étude démontre qu’il est préférable d’utiliser le MTX par injection SC avec des doses allant de 10 à 25 mg/semaine, avec une plus grande flexibilité dans l’ajustement des posologies en tenant compte du rapport efficacité/tolérance, et que l’augmentation de la posologie du MTX PO au-delà de 15 mg/ semaine ne semble pas augmenter la biodisponibilité de celui-ci. 281
ce qu’il faut retenir de l’ACR 2013
30
40
Pourcentage de patients ayant des anticorps anti-adalimumab
Concentration d’adalimumab (μg/ml)
25 20 15 10 5
30
20 adalimumab en monothérapie 14,7 %
10
Toutes populations confondues 8,8 % Adalimumab + MTX 3,3 %
0 0
0
8
16
Adalimumab en monothérapie Adalimumab + MTX n = 193 n = 280
24
32
40
48
Figure 2 - Concentration d’adalimumab selon qu’il
Figure 3 - Fréquence cumulée des anticorps anti-adalimumab en
est prescrit en monothérapie ou en association avec
monothérapie (bleu), en association avec le MTX (en rouge) et toutes
le MTX.
populations confondues (en noir).
Qu’apporte le méthotrexate en association avec l’adalimumab ? En regroupant 9 études de phase II et de phase III avec 1 991 patients atteints de PR, Awni et al. (3) ont comparé les paramètres de pharmacocinétique de l’adalimumab selon qu’il est administré en monothérapie (51,2 % des patients) ou en association au MTX (48,8 %) à différentes doses (10 à 30 mg/semaine). C’est le MTX qui influence le plus la pharmacocinétique de l’adalimumab. En effet, la clairance de l’adalimumab était plus basse quand l’anti-TNFα était associé au MTX (10,63 ± 7,83 en association versus 20,57 ± 16,63 en monothérapie) et même en absence d’anticorps antiadalimumab (10,10 ± 6,15 en association versus 17,45 ± 12,36 en monothérapie). La clairance de l’adalimumab était globalement comparable quelle que soit la dose de MTX (10 à 30 mg/ semaine). La concentration d’adalimumab était plus élevée quand l’antiTNFα était administré en association avec le MTX (Fig. 2). La fréquence cumulée des anticorps anti-adalimumab était plus élevée en monothérapie (14,7 %) qu’en associa284
56
Temps (semaine)
tion (3,3 %) (Fig. 3). D’autres paramètres influencent significativement la pharmacocinétique de l’adalimumab : la clairance de l’anti-TNFα augmente avec le poids et des taux élevés de CRP ou de facteurs rhumatoïdes avant traitement. A l’inverse, le sexe ou l’âge n’influencent pas la clairance de l’adalimumab. Le MTX influence la pharmacocinétique de l’adalimumab non seulement par son caractère immunosuppresseur en diminuant la production d’anticorps anti-adalimumab, mais aussi par son action anti-inflammatoire en diminuant l’inflammation avant introduction de l’adalimumab. L’association MTX-ADA est donc synergique.
Quelle est la dose optimale de méthotrexate en association avec l’adalimumab ? L’étude CONCERTO (4-7) avait pour objectif principal d’évaluer l’efficacité du MTX à différentes doses (2,5 ; 5 ; 10 ; 20 mg/semaine) en association avec l’adalimumab dans un essai multicentrique, en ouvert, en parallèle, pendant
26 semaines chez des patients atteints de PR active (DAS28CRP ≥ 3,2) évoluant depuis moins d’un an et naïfs de MTX. Le critère de jugement principal était la proportion de malades atteignant une faible activité à 26 semaines de traitement. Les 395 patients randomisés en quatre groupes en fonction de la dose de MTX (2,5 ; 5 ; 10 ; 20 mg/semaine) recevaient 5 mg d’acide folique par semaine et 40 g d’adalimumab tous les 14 jours par voie sous-cutanée (Fig. 4). Les patients avaient une PR très active (DAS28-CRP = 6,02 ± 0,96), évoluant depuis 0,32 année (± 0,44) avec un HAQ à 1,56 ± 0,67. Les caractéristiques clinicobiologiques des patients inclus dans chaque bras étaient comparables. Les pourcentages de patients atteignant un DAS28-CRP < 3,2 étaient de 42,9 %, 44 %, 56,6 % et 60,2 % avec respectivement les doses à 2,5 mg, 5 mg, 10 mg et 20 mg. Dès la 12e semaine, la proportion de malades atteignant le Low Disease Activity Score (DAS28CRP < 3,2 ; p = 0,005), la rémission (DAS28 CRP < 2,6 ; p = 0,008) ou le SDAI rémission (p < 0,01) était Rhumatos • Décembre 2013 • vol. 10 • numéro 93
polyarthrite rhumatoïde
plus importante avec les fortes doses (10 et 20 mg/semaine) comparativement aux faibles doses (5 et 10 mg/semaine) à 26 semaines de traitement (Fig. 5).
N=98
Bras 4
20 mg MTX (en aveugle) + ADA 40mg SC tous les 14 jours
17,5 mg 15 mg 12,5 mg N=99
En revanche, le HAQ ainsi que les différents Patients Reported Outcome (EVA activité, EVA douleur, SF-36, sommeil, satisfaction globale…) n’étaient significativement pas modifiés quelle que soit la posologie de MTX à 26 semaines de traitement (Fig. 6).
Pourcentage de patients
DAS 28(CRP) <3,2 100
**
**
60
*
40 20
0 2 4
8
12 16 Semaine
26
20
5 mg MTX (en aveugle) + ADA 40mg SC tous les 14 jours
Bras 1
0 Durée
2
4
12
8
16
20
26
Semaine
Radio
Radio
Figure 4 - Design de l’étude CONCERTO. Les patients sont randomisés en 4 bras : 2,5 mg, 5 mg, 10 mg, 20 mg.
Qu’apporte le MTX quand il est associé à l’etanercept (ETA) ?
et la dose de MTX. De plus, les pourcentages de patients avec des anticorps anti-adalimumab étaient de 21 %, 13 %, 6 % et 6 % avec les posologies respectives de 2,5 mg, 5 mg, 10 mg et 20 mg. En conclusion, l’étude CONCERTO plaide en faveur de l’association du MTX à une posologie supérieure à 10 mg/semaine avec l’adalimumab ce qui permet d’obtenir des doses plus élevées d’adalimumab, moins d’anticorps anti-adalimumab, sans majoration des effets secondaires à l’exception de l’alopécie et des infections.
L’impact de la dose du MTX sur l’efficacité clinique, fonctionnelle et sur la qualité de vie a été mesuré dans une étude post-hoc regroupant les patients inclus dans l’étude COMET (7) (n = 276 traités par l’association MTX + ETA) et TEMPO (n = 218 traités par le MTX en monothérapie). Les patients étaient répartis en trois groupes selon la dose de MTX administrée à 24 mois de traitement dans chacune des études : • faible dose : 10 mg/semaine (22,7 %) ;
Rémission SDAI
DAS 28(CRP) <2,6 100 60
**
40
**
**
20 0 2 4
8
12
16
20
26
100 60 40
***
ADA + 5 mg MTX
ADA + 10 mg MTX
**
**
**
20 0 2 4
Semaine ADA + 2,5 mg MTX
Bras 2
2,5 mg MTX (en aveugle) + ADA 40mg SC tous les 14 jours
Pourcentage de patients
A l’exception de l’alopécie et des infections, aucune corrélation nette n’a pu être démontrée entre la survenue d’effets secondaires
Bras 3
N=98
Pourcentage de patients
Par ailleurs, la posologie du MTX n’influençait pas le pourcentage de non-progresseurs même s’il existait toutefois une tendance numérique à la moindre progression radiologique avec les fortes doses de MTX (2,5 mg : 64 %; 5 mg : 72 %; 10 mg : 77 %; 20 mg : 78 % ; p = 0,06). De plus, la concentration sérique d’adalimumab était croissante (entre 4,4 et 6,9 μg/ml) avec l’augmentation des posologies de MTX sans différence entre les doses 10 et 20 mg/semaine) (Fig. 7).
10 mg MTX (en aveugle) + ADA 40mg SC tous les 14 jours
N=100
8
12
Semaine
16
20
26
ADA + 20 mg MTX
*, **, *** correspondent à une sigificativité statistique de respectivement 0,05, 0,01 et 0,001.
Figure 5 - En fonction de la posologie du MTX (2,5 mg, 5 mg, 10 mg, 20 mg), pourcentages de patients atteignant : a) le Low Disease Activity (DAS28 CRP < 3,2) ; b) la rémission DAS28-CRP < 2,6 ; c) la rémission SDAI. Rhumatos •Décembre 2013 • vol. 10 • numéro 93
285
ce qu’il faut retenir de l’ACR 2013
• dose moyenne : entre 10 et 17,5 mg/semaine (55 %) ; • f o r t e : > 1 7, 5 m g / s e m a i n e (22,3 %). Les patients de l’étude COMET avaient une moyenne d’âge de 51,5 ans, un poids moyen de 70,9 kg et une ancienneté de la maladie de 4,5 ans. Les patients de l’étude TEMPO avaient une moyenne d’âge de 52 ans, un poids moyen de 70,3 kg et une ancienneté de la maladie de 4,2 ans. Dans les deux études, les caractéristiques clinicobiologiques étaient similaires quelle que soit la dose de MTX à l’exception de l’ancienneté de la PR qui était plus courte chez les patients recevant une forte dose de MTX. Les pourcentages de rémission, de LDA, de répondeurs ACR20, ACR50, ACR70 étaient plus élevés avec l’association MTX + ETA qu’avec l’ETA en monothérapie. Néanmoins, au sein de chaque type d’association (MTX + ETA et MTX en monothérapie), les pourcentages de tous ces critères de réponse étaient comparables quelle que soit la dose de MTX (faible, moyenne ou forte) (Tab. 1). Néanmoins, dans une étude canadienne du registre Rhumadata, Choquette et al. (9) ont comparé les pourcen-
Pourcentage de patients
100 60 ADA + 2,5 mg MTX
40
ADA + 5 mg MTX ADA + 10 mg MTX
20
ADA + 20 mg MTX
0 2
4
8
12 16 Semaine
26
20
Figure 6 - Pourcentages de patients améliorant significativement leur HAQ au cours du temps, en fonction de la posologie du méthotrexate (2,5 mg, 5 mg, 10 mg, 20 mg).
Concentration en ADA
8 6 ADA + 2,5 mg MTX ADA + 5 mg MTX
4
ADA + 10 mg MTX ADA + 20 mg MTX
2 0 0 2
4
8
12 16 Semaine
26
20
Figure 7 - Concentration d’adalimumab en fonction de la posologie du méthotrexate (2,5 mg, 5 mg, 10 mg, 20 mg).
tages de rétention de l’etanercept en monothérapie et en association avec le MTX. Les résultats de cette étude sont énoncés dans le tableau 2 et la figure 8. Dans ce registre canadien, le pourcentage de rétention de l’etanercept ne semble pas être influencé par le MTX même s’il existe une tendance au meilleur
maintien thérapeutique de l’association que la monothérapie. En conclusion, l’association MTX + ETA est supérieure au MTX en monothérapie mais la dose de MTX ne semble affecter ni l’efficacité de l’etanercept ni son maintien thérapeutique au long cours. n
Tableau 1 – Pourcentages de rémission, suivant différents critères, en fonction du traitement. DAS 28 < 3,2
ACR20
ACR50
ACR70
Amélioration du DAS28 à 24 mois
Amélioration du DAS28 à 24 mois
ETA +MTX
MTX
ETA +MTX
MTX
ETA +MTX
MTX
ETA +MTX
MTX
ETA +MTX
MTX
ETA +MTX
MTX
Faible dose (< 10 mg/ semaine)
68
53
93
87
79
64
56
36
-3,8
-3,2
-1,1
-0,9
Dose moyenne (10 – 17,5 mg/ semaine)
69
41
92
81
78
55
59
33
-4
-3,2
-1,1
-0,9
Forte dose (> 17,5 mg/ semaine)
70
57
89
63
73
46
57
26
-4,1
-2,8
-1,2
-0,9
286
Rhumatos • Décembre 2013 • vol. 10 • numéro 93
polyarthrite rhumatoïde
Tableau 2 - Pourcentages de maintien thérapeutique. 6 mois
Année 1
Année 2
Année 3
Année 4
Année 5
Monothérapie (n = 45)
87 ± 5 %
64 ± 7 %
55 ± 8 %
52 ± 8 %
49 ± 8 %
36 ± 6 %
Association MTX + ETA (n = 21)
87 ± 2 %
78 ± 3 %
71 ± 3 %
64 ± 3 %
58 ± 4 %
53 ± 4 %
0,1
0,34
0,13
0,36
0,43
0,06
Probabilité de survie
Log-rank p-value 1,0
Mots-clés : Polyarthrite rhuma-
0,8
toïde, Méthotrexate, Adalimumab, Etanercept
0,6 0,4 0,2 0,0 No Yes
45 211
0
27 144
500 DMARDs
20 107
1000 oui non
15 85
1500
2000
Figure 8 - Survie de l’etanercept selon qu’il est prescrit en monothérapie ou en association avec le MTX.
