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COMPRENDRE

OCMR : un SAPHO pédiatrique ? Des points communs n L’Ostéite chronique multifocale récidivante (OCMR) est une maladie rare, encore mal connue des praticiens. L’OCMR a de nombreuses caractéristiques cliniques, biologiques, radiologiques et physiopathologiques en commun avec le syndrome SAPHO. Mais s’agit-il de la forme juvénile de cette affection ?

Introduction

Les Ostéites chroniques multifocales récidivantes (OCMR) ou Ostéites chroniques non bactériennes (OCN) appartiennent au groupe des maladies rares (OMIM#259680) dont la prévalence, probablement sous-estimée, est évaluée à 1-2 cas par million d’habitants (Orphanet.net). Décrite en 1972 par Giedon (1), cette maladie se caractérise par de douloureuses poussées inflammatoires osseuses récidivantes traduisant la présence d’ostéites multiples aseptiques. Récemment, une étude française multicentrique a permis, pour la première fois, d’identifier 3 sous-groupes homogènes de patients OCMR ayant des caractéristiques démographiques, cliniques, biologiques et pronostiques distinctes. Les principaux diagnostics différentiels, notamment des formes monofocales, sont les ostéomyélites septiques ou les tumeurs osseuses primitives, ce qui nécessite une biopsie osseuse et parfois l’instauration

*Service de Rhumatologie A, Université Paris Descartes, APHP, Hôpital Cochin, Paris

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Dr Julien Wipff*

d’une antibiothérapie d’épreuve. Le traitement des OCMR n’est actuellement pas codifié. Les Anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) sont assurément la première ligne de traitement avec une excellente efficacité. En cas d’échec dans les formes les plus sévères, peuvent se discuter les DMARDs, les bisphosphonates et les biothérapies de type antiTNFα. L’OCMR a tout d’abord été rapprochée des spondyloarthropathies. Cependant, la description d’association non exceptionnelle d’OCMR avec un psoriasis ou une maladie inflammatoire chronique de l’intestin (maladie de Crohn ou rectocolite hémorragique), et les résultats d’études génétiques récentes dans les formes murines (CMO) et dans le syndrome de Majeed, suggèrent que les OCMR pourraient plutôt appartenir au groupe des maladies auto-inflammatoires. L’OCMR est considérée par de nombreux auteurs comme la forme pédiatrique du syndrome SAPHO (Synovite, Acné, Pustulose, Hyperostose, Ostéite) décrit dès 1987 (2). Les avancées récentes concernant la compré-

hension des OCMR (clinique, évolution, imagerie, physiopathologie et traitements) permettent de placer les OCMR dans le spectre des maladies auto-inflammatoires à expression osseuse, mais peuton dire que l’OCMR est un simple SAPHO pédiatrique ?

Comment faire le diagnostic ?

Le diagnostic d’OCMR repose sur un faisceau d’arguments positifs et négatifs. En effet, non seulement il faut collecter des arguments en faveur du diagnostic, mais il faut aussi, le plus souvent, avoir suffisamment d’arguments pour éliminer les principaux diagnostics différentiels (ostéomyélite infectieuse, tumeur osseuse, histiocytose langerhansienne).

Aspects cliniques

Les OCMR débutent en moyenne vers l’âge de 10 ans (3-5) et sont plus fréquentes chez les filles (3-7). Le diagnostic par rapport au début des symptômes, est posé avec un retard de 18 mois en moyenne, de quelques semaines à plusieurs années (3, 5). Rhumatos • Mars 2014 • vol. 11 • numéro 96


OCMR : un SAPHO pédiatrique ?

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Figure 1a - Radiographie de cheville droite montrant une lésion lytique d’OCMR de la métaphyse inférieure tibiale avec respect de la physe.

