UN FIL BLEU Chère lectrice, cher lecteur,
Jeûner - bien plus que de ne pas manger! Durant le carême, des dizaines de groupes jeûnent dans toute la Suisse romande Page 7
Ce n’est pas un fil rouge, mais plutôt un fil bleu qui accompagne mon travail ces derniers temps : en suivant le parcours d’une paire de jeans, Action de Carême montre la manière dont notre consommation nous met en relation directe avec d’autres réalités et populations. Le voyage commence au Burkina Faso, où les plantations de coton entrent en concurrence avec les cultures vivrières. Il se poursuit en Asie, où la plus grande partie de nos vêtements sont confectionnés. Et se termine en Suisse, où notre manière de consommer influence les conditions de fabrication et donc les conditions de vie dans les pays du Sud. La conversion est le sujet central du carême. C’est regarder attentivement la réalité, prendre conscience des injustices et agir. Par nos actes, nous devons permettre aux générations futures de mener, elles aussi, une existence digne. Rebobinons le fil : je commence par moi-même, par ma conduite, mes vêtements. J’essaie de réfléchir aux conditions de production de mes achats. Et j’agis en solidarité avec celles et ceux qui ont besoin de notre appui, pour qu’ils puissent prendre leur destin en mains. De tout cœur, merci de votre soutien! Pour que ces personnes puissent retrouver leur dignité.
Défendre les droits des travailleurs du textile Rencontre avec notre hôte de campagne, Shatil Ara, coordinatrice du bureau de la Fair Wear Foundation au Bangladesh. Page 8
Matthias Dörnenburg, directeur a.i. d’Action de Carême
ACTION DE CARÊME N° 1 | 2014
3 questions à Ruedi Lustenberger Le président du Conseil national nous raconte comment, enfant, il aurait voulu changer le monde. Page 3
Vue du Sud
La justice est un regard social sur les actes de l’être humain en général. Un regard qui a évolué au fil du temps et de l’histoire. Ainsi, de nombreux agissements admissibles par le passé ne le sont plus aujourd’hui. De la même manière, la notion de justice a, elle aussi, changé. Les générations passées ont créé un certain nombre de valeurs fondées sur le respect de la vie, et de l’environnement. Des valeurs basées aussi sur les droits et les obligations des citoyens et des citoyennes. Grâce aux progrès de la science et de la recherche, nous comprenons toujours plus l’importance pour notre planète de l’eau, de la diversité des espèces, de l’environnement, de la justice et de la vie en général. Autant dire que, depuis le siècle passé, nous ne pouvons plus nous soustraire à nos obligations envers les générations futures. Celles-ci doivent pouvoir hériter d’une planète où il fait bon vivre, plutôt que d’un milieu hostile et dangereux. Il en va de notre responsabilité ! Tout le monde n’est cependant pas concerné de la même manière. Les responsabilités sont souvent claires: nous savons qui commet les pires atteintes à la justice et à l’environnement. Ces coupables, peu importe qu’ils se trouvent dans des pays riches ou des pays pauvres. Ils doivent rendre compte de leurs actes devant la justice pour en réparer les conséquences.
David Diaz, directeur, Semillas de Agua, Colombie
D’OÙ VIENNENT MES JEANS ? Les jeans, et la manière dont ils sont produits, sont au cœur de la campagne œcuménique de cette année. Avec eux, les familles qui ont participé à leur fabrication.
Des champs de coton du Burkina Faso aux fabriques du Bangladesh, la fabrication de nos jeans occasionne souvent de graves atteintes à l’environnement et aux droits des travailleurs. Le coton est la culture qui utilise le plus de produits chimiques au monde.
Gossina, à l’ouest du Burkina Faso : avec le produit de la vente du coton, Bassama Ko ne parvient pas à joindre les deux bouts, à l’instar de la plupart des producteurs de coton (cf. l’InfoPlus). En effet, les subventions des États-Unis et de l’Europe tirent les cours mondiaux vers le bas. Quant aux marques de vêtements, elles ont délocalisé toute leur chaîne de production là où les salaires sont les plus bas et la législation la plus souple.