LES POINTS ESSENTIELS • La biodisponibilité du MTX est très variable d’un patient à l’autre. • La biodisponibilité du MTX administré par voie SC est plus importante que celle du MTX administré PO. • La biodisponibilité du MTX administré par voie SC augmente de façon linéaire avec les posologies utilisées habituellement, contrairement à celle administrée PO qui plafonne dès 15 mg/semaine. • L’association MTX et adalimumab est synergique, ce qui permet de diminuer le taux d’anticorps anti-adalimumab. • Le MTX est le paramètre qui influence le plus la pharmacocinétique de l’adalimumab quelle que soit la dose (10 à 30 mg/semaine). • Il semble préférable d’utiliser le MTX à des doses supérieures à 10 mg/semaine pour obtenir une meilleure efficacité et limiter la production d’anticorps anti-adalimumab. • La posologie du MTX associé à l’adalimumab ne semble pas influencer les Patients Reported Outcomes ni le pourcentage de progresseurs radiologiques même s’il existe une tendance numérique à une moindre progression avec les fortes doses de MTX quand il est associé à l’adalimumab. • La posologie du MTX ne semble pas influencer la survenue des effets secondaires à l’exception de la perte de cheveux et des infections. • La posologie du MTX ne semble pas influencer l’efficacité de l’etanercept ni son maintien thérapeutique. • L’association MTX + anti-TNFα est plus efficace que l’anti-TNFα en monothérapie sur le plan clinique et structural.
Bibliographie 1. Schiff MH et al. Drug exposure limitations of oral methotrexate (MTX) at doses >15mgs may be overcome by using a subcutaneous MTX auto-injector in patients with rheumatoid arthritis (RA). ACR 2013, Abstract 796. 2. Braun J, Kästner P, Flaxenberg P et al. Comparison of the clinical efficacy and safety of subcutaneous versus oral administration of methotrexate in patients with active rheumatoid arthritis: results of a six-month, multicenter, randomized, double-blind, controlled, phase IV trial. Arthritis Rheum 2008 ; 58 : 73-81. 3. Awni W et al. The effect of methotrexate on adalimumab pharmacokinetics: pooled analysis of adalimumab pharmacokinetics in patients with rheumatoid arthritis after subcutaneous administration. ACR 2013, Abstract 488. 4. Burmester G et al. Methotrexate dose has minimal effects on methotrexaterelated toxicity in patients with early rheumatoid arthritis treated in combination with adalimumab – results of Concerto trial. ACR 2013, Abstract 2688. 5. Burmester G et al. Efficacy, pharmacokinetics, and safety of different doses of methotrexate in combination with adalimumab: results from the Concerto trial. ACR 2013, Abstract 425. Rhumatos •Décembre 2013 • vol. 10 • numéro 93
6. Fleischmann RM et al. No differences in patient-reported outcomes by methotrexate dose among early rheumatoid arthritis patients treated concomitantly with adalimumab: results from the Concerto trial. ACR 2013, Abstract 1358. 7. Goss SL et al. Adalimumab and methotrexate pharmacokinetics following combination therapy with different methotrexate doses in methotrexate and biologic-naïve rheumatoid arthritis patients: Concerto study. ACR 2013, Abstract 483. 8. Huizinga TWJ et al. The efficacy of etanercept in combination with methotrexate in moderate to severe rheumatoid arthritis is not dependent on the dosage of methotrexate. ACR 2013, Abstract 1446. 9. Choquette D et al. Combining methotrexate to etanercept does not improve its retention rate in rheumatoid arthritis patients when compared to etanercept monotherapy. A report from the Rhumadata® Clinical data base and registry. ACR 2013, Abstract 489.
287
ce qu’il faut retenir de l’ACR 2013
3 Polyarthrite rhumatoïde et spondyloarthrite Quoi de neuf dans l’imagerie ? n Les apports de l’IRM et de l’échographie dans le diagnostic et l’observation de l’évolution de la Pr Damien Loeuille* polyarthrite rhumatoïde étaient au programme du congrès. valeur discriminative de l’IRM structurale pour le diagnostic de polyarthrite rhumatoïde ou de Syndrome de Gougerot-Sjögren ou de LEAD Il est parfois utile d’avoir recours à l’IRM pour faire le diagnostic d’un rhumatisme inflammatoire débutant. Si les synovites et les ténosynovites sont fréquemment observées, l’évaluation des lésions présentes permet d’orienter vers un rhumatisme érosif de type polyarthrite rhumatoïde par rapport à des rhumatismes non érosifs sur le plan radiographique tels qu’on les rencontre dans les connectivites (LEAD, Syndrome de Gougerot-Sjögren [SGS]). Le but de cette étude réalisée par Gandjbakhch et al. (1) est de mieux caractériser ces lésions IRM osseuses (érosions et ostéite) chez des patients atteints de LEAD et de SGS sans association avec une polyarthrite rhumatoïde, et de comparer la prévalence et la sévérité des lésions structurales IRM par rapport à un groupe contrôle positif constitué de polyarthrites rhumatoïdes, et par rapport à un groupe contrôle négatif
*Service de rhumatologie, CHU Nancy-Brabois. Vandœuvre-lès-Nancy
288
constitués de témoins ajustés sur l’âge et le sexe. Les patients ont été recrutés entre 2009 et 2011 avec des critères d’inclusion stricts pour le LEAD et le SGS, à savoir une durée d’évolution ≥ 2 sans ACPA et sans lésions érosives radiographiques des mains et des pieds. Le groupe contrôle (négatif ) est constitué de patients ajustés sur le sexe et l’âge sans arguments clinique ou biologique pour un rhumatisme inflammatoire. Le groupe contrôle positif est formé de polyarthrites rhumatoïdes établies évoluant depuis plus de deux ans. L’IRM dédiée (ESAOTE C-Scan 0,2 Tesla) est réalisée sur les articulations MCP 2 à 5 et le poignet de la main dominante avec des séquences coronales T1 et STIR T2 sans injection de gadolinium. L’évaluation des érosions et de l’ostéite répond aux critères de lecture définis par l’OMERACT en différenciant les
Œdème
foramens corticaux liés à la présence de vaisseaux nourriciers des véritables érosions associées à un processus pathologique. La lecture IRM a été faite en double lecture indépendante en aveugle des données cliniques et radiographiques et les lésions scorées selon le score de RAMRIS érosion et ostéite (Fig 1). Quatre-vingt-dix patients ont été inclus, SGS (n = 19), LEAD (n = 21), PR (n = 30) et témoins (n = 20). Quatre-vingt-trois pourcent des PR étaient érosives en radiographie avec un taux de FR et d’ACPA de 86 % et de 72 % respectivement. Les autres groupes ne présentaient pas d’érosion radiographique. Concernant l’étude IRM, tous les patients avaient au moins une rupture corticale présente sur deux plans différents aux MCP et au poignet sans différence significative entre les deux groupes. La
Erosion
Figure 1 - Œdème et érosions sur au moins deux plans de coupe différents. Rhumatos • Décembre 2013 • vol. 10 • numéro 93
polyarthrite rhumatoïde
prévalence et les scores RAMRISérosion et RAMRIS-ostéite sont significativement plus élevés dans le groupe PR que dans le groupe LEAD-SGS. Il n’existe aucune différence significative de scores entre le groupe témoin et le groupe LEAD-SGS. Les érosions sont localisées préférentiellement sur les MCP-2, 3 et 5 dans la polyarthrite alors qu’aucune différence n’est observée pour les autres sites (MCP-3 et poignet). La sensibilité et la spécificité sont respectivement pour une lésion érosive de grade ≥ 2 de 0,68 et 0,65 et pour une ostéite de grade ≥ 1 de 0,77 et 0,78. L’association d’une érosion et d’une ostéite est assez spécifique d’une PR (Sp = 0,79). Il n’existe pas de différence significative entre le score de RAMRIS du groupe témoin par rapport à celui du groupe LEADSGS. Un score RAMRIS de 9 permet de bien discriminer le groupe LEAD-SGS du groupe PR avec une aire sous la courbe de 0,80, soit une sensibilité de 0,68 et une spécificité de 0,84. En conclusion, ce travail permet d’orienter le diagnostic soit vers une PR soit vers une connectivite en fonction de la topographie, du nombre et de la sévérité des lésions structurales (érosion et ostéite).
L’examen échographique carotidien est-il pertinent pour évaluer le risque cardio-vasculaire des PR ? Les patients atteints de PR présentent un risque accru de mortalité par rapport à des sujets témoins ajustés au sexe et à l’âge. Cette augmentation du risque cardio-vasculaire est en partie liée à une augmentation du risque d’arRhumatos • Décembre 2013 • vol. 10 • numéro 93
tériosclérose qui peut être évaluée de façon non invasive lors d’une échographie haute résolution de la carotide par la mesure de l’épaisseur intima-media (valeur pathologique > 0,9 mm) et de la présence ou non de plaques non calcifiées carotidiennes. Dans cette étude, Ortiz-Sanjuan et al. (2) ont évalué un score échographique (CAC Score) qui tient compte des anomalies carotidiennes en échographie par rapport à la présence de calcifications coronariennes sur l’examen scannographique (examen de référence). Cent quatre patients atteints de PR sans antécédent cardio-vasculaire ont été étudiés sur leurs risques cardio-vasculaires : 1) au scanner (étude des calcifications coronariennes) ; 2) en échographie (mesure de l’épaisseur intima-media - valeur pathologique > à 0,9 mm, existence de plaques carotidiennes) ; 3) le risque coronarien systémique modifié selon les recommandations EULAR : SCOREm. La durée d’évolution de la PR est en moyenne de 10,8 ans, 72,1 % des patients avaient des Facteurs rhumatoïdes (FR) et/ou des ACPA +, et 16,4 % d’entre eux des manifestations extra-articulaires. Neuf patients ont été exclus en raison d’un diabète de type 2 ou d’une maladie rénale associée. Les PR ont été classées sur le risque cardio-vasculaire par le SCOREm en faible (n = 21), en modéré (n = 60) et élevé/très élevé (n = 14). Dans la population à faible risque coronarien absolu (SCOREm), 76,2 % des patients ne présentent aucune calcification coronarienne au scanner et aucun ne présente un score de calcification > 100 au scanner. Cependant 57,5 % de ces PR sans calcifications au scanner présentent des plaques carotidiennes en échogra-
phie. Soixante-douze PR ont été reclassées comme ayant un risque élevé ou très élevé si elles présentaient un SCOREm ≥ 5 ou un SCOREm ≤ 5 avec au moins un des items suivants : atteinte échographique sévère (épaisseur intimamedia > 0,9 mm et/ou plaques) ou un score de calcifications scannographiques > 100. Ce dernier par rapport au SCOREm présente une sensibilité supérieure 2,36 % contre 19,4 %. En revanche, la présence de lésions carotidiennes sévères permet d’identifier un plus grand nombre de patients répondant à un niveau de risque cardiovasculaire élevé ou très élevé avec une sensibilité de 97,5 %.
