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Hyperparathyroïdie et ostéoporose Quand y penser ? n La recherche clinique et biologique d’arguments de dysfonctionnements parathyroïdiens permet de suspecter puis d’établir des diagnostics qui auront des prises en charge spécifiques quand ils s’accompagnent de complications, tout particulièrement devant une ostéopathie fragilisante. La fréquence de l’hyperparathyroïdie incite à ne pas négliger des anomalies mêmes modérées des paramètres phosphocalciques.

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evant toute déminéralisation, compliquée ou non de fracture, on recherche toujours une ostéopathie fragilisante autre que l’ostéoporose post-­ménopausique. L’hyperparathyroïdie primitive fréquente en post-ménopause (2 % des femmes post-ménopausiques) incite en premier lieu à rechercher les arguments cliniques que sont une asthénie, une polyuriepolydipsie, des nausées et l’existence de lithiase rénale éventuellement symptomatique avec des crises de coliques néphrétiques. Comme pour toutes les autres ostéopathies fragilisantes, on y pensera d’autant plus que l’on constate une perte osseuse inexpliquée, sous traitement hormonal substitutif par exemple, ou l’apparition de cascade de fractures alors que la prévention fracturaire paraît optimale par traitement hormonal substitutif ou par traitements anti-ostéoporotiques, ou encore lorsqu’il s’agit d’une femme en pré-ménopause sans aucun facteur expliquant un risque de fractures.

*Rhumatologue, Hôpital Cochin, Paris

Rhumatos • Mars 2014 • vol. 11 • numéro 96

Dr Catherine Cormier*

En dehors de la clinique, le bilan biologique minimal à réaliser devant toute ostéopathie déminéralisante orientera vers le diagnostic d’hyperparathyroïdie primitive devant plusieurs types d’anomalies isolées ou associées. S’il existe une hypercalcémie sur la calcémie corrigée par l’albuminémie, on fera, si cela n’a pas déjà été fait le même jour que la calcémie, un dosage de Parathormone (PTH) qui sera donc toujours interprété couplé à un dosage de calcium. L’hyperparathyroïdie primitive est caractérisée par une hypercalcémie associée à une PTH élevée ou normale haute, inadaptée à l’hypercalcémie. L’existence d’une hypophosphatémie fera également suspecter l’hyperparathyroïdie primitive même si la calcémie n’est pas élevée. En effet, la principale cause de diminution de la phosphatémie est une fuite rénale de phosphore secondaire à une élévation de la parathormone qu’elle soit d’ailleurs primitive ou secondaire. En l’absence d’élévation de la calcémie ou de diminution de la phosphatémie, une élévation de la PTH pourra être le seul élément qui va faire penser à un dysfonctionnement parathyroï-

dien. Lorsque la PTH est isolément augmentée sans hypercalcémie, le diagnostic le plus fréquent est une hyperparathyroïdie secondaire. Les principales causes de cette hyperparathyroïdie secondaire sont l’insuffisance en vitamine D, l’insuffisance d’apport alimentaire en calcium, l’insuffisance rénale au mieux appréciée par la mesure de MDRD (dès que la clairance de créatinine par MDRD est inférieure à 60 ml/min, on peut constater une élévation de la PTH), les fuites rénales de calcium responsables d’une tendance hypocalcémique avec réponse parathyroïdienne qui sont dues à des tubulopathies, à des traitements diurétiques de l’anse, à la prise d’aliments susceptibles d’entraîner une fuite rénale de calcium (les régimes très salés évoqués par une hypernatriurèse supérieure à 150 mmol/j, les régimes riches en théine et caféine, classiquement plus d’1/2 litre de boisson riche en théine ou caféine sont susceptibles d’entraîner une fuite automatique de calcium). En l’absence de cause d’hyperparathyroïdie secondaire et de traitements responsables d’élévation de la PTH (lithium, 73


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phosphore, bisphosphonate, denosumab) on évoquera le diagnostic d’hyperparathyroïdie primitive normocalcémique. La fréquence de cette pathologie est probablement sous-évaluée. Ainsi une publication récente (1) retrouve une fréquence non négligeable d’environ 3 % en population générale. Cela incite à rechercher ce diagnostic d’autant que l’on est face à une déminéralisation qui sera, du fait de sa présence, une indication à un traitement de ce dysfonctionnement parathyroïdien. En effet, il est maintenant conseillé (2) de traiter chirurgicalement une hyperparathyroïdie primitive quand il existe une masse osseuse < -2,5 à au moins un site rachis, fémur ou radius, site spécifiquement et préférentiellement atteint quand il y a un retentissement osseux de l’hyperparathyroïdie. On constate une récupération osseuse de la même ampleur que celle observée sous bisphosphonates et on a récemment montré que la récupération osseuse était comparable après parathyroïdectomie dans les hyperparathyroïdies primitives hypercalcémiques et normocalcémiques (3). La pratique systématique d’un dosage de PTH dans un bilan d’ostéopathie fragilisante reste cependant débattue, beaucoup d’arguments incitent à le réaliser. En particulier, outre le diagnostic d’hyperparathyroïdie primitive hypercalcémique ou normocalcémique, l’élévation de la PTH secondaire aux différentes étiologies est responsable d’une augmentation du risque fracturaire (4).

