la Pratique quotidienne en RHUMATOLOGie
Mars 2014 • Volume 11• n° 96 • 9 E
LES NOUVELLES MYOPATHIES INFLAMMATOIRES Que reste-t-il de la polymyosite ? Dr Alain Meyer, Dr Joëlle Goetz, Pr Jacques-Éric Gottenberg et Pr Jean Sibilia
Activités physique et sportive après prothèses totales de hanche et de genou Le point de vue du rhumatologue
Nouvelles recommandations pour l’ostéoporose cortisonique L’interview du Dr Karine Briot
Dr Frank Simon
Dr Michel Bodin
Hyperparathyroïdie et ostéoporose Quand y penser ?
OCMR : un SAPHO pédiatrique ? Des points communs
Cryoglobulinémies Tout pour optimiser la prise en charge
Dr Catherine Cormier
Dr Julien Wipff
Dr Estibaliz Lazaro
La 1re revue française en Rhumatologie
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Développement Professionnel Continu
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sommaire
la Pratique quotidienne en RHUMATOLOGie
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Mars 2014 • Vol. 11 • N° 96
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n Avis d’expert
Nouvelles recommandations pour l’ostéoporose cortisonique L’interview du Dr Karine Briot ������������������������������������������������������������������������ p. 62 Dr Michel Bodin (Griselles)
n COMPRENDRE
OCMR : un SAPHO pédiatrique ? Des points communs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 66 Dr Julien Wipff (Paris)
n À SAVOIR
Hyperparathyroïdie et ostéoporose Quand y penser ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 73 Dr Catherine Cormier (Paris)
n Dossier . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
p. 75
LES NOUVELLES MYOPATHIES INFLAMMATOIRES Que reste-t-il de la polymyosite ? Rédigé par Dr Alain Meyer, Dr Joëlle Goetz, Pr Jacques-Éric Gottenberg et Pr Jean Sibilia (Strasbourg)
n SUIVI CHIRURGICAL
Activités physique et sportive après prothèses totales de hanche et de genou Le point de vue du rhumatologue . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 82 Dr Frank Simon (Paris)
n LE COIN DES JEUNES RHUMATOLOGUES Cryoglobulinémies
Tout pour optimiser la prise en charge . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 87
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Dr Estibaliz Lazaro, Dr Carine Greib, Dr Cécile Contin-Bordes, Pr Marie-Sylvie Doutre, Pr Jean-Luc Pellegrin, Pr Jean-François Viallard (Bordeaux)
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n Bulletin d’abonnement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 72 n Rendez-vous de l’industrie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 92
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avis d’expert
Nouvelles recommandations pour l’ostéoporose cortisonique L’interview du Dr Karine Briot n Lors du 26e congrès de la SFR, en décembre dernier, le Dr Karine Briot a présenté les nouvelles Dr Michel Bodin* recommandations concernant l’ostéoporose cortico-induite. Explications.
Dr Michel Bodin : Dr Briot, bonjour. J’aimerais évoquer avec vous les nouvelles recommandations concernant l’ostéoporose, que vous avez présentées lors de la dernière réunion de la SFR. Dr Karine Briot : Elles concernent la prévention et le traitement de l’ostéoporose cortico-induite. C’est la première cause d’ostéoporose secondaire, elle survient après une corticothérapie prolongée. Le risque osseux est accru en raison de la possibilité de survenue de fracture, surtout au cours des deux premières années, avec une perte osseuse accélérée au début du traitement. Depuis 2003, on connaît les guidelines de l’AFSSAPS relatifs à la prévention de cette ostéoporose, mais elles sont largement insuffisantes : moins de 30 % des femmes ménopausées sous corticothérapie reçoivent un traitement préventif. Il était donc nécessaire de procéder à une actualisation et une simplification de ces recommandations.
M.B. : Cela implique de reprendre une revue plus ou moins exhaustive de la littérature… K.B. : C’est certain. Le plus important est assurément l’analyse des résultats des études, avec la définition des niveaux de preuve pour chaque item étudié (grade A, B ou C).
M.B. : Il y a deux ans, vous aviez publié des recommandations sous l’égide de la SFR et du GRIO totalement en dehors du cadre de l’HAS. Est-ce encore le cas ? K.B. : Absolument. La SFR et nous-mêmes avons travaillé en collaboration étroite avec le GRIO, la Société de
*Rhumatologue, Griselles
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Le Dr Michel Bodin et le Dr Karine Briot lors du congrès de la SFR.
Médecine interne, la Société Française de Gastro-Entérologie, ainsi qu’avec des généralistes – à savoir le Collège des Enseignants en Médecine générale, et la Société Française de Pneumologie qui participera à la relecture. Par rapport à ce que nous avions élaboré il y a deux ans, l’éventail des diverses instances impliquées est beaucoup plus large, puisque les maladies rhumatologiques, les maladies de système et les affections respiratoires sont les plus fréquemment traitées par corticothérapie.
M.B. : En théorie, que faut-il en retenir ? K.B. : Il faut commencer par définir les sujets à risque de fracture, ce qui, a priori, est impossible à savoir. Chez Rhumatos • Mars 2014 • vol. 11 • numéro 96
avis d’expert
les sujets jeunes (femmes ménopausées de moins de 50 ans), le risque est faible. Chez les femmes ménopausées et les hommes de plus de 50 ans, le risque se majore et l’on peut définir quatre situations différentes : • patient(e) ayant déjà eu une fracture ; • patient(e) soumis(e) à une corticothérapie à dose supérieure à 7,5 mg par jour pendant au moins 3 mois ; • patient(e) d’âge supérieur à 70 ans ; • patient(e) présentant une maladie osseuse.
M.B. : La durée du traitement cortisonique n’at-elle pas une influence ? K.B. : À l’analyse des travaux que nous avons effectués, cela n’est pas évident : la dose journalière (7,5 mg) et la durée du traitement cortisonique (plus de 3 mois) sont beaucoup plus significatives ; en revanche, le risque d’ostéoporose cortisonique sera moindre, en cas de doses itératives cumulées de corticothérapie si les doses initiales ont été débutées plusieurs années auparavant. Les risques d’ostéoporose cortisonique sont plus importants au début du traitement : si après 5 ou 6 ans il ne s’est rien passé, le risque d’effets secondaires devient quasi nul.
Dans le cas contraire, la décision de traiter peut être dépendante de la nature même de l’affection nécessitant la corticothérapie (très inflammatoire, nécessitant de hautes doses de cortisone ou non). L’appréciation de la décision de traiter se fait alors au cas par cas, et sort donc du cadre proprement dit des recommandations. On choisit alors un bisphosphonate à faible rémanence, comme le risédronate.
M.B. : Comment choisit-on le rythme d’administration : dose journalière ou dose annuelle ? K.B. : Les données post hoc de la littérature ont montré, avec le risédronate, une diminution du risque de fracture vertébrale, ce qui n’a pas été constaté avec le zolédronate. Le risédronate est considéré comme le traitement de référence dans tous les essais de médicaments anti-ostéoporotiques. Le choix du rythme de traitement dépendra du profil du patient : en cas de polymédication, par exemple, le recours à une forme intraveineuse annuelle peut être préféré.
M.B. : Certains malades semblent supporter avec difficulté les perfusions de zolédronate, se plaignant de malaise général, d’impression de mort M.B. : La dose de 7,5 mg ne paraît pas très élevée, imminente… eu égard aux doses bien plus importantes que K.B. : Effectivement, ce n’est pas rare et il faut certail’on voit prescrire en cancérologie ou en gastro- nement prévenir les patients. Toutefois, ces effets généentérologie… raux impressionnants disparaissent avec les injections K.B. : Certainement, mais c’est toujours ce chiffre que suivantes. La durée des traitements doit être reconsil’on retrouve dans la littérature, associé à une durée dérée en fonction des résultats d’un bilan tous les 2 ans. minimum de traitement de 3 mois. Le domaine de l’ostéoporose cortisonique est celui des complications sévères des bisphosphonates (ostéonécroses de mâchoire et fractures atypiques). Pour inforM.B. : Dans la pratique, comment procède-t-on ? mation, ces complications risquent également d’être K.B. : S’il s’agit de patients, hommes ou femmes, de plus rencontrées à l’avenir avec le dénosumab, qui est antide 50 ans, il faut traiter : on peut prescrire le téripara- résorbeur. L’incidence des ostéonécroses de mâchoires tide ou les bisphosphonates. Le 1er est le plus logique n’est que de 1/100 000 en cas d’ostéoporose, mais de dans la prescription, dans la mesure où il s’agit d’un pro- 1 pour 100 avec une atteinte maligne de l’os. n blème de formation osseuse. Cependant, il peut exister un frein à son utilisation, car son prix est élevé et il n’est remboursé que s’il existe la notion de deux fractures vertébrales. Si l’on ne peut l’employer, il faut recourir aux bisphosphonates, en utilisant ceux qui bénéficient de l’indication (risédronate, acide zolédronique). Si l’on est dans une situation à risque, le recours au calcul du FRAX® permet de déterminer le seuil de traitement ; si l’on n’est pas dans une situation à risque, on surveille, Mots-clés : avec un nouveau bilan à 1 an. Pour le groupe des sujets Ostéoporose cortisonique, Recommandations, jeunes, on trouve peu de données dans la littérature ; en Société française de Rhumatologie principe, on traite s’il existe un antécédent de fracture. 64
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COMPRENDRE
OCMR : un SAPHO pédiatrique ? Des points communs n L’Ostéite chronique multifocale récidivante (OCMR) est une maladie rare, encore mal connue des praticiens. L’OCMR a de nombreuses caractéristiques cliniques, biologiques, radiologiques et physiopathologiques en commun avec le syndrome SAPHO. Mais s’agit-il de la forme juvénile de cette affection ?
Introduction Les Ostéites chroniques multifocales récidivantes (OCMR) ou Ostéites chroniques non bactériennes (OCN) appartiennent au groupe des maladies rares (OMIM#259680) dont la prévalence, probablement sous-estimée, est évaluée à 1-2 cas par million d’habitants (Orphanet.net). Décrite en 1972 par Giedon (1), cette maladie se caractérise par de douloureuses poussées inflammatoires osseuses récidivantes traduisant la présence d’ostéites multiples aseptiques. Récemment, une étude française multicentrique a permis, pour la première fois, d’identifier 3 sous-groupes homogènes de patients OCMR ayant des caractéristiques démographiques, cliniques, biologiques et pronostiques distinctes. Les principaux diagnostics différentiels, notamment des formes monofocales, sont les ostéomyélites septiques ou les tumeurs osseuses primitives, ce qui nécessite une biopsie osseuse et parfois l’instauration
*Service de Rhumatologie A, Université Paris Descartes, APHP, Hôpital Cochin, Paris
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Dr Julien Wipff*
d’une antibiothérapie d’épreuve. Le traitement des OCMR n’est actuellement pas codifié. Les Anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) sont assurément la première ligne de traitement avec une excellente efficacité. En cas d’échec dans les formes les plus sévères, peuvent se discuter les DMARDs, les bisphosphonates et les biothérapies de type antiTNFα. L’OCMR a tout d’abord été rapprochée des spondyloarthropathies. Cependant, la description d’association non exceptionnelle d’OCMR avec un psoriasis ou une maladie inflammatoire chronique de l’intestin (maladie de Crohn ou rectocolite hémorragique), et les résultats d’études génétiques récentes dans les formes murines (CMO) et dans le syndrome de Majeed, suggèrent que les OCMR pourraient plutôt appartenir au groupe des maladies auto-inflammatoires. L’OCMR est considérée par de nombreux auteurs comme la forme pédiatrique du syndrome SAPHO (Synovite, Acné, Pustulose, Hyperostose, Ostéite) décrit dès 1987 (2). Les avancées récentes concernant la compré-
hension des OCMR (clinique, évolution, imagerie, physiopathologie et traitements) permettent de placer les OCMR dans le spectre des maladies auto-inflammatoires à expression osseuse, mais peuton dire que l’OCMR est un simple SAPHO pédiatrique ?
Comment faire le diagnostic ? Le diagnostic d’OCMR repose sur un faisceau d’arguments positifs et négatifs. En effet, non seulement il faut collecter des arguments en faveur du diagnostic, mais il faut aussi, le plus souvent, avoir suffisamment d’arguments pour éliminer les principaux diagnostics différentiels (ostéomyélite infectieuse, tumeur osseuse, histiocytose langerhansienne).
Aspects cliniques Les OCMR débutent en moyenne vers l’âge de 10 ans (3-5) et sont plus fréquentes chez les filles (3-7). Le diagnostic par rapport au début des symptômes, est posé avec un retard de 18 mois en moyenne, de quelques semaines à plusieurs années (3, 5). Rhumatos • Mars 2014 • vol. 11 • numéro 96
OCMR : un SAPHO pédiatrique ?
a
b
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Figure 1a - Radiographie de cheville droite montrant une lésion lytique d’OCMR de la métaphyse inférieure tibiale avec respect de la physe.
d
Figure 1b - Radiographie de cheville droite montrant une lésion sclérotique d’OCMR de la métaphyse inférieure tibiale avec respect de la physe. Figure 1c - Radiographie de l’humérus gauche montrant une lésion diaphysaire lytique dans le cadre d’une OCMR. Figure 1d - Radiographie des clavicules montrant des lésions bilatérales hyperostotiques de la partie interne des clavicules dans le cadre d’une OCMR.