Chronologie des événements IRM conduisant à l’ankylose des articulations sacro-iliaques Ce travail a été effectué par l’équipe canadienne menée par le rhumatologue Walter Maksymowych et le radiologue Robert Lambert qui ont effectué une étude pilote structurale sur une première cohorte avec comme objectif de valider un score structural des articulations sacro-iliaques : SPARCC-SSS (Sacro-iliaque Structural Score). Ce score analyse sur les six premières coupes T1 du compartiment synovial, les anomalies structurales suivantes : métaplasie graisseuse, érosions, tissu de comblement et ankylose. Le tissu de comblement, ou backfill, présente un hypersignal en pondération T1 et vient combler sur le versant articulaire la perte de substance liée à l’érosion donnant un aspect en hypersignal de l’interligne articulaire et de l’érosion. Dans un second temps, cette équipe a analysé 147 paires d’IRM séparées de deux ans. Une double 289
ce qu’il faut retenir de l’ACR 2013
lecture a été réalisée. Sur les 147 sujets, 69 recevaient un traitement local et 78 étaient sous antiTNF. Les analyses univariées et multivariées avaient comme objectif de déterminer les facteurs IRM prédictifs des modifications des scores : de graisse, du tissu de comblement et d’ankylose avec des ajustements sur l’âge, le sexe, la durée des symptômes, le traitement, la CRP à J0 et à deux ans, le SPARCC inflammatoire à J0 et à deux ans, le score SPARCC à J0 pour le score graisseux, érosion, le tissu de comblement et l’anky-
lose (Fig. 2). En analyses multivariées la résolution des érosions est fortement associée à l’apparition de tissu de comblement (R2 = 0,44 ; p = 0,0001) et à l’apparition de lésions d’ankylose. L’apparition d’une nouvelle ankylose en analyse multivariée est associée à l’existence à J0 du score du tissu de comblement, de la décroissance d’érosion et le développement de lésions de métaplasie graisseuse. Le facteur limitant à ce travail est l’absence d’analyse histologique permettant d’identi-
fier les lignées cellulaires constituant le tissu de comblement. Par ailleurs, le recueil des données cliniques et des traitements (AINS) dans une cohorte observationnelle est moins précis que lors des études réalisées au sein d’essais cliniques (3). n
Mots-clés : Polyarthrite rhumatoïde, IRM, Syndrome de GougerotSjögren, Syndrome de LEAD, Echographie carotidienne, Articulations sacro-iliaques
Bibliographie
Figure 2 - Présence sur la sacro-iliaque (BF) droite à deux ans d’un tissu de comblement de l’érosion iliaque (ER) en hypersignal. A droite, on note une métaplasie graisseuse iliaque G (flèche blanche).
1. Gandjbakhch, F et al. Systemic lupus erythematosous and primary Sjogren’s Syndrome may display joint erosions on MRI as well as healthy control, but cannot be considered as erosive disease such as rheumatoid arthritis: an MRI observational study of 90 subjects. ACR 2013, Abstract 852. 2. Ortiz-Sanjuán, F et al. Cardiovascular risk stratification in rheumatic diseases : carotid ultrasound is more sensitive than coronary artery calcification ccore to detect subclinical atherosclerosis in patients with rheumatoid arthritis. ACR 2013, Abstract 1975. 3. Maksymowych W et al. Evidence that fat metaplasia is a key intermediary in the development of sacroiliac joint ankylosis following repair of erosions in patients with spondyloarthritis. ACR 2013, Abstract 2692.
Spondyloarthrite Traitement, vitamine D et imagerie n Quelques points forts des sessions consacrées aux spondyloarthrites nous semblent mériter un Pr Daniel Wendling* développement. L’Ustekinumab dans la spondyloarthrite ankylosante (1) En dehors des anti-TNF, les divers essais de traitement par *Service de Rhumatologie, CHRU de Besançon
290
biomédicament de la spondyloarthrite ont été décevants, tant le rituximab que l’abatacept ou encore les anti-IL-6. La voie IL-23/Th17 semble une piste de ciblage thérapeutique dans cette maladie, basée sur
des arguments physiopathologiques. Les premiers résultats avec un anticorps anti IL-17 (secukinumab) ont été récemment publiés (2). Le groupe allemand rapporte les premiers résultats de traitement de la Rhumatos • Décembre 2013 • vol. 10 • numéro 93
Spondyloarthrite
Le déficit en vitamine D est associé à l’activité et la sévérité des formes récentes de spondyloarthrite (3) C’est la conclusion de cette étude menée sur la cohorte DESIR. Le dosage de la 25-0H-vitamine D a été réalisé sur le sérum Rhumatos • Décembre 2013 • vol. 10 • numéro 93
Pourcentage de patients
100 80
75
75
75
PASS
PhASS
65
60
55
50
40
30
20 0
50 35 20
ASAS20 ASAS40 ASAS 5/6 ASAS PR BASDAI50 ASDAS CII ASDAS MI ASDAS inactive disease
ASAS PR = rémission partielle ASAS, ASDAS CII = amélioration clinique importante ASDAS (score ≥ 1,1 par rapport à la référence) ASDAS MI = ASDAS amélioration majeure (score ≥ 2,0 par rapport à la référence) PASS = Symptômes acceptables pour le patient PhASS = Symptômes acceptables pour le médecin
Figure 1 - Pourcentages de patients répondeurs à l’ustekinumab à la semaine 24.
Pourcentage de patients
Spondyloarthrite ankylosante (SA) par l’ustekinumab, un anticorps dirigé contre la portion p40, commune à l’IL-23 et à l’IL12. Ce biomédicament, autorisé dans le traitement du psoriasis (Stelara®), vient d’obtenir une autorisation dans le traitement du rhumatisme psoriasique et est également évalué dans la maladie de Crohn. Il s’agit d’une étude ouverte prospective avec administration de 90 mg d’ustekinumab en souscutané aux semaines 0, 4 et 16 chez 20 patients atteints de SA répondant aux critères de New York modifiés, avec un BASDAI supérieur à 4 malgré les AINS. Le critère principal était le pourcentage de patients avec réponse ASAS 40 à la semaine 24. Cet objectif est atteint par 65 % des patients, avec une rémission partielle ASAS et une réponse BASDAI 50 chez 30 et 55 % des patients respectivement. Une amélioration a été observée pour la plupart des autres items (Fig. 1). Une réduction de la CRP n’a pas été mise en évidence sur l’ensemble du groupe, mais a été observée de façon significative chez les patients avec une réponse ASAS 40. Le traitement est bien toléré, sans événement infectieux grave. Cette option thérapeutique semble donc également intéressante pour les formes axiales et devra faire l’objet d’investigations ultérieures.
40 35 30 25 20 15 10 5 0
ASDAS CRP < 2,1 ASDAS CRP 2,1 ou > 2,1
< 1,8
1,8-3,1
3,1-5,0
> 5,0
Taux d’étanercept (mg/l) Figure 2 - Niveau d’activité de la spondyloarthrite à S 24 en fonction du taux d’etanercept.
obtenu à l’inclusion dans la cohorte chez 653 patients remplissant au moins un des critères de classification de spondyloarthrite. L’insuffisance en vitamine D est définie par un taux inférieur à 13,29 ng/ml sur le prélèvement initial et sur l’évolution évaluée sur les critères habituels à deux ans. Après ajustement en fonction de la saison et de l’ethnie, le taux basal de vitamine D est associé à la présence d’une sacro-iliite radiographique, à l’ASDAS CRP initial et au BASMI moyen durant les deux ans de suivi. Il n’y avait pas de corrélation statistique entre
les taux de vitamine D et les paramètres densitométriques ou les facteurs de risque cardiovasculaires. Des études longitudinales seront nécessaires pour évaluer l’impact d’une supplémentation en vitamine D sur l’évolution de la maladie.
De l’intérêt du dosage du biomédicament dans la Spondyloarthrite ankylosante (4) Des taux bas d’étanercept sont associés à une activité élevée de la spondyloarthrite à 24 se291
ce qu’il faut retenir de l’ACR 2013
Score mSASSS
30 25 20 15 10
ASDAS 1,0 (maladie inactive) ASDAS 2,0 (maladie ayant une activité modérée) ASDAS 3,0 (maladie ayant une activité forte) ASDAS 4,0 (maladie ayant une activité très forte)
5 0
0
2
4 6 8 Nombre d’années de suivi
10
12
mSASSStimepoint = -0,27 + 1,03 * mSASSSt-1 + 0,72 ASDASt-1 Figure 3 - Progression radiographique selon le score mSASSS en fonction du niveau d’activité ASDAS, et formule de prédiction de l’évolution radiographique.
maines de suivi. Une étude prospective d’une cohorte de 170 patients atteints de spondyloarthrite ankylosante et traités par étanercept 50 mg/semaine a évalué le suivi clinique et le dosage de biomédicament sur un suivi de 24 semaines. A 24 semaines, les taux d’étanercept étaient significativement plus élevés chez les patients en maladie inactive ou en faible niveau d’activité. En catégorisant les patients par quartiles de taux d’étanercept, il est observé une corrélation inverse entre le taux de biomédicament et le niveau d’activité à la semaine 24 (Fig. 2).
La progression de l’atteinte radiographique est associée à l’activité inflammatoire de la spondyloarthrite En utilisant les données de la cohorte multinationale OASIS – 217 patients atteints de spondyloarthrite ankylosante et sui292
vis tous les deux ans (clinique + Rx) de 1996 à 2009 – les auteurs ont évalué l’évolution du score radiographique mSASSS et l’activité de la maladie par le score ASDAS. Ils démontrent ainsi que dans la spondyloarthrite, l’activité de la maladie est associée de façon nette à la progression radiographique (Fig. 3). Cet effet est plus marqué pour les hommes et dans les phases précoces de la maladie. Le tabagisme amplifie cet effet de l’activité de
la maladie sur la progression radiographique, en particulier chez les hommes. Ces constatations apportent un argument en faveur d’un traitement ciblé basé sur l’évaluation de l’ASDAS. n
Mots-clés : Spondyloarthrites, Ustékinumab, Vitamine D, Biomédicament, Radiographie
Bibliographie 1. Poddubnyy D, et al. Ustekinumab for the treatment of patients with active ankylosing spondylitis: results of a 28-week, prospective, open-label, proof-of-concept study (TOPAS). Abstract 1798. Arthritis Rheum 2013 ; 65 : S766. 2. Baeten D, Baraliakos X, Braun J et al. Anti-interleukin-17A monoclonal antibody secukinumab intreatment of ankylosing spondylitis: a randomised, double-blind, placebo-controlled trial. Lancet 2013 Sep 12 [Epub ahead of print]. 3. Hmamouchi I et al. Vitamin D deficiency is associated with a more active and severe disease in early axial spondyloarthritis: data
from the DESIR cohort. Abstract 1530. Arthritis Rheum 2013 ; 65 : S649. 4. Kneepkens E L, et al. Lower etanercept levels are associated with high disease activity in ankylosing spondylitis patients at 24 weeks of follow-up. Abstract 1524. Arthritis Rheum 2013 ; 65 : S646. 5. Ramiro S, et al. Higher disease activity leads to more damage in the early phases of ankylosing spondylitis: 12-year data from the OASIS cohort. Abstract 2837. Arthritis Rheum 2013 ; 65 : S1215.
Rhumatos • Décembre 2013 • vol. 10 • numéro 93
OSTéoporose
Ostéoporose Nouveaux traitements et conséquences osseuses des maladies inflammatoires n
Voici une synthèse de différentes communications sur les études portant sur l’ostéoporose
présentées à l’ACR.