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Figure 1b - Radiographie de cheville droite montrant une lésion sclérotique d’OCMR de la métaphyse inférieure tibiale avec respect de la physe. Figure 1c - Radiographie de l’humérus gauche montrant une lésion diaphysaire lytique dans le cadre d’une OCMR. Figure 1d - Radiographie des clavicules montrant des lésions bilatérales hyperostotiques de la partie interne des clavicules dans le cadre d’une OCMR.

La pierre angulaire faisant évoquer le diagnostic est la présence de douleurs osseuses. Celles-ci sont principalement localisées au niveau métaphyso-épiphysaire des os longs avec, par ordre de fréquence : la partie distale puis proximale du tibia, le pelvis, la partie proximale du fémur, la clavicule et le calcanéum (3-5, 7, 8). Les fréquences décrites pour l’atteinte vertébrale varient selon les séries rétrospectives entre 4 et 30 % (3-5, 7, 9). Dans l’étude française multicentrique, l’atteinte clinique vertébrale était présente dans 8 % des cas. D’autres localisations, classiquement rapportées dans les OCMR, sont évocatrices de cette pathologie comme l’atteinte sternale, claviculaire ou mandibulaire. Les poussées douloureuses Rhumatos • Mars 2014 • vol. 11 • numéro 96

osseuses peuvent s’accompagner de fièvre (environ 20 %). Non exceptionnellement, une atteinte extraosseuse personnelle (12 % dans l’étude française) ou familiale (32 % dans l’étude française) s’associe au tableau osseux. Les atteintes extraosseuses les plus fréquentes sont cutanées comme une pustulose palmoplantaire (3, 6, 7, 10), un psoriasis (4, 10), de l’acné (15) ou un syndrome de Sweet (16, 17). Une maladie de Crohn peut également s’associer aux OCMR (4, 7, 1114). Bien que les premiers symptômes apparaissent relativement tôt, il a été montré que, selon les séries, la maladie restait active dans 25 % à 59 % des cas lors d’un suivi médian de plus de 10 ans (3, 4, 18). La présence de séquelles liées aux OCMR a longtemps été considérée

comme négligeable. Cependant, des données récentes suggèrent que la proportion de patients présentant des séquelles physiques invalidantes pouvait aller jusqu’à 50 % (4). Ces séquelles sont essentiellement des douleurs chroniques et des déformations osseuses et rachidiennes dues à des vertebra plana ou des fractures vertébrales. Elles peuvent avoir des conséquences psychologiques majeures, notamment pour les déformations visibles (mandibule, clavicule) pouvant nécessiter une chirurgie plastique, à but esthétique (3, 4).

Aspects biologiques

Les poussées douloureuses osseuses sont associées dans environ 2/3 des cas (3) à des anomalies des paramètres inflammatoires. 67


COMPRENDRE Cependant, ces paramètres sont généralement modérément augmentés (3, 19). La fréquence du HLA B27 est strictement similaire à celle de la population générale.

Aspects radiologiques

L’utilisation récente de l’Imagerie par résonance magnétique (IRM) corps entier amène à discuter la place respective des différents examens d’imagerie. Les radiographies restent l’imagerie de première intention devant toute douleur possiblement osseuse ou boiterie survenant chez un enfant. Dans les OCMR, les radiographies sont souvent normales au début. Les premiers

signes concernent souvent les métaphyses, à proximité de la plaque de croissance (Fig. 1a). Ultérieurement, les lésions osseuses peuvent êtres lytiques pures, condensantes pures ou mixtes, le plus souvent sans réaction périostée (Fig. 1b) (19). Des lésions avec lyse corticale et/ ou d’appositions périostées ont été décrites (5), lésions d’autant plus inquiétantes qu’elles sont uniques. Les principaux diagnostics différentiels sont l’ostéomyélite, les tumeurs osseuses primitives, les lymphomesetl’histiocytoselangerhansienne. Les lésions d’OCMR peuvent également être diaphysaires (Fig. 1c) (19). La fréquence de l’atteinte vertébrale est très variable (3 à 25 %) selon les études (3, 20). L’atteinte vertébrale peut se compliquer d’aspect de vertebra plana et de tassements vertébraux (7, 8), et le principal diagnostic différentiel est alors l’histiocytose langerhansienne. Le caractère multifocal de l’atteinte osseuse et l’atteinte métaphysaire sont des éléments diagnostiques majeurs permettant de suspecter rapidement une OCMR et d’éviter au patient une