La pierre angulaire faisant évoquer le diagnostic est la présence de douleurs osseuses. Celles-ci sont principalement localisées au niveau métaphyso-épiphysaire des os longs avec, par ordre de fréquence : la partie distale puis proximale du tibia, le pelvis, la partie proximale du fémur, la clavicule et le calcanéum (3-5, 7, 8). Les fréquences décrites pour l’atteinte vertébrale varient selon les séries rétrospectives entre 4 et 30 % (3-5, 7, 9). Dans l’étude française multicentrique, l’atteinte clinique vertébrale était présente dans 8 % des cas. D’autres localisations, classiquement rapportées dans les OCMR, sont évocatrices de cette pathologie comme l’atteinte sternale, claviculaire ou mandibulaire. Les poussées douloureuses Rhumatos • Mars 2014 • vol. 11 • numéro 96
osseuses peuvent s’accompagner de fièvre (environ 20 %). Non exceptionnellement, une atteinte extraosseuse personnelle (12 % dans l’étude française) ou familiale (32 % dans l’étude française) s’associe au tableau osseux. Les atteintes extraosseuses les plus fréquentes sont cutanées comme une pustulose palmoplantaire (3, 6, 7, 10), un psoriasis (4, 10), de l’acné (15) ou un syndrome de Sweet (16, 17). Une maladie de Crohn peut également s’associer aux OCMR (4, 7, 1114). Bien que les premiers symptômes apparaissent relativement tôt, il a été montré que, selon les séries, la maladie restait active dans 25 % à 59 % des cas lors d’un suivi médian de plus de 10 ans (3, 4, 18). La présence de séquelles liées aux OCMR a longtemps été considérée
comme négligeable. Cependant, des données récentes suggèrent que la proportion de patients présentant des séquelles physiques invalidantes pouvait aller jusqu’à 50 % (4). Ces séquelles sont essentiellement des douleurs chroniques et des déformations osseuses et rachidiennes dues à des vertebra plana ou des fractures vertébrales. Elles peuvent avoir des conséquences psychologiques majeures, notamment pour les déformations visibles (mandibule, clavicule) pouvant nécessiter une chirurgie plastique, à but esthétique (3, 4).
Aspects biologiques Les poussées douloureuses osseuses sont associées dans environ 2/3 des cas (3) à des anomalies des paramètres inflammatoires. 67
COMPRENDRE Cependant, ces paramètres sont généralement modérément augmentés (3, 19). La fréquence du HLA B27 est strictement similaire à celle de la population générale.
Aspects radiologiques L’utilisation récente de l’Imagerie par résonance magnétique (IRM) corps entier amène à discuter la place respective des différents examens d’imagerie. Les radiographies restent l’imagerie de première intention devant toute douleur possiblement osseuse ou boiterie survenant chez un enfant. Dans les OCMR, les radiographies sont souvent normales au début. Les premiers
signes concernent souvent les métaphyses, à proximité de la plaque de croissance (Fig. 1a). Ultérieurement, les lésions osseuses peuvent êtres lytiques pures, condensantes pures ou mixtes, le plus souvent sans réaction périostée (Fig. 1b) (19). Des lésions avec lyse corticale et/ ou d’appositions périostées ont été décrites (5), lésions d’autant plus inquiétantes qu’elles sont uniques. Les principaux diagnostics différentiels sont l’ostéomyélite, les tumeurs osseuses primitives, les lymphomesetl’histiocytoselangerhansienne. Les lésions d’OCMR peuvent également être diaphysaires (Fig. 1c) (19). La fréquence de l’atteinte vertébrale est très variable (3 à 25 %) selon les études (3, 20). L’atteinte vertébrale peut se compliquer d’aspect de vertebra plana et de tassements vertébraux (7, 8), et le principal diagnostic différentiel est alors l’histiocytose langerhansienne. Le caractère multifocal de l’atteinte osseuse et l’atteinte métaphysaire sont des éléments diagnostiques majeurs permettant de suspecter rapidement une OCMR et d’éviter au patient une
biopsie osseuse invasive. Actuellement, deux examens permettent la détection infraradiologique d’atteintes simultanées dont la scintigraphie osseuse qui permet de réaliser une cartographie des lésions osseuses (Fig. 2), le nombre de ces lésions étant décrit par certains auteurs comme prédictif de la persistance des symptômes (3). Cependant, cet examen a des limites : les cartilages de croissance sont physiologiquement hyperfixants et l’irradiation inhérente à cette technique d’imagerie. Il a récemment été démontré que l’IRM corps entier a une meilleure sensibilité que la scintigraphie (21), mais son développement est encore freiné par la longueur et le coût de l’examen. L’IRM permet une description anatomique des lésions osseuses (Fig. 3), mais également des parties molles. Les lésions d’ostéite inflammatoire apparaissent en hyposignal T1 et hypersignal T2. Fritz et al. ont récemment démontré, grâce à l’IRM, que les anomalies épiphysaires étaient fréquemment associées aux localisations métaphysaires (67 %) (8, 22). La détection
Figure 2 – Scintigraphie osseuse montrant des lésions hyperfixantes
a)
multiples (cheville droite, péroné gauche, hémibassin droit, coxo-
Figure 3 – a) IRM corps entier montrant des ostéites multiples dont certaines sont
fémorale droite) dans le cadre d’une
symétriques b) IRM localisée montrant une atteinte inflammatoire métaphyso-épiphy-
ostéite chronique multifocale récidi-
saire de la cheville c) IRM localisée montrant une atteinte diaphysaire du fémur gauche
vante.
avec une réaction des tissus mous.
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Rhumatos • Mars 2014 • vol. 11 • numéro 96
OCMR : un SAPHO pédiatrique ?
des patients ayant une atteinte épiphysaire pourrait avoir une importance pronostique, car ce type d’atteinte semble corrélé au risque de troubles de croissance osseuse (23). De plus, l’IRM a l’avantage de préciser les atteintes synoviales de proximité (7, 8, 22).
un arbre décisionnel diagnostique qui permet de porter le diagnostic d’OCMR sans avoir recours systématiquement à une biopsie (27). Ce score nécessite, cependant, une validation dans une cohorte plus importante et en prospectif.
Aspects anatomopathologiques
Pronostic des OCMR : 3 sous-groupes distincts
Physiopathologie des OCMR
Jusqu’à aujourd’hui, la distinction entre les différentes formes des OCMR était basée sur la différenciation entre les formes cliniques monofocales et multifocales. À partir des données d’une étude française multicentrique rétrospective, une analyse par cluster a permis d’identifier 3 sous-groupes distincts de patients OCMR. Le premier groupe comprend des patients (garçons 100 %) avec une atteinte multifocale aux premiers symptômes (97 %) fréquemment associée à un syndrome inflammatoire (72 %). Ce premier groupe a le pire pronostic puisqu’après en moyenne 4 ans d’évolution des symptômes, seulement 22% de ces patients sont en rémission douloureuse malgré l’utilisation de bisphosphonates et/ou anti-TNFα chez un tiers d’entre eux. Le deuxième sous-groupe est représenté par des patientes (filles 73 %) ayant une atteinte monofocale aux premiers symptômes (80 %) fréquemment localisée à la clavicule (43 %) sans syndrome inflammatoire (74 %). Ce sousgroupe a le meilleur pronostic avec 49 % de rémission douloureuse sans utilisation de bisphosphonates et/ou anti-TNFα (seulement 2 %). Le troisième groupe (filles [95 %] avec atteinte multifocale [91 %] et syndrome inflammatoire [56 %]) dit « intermédiaire » avec un taux de rémission douloureuse de 48 %, mais nécessitant l’utilisation de bisphosphonates et/ou anti-TNFα chez 13 % des patientes
La physiopathologie des OCMR reste actuellement incertaine. Les OCMR étaient jusqu’à récemment considérées comme appartenant au sous-groupe des arthrites juvéniles avec enthésites ou spondyloarthrites juvéniles selon la classification d’Edmonton (28). Actuellement, il semble que les OCMR soient plutôt proches du groupe des maladies autoinflammatoires, maladies se caractérisant par le rôle central de l’interleukine-1 bêta (IL-1) par activation de l’inflammasome (Fig. 4), pour plusieurs raisons : • La première est que les spondyloarthropathies elles-mêmes pourraient se rapprocher de ce groupe. En 2006, McGonagle et al. (29) ont suggéré l’existence d’un continuum entre les pathologies auto-immunes et les pathologies auto-inflammatoires. Les spondyloarthropathies au sens large, le psoriasis ou les uvéites seraient situés au centre de ce spectre, c’està-dire avec des caractéristiques d’auto-immunité et d’auto-inflammation. • Deuxièmement, il a été décrit des associations entre OCMR et syndrome de Sweet (16, 17, 30, 31) ou maladie de Crohn (4, 7, 11-14), deux pathologies auto-inflammatoires multifactorielles (29). • Troisièmement, les études histologiques des OCMR suggèrent une pathogénie proche des syndromes auto-inflammatoires. En effet, les infiltrats inflammatoires généralement décrits lors de la phase pré-
Chez l’enfant, l’aspect clinique et radiologique inquiétant ou non spécifique d’une lésion unique osseuse impose une biopsie osseuse chirurgicale ou radioguidée ayant pour but d’éliminer une origine septique (mise en culture impérative) ou tumorale. Cet examen invasif devient le plus souvent inutile en cas d’atteinte plurifocale. Les études histologiques à partir des biopsies osseuses dans les OCMR (7, 24) décrivent un aspect d’ostéite non spécifique : une phase précoce avec présence de nombreux neutrophiles, d’éléments gigantocellulaires et de plages d’ostéolyse et une phase plus tardive caractérisée par une formation osseuse réactionnelle, une sclérose et une prédominance de lymphocytes (24). D’autres auteurs n’ont pas confirmé cette corrélation entre les lésions histologiques et l’évolution en montrant que des lésions aiguës, subaiguës et chroniques pouvaient coexister au sein d’une même biopsie (25, 26).
Score diagnostique Récemment, Jansson et al. ont proposé un score pour uniformiser le diagnostic des OCMR et éviter les examens invasifs inutiles (biopsie) (27). À partir d’une cohorte rétrospective de 224 patients dont 102 étaient des OCMR et 122 d’autres diagnostics regroupant des tumeurs malignes ou bénignes et des ostéites infectieuses, les auteurs ont construit un score sur 63 dont les paramètres sont pondérés. Ce score a été intégré à Rhumatos • Mars 2014 • vol. 11 • numéro 96
de ce groupe. Cette distinction pourrait permettre à l’avenir une prise en charge plus adaptée à chaque cas, notamment une thérapeutique plus agressive chez les jeunes garçons présentant une forme multifocale d’emblée avec syndrome inflammatoire.
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COMPRENDRE coce sont constitués de nombreux neutrophiles, cellules centrales des maladies auto-inflammatoires comme dans le PAPA syndrome, d’éléments gigantocellulaires et de plages d’ostéolyse (7, 24). Plus récemment, une nouvelle maladie mendélienne auto-inflammatoire, appelée DIRA, associant des ostéites lytiques multiples aseptiques, une périostite et une pustulose, a été décrite. L’apparition des symptômes est plus précoce que dans l’OCMR et le phénotype plus sévère avec un pronostic vital engagé (3 patients sur 9). La particularité des ostéites est leur caractère lytique soufflant des côtes, caractéristique absente dans l’OCMR. Plusieurs mutations du gène IL1RN codant pour une protéine antagoniste du récepteur de l’IL-1 ont été identifiées (32). • C’est finalement l’étude de modèles murins OCMR qui a permis de focaliser les études génétiques sur un gène d’intérêt : PSTPIP2. L’implication d’une mutation du gène PSTPIP2 codant pour la protéine Proline Serine Threonine phosphatase interacting protein 2, localisé sur le chromosome 18, a été démontrée comme responsable du phénotype des souris cmo (33). Bien que le rôle exact de la protéine pstpip2 reste indéterminé, il est intéressant de noter que ces résultats concernent une protéine de la famille des PSTPIP. Cette famille est déjà impliquée en pathologie humaine, puisque des mutations du gène PSTPIP1, codant pour une protéine intervenant dans la régulation de la pyrine, sont responsables d’une maladie auto-inflammatoire appelée PAPA syndrome (OMIM#604416). Cette affection est caractérisée par la présence d’arthrites stériles neutrophiliques destructrices et d’atteintes cutanées comme une acné kystique, des abcès dermiques stériles ou des lésions de pyoderma gangrosum (34). PST70
Figure 4 - Schéma des différents acteurs de l’inflammasome NALP3 (cryopyrine) impliqués dans les maladies auto-inflammatoires. NALP3 inflammasome est un complexe protéique constitué de NALP3 (forme inactive repliée sur son domaine riche en leucine [LRR]), la protéine ASC et Cardinal. NALP3 se lie à la protéine ASC par son domaine pyrine (PyD) et à Cardinal par son domaine NAD (NACHT-associated domain). L’inflammasome NALP3 va alors lier la pro-caspase 1 et permettre son clivage en caspase 1 active qui ensuite va activer à son tour l’interleukine-1 (IL-1) ou l’interleukine-18 (IL-18). Une régulation de la voie NALP3 inflammasome par la pyrine existe. La pyrine semble entrer en compétition avec NALP3 et la pro-caspase 1 pour lier ASC et donc inhiber l’activation de cette voie de signalisation. Par ailleurs, PSTPIP1 (Proline Serine Threonine phosphatase interacting protein 1) inhibe la pyrine en se liant à elle. Des mutations du gène codant pour PSTPIP1 connues pour augmenter son affinité pour la pyrine sont décrites dans une maladie auto-inflammatoire (PAPA syndrome). Parallèlement, il a récemment été démontré dans les OCMR une répression de la synthèse de l’interleukine-10, déséquilibrant la balance cytokinique vers un profil inflammatoire (36).