La voie Wnt est une voie essentielle de la formation osseuse par les ostéoblastes. La sclérostine sécrétée par les ostéocytes est un inhibiteur de la voie Wnt. L’inhibition de la sclérostine représente une cible thérapeutique de choix pour favoriser la formation osseuse chez les patients ostéoporotiques. Dans une étude de phase II conduite chez des femmes ménopausées avec un T-score bas (entre -2 et -3,5 DS), l’effet d’un anticorps bloquant la sclérostine, le romosozumab (210 mg/mois ; n = 24) a été comparé au teriparatide (20 μg/j ; n = 30) et à un placebo (n = 27). La densité osseuse volumique a été mesurée par scanner quantitatif (QCT) au niveau des vertèbres L1-L2 et à la hanche totale, à l’inclusion et à 12 mois. Il existe un gain significatif de la Densité minérale osseuse (DMO) volumique et du Contenu minéral osseux
*Service de rhumatologie, hôpital Cochin, Paris
Rhumatos • Décembre 2013 • vol. 10 • numéro 93
Placebo Variation de la DMO (%) par rapport à l’inclusion (Intervalle de confiance 95 %)
Efficacité du romosozumab sur la densité osseuse trabéculaire et corticale mesurée par scanner
romosozumab augmente significativement la DMO volumique corticale du rachis lombaire (13,7 versus 5,7 % ; p < 0,0001) et à la hanche totale (+1,1 versus -0,9 % ; p < 0,05) comparativement au teriparatide (1). Cette étude suggère que le romosozumab est efficace sur les deux compartiments osseux : au rachis lombaire et à la hanche. Ces résultats encouragent la pour-
(CMO) dans les groupes romosozumab et teriparatide au rachis lombaire et seulement dans le groupe romosozumab pour la hanche totale (Fig. 1). Le gain trabéculaire est comparable entre le teriparatide et le romosozumab au niveau vertébral (20,1 % versus 18,3 %) et significativement plus élevé dans le groupe romosozumab à la hanche (10,8 versus 4,2 % ; p < 0,05). Le
Variation de la DMO (%) par rapport à l’inclusion (Intervalle de confiance 95 %)
Actualités sur les nouveaux traitements de l’ostéoporose
Dr Karine Briot*
25
Teriparatide
Romosozumab
Rachis lombaire
20 15 10 5 0 -5
10
DMO volumique n = 27 n = 30 n = 24
n = 27
CMO n = 30
n = 24
CMO n = 19
n=9
Hanche totale
7,5 5 2,5 0 -2,5 -5
DMO volumique n = 18 n = 19 n = 9
n = 18
Figure 1 - Effet du romosozumab sur la densité volumique et le contenu minéral osseux.
293
ce qu’il faut retenir de l’ACR 2013
suite des essais cliniques des anticorps antisclérostine dans l’ostéoporose postménopausique.
❚❚Effet d’un traitement prolongé par denosumab sur le risque de fracture non vertébrale : données de l’extension de l’étude FREEDOM La réduction du risque fracturaire non vertébral a été montrée à trois ans pour les traitements antirésorbeurs, mais il y a peu de données disponibles sur l’efficacité des durées de traitement plus longues. Les auteurs ont comparé les incidences de fractures non vertébrales des trois premières années de l’étude pivot FREEDOM du denosumab et des quatre années suivantes de l’étude d’extension pendant laquelle toutes les patientes ont reçu 60 mg de denosumab en sous-cutané tous les six mois. Parmi les 5 298 patientes de l’étude FREEDOM éligibles pour l’étude d’extension, 2 243 ont été traitées pendant sept ans (groupe durée prolongée) et 2 207 ont été traitées pendant quatre ans (groupe crossover). Dans le groupe traitement prolongé, l’incidence des fractures non vertébrales a été de 1,98 pour 100 patients/année au cours des trois premières années de traitement. Cette incidence a baissé à 1,43 pendant la quatrième année (rapport entre cette incidence et celle des années 1 à 3 : 0,73 ; p = 0,096) puis est restée stable à 1,45 pendant les années 4 à 7 (rapport entre cette incidence et celle des années 1 à 3 : 0,74 ; p = 0,016). Cette étude suggère qu’un traitement de trois ans par denosumab réduit significativement le risque de fracture non vertébrale par rapport au placebo. La poursuite du traitement pendant quatre années supplémentaires semble réduire le 294
Evolution à 3 ans (IC95) [%]
Actualités sur le denosumab
4,0
2,0
1,7
0,0
-2,0
- 4,0
-6,0
-3,6
Placebo (n=22)
DMAb (n=28)
Figure 2 - Effet du denosumab sur la porosité corticale à trois ans.
risque de fracture non vertébrale par rapport aux trois premières années puisque cette incidence fracturaire basse se maintient (2). ❚❚Effet du denosumab sur la porosité corticale de la hanche L’os cortical (masse osseuse, surface de section, épaisseur corticale et porosité corticale) joue un rôle clé sur la résistance osseuse. La porosité corticale qui résulte d’un déséquilibre du remodelage cortical au niveau des canaux de Havers est un des paramètres particulièrement importants qui s’aggrave au cours du vieillissement. Les auteurs ont étudié l’effet du denosumab sur la porosité corticale à la hanche mesurée par scanner quantitatif (QCT) dans un groupe de 50 femmes (22 femmes dans le groupe placebo et 28 femmes dans le groupe denosumab) issues de l’étude pivotale du denosumab FREEDOM. À l’inclusion, la porosité corticale observée était de 72 et 37 %, respectivement à la partie interne et externe de la zone de transition corticale, et de 29 % au niveau de l’os cortical compact. La porosité était corrélée positivement avec la résorption osseuse (CTX ;
p = 0,017) et négativement avec la résistance osseuse (p = 0,027). Après trois ans de traitement par denosumab, la porosité corticale a été significativement réduite (p < 0,001) dans chaque zone (-1,8, -5,6 et -7,9 %, respectivement) (Fig. 2). Il s’agit de la première étude étudiant in vivo par scanner quantitatif l’effet d’un traitement sur la porosité corticale à la hanche. Ces résultats pourraient expliquer l’effet antifracturaire du denosumab sur les fractures non vertébrales (3).
Conséquences osseuses des maladies inflammatoires chroniques Risque de fracture vertébrale après initiation d’une corticothérapie chez les enfants Il existe peu de données dans la littérature sur le risque de Fractures vertébrales (FV) après l’initiation d’une corticothérapie à fortes doses par voie générale chez les enfants. L’incidence cumulée des Rhumatos • Décembre 2013 • vol. 10 • numéro 93
OSTéoporose
fractures vertébrales sur trois ans a été étudiée chez 404 enfants (âge moyen 6,2 ans, 50 % de garçons) atteints de leucémie (46 %), de rhumatismes inflammatoires (34 %) et de syndrome néphrotique (20 %). Onze pourcent des enfants avaient une fracture vertébrale avant le début de la corticothérapie. Dix-sept pourcent des enfants ont eu au cours des trois ans au moins une nouvelle fracture vertébrale. L’incidence des FV est maximale pendant la première année et diminue par la suite. Les variables associées au risque de fracture vertébrale sont la présence d’une FV à l’inclusion (RR = 6,3 ; IC 95 % 3,2-12,4), le sexe féminin (RR = 1,8 ; IC 95 % 1,03,3), le statut prépubertaire (RR = 2,1 ; IC 95 % 0,8-5,4), et un Z score bas à l’initiation du traitement (RR = 1,4 ; IC 95 % 1,1-1,7). Cette étude montre que le risque de FV après introduction d’une corticothérapie est élevé et survient chez les enfants qui ont une diminution de la densité minérale osseuse et/ou une fracture vertébrale prévalente (4).
Conséquences osseuses des spondyloarthrites ❚❚L’utilisation des AINS prévient la perte osseuse à la hanche chez les sujets ayant des rachialgies inflammatoires récentes Il existe un risque d’ostéoporose au cours des Spondyloarthrites (SpA) qui peut être observée très précocement. Cette perte osseuse contraste avec l’ostéoformation locale (formation de syndesmophytes). Compte tenu des difficultés possibles d’interprétation de la mesure de la DMO chez les sujets ayant des syndesmophytes, l’étude de la DMO et de ses déterminants des sujets ayant des formes débutantes de SpA est intéressante. Rhumatos • Décembre 2013 • vol. 10 • numéro 93
Chez les 332 sujets de la cohorte multicentrique française DESIR constituée de jeunes patients atteints de rachialgies inflammatoires récentes (de plus de trois mois et de moins de trois ans) qui ont eu une mesure de la DMO à l’inclusion, la prévalence de la DMO basse (Z ≤ -2 à au moins un des sites) est plus élevée (13 %) que la prévalence attendue chez ces sujets jeunes. L’inflammation systémique (syndrome inflammatoire biologique) et locale (œdème osseux vu en IRM) est significativement associée à une DMO basse au rachis lombaire et à la hanche totale (5). Parmi les 332 patients, 265 (54 % d’hommes, âge moyen 34,4 ans) ont eu une mesure de la DMO à l’inclusion et à deux ans. Les variations de la DMO à deux ans sont significatives par rapport à l’inclusion au rachis lombaire (+1,3 % [6,4], p = 0,02) et à la hanche (-0,3 % [4,0], p = 0,02). Quatrevingt-quinze (35,8 %) patients ont eu une perte osseuse significative à deux ans (≥ 0,03 g/cm²) à au moins un des sites (rachis ou hanche), 59 (22,4 %) au rachis lombaire et 46 (18,0 %) à la hanche. A deux ans, la prévalence de la DMO basse est de 11,4 %. 187 (70,6 %) patients recevaient des AINS à l’inclusion et 89 (33,6 %) des antiTNF à deux ans (durée moyenne de 5,7 [9,1] mois). La perte osseuse à deux ans au rachis lombaire est associée en analyse multivariée à l’âge (OR = 1,06 [1,00-1,12],
p = 0,017) (AUC = 0,608). La prise d’AINS à l’inclusion a un effet protecteur sur la perte osseuse à la hanche à deux ans en analyse multivariée (OR = 0,38 [0,19-0,76], p = 0,006). Chez les patients non traités par anti-TNF au cours des deux ans (n = 176) : le sexe masculin est le seul déterminant associé à la perte osseuse au rachis lombaire (OR = 2,4 [1,13-5,09], p = 0,023). Chez ces patients, la prise d’AINS à l’inclusion (OR = 0,09 [0,02-0,5], p = 0,006) et l’augmentation à deux ans de l’IMC (OR = 0,55 [0,370,85], p = 0,003) avaient un effet protecteur de la perte osseuse à la hanche. Cette étude montre que chez les patients avec rachialgies inflammatoires récentes chez lesquels un tiers reçoivent des anti-TNF au cours du suivi, la DMO est dans des valeurs normales et 35 % ont une perte osseuse significative à deux ans. L’utilisation des AINS a un effet protecteur sur la perte osseuse à la hanche chez les patients traités ou non par anti-TNF. Ces données doivent être confirmées à partir des données à cinq ans de la cohorte DESIR (6). ❚❚Effets des anti-TNF sur la densité osseuse des SpA : revue de la littérature et métaanalyse Les sujets ayant une SpA ont un risque augmenté d’ostéoporose et de fractures, en particulier vertébrales. Les anti-TNF semblent prévenir la perte osseuse soit par
Tableau 1 - Variations de la densité minérale osseuse chez les patients SpA recevant des anti-TNF. Durée du Rachis lombaire suivi (différence moyenne en pourcentage [IC 95 %])
Hanche totale (différence moyenne en pourcentage [IC 95 %])
Col fémoral (différence moyenne en pourcentage [IC 95 %])
1 an
5,1 (4,0-6,1)
1,8 (1,0-2,5)
0,73 (-0,8-2,2)
2 ans
8,6 (6,8-10,3)
2,5 (1,9-3,0)
Données insuffisantes
295
ce qu’il faut retenir de l’ACR 2013
un effet direct ou un effet indirect via le contrôle de l’inflammation. Une analyse systématique de la littérature conduite à partir de huit études (sept études observationnelles et une étude contrôlée) a évalué l’effet des anti-TNF sur la variation de DMO à un et deux ans. L’analyse a été conduite chez 470 sujets (70 à 92 % d’hommes) ; l’âge moyen était compris entre 36 et 48 ans et la durée de la mala-
die évoluait entre 9 et 17 ans. Après un et deux ans de traitement par les anti-TNF, la DMO a significativement augmenté au rachis lombaire et à la hanche totale avec une stabilité au col fémoral (Tab. 1). L’effet sur les fractures n’est pas connu (7). Cette analyse de la littérature montre que les anti-TNF ont un effet favorable sur la DMO aux deux sites mais il n’ y a pas de démonstration dans la littérature d’une
diminution du risque de fracture chez les patients ayant une SpA recevant des anti-TNF. n
Mots-clés : Ostéoporose, Densité minérale osseuse, Romosozumab, Denosumab, Etude FREEDOM, Teriparatide, Maladie inflammatoires chroniques, Spondyloarthrite
Bibliographie 1. Genant HK, Boonen S, Bolognese MA et al. Romosozumab administration is associated with significant improvements in lumbar spine and hip volumetric bone mineral density and content compared with teriparatide. ACR 2013, Abstract 863. 2. Adachi JD, Ferrari D, Zapalowski C et al. Further eeduction in nonvertebral fracture rate is observed following 3 years of denosumab treatment: results with up to 7 years in the Freedom Extension. ACR 2013, Abstract 864. 3. Libanati C, Zebaze RM, McClung MR et al. Reduced hip cortical porosity upon denosumab treatment: a likely mechanism contributing to the reduction of hip fracture risk in women with osteoporosis. ACR, Abstract 867. 4. Roth J, Ma, J, Cabral DA et al. Vertebral fractures in the 3 year period fol-
lowing steroid initiation among children with chronic illnesses. ACR 2013, Abstract 865. 5. Briot K, Durnez A, Paternotte S et al. Bone oedema on MRI is highly associated with low bone mineral density in patients with early inflammatory back pain: results from the DESIR cohort. Ann Rheum Dis 2013 ; 72 : 1914-9. 6. Briot K, Paternotte S, Miceli-Richard C et al. Use of non steroidal anti-inflammatory drugs prevent bone loss in patients with early inflammatory back pain: results from the DESIR cohort. ACR 2013, Abstract 866. 7. Nigil Haroon N, Srighanthan J, Ghanim N et al. Effect of TNF inhibitors on bone mineral density in patients with ankylosing spondylitis- a systematic review and meta-Analysis. ACR 2013, Abstract 1548).