biopsie osseuse invasive. Actuellement, deux examens permettent la détection infraradiologique d’atteintes simultanées dont la scintigraphie osseuse qui permet de réaliser une cartographie des lésions osseuses (Fig. 2), le nombre de ces lésions étant décrit par certains auteurs comme prédictif de la persistance des symptômes (3). Cependant, cet examen a des limites : les cartilages de croissance sont physiologiquement hyperfixants et l’irradiation inhérente à cette technique d’imagerie. Il a récemment été démontré que l’IRM corps entier a une meilleure sensibilité que la scintigraphie (21), mais son développement est encore freiné par la longueur et le coût de l’examen. L’IRM permet une description anatomique des lésions osseuses (Fig. 3), mais également des parties molles. Les lésions d’ostéite inflammatoire apparaissent en hyposignal T1 et hypersignal T2. Fritz et al. ont récemment démontré, grâce à l’IRM, que les anomalies épiphysaires étaient fréquemment associées aux localisations métaphysaires (67 %) (8, 22). La détection

Figure 2 – Scintigraphie osseuse montrant des lésions hyperfixantes

a)

multiples (cheville droite, péroné gauche, hémibassin droit, coxo-

Figure 3 – a) IRM corps entier montrant des ostéites multiples dont certaines sont

fémorale droite) dans le cadre d’une

symétriques b) IRM localisée montrant une atteinte inflammatoire métaphyso-épiphy-

ostéite chronique multifocale récidi-

saire de la cheville c) IRM localisée montrant une atteinte diaphysaire du fémur gauche

vante.

avec une réaction des tissus mous.

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OCMR : un SAPHO pédiatrique ?

des patients ayant une atteinte épiphysaire pourrait avoir une importance pronostique, car ce type d’atteinte semble corrélé au risque de troubles de croissance osseuse (23). De plus, l’IRM a l’avantage de préciser les atteintes synoviales de proximité (7, 8, 22).

un arbre décisionnel diagnostique qui permet de porter le diagnostic d’OCMR sans avoir recours systématiquement à une biopsie (27). Ce score nécessite, cependant, une validation dans une cohorte plus importante et en prospectif.

Aspects anatomopathologiques

Pronostic des OCMR : 3 sous-groupes distincts

Chez l’enfant, l’aspect clinique et radiologique inquiétant ou non spécifique d’une lésion unique osseuse impose une biopsie osseuse chirurgicale ou radioguidée ayant pour but d’éliminer une origine septique (mise en culture impérative) ou tumorale. Cet examen invasif devient le plus souvent inutile en cas d’atteinte plurifocale. Les études histologiques à partir des biopsies osseuses dans les OCMR (7, 24) décrivent un aspect d’ostéite non spécifique : une phase précoce avec présence de nombreux neutrophiles, d’éléments gigantocellulaires et de plages d’ostéolyse et une phase plus tardive caractérisée par une formation osseuse réactionnelle, une sclérose et une prédominance de lymphocytes (24). D’autres auteurs n’ont pas confirmé cette corrélation entre les lésions histologiques et l’évolution en montrant que des lésions aiguës, subaiguës et chroniques pouvaient coexister au sein d’une même biopsie (25, 26).