Le chiffre
1% C’est, dans les pays du monde où les salaires sont les plus bas, la part du prix de vente d’une paire de jeans qui revient sous forme de salaire à l’ouvrière qui l’a confectionnée. Un salaire qui ne lui permet pas de vivre. Mais alors, pour quoi payons-nous ? Le reste du prix couvre notamment les frais consentis pour la distribution, la marque et la publicité. actiondecareme.ch/reperes
Justice entre générations Symbole au centre de la campagne d’Action de Carême, Pain pour le prochain et Etre partenaires de cette année, le jeans est révélateur de la manière dont nous faisons usage de la terre, de l’eau et de l’air: notre manière d’agir risque de remettre en question les chances et le droit des générations futures à avoir accès à ces ressources vitales de la même manière que nous l’avons aujourd’hui. Les trois organisations veulent interpeller les consommateurs et les consommatrices.
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Nous pouvons agir! Afin que le secteur du textile évolue, nous devons, nous aussi, en tant que consommateurs, modifier nos critères d’achat. Il s’agit de prendre en considération le prix, mais aussi, et toujours plus, les conditions dans lesquelles les vêtements ont été produits. Les informations que vous trouverez dans le dernier numéro de Repères et sur le site internet de la campagne vous permettront de vous orienter dans la jungle des labels. Et en versant un don à Action de Carême, vous soutenez les populations du Sud. Par le biais de nos projets, nous nous engageons pour l’amélioration des conditions de travail et, en favorisant une agriculture biologique, la préservation des moyens de subsistance de base des communautés. Patricio Frei Interpellez les CFF! Ne manquez pas le train : signez la pétition adressée aux CFF! Ensemble, demandons aux CFF de rejoindre la Fair Wear Foundation pour que les vêtements de travail de ses employés soient produits dans des conditions dignes de l’être humain. voir-et-agir/lapetition
JEÛNER: AU-DELÀ DE LA PRIVATION Si une semaine de jeûne a souvent pour but d’être en meilleure santé, elle a aussi une motivation plus profonde. En Suisse romande, près de 600 jeûneurs s’apprêtent à jeûner dans le cadre de la campagne de carême.
Jeûner pendant une semaine le prouve: renoncer, c’est gagner. Nous pouvons, pour quelques jours, nous évader de la routine et du confort habituels, redécouvrant ou approfondissant des sentiments positifs.
L’échange au sein d’un groupe est d’un grand secours. Jeûner, le plaisir en plus Jeûner en groupe, avec des personnes qui partagent nos convictions, est source de plaisir et permet d’approfondir l’expérience. À Lausanne, Gabrielle Mathieu jeûne depuis de nombreuses années : « Dans ces se-
maines, toute l’énergie de mon corps, nécessaire à la digestion, est à disposition de mon être. Mon esprit me parle de tout autre chose. J’ai appris à entendre mes sentiments». En levant le pied, les personnes qui jeûnent font le plein de force et d’énergie. Mais l’aspect de la solidarité est là aussi: on met dans une cagnotte l’argent épargné en jeûnant. À la fin de la semaine, le groupe choisit le projet qu’il veut soutenir. Blanca Steinmann Liste des groupes: voir-et-agir/jeune
Le jeûne, une longue tradition Le jeûne est une pratique habituelle d’un grand nombre de religions. Le christianisme est connu pour le carême, période de préparation à Pâques qui rappelle les quarante jours que Jésus-Christ passa à jeûner et à prier dans le désert. L’abstinence de nourriture est particulièrement fréquente au printemps, les motivations relevant non seulement des croyances religieuses, mais aussi de l’hygiène de vie. En 460 av. J.-C., Hippocrate de Cos l’affirmait déjà : « Il faut être mesuré en tout, respirer de l’air pur, faire tous les jours de l’exercice physique et soigner ses petits maux par le jeûne plutôt qu’en recourant aux médicaments ». Un renoncement qui apporte de l’énergie: jeûner autour d’une tisane.
UNE MARCHE VERS LA PROPRETÉ Comment change-t-on un comportement qui rend malade, et dont personne ne parle ? Proposition de solutions à Madagascar.
Faute d’aménagements sanitaires, les populations dans les pays en développement font souvent leurs besoins dehors, à l’air libre. Une pratique qui favorise les maladies infectieuses. Taratra, une organisation partenaire d’Action de Carême active dans le sud de Madagascar, a invité les habi-
tants et les habitantes des villages avoisinants à participer à une marche dans les espaces dévolus à leurs besoins. Se rendre compte des désagréments qu’engendrent les excréments, qu’ils amènent des animaux et des insectes dans les villages, et réfléchir à des alternatives: tel est l’objectif de Taratra. Pour tout le monde, il est clair que cela ne peut pas continuer ainsi. Ensemble, les habitants imaginent des solutions : il s’agit notamment de construire des
latrines simples. Avec succès : dans 20 villages, les champs dévolus aux besoins font désormais partie du passé.