Arthrose Comment les cristaux calciques induisent une inflammation et contribuent à l’arthrose n Géraldine McCarthy a présenté dans une brillante communication orale les éléments actuellement disponibles en faveur de l’implication des cristaux calciques intra-articulaires dans la génération des lésions arthrosiques.
L’
analyse systématique du profil des protéines de l’inflammation présentes dans le sérum et le liquide synovial de sujets atteints d’arthrose ou de PR montre l’importance de l’inflammation intraarticulaire au cours de ce processus “dégénératif”, mal-
*Rhumatologue, Paris
296
gré l’absence d’inflammation systémique (1) (Fig. 1). Le liquide synovial peut contenir, comme nous le savons, des cristaux d’urate de sodium (MSU), des cristaux de pyrophosphate de calcium dihydratés (CCPD), mais également des cristaux de phosphate de calcium (hydroxyapatite, octacalcium phosphate), identifiés sous le nom de BCP (Basic Calcium Phosphate).
Dr Dominique Clerc* L’étude du liquide synovial d’articulations arthrosiques non sélectionnées révèle la présence de BCP dans 30 à 60 % des cas, et l’analyse du cartilage d’articulations de la hanche ou du genou opérés pour remplacement prothétique met en évidence la présence de BCP dans 100 % des cas (2) et de CCPD dans 20 % des cas. Leur présence est corrélée avec l’expressivité clinique et le grade Rhumatos • Décembre 2013 • vol. 10 • numéro 93
arthrose
Rhumatos • Décembre 2013 • vol. 10 • numéro 93
Figure 1 - Analyse systématique du profil des molécules de l’inflammation dans le sérum et le liquide synovial des patients atteints d’arthrose ou de PR (1).
IL-1β (pg/ml)
1200 800 S100-A8 S100-A8 + BCP
600 400 200
m g/
ng
1n
l /m ng 0 10
ng
/m
l
l
/m
10
l
0 00
murins. Une inflammation de la synoviale est constatée, avec infiltration de macrophages, persistant jusqu’à trente jours après l’injection, ainsi qu’une dégradation de la matrice du cartilage, et une augmentation de l’apoptose des chondrocytes. Les études in vitro, qui se sont multipliées ces dernières années, permettent de mieux comprendre les mécanismes de déclenchement de la dégradation articulaire par les BCP. Elles montrent que les BCP sont capables d’induire la mitogenèse, d’activer les Nf-kB, AP-1, PKC, MAP kinase, d’augmenter la production de métalloprotéases (MMP 1, 3, 8, 9 et 13) et de diminuer celle des TIMPs, de stimuler la production de COX1, COX2, et de la prostaglandine E2, d’induire la production d’oxyde nitrique et enfin de stimuler la production de cytokines, en particulier l’IL-1b et l’IL-18. L’expression de ces deux cytokines est augmentée dans l’arthrose. Elles jouent un rôle particulièrement important
10
évolutif de l’arthrose. Les cristaux contribuent à la détérioration du cartilage par différents mécanismes : ils déclenchent la production de cytokines et d’enzymes cataboliques par la synoviale et le cartilage, ils induisent une réaction inflammatoire, ils érodent directement les tissus. La réaction inflammatoire induite par les cristaux est déclenchée par la phagocytose de ceux-ci par les polynucléaires neutrophiles conduisant à la libération d’enzymes lysosomales et de facteurs chémotactiques pour les cellules de l’inflammation. La phagocytose des cristaux par les cellules bordantes synoviales provoque leur prolifération, et la libération de prostaglandines, de cytokines et de métalloprotéases susceptibles de dégrader la matrice. La synoviale dans l’arthrose présente des signes d’inflammation aux niveaux microscopique et macroscopique : hyperplasie des cellules bordantes avec infiltration de cellules de l’inflammation, particulièrement des macrophages. C’est principalement la voie de l’immunité innée qui est en jeu, par le biais de l’activation de récepteurs stimulés par les PAMPs/DAMPs. Contrairement aux cristaux de CCPD, les cristaux de BCP sont petits, difficiles à mettre en évidence (ils ne sont vus qu’en ultramicroscopie), mais sont identifiables dans la majorité des liquides d’articulations arthrosiques. Après avoir présenté cet état des connaissances, l’oratrice a fait état des études animales, en premier lieu celle menée par nos collègues de Lariboisière (3) consistant en l’injection de cristaux de BCP dans les articulations de
Figure 2 - Effet de l’administration de S100-8 et de BCP sur la production d’IL-1b.
dans la dégradation de la matrice du cartilage (stimulation de la production d’aggrécanase pour la première, inhibition de la production d’aggrécanes pour la seconde), et dans la stimulation de l’inflammation. Les recherches les plus récentes mettent en lumière le rôle de molécules identifiées comme S100-8 et S100-9 qui sont des Damage-Associated Molecules, molécules associées aux lésions, acteurs essentiels de l’immunité innée. Elles sont des activateurs endogènes du Toll-Like Receptor 4 (TLR-4) des cellules de l’immunité innée comme les macrophages et ont une action catabolique, dépendante du TLR-4 297
ce qu’il faut retenir de l’ACR 2013
sur les chondrocytes humains (4). Or, d’une part, il a été montré que ces molécules sont présentes en grande quantité dans le liquide articulaire dans l’arthrose, et d’autre part que l’injection intraarticulaire de BCP augmente leur taux sanguin (5). L’administration concomitante de S100-8 et de BCP provoque une production d’IL-1b, bien plus que S100-8 seule, et de façon dose dépendante (Fig. 2). Il semble que S100-8 joue le rôle de premier signal dans l’activation de l’immunité innée, tandis que le BCP tient celui de second signal (Fig. 3). De nombreuses questions restent posées, et de nombreuses études devront encore être menées pour y répondre. La figure 4 résume l’action probable des BCP dans la survenue des lésions du cartilage dans l’arthrose, dans l’état actuel de nos connaissances. L’oratrice a pour finir souligné les points majeurs à surmonter pour faire avancer notre prise en charge effective de la maladie arthrosique : l’organisation de projets de recherche plus collaboratifs entre les équipes, la mise au point d’un test de mesure des BCP dans le liquide articulaire et la prise en compte de l’hétérogénéité des arthroses pour la mise en place de stratégies thérapeutiques adaptées… n
Cristaux de BCP SIGNAL 1
SYK S100 A8
SIGNAL 2
PI3K
Pro-IL-1β, Pro-IL-18
S100 A8 TLR4
mIL-1β/18
Pro-IL-1β, Pro-IL-18
Figure 3 - Rôle de S100-8 et des BCP dans l’activation de la production d’interleukines pro-inflammatoires.
Os
Hypertrophie des cellules synoviales bordantes
Cartilage dégénératif PG
MMP CYTOKINES
BCP CCPD chondrocyte synoviocyte fibroblast-like (FLS)
Mots-clés : Arthrose, Cartilage, BCP
Activation de la caspase 1
Figure 4 - Mécanisme d’action probable des BCP dans l’apparition des lésions du cartilage.
Bibliographie 1. Sohn DH, Sokolove J, Sharpe O et al. Plasma proteins present in osteoarthritic synovial fluid can stimulate cytokine production via Toll-like receptor 4. Arthritis Research & Therapy 2012, 14 : R7. 2. Fuerst M et al. 3. Ea HK, Chobaz V, Nguyen C et al. Pathogenic role of basic calcium phosphate crystals in destructive arthropathies. PLoS One 2013 ; 8(2) : e57352, Epub 2013 Feb 28.
298
4. Schelbergen RFP, Blom AB, van den Bosch MHJ et al. Alarmins S100A8 and S100A9 elicit a catabolic effect in human osteoarthritic chondrocytes that is dependent on Toll-like receptor 4. Arthritis & Rheumatism 2012 ; 64 : 1477-1487. 5. Pazár B, Ea HK, Narayan S et al. Basic calcium phosphate crystals induce monocyte/macrophage IL-1b secretion through the NLRP3 inflammasome in vitro. J Immunol 2011 ; 186(4) : 2495-502.
Rhumatos • Décembre 2013 • vol. 10 • numéro 93
lUPUS
Actualités sur le lupus néonatal Et ses complications pour l’enfant n à la différence des précédentes années, c’est toute une session qui a attiré notre attention. Celleci portait sur la grossesse au cours du lupus, les risques pour l’enfant et les outils thérapeutiques.
U
ne des particularités du lupus, outre son importante hétérogénéité clinique, est qu’il affecte préférentiellement des jeunes femmes, en âge de procréer et souvent… avec un désir de procréer. Le clinicien doit donc être capable d’organiser une éventuelle future grossesse, de la suivre et d’optimiser la prise en charge multidisciplinaire. Nous avions déjà évoqué cette problématique au cours du compte rendu de l’ACR 2011 dans Rhumatos (Quel pronostic pour les grossesses lupiques, décembre 2011, n° 73). Le sujet est, cette fois-ci, différent.