PIP1 est une protéine connue pour avoir la capacité de lier la pyrine, régulateur inhibiteur de l’inflammasome NALP3. En 2005, Ferguson et al. ont identifié le gène responsable du syndrome de Majeed (OMIM#609628), un syndrome autosomique récessif associant un phénotype sévère d’OCMR avec des ostéites florides, subintrantes et une anémie dysérythropoïétique : le gène LPIN2 localisé en 18p11.31 (35). Le rôle fonctionnel de LPIN2 dans le syndrome de Majeed n’est pas élucidé. • Enfin, récemment, une équipe américaine a démontré une diminution d’expression de l’interleukine-10 (IL-10) par les monocytes de patients CRMO. Cette différence par rapport aux contrôles serait expliquée par un plus faible recrutement de Sp1 et par une
diminution de la phosphorylation d’H3S10, deux facteurs de transcription de l’IL-10. L’IL-10 est une cytokine anti-inflammatoire, intervenant déjà dans des pathologies médiées par le lymphocyte comme le lupus, la polyarthrite rhumatoïde ou les maladies virales, donc sa faible expression pourrait participer aux processus inflammatoires et expliquer la fréquence de l’infiltrat lymphocytaire osseux (36).
Traitement Le traitement des OCMR n’est actuellement pas codifié. Malgré l’absence d’étude randomisée contre placebo, certains consensus peuvent être établis dans la prise en charge de ces patients. La première ligne de traitement Rhumatos • Mars 2014 • vol. 11 • numéro 96
OCMR : un SAPHO pédiatrique ?
semble indiscutable, ce sont les AINS. Ils sont utilisés soit au moment des crises, soit au long cours comme traitement de fond afin d’éviter de nouvelles poussées osseuses. Aucun AINS n’a démontré sa supériorité par rapport à un autre, mais leur efficacité est certaine. Si les AINS sont insuffisants, deux traitements principaux sont alors à envisager : les bisphosphonates et les anti-TNFα. D’autres traitements comme l’azythromycine, l’interféron, la sulfasalazine, le méthotrexate, les immunoglobulines intraveineuses et la colchicine (3-8) ont été essayés de façon plus anecdotique. Bien que la corticothérapie orale soit a priori efficace (37, 38), cette thérapeutique doit non seulement être limitée dans le temps, mais également dans la dose prescrite compte tenu des effets secondaires d’une corticothérapie prolongée sur la croissance. L’efficacité des bisphosphonates a été évoquée dès 2004 (3-5, 9,
39-41). Leur efficacité antalgique pourrait être rapide puisque Miettunen et al. (41) note une quasidisparition des douleurs chez leurs neuf patients dans les 48 heures suivant la perfusion. Cependant, beaucoup de points concernant l’utilisation des bisphosphonates dans l’OCMR restent en suspens : dose de Pamidronate ? Fréquence des perfusions ? Potentiels effets indésirables même à distance du traitement ? Tous les registres sont actuellement rassurants visà-vis de l’ostéonécrose de la mâchoire qui semble survenir chez les patients âgés dans un contexte de traitement de néoplasie ; aucun cas n’a été publié chez les enfants, notamment dans les cohortes de patients ayant une ostéogenèse imparfaite (42). Enfin, pour certaines formes réfractaires, les biothérapies comme les anti-TNFα ou les anti-IL-1 ont été utilisés avec succès dans l’ensemble (3, 19, 43, 44). Récemment, Eleftheriou et al. ont rapporté
4 cas d’OCMR traités par biothérapie (anti-TNFα et/ou anakinra) avec une revue de la littérature répertoriant une vingtaine de cas d’OCMR traités par infliximab ou étanercept (45) : ces données montrent que ces traitements ont une efficacité certaine et prolongée, mais avec de possibles effets secondaires infectieux. Récemment, deux patients atteints du syndrome de Majeed ont été traités avec efficacité par l’anakinra (46). Les auteurs concluent que « la voie de signalisation de l’IL-1 est impliquée dans la physiopathologie des maladies avec ostéites aseptiques suggérant qu’une dysrégulation de cette voie interviendrait dans des maladies multifactorielles telles que les OCMR et/ou le syndrome SAPHO ».
OCMR : un SAPHO pédiatrique ? L’étude des caractéristiques cliniques, biologiques, radiologiques
Tableau 1 - Comparaison OCMR / SAPHO. OCMR SAPHO Âge de début des symptômes 9,86 ± 3 ans 28,6 ± 13,7 (4-63) Sex Ratio (F/G) 70 % / 30 % 58 % / 42 % Localisation clinique des ostéites Sternum +/- clavicule = 12 % Sternum +/- clavicule = 63 % Vertébrale = 9 % Vertébrale = 33 % Os périphériques = 66 % Os périphériques = 6 % Atteinte cutanée (PPP, acné, psoriasis) 13 % 84 % Arthrite périphérique 12 % 36 % Syndrome inflammatoire 67 % 65 % HLA B27 8 % 13 % Anatomopathologie Ostéite stérile (neutrophiles, Ostéite stérile (neutrophiles, lymphocytes, remodelage) lymphocytes, remodelage) P Acnes + en culture 5 % 7 % (Littérature = 42 %) Atteinte structurale osseuse Lésions lytiques, sclérosantes Lésions sclérosantes (+++), (33 %) ou mixtes lytiques ou mixtes Physiopathologie - Fond génétique ++ (âge pédia- - Fond génétique + trique) - Facteur déclenchant possible - Facteur déclenchant possible = infection ? = infection ? - Déséquilibre cytokinique - Activation de la voie des Toll (répression IL-10) Like Receptors - Voie des PSTPIP (Fig. 4) - Activation IL-1, 8, 18 et TNFα Traitement - AINS - AINS - Bisphosphonates et/ou - Bisphosphonates ou biothérapie (14 %) biothérapie - DMARDs (MTX ou SLZ = 18 %) - DMARDs (MTX = 8 %) OCMR : Ostéites chroniques multifocales récidivantes, SAPHO : Synovite, acné, pustulose, hyperostose, ostéite, F : Filles, G : Garçons, PPP : Pustulose Palmo-Plantaire. Rhumatos • Mars 2014 • vol. 11 • numéro 96
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COMPRENDRE et physiopathologiques des OCMR suggère que cette maladie partage de nombreux points communs avec le syndrome SAPHO. Cependant, il existe également des points discordants entre ces deux maladies. Le tableau 1 répertorie de façon comparative les caractéristiques des OCMR et, en parallèle, celles du syndrome SAPHO. Les données de ce tableau se basent principalement sur les plus grandes cohortes de patients de chaque maladie : cohorte de 120 patients pour le SAPHO (47) et 175 patients pour l’OCMR (cohorte française nationale d’OCMR). Les autres comparaisons sont basées sur la littérature disponible. Les principales différences entre l’OCMR et le SAPHO, hormis l’âge de début, consistent en la répartition des atteintes osseuses prédominant sur les os longs dans l’OCMR (66 %) et la paroi antérieure du thorax dans le SAPHO (63 %), la fréquence de
l’atteinte cutanée (13 % et 84 %, respectivement) et la physiopathologie connue.
Conclusion L’OCMR est une pathologie à début juvénile avec une altération de la qualité de vie des patients due aux symptômes (douleurs osseuses inflammatoires) et/ou aux séquelles (douleurs résiduelles, déformation locale, fractures vertébrales). Cette maladie chronique non exceptionnelle reste encore mal connue du praticien et sa fréquence nous paraît largement sous-estimée. Certains patients OCMR présentent une forme plus sévère c’est-à-dire moins de rémission et plus de bisphosphonates et/ou anti-TNFα. Les garçons avec une atteinte multifocale d’emblée associée à un syndrome inflammatoire sont les patients ayant le moins
bon pronostic. Ce sous-groupe de patients pourrait, de ce fait, bénéficier d’un traitement plus agressif et d’un suivi plus rapproché. L’OCMR appartient probablement au même spectre de maladies auto-inflammatoires multifactorielles à expression osseuse que le SAPHO, mais certaines spécificités semblent démontrer que l’OCMR n’est pas stricto sensu un simple SAPHO pédiatrique. L’étude spécifique de l’évolution naturelle, mais aussi l’étude de la susceptibilité génétique aux OCMR aideraient à une meilleure compréhension physiopathologique de l’ensemble des maladies auto-inflammatoires avec n atteinte osseuse. Retrouvez la bibliographie complète de cet article sur rhumatos.fr
Mots-clés : Ostéite chronique multifocale récidivante, syndrome SAPHO
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OCMR : un SAPHO pédiatrique ?
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à savoir
Hyperparathyroïdie et ostéoporose Quand y penser ? n La recherche clinique et biologique d’arguments de dysfonctionnements parathyroïdiens permet de suspecter puis d’établir des diagnostics qui auront des prises en charge spécifiques quand ils s’accompagnent de complications, tout particulièrement devant une ostéopathie fragilisante. La fréquence de l’hyperparathyroïdie incite à ne pas négliger des anomalies mêmes modérées des paramètres phosphocalciques.
D
evant toute déminéralisation, compliquée ou non de fracture, on recherche toujours une ostéopathie fragilisante autre que l’ostéoporose post-ménopausique. L’hyperparathyroïdie primitive fréquente en post-ménopause (2 % des femmes post-ménopausiques) incite en premier lieu à rechercher les arguments cliniques que sont une asthénie, une polyuriepolydipsie, des nausées et l’existence de lithiase rénale éventuellement symptomatique avec des crises de coliques néphrétiques. Comme pour toutes les autres ostéopathies fragilisantes, on y pensera d’autant plus que l’on constate une perte osseuse inexpliquée, sous traitement hormonal substitutif par exemple, ou l’apparition de cascade de fractures alors que la prévention fracturaire paraît optimale par traitement hormonal substitutif ou par traitements anti-ostéoporotiques, ou encore lorsqu’il s’agit d’une femme en pré-ménopause sans aucun facteur expliquant un risque de fractures.
