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RABAT-JOIE OU SOLIDAIRES? Chère lectrice, cher lecteur,

ACTION DE CARÊME N° 2 | 2014

Brésil: des enjeux de taille Les manifestations qui ont lieu au Brésil contre la Coupe du monde ne sont pas une surprise. Page 2 Didier Burkhalter : «Une action nécessaire» Le Ministre des affaires étrangères s’exprime sur le rôle de la coopération au développement et le travail d’Action de Carême. Page 7 Philippines : l’aide est bien arrivée à bon port Premier bilan intermédiaire de l’aide apportée aux victimes du typhon Haiyan. Page 8

Mes salutations les plus cordiales! Ayant repris la direction d’Action de Carême, j’ai le privilège de poursuivre une mission bien ancrée dans notre organisation: accompagner des personnes défavorisées dans leur marche vers la dignité. Je vous remercie pour votre engagement et espère pouvoir continuer à bénéficier de votre confiance. Ce bulletin le montre bien: nous devons constamment nous atteler à de nouvelles tâches. Incroyable mais vrai : dans un pays passionné de football comme le Brésil, des personnes protestent contre la Coupe du monde. Des rabat-joie ? En RD Congo, les atteintes aux droits humains commises par des sociétés appartenant à un groupe suisse continuent à être minimisées, alors qu’elles pourraient être l’occasion de procéder à des changements réels. Nous défendons des conditions justes dans l’industrie extractive. Alors: sommes-nous, nous aussi, des rabat-joie ? Ensemble, nous pouvons donner un élan décisif à de nombreuses initiatives. «Nous partageons» – nous y prenons part de façon solidaire – lorsque nous mettons un bémol à l’euphorie de la Coupe du monde. Ou lorsque nous sommes fiers de notre portable cabossé. Par ces élans solidaires, nous participons à la vitalité et à la diversité de notre monde. Nous plaçant aussi dans le rôle de celui qui reçoit. Bonne lecture !

Patrick Renz, directeur d’Action de Carême


Vue du Sud

Le réseau Jubileu Sul condamne les effets de la Coupe du monde depuis son attribution au Brésil en 2010. Elle a le soutien d’Action de Carême et des comités populaires créés dans les douze villes hôtes. Fruits du modèle de développement brésilien, les grands événements (Coupe du monde et Jeux olympiques) et les projets d’envergure (comme le barrage de Belo Monte) mettent en péril les droits humains: ils font peu de cas des intérêts des travailleurs et des opprimés. La loi anticonstitutionnelle relative à la Coupe montre comment l’État se fait le complice des multinationales. Il finance des immeubles et devient le champion des atteintes aux droits humains. À cause de la Coupe, les expulsions ont augmenté, touchant 250 000 personnes. La violence envers les femmes s’accroît, les manifestations qui remettent en cause le championnat sont réprimées. Les mouvements sociaux sont vus comme des «ennemis internes», prétexte à la militarisation de la sécurité publique. Cet événement sportif laissera derrière lui d’énormes dettes, l’État prenant à sa charge 98 % des frais : stades, aéroports et zones destinées aux supporters. Compte tenu des atteintes aux droits, il faut faire de cette Coupe un championnat du monde de la mobilisation. Nous rejetons la violence exercée par l’État et lui demandons de défendre les droits humains. Descendre dans la rue est un acte qui renforce la démocratie et la justice. Rosilene Wansetto, Jubileu Sul

Chaque jour, 19 nouveaux millionnaires: les populations de Rocinha et d’autres favelas n’en perçoivent rien.

BRÉSIL: DES ENJEUX DE TAILLE Les manifestations contre la Coupe du monde qui secouent le Brésil ne sont pas une surprise. Quelles en sont les causes ?