Commençons par des données françaises ! Un lupus néonatal peut être observé chez les enfants de mère présentant des anticorps anti-Ro/SSA et/ou La/SSB. La manifestation la plus fréquente est principalement cutanée. Mais des symptômes plus graves peuvent aussi être observés, tels qu’une anémie hémolytique, une thrombopénie, une hépatosplé-
*Service de rhumatologie, CHU de Bordeaux Maître de conférence universitaire à l’université Bordeaux Segalen, enseignant-chercheur unité UMR CNRS 5164
Rhumatos • Décembre 2013 • vol. 10 • numéro 93
Dr Christophe Richez*
nomégalie et, rarement, un bloc de conduction congénital (1). Le travail de l’équipe du Pr Nathalie Costedoat-Chalumeau portait sur cette dernière complication. L’objectif de cette étude multicentrique (2) était d’évaluer le risque de développer une authentique maladie auto-immune chez les mères d’enfants porteurs d’un bloc de conduction (2e ou 3e degré). Cent quatre-vingt-quatorze mères et un total de 215 fœtus ou enfants porteurs d’un bloc, ont été inclus : 92,1 % des enfants
avaient un bloc complet et 89,3 % avaient été diagnostiqués in utero (approximativement à la 22e semaine de gestation [16-39]). L’âge moyen des mères au moment du diagnostic de bloc chez leur enfant était de 30,1 ans, et 99,5 % d’entre elles étaient anti-SSA+ (58,8 % anti-SSB+). Sur 194 femmes, 145 (75 %) étaient asymptomatiques au moment du diagnostic de bloc de conduction. Les diagnostics des autres femmes sont résumés dans le tableau 1. La plupart de ces femmes ne pré-
Tableau 1 - Diagnostics des femmes ayant eu un enfant avec un bloc de conduction congénital (n = 194). Au moment de la découverte du bloc n (%)
Après 8,9 ans de suivi n (%)
Asymptomatique
145 (74,7 %)
81 (41,8 %)
Lupus érythémateux systémique (dont deux avec un syndrome des anti-phospholipides)
22 (11,3 %)
39 (20,1 %)
Syndrome de Sjögren
12 (6,2 %)
46 (23,7 %)
Connectivites indifférenciées
10 (5,2 %)
15 (7,7 %)
Polyarthrite rhumatoïde
2 (1 %)
4
Hépatite auto-immune
1 (0,5 %)
1 (0,5 %)
Purpura thrombopénique immunologique
1 (0,5 %)
1 (0,5 %)
Sclérodermie systémique
1 (0,5 %)
1 (0,5 %)
299
ce qu’il faut retenir de l’ACR 2013
sentaient que des symptômes cutanéo-articulaires, avec toutefois huit patientes atteintes de manifestations viscérales ou hématologiques. Après un suivi médian de 8,9 années [1 jour – 53,8 ans], 81 % des 194 patientes restaient asymptomatiques. Le reste des résultats est détaillé dans le tableau 1, auxquels on ajoutera deux patientes associant un lupus, et un syndrome de Sjögren et un syndrome primaire des anti-phospholipides. Il n’est donc pas rare que ces femmes finissent par développer une authentique maladie autoimmune, même si elles étaient asymptomatiques lors de la découverte d’un bloc de conduction chez leur enfant. Une autre lecture de ces résultats pourrait être que 25 % des femmes avaient une maladie exposant au risque de lupus néonatal et que les cliniciens n’ont pas pu éviter le développement de cette complication. Quels sont les outils à la disposition du clinicien ? Un rôle protecteur de l’Hydroxychloroquine (HCQ) a déjà été évoqué dans les manifestations cardiaques (3). Ce traitement est-il tout aussi efficace pour prévenir le risque de récurrence ? Qu’en est-il dans les manifestations non cardiaques ?
Prévention d’un nouveau bloc de conduction néonatal par l’introduction d’un traitement par hydroxychloroquine
L’étude PATCH (4), pour Preventive Approach to Congenital Heart Block with HCQ, a tenté de répondre à la première question. Il s’agit d’une étude en ouvert sur 19 femmes enceintes, en 300
moyenne de 35 ans, avec des anticorps anti-SSA et un antécédent de bloc de conduction lors d’une précédente grossesse. On notera que cette complication a été responsable de huit décès lors des précédentes grossesses. Parmi ces femmes, huit d’entre elles étaient asymptomatiques, quatre souffraient d’un syndrome de Sjögren, une de lupus et six de connectivites mixtes lupus/Sjögren. Une seule grossesse se compliquait de nouveau d’un bloc de conduction, du 2e degré à la 20e semaine de gestation, puis du 3e degré deux jours plus tard, irréversible malgré 4 mg de dexaméthasone. Cette complication nécessitait la pose d’un pacemaker 4,5 mois après la naissance de l’enfant. Une autre grossesse se compliquait d’un bloc du 1er degré, mais avec cette fois-ci une efficacité de 4 mg de dexaméthasone pendant trois jours. On peut donc retenir un taux de récurrence de 5,3 % suggérant l’efficacité de l’HCQ dans la prévention de ce risque. En outre, l’instauration d’un traitement par HCQ au cours de la grossesse (avant la 10e semaine de gestation) permettait l’obtention de taux sériques convenables de cette molécule lors de la période de vulnérabilité cardiaque. Toutefois, la grossesse compliquée d’un bloc provenait d’une mère ayant débuté l’HCQ pour la grossesse.
Prévention de l’apparition d’un lupus néonatal par l’introduction d’un traitement par hydroxychloroquine Cette étude rétrospective (5) s’intéressait à une population de patientes atteintes d’une connectivite, anti-SSA ± SSB positive, suivies par échocardiographie fœtale durant leur grossesse, dont le traitement était renseigné et dont l’enfant avait plus de six mois à la fin de l’étude. 257 grossesses ont été retenues pour l’analyse dont 101 compliquées d’un lupus néonatal, 115 sans complication néonatale et 41 dont la seule certitude est qu’elles ne s’étaient pas compliquées d’un bloc de conduction. Parmi ces 101 lupus néonataux, 27 (44 %) survenaient chez des mères exposées à l’HCQ et 74 (48 %) chez des mères non exposées. Douze blocs de conduction étaient comptabilisés dont six du 3e degré et trois du 3e degré associés à une fibroélastose endomyocardique. Quatre-vingtquatorze lupus néonataux sans complication cardiaque étaient identifiés dont la répartition est détaillée dans le tableau 2. L’absence d’association entre l’exposition à l’HCQ et le risque de développer un lupus néonatal
Tableau 2 - Répartition des atteintes présentées au cours du lupus néonatal non cardiologique. Hématologique :
46
- Neutropénie
42
- Thrombopénie
4
Cytolyse hépatique
37
Atteinte cutanée
33
Hydrocéphalie obstructive extraventriculaire
4
Rhumatos • Décembre 2013 • vol. 10 • numéro 93
lUPUS
a amené les auteurs à chercher d’autres facteurs influençant la survenue de ce type de complications. Ils n’ont retrouvé des résultats statistiquement significatifs en analyse multivariée qu’avec la présence d’anti-SSB à un titre ≥ 50 U/ml.
Conclusion Ces différentes études confirment l’intérêt de la poursuite de l’hydroxychloroquine au cours de la grossesse. L’apparition possible d’un lupus néonatal, notamment chez les enfants de patientes lupiques, nécessite une surveillance
étroite, mais aussi l’organisation d’une prise en charge multidisciplinaire comprenant des obstétriciens et des pédiatres. n
Mots-clés : Lupus néonatal, Grossesse, Bloc de conduction, Hydroxychloroquine
LES POINTS ESSENTIELS • Il n’est pas rare que les femmes accouchant d’enfants atteints d’un bloc de conduction soient asymptomatiques. • L’efficacité de l’hydroxychloroquine dans la prévention du lupus néonatal et sa bonne tolérance au cours de la grossesse imposent sa prescription en l’absence de contre-indication. • La multitude des complications potentiellement rencontrées au cours des grossesses lupiques nécessite une prise en charge multidisciplinaire, par une équipe entraînée.
Bibliographie 1. Buyon JP, Clancy RM, Friedman DM. Cardiac manifestations of neonatal lupus erythematosus: guidelines to management, integrating clues from the bench and bedside. Nat Clin Pract Rheumatol 2009 ; 5(3) : 139-48. Epub 2009/03/03. 2. Levesque K et al. Maternal data analysis of the french registry of 205 cases of immune congenital heart block (neonatal lupus). ACR 2013, Abstract 2834. 3. Izmirly PM, Costedoat-Chalumeau N, Pisoni CN et al. Maternal use of hy-
droxychloroquine is associated with a reduced risk of recurrent anti-SSA/ Ro-antibody-associated cardiac manifestations of neonatal lupus. Circulation 2012 ; 126(1) : 76-82. Epub 2012/05/26. 4. Izmirly P et al. First stage of a Simon’s two-stage optimal approach supports placental transfer of hydroxychloroquine and a reduced recurrence rate of the cardiac manifestations of neonatal lupus. ACR 2013, Abstract 2830. 5. Barsalou J et al. The effect of maternal antimalarial intake during pregnancy on the risk of neonatal lupus. ACR 2013, Abstract 2832.
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ce qu’il faut retenir de l’ACR 2013
Rhumatisme psoriasique Actualités thérapeutiques n L’Agence européenne du médicament vient d’approuver l’utilisation de l’ustekinumab dans le traitement du rhumatisme psoriasique avec réponse inadéquate ou intolérance au méthotrexate. Les résultats radiographiques des deux études ayant abouti à cette nouvelle indication de l’ustekinumab (PSUMMIT 1 & 2) ont été présentés lors de la deuxième session plénière de l’ACR.
contexte L’axe IL-23/IL-17 joue un rôle central dans la régulation de la réponse inflammatoire via la production de cytokines pro-inflammatoires et de chémokines par les cellules endothéliales, les fibroblastes et les cellules macrophagiques ; dans la dégradation du cartilage articulaire via la production de métalloprotéinases par les macrophages et de monoxyde d’azote par les chondrocytes ; ainsi que dans la genèse des érosions osseuses via l’expression de RANKL par les ostéoblastes. L’ustekinumab (Stelara®) est un anticorps monoclonal IgGK1, inhibiteur des interleukines IL12 et IL-23, administré en injection sous-cutanée, actuellement indiqué en Europe pour le traitement du psoriasis en plaques modéré à sévère, chez l’adulte qui n’a pas répondu, qui a une contre-indication ou une intolérance aux autres traitements systémiques, dont la ciclosporine, le méthotrexate ou la puvathérapie. Au mois de septembre 2013,
*Centre de rhumatologie, hôpital Purpan, Toulouse
302
Pr Arnaud Constantin*
l’Agence européenne du médicament (EMA) a approuvé l’utilisation de l’ustekinumab, seul ou combiné au méthotrexate, pour le traitement du rhumatisme psoriasique actif, chez l’adulte ayant préalablement répondu de façon inadéquate à un traitement de fond non biologique. Cette décision de l’EMA repose notamment sur l’analyse des données issues de deux études de phase III ayant évalué l’efficacité et la tolérance de l’ustekinumab chez des patients atteints d’un rhumatisme psoriasique (PSUMMIT 1 & 2).