*Rhumatologue, Hôpital Cochin, Paris
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Dr Catherine Cormier*
En dehors de la clinique, le bilan biologique minimal à réaliser devant toute ostéopathie déminéralisante orientera vers le diagnostic d’hyperparathyroïdie primitive devant plusieurs types d’anomalies isolées ou associées. S’il existe une hypercalcémie sur la calcémie corrigée par l’albuminémie, on fera, si cela n’a pas déjà été fait le même jour que la calcémie, un dosage de Parathormone (PTH) qui sera donc toujours interprété couplé à un dosage de calcium. L’hyperparathyroïdie primitive est caractérisée par une hypercalcémie associée à une PTH élevée ou normale haute, inadaptée à l’hypercalcémie. L’existence d’une hypophosphatémie fera également suspecter l’hyperparathyroïdie primitive même si la calcémie n’est pas élevée. En effet, la principale cause de diminution de la phosphatémie est une fuite rénale de phosphore secondaire à une élévation de la parathormone qu’elle soit d’ailleurs primitive ou secondaire. En l’absence d’élévation de la calcémie ou de diminution de la phosphatémie, une élévation de la PTH pourra être le seul élément qui va faire penser à un dysfonctionnement parathyroï-
dien. Lorsque la PTH est isolément augmentée sans hypercalcémie, le diagnostic le plus fréquent est une hyperparathyroïdie secondaire. Les principales causes de cette hyperparathyroïdie secondaire sont l’insuffisance en vitamine D, l’insuffisance d’apport alimentaire en calcium, l’insuffisance rénale au mieux appréciée par la mesure de MDRD (dès que la clairance de créatinine par MDRD est inférieure à 60 ml/min, on peut constater une élévation de la PTH), les fuites rénales de calcium responsables d’une tendance hypocalcémique avec réponse parathyroïdienne qui sont dues à des tubulopathies, à des traitements diurétiques de l’anse, à la prise d’aliments susceptibles d’entraîner une fuite rénale de calcium (les régimes très salés évoqués par une hypernatriurèse supérieure à 150 mmol/j, les régimes riches en théine et caféine, classiquement plus d’1/2 litre de boisson riche en théine ou caféine sont susceptibles d’entraîner une fuite automatique de calcium). En l’absence de cause d’hyperparathyroïdie secondaire et de traitements responsables d’élévation de la PTH (lithium, 73
à savoir
phosphore, bisphosphonate, denosumab) on évoquera le diagnostic d’hyperparathyroïdie primitive normocalcémique. La fréquence de cette pathologie est probablement sous-évaluée. Ainsi une publication récente (1) retrouve une fréquence non négligeable d’environ 3 % en population générale. Cela incite à rechercher ce diagnostic d’autant que l’on est face à une déminéralisation qui sera, du fait de sa présence, une indication à un traitement de ce dysfonctionnement parathyroïdien. En effet, il est maintenant conseillé (2) de traiter chirurgicalement une hyperparathyroïdie primitive quand il existe une masse osseuse < -2,5 à au moins un site rachis, fémur ou radius, site spécifiquement et préférentiellement atteint quand il y a un retentissement osseux de l’hyperparathyroïdie. On constate une récupération osseuse de la même ampleur que celle observée sous bisphosphonates et on a récemment montré que la récupération osseuse était comparable après parathyroïdectomie dans les hyperparathyroïdies primitives hypercalcémiques et normocalcémiques (3). La pratique systématique d’un dosage de PTH dans un bilan d’ostéopathie fragilisante reste cependant débattue, beaucoup d’arguments incitent à le réaliser. En particulier, outre le diagnostic d’hyperparathyroïdie primitive hypercalcémique ou normocalcémique, l’élévation de la PTH secondaire aux différentes étiologies est responsable d’une augmentation du risque fracturaire (4).
Il s’agit donc d’un facteur de risque supplémentaire sur lequel on peut agir aisément : corriger l’insuffisance en vitamine D, corriger les apports en calcium, utiliser des thiazidiques si fuite rénale de calcium. En revanche, l’élévation de la PTH sous antirésorbeurs n’est pas délétère mais reflète le mode d’action de ces molécules. On ne pourra corriger une hyperparathyroïdie secondaire que si on a dosé la parathormone permettant de mettre en évidence cette anomalie. En présence d’une masse osseuse basse, on dispose de séries montrant ainsi que la découverte d’une hyperparathyroïdie primitive hypercalcémique est observée dans 2 à 5 % des cas, celle d’une hyperparathyroïdie primitive normocalcémique dans 3 à 7 % des cas et une hyperparathyroïdie secondaire à une insuffisance en vitamine D dans environ 20 % des cas. (5) Un travail a même montré que les nouveaux diagnostics (6) devant une fracture symptomatique cliniquement faisaient découvrir une hyperparathyroïdie primitive chez des femmes dans 3,3 % des cas et une hyperparathyroïdie secondaire à une insuffisance en vitamine D ou à une insuffisance rénale dans 8 % des cas. Ces chiffres ne sont pas marginaux, ce qui incite à faire des dosages complets du métabolisme phosphocalcique comportant à la fois calcémie, phosphatémie, créatininémie et PTH. Certains auteurs (7) conseillent également d’ajouter au bilan, devant la découverte d’une fracture ou d’une ostéoporose den-
sitométrique, la pratique de la mesure de calciurie des 24 heures. Ce dosage est cependant souvent difficile à réaliser car le recueil urinaire peut être mal fait et du fait d’une grande hétérogénéité des causes d’hypercalciurie. En particulier, le haut remodelage osseux post-ménopausique avec des dosages de crosslaps sérique augmentés s’accompagne d’hypercalciurie. Cependant, la conjonction d’une hypercalciurie importante, d’un calcium total corrigé par l’albuminémie normal supérieur et d’une parathormone augmentée ou limite des taux supérieurs incitera à réaliser des dosages de calcium ionisé qui ont cependant des conditions de dosage strictes permettant de classer de manière définitive les patients entre hyperparathyroïdie primitive, normocalcémique ou hypercalcémique ou hyperparathyroïdie secondaire. On pourra également s’aider de tests de charge calcique pour améliorer ces diagnostics. Néanmoins, les imageries parathyroïdiennes ne sont réalisées que lorsque le diagnostic d’hyperparathyroïdie primitive est confirmé et n’ont pas de valeur diagnostique, leur négativité n’écarte pas la capacité de mettre en évidence un adénome parathyroïdien ou une hyperplasie lors de l’abord chirurgical. n
Mots-clés : Hyperparthyroïdie, Parathormone, Ostéoporose
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Les nouvelles myopathies inflammatoires
DOSSIER
Les nouvelles myopathies inflammatoires Que reste-t-il de la polymyosite ? Dossier rédigé par Dr Alain Meyer*, Dr Joëlle Goetz**, Pr Jacques-Éric Gottenberg*** et Pr Jean Sibilia***
n Les myopathies inflammatoires sont des maladies très rares, caractérisées par une faiblesse musculaire et la présence d’une inflammation au sein des muscles squelettiques, qui ont longtemps été considérées comme une seule entité, désignée sous le terme de polymyosite. Les avancées dans les domaines de l’histologie, de l’immunologie et de la biologie moléculaire ont conduit à un éclatement de ce cadre nosologique en différentes pathologies dont la clinique, la physiopathologie et le pronostic sont en fait très différents. La polymyosite apparaît de plus en plus comme une entité “en voie de disparition” alors que de nouveaux cadres nosologiques émergent.
L’émergence du concept de polymyosite (1880- 1975) Le terme de “polymyosite” fut introduit dans la littérature médicale à la fin du XIXe siècle, quasi simultanément par Wagner (Leipzig), Unverricht (Léna) et Hepp (Strasbourg) pour désigner une inflammation d’allure primitive de l’ensemble de la musculature squelettique (Fig. 1). Quelques années plus tard, Unverricht proposa le terme de “dermatomyosite” pour démarquer de la polymyosite, une atteinte inflammatoire touchant à la fois les muscles squelettiques et la peau. Il faut attendre les années 1950 pour que, sur la base de revues de la littérature et de sé*Service de rhumatologie - centre de référence des maladies auto-immunes rares, Service des explorations fonctionnelles-Exploration fonctionnelle musculaire, CHU de Strasbourg **Service d’immunologie, CHU de Strasbourg ***Service de rhumatologie - centre de référence des maladies auto-immunes rares, CHU de Strasbourg
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Figure 1 - Description historique de la polymyosite par Paul Hepp (Berl Klin Wochenschr 1887 ; 24 : 297-9).
ries de patients, les premiers critères diagnostiques de ces maladies soient proposés. Les critères publiés par Bohan et Peter (1, 2) sont ceux qui ont été le plus largement acceptés (Tab. 1). Ces auteurs envisageaient les myopathies inflammatoires comme une seule entité, désignée par le terme de “polymyosite”, dont la physiopathologie restait obscure.
La crise du concept (1960-2003) Dès les années 1960, l’étude de cohortes de patients, les progrès de l’histologie musculaire, la découverte des premiers auto-anticorps spécifiques des myopathies inflammatoires ont permis une meilleure description de ces maladies. Ces avancées importantes dans la compréhension des myopathies inflammatoires, ont abouti à une mise à 75
Les nouvelles myopathies inflammatoires
DOSSIER
mal du concept initial de polymyosite.
La dermatomyosite : une microangiopathie médiée par le complément Alors que les critères de Bohan et Peter ne distinguaient la dermatomyosite et la polymyosite que sur la présence ou l’absence des signes cutanés, il a été montré que ces deux pathologies se distinguaient aussi au plan histopathologique et que la localisation ainsi que la composition en cellules mononuclées dans le muscle indiquaient vraisemblablement des différences physiopathologiques entre ces pathologies (3). Au cours de la dermatomyosite, l’histologie musculaire est marquée par l’existence d’une microangiopathie qui se caractérise par une raréfaction des capillaires musculaires et un élargissement des capillaires restants, sur lesquels on peut mettre en évidence des dépôts de complexe d’attaque membranaire (fraction C5b-9 du complément). L’infiltrat inflammatoire est majoritairement fait de lymphocytes B et de CD4+ dont la topographie est périvasculaire et périfasciculaire. Les fibres musculaires sont atrophiques dans les régions périfasciculaires, qui sont les régions du muscle les plus sensibles à l’ischémie. Ainsi, il est probable que la dermatomyosite repose sur une activation de l’immunité humorale au niveau de l’endothélium vasculaire du muscle et du derme, aboutissant à des phénomènes ischémiques. L’origine de cette activation demeure cependant hypothétique. L’histologie de la polymyosite se caractérise par la présence d’un infiltrat inflammatoire de topographie endomysiale, composé majoritairement de lymphocytes T 76
Tableau 1-Critères pour le diagnostic de polymyosite selon Bohan et Peter. • Faiblesse musculaire symétrique et proximale progressant sur plusieurs semaines ou mois. • Augmentation du taux sérique des enzymes musculaires, en particulier de la créatine kinase (CK). • Électromyogramme : syndrome myogène (potentiels d’unités motrices petits, brefs et polyphasiques), potentiels de fibrillations, pointes positives, irritabilité membranaire lors de l’insertion de l’aiguille • Biopsie musculaire : nécrose et régénération des fibres musculaires, variation de la taille des fibres musculaires, infiltrat inflammatoire. • Éruption cutanée typique de dermatomyosite : érythème lilacé des paupières, signes de Gottron, signe du châle. Polymyosite-dermatomyosite certaine : 4 critères (sans les signes cutanés) pour la polymyosite (PM), 3 ou 4 critères (dont les signes cutanés) pour la dermatomyosite (DM). Polymyosite-dermatomyosite probable : 3 critères (sans les signes cutanés) pour la PM, 2 critères (dont les signes cutanés) pour la DM. Polymyosite-dermatomyosite possible : 2 critères (sans les signes cutanés) pour la PM, 1 critère (dont les signes cutanés) pour la DM.
cytotoxiques CD8+ et qui envahit par endroits des fibres musculaires non nécrotiques. Ceci a fait évoquer un mécanisme reposant principalement sur la cytotoxicité de lymphocytes auto-réactifs contre les fibres musculaires. D’autres éléments ont ensuite renforcé cette hypothèse mais aucun auto-antigène n’a pu, à ce jour, être formellement identifié. En utilisant ces critères histologiques, Van der Meulen a montré que la dermatomyosite était environ 6 fois plus fréquente que la polymyosite (4).
L’élargissement du spectre des myopathies inflammatoires de chevauchement (overlap myositis) Les critères de classification de Bohan et Peter surestiment aussi la fréquence de la polymyosite aux dépens des myopathies inflammatoires associées à une autre connectivite. Dans une cohorte de 100 patients atteints de myopathies inflammatoires, Troyanov et al. (5) ont montré que les critères de classification de Bohan et Peter
diagnostiquaient 45 % de polymyosite lors de la première évaluation, alors qu’à la fin du suivi, plus d’un quart de ces patients étaient reclassés, le plus souvent vers le groupe “polymyosite associée à une autre connectivite”. Ils ont proposé de nouveaux critères de classification, qui sont basés sur la présence de signes d’atteintes extra-musculaires et sur la présence d’autoanticorps, pour définir le groupe des myopathies inflammatoires de chevauchement (overlap myositis) (Tab. 2). Selon cette classification, la polymyosite est rare (9 %) et les myopathies inflammatoires de chevauchement sont les plus fréquentes (68 %). L’intérêt de cette classification était aussi pronostique puisqu’elle permettait de prédire la réponse à la corticothérapie et le risque de rechute.
La myosite à inclusions : d’une “polymyosite corticorésitante” à une pathologie dégénérative Dans les années 1960, une nouvelle forme de myopathie inflammatoire commence à être reconnue. Elle est Rhumatos • Mars 2014 • vol. 11 • numéro 96
d’abord décrite comme une polymyosite corticorésistante caractérisée par la présence de structures myxovirus-like au sein de fibres musculaires (6) avant que le terme de myosite à inclusions soit introduit pour complètement séparer cette myopathie inflammatoire de la polymyosite. Dans sa forme typique, selon les critères proposés par Griggs en 1995, cette pathologie se caractérise par un début après 30 ans, un déficit moteur proximal et distal, asymétrique, touchant préférentiellement les fléchisseurs des doigts, des poignets et les quadriceps. La myolyse est modérée (CK < 12 fois la normale). Les lésions histopathologiques musculaires sont comparables à celles observées au cours de la polymyosite, mis à part la présence de vacuoles bordées, de dépôt amyloïde et, à la microscopie électronique, la présence d’inclusions tubulo-filamenteuses de 15-18 nm au sein des fibres musculaires (7). Il s’agit d’une myopathie dont la physiopathologie associe des phénomènes auto-immuns et des processus dégénératifs. Mais les traitements immunomodulateurs n’ont pas d’efficacité au cours de cette maladie (8). La distinction entre myosite à inclusions et polymyosite peut néanmoins être difficile en particulier au début de l’évolution. Dans leur série de 165 patients, Van der Meulen et al. ont montré que plus de la moitié des patients diagnostiqués comme souffrant de polymyosite étaient reclassés vers le diagnostic de myosite à inclusions après un an d’évolution (4).
