Les nouvelles myopathies inflammatoires
DOSSIER
Les nouvelles myopathies inflammatoires Que reste-t-il de la polymyosite ? Dossier rédigé par le Dr Alain Meyer* n Les myopathies inflammatoires sont des maladies très rares, caractérisées par une faiblesse musculaire et la présence d’une inflammation au sein des muscles squelettiques, qui ont longtemps été considérées comme une seule entité, désignée sous le terme de polymyosite. Les avancées dans les domaines de l’histologie, de l’immunologie et de la biologie moléculaire ont conduit à un éclatement de ce cadre nosologique en différentes pathologies dont la clinique, la physiopathologie et le pronostic sont en fait très différents. La polymyosite apparaît de plus en plus comme une entité “en voie de disparition” alors que de nouveaux cadres nosologiques émergent.
L’émergence du concept de polymyosite (1880- 1975)
Le terme de “polymyosite” fut introduit dans la littérature médicale à la fin du XIX, quasi simultanément par Wagner (Leipzig), Unverricht (Léna) et Hepp (Strasbourg) pour désigner une inflammation d’allure primitive de l’ensemble de la musculature squelettique (Fig. 1). Quelques années plus tard, Unverricht proposa le terme de “dermatomyosite” pour démarquer de la polymyosite, une atteinte inflammatoire touchant à la fois les muscles squelettiques et la peau. Il faut attendre les années 1950 pour que, sur la base de revues de la littérature et de séries *Service de rhumatologie-centre de référence des maladies auto-immunes rares, Service des explorations fonctionnellesExploration fonctionnelle musculaire, Centre Hospitalier Universitaire de Strasbourg
Rhumatos • Mars 2014 • vol. 11 • numéro 96
Figure 1 - Description historique de la polymysosite par Paul Hepp (Berl Klin Wochenschr 1887 ; 24 : 297-9).
de patients, les premiers critères diagnostiques de ces maladies soient proposés. Les critères publiés par Bohan et Peter (1, 2) sont ceux qui ont été le plus largement acceptés (Tab. 1). Ces auteurs envisageaient les myopathies inflammatoires comme une seule entité, désignée par le terme de “polymyosite”, dont la physiopathologie restait obscure.
La crise du concept (1960-2003)
Dès les années 1960, l’étude de cohortes de patients, les progrès de l’histologie musculaire, la découverte des premiers auto-anticorps spécifiques des myopathies inflammatoires ont permis une meilleure description de ces maladies. Ces avancées importantes dans la compréhension des myopathies inflammatoires, ont abouti à une mise à 75
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mal du concept initial de polymyosite.
La dermatomyosite : une microangiopathie médiée par le complément
Alors que les critères de Bohan et Peter ne distinguaient la dermatomyosite et la polymyosite que sur la présence ou l’absence des signes cutanés, il été montré que ces deux pathologies se distinguaient aussi au plan histopathologique et que la localisation ainsi que la composition en cellules mononuclées dans le muscle indiquaient vraisemblablement des différences physiopathologiques entre ces pathologies (3). L’histologie de la polymyosite se caractérise par la présence d’un infiltrat inflammatoire de topographie endomysiale, composé majoritairement de lymphocytes T cytotoxiques CD8+ et qui envahit par endroits des fibres musculaires non nécrotiques. Ceci a fait évoquer un mécanisme reposant principalement la cytotoxicité de lymphocytes auto-réactifs contre les fibres musculaires. D’autres éléments ont ensuite renforcé cette hypothèse mais aucun autoantigène n’a pu, à ce jour, être formellement identifié. Au cours de la dermatomyosite, l’histologie musculaire est marquée par l’existence d’une microangiopathie qui se caractérise par une raréfaction des capillaires musculaires et un élargissement des capillaires restants, sur lesquels on peut mettre en évidence des dépôts de complexe d’attaque membranaire (fraction C5b-9 du complément). L’infiltrat inflammatoire est majoritairement fait de lymphocytes B et de CD4+ dont la topographie est périvasculaire et périfasciculaire. Les fibres musculaires sont atrophiques dans les régions péri76