Nous avons d’une part l’image que projette à l’étranger le Brésil: un pays émergent à l’économie florissante et à la classe moyenne en expansion. D’autre part, les conflits sociaux, les manifestations et les grèves font la une des journaux. Au vu des progrès de ces dernières années, comment expliquer une agitation sociale aussi forte au Brésil ? La réponse est complexe, comme le soulignait déjà le musicien Tom Jobim : « Le Brésil n’est pas fait pour les débutants ». Le plan visant à organiser les plus grands événements sportifs du monde à la gloire du capitalisme brésilien a fait long feu. La concentration croissante de la fortune et des revenus est l’une des principales causes de l’effervescence. Selon Forbes, il y a au Brésil 19 nouveaux millionnaires par jour (en real, la monnaie locale). Le modèle de financement de l’État brésilien en est une autre cause : plus de 42 % du budget fédéral sert à payer les intérêts de la dette publique, qui ne cesse d’augmenter. Et ces ressources font défaut pour l’éducation et la santé. Les slogans utilisés durant les manifestations de juin 2013 contre l’augmentation du

prix du billet de bus ne laissent aucune place au doute : « Da Copa eu abro mão, quero é dinheiro pra saúde e educação » (Je m’en fiche de la Coupe, je veux de l’argent pour la santé et l’éducation). La question foncière est un autre facteur : dans les faits, la réforme agraire est enterrée : aucune famille sans terre de l’État fédéral de Rio de Janeiro n’a reçu de parcelle depuis 2007. En revanche, l’industrie extractive tourne à plein régime dans les zones où la réforme agraire ne dispose pas de terrains. Mentionnons encore deux autres contradictions du modèle de développement appliqué par le Brésil : les projets gigantesques (comme l’usine sidérurgique de Thyssen Krupp à Rio) et les évacuations forcées de bidonvilles entiers pour faire place aux immeubles de la Coupe du monde de football et des Jeux olympiques de 2016. Il importe tout autant de critiquer la vision dominante du développement que de proposer d’autres modèles politiques et économiques. Pacs, un partenaire d’Action de Carême au Brésil, entend y apporter sa pierre en aidant les organisations sociales et les réseaux de personnes affectées à opérer un changement de cap au Brésil. Sandra Quintela, Pacs Brésil

action de carême info 2|2014

Action de Carême au Brésil La Coupe du monde est l’occasion de présenter le travail des partenaires d’Action de Carême au Brésil : Pacs : au service des marginalisés de Rio L’organisation Pacs accompagne les habitants et les habitantes des favelas de Rio de Janeiro à la recherche d’autres sources de revenus. Elle leur propose ainsi des ateliers et des formations sur les cultures vivrières, la commercialisation, l’endettement et l’autonomisation des femmes. Par ailleurs, l’organisation collabore étroitement avec les Églises et les syndicats sur des sujets tels que la redistribution des richesses et les structures commerciales. Jubileu : allier critique et sensibilisation Jubileu Sul est un réseau de 42 organisations d’Église, mouvements de base et institutions sociales qui revendique des structures plus justes dans lesquelles hommes et femmes puissent mener une vie conforme à la dignité humaine. Jubileu Sul réalise entre autres une analyse critique de la dette publique et sensibilise la population à ces questions. actiondecareme.ch/bresil


«A REFAIRE, SANS HÉSITATIONS !» Gion Cabalzar a coordonné durant 17 ans le programme d’Action de Carême à Madagascar. L’unique coordinateur suisse sur le terrain prend sa retraite. Il dresse un bilan de ces années passées sur le terrain.

Après avoir travaillé pendant sept ans comme assistant en ethnologie à l’Université de Berne et m’être spécialisé sur Madagascar, j’ai franchi le pas et me suis engagé dans les questions de développement sur la «Grande Île». En 1987, Intercoopération m’a donné la possibilité de diriger un projet pilote de lutte contre la technique du brûlis, qui dévore la forêt. De fin 1997 à juin 2014, j’ai ensuite coordonné le programme d’Action de Carême à Madagascar, dont l’axe principal est la création de groupes d’épargne et de réseaux les unissant. Objectif : garantir un désendettement durable et assurer la

