ce qu’il faut retenir de l’ACR 2013
Rhumatisme psoriasique Actualités thérapeutiques n L’Agence européenne du médicament vient d’approuver l’utilisation de l’ustekinumab dans le traitement du rhumatisme psoriasique avec réponse inadéquate ou intolérance au méthotrexate. Les résultats radiographiques des deux études ayant abouti à cette nouvelle indication de l’ustekinumab (PSUMMIT 1 & 2) ont été présentés lors de la deuxième session plénière de l’ACR.
contexte L’axe IL-23/IL-17 joue un rôle central dans la régulation de la réponse inflammatoire via la production de cytokines pro-inflammatoires et de chémokines par les cellules endothéliales, les fibroblastes et les cellules macrophagiques ; dans la dégradation du cartilage articulaire via la production de métalloprotéinases par les macrophages et de monoxyde d’azote par les chondrocytes ; ainsi que dans la genèse des érosions osseuses via l’expression de RANKL par les ostéoblastes. L’ustekinumab (Stelara®) est un anticorps monoclonal IgGK1, inhibiteur des interleukines IL12 et IL-23, administré en injection sous-cutanée, actuellement indiqué en Europe pour le traitement du psoriasis en plaques modéré à sévère, chez l’adulte qui n’a pas répondu, qui a une contre-indication ou une intolérance aux autres traitements systémiques, dont la ciclosporine, le méthotrexate ou la puvathérapie. Au mois de septembre 2013,
*Centre de rhumatologie, hôpital Purpan, Toulouse
302
Pr Arnaud Constantin*
l’Agence européenne du médicament (EMA) a approuvé l’utilisation de l’ustekinumab, seul ou combiné au méthotrexate, pour le traitement du rhumatisme psoriasique actif, chez l’adulte ayant préalablement répondu de façon inadéquate à un traitement de fond non biologique. Cette décision de l’EMA repose notamment sur l’analyse des données issues de deux études de phase III ayant évalué l’efficacité et la tolérance de l’ustekinumab chez des patients atteints d’un rhumatisme psoriasique (PSUMMIT 1 & 2).
L’action inhibitrice de l’ustekinumab sur la progression radiographique chez les patients atteints d’un rhumatisme psoriasique actif Dans le cadre de la deuxième session plénière de l’ACR 2013, Iain McInnes a présenté les résultats radiographiques à six mois et à un an des études PSUMMIT 1 & 2 (1). Il s’agit d’études multicentriques, randomisées, en double insu, contrôlées contre placebo,
comparant l’efficacité clinique (critère principal : ACR20 à six mois), radiographique et fonctionnelle de l’ustekinumab, administré par voie sous-cutanée, à la posologie de 45 mg ou 90 mg à l’inclusion, à la 4e semaine, puis toutes les 12 semaines, chez 927 patients (615 inclus dans PSUMMIT 1, 312 inclus dans PSUMMIT 2) atteints d’un rhumatisme psoriasique actif (≥ 5/68 articulations douloureuses, ≥ 5/66 articulations gonflées, CRP ≥ 3 mg/l), malgré un traitement de fond non biologique et/ou un traitement symptomatique par Anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) (48,1 % des patients traités par méthotrexate à l’inclusion dans PSUMMIT 1) et/ou anti-TNF (57,7 % des patients inclus dans PSUMMIT 2 préalablement traités par anti-TNF). Dans ces études, l’analyse du critère principal (ACR20 à six mois) permettait de conclure à la supériorité de l’ustekinumab à la posologie de 45 mg ou de 90 mg comparativement au placebo, avec respectivement 42,4 % et 49,5 % de répondeurs ACR20 contre 22,8 % dans l’étude PSUMMIT 1 et 43,7 % Rhumatos • Décembre 2013 • vol. 10 • numéro 93
Rhumatos • Décembre 2013 • vol. 10 • numéro 93
50 40 30 20 10 0 -10
Intervalle interquartile Moyenne
2
Médiane
0,97
1
0,40 0
0,00
0,40
0,00
0,00
0,00
p = 0,017
p<0,001
p<0,001
-1
-2
Placebo 45 90 Combiné mg mg
0,39
0211
Etendue Médiane
Changement du score radiographique total depuis l’inclusion
60
Placebo (n = 310)
45mg (n = 308)
90mg Combiné (n = 309) (n = 617)
Figure 1 - Progression du score radiographique total (Sharp modifié par van der Heijde) à six mois sous ustekinumab 45 mg ou 90 mg et sous placebo (analyse combinée PSUMMIT 1 et 2). 15
Changement du score radiographique total depuis l’inclusion
et 43,8 % de répondeurs ACR20 contre 20,2 % dans l’étude PSUMMIT 2. L’analyse des données structurales faisait l’objet d’un plan d’analyse préétabli, qui prévoyait la comparaison de la progression du score de Sharp modifié par van der Heijde, entre les groupes ustekinumab 45 et 90 mg et le groupe placebo, en combinant les données issues des études PSUMMIT 1 et 2, afin d’avoir un effectif total de plus de 900 patients, permettant de disposer d’une puissance suffisante pour l’analyse des données radiographiques. à l’inclusion, les patients de l’étude PSUMMIT 1 avaient un score radiographique total moyen (écart-type) de 29,5 (51,4) et un score médian de 11, sans différence entre les groupes ustekinumab 45 et 90 mg et le groupe placebo. De même, les patients de l’étude PSUMMIT 2 avaient un score radiographique total moyen (écart-type) de 27,4 (46,5) et un score médian de 9,5, sans différence entre les groupes ustekinumab 45 et 90 mg et le groupe placebo. à six mois, l’analyse combinant les données issues des études PSUMMIT 1 et 2 montrait une moyenne de progression du score radiographique total statistiquement moins importante dans les groupes ustekinumab 45 et 90 mg comparativement au groupe placebo (+0,40 vs +0,97, p < 0,001). La moyenne de la progression du score radiographique total était comparable dans les groupes ustekinumab 45 ou 90 mg (+0,40 ou +0,39) (Fig. 1). L’analyse des courbes de probabilité cumulée objectivait un décrochage des courbes des pa-
Changement du score radiographique total depuis l’inclusion
Rhumatisme Psoriasique
10
5
Plus petite différence détectable = 2,01
0
-5
-10
-15 0
10
20
30
40
50
60
70
80
90
100
Courbes de probabilité cumulée
Figure 2 - Probabilité cumulée de progression du score radiographique total (Sharp modifié par van der Heijde) à six mois sous ustekinumab 45 ou9090 Placebo Ustekinumab 45 mg Ustekinumab mg mg et sous placebo (analyse combinée PSUMMIT 1 et 2).