Comprendre et imaginer des solutions: marche à Bresaova
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Trois questions à...
Ruedi Lustenberger, président du Conseil national
Vous préoccupez-vous du monde que vous léguez à vos enfants ? Le vieil adage amérindiens – nous ne possédons pas le monde, nous l’empruntons à nos petits-enfants – m’a toujours fait réfléchir. Mon empreinte écologique n’est pas si mauvaise : je ne vais pas trop loin en vacances, je me déplace en train et je limite mes trajets en avion. À la maison, nous nous chauffons au bois et nous mangeons les légumes qui viennent de notre jardin. Enfant, qu’auriez-vous aimé changer dans le monde … ? J’ai vécu une enfance simple et donc heureuse. Durant les temps de l’avent et du carême, nous mettions de côté des bonbons, que notre mère distribuait ensuite à des enfants moins favorisés. Sur les bancs de l’école déjà, je m’intéressais à l’histoire et je souhaitais qu’il n’y ait plus de guerres. ... et en tant que premier citoyen du pays ? C’est utopique, mais j’en rêve: j’aimerais que l’on puisse annuler tous les excès de la mondialisation. En peu de temps, ce phénomène a engendré toujours plus de dommages pour notre Terre. C’est surtout une minorité riche qui en tire parti. Les perdants sont les écosystèmes, les paysans, les populations des pays pauvres et les pays industrialisés, aux prises avec les énormes difficultés occasionnées par les migrations auxquelles nous sommes confrontés aujourd’hui.
Clin d’œil
Un nouveau départ pour le label STEP Fondé par Action de Carême et d’autres œuvres d’entraide, ce label a pour but de lutter contre le travail des enfants dans la confection de tapis faits main, et d’y améliorer les conditions de travail. Désormais, le label Step volera de ses propres ailes. Jusqi’ici, le label Step appartenait à la fondation Max Havelaar (Suisse). Suite à une réorientation de son organisation faîtière Fairtrade International, la fondation a cédé le label à une organisation indépendante label-step.org
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UNE INVITÉE DU BANGLADESH frustrés: ils réalisent qu’ils ne jouissent pas de leurs droits, ou ils se tournent vers la violence. Ils peuvent aussi tolérer cette situation par peur de perdre leur emploi.
Coordinatrice de la «Fair Wear Foundation» au Bangladesh, Shatil Ara est l’hôte de la campagne œcuménique. Jusqu’au 24 mars, elle va à la rencontre des régions de Suisse romande pour parler de la réalité des travailleuses du textile au Bangladesh. Entretien.
Pourquoi vous consacrer aux droits des travailleurs ? Ma motivation vient de mon grandpère. Il était dirigeant communiste et a consacré sa vie entière à la lutte pour l’égalité des paysans sans terres. J’ai vu de près les conditions de travail des travailleurs du secteur du prêt à porter, lorsque j’ai effectué un stage dans une usine de textile. J’y ’ai pris conscience de l’ampleur de l’exploitation. Par la suite, J’ai étudié la gestion d’entreprise et j’ai pu faire le lien entre le commerce international et les pratiques d’achat. Je me suis demandée si le pays bénéficiait vraiment de ce commerce et quel était le coût réel de la production des vêtements.