sécurité alimentaire locale. Le bilan du programme parle de lui-même: dans plus de 12 000 groupes, leurs 180 000 membres s’affranchissent de l’endettement par leurs propres moyens et font route vers un destin meilleur. Porté par la collaboration fructueuse établie avec mes collègues de la coordination du programme et les partenaires locaux, mon travail a surtout consisté en la formulation de stratégies, l’élaboration de dossiers didactiques et la réalisation

d’ateliers. J’ai ainsi participé à la conception de 70 ateliers depuis 1997 et ai passé plus de 1500 jours en déplacement pour conseiller les organisations. Travailler au développement sur place, cela signifie aussi habiter sur place, avec tous les avantages et les inconvénients que cela comporte. Des milliers de rencontres stimulantes et enrichissantes ont comme pendant les accès de paludisme, les cyclones, les inondations et d’autres désagréments. L’un est indissociable de l’autre. Si c’était à refaire, je n’hésiterais pas ! Gion Cabalzar, coordinateur sortant du programme à Madagascar

Le chiffre

17 980 014 Grâce à une bonne situation financière, Action de Carême a pu consacrer en 2013 près de 18 millions de francs à ses projets : près de 1 million de plus que l’année d’avant. C’est ainsi plus de 80 % de l’ensemble de nos fonds qui vont directement au travail sur le terrain. www.actiondecareme.ch/resultats_2013

Nombreuses rencontres: Gion Cabalzar chez des producteurs de vanille.

REMISE DE LA PÉTITION AUX CFF Point fort de la campagne de carême, la pétition adressée aux CFF a été remise par Action de Carême et Pain pour le prochain le 7 mai munie de 18 000 signatures.

Les CFF doivent prendre encore plus en compte les conditions de travail dans les usines de production lors de l’achat d’uniformes et adhérer à la Fair Wear Foundation (FWF). C’est ce que demande cette pétition. Grâce à la magnifique mobilisation des paroisses et de nombreux

bénévoles, 17 913 personnes ont appuyé cette revendication et signé la pétition lancée par les deux organisations. Une demande reçue avec beaucoup d’ouverture de la part des CFF. «Un premier dialogue a déjà eu lieu entre Jacqueline Klaiss Brons, responsable du département d’achats des CFF et Erica van Doorn, directrice de la Fair Wear Foundation» se réjouit Stefan Salzmann, responsable du dossier à Action de Carême. Espérons ainsi que l’ex-ré-

gie s’engagera dans un processus d’amélioration avec la FWF : un processus exigeant mais efficace sur le long terme, qu’Action de Carême va continuer à suivre de près. voir-et-agir.ch/lapetition

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Trois questions à …

Didier Burkhalter, Président de la Confédération

Comment la Suisse peut améliorer les conditions de vie au Sud ? La Suisse soutient depuis plus de cinquante ans les pays pauvres dans leurs efforts pour résoudre les crises humanitaires, les problèmes de pauvreté et de développement. Elle dispose à cet effet de plusieurs instruments. Sa stratégie se fonde également sur des programmes globaux, sur une action renforcée dans les pays fragiles et une coopération intensifiée avec le secteur privé. Comment concevez-vous l’avenir de la coopération suisse ? Les objectifs du Millénaire ont permis d’accomplir des progrès remarquables. Néanmoins, près de 1,4 milliard de personnes vivent toujours avec moins de 1,25 $ par jour. Il reste donc de grands défis à relever. L’action de la Suisse reste une nécessité:le Parlement a décidé de porter les moyens dévolus à la coopération internationale à 0,5 % du revenu national brut d’ici à 2015. La Suisse participe activement à la recherche d’objectifs de développement durable universellement applicables. La lutte contre la pauvreté et l’injustice constituent d’importantes priorités. Comment jugez-vous le travail d’Action de Carême ? Elle continue de démontrer qu’elle est un acteur important et une organisation pertinente et solide dans le domaine de la coopération au développement. Son programme est cohérent, il tient compte des contextes difficiles dans lesquels elle intervient.