Tableau 1-Critères pour le diagnostic de polymyosite selon Bohan et Peter. • Faiblesse musculaire symétrique et proximale progressant sur plusieurs semaines ou mois. • Augmentation du taux sérique des enzymes musculaires, en particulier de la créatine kinase (CK). • Électromyogramme : syndrome myogène (potentiels d’unités motrices petits, brefs et polyphasiques), potentiels de fibrillations, pointes positives, irritabilité membranaire lors de l’insertion de l’aiguille • Biopsie musculaire : nécrose et régénération des fibres musculaires, variation de la taille des fibres musculaires, infiltrat inflammatoire. • Éruption cutanée typique de dermatomyosite : érythème lilacé des paupières, signes de Gottron, signe du châle. Polymyosite-dermatomyosite certaine : 4 critères (sans les signes cutanés) pour la polymyosite (PM), 3 ou 4 critères (dont les signes cutanés) pour la dermatomyosite (DM). Polymyosite-dermatomyosite probable : 3 critères (sans les signes cutanés) pour la PM, 2 critères (dont les signes cutanés) pour la DM. Polymyosite-dermatomyosite possible : 2 critères (sans les signes cutanés) pour la PM, 1 critère (dont les signes cutanés) pour la DM.
fasciculaires, qui sont les régions du muscle les plus sensibles à l’ischémie. Ainsi, il est probable que la dermatomyosite repose sur une activation de l’immunité humorale au niveau de l’endothélium vasculaire du muscle et du derme, aboutissant à des phénomènes ischémiques. L’origine de cette activation demeure cependant hypothétique. En utilisant ces critères histologiques, Van der Meulen a montré que la dermatomyosite était environ 6 fois plus fréquente que la polymyosite (4).
L’élargissement du spectre des myopathies inflammatoires de chevauchement (overlap myositis)
Les critères de classification de Bohan et Peter surestiment aussi la fréquence de la polymyosite aux dépens des myopathies inflammatoires associées à une autre connectivite. Dans une cohorte de 100 patients atteints de myopathies inflammatoires, Troyanov et al. (5) ont montré que les critères de classification de Bohan et Peter
diagnostiquaient 45 % de polymyosite lors de la première évaluation, alors qu’à la fin du suivi, plus d’un quart de ces patients étaient reclassés, le plus souvent vers le groupe “polymyosite associée à une autre connectivite”. Ils ont proposé de nouveaux critères de classification, qui sont basés sur la présence de signes d’atteintes extra-musculaires et sur la présence d’autoanticorps, pour définir le groupe des myopathies inflammatoires de chevauchement (overlap myositis) (Tab. 2). Selon cette classification, la polymyosite est rare (9 %) et les myopathies inflammatoires de chevauchement sont les plus fréquentes (68 %). L’intérêt de cette classification était aussi pronostique puisqu’elle permettait de prédire la réponse à la corticothérapie et le risque de rechute.
La myosite à inclusions : d’une “polymyosite corticorésitante” à une pathologie dégénérative
Dans les années 1960, une nouvelle forme de myopathie inflammatoire commence à être reconnue. Elle est Rhumatos • Mars 2014 • vol. 11 • numéro 96
d’abord décrite comme une polymyosite corticorésistante caractérisée par la présence de structures myxovirus-like au sein de fibres musculaires (6) avant que le terme de myosite à inclusions soit introduit pour complètement séparer cette myopathie inflammatoire de la polymyosite. Dans sa forme typique, selon les critères proposés par Griggs en 1995, cette pathologie se caractérise par un début après 30 ans, un déficit moteur proximal et distal, asymétrique, touchant préférentiellement les fléchisseurs des doigts, des poignets et les quadriceps. La myolyse est modérée (CK < 12 fois la normale). Les lésions histopathologiques musculaires sont comparables à celles observées au cours de la polymyosite, mis à part la présence de vacuoles bordées, de dépôt amyloïde et, à la microscopie électronique, la présence d’inclusions tubulo-filamenteuses de 15-18 nm au sein des fibres musculaires (7). Il s’agit d’une myopathie dont la physiopathologie associe des phénomènes auto-immuns et des processus dégénératifs. Mais les traitements immunomodulateurs n’ont pas d’efficacité au cours de cette maladie (8). La distinction entre myosite à inclusions et polymyosite peut néanmoins être difficile en particulier au début de l’évolution. Dans leur série de 165 patients, Van der Meulen et coll. ont montré que plus de la moitié des patients diagnostiqués comme souffrant de polymyosite étaient reclassés vers le diagnostic de myosite à inclusions après un an d’évolution (4).