Le piège des dystrophies musculaires “inflammatoires” De façon parfois surprenante, des myopathies génétiques peuvent Rhumatos • Mars 2014 • vol. 11 • numéro 96
Tableau 2 - Définition des myopathies inflammatoires de chevauchement (overlap myositis) selon Troyanov et al. Myopathies inflammatoires avec au moins un élément clinique de chevauchement et/ou un auto-anticorps de chevauchement parmi : • Eléments cliniques de chevauchement : polyarthrite, phénomène de Raynaud, sclérodactylie, sclérodermie proximale aux articulations métacarpophalangiennes, calcinose de type sclérodermique au niveau des doigts, hypomobilité du bas-œsophage ou de l’intestin grêle, DLCO inférieure à 70 % de la valeur normale, syndrome interstitiel pulmonaire sur la radiographie ou le scanner pulmonaire, lupus discoïde, anticorps anti-DNA-natif et hypocomplémentémie, 4 critères ou plus parmi les 11 critères de l’ACR pour le diagnostic de lupus érythémateux disséminé, syndrome des antiphospholipides. • Présence d’auto-anticorps de chevauchement : Anti-synthétases (anti-Jo1, anti-PL7, anti-PL12, anti-OJ, anti-EJ, anti-KS) Auto-anticorps associés à la sclérodermie (anti-centromères, anti-topoisomérases, anti-RNA-polymérase I ou III, anti-Th), auto-anticorps associés à la sclérodermie dans le cadre d’un syndrome de chevauchement (anti-RNP, anti-Pm-Scl, anti-Ku), autres auto-anticorps (antiSRP, anti-nucléoporines).
parfois mimer une myopathie inflammatoire. En particulier, les déficits protéiques liés à des mutations dans les gènes de la dystrophine, de la dysferline, de la fukutin related protein peuvent remplir tous les critères proposés par Bohan et Peter pour le diagnostic de polymyosite, y compris les critères histologiques (9). Bohan et Peter soulignaient déjà que la réponse à la corticothérapie ne représente pas un outil diagnostique fiable puisque certaines de ces dystrophies musculaires peuvent être partiellement améliorées par les corticoïdes, alors que les myopathies inflammatoires peuvent être corticorésistantes mais répondre des traitements immunomodulateurs puissants (1). L’étude par immunohistochimie de l’expression du complexe majeur d’histocompatibilité de classe I (CMH-I) par les fibres musculaires sur la biopsie musculaire peut aider à distinguer ces deux groupes de pathologies musculaires. Une expression diffuse du CMH-I (y compris par les fibres musculaires d’allure normale) aurait une spécificité et une
sensibilité d’environ 90 % pour le diagnostic de myopathie inflammatoire (10). Cet outil ne doit cependant pas remplacer l’analyse de l’ensemble des données cliniques et paracliniques (Tab. 3).
La polymyosite, une entité mythologique ? Ces progrès dans la compréhension des myopathies inflammatoires ont conduit certains auteurs à considérer la polymyosite comme une entité “mythologique” (11), regroupant des myopathies aussi diverses que des myosites à inclusions, des dermatomyosites sine dermatitis, des myopathies inflammatoires de chevauchement et des dystrophies musculaires inflammatoires (Fig. 2). Si la remise en cause de l’existence de la polymyosite est peut-être un peu extrémiste, ce diagnostic doit aujourd’hui être très prudent. En particulier, la considération des nouveaux cadres nosologiques et l’exclusion d’une dystrophie musculaire et d’une myosite à inclusions sont des étapes importantes avant de conclure à ce diagnostic. 77
DOSSIER
Les nouvelles myopathies inflammatoires
Les nouvelles myopathies inflammatoires
Tableau 3 - Éléments d’orientation face à une myopathie avec infiltrat inflammatoire histologique.
DOSSIER
Éléments suggérant une myopathie inflammatoire (autre que la myosite à inclusion)
Éléments suggérant une myo- Éléments suggérant une site à inclusion sporadique dystrophie musculaire "inflammatoire"
Antécédents familiaux de myopathie
Absents
Absents
Présents
Âge de début
Tous les âges
Après 30 ans (la plus fréquente des myopathies après 50 ans)
Enfance ou adulte jeune
Mode de début
Brutal
Progressif
Progressif
Topographie du déficit
Proximal ; symétrique
Proximal et distal ; asymétrique ; Proximale ; symétrique (dysfléchisseurs doigts et poignets, trophie des ceintures) Asymétrique, distale, faciale quadriceps, face (FSH, myopathie de Miyoshi…)
Atteintes cardiaques et diaphragmatiques
Rares (sauf myopathie nécrosante à anti-SRP)
Rare
Fréquente
Hypertrophie des mollets
Non
Non
Oui (Becker, LGM2Di)
Signes extramusculaires Pneumopathie interstitielle ; phénomène de Raynaud, mains de mécaniciens, dermatomyosite, sclérodactylie ; polyarthrite.
Non
Retard mental
Taux de CK
Rarement >5000 UI/l (sauf myopathie nécrosante à médiation immune)
< 12 x normale
Souvent > 5000UI/l
Auto-anticorps associés ou spécifiques des myopathie inflammatoires
Oui
Non
Non
Infiltrat inflammatoire
Endomysial envahissant des fibres musculaires non nécrotiques (PM) Périmysial et/ou périvasculaire (DM, OM) Peut être absent ou modéré (MNMI)
Endomysial envahissant des fibres musculaires non nécrotiques
Endomysial sans invasion de fibres non nécrotique
CMH-I
Expression membranaire diffuse (sauf myopathie nécrosante à médiation immune)
Expression membranaire diffuse
Expression membranaire absente ou focale
C5b-9
Dépôt sur les capillaires
Non
Dépôt sur les fibres
Réponse au traitement immunomodulateur
Bonne
Pas de réponse
Pas de réponse ou amélioration partielle
Les myopathies inflammatoires AUJOURD’HUI Depuis la controverse sur l’existence de la polymyosite, certains sousgroupes de myopathies inflammatoires ont connu une importante 78
expansion. Il s’agit principalement du groupe des myopathies inflammatoires de chevauchement, tel que défini par Troyanov et al. qui consiste en fait en un ensemble hétérogène de maladies ayant comme noyau commun l’existence d’atteintes ex-
tra-musculaires et/ou la présence d’auto-anticorps. La description de nouveaux auto-anticorps et du phénotype qui leur est associé à aussi contribué à un changement de regard sur la dermatomyosite qui apparaît de plus en plus comme un groupe Rhumatos • Mars 2014 • vol. 11 • numéro 96
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Figure 2 - L’entité historique de polymyosite recouvre en fait des myopathies aussi diverses que des dermatomyosites sine dermatitis, des myopathies inflammatoires de chevauchement, des myopathies nécrosantes à médiation immune, des myosites à inclusions et des dystrophies musculaires inflammatoires. La recherche attentive de ces différents diagnostics est aujourd’hui indispensable avant de conclure à une polymyosite. DM : dermatomyosite ; FKRP : fukutin related protein ; FSH : dystrophie facio-scapulo-humérale ; MNMI : myopathie nécrosante à médiation immune.
de maladies ayant une expression clinique et un pronostic très variable.
Le syndrome des antisynthétases : d’une polymyosite à une connectivite aux multiples facettes En 1976, un autoanticorps a été décrit chez un patient, nommé John P., qui était atteint d’une “polymyosite” et d’une pneumopathie interstitielle (12). Cet auto-anticorps a été appelé antiJo1. Quelques années plus tard, il était démontré que la présence d’anti-Jo1 identifiait un sousgroupe de patients au phénotype globalement homogène. D’autre part, il est apparu que la cible de Rhumatos • Mars 2014 • vol. 11 • numéro 96
cet anticorps était une enzyme qui catalyse la liaison de l’acide aminé histidine à son ARN de transfert : l’histidyl-ARNt-synthétase. Le terme de “syndrome des antisynthétases” a alors été proposé pour décrire le sousgroupe des patients porteurs de cet anticorps. Ce syndrome associe, à des degrés divers, une fièvre (ou une fébricule), une myopathie inflammatoire, des arthralgies (voire des arthrites), une pneumopathie interstitielle, des mains de mécaniciens, des éruptions de dermatomyosite, une sclérodactylie un syndrome de Raynaud (13). Ainsi, le syndrome des antisynthétases a été historiquement décrit comme une myopathie inflammatoire mais,
en réalité, il s’agit d’une connectivite au cours de laquelle l’atteinte musculaire peut manquer ou être au second plan. Depuis, sept autres anticorps dirigés contre des aminoacyl-ARNt synthétases ont été identifiés. Il s’agit d’anti-alanyl- (PL-12), d’anti-thréonyl- (PL-7), d’anti-glycyl- (EJ), d’anti-isoleucyl- (OJ), d’anti-asparginyl- (KS), d’anti-tyrosyl- (Ha), et d’anti-phélynalanyl- (Zo) ARNt-synthétases. Les anti-Jo1 sont les plus fréquents (20 % des myopathies inflammatoires) alors que les autres spécificités sont beaucoup plus rares (1-5 %). La spécificité des antisynthétases pourrait influencer la fréquence des signes cliniques de la maladie ainsi que la survie (14). 79
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Les myopathies nécrosantes à médiation immune : un groupe de myopathies inflammatoires de reconnaissance récente en expansion Les myopathies nécrosantes à médiations immunes sont un groupe de myopathies inflammatoires de reconnaissance assez récente dont l’histologie est trompeuse, car constituée principalement de nécrose sans infiltrat inflammatoire. Une telle histologie musculaire est le plus souvent causée par des toxiques (alcool, statines…) ou plus rarement une dystrophie musculaire. En fait, une étude attentive de l’histologie permet souvent de détecter la présence d’une microangiopathie, qui est similaire à celle observée au cours de la dermatomyosite. Certains auto-anticorps peuvent également être mis en évidence. Ceci peut redresser le diagnostic, ce qui est primordial car ces myopathies sont souvent corticorésistantes mais accessibles à des traitements immunomodulateurs plus puissants. ❚❚Les myopathies nécrosantes à médiation immune associées aux cancers Ces formes paranéoplasiques pourraient représenter 10 % des myopathies nécrosantes à médiation immune (15). Classiquement, elles se caractérisent par un déficit d’installation rapide, sévère avec une élévation très importante des CK mais corticosensibles. Le pronostic vital était le plus souvent lié au cancer. ❚❚Les myopathies nécrosantes à médiation immune avec anticorps anti-SRP. En 1986, a été décrite, chez un patient atteint de “polymyosite”, la présence d’auto-anticorps reconnaissant la sous-unité de 80
54 kDa de la signal recognition particule (un complexe ribonucléique qui permet l’adressage des protéines nouvellement traduites vers le réticulum endoplasmique) (16). Il est ensuite apparu que les patients porteurs de ces autoanticorps présentaient en fait un phénotype original, caractérisé par une atteinte musculaire plus sévère, d’apparition très rapide, une myolyse importante et une corticorésistance, alors que les signes extramusculaires – tels que la pneumopathie interstitielle, les arthrites, les éruptions cutanées, le syndrome de Raynaud – étaient rares. Il a aussi été démontré que l’histologie de ces patients se singularisait par une prédominance de la nécrose et une absence d’inflammation. La présence d’une cardiomyopathie et/ou de trouble du rythme au cours des myopathies inflammatoires à médiation immune est plus controversée. Récemment, il a été montré qu’un sous-groupe de patients plus jeunes pourrait en fait avoir une présentation chronique, et amyotrophiante qui peut simuler une dystrophie musculaire (17). ❚❚Les myopathies nécrosantes à médiation immune avec anticorps anti-HMGCR Récemment, une étude visant à identifier de nouveaux auto-anticorps chez 26 patients atteints de myopathies nécrosantes inexpliquées a mis en évidence, chez 16 patients, des auto-anticorps précipitant des protéines de 200 et 100 kDA. Ces patients avaient une présentation clinique stéréotypée caractérisée par une faiblesse musculaire proximale, une myolyse importante (CK >10 000 UI/l), des signes extra-musculaires rares ou au second plan. La proportion des patients qui avaient été exposés aux statines avant le développement de la maladie (63 %) était
significativement supérieure à celle observée dans le groupe des patients atteints d’autres myopathies inflammatoires. Il a ensuite été découvert que l’antigène était en fait la 3-hydroxy-3-methylglutaryl-coenzime A (HMG-CoA) reductase, la cible thérapeutique des statines (18). De façon importante, ces anticorps ne sont qu’exceptionnellement mis en évidence chez les patients traités par statines, y compris ceux présentant des effets secondaires musculaires banals (19). Selon le groupe ayant décrit ces auto-anticorps, les antiHMGCR pourraient être le deuxième anticorps le plus fréquent au cours des myopathies inflammatoires après les anti-Jo1 (20).