Clin d’œil

Un voyage de formation à Madagascar ! Du 11 au 26 octobre 2015, Action de Carême organise un voyage de formation à Madagascar, destiné prioritairement aux agents pastoraux de Suisse romande engagés dans la pastorale territoriale et catégorielle. Objectif : acquérir et enrichir ses connaissances sur un pays dit « en développement ». Par des échanges avec des responsables et des bénéficiaires de projets soutenus par Action de Carême, les participants pourront relier l’expérience vécue dans ce pays du Sud avec leur réalité quotidienne en Suisse. Une occasion d’enrichir ses connaissances sur les thématiques NordSud et sur la dimension solidaire de l’Eglise! Intéressé-e ? Les inscriptions sont ouvertes. Renseignements: Dorothée Thévenaz Gygax, 021 617 88 93, thevenaz@fastenopfer.ch

Agenda Septembre, dans toute la Suisse Campagne «High Tech – No Rights» d’Action de Carême et Pain pour le prochain. actiondecareme.ch/fair-computer 13 –14 septembre, Morges «La Fedevaco fête ses 25 ans – Et vous emmène au bout du monde !». 25 ans de la Fédération vaudoise de coopération. Musique, spectacle et expositions. (Halle CFF) Programme complet sur : fedevaco.ch

PHILIPPINES: AIDE À BON PORT Les victimes du typhon Haiyan aux Philippines ont reçu l’aide qui leur était destinée. Premier bilan.

Novembre 2013 : le typhon Haiyan sème mort et désolation aux Philippines. Un grand élan de solidarité traverse alors la Suisse et, grâce aux généreux dons, Action de Carême peut soutenir trois de ses partenaires dans la reconstruction de leurs infrastructures. Dès le lendemain du désastre, Pina, Cerd et les Franciscaines constatent les dégâts. Pina distribue une première aide alimentaire quatre jours après. Entretemps, les familles paysannes ont reçu du matériel pour reconstruire leurs maisons, ainsi que des semences et des plantons pour mettre à nouveau leurs champs en culture. Les trois projets d’aide urgence se sont terminés avant Noël, soit six semaines après la catastrophe. Action de Carême a fourni une aide à 2227 familles, pour un montant de 140 000 francs, financé par des dons. Tous les besoins ne sont pas pour autant satisfaits.

Beaucoup souffrent encore de séquelles psychologiques : «Dès qu’il vente et qu’il pleut, bien des enfants se mettent à pleurer : le souvenir du typhon est encore très présent», raconte Helena Jeppesen, chargée du programme de l’organisation aux Philippines. Les Franciscaines ont ainsi réalisé un premier atelier pour aider 61 enfants et adolescents à surmonter les traumatismes. D’autres suivront. Action de Carême prévoit d’organiser des ateliers non seule-

ment pour les victimes du typhon, mais aussi pour ses partenaires, dont certains employés sont à la limite de l’épuisement. Le typhon a aussi révélé crûment que de nombreuses familles sont encore très proches du minimum vital. Action de Carême entend chercher avec elles d’autres sources de revenus. En extrayant du sel de l’eau de mer, par exemple : «Le but est qu’elles puissent assurer elles-mêmes leur survie», explique Helena Jeppesen.

Impressum

ACTION DE CARÊME Avenue du Grammont 7 1007 Lausanne Téléphone 021 617 88 81 Fax 021 617 88 79 actiondecareme@fastenopfer.ch www.actiondecareme.ch CCP 10-15955-7 Editeur Action de Carême Le bulletin paraît quatre fois par an. La poste nous octroie le tarif « journaux ». Une fois par an, 3 fr. sont pris sur le montant des dons comme contribution d’abonnement. Rédaction Johanna Monney Traduction Jean-François Cuennet Photos Meinrad Schade (p. 1,3), Jean-Pierre Grüter (portrait, p.1), Patricio Frei (p. 2), Chantal Peyer (p. 4,5), François Mercier (p. 6 gauche), Franciscan International (p. 6 droite), Federica Mauri (p. 7 en haut), Autorités fédérales de la Confédération suisse (portrait p. 7), Monika Flückiger (p. 7 en bas), Melecio Sauza (p. 8) Dessin Daria Lepori Concept grafikcontainer Lucerne Layout/Impression Cavelti AG medien. digital und gedruckt