Score diagnostique

Récemment, Jansson et al. ont proposé un score pour uniformiser le diagnostic des OCMR et éviter les examens invasifs inutiles (biopsie) (27). À partir d’une cohorte rétrospective de 224 patients dont 102 étaient des OCMR et 122 d’autres diagnostics regroupant des tumeurs malignes ou bénignes et des ostéites infectieuses, les auteurs ont construit un score sur 63 dont les paramètres sont pondérés. Ce score a été intégré à Rhumatos • Mars 2014 • vol. 11 • numéro 96

Jusqu’à aujourd’hui, la distinction entre les différentes formes des OCMR était basée sur la différenciation entre les formes cliniques monofocales et multifocales. À partir des données d’une étude française multicentrique rétrospective, une analyse par cluster a permis d’identifier 3 sous-groupes distincts de patients OCMR. Le premier groupe comprend des patients (garçons 100 %) avec une atteinte multifocale aux premiers symptômes (97 %) fréquemment associée à un syndrome inflammatoire (72 %). Ce premier groupe a le pire pronostic puisqu’après en moyenne 4 ans d’évolution des symptômes, seulement 22% de ces patients sont en rémission douloureuse malgré l’utilisation de bisphosphonates et/ou anti-TNFα chez un tiers d’entre eux. Le deuxième sous-groupe est représenté par des patientes (filles 73 %) ayant une atteinte monofocale aux premiers symptômes (80 %) fréquemment localisée à la clavicule (43 %) sans syndrome inflammatoire (74 %). Ce sousgroupe a le meilleur pronostic avec 49 % de rémission douloureuse sans utilisation de bisphosphonates et/ou anti-TNFα (seulement 2 %). Le troisième groupe (filles [95 %] avec atteinte multifocale [91 %] et syndrome inflammatoire [56 %]) dit « intermédiaire » avec un taux de rémission douloureuse de 48 %, mais nécessitant l’utilisation de bisphosphonates et/ou anti-TNFα chez 13 % des patientes

de ce groupe. Cette distinction pourrait permettre à l’avenir une prise en charge plus adaptée à chaque cas, notamment une thérapeutique plus agressive chez les jeunes garçons présentant une forme multifocale d’emblée avec syndrome inflammatoire.

Physiopathologie des OCMR

La physiopathologie des OCMR reste actuellement incertaine. Les OCMR étaient jusqu’à récemment considérées comme appartenant au sous-groupe des arthrites juvéniles avec enthésites ou spondyloarthrites juvéniles selon la classification d’Edmonton (28). Actuellement, il semble que les OCMR soient plutôt proches du groupe des maladies autoinflammatoires, maladies se caractérisant par le rôle central de l’interleukine-1 bêta (IL-1) par activation de l’inflammasome (Fig. 4), pour plusieurs raisons : • La première est que les spondyloarthropathies elles-mêmes pourraient se rapprocher de ce groupe. En 2006, McGonagle et al. (29) ont suggéré l’existence d’un continuum entre les pathologies auto-immunes et les pathologies auto-inflammatoires. Les spondyloarthropathies au sens large, le psoriasis ou les uvéites seraient situés au centre de ce spectre, c’està-dire avec des caractéristiques d’auto-immunité et d’auto-inflammation. • Deuxièmement, il a été décrit des associations entre OCMR et syndrome de Sweet (16, 17, 30, 31) ou maladie de Crohn (4, 7, 11-14), deux pathologies auto-inflammatoires multifactorielles (29). • Troisièmement, les études histologiques des OCMR suggèrent une pathogénie proche des syndromes auto-inflammatoires. En effet, les infiltrats inflammatoires généralement décrits lors de la phase pré69