Agenda 13 mars, La Chaux-de-Fonds: «La bourse...ou l’habit», débat autour de la production de jeans dans le cadre de la campagne oecuménique. (20h15, Club 44, Rue de la Serre 64) 20 mars, Versoix: Conférence de Shatil Ara (cf ci-contre) à l’occasion de la soupe de carême. (19h, salle de paroisse, Ch. J.-B. Vandelle 16) 29 mars, dans toute la Suisse: «160’000 roses pour le droit à l’alimentation»: vente de roses au profit de projets d’Action de Carême et de Pain pour le prochain. Lieux: voir-et-agir.ch/roses 29 mars au 5 avril, Fribourg: Festival Inter. du Films de Fribourg fiff.ch S’engager dans la campagne De nombreux événements sont organisés dans le cadre de la campagne œcuménique dans toutes les régions de Suisse romande. Renseignez-vous! Participez-y! voir-et-agir.ch/agenda Impressum
ACTION DE CARÊME
Quelles sont les difficultés liées à la défense des droits du travail ? Le principal défi est de changer les mentalités tout en promouvant les droits du travail par le biais de formations. La violation des droits des travailleurs sévit depuis des dizaines d’années, en particulier chez les personnes à bas revenus qui ont moins de pouvoir. Quand ce type de discrimination perdure, il devient institutionnalisé de manière informelle. Par conséquent, ces violations passent parfois inaperçues. Les travailleurs au bas de l’échelle connaissent rarement leurs droits ; il est donc plus facile de les en priver. Mais lorsque nous les formons, ils deviennent rapidement
Quelles sont précisément vos fonctions au sein de la Fondation ? La stratégie alternative promue par la Fair Wear Foundation dans le cadre du programme de formation des travailleurs est basée sur diverses approches. Dans un premier temps, nous formons les propriétaires et la haute direction d’usines textiles. Dans un deuxième temps, nous formons séparément les travailleurs et les cadres moyens. Troisièmement, nous aidons les usines à créer des mécanismes de recours et de gestion des plaintes efficaces. Ce système prévoit la participation directe des travailleurs dans le cadre de « comités des employés » afin de garantir la transparence et de donner une voix aux travailleurs. Programme des conférences de Shatil Ara: voir-et-agir.ch
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Avenue du Grammont 7 1007 Lausanne Téléphone 021 617 88 81 Fax 021 617 88 79 actiondecareme@fastenopfer.ch www.actiondecareme.ch CCP 10-15955-7 Editeur Action de Carême Le bulletin paraît quatre fois par an. La poste nous octroie le tarif « journaux ». Une fois par an, 3 fr. sont pris sur le montant des dons comme contribution d’abonnement. Rédaction Johanna Monney Traduction Jean-François Cuennet Photos Spinas Civil Voices, Patricio Frei, Campagne Clean Clothes Campaign, Annette Boutellier, François Cayatte , Svetlana Lukienko / fotalia. Dessin Daria Lepori Concept grafikcontainer Lucerne Layout/Impression Cavelti AG medien. digital und gedruckt
BURKINA FASO En Afrique de l’Ouest, les surfaces dédiées à la culture du coton ont presque quadruplé ces cinquante dernières années. Au Burkina Faso, premier producteur de coton de l’Afrique de l’Ouest, celui-ci représentait environ 60 % des recettes d’exportation en 2011. Avec, pour conséquence, des sols lessivés et incultivables. À l’Ouest du pays, l’Union des producteurs céréaliers de Gossina, un partenaire d’Action de Carême, forme les paysans à des méthodes d’agriculture durables qui visent à réhabiliter leurs terres.
ACTION DE CARÊME
« Nous ne pouvons pas choisir les produits que nous utilisons » : Bassama Ko.
UNE TERRE FERTILE, AUJOURD’HUI ET DEMAIN «J’aimerais diminuer la production de coton, car elle n’est pas rentable. Je dois rembourser les crédits et payer la main d’œuvre : au final, je ne gagne rien du tout. Les années où il n’y a pas de problèmes, je peux nourrir ma famille avec ma production de céréales. Mais les années où il ne pleut pas, la situation peut devenir intenable. » Adama Lancina a 41 ans. Il est producteur de coton et de céréales à Gossina, un petit village à l’ouest du Burkina Faso. Il fait partie des 300 000 cultivateurs au Burkina Faso qui tentent de vivre de la production de coton. Lui a fait son choix : « Je compte peu à peu remplacer le coton par de l’arachide et du sésame.
Et si on ne peut pas vendre, au moins on peut consommer. » Adama est très critique : « Dans notre zone en tout cas, il ne faut plus planter du coton : il ne pleut pas assez et le coton a appauvri les sols. » C’est que le coton est la culture qui requiert le plus de substances chimiques : alors qu’il ne représente que 2.5 % des surfaces cultivées sur la planète, il concentre 25 % des produits chimiques utilisés dans l’agriculture. «Nous ne pouvons pas choisir» Les cotonculteurs au Burkina Faso n’ont pas le choix : dans la zone d’Adama, c’est la Sofitex, la Société Burkinabè des Fibres Textiles, chargée du
De la fumure organique plutôt que des engrais chimiques : Toni Michel, président de l’Union, nous montre les fosses à compost biologique.