L’action inhibitrice de l’ustekinumab sur la progression radiographique chez les patients atteints d’un rhumatisme psoriasique actif Dans le cadre de la deuxième session plénière de l’ACR 2013, Iain McInnes a présenté les résultats radiographiques à six mois et à un an des études PSUMMIT 1 & 2 (1). Il s’agit d’études multicentriques, randomisées, en double insu, contrôlées contre placebo,
comparant l’efficacité clinique (critère principal : ACR20 à six mois), radiographique et fonctionnelle de l’ustekinumab, administré par voie sous-cutanée, à la posologie de 45 mg ou 90 mg à l’inclusion, à la 4e semaine, puis toutes les 12 semaines, chez 927 patients (615 inclus dans PSUMMIT 1, 312 inclus dans PSUMMIT 2) atteints d’un rhumatisme psoriasique actif (≥ 5/68 articulations douloureuses, ≥ 5/66 articulations gonflées, CRP ≥ 3 mg/l), malgré un traitement de fond non biologique et/ou un traitement symptomatique par Anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) (48,1 % des patients traités par méthotrexate à l’inclusion dans PSUMMIT 1) et/ou anti-TNF (57,7 % des patients inclus dans PSUMMIT 2 préalablement traités par anti-TNF). Dans ces études, l’analyse du critère principal (ACR20 à six mois) permettait de conclure à la supériorité de l’ustekinumab à la posologie de 45 mg ou de 90 mg comparativement au placebo, avec respectivement 42,4 % et 49,5 % de répondeurs ACR20 contre 22,8 % dans l’étude PSUMMIT 1 et 43,7 % Rhumatos • Décembre 2013 • vol. 10 • numéro 93
Rhumatos • Décembre 2013 • vol. 10 • numéro 93
50 40 30 20 10 0 -10
Intervalle interquartile Moyenne
2
Médiane
0,97
1
0,40 0
0,00
0,40
0,00
0,00
0,00
p = 0,017
p<0,001
p<0,001
-1
-2
Placebo 45 90 Combiné mg mg
0,39
0211
Etendue Médiane
Changement du score radiographique total depuis l’inclusion
60
Placebo (n = 310)
45mg (n = 308)
90mg Combiné (n = 309) (n = 617)
Figure 1 - Progression du score radiographique total (Sharp modifié par van der Heijde) à six mois sous ustekinumab 45 mg ou 90 mg et sous placebo (analyse combinée PSUMMIT 1 et 2). 15
Changement du score radiographique total depuis l’inclusion
et 43,8 % de répondeurs ACR20 contre 20,2 % dans l’étude PSUMMIT 2. L’analyse des données structurales faisait l’objet d’un plan d’analyse préétabli, qui prévoyait la comparaison de la progression du score de Sharp modifié par van der Heijde, entre les groupes ustekinumab 45 et 90 mg et le groupe placebo, en combinant les données issues des études PSUMMIT 1 et 2, afin d’avoir un effectif total de plus de 900 patients, permettant de disposer d’une puissance suffisante pour l’analyse des données radiographiques. à l’inclusion, les patients de l’étude PSUMMIT 1 avaient un score radiographique total moyen (écart-type) de 29,5 (51,4) et un score médian de 11, sans différence entre les groupes ustekinumab 45 et 90 mg et le groupe placebo. De même, les patients de l’étude PSUMMIT 2 avaient un score radiographique total moyen (écart-type) de 27,4 (46,5) et un score médian de 9,5, sans différence entre les groupes ustekinumab 45 et 90 mg et le groupe placebo. à six mois, l’analyse combinant les données issues des études PSUMMIT 1 et 2 montrait une moyenne de progression du score radiographique total statistiquement moins importante dans les groupes ustekinumab 45 et 90 mg comparativement au groupe placebo (+0,40 vs +0,97, p < 0,001). La moyenne de la progression du score radiographique total était comparable dans les groupes ustekinumab 45 ou 90 mg (+0,40 ou +0,39) (Fig. 1). L’analyse des courbes de probabilité cumulée objectivait un décrochage des courbes des pa-
Changement du score radiographique total depuis l’inclusion
Rhumatisme Psoriasique
10
5
Plus petite différence détectable = 2,01
0
-5
-10
-15 0
10
20
30
40
50
60
70
80
90
100
Courbes de probabilité cumulée
Figure 2 - Probabilité cumulée de progression du score radiographique total (Sharp modifié par van der Heijde) à six mois sous ustekinumab 45 ou9090 Placebo Ustekinumab 45 mg Ustekinumab mg mg et sous placebo (analyse combinée PSUMMIT 1 et 2).
Figure 3 - Progression du score radiographique total (Sharp modifié par van der Heijde) à un an sous ustekinumab 45 ou 90 mg et sous placebo puis sous ustekinumab 45 mg (analyse combinée PSUMMIT 1 et 2).
303
ce qu’il faut retenir de l’ACR 2013
tients des groupes ustekinumab avec la courbe des patients du groupe placebo pour les variations du score radiographique se situant au-dessus de la plus petite différence détectable (SDC) (Fig. 2). A six mois, l’analyse restreinte aux données issues de l’étude PSUMMIT 1 montrait, elle aussi, une moyenne de progression du score radiographique total statistiquement moins importante dans les groupes ustekinumab 45 et 90 mg comparativement au groupe placebo (+1,20 vs +0,23, p < 0,001), alors que l’analyse restreinte aux données issues de l’étude PSUMMIT 2 ne montrait aucune différence de moyenne de progression du score radiographique total entre les groupes ustekinumab 45 et 90 mg et le groupe placebo (+0,73 vs +0,51, p = 0,755). Pour Iain McInnes, l’absence de différence entre les groupes ustekinumab 45 et 90 mg et le groupe placebo dans l’étude PSUMMIT 2 pourrait en partie être imputable à une proportion élevée de sorties d’étude dans le groupe placebo, ayant justifié l’imputation de nonprogression radiographique chez deux fois plus de patients du groupe placebo que de patients des groupes ustekinumab. à un an, l’analyse combinant
les données issues des études PSUMMIT 1 et 2 montrait une moyenne de progression du score radiographique total de +0,62 dans les groupes initialement traités par ustekinumab 45 et 90 mg contre +1,15 dans le groupe initialement traité par placebo puis par ustekinumab 45 mg à partir du 6e mois. La moyenne de la progression du score radiographique total était comparable dans les groupes initialement traités par ustekinumab 45 ou 90 mg (+0,58 ou +0,65) (Fig. 3).
Le message à retenir de ces études Au vu des résultats de l’analyse combinant les données issues des études PSUMMIT 1 et 2, ou de l’analyse restreinte aux données issues de l’étude PSUMMIT 1, l’ustekinumab inhibe la progression des lésions radiographiques chez les patients atteints d’un rhumatisme psoriasique actif. L’inhibition de l’axe IL-17/IL-23, via la neutralisation de l’IL-23 par l’ustekinumab, constitue au même titre que le blocage du TNF, une voie non seulement efficace pour contrôler l’activité de la maladie articulaire et l’impotence fonctionnelle qui
en découle, mais aussi pour ralentir la progression des lésions structurales périphériques du rhumatisme psoriasique. L’approbation par l’EMA de l’utilisation de l’ustekinumab, seul ou combiné au méthotrexate, pour le traitement du rhumatisme psoriasique actif, chez l’adulte ayant préalablement répondu de façon inadéquate à un traitement de fond non biologique, devrait nous permettre dans les mois à venir de disposer d’une alternative aux anti-TNF en termes de contrôle des signes cliniques, fonctionnels et radiographiques de l’atteinte articulaire périphérique, avec un agent biologique ayant lui aussi fait la preuve de son efficacité dans le traitement du psoriasis n cutané.
Mots-clés : Ustekinumab, Méthotrexate, Rhumatisme psoriasique
BIbliographie 1. McInnes IB, Ritchlin C, Rahman P et al. Ustekinumab is effective in inhibiting radiographic progression in patients with active psoriatic arthritis: integrated data analysis of two phase 3, randomized, placebo-controlled studies. Arthritis Rheum 2013 ; 65(Supplement) : S718. ACR 2013, Abstract 1695.
Toute l’équipe de Rhumatos vous souhaite de bonnes fêtes de fin d’année !
304
Rhumatos • Décembre 2013 • vol. 10 • numéro 93
rhumatismes inflammatoires pédiatriques
Rhumatismes inflammatoires pédiatriques Quel avenir à l’âge adulte pour ces patients ? n Trois études présentées à l’ACR ont documenté le profil des adultes atteints de rhumatismes pédiatriques, en terme de devenir de leur maladie, de risque cardio-vasculaire et de situation professionnelle. Une dernière étude concernant de jeunes adultes atteints de lupus illustre l’impact positif mais aussi les difficultés du processus de transition des soins de la pédiatrie vers la médecine adulte.
L
e devenir à long terme des patients atteints de rhumatismes pédiatriques est encore mal connu. Une méta-analyse assez ancienne (1) pratiquée en grande partie sur des patients atteints d’arthrite juvénile (AJI) ayant relativement peu bénéficié des biothérapies, montrait environ 50 % de patients ayant toujours une maladie active à l’âge adulte dont la moitié souffrant de handicaps importants (1). De plus, une étude récente de L. Elhai (2) montrait des atteintes structurelles périphériques aussi importantes dans un groupe de jeunes adultes avec AJI que dans un autre avec polyarthrite rhumatoïde, et davantage de patients avec AJI étaient porteurs de prothèse de hanche (2). Focus sur les études présentées à l’ACR sur le devenir de ces patients.
Le pronostic global de l’AJI à l’âge adulte reste mitigé (3) Cent soixante et onze patients *Rhumatologie pédiatrique - Centre de référence des maladies auto-inflammatoires (CEREMAI), Hôpital de Bicêtre, Le Kremlin-Bicêtre
Rhumatos • Décembre 2013 • vol. 10 • numéro 93
Pr Isabelle Koné-Paut* atteints d’arthrite juvénile idiopathique ont été inclus dans une étude rétrospective, menée à une médiane de 30 ans (étendue 21-40) de durée d’évolution de la maladie et à un âge médian de 39 ans (28-45), 74 % étaient des femmes. Après 30 ans, 101 patients (59 %) étaient en rémission clinique sans traitement, 12 (7 %) étaient en rémission sous traitement et 58 (34 %) avaient une maladie toujours active. Quatre-vingt-quatre des 97 patients (87 %) en rémission sans traitement à 15 ans étaient toujours en rémission à 30 ans de suivi. Les facteurs prédictifs d’une maladie toujours active à 30 ans d’évolution étaient : • d’avoir une maladie autre qu’une AJI oligoarticulaire persistante ou une systémique (OR 4,1 [1,5-11,5]) ; • de porter l’antigène HLA DR1 (OR 8,3 [2,3-30,3]) ; • d’avoir eu une durée de rémission courte (OR 9,0 [3,0-26,7]) ; • de ne pas être en rémission à 15 ans de suivi (OR 13,7 [4,938,4], R² = 65 %). Après 30 ans, un tiers des patients avec AJI ont toujours des
symptômes inacceptables et un tiers ne sont toujours pas en rémission avec ou sans médicament. L’évaluation de l’activité de l’AJI par les médecins s’améliore dans le temps, tout comme les marqueurs inflammatoires, mais la perception par les patients de leur état de santé global et de leur handicap ne change pas.
Les adultes atteints d’AJI ont-ils un risque cardio-vasculaire supérieur à celui de la population générale ? (4) Cinquante et un patients atteints d’AJI (âge moyen 35,6 ans ; SD : 13,23) ont été comparés à 26 contrôles (âge moyen 37,3 ans ; SD : 13,14). La durée médiane de la maladie était de 24 ans (3-57). Ils étaient atteints de différents types d’AJI (représentés dans le tableau 1). Quarante-cinq pourcent d’entre eux (23/51) recevaient des biothérapies, 13 une monothérapie et 10 en association avec un traitement de fond ; les 33 % restants (17/51) recevaient 305
ce qu’il faut retenir de l’ACR 2013
Tableau 1 - Risques cardio-vasculaires des adultes avec AJI comparés à une population de témoins (d’après 4). Patient n = 51 n (%)
Contrôles n = 26 n (%)
Valeur p
12 (23,5)
1 (3,9)
0,029
4 (7,8)
1 (3,9)
0,501
Hypertension Hypercholestérolémie Diabète
2 (3,9)
1 (3,9)
0,987
Antécédents familiaux cardiovasculaires
6 (11,8)
3 (11,5)
0,771
Tabagisme
Oui
12 (23,5)
Oui
3 (11,5)
Jamais
39 (76,5)
Jamais
23 (88,5)
0,305
Moyenne (DS)
Moyenne (DS)
CRP (mg/l)
9,0 (9,02)
5,6 (1,97)
0,006
VS (mm/h)
12,6 (12,75)
6,4 (7,70)
0,106
IMC (kg/m )
25,0 (6,5)
24,9 (4,3)
0,483
Glycémie (mmol/l)
4,9 (1,87)
4,9 (1,00)
0,417
Cholestérolémie (mmol/l)
4,6 (0,97)
4,8 (1,00)
0,417
Triglycéridémie (mmol/l)
1,04 (0,51)
1,01 (0,61)
0,374
2
HDL (mmol/l)
1,5 (0,49)
1,7 (0,45)
0,109
LDL (mmol/l)
2,5 (1,04)
2,6 (1,06)
0,954
CCA IMT* (mm)
0,54 (0,10)
0,49 (0,08)
0,037
Polyarticulaires n = 27
0,56 (0,11)
0,48 (0,08)
0,010
Psoriasiques n = 4
0,48 (0,07)
0,46 (0,02)
0,289
Systémiques n = 3
0,68 (0,05)
0,51 (0,07)
0,050
Oligoarticulaires étendues n = 12
0,51 (0,65)
0,46 (0,42)
0,054
Spondyloarthropathies n = 5
0,46 (0,06)
0,47 (0,09)
0,806
* Epaisseur de la carotide (intima/media)
au moins un traitement de fond. L’hypertension artérielle était significativement plus fréquente dans le groupe des patients avec AJI ; ce groupe avait aussi une CRP plus élevée et une carotide plus épaissie, de manière significative chez les patients atteints de formes polyarticulaires et chez ceux sous traitement de fond ne comprenant pas de biothérapies.