Le piège des dystrophies musculaires “inflammatoires”
De façon parfois surprenante, des myopathies génétiques peuvent Rhumatos • Mars 2014 • vol. 11 • numéro 96
Tableau 2 - Définition des myopathies inflammatoires de chevauchement (overlap myositis) selon Troyanov et al. Myopathies inflammatoires avec au moins un élément clinique de chevauchement et/ou un auto-anticorps de chevauchement parmi : • Eléments cliniques de chevauchement : polyarthrite, phénomène de Raynaud, sclérodactylie, sclérodermie proximale aux articulations métacarpophalangiennes, calcinose de type sclérodermique au niveau des doigts, hypomobilité du bas-œsophage ou de l’intestin grêle, DLCO inférieure à 70 % de la valeur normale, syndrome interstitiel pulmonaire sur la radiographie ou le scanner pulmonaire, lupus discoïde, anticorps anti-DNA-natif et hypocomplémentémie, 4 critères ou plus parmi les 11 critères de l’ACR pour le diagnostic de lupus érythémateux disséminé, syndrome des antiphospholipides. • Présence d’auto-anticorps de chevauchement : Anti-synthétases (anti-Jo1, anti-PL7, anti-PL12, anti-OJ, anti-EJ, anti-KS) Auto-anticorps associés à la sclérodermie (anti-centromères, anti-topoisomérases, anti-RNA-polymérase I ou III, anti-Th), auto-anticorps associés à la sclérodermie dans le cadre d’un syndrome de chevauchement (anti-RNP, anti-Pm-Scl, anti-Ku), autres auto-anticorps (antiSRP, anti-nucléoporines).
parfois mimer une myopathie inflammatoire. En particulier, les déficits protéiques liés à des mutations dans les gènes de la dystrophine, de la dysferline, de la fukutin related protein peuvent remplir tous les critères proposés par Bohan et Peter pour le diagnostic de polymyosite, y compris les critère histologiques (9). Bohan et Peter soulignaient déjà que la réponse à la corticothérapie ne représente pas un outil diagnostique fiable puisque certaines de ces dystrophies musculaires peuvent être partiellement améliorées par les corticoïdes, alors que les myopathies inflammatoires peuvent être corticorésistantes mais répondre des traitements immunomodulateurs puissants (1). L’étude par immunohistochimie de l’expression du complexe majeur d’histocompatibilité de classe I (CMH-I) par les fibres musculaires sur la biopsie musculaire peut aider à distinguer ces deux groupes de pathologies musculaires. Une expression diffuse du CMH-I (y compris par les fibres musculaires d’allure normale) aurait une spécificité et une
sensibilité d’environ 90 % pour le diagnostic de myopathie inflammatoire (10). Cet outil ne doit cependant pas remplacer l’analyse de l’ensemble des données cliniques et paracliniques (Tab. 3).
La polymyosite, une entité mythologique ?