«Haiyan est toujours présent»: distribution de semences à Calimbajan. action de carême info 2|2014


RÉP. DÉM. DU CONGO Travail des enfants, pollution de l’environnement et pratiques fiscales agressives : tel était la réalité des mines de Glencore en République démocratique du Congo (RdC), révélée par une étude d’Action de Carême et de Pain pour le prochain il y a deux ans. Le groupe minier zougois promet à l’époque des améliorations. Des recherches et des analyses récentes menées par les deux organisations et Rights and Accountability in Development (RAID) montrent cependant que celles-ci ont été minimes dans les domaines décisifs. La Commission épiscopale pour les ressources naturelles (CERN), un partenaire d’Action de Carême, s’engage sur place afin de faire valoir les droits des populations locales.

ACTION DE CARÊME


Des teneurs jusqu’à 53 fois plus élevées que les valeurs-seuils : les effluents de l’usine de Luilu et les berges contaminées.

DES PROBLÈMES IRRÉSOLUS En avril 2012, Glencore déclarait avoir réglé le problème de pollution des eaux provoqué par sa fabrique Luilu en RdC. Elle indiquait que les effluents étaient désormais rejetés dans plusieurs bassins et que l’acide était neutralisé. Toutefois, de nouvelles analyses scientifiques réalisées par Pain pour le prochain, Action de Carême et Rights and Accountability in Development (RAID) prouvent le contraire : l’analyse d’échantillons prélevés dans le Canal Albert et la rivière Pingri montre que les concentrations de cuivre et de cobalt dans ces cours d’eau dépassent largement les limites fixées par la loi et recommandées par l’OMS. La teneur en cuivre est ainsi jusqu’à

6 fois supérieure aux valeurs-seuils et celle en cobalt même jusqu’à 53 fois. Les conséquences en sont dévastatrices: les poissons ont disparu de la rivière Luilu et les berges ressemblent à de la «terre brûlée». Les personnes qui habitent en aval de la mine ne peuvent utiliser l’eau de la rivière ni pour leurs besoins quotidiens, ni pour irriguer leurs champs. Action de Carême et Pain pour le prochain ont aussi effectué des recherches sur la mine de Mutanda Mining (Mumi) dans la Basse-Kando, dont la majorité des actions est détenue par Glencore. Cette mine est située au cœur d’une réserve de chasse, où la loi interdit expressément toute activi-


Insalubre et cause de maladies : l’eau d’un puits à Luilu.

Des déviations en guise de projets sociaux : des routes importantes pour les communautés fermées sans préavis par Mumi.

té extractive. Il n’en reste pas moins que Mumi a obtenu une concession et poursuit ce projet d’exploitation, sans expliquer cette contradiction. Les atteintes aux droits humains : une pratique habituelle En février 2014, Mutombo Kasuyi est décédé des suites des voies de fait de la police dans la concession de la filiale de Glencore à Kolwezi, Kamoto Copper Company (KCC). La mort de Mutombo Kasuyi est un exemple récent du recours à la violence de la part des forces de sécurité pour défendre les concessions de Glencore – et de la manière dont les droits humains sont peu respectés. Pour les communautés, Glencore a construit des écoles, des centres de soins et soutenus des

Quand les citoyens font entendre leur voix Action de Carême soutient les communautés touchées par l’industrie extractive. Exemple.