Il s’agit donc d’un facteur de risque supplémentaire sur lequel on peut agir aisément : corriger l’insuffisance en vitamine D, corriger les apports en calcium, utiliser des thiazidiques si fuite rénale de calcium. En revanche, l’élévation de la PTH sous antirésorbeurs n’est pas délétère mais reflète le mode d’action de ces molécules. On ne pourra corriger une hyperparathyroïdie secondaire que si on a dosé la parathormone permettant de mettre en évidence cette anomalie. En présence d’une masse osseuse basse, on dispose de séries montrant ainsi que la découverte d’une hyperparathyroïdie primitive hypercalcémique est observée dans 2 à 5 % des cas, celle d’une hyperparathyroïdie primitive normocalcémique dans 3 à 7 % des cas et une hyperparathyroïdie secondaire à une insuffisance en vitamine D dans environ 20 % des cas. (5) Un travail a même montré que les nouveaux diagnostics (6) devant une fracture symptomatique cliniquement faisaient découvrir une hyperparathyroïdie primitive chez des femmes dans 3,3 % des cas et une hyperparathyroïdie secondaire à une insuffisance en vitamine D ou à une insuffisance rénale dans 8 % des cas. Ces chiffres ne sont pas marginaux, ce qui incite à faire des dosages complets du métabolisme phosphocalcique comportant à la fois calcémie, phosphatémie, créatininémie et PTH. Certains auteurs (7) conseillent également d’ajouter au bilan, devant la découverte d’une fracture ou d’une ostéoporose den-

sitométrique, la pratique de la mesure de calciurie des 24 heures. Ce dosage est cependant souvent difficile à réaliser car le recueil urinaire peut être mal fait et du fait d’une grande hétérogénéité des causes d’hypercalciurie. En particulier, le haut remodelage osseux post-ménopausique avec des dosages de crosslaps sérique augmentés s’accompagne d’hypercalciurie. Cependant, la conjonction d’une hypercalciurie importante, d’un calcium total corrigé par l’albuminémie normal supérieur et d’une parathormone augmentée ou limite des taux supérieurs incitera à réaliser des dosages de calcium ionisé qui ont cependant des conditions de dosage strictes permettant de classer de manière définitive les patients entre hyperparathyroïdie primitive, normocalcémique ou hypercalcémique ou hyperparathyroïdie secondaire. On pourra également s’aider de tests de charge calcique pour améliorer ces diagnostics. Néanmoins, les imageries parathyroïdiennes ne sont réalisées que lorsque le diagnostic d’hyperparathyroïdie primitive est confirmé et n’ont pas de valeur diagnostique, leur négativité n’écarte pas la capacité de mettre en évidence un adénome parathyroïdien ou une hyperplasie lors de l’abord chirurgical. n

Mots-clés : Hyperparthyroïdie, Parathormone, Ostéoporose

Bibliographie 1. Cusano NE, Maalouf M, WangPY et al. Normocalcemic hyperparathyroidism and hypoparathyroidism in two community-based nonreferral populations. J Clin Endocrinol Metab 2013 ; 98 : 2734-41. 2. Bilezikian JP, Khan AA, Potts JT et al. Third International Workshop on the Management of Asymptomatic Primary Hyperparathyroidism. Guidelines for the management of asymptomatic primary hyperparathyroidism: summary statement from the third international workshop. J Clin Endocrinol Metab 2009 ; 94 : 335-9. 3. Koumakis E, Souberbielle JC, Sarfati E et al. Bone mineral density evolution after successful parathyroidectomy in patients with normocalcemic primary hyperparathyroidism. J Clin Endocrinol Metab. 2013 ; 98 : 3213-35.

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4. Rejnmark L, Vestergaard P, Brot C et al. Increased fracture risk in normocalcemic postmenopausal women with high parathyroid hormone levels: A 16-year follow-up study. Calcif Tissue Int 2011 ; 88 : 238-45. 5. Camacho PM, Dayal AS, Diaz JL et al. Prevalence of secondary causes of bone loss among breast cancer patients with osteopenia and osteoporosis. J Clin Oncol 2008 ; 26 : 5380-517. 6. Bours PG, Van Geel AC, Geusens MM et al. Contributors to secondary osteoporosis and metabolic bone diseases in patients presenting with a clinical fracture. J Clin Endocrinol Metab 2011 ; 10 : 2010-35. 7. Tannenbaum C, Clark J, Schwartzman K et al. Yield of laboratory testing to identify secondary contributors to osteoporosis in otherwise healthy women. J Clin Endocrinol Metab 2002 ; 87 : 4431-7. Rhumatos • Mars 2014 • vol. 11 • numéro 96


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