Ces progrès dans la compréhension des myopathies inflammatoires ont conduit certains auteurs à considérer la polymyosite comme une entité “mythologique” (11), regroupant des myopathies aussi diverses que des myosites à inclusions, des dermatomyosites sine dermatitis, des myopathies inflammatoires de chevauchement et des dystrophies musculaires inflammatoires (Fig. 2). Si la remise en cause de l’existence de la polymyosite est peut-être un peu extrémiste, ce diagnostic doit aujourd’hui être très prudent. En particulier, la considération des nouveaux cadres nosologiques et l’exclusion d’une dystrophie musculaire et d’une myosite à inclusions sont des étapes importantes avant de conclure à ce diagnostic. 77
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Tableau 3 - Eléments d’orientation face à une myopathie avec infiltrat inflammatoire histologique.
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Eléments suggérant une myopathie inflammatoire (autre que la myosite à inclusion)
Eléments suggérant une myo- Eléments suggérant une site à inclusion sporadique dystrophie musculaire « inflammatoire »
Antécédents familiaux de myopathie
Absents
Absents
Présents
Âge de début
Tous les âges
Après 30 ans (la plus fréquente des myopathies après 50 ans)
Enfance ou adulte jeune
Mode de début
Brutal
Progressif
Progressif
Topographie du déficit
Proximal ; symétrique
Proximal et distal ; asymétrique Proximale ; symétrique (dys; fléchisseurs doigts et poignets, trophie des ceintures) Asymétrique, distale, faciale quadriceps, face (FSH, myopathie de Miyoshi…)
Atteintes cardiaques et diaphragmatiques
Rares (sauf myopathie nécrosante à anti-SRP)
Rare
Fréquente
Hypertrophie des mollets
Non
Non
Oui (Becker, LGM2Di)
Signes extramusculaires Pneumopathie interstitielle; phénomène de Raynaud, mains de mécaniciens, dermatomyosite, sclérodactylie ; polyarthrite.
Non
Retard mental
Taux de CK
Rarement >5000 UI/l (sauf myopathie nécrosante à médiation immune)
< 12 x normale
Souvent > 5000UI/l
Auto-anticorps associés ou spécifiques des myopathie inflammatoires
Oui
Non
Non
Infiltrat inflammatoire
Endomysial envahissant des fibres musculaires non nécrotiques (PM) Périmysial et/ou périvasculaire (DM, OM) Peut être absent ou modéré (MNMI)
Endomysial envahissant des fibres musculaires non nécrotiques
Endomysial sans invasion de fibres non nécrotique
CMH-I
Expression membranaire diffuse (sauf myopathie nécrosante à médiation immune)
Expression membranaire diffuse
Expression membranaire absente ou focale
C5b-9
Dépôt sur les capillaires
Non
Dépôt sur les fibres
Réponse au traitement immunomodulateur
Bonne
Pas de réponse
Pas de réponse ou amélioration partielle.
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Depuis la controverse sur l’existence de la polymyosite, certains sousgroupes de myopathies inflammatoires ont connu une importante 78
expansion. Il s’agit principalement du groupe des myopathies inflammatoires de chevauchement, tel que défini par Troyanov et al. qui consiste en fait en un ensemble hétérogène de maladies ayant comme noyau commun l’existence d’atteintes ex-
tra-musculaires et/ou la présence d’auto-anticorps. La description de nouveaux auto-anticorps et du phénotype qui leur est associé à aussi contribué à un changement de regard sur la dermatomyosite qui apparait de plus en plus comme un groupe Rhumatos • Mars 2014 • vol. 11 • numéro 96
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Figure 2 - L’entité historique de polymyosite recouvre en fait des myopathies aussi diverses que des dermatomyosites sine dermatitis, des myopathies inflammatoires de chevauchement, des myopathies nécrosantes à médiation immune, des myosites à inclusions et des dystrophies musculaires inflammatoires. La recherche attentive de ces différents diagnostics est aujourd’hui indispensable avant de conclure à une polymyosite. DM : dermatomyosite ; FKRP : fukutin related protein ; FSH : dystrophie facio-scapulo-humérale ; MNMI : myopathie nécrosante à médiation immune.
de maladies ayant une expression clinique et un pronostic très variable.