Les dermatomyosites : un ensemble hétérogène ❚❚Les dermatomyosites amyopathiques et les anticorps anti-MDA5 : le syndrome “dermato-pulmonaire” De la même façon que le syndrome des antisynthétases s’est individualisé comme une connectivite ne touchant pas forcément les muscles, il est apparu que certains patients pouvaient présenter, pendant des périodes prolongées (> 6 mois), des atteintes cutanées typiques de dermatomyosite sans atteinte musculaire cliniquement significative. Le terme de dermatomyosite amyopathique (dermatomyosite sine myositis) a été proposé pour désigner ces patients. Plus de 10 % de ces patients développaient une pneumopathie interstitielle qui pouvait être rapidement progressive et conduire au décès moins de 6 mois après le diagnostic de la maladie (21). Alors que ce sous-groupe phénotypique commençait à s’individualiser, en 2005, des anticorps dont la cible a été identifiée comme étant le melanoma differentiation-asRhumatos • Mars 2014 • vol. 11 • numéro 96
sociated gene 5 (MDA-5) – un récepteur de l’immunité innée impliqué dans la reconnaissance des virus – ont été décrits chez 13 à 15 % des patients atteints de dermatomyosite. Ces patients se distinguaient au plan clinique par une dermatomyosite amyopathique, un risque accru de développer une pneumopathie rapidement progressive et une mortalité plus importante (46 % à 6 mois) que les patients atteints de dermatomyosite sans anti-MDA-5 (22). Des manifestations cutanées particulières à ce sous-groupe de dermatomyosites ont aussi été décrites (23). Le terme de “syndrome dermato-pulmonaire” a été récemment proposé pour désigner ce sous-groupe de dermatomyosite. ❚❚Les dermatomyosites paranéoplasiques et les anticorps anti-TIF-1γ Un lien épidémiologique entre dermatomyosite et cancer a été très rapidement noté. Certaines caractéristiques épidémiologiques, cliniques et immunologiques démarquent clairement le sousgroupe des dermatomyosites paranéoplasiques. Ces formes touchent plus volontiers l’homme, âgé de plus de 50 ans, la présence d’une pneumopathie interstitielle est rare et au plan immunologique, il a été montré qu’une absence d’autoanticorps spécifiques ou associés aux myopathies inflammatoires détectables par les kits commerciaux (antisynthétases, anti-Mi-2, anti-SRP, anti-Pm-Scl, anti-Ku, anti-RNP) est un facteur prédictif de néoplasie (24). Récemment, un nouvel auto-anticorps dirigé contre le facteur de transcription TIF-1γ a été identifié, dont les valeurs prédictives positives et négatives pour le diagnostic d’une forme paranéoplasique de myopathie inflammatoire seraient respectivement de 58 % et 95 % chez l’adulte (25). La Rhumatos • Mars 2014 • vol. 11 • numéro 96
fréquence de cet auto-anticorps au cours des cancers en dehors des situations de myopathies inflammatoires n’est cependant pas connue et il n’est donc pas complètement exclu que cet auto-anticorps soit simplement un marqueur de néoplasie. L’existence d’anticorps dirigés contre une protéine voisine de TIF-1γ (TIF-1α) a d’ailleurs été décrite chez des patients atteints de cancer colique en dehors de situations de myosites (26). Néanmoins, les anticorps anti-TIF-1γ sont aussi décrits au cours de la dermatomyosite juvénile et, chez l’enfant, ces auto-anticorps ne sont pas associés au cancer. Ceci laisse penser que les anti-TIF-1γ jouent un rôle dans la physiopathologie de la dermatomyosite independamm-ent des cancers. ❚❚Les autres dermatomyosites D’autres sous-groupes de dermatomyosites pourraient être définis par la présence d’auto-anticorps spécifiques des myopathies inflammatoires. Les dermatomyosites à anticorps anti-Mi-2 Les anticorps dirigés contre l’antigène Mi-2 (le nucleosome remodelling and histone deacetylase [NuRD] complex, impliqué dans la transcription et la réparation de l’ADN), sont les premiers auto-anticorps à avoir été identifiés chez des patients atteints de dermatomyosites. Les dermatomyosites à anticorps anti-Mi-2 concerneraient 20 % des dermatomyosites (27) et seraient caractérisées par des lésions cutanées typiques, une faible fréquence de pneumopathie interstitielle, un faible risque de cancer associé, et une bonne réponse aux traitements immunomodulateurs. Tous ces éléments contrastent avec les dermatomyosites à anticorps anti-MDA-5 et anti-TIF-1γ.
Les dermatomyosites à anticorps anti-SAE Elles pourraient concerner 10 % des dermatomyosites et seraient caractérisées par un début amyopathique mais une progression vers une atteinte musculaire, en particulier œsophagienne et une faible fréquence de pneumopathie interstitielle (28). Les dermatomyosites à anticorps anti-NXP-2 Elles représenteraient 23 % des dermatomyosites juvéniles et seraient caractérisées par une plus grande fréquence de calcinose et de raideurs (29).
Conclusion : alors, que reste t-iL de la polymyosite ? Du statut de myopathie inflammatoire emblématique, hérité de ces premières descriptions, la polymyosite est maintenant une myopathie inflammatoire “en voie de disparition”. Les autres groupes de myopathies inflammatoires ont connu, au contraire un essor très important, grâce au progrès de l’histologie et, plus récemment, à l’apport des auto-anticorps. Si la polymyosite n’est peut-être pas une entité “mythologique”, ce diagnostic doit actuellement être un diagnostic d’élimination : les nouveaux cadres nosologiques qui ont émergé récemment ont des implications pronostiques importantes et bénéficieront probablement dans un avenir proche de stratégies thérapeutiques spécifiques de n mieux en mieux codifiées. Retrouvez la bibliographie complète de cet article sur rhumatos.fr
Mots-clés : Myopathies inflammatoires, Polymyosite, Dystrophies musculaires, Pièges diagnostiques, Auto-anticorps
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Bibliographie
DOSSIER
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SUIVI CHIRURGICAL
Activités physique et sportive après prothèses totales de hanche et de genou Le point de vue du rhumatologue n Les arthroplasties de hanche (PTH) et de genou (PTG) ont transformé le pronostic des arthroses sévères de ces articulations avec des résultats satisfaisants dans plus de 80 % des cas avec un recul supérieur à 10 ans. Le rhumatologue est souvent en première ligne pour le suivi et les conseils après prothèse. Le suivi chirurgical est parfois aléatoire et le patient consulte alors son rhumatologue, pose des questions ou sollicite des conseils. L’amélioration importante des possibilités fonctionnelles, l’augmentation de l’espérance de vie, le bon état général d’un nombre important de sujets âgés justifient la demande accrue et légitime d’une reprise ou de la mise en route d’une activité physique ou sportive.
Revue de la littérature La littérature est assez succincte en Europe, en particulier en France, dans le milieu rhumatologique.
Aux États-Unis En médecine du sport et aux États-Unis, elle est plus abondante, mais concerne les sports les plus pratiqués aux États-Unis et par fréquence : le golf, le tennis, le jogging. M.A. Mont et al. ont fait une étude dans un club de tennis (1) : 14 % des patients avec une PTH reprennent le tennis en simple, 34 % en double, 55 % ont abandonné définitivement ! Les études privilégient les PTH par rapport aux
PTG en raison du meilleur résultat fonctionnel. Il en résulte un consensus relatif des publications de médecine sportive (2) (Tab. 1).
En Europe En Europe, l’étude la mieux documentée en rhumatologie est le travail allemand réalisé par Hoch et al. dans le cadre de l’Ulm Osteoarthritis Study (Tab. 2 et 3) (3). On est surpris par le très grand pourcentage de sujets ayant eu une activité sportive (entre 94 et 97 %), mais ont été incluses comme “activité
Dr Frank Simon*
sportive” : la danse, le bowling et d’autres activités non prises en compte dans les séries habituelles ! Cette étude concerne la reprise du sport après PTH et PTG, 5 ans après la pose de la prothèse, dans une cohorte en milieu orthopédique sur 4 centres. On remarque que seul un tiers environ des patients avaient gardé une activité sportive au cours de l’évolution de leur arthropathie et que, parmi eux, la moitié a repris le sport pour les PTH et seulement un tiers pour les PTG. Les raisons évoquées au
Tableau 1 - Sports autorisés dans les publications nord-américaines. • Golf : 6 mois après la prothèse • Natation : 1 mois fonction de la cicatrisation • Vélo : 2 mois (risque traumatique) • Voile : 3 mois • Tennis en double : 6 à 7 mois après l’intervention au rythme de 3 fois par semaine au maximum.
*Rhumatologue, Institut Arthur Vernes, Paris VI
82
Rhumatos • Mars 2014 • vol. 11 • numéro 96
Activités physique et sportive après prothèses totales de hanche et de genou
renoncement à la reprise du sport sont : • des douleurs au niveau de leurs prothèses (12 %) ; • des douleurs rhumatologiques à d’autres topographies (rachis, etc.) (27 %) ; • par précaution (47 %) (précautions personnelles ou conseils du chirurgien ? Cette précision n’est pas donnée dans le texte !).
Tableau 2 - Patients de l’étude Ulm Osteoarthritis Study. • 809 patients : 420 PTH ; 389 PTG • Sujets de moins de 76 ans • Examen et questionnaire avant PT • Questionnaire par courrier 5 ans après • Questionnaire étendu : marche, randonnée, vélo, ski, natation, tennis, etc.
Tableau 3 - Reprise de l’activité sportive après PTH et PTG dans l’Ulm Osteoarthritis Study. Tous les patients ayant eu une activité sportive dans leur vie
97 % PTH, 94 % PTG
Pour la hanche
•3 6 % avaient gardé une activité sportive avant chirurgie • 52 % à continuer après chirurgie à 5 ans
Pour le genou
•4 2 % avaient gardé une activité sportive avant chirurgie • 36 % à continuer après chirurgie à 5 ans
Notre expérience Elle nous permet de formuler un “avis d’expert”, puisque l’auteur a dirigé un service de rhumatologie et de rééducation à orientation rhumatologique pendant 26 ans avec un recrutement de 400 prothèses environ par an. Nous raisonnerons sur l’influence de l’activité sportive sur les complications secondaires ou tardives (Tab. 4).
Tableau 4 - Complications tardives. Luxation
Descellement à 15 ans
Infection secondaire
Complications rotuliennes
Hanches
2 %
20 %
< 1 %
-
Genoux
0 %
10 %
< 10 %
3 à 20 %
Les complications
Les luxations se voient habituellement dans la période postopératoire où la reprise d’un sport n’est pas conseillée : elles se voient plutôt dans les voies d’abord postérieures ou postéro-externes (Fig. 1). Il faut ajouter à ces complications classiques et répertoriées dans la plupart des études, les fractures traumatiques près de la prothèse, rares mais graves et communes à toutes activités sportives sur cette population (âgée mais prête à prendre des risques !). Il existe à la jonction “queue de prothèse-diaphyse” fémorale une zone de fragilité. Au cours d’une chute banale ou d’un choc, la diaphyse osseuse peut se fracturer, par exemple au ski pendant une descente, mais souvent à la suite d’une chute à l’arrêt ou d’une percussion avec une tierce personne… Nous déconseillons donc la pratique du ski alpin et de fond, Rhumatos • Mars 2014 • vol. 11 • numéro 96
Figure 1 - Luxation de la prothèse de hanche gauche.
en particulier s’il s’agit d’un débutant ! Ces fractures, en général déplacées, nécessitent une ostéosynthèse, rarement une consolidation sans chirurgie (Fig. 2).
La question de la longévité de la prothèse Le problème essentiel est celui de
l’influence de l’activité sportive sur la longévité de la prothèse : “l’espérance de vie” d’une prothèse est supérieure à 10 ans, en moyenne aux alentours de 15 ans. Les reprises sont toujours possibles mais plus difficiles techniquement et augmentent le risque de sepsis. Le descellement peut 83
SUIVI CHIRURGICAL
Figure 2 - Fracture diaphysaire à la jonction tige métallique-os.
être évident, plus facilement visible sur la pièce fémorale (Fig. 3). L’usure de la pièce cotyloïdienne se voit aussi facilement (Fig. 4) même si on n’a pas la chronologie des clichés. ❚❚Différence entre les PTH et les PTG
Figure 3 – Descellement évident de la pièce fémorale.
en particulier, de la bonne réaxation de l’axe du membre inférieur plutôt que du type de prothèse. Les prothèses uni-compartimentaires posent les mêmes problèmes et les précautions restent les mêmes que pour les prothèses totales !