COMPRENDRE coce sont constitués de nombreux neutrophiles, cellules centrales des maladies auto-inflammatoires comme dans le PAPA syndrome, d’éléments gigantocellulaires et de plages d’ostéolyse (7, 24). Plus récemment, une nouvelle maladie mendélienne auto-inflammatoire, appelée DIRA, associant des ostéites lytiques multiples aseptiques, une périostite et une pustulose, a été décrite. L’apparition des symptômes est plus précoce que dans l’OCMR et le phénotype plus sévère avec un pronostic vital engagé (3 patients sur 9). La particularité des ostéites est leur caractère lytique soufflant des côtes, caractéristique absente dans l’OCMR. Plusieurs mutations du gène IL1RN codant pour une protéine antagoniste du récepteur de l’IL-1 ont été identifiées (32). • C’est finalement l’étude de modèles murins OCMR qui a permis de focaliser les études génétiques sur un gène d’intérêt : PSTPIP2. L’implication d’une mutation du gène PSTPIP2 codant pour la protéine Proline Serine Threonine phosphatase interacting protein 2, localisé sur le chromosome 18, a été démontrée comme responsable du phénotype des souris cmo (33). Bien que le rôle exact de la protéine pstpip2 reste indéterminé, il est intéressant de noter que ces résultats concernent une protéine de la famille des PSTPIP. Cette famille est déjà impliquée en pathologie humaine, puisque des mutations du gène PSTPIP1, codant pour une protéine intervenant dans la régulation de la pyrine, sont responsables d’une maladie auto-inflammatoire appelée PAPA syndrome (OMIM#604416). Cette affection est caractérisée par la présence d’arthrites stériles neutrophiliques destructrices et d’atteintes cutanées comme une acné kystique, des abcès dermiques stériles ou des lésions de pyoderma gangrosum (34). PST70

Figure 4 - Schéma des différents acteurs de l’inflammasome NALP3 (cryopyrine) impliqués dans les maladies auto-inflammatoires. NALP3 inflammasome est un complexe protéique constitué de NALP3 (forme inactive repliée sur son domaine riche en leucine [LRR]), la protéine ASC et Cardinal. NALP3 se lie à la protéine ASC par son domaine pyrine (PyD) et à Cardinal par son domaine NAD (NACHT-associated domain). L’inflammasome NALP3 va alors lier la pro-caspase 1 et permettre son clivage en caspase 1 active qui ensuite va activer à son tour l’interleukine-1 (IL-1) ou l’interleukine-18 (IL-18). Une régulation de la voie NALP3 inflammasome par la pyrine existe. La pyrine semble entrer en compétition avec NALP3 et la pro-caspase 1 pour lier ASC et donc inhiber l’activation de cette voie de signalisation. Par ailleurs, PSTPIP1 (Proline Serine Threonine phosphatase interacting protein 1) inhibe la pyrine en se liant à elle. Des mutations du gène codant pour PSTPIP1 connues pour augmenter son affinité pour la pyrine sont décrites dans une maladie auto-inflammatoire (PAPA syndrome). Parallèlement, il a récemment été démontré dans les OCMR une répression de la synthèse de l’interleukine-10, déséquilibrant la balance cytokinique vers un profil inflammatoire (36).

PIP1 est une protéine connue pour avoir la capacité de lier la pyrine, régulateur inhibiteur de l’inflammasome NALP3. En 2005, Ferguson et al. ont identifié le gène responsable du syndrome de Majeed (OMIM#609628), un syndrome autosomique récessif associant un phénotype sévère d’OCMR avec des ostéites florides, subintrantes et une anémie dysérythropoïétique : le gène LPIN2 localisé en 18p11.31 (35). Le rôle fonctionnel de LPIN2 dans le syndrome de Majeed n’est pas élucidé. • Enfin, récemment, une équipe américaine a démontré une diminution d’expression de l’interleukine-10 (IL-10) par les monocytes de patients CRMO. Cette différence par rapport aux contrôles serait expliquée par un plus faible recrutement de Sp1 et par une

diminution de la phosphorylation d’H3S10, deux facteurs de transcription de l’IL-10. L’IL-10 est une cytokine anti-inflammatoire, intervenant déjà dans des pathologies médiées par le lymphocyte comme le lupus, la polyarthrite rhumatoïde ou les maladies virales, donc sa faible expression pourrait participer aux processus inflammatoires et expliquer la fréquence de l’infiltrat lymphocytaire osseux (36).