Le syndrome des antisynthétases : d’une polymyosite à une connectivite aux multiples facettes
En 1976, un autoanticorps a été décrit chez un patient, nommé John P., qui était atteint d’une “polymyosite” et d’une pneumopathie interstitielle (12). Cet auto-anticorps a été appelé antiJo1. Quelques années plus tard, il était démontré que la présence d’anti-Jo1 identifiait un sousgroupe de patients au phénotype globalement homogène. D’autre part, il est apparu que la cible de Rhumatos • Mars 2014 • vol. 11 • numéro 96
cet anticorps était une enzyme qui catalyse la liaison de l’acide aminé histidine à son ARN de transfert : l’histidyl-ARNt-synthétase. Le terme de “syndrome des antisynthétases” a alors été proposé pour décrire le sousgroupe des patients porteurs de cet anticorps. Ce syndrome associe, à des degrés divers, une fièvre (ou une fébricule), une myopathie inflammatoire, des arthralgies (voire des arthrites), une pneumopathie interstitielle, des mains de mécaniciens, des éruptions de dermatomyosite, une sclérodactylie un syndrome de Raynaud (13). Ainsi, le syndrome des antisynthétases a été historiquement décrit comme une myopathie inflammatoire mais,
en réalité, il s’agit d’une connectivite au cours de laquelle l’atteinte musculaire peut manquer ou être au second plan. Depuis, sept autres anticorps dirigés contre des aminoacyl-ARNt synthétases ont été identifiés. Il s’agit d’anti-alanyl- (PL-12), d’anti-thréonyl- (PL-7), d’anti-glycyl- (EJ), d’anti-isoleucyl- (OJ), d’anti-asparginyl- (KS), d’anti-tyrosyl- (Ha), et d’anti-phélynalanyl- (Zo) ARNt-synthétases. Les anti-Jo1 sont les plus fréquents (20 % des myopathies inflammatoires) alors que les autres spécificités sont beaucoup plus rares (1-5 %). La spécificité des antisynthétases pourrait influencer la fréquence des signes cliniques de la maladie ainsi que la survie (14). 79
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Les myopathies nécrosantes à médiation immune : un groupe de myopathies inflammatoires de reconnaissance récente en expansion
Les myopathies nécrosantes à médiations immunes sont un groupe de myopathies inflammatoires de reconnaissance assez récente dont l’histologie est trompeuse, car constituée principalement de nécrose sans infiltrat inflammatoire. Une telle histologie musculaire est le plus souvent causée par des toxiques (alcool, statines…) ou plus rarement une dystrophie musculaire. En fait, une étude attentive de l’histologie permet souvent de détecter la présence d’une microangiopathie, qui est similaire à celle observée au cours de la dermatomyosite. Certains auto-anticorps peuvent également être mis en évidence. Ceci peut redresser le diagnostic, ce qui est primordial car ces myopathies sont souvent corticorésistantes mais accessibles à des traitements immunomodulateurs plus puissants. ❚❚Les myopathies nécrosantes à médiation immune associées aux cancers Ces formes paranéoplasiques pourraient représenter 10 % des myopathies nécrosantes à médiation immune (15). Classiquement, elles se caractérisent par un déficit d’installation rapide, sévère avec une élévation très importante des CK mais corticosensibles. Le pronostic vital était le plus souvent lié au cancer. ❚❚Les myopathies nécrosantes à médiation immune avec anticorps anti-SRP. En 1986, a été décrite, chez un patient atteint de “polymyosite”, la présence d’auto-anticorps reconnaissant la sous-unité de 80