PTH Les PTH sont posées chez des patients plus jeunes ; les résultats sont plus brillants, aboutissant à une hanche indolore et d’amplitude normale correspondant à l’état de “hanche oubliée” telle que l’ont décrite Postel et Ker-
PTG Les PTG se posent chez des patients plus âgés dont le tableau, le plus fréquent, est une femme de plus de 70 à 75 ans, atteinte d’une gonarthrose évoluée, fémoro-tibiale interne sur genuvarum, souvent en surpoids ! Ce n’est guère le profil du patient qui demande à pratiquer une activité sportive ! Par ailleurs, le résultat fonctionnel (douleurs) et la récupération des amplitudes, en particulier en flexion, ne sont pas toujours satisfaisants. Le bon résultat dépend de l’excellence de la technique opératoire, 84
Figure 4 - Usure de la pièce cotyloïdienne sur une prothèse totale sur un cotyle vissé. Rhumatos • Mars 2014 • vol. 11 • numéro 96
Activités physique et sportive après prothèses totales de hanche et de genou
boull. Les demandes sont donc plus fréquentes, d’autant plus qu’il peut s’agir d’hommes jeunes (par exemple, de patients atteints d’ostéonécrose de hanche). L’usure va dépendre dans les PTH du type de la prothèse (métal-polyéthylène, céramique-céramique donc du coefficient de friction), du caractère cimenté ou non scellé de la fixation des pièces. La tendance actuelle est de proposer aux sujets plus jeunes des prothèses céramique-céramique non scellées qui ont un coefficient de friction plus bas que le gol standard qui reste la prothèse métalpolyéthylène Charnley-Kerboull. Exceptionnellement, les PTH céramique-céramique peuvent éclater, en particulier la tête fémorale au cours d’un saut intempestif, comme ce patient (Fig. 5) qui avait sauté d’un muret de 80 cm et pulvérisé sa tête fémorale céramique, nécessitant une reprise chirurgicale !
Attitude pratique Le sport : un objectif somme toute secondaire Dans la logique de la rhumatologie clinique, la pose d’une prothèse répond à un objectif principal qui est le retour à une fonction articulaire proche de la normale : avec des douleurs supportables ou absentes, des possibilités fonctionnelles compatibles avec une vie active et indépendante, personnelle, familiale et sociale. La reprise d’une activité sportive est un objectif secondaire, en l’absence d’indications cardiovasculaire, métabolique ou psychologique documentées. Notre attitude prudente n’est pas partagée par l’ensemble des chirurgiens orthopédistes Rhumatos • Mars 2014 • vol. 11 • numéro 96
Figure 5 - Éclatement de la tête fémorale céramique qui n’est plus visible sur le cliché de droite avec les débris dans le cul-de-sac inférieur.
qui sont souvent, plus “permissifs” et autorisent toute activité sportive. Les registres français sont récents et ne peuvent pas répondre à l’influence des activités physiques et sportives sur l’évolution des prothèses. Les contre-indications évidentes sont les sports d’équipe et de contact tels que le football, le rugby, le basket…, mais la demande n’est guère présente !
Sport permis Ce qui est permis et consensuel, c’est bien entendu la marche, souvent mal perçue comme une activité sportive par beaucoup de nos patients, en particulier du sexe masculin ! La natation, régulièrement évoquée et conseillée, est une bonne initiative mais abandonnée pour des problèmes pratiques ou climatiques. Le vélo ne pose aucun problème en appartement mais, à l’extérieur, expose au risque de chute, particulièrement en milieu urbain ! Le golf est autorisé, mais ce
n’est pas une demande courante chez beaucoup de nos patients. D’autres activités sont controversées et les données de la littérature manquent de précision ou d’évaluation. Le tennis, le ski et le jogging en font partie, pourtant très sollicités par nos patients.
Ce qui est déconseillé
Le tennis, que cela soit en simple ou en double, n’est pas conseillé. Les accélérations, les arrêts brutaux, les blocages sont des facteurs négatifs. On peut négocier si le niveau technique est bon et maîtrisé sur un terrain en terre battue. La pratique en double est aussi délétère que le simple ! Le ski alpin et de fond exposent au risque de chute et de fracture, même si le skieur se dit de bon niveau et affirme ne jamais tomber ! Les chutes surviennent à l’arrêt, souvent provoquées par une tierce personne. La course à pied et le jogging ne sont pas de bonnes pratiques en raison des vibrations et des 85
SUIVI CHIRURGICAL
microchocs qu’ils entraînent. Ils sont remplacés favorablement par la marche et les randonnées raisonnables. Une reprise chirurgicale d’une prothèse est une contre-indication absolue et définitive à une pratique sportive.
Ne pas oublier certains facteurs ! En fait, il s’agit de conseils logiques et compréhensibles mais ils sont rendus difficiles par certains facteurs subjectifs. En premier lieu, l’influence du praticien, orthopédiste ou rhumatologue : s’il est sportif, il a toutes les chances de conseiller une activité, s’il est sédentaire, cela sera le contraire ! De même, l’avis de l’entourage paramédical, familial ou médiatique joue un rôle ! Enfin, il faut savoir que, malgré nos arguments, les patients ne suivent pas nos conseils !
Conclusion Une activité sportive est un objectif secondaire dans l’évolution et le suivi d’une PTH ou PTG.
À retenir • L’objectif principal des prothèses n’est pas de reprendre une activité sportive. • Si celle-ci est reprise, elle doit être raisonnable et avec une bonne maîtrise technique, sans performance, de préférence avec un sport déjà pratiqué avant la prothèse. • La demande concerne plus les PTH (patients moins âgés que les PTG). • Ne pas oublier le risque traumatique avec chutes et possibilité de fracture sur des diaphyses fragilisées. • Privilégier la marche, la natation, le vélo d’appartement, le golf. Il faut se méfier du tennis et du ski. • Eviter la course à pied et le jogging. • Envisager chez un sujet jeune ou actif plutôt une PTH céramiquecéramique. • Pas de sport après une reprise de prothèse. • Conseils ou précautions sont souvent non suivis, en particulier par le sexe masculin ! • L’influence du praticien : s’il est sportif, il conseillera une acrivité sportive ! Elle se pose plutôt dans le cadre d’une reprise d’un sport déjà pratiqué et maîtrisé. Il faut tenir compte, non seulement du risque d’usure ou de descellement, mais aussi du risque traumatique (chute et fracture), rare mais grave. La reprise chirurgicale reste toujours une aventure à risque. n
Mots-clés :
Sport, Coxarthrose,
Gonarthrose, Arthroplastie totale
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Rhumatos • Mars 2014 • vol. 11 • numéro 96
Le coin des jeunes rhumatologues
Cryoglobulinémies Tout pour optimiser la prise en charge n Les cryoglobulines sont constituées d’immunoglobulines ayant la propriété de précipiter à une température inférieure à 37°C et de se redissoudre lors du réchauffement du sérum. Selon leur structure immunochimique, il existe trois entités différentes, les cryoglobulinémies de type I et les cryoglobulinémies mixtes de type II ou III. Les manifestations cliniques associent de façon variable une vascularite des vaisseaux de petit calibre, des microthromboses vasculaires et un syndrome d’hyperviscosité. Le purpura vasculaire reste la présentation clinique la plus habituelle. Les étiologies des cryoglobulinémies comprennent les syndromes lymphoprolifératifs, les maladies auto-immunes et les infections virales avec principalement le virus de l’hépatite C. Une meilleure connaissance de la physiopathologie des cryoglobulinémies a permis, ces dernières années, d’optimiser la prise en charge de ces patients. Cependant, leur pronostic est grevé par les atteintes d’organes nobles et les complications infectieuses des Dr Estibaliz Lazaro1, Dr Carine Greib1, Dr Cécile Contin-Bordes2, traitements immunosuppresseurs. Pr Marie-Sylvie Doutre3, Pr Jean-Luc Pellegrin1, Pr Jean-François Viallard1
Définition Les cryoglobulinémies se définissent par la présence dans le sérum d’un précipité apparaissant à une température inférieure à 37°C et disparaissant lors du réchauffement du sérum. Elles sont constituées d’immunoglobulines (Ig) qui selon leur type et leur clonalité permettent de distinguer trois entités immunochimiques (Fig. 1) (1) : • les cryoglobulines de type I formées d’une Ig monoclonale de type IgG ou IgM ; • Les cryoglobulines de type II
1 Service de médecine Interne, Centre François Magendie, CHU Bordeaux, Pessac 2 Laboratoire d’immunologie, Hôpital Pellegrin, CHU Bordeaux, Bordeaux 3 Service de dermatologie, Maison du Haut-Lévêque, CHU Bordeaux, Pessac
Rhumatos • Mars 2014 • vol. 11 • numéro 96
associant à un composant polyclonal IgG, IgM ou IgA un composant monoclonal IgM ou IgG définissant le type Iia ou un composant oligoclonal de type IgM et/ou IgG définissant le type IIa ; • Les cryoglobulines de type III contenant des IgM et des IgG polyclonales. Les formes de type II et III sont aussi désignées cryoglobulines mixtes du fait de la présence conjointe d’IgG et d’IgM.
Étiologies Les étiologies les plus fréquemment associées à une cryoglobulinémie sont les infections virales, les maladies auto-immunes et les hémopathies (2). Les cryoglobulinémies essen-
tielles représentent 10 à 25 % des formes rapportées (3).
Étiologies infectieuses Les étiologies infectieuses sont de façon très prédominante d’origine virale avec au premier rang le virus de l’hépatite C (VHC) (4). Il est classiquement associé aux cryoglobulinémies de type II. Le virus de l’hépatite B et le VIH, bien que moins fréquents, font également partie du bilan étiologique (3, 5). Selon le contexte clinique et en cas de négativité de ces sérologies virales, une recherche plus exhaustive est justifiée, des cryoglobulinémies étant aussi rapportées avec de nombreuses étiologies infectieuses virales, bactériennes ou parasitologiques (cytomégalovirus, parvovirus B19, 87
Le coin des jeunes rhumatologues
Figure 1 - Classification des cryoglobulines selon leur type immunochimique.
Figure 2 - Lésions dermatologiques secondaires aux cryoglobulinémies. A. Purpura vasculaire des membres inférieurs. B. Nécrose digitale.
Coxiella sp, Mycobacterium tuberculosis, Plasmodium…).
Étiologies auto-immunes Toutes les connectivites et les vascularites peuvent être associées à une cryoglobulinémie. Cependant, trois entités se détachent : le syndrome de Goujerot-Sjögren, le lupus érythémateux systémique et la polyarthrite rhumatoïde (2). Dans ce contexte, la cryoglobulinémie est le plus souvent asymptomatique ou transitoire. Au cours du syndrome de Goujerot-Sjögren, elle doit faire craindre l’existence d’une hémopathie lymphoïde associée. 88
Étiologies néoplasiques Les hémopathies lymphoïdes B constituent en effet une cause fréquente de cryoglobulinémies. Il s’agit plutôt de cryoglobulinémies de type I pour la maladie de Waldenstrom, le myélome multiple et la leucémie lymphoïde chronique alors que les lymphomes B sont volontiers associés aux cryoglobulinémies mixtes (6, 7).
Manifestations cliniques Les manifestations cliniques des cryoglobulinémies sont hétérogènes. Elles sont en rapport avec
une vascularite multisystémique et/ ou un syndrome d’hyperviscosité.
Vascularite cryoglobulinémique
L’association asthénie, arthralgie et purpura vasculaire est très caractéristique des cryoglobulinémies (3). Elle est rapportée chez 80 % des patients. Le purpura est le plus souvent pétéchial et prédomine aux membres inférieurs mais il peut être extensif, bulleux voire nécrotique et induire une perte de substance avec complications infectieuses (Fig. 2A et 2B) (3, 8). Les atteintes rénales sont présentes dans 20 à 30 % des cas Rhumatos • Mars 2014 • vol. 11 • numéro 96
Cryoglobulinémies
sous la forme d’une protéinurie, d’une hématurie, d’une hypertension artérielle avec ou sans insuffisance rénale. Il s’agit dans la majorité des cas d’une néphropathie glomérulaire (9). Les manifestations neurologiques, décrites dans près de la moitié des cas, sont principalement des neuropathies périphériques des membres inférieurs à prédominance sensitive (10). La prévalence des atteintes des autres organes est beaucoup plus rare et concerne moins de 5 % des patients (2). Les atteintes digestives prennent la forme de tableaux sub-ischémiques évoluant dans certains cas vers une perforation digestive. Les formes pulmonaires doivent être suspectées en cas de toux et de dyspnée associée. Elles sont en lien avec des hémorragies intra-alvéolaires ou des fibroses pulmonaires rapidement évolutives. L’atteinte neurologique centrale est la conséquence de lésions thrombotiques ou plus rarement hémorragiques localisées ou diffuses ce qui explique l’hétérogénéité des manifestations cliniques observées. Les atteintes myocardiques ou péricardiques sont exceptionnelles (11). L’enquête nationale Française CryoVas fait un état des lieux récent des manifestations cliniques des patients affectés d’une cryoglobulinémie en l’absence d’une infection par le VHC (12, 13). Dans cette série, l’atteinte cutanée, articulaire et neurologique prédomine dans les trois types. Les lésions cutanées ulcérées ou nécrotiques s’observent surtout dans le type I alors que l’atteinte rénale semble plus rare dans le type III (Tab. 1).