Traitement

Le traitement des OCMR n’est actuellement pas codifié. Malgré l’absence d’étude randomisée contre placebo, certains consensus peuvent être établis dans la prise en charge de ces patients. La première ligne de traitement Rhumatos • Mars 2014 • vol. 11 • numéro 96


OCMR : un SAPHO pédiatrique ?

semble indiscutable, ce sont les AINS. Ils sont utilisés soit au moment des crises, soit au long cours comme traitement de fond afin d’éviter de nouvelles poussées osseuses. Aucun AINS n’a démontré sa supériorité par rapport à un autre, mais leur efficacité est certaine. Si les AINS sont insuffisants, deux traitements principaux sont alors à envisager : les bisphosphonates et les anti-TNFα. D’autres traitements comme l’azythromycine, l’interféron, la sulfasalazine, le méthotrexate, les immunoglobulines intraveineuses et la colchicine (3-8) ont été essayés de façon plus anecdotique. Bien que la corticothérapie orale soit a priori efficace (37, 38), cette thérapeutique doit non seulement être limitée dans le temps, mais également dans la dose prescrite compte tenu des effets secondaires d’une corticothérapie prolongée sur la croissance. L’efficacité des bisphosphonates a été évoquée dès 2004 (3-5, 9,

39-41). Leur efficacité antalgique pourrait être rapide puisque Miettunen et al. (41) note une quasidisparition des douleurs chez leurs neuf patients dans les 48 heures suivant la perfusion. Cependant, beaucoup de points concernant l’utilisation des bisphosphonates dans l’OCMR restent en suspens : dose de Pamidronate ? Fréquence des perfusions ? Potentiels effets indésirables même à distance du traitement ? Tous les registres sont actuellement rassurants visà-vis de l’ostéonécrose de la mâchoire qui semble survenir chez les patients âgés dans un contexte de traitement de néoplasie ; aucun cas n’a été publié chez les enfants, notamment dans les cohortes de patients ayant une ostéogenèse imparfaite (42). Enfin, pour certaines formes réfractaires, les biothérapies comme les anti-TNFα ou les anti-IL-1 ont été utilisés avec succès dans l’ensemble (3, 19, 43, 44). Récemment, Eleftheriou et al. ont rapporté

4 cas d’OCMR traités par biothérapie (anti-TNFα et/ou anakinra) avec une revue de la littérature répertoriant une vingtaine de cas d’OCMR traités par infliximab ou étanercept (45) : ces données montrent que ces traitements ont une efficacité certaine et prolongée, mais avec de possibles effets secondaires infectieux. Récemment, deux patients atteints du syndrome de Majeed ont été traités avec efficacité par l’anakinra (46). Les auteurs concluent que « la voie de signalisation de l’IL-1 est impliquée dans la physiopathologie des maladies avec ostéites aseptiques suggérant qu’une dysrégulation de cette voie interviendrait dans des maladies multifactorielles telles que les OCMR et/ou le syndrome SAPHO ».

OCMR : un SAPHO pédiatrique ?