54 kDa de la signal recognition particule (un complexe ribonucléique qui permet l’adressage des protéines nouvellement traduites vers le réticulum endoplasmique) (16). Il est ensuite apparu que les patients porteurs de ces autoanticorps présentaient en fait un phénotype original, caractérisé par une atteinte musculaire plus sévère, d’apparition très rapide, une myolyse importante et une corticorésistance, alors que les signes extramusculaires – tels que la pneumopathie interstitielle, les arthrites, les éruptions cutanées, le syndrome de Raynaud – étaient rares. Il a aussi été démontré que l’histologie de ces patients se singularisait par une prédominance de la nécrose et une absence d’inflammation. La présence d’une cardiomyopathie et/ou de trouble du rythme au cours des myopathies inflammatoires à médiation immune est plus controversée. Récemment, il a été montré qu’un sous-groupe de patients plus jeunes pourrait en fait avoir une présentation chronique, et amyotrophiante qui peut simuler une dystrophie musculaire (17). ❚❚Les myopathies nécrosantes à médiation immune avec anticorps anti-HMGCR Récemment, une étude visant à identifier de nouveaux auto-anticorps chez 26 patients atteints de myopathies nécrosantes inexpliquées a mis en évidence, chez 16 patients, des auto-anticorps précipitant des protéines de 200 et 100 kDA. Ces patients avaient une présentation clinique stéréotypée caractérisée par une faiblesse musculaire proximale, une myolyse importante (CK >10 000 UI/l), des signes extra-musculaires rares ou au second plan. La proportion des patients qui avaient été exposés aux statines avant le développement de la maladie (63 %) était
significativement supérieure à celle observée dans le groupe des patients atteints d’autres myopathies inflammatoires. Il a ensuite été découvert que l’antigène était en fait la 3-hydroxy-3-methylglutaryl-coenzime A (HMG-CoA) reductase, la cible thérapeutique des statines (18). De façon importante, ces anticorps ne sont qu’exceptionnellement mis en évidence chez les patients traités par statines, y compris ceux présentant des effets secondaires musculaires banals (19). Selon le groupe ayant décrit ces auto-anticorps, les antiHMGCR pourraient être le deuxième anticorps le plus fréquent au cours des myopathies inflammatoires après les anti-Jo1 (20).
Les dermatomyosites : un ensemble hétérogène ❚❚Les dermatomyosites amyopathiques et les anticorps anti-MDA5 : le syndrome “dermato-pulmonaire” De la même façon que le syndrome des antisynthétases s’est individualisé comme une connectivite ne touchant pas forcément les muscles, il est apparu que certains patients pouvaient présenter, pendant des périodes prolongées (> 6 mois), des atteintes cutanées typiques de dermatomyosite sans atteinte musculaire cliniquement significative. Le terme de dermatomyosite amyopathique (dermatomyosite sine myositis) a été proposé pour désigner ces patients. Plus de 10 % de ces patients développaient une pneumopathie interstitielle qui pouvait être rapidement progressive et conduire au décès moins de 6 mois après le diagnostic de la maladie (21). Alors que ce sous-groupe phénotypique commençait à s’individualiser, en 2005, des anticorps dont la cible a été identifiée comme étant le melanoma differentiation-asRhumatos • Mars 2014 • vol. 11 • numéro 96
sociated gene 5 (MDA-5) – un récepteur de l’immunité innée impliqué dans la reconnaissance des virus – ont été décrits chez 13 à 15 % des patients atteints de dermatomyosite. Ces patients se distinguaient au plan clinique par une dermatomyosite amyopathique, un risque accru de développer une pneumopathie rapidement progressive et une mortalité plus importante (46 % à 6 mois) que les patients atteints de dermatomyosite sans anti-MDA-5 (22). Des manifestations cutanées particulières à ce sous-groupe de dermatomyosites ont aussi été décrites (23). Le terme de “syndrome dermato-pulmonaire” a été récemment proposé pour désigner ce sous-groupe de dermatomyosite. ❚❚Les dermatomyosites paranéoplasiques et les anticorps anti-TIF-1γ Un lien épidémiologique entre dermatomyosite et cancer a été très rapidement noté. Certaines caractéristiques épidémiologiques, cliniques et immunologiques démarquent clairement le sousgroupe