Syndrome d’hyperviscosité Il s’observe principalement avec les cryoglobulinémies de type I asRhumatos • Mars 2014 • vol. 11 • numéro 96
Tableau 1 - Prévalence des manifestations cliniques des cryoglobulinémies non liées au VHC rapportées au cours de l’enquête nationale Française CryoVas (exprimées en %) (12, 13). Caractéristiques cliniques (%)
Type I (n = 64)
Type II (n = 203)
Type III (n = 27)
Peau
86
85
70
Purpura
69
78
56
Acrocyanose
30
26
33
Nécrose
28
14
19
Ulcères
27
16
22
Système Nerveux
44
57
29
Central
0
1
7
Périphérique
44
56
22
Articulations
28
41
30
Arthralgies
20
30
27
Arthrites
8
11
3
Rein
30
38
15
Appareil digestif
0
6
0
Poumon
0
2
3
Cœur
0
0
0
sociées aux hémopathies (14). La présentation clinique habituelle associe des céphalées, un syndrome confusionnel, un flou visuel et des troubles auditifs.
Syndrome ischémique La précipitation intravasculaire de l’immunoglobuline peut induire une ischémie d’aval. Cela s’observe principalement avec les cryoglobulines contenant un composé monoclonal et dont le taux est élevé. Les manifestations cliniques sont souvent bruyantes, avec acrosyndrome sévère parfois compliqué de nécroses distales.
Diagnostic Diagnostic biologique L’identification de la cryoglobuline repose sur la qualité de la phase pré-analytique. Le prélèvement doit être effectué dans un tube sec sans gélose maintenu à 37°C
jusqu’à sa coagulation complète. Le tube est alors centrifugé à température ambiante et le sérum placé à 4°C. Compte tenu de la variabilité du temps nécessaire à la précipitation de la cryoglobuline (quelques heures à plusieurs jours), la présence du cryoprécipité est analysée après 7 jours révolus. Le cryoprécipité peut alors être dosé puis identifié par immunofixation (15). Le taux d’une cryoglobuline est très variable de 0,01 à 50 g/l. Les méthodes utilisées pour déterminer ce taux sont imprécises lorsque le cryoprécipité est peu important ; aussi, de franches variations de ce taux sont requises pour juger de l’efficacité d’un traitement. Une consommation de la fraction C4 du complément associée ou non à une perturbation de l’activité fonctionnelle de la voie classique et une augmentation du facteur rhumatoïde sont généralement associés aux cryoglobulinémies mixtes symptomatiques (16). 89
Le coin des jeunes rhumatologues
Diagnostic anatomopathologique Les lésions se caractérisent par la présence de dépôts de cryoglobulines et des lésions de vascularite affectant de façon prédominante les vaisseaux de petit calibre. Au sein de la lumière vasculaire, les cryoglobulines précipitent sous la forme de dépôts hyalins. Les parois vasculaires sont le siège d’un infiltrat inflammatoire éventuellement associé à de la nécrose fibrinoïde. L’immunofluorescence permet de détecter des dépôts endoluminaux d’IgM, d’IgG et de complément. L’atteinte rénale est majoritairement une glomérulonéphrite membrano proliférative mais elle peut être différente selon l’étiologie de la cryoglobulinémie (17). Sur les biopsies neuro-musculaires, il s’agit d’une atteinte à la fois axonale et démyélinisante, donc peu spécifique (18).
Aspects physiopathologiques Les cryoglobulinémies résultent d’une expansion lymphocytaire B clonale en lien avec un syndrome lymphoprolifératif ou réactionnelle à une infection chronique ou une maladie auto-immune (19). Le modèle physiopathogénique le mieux connu est celui de l’hépatite C. Dans le contexte de l’infection chronique virale par le VHC apparaît dans le sang circulant de ces patients une expansion clonale B. Celle-ci est de phénotype IgM+CD27+ et exprime une Ig hypermutée à activité pseudo-rhumatoïde avec restriction d’hétérogénéité VH1-69/JH4 et VH3-20 (20). Ces IgM présentent une réactivité croisée idiotypique avec des Ac dirigés contre le VHC et induits 90
Points Clés • Trois types de cryoglobulinémies selon les caractéristiques immunochimiques : - type I : Ig monoclonale ; - type IIa : IgM et/ou IgG monoclonale associée(s) à des IgG, IgA et/ou IgM polyclonales ; - Type IIb : IgM et/ou IgG oligoclonale associée(s) à des IgG, IgA et/ou IgM polyclonales ; - type III : IgG et/ou IgM polyclonales. • Une présentation clinique évocatrice : asthénie, arthralgies et purpura vasculaire • Trois étiologies à ne pas méconnaître : l’hémopathie lymphoïde, les maladies auto-immunes (syndrome de Goujerot-Sjögren, lupus, polyarthrite rhumatoïde), les infections virales (VHC). • Des traitements à moduler selon le retentissement clinique de la cryoglobulinémie. Le traitement étiologique, notamment anti-VHC reste essentiel. Parmi les immunosuppresseurs, le rituximab a une efficacité démontrée mais expose le patient à un risque de complications infectieuses sévères. Les échanges plasmatiques restent indiqués en cas de pronostic sévère. • Un pronostic corrélé à l’âge, l’atteinte rénale, digestive et pulmonaire.
par la protéine d’enveloppe virale E2. Cela aboutit à la constitution d’une cryoglobulinémie mixte au sein de laquelle de l’ARN viral peut être mis en évidence (21, 22). Via leur interaction avec la fraction C1q du complément, les cryoglobulines sont capables d’activer la voie classique du complément à l’origine de l’inflammation endothéliale (23). La précipitation des cryoglobulines au niveau microvasculaire, favorisée par la baisse de la température, le pH et la charge ionique induit une thrombose vasculaire. Celle-ci s’observe préférentiellement avec les cryoglobulines de type I alors que les lésions de vascularite sont plutôt l’apanage des cryoglobulinémies mixtes.
Traitement Le traitement des cryoglobulinémies dépend de l’étiologie et du
degré de sévérité clinique. Il fait appel aux corticoïdes, aux immunosuppresseurs ou au rituximab. Les échanges plasmatiques restent recommandés lorsque l’atteinte est sévère avec mise en jeu du pronostic vital dans l’attente que les traitements conventionnels soient efficaces. Les immunosuppresseurs les plus utilisés sont l’azathioprine, le cyclophosphamide et le mycophénolate mofétil, cependant aucun essai clinique n’a été réalisé avec ces molécules dans cette indication (2). L’utilisation du rituximab est plus récente et son intérêt démontré dans les cryoglobulinémies mixtes liées à l’hépatite C (24-26). Au cours des cryoglobulinémies mixtes non infectieuses, l’association rituximab-corticoïdes semble être la stratégie la plus efficace, mais la plus risquée sur le plan infectieux dans la plus vaste série rétrospective publiée (CryoVas) (12). Rhumatos • Mars 2014 • vol. 11 • numéro 96
Cryoglobulinémies
Au cours de l’hépatite C, le traitement antiviral doit être privilégié, l’association aux corticoïdes et/ou immunosuppresseurs dépendant de la sévérité des manifestations cliniques. Le traitement des cryoglobulinémies liées aux hémopathies repose sur le rituximab associé à une chimiothérapie (13). De façon plus récente, l’utilisation d’interleukine-2 à faible dose a été proposée chez 10 patients affectés d’une cryoglobulinémie mixte liée au VHC et résistante au traitement antiviral et au rituximab (27). L’objectif était de suppléer au déficit en lymphocytes T régulateurs de phénotype CD4+CD25highCD127Foxp3+ (LTRegs) classiquement observé chez ces patients. Une
amélioration clinique a été rapportée chez 8 sur 10 d’entre eux de façon concomitante à l’augmentation des LTregs.
Pronostic Dans environ la moitié des cas, les cryoglobulinémies sont peu sévères à modérées, sans atteinte d’organes nobles. Les facteurs de mauvais pronostic sont l’âge supérieur à 65 ans, le sexe masculin, l’hépatite C et l’existence d’une atteinte rénale, digestive ou pulmonaire. L’âge et l’existence d’une de ces atteintes permettent de définir un score de gravité hautement corrélé au pronostic des patients atteints d’une cryoglobulinémie mixte non infectieuse (28). Le pro-
nostic est par ailleurs conditionné par le risque d’hépatocarcinome ou de lymphome sous-jacent et par les thérapeutiques immunosuppressives, particulièrement le rituximab, qui exposent le patient à des complications infectieuses graves (29). Les taux de survie restent élevés dans les cryoglobulinémies de type I (87 % à 10 ans) (13) alors qu’ils sont estimés à 67 % à 10 ans au cours des cryoglobulinémies mixtes non infectieuses (28). Au cours des cryoglobulinémies liées au VHC ce taux de survie à 10 ans est de 63 % (30). n
Mots-clés : Cryoglobuline, Cryoglobulinémie, Vascularité, Virus de l’hépatite C, Lymphome, Maladie auto-immune
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rendez-vous de l’industrie
RHUMatismes inflammatoires
Comprendre l’impact des peurs et des croyances des patients
son médecin, ce qui permet d’enrichir le dialogue lors des consultations. n Pour en savoir plus : www.ucb-france.fr, sfr.larhumatologie.fr
L
ors de la 6e Journée nationale de la section Éducation thérapeutique (ETP) de la Société Française de Rhumatologie (SFR), le laboratoire UCB a organisé un symposium intitulé « Le patient acteur de sa santé : surmonter les craintes pour plus d’autonomie ». La première partie du symposium était consacrée aux peurs et aux croyances des patients atteints de rhumatismes inflammatoires chroniques. Le laboratoire UCB et la Fondation Arthritis se sont associés en 2011 pour mener la première étude sur le sujet : l’étude EPOC (Étude patient : opinions et craintes), en interrogeant 50 patients sur leur ressenti de la maladie, son impact sur la vie quotidienne et sur la qualité de la prise en charge. Une nouvelle phase, qui débutera en avril 2014, va mesurer chez 1 000 patients souffrant de polyarthrite rhumatoïde ou de spondyloarthrite les peurs et les croyances liées à la maladie, grâce à un questionnaire. Les patients seront recrutés via 250 rhumatologues. Les résultats sont prévus pour 2015. La deuxième intervention portait sur l’accompagnement pour l’exercice physique des patients atteints de spondyloarthrite, avec un focus sur le rôle d’une association de patients. Parmi ceux atteints de spondyloarthrite, 57 % ne font plus d’activité physique, car ils pensent qu’elle est source de douleurs et de blessures. Il s’agit d’une croyance, car l’exercice physique réduit les symptômes d’ankylose articulaire, diminue la sensation de raideur. Les associations de patients, telle que l’ACS (qui a organisé une ascenscion du Mont-Blanc par des patients atteints de spondyloarthrite) peuvent inciter à poursuivre une activité sportive malgré leur rhumatisme inflammatoire. La dernière présentation, sur les outils digitaux, montrait comment ceux-ci pouvaient faciliter la relation médecinmalade. La qualité de la relation entre le médecin et son patient joue un rôle important dans la prise en charge de sa pathologie, en particulier pour les maladies chroniques. Des outils de communication, telle que la plateforme Sanoïa, offrent au patient la possibilité de stocker des données sur sa pathologie, ses traitements, et de les partager avec
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Dispositif médical
Nouveautés pour la ceinture Lombatech®
L
e leader européen du dispositif médical, Thuasne, renouvelle sa ceinture lombaire Lombatech®. Parmi les innovations, la nouvelle conception de la sangle additionnelle, offrant davantage d’aisance à l’utilisation de la ceinture et le tissu Coolmax®, intégré au plastron dorsal, qui permet à la peau de respirer. Une taille supplémentaire vient s’ajouter à celles de la gamme : la taille 5, permettant l’utilisation de la ceinture jusqu’à 160 cm de tour de taille. Son tarif LPPR est de 47,19 € pour le modèle de 21 cm, et de 55,86 € pour le modèle 26 cm. n Pour en savoir plus : www.thuasne.fr
Traumatologie
Lancemement d’une nouvelle attelle de cheville
L’
A2T® (attelle talo-tarsienne), conçue par Cizeta Ortò, la branche orthopédique de Cizeta Medicali, est une orthèse stabilisatrice légère en polymère thermoplastique, qui permet l’immobilisation de la cheville avec et sans chaussures. Elle limite les mouvements de varus et de valgus de la cheville et empêche la flexion plantaire tout en laissant libre la dorsiflexion. Ainsi, l’A2T® bloque les mouvements d’abduction, d’adduction et de prono-supination du pied. Sa forme ne comprime pas les zones œdématiées afin de faciliter le traitement par cryothérapie. Cette attelle est efficace sur les entorses moyennes à graves. Elle existe en taille unique. Son tarif de remboursement LPPR est de 27,44 €. n Pour en savoir plus : www.cizetamedicali.fr
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