Kolwezi, au cœur du Katanga, mars 2014. La CERN y organise avec Action de Carême un atelier. Objectif : créer des synergies entre les acteurs de la société civile et former les participants à leurs droits. Au programme : formation sur le Code minier congolais, introduction aux normes internationales et présentation de cas pratiques aidant à définir la meilleure manière de récolter des preuves. Elles permettront ensuite de discuter avec l’entreprise et le gouvernement pour trouver des solutions. La salle est comble. Une cinquantaine de personnes sont présentes. «Nous voulons connaître le Code minier pour pouvoir l’appliquer», explique l’Abbé Jacques Musalika, l’un des participants. Jacques habite à une dizaine de kilomètres de là, à Kapata, durement touchée par la problématique de l’extraction minière: une société chinoise vient d’obtenir une concession sur leurs terres. Une clôture a été posée, empêchant les habitants d’accéder à leurs terres : «J’ai dû

me battre pour que le cimetière, un lieu sacré pour nous les Africains, ne soit pas rendu inaccessible». L’abbé s’insurge : «Les entreprises ne pensent pas à demain. Elles prennent les produits bruts et s’en vont.». Mumba Tshikala abonde dans le même sens. Il est le chef coutumier de quatre villages de la région de Kolwezi, particulièrement affectés par Mumi : «On a cru à une bénédiction, maintenant c’est une malédiction», explique-t-il. Il n’y a pas d’emploi pour la population locale. «Les effluents de la mine détruisent les champs et la forêt. A cause de Mumi, les produits de notre agriculture sont détruits». Cet atelier est l’occasion pour lui de se confronter à la conseillère pour les questions environnementales et sociales auprès de Mumi, également présente. «Cette rencontre a été très importante pour moi», conclut le Chef Tshikala. Les débats sont intenses, les critiques fusent. Les participants échangent leurs expériences, cherchent des solutions. «Je suis très heureux d’être ici, cela me donne de l’énergie et de la motivation». Un premier pas vers plus de justice.

projets d’élevage ou d’agriculture. Ces projets sont importants. L’approche de Glencore souffre cependant de lacunes. Tout d’abord, des 15 millions de francs comptabilisés en 2011 au titre de dépenses communautaires, près de 90 pour cent ont été consacrés à des infrastructures, comme la construction de routes ou la réfection d’un aérodrome, qui profitent à la firme. Ensuite, Glencore n’analyse pas l’impact de ses décisions sur les droits humains. Des routes utilisées par les villageois traversant la concession ont, par exemple été fermées, au public sans aucune consultation. La population de plusieurs villages est désromais contrainte de faire 10 kilomètres de détour : il lui est encore plus difficile de gagner sa vie en vendant sa production de fruits et légumes. Les avantages fiscaux dépassent l’aide Glencore continue à réaliser d’importantes économies en combinant une structure complexe, comprenant des filiales dans des paradis fiscaux et des juridictions fiscalement attractives, à des contrats unilatéraux opaques. Selon les calculs des organisations, Glencore a économisé, pour les seules cinq dernières années, la somme de 157,2 millions de dollars (140 mio. de francs). À titre de comparaison, la Confédération a versé à la RdC quelque 54 mio. de francs d’aide au développement durant la même période. Surprenant : une filiale comme KCC enregistre chaque année des pertes, bien qu’elle appartienne à un groupe visant un bénéfice maximal, que le cours du cuivre flambe depuis la crise financière de 2008 et que la production des mines de Glencore en RdC soit en hausse. En conclusion, pour la population habitant les environs des mines de Glencore en RdC, la situation dans les domaines décisifs reste préoccupante, comme l’ont constaté Pain pour le prochain, Action de Carême et RAID durant leurs recherches. Un contraste avec les belles paroles du rapport de développement durable de Glencore, qui promet davantage de responsabilité sociale. Chantal Peyer et Patricio Frei


«Être ici me donne de l’énergie et de la motivation» : le Chef Tshikala.

«Il revient à l’Eglise de dénoncer les injustices» : Mgr Ambongo, président de la CERN.

« De quoi se mêle l’Eglise ?»

vos dons: L’impact de la création us soutenez vo , cs n a fr provi– Avec 50 nautaire. Des u m m co se ences. d’une cais serves de sem ré e n U – ie sions de surv z des forma, vous finance cs n a fr 0 0 1 à des mé– Avec ez le retour g ra u co en s. Elles tions et traditionnelle re u lt cu ri g ’a agent thodes d es – Et mén lt co ré s le t augmenten ent. l’environnem tenez activecs, vous sou n