L’étude des caractéristiques cliniques, biologiques, radiologiques

Tableau 1 - Comparaison OCMR / SAPHO. OCMR SAPHO Âge de début des symptômes 9,86 ± 3 ans 28,6 ± 13,7 (4-63) Sex Ratio (F/G) 70 % / 30 % 58 % / 42 % Localisation clinique des ostéites Sternum +/- clavicule = 12 % Sternum +/- clavicule = 63 % Vertébrale = 9 % Vertébrale = 33 % Os périphériques = 66 % Os périphériques = 6 % Atteinte cutanée (PPP, acné, psoriasis) 13 % 84 % Arthrite périphérique 12 % 36 % Syndrome inflammatoire 67 % 65 % HLA B27 8 % 13 % Anatomopathologie Ostéite stérile (neutrophiles, Ostéite stérile (neutrophiles, lymphocytes, remodelage) lymphocytes, remodelage) P Acnes + en culture 5 % 7 % (Littérature = 42 %) Atteinte structurale osseuse Lésions lytiques, sclérosantes Lésions sclérosantes (+++), (33 %) ou mixtes lytiques ou mixtes Physiopathologie - Fond génétique ++ (âge pédia- - Fond génétique + trique) - Facteur déclenchant possible - Facteur déclenchant possible = infection ? = infection ? - Déséquilibre cytokinique - Activation de la voie des Toll (répression IL-10) Like Receptors - Voie des PSTPIP (Fig. 4) - Activation IL-1, 8, 18 et TNFα Traitement - AINS - AINS - Bisphosphonates et/ou - Bisphosphonates ou biothérapie (14 %) biothérapie - DMARDs (MTX ou SLZ = 18 %) - DMARDs (MTX = 8 %) OCMR : Ostéites chroniques multifocales récidivantes, SAPHO : Synovite, acné, pustulose, hyperostose, ostéite, F : Filles, G : Garçons, PPP : Pustulose Palmo-Plantaire. Rhumatos • Mars 2014 • vol. 11 • numéro 96

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COMPRENDRE et physiopathologiques des OCMR suggère que cette maladie partage de nombreux points communs avec le syndrome SAPHO. Cependant, il existe également des points discordants entre ces deux maladies. Le tableau 1 répertorie de façon comparative les caractéristiques des OCMR et, en parallèle, celles du syndrome SAPHO. Les données de ce tableau se basent principalement sur les plus grandes cohortes de patients de chaque maladie : cohorte de 120 patients pour le SAPHO (47) et 175 patients pour l’OCMR (cohorte française nationale d’OCMR). Les autres comparaisons sont basées sur la littérature disponible. Les principales différences entre l’OCMR et le SAPHO, hormis l’âge de début, consistent en la répartition des atteintes osseuses prédominant sur les os longs dans l’OCMR (66 %) et la paroi antérieure du thorax dans le SAPHO (63 %), la fréquence de

l’atteinte cutanée (13 % et 84 %, respectivement) et la physiopathologie connue.

Conclusion

L’OCMR est une pathologie à début juvénile avec une altération de la qualité de vie des patients due aux symptômes (douleurs osseuses inflammatoires) et/ou aux séquelles (douleurs résiduelles, déformation locale, fractures vertébrales). Cette maladie chronique non exceptionnelle reste encore mal connue du praticien et sa fréquence nous paraît largement sous-estimée. Certains patients OCMR présentent une forme plus sévère c’est-à-dire moins de rémission et plus de bisphosphonates et/ou anti-TNFα. Les garçons avec une atteinte multifocale d’emblée associée à un syndrome inflammatoire sont les patients ayant le moins

bon pronostic. Ce sous-groupe de patients pourrait, de ce fait, bénéficier d’un traitement plus agressif et d’un suivi plus rapproché. L’OCMR appartient probablement au même spectre de maladies auto-inflammatoires multifactorielles à expression osseuse que le SAPHO, mais certaines spécificités semblent démontrer que l’OCMR n’est pas stricto sensu un simple SAPHO pédiatrique. L’étude spécifique de l’évolution naturelle, mais aussi l’étude de la susceptibilité génétique aux OCMR aideraient à une meilleure compréhension physiopathologique de l’ensemble des maladies auto-inflammatoires avec n atteinte osseuse. Retrouvez la bibliographie complète de cet article sur rhumatos.fr

Mots-clés : Ostéite chronique multifocale récidivante, syndrome SAPHO

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OCMR : un SAPHO pédiatrique ?

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Rhumatos • Mars 2014 • vol. 11 • numéro 96

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