« Le coton, c’est une histoire de famille ! » : Bassama Ko et ses fils dans leurs champs de coton.
développement et de la commercialisation du coton au Burkina Faso, qui fournit semences, insecticides et engrais aux producteurs : « À fin septembre, nous passons commande auprès d’agents dépêchés par la Société, explique Bassama Ko, un autre producteur de coton. Elle nous fournit, à crédit, les intrants dont nous avons besoin pour l’année suivante». C’est la période de l’année la plus critique chez les producteurs : ils n’auraient pas les moyens d’acheter les engrais dont ils ont besoin. « C’est l’une des seules raisons pour laquelle les agriculteurs se lancent dans la production de coton, poursuit Bassama. Elle nous permet d’avoir accès aux engrais dont nous avons besoin pour nos terres, sans avoir à les payer tout de suite. » Les producteurs n’ont aucune emprise sur les semences et les engrais que leur fournit la Société : « Nous ne pouvons pas choisir les semences que nous plantons et les produits que nous utilisons. Aujourd’hui, le coton que je plante est du coton OGM. » Un cercle vicieux Ici, les agriculteurs comme Bassama sont totalement dépendants de la pluie. « Il ne pleut que deux à trois mois par année, raconte Gabriel Lompo, le coordinateur du programme d’Action de Carême au Burkina Faso. On atteint à peine 600 mm de pluie par année. » Avec les dérèglements climatiques, les agriculteurs ne savent plus à quels saints se vouer : les pluies sont de moins en moins régulières, moins fréquentes mais plus violentes. Sans eau, le coton ne pousse pas: certaines années, certains producteurs ne peuvent même plus rembourser leurs crédits avec la vente de leur production. «Les terres sont pauvres, poursuit Bassama. Nous avons besoin d’engrais. Sur une partie de mes terres, je plante une année du coton, l’année suivante des céréales ; avec les engrais qu’on nous donne, la terre est riche. Ainsi, lorsque je plante des céréales, le rendement est bien meilleur. » Une manière pour les producteurs de pouvoir continuer
à cultiver la terre et produire leur nourriture. « Mais cela n’est pas durable. Ces engrais lessivent le sol », confirme Gabriel. « S’ils laissaient la terre en jachère quelque temps, ils verraient que la terre est complètement asséchée. » Cultiver la terre durablement Bassama Ko a 59 ans. Tout comme Adama, il habite à Gossina avec ses 10 enfants et 25 petits-enfants. Dans sa famille, on est producteur de coton de génération en génération. « Dieu merci, mes enfants sont là pour m’aider, car c’est un travail très difficile, qui prend du temps. La production du coton, c’est une histoire de famille ! » Ses fils Gérard, 38 ans, et Paul, 32 ans, reprennent peu à peu les rênes. « Mon rôle est de les conseiller du point de vue technique et de leur transmettre mon expérience et mes connaissances. » Bassama est très clair : à lui seul, le coton ne leur permet pas de survivre. « Le mil, le sorgho et les haricots que nous cultivons sur nos autres champs permettent de nourrir ma famille. Mais quand il ne pleut pas, la nourriture manque. Nous devons l’acheter. Heureusement, mes fils, Gérard et Paul, sont également forgerons. Et ma femme vend de la bière de mil au marché.» Avec le soutien d’Action de Carême, l’Union des producteurs de céréales de Gossina accompagne les communautés pour faire face à ces difficultés. Principal objectif : pouvoir cultiver leur terre et produire leur nourriture. Et faire face à la période de soudure - cette période de l’année critique, où les greniers sont vides et les récoltes à venir pas encore commencées. De la fumure organique plutôt que des engrais chimiques Au sein de groupements, les agriculteurs s’organisent pour trouver ensemble des solutions. « J’ai adhéré à l’Union de Gossina il y a treize ans, raconte Bassama. Elle propose aux groupements des formations à des technologies d’agriculture simples, applicables par tous, et adaptées aux
conditions climatiques de la région. » Au programme, un véritable paquet de méthodes biologiques: diguette, compost organique et méthode zaï. Avec l’aide des animateurs de l’Union, les membres des groupements apprennent à construire des diguettes autour de leurs champs. L’eau ainsi retenue pénètre lentement dans le sol et l’humidifie profondément. La terre devient cultivable. À l’aide de camions, on va chercher dans la nature les cailloux qui permettront de bâtir ces murets. Un véritable travail d’équipe : le groupement s’organise pour déterminer les besoins ; femmes et hommes se répartissent le travail pour aller récolter les pierres et, en véritable chaîne humaine, les acheminer jusqu’au camion. Pour construire les diguettes, les paysans bénéficient du soutien technique des animateurs. Lors des formations, les producteurs redécouvrent aussi la technique traditionnelle du zaï. Le système est simple: au moment de préparer la terre, on creuse tous les 70 cm environ des trous de 30 cm de profondeur et 15 cm de largeur; on y jette deux poignées de compost et les semences. Le compost
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« II suffit de regarder: les résultats sont là !» : là où les techniques ont été appliquées, les épis sont plus grands et en plus grande quantité.