Figure 3 - Progression du score radiographique total (Sharp modifié par van der Heijde) à un an sous ustekinumab 45 ou 90 mg et sous placebo puis sous ustekinumab 45 mg (analyse combinée PSUMMIT 1 et 2).
303
ce qu’il faut retenir de l’ACR 2013
tients des groupes ustekinumab avec la courbe des patients du groupe placebo pour les variations du score radiographique se situant au-dessus de la plus petite différence détectable (SDC) (Fig. 2). A six mois, l’analyse restreinte aux données issues de l’étude PSUMMIT 1 montrait, elle aussi, une moyenne de progression du score radiographique total statistiquement moins importante dans les groupes ustekinumab 45 et 90 mg comparativement au groupe placebo (+1,20 vs +0,23, p < 0,001), alors que l’analyse restreinte aux données issues de l’étude PSUMMIT 2 ne montrait aucune différence de moyenne de progression du score radiographique total entre les groupes ustekinumab 45 et 90 mg et le groupe placebo (+0,73 vs +0,51, p = 0,755). Pour Iain McInnes, l’absence de différence entre les groupes ustekinumab 45 et 90 mg et le groupe placebo dans l’étude PSUMMIT 2 pourrait en partie être imputable à une proportion élevée de sorties d’étude dans le groupe placebo, ayant justifié l’imputation de nonprogression radiographique chez deux fois plus de patients du groupe placebo que de patients des groupes ustekinumab. à un an, l’analyse combinant
les données issues des études PSUMMIT 1 et 2 montrait une moyenne de progression du score radiographique total de +0,62 dans les groupes initialement traités par ustekinumab 45 et 90 mg contre +1,15 dans le groupe initialement traité par placebo puis par ustekinumab 45 mg à partir du 6e mois. La moyenne de la progression du score radiographique total était comparable dans les groupes initialement traités par ustekinumab 45 ou 90 mg (+0,58 ou +0,65) (Fig. 3).
Le message à retenir de ces études Au vu des résultats de l’analyse combinant les données issues des études PSUMMIT 1 et 2, ou de l’analyse restreinte aux données issues de l’étude PSUMMIT 1, l’ustekinumab inhibe la progression des lésions radiographiques chez les patients atteints d’un rhumatisme psoriasique actif. L’inhibition de l’axe IL-17/IL-23, via la neutralisation de l’IL-23 par l’ustekinumab, constitue au même titre que le blocage du TNF, une voie non seulement efficace pour contrôler l’activité de la maladie articulaire et l’impotence fonctionnelle qui
en découle, mais aussi pour ralentir la progression des lésions structurales périphériques du rhumatisme psoriasique. L’approbation par l’EMA de l’utilisation de l’ustekinumab, seul ou combiné au méthotrexate, pour le traitement du rhumatisme psoriasique actif, chez l’adulte ayant préalablement répondu de façon inadéquate à un traitement de fond non biologique, devrait nous permettre dans les mois à venir de disposer d’une alternative aux anti-TNF en termes de contrôle des signes cliniques, fonctionnels et radiographiques de l’atteinte articulaire périphérique, avec un agent biologique ayant lui aussi fait la preuve de son efficacité dans le traitement du psoriasis n cutané.
Mots-clés : Ustekinumab, Méthotrexate, Rhumatisme psoriasique
BIbliographie 1. McInnes IB, Ritchlin C, Rahman P et al. Ustekinumab is effective in inhibiting radiographic progression in patients with active psoriatic arthritis: integrated data analysis of two phase 3, randomized, placebo-controlled studies. Arthritis Rheum 2013 ; 65(Supplement) : S718. ACR 2013, Abstract 1695.
Toute l’équipe de Rhumatos vous souhaite de bonnes fêtes de fin d’année !
304
Rhumatos • Décembre 2013 • vol. 10 • numéro 93