des dermatomyosites paranéoplasiques. Ces formes touchent plus volontiers l’homme, âgé de plus de 50 ans, la présence d’une pneumopathie interstitielle est rare et au plan immunologique, il a été montré qu’une absence d’autoanticorps spécifiques ou associés aux myopathies inflammatoires détectables par les kits commerciaux (antisynthétases, anti-Mi-2, anti-SRP, anti-Pm-Scl, anti-Ku, anti-RNP) est un facteur prédictif de néoplasie (24). Récemment, un nouvel auto-anticorps dirigé contre le facteur de transcription TIF-1γ a été identifié, dont les valeurs prédictives positives et négatives pour le diagnostic d’une forme paranéoplasique de myopathie inflammatoire seraient respectivement de 58 % et 95 % chez l’adulte (25). La Rhumatos • Mars 2014 • vol. 11 • numéro 96
fréquence de cet auto-anticorps au cours des cancers en dehors des situations de myopathies inflammatoires n’est cependant pas connue et il n’est donc pas complètement exclu que cet auto-anticorps soit simplement un marqueur de néoplasie. L’existence d’anticorps dirigés contre une protéine voisine de TIF-1γ (TIF-1α) a d’ailleurs été décrite chez des patients atteints de cancer colique en dehors de situation de myosites (26). Néanmoins, les anticorps anti-TIF-1γ sont aussi décrits au cours de la dermatomyosite juvénile et, chez l’enfant, ces auto-anticorps ne sont pas associés au cancer. Ceci laisse penser qu’il existe bien un lien mécanistique entre les anti-TIF-1γ et la dermatomyosite.
Les dermatomyosites à anticorps anti-SAE
Les autres dermatomyosites
Du statut de myopathie inflammatoire emblématique, hérité de ces premières descriptions, la polymyosite est maintenant une myopathie inflammatoire “en voie de disparition”. Les autres groupes de myopathies inflammatoires ont connu, au contraire un essor très important, grâce au progrès de l’histologie et, plus récemment, à l’apport des auto-anticorps. Si la polymyosite n’est peut-être pas une entité “mythologique”, ce diagnostic doit actuellement être un diagnostic d’élimination : les nouveaux cadres nosologiques qui ont émergé récemment ont des implications pronostiques importantes et bénéficieront probablement dans un avenir proche de stratégies thérapeutiques spécifiques de n mieux en mieux codifiées.
D’autres sous-groupes de dermatomyosites pourraient être définis par la présence d’auto-anticorps spécifiques des myopathies inflammatoires.
Les dermatomyosites à anticorps anti-Mi-2
Les anticorps dirigés contre l’antigène Mi-2 (le nucleosome remodelling and histone deacetylase [NuRD] complex, impliqué dans la transcription et la réparation de l’ADN), sont les premiers auto-anticorps à avoir été identifiés chez des patients atteints de dermatomyosites. Les dermatomyosites à anticorps anti-Mi-2 concerneraient 20 % des dermatomyosites (27) et seraient caractérisées par des lésions cutanées typiques, une faible fréquence de pneumopathie interstitielle, un faible risque de cancer associé, et une bonne réponse aux traitements immunomodulateurs. Tous ces éléments contrastent avec les dermatomyosites à anticorps antiMDA-5 et anti-TIF-1γ.
Elles pourraient concerner 10 % des dermatomyosites et seraient caractérisées par un début amyopathique mais une progression vers une atteinte musculaire, en particulier œsophagienne et une faible fréquence de pneumopathie interstitielle (28).
Les dermatomyosites à anticorps anti-NXP-2
Elles représenteraient 23 % des dermatomyosites juvéniles et seraient caractérisées par une plus grande fréquence de calcinose et de raideurs (29).
Conclusion : alors, que reste t-iL de la polymyosite ?
Mots-clés : Myopathies inflammatoires, Polymyosite, Dystrophies musculaires, Pièges diagnostiques, Auto-anticorps
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Bibliographie
DOSSIER
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