Quelle est la situation professionnelle des adultes atteints d’AJI ? (5) Pour répondre à cette délicate question, 43 adultes atteints 306
d’AJI ont été évalués en terme d’emploi, de niveau d’études atteint, de comorbidités et de qualité de vie. L’âge moyen des patients était de 29 ± 7,4 ans (19-41) avec une durée moyenne d’évolution de l’AJI de 17,2 ± 12,3 ans (3-33) ; 63 % étaient des hommes et 37 % des femmes. Les soustypes d’AJI étaient : • polyarticulaires : 64 % (9/27 = FR+) ; • oligoarticulaires : 11 % ; • systémiques : 9 % ; • spondyloarthopathies : 9 % ; • oligoarticulaires étendues : 2 % ; • psoriasiques : 2 %. Vingt et un pourcent avaient un FR+ et 7 % une uvéite. Au
moment de l’étude, 72 % des patients (n = 31) avaient un emploi tandis que 28 % (n = 12) ne travaillaient pas. Dans ce dernier groupe, 83 % (n = 10) avaient dû quitter leur emploi en raison d’un handicap trop important. La comparaison des patients avec emploi (31) avec ceux sans emploi (12) montrait de nombreuses similarités en termes d’âge (25,3 vs 29,5 ans, p = 0,09), de sexe-ratio, de type d’AJI, de niveau d’études (plutôt bon avec > 12 ans d’études primaires plus secondaires) (31 vs 9, p = 0,38), de classe fonctionnelle ACR (p = 0,96), d’activité physique régulière (9 vs 0, p = 0,89) et de célibat (26 vs 8, p = 0,15). Les deux groupes avaient également un HAQ (0,62 vs 0,59, p = 0,47) un DAS 28 (2,51 vs 2,07, p = 0,64) comparables avec une même fréquence d’arthroplasties (8 vs 4, p = 0,42). Les fréquences en termes d’hypertension (3 vs 1, p = 0,99), de dyslipidémies (1 vs 1, p = 0,12), de diabète (1 vs 0, p = 0,99), de dépression (1 vs 0, p = 0,99) et de fumeurs (3 vs 1, p = 0,99) étaient aussi comparables. Sur le plan de la qualité de vie, la composante de santé mentale du SF36 était meilleure chez les patients ayant un emploi (84,0 vs 70,42, p = 0,01)
Lupus pédiatrique à l’âge adulte, bénéfices et difficultés de la transition (6) Quarante et un jeunes adultes avec un lupus systémique ont accepté de répondre à un questionnaire de santé en moyenne cinq ans après leur transition de la pédiatrie à la médecine d’adulte. Deux autres sur une cohorte initiale de 150 patients Rhumatos • Décembre 2013 • vol. 10 • numéro 93
rhumatismes inflammatoires pédiatriques
étaient décédés. L’âge moyen au moment de l’interview était de 24 ans (18-34), la durée moyenne du lupus de 11,2 ans (6-21 ans). Quatre-vingt-dix pourcent étaient des femmes. Les patients adressés au médecin adulte par leur pédiatre rhumatologue avaient significativement moins de nécessité d’hospitalisation (8/18 ; 44 %), en comparaison de ceux ayant été référés différemment (15/19 ; 56 %) (p = 0,04). 38/41 (93 %) avaient un suivi médical régulier, avec dans 85 % des cas, un rhumatologue. 20/41 (49 %) avaient vu un médecin le mois
précédent, 16/41 (39 %) dans les six mois. Trois patients (2 avec une maladie active) n’avaient plus de suivi médical. 22/41 (54 %) des patients avaient eu des problèmes lors de leur transition ; 13/41 (31,7 %) dus à une absence de couverture médicale, 10/41 (24 %) à des difficultés de réajustement relationnel avec leur nouveau médecin (attachement persistant au pédiatre). Ils prenaient en moyenne quatre médicaments par jour avec une adhésion complète de 78 %. 16/41 (39 %) des patients étaient sans emploi et 9/16 (56 %) considéraient que
c’était dû à la maladie (p = 0,01). 9/24 (37,5 %) avec atteinte rénale initiale étaient en attente ou avait reçu une greffe rénale. Trente-six pourcent signalaient soit de nouveaux troubles psychiatriques soit leur persistance, entrainant une perte d’emploi n (10/15 vs 6/26 ; p = 0,009).
Mots-clés : Arthrite juvénile idiopathique, Lupus, Pédiatrie
Bibliographie 1. Ravelli A. Toward an understanding of the long-term outcome of juvenile idiopathic arthritis. Clin Exp Rheumatol 2004 May-Jun ; 22(3) : 271-5. 2. Elhai M, Bazeli R, Freire V et al. Radiological peripheral involvement in a cohort of patients with polyarticular juvenile idiopathic arthritis at adulthood. J Rheumatol 2013 ; 40(4) : 520-7. 3. Selvaag AM et al. Progression into adulthood in patients with juvenile idiopathic arthritis - a longitudinal 30 year follow-up study. ACR 2013, Abstract 2677.
4. Coulson E et al. Cardiovascular risk in adults with juvenile idiopathic arthritis. ACR 2013, Abstract 286. 5. Goldenstein-Schainberg C et al. Worse mental health in employed adult patients with Juvenile Idiopathic Arthritis (JIA): more than just a job. ACR 2013, Abstract 904. 6. Felsenstein S et al. Long-term follow-up of a pediatric lupus cohort: transition of care and health related outcomes. ACR 2013, Abstract 1268.
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307
Rhumatos • Novembre 2013 • vol. 10 • numéro 92
rendez-vous de l’industrie
HÔPITAL
Médicament
Clowns Z’hôpitaux, une association pour "gai-rire"
Antalnox Gé® contre les douleurs inflammatoires en rhumatologie
D
epuis 2004, l’association Clowns Z’hôpitaux mène des actions pour aider les personnes hospitalisées, isolées ou en souffrance, qu’il s’agisse d’enfants ou d’adultes. Par leurs visites, les clowns de l’association allègent les malades des difficultés de l’hospitalisation grâce au rire et à l’écoute. En 2012, 18 000 personnes ont reçu la visite des clowns de l’association. Pour être le plus professionnel possible, les clowns suivent une double formation à l’art clownesque et à l’intervention en institution. Ils interviennent en duo, au pied du lit des patients, dans les institutions partenaires (services de pédiatrie, IME et maisons de retraite). L’association est présente dans une dizaine de villes en France (Perpignan, Strasbourg, Lyon, Banyuls-sur-Mer…). Leurs actions ne sont possibles que grâce aux dons des particuliers et des entreprises. Pour en savoir plus : clown-hopital.com n
Médicament
Du nouveau dans le traitement du rhumatisme psoriasique
L
a Commission européenne a donné son Autorisation de mise sur le marché (AMM) le 23 septembre dernier à Stelara®(développé par le laboratoire Janssen), seul ou en combinaison avec le méthotrexate pour le traitement du rhumatisme psoriasique actif chez les adultes, lorsque la réponse à un précédent traitement de fond antirhumatismal non biologique a été inadéquate. Le rhumatisme psoriasique touche environ 37 millions de personnes dans le monde, dont 4,2 millions en Europe. Stelara® (ustekinumab) devient le premier d’une classe de produits biologiques disponibles pour le traitement de cette maladie. L’ustekinumab est un anticorps monoclonal humain anti-IL-12 et IL-23. La Commission européenne a accordé l’AMM à cette molécule en se basant sur les résultats issus de deux essais pivots multicentriques, randomisés, en double aveugle et contrôlés par placebo, de phase III : PSUMMIT 1 et PSUMMIT 2. Ceux-ci ont évalué l’efficacité et la tolérance de Stelara® 45 mg ou 90 mg, administré par voie sous-cutanée, chez des personnes ayant un rhumatisme psoriasique depuis au moins six mois, qui comptaient au moins cinq articulations douloureuses et cinq articulations gonflées, ainsi que des niveaux de protéine C réactive d’au moins 0,3 mg/dL. Stelara® est déjà approuvé dans l’Union européenne dans le traitement du psoriasis en plaques modéré à sévère chez les adultes n’ayant pas réagi aux autres thérapies systémiques, étant intolérants ou pour qui elles sont contre-indiquées. n
308
A
ntalnox Gé® est une spécialité antalgique générique issue des Laboratoires Pierre Fabre Santé. Cet anti-inflammatoire non stéroïdien contient 550 mg de naproxène sodique. Antalnox Gé® est également antalgique et antipyrétique. Il inhibe de façon non sélective les enzymes Cox, impliquées dans la cascade inflammatoire. Il est indiqué chez l’adulte (de plus de 15 ans) en traitement de longue durée de certains rhumatismes inflammatoires chroniques et certaines arthroses sévères, et en traitement de courte durée (de certaines inflammations du pourtour des articulations, de douleurs aiguës d’arthrose ou liées à l’irritation d’un nerf, de douleurs lombaires aiguës, de douleurs et d’œdèmes liés à un traumatisme ou de douleurs au cours de manifestations inflammatoires en stomatologie). n
eSSAI
Recrutement de patients dans une étude pour le traitement de la PR
N
éovacs, société spécialisée dans la vaccination thérapeutique pour le traitement des maladies auto-immunes et inflammatoires, a annoncé le 9 décembre dernier le début du recrutement de patients pour la phase IIb de l’essai du vaccin thérapeutique TNF-Kinoïde contre la Polyarthrite rhumatoïde (PR). Le vaccin devrait stimuler le système immunitaire des patients pour qu’il génère par lui-même des anticorps contre les cytokines à l’origine de la PR. Les autorisations nécessaires ont été accordées en Belgique, en République tchèque, en Hongrie, en Moldavie, en Géorgie, en Pologne et au Liban. Patrick Durez (Cliniques universitaires Saint-Luc, Bruxelles) est le principal investigateur de l’étude TNF-K-006 du TNK-Kinoïde. Cette étude internationale multicentrique randomisée est menée en double aveugle contre placebo chez 140 patients atteints de PR. Les résultats de la phase IIa étaient très encourageants et avaient démontré la bonne tolérance du TNF-Kinoïde et des signes de son efficacité. Les résultats sont attendus pour le 4e trimestre 2014. n
médicament
Flector Tissugel EP® 1 % en boîte de 10
L
es laboratoires Genévrier ont annoncé le 10 décembre la sortie de Flector Tissugel EP® 1 % (diclofénac épolamine) en boîte de 10 emplâtres médicamenteux, contenant deux étuis refermables de 5 emplâtres chacun. Le prix public conseillé est de 19,90 euros, ce qui permet aux utilisateurs de cet emplâtre de réaliser une économie d’environ 8 euros (le prix public conseillé de la boîte de 5 est de 13,90 euros). Flector Tissugel EP® 1 % est indiqué en traitement symptomatique des poussées douloureuses de l’arthrose du genou ou de douleurs d’origine tendino-ligamentaire. n
Rhumatos • Décembre 2013 • vol. 10 • numéro 93