fertilise le sol et les trous conservent l’eau de pluie : les plantes se développent ainsi plus facilement. « Nous apprenons aussi à faire de la fumure organique, raconte Bassama. Elle permet de compléter les engrais chimiques que nous donne la Sofitex. » Dans des grandes fosses, on mélange de l’herbe, de la bouse de vache, du sable et des cendres, que l’on arrose jusqu’à décomposition. Un compost très fertile que les paysans vont répandre sur leurs champs. «II suffit de regarder les champs: les résultats sont là !» Ces techniques demandent du temps et de l’organisation : l’entraide au sein du groupement est primordiale ! Mais les résultats sont là. Confirmation sur le terrain avec Eric Ouédraogo, le coordinateur de l’Union: « Visuellement, nous voyons que ces méthodes sont efficaces. Il suffit de regarder les champs ! Les épis de mil sont plus grands et en plus grand nombre.». Pour Bassama et les autres membres du groupement, les rendements se sont améliorés : « En moyenne, la production céréalière a augmenté de 70 %, se réjouit Eric. Et la période de soudure a diminué de près de trois mois à quelques semaines ». Mais l’Union est loin d’avoir accompli sa tâche : ces méthodes demandent beaucoup de travail. L’organisation veut continuer à imaginer des alternatives plus simples. « Avec l’Union, nous voulons aussi travailler à sensibiliser et convaincre davantage les producteurs que la culture du coton n’est pas durable et qu’elle se fait au détriment des cultures vivrières», poursuit Gabriel, le coordinateur du programme. Bassama, lui aussi, a une vision claire de l’avenir: « Je souhaite pour mes fils qu’ils puissent continuer à cultiver nos terres. Et de faire en sorte que leurs enfants et leurs petits-enfants puissent continuer à se nourrir.» Johanna Monney
Burkina Faso en bref Situé dans le Sahel, le Burkina Faso est l’un des pays les plus pauvres au monde: près de la moitié de ses 16 millions d’habitants et habitantes doit vivre avec moins de 1,25 dollar par jour ; un quart seulement de la population sait lire et écrire. Neuf personnes sur dix y pratiquent l’agriculture de subsistance dans des conditions climatiques extrêmes. Aride, le sol n’est pas sans évoquer le désert : neuf mois sur douze, il ne pleut absolument pas au Burkina Faso. Et lorsqu’il pleut, les pluies sont violentes, emportant tout sur leur passage. Assurer son alimentation toute l’année En collaboration avec ses partenaires, Action de Carême aide les paysans à améliorer la qualité de leurs terres en utilisant des méthodes simples et adaptées au contexte, afin d’augmenter les récoltes et ainsi réduire la période de soudure, période pendant laquelle beaucoup de familles ne peuvent plus faire qu’un repas par jour. Ils apprennent également à planifier et à gérer leurs stocks de céréales tout au long de l’année, afin d’éviter de devoir acheter de la nourriture au moment où les prix sont les plus hauts. Enfin, Action de Carême accompagne les paysans dans la mise sur pied de greniers de solidarité au sein de la communauté, auprès desquels les membres du groupement peuvent emprunter en cas de coup dur, à des taux zéros ou très avantageux. Soutenez les paysans dans leur travail de réhabilitation des terres: CCP 10-15955-7, mention Burkina Faso
ACTION DE CARÊME Avenue du Grammont 7 – 1007 Lausanne Téléphone 021 617 88 81, Fax 021 617 88 79 actiondecareme@fastenopfer.ch www.actiondecareme.ch CCP 10-15955-7
Mars 2014
Rendre le sol fertile: les paysans creusent des trous selon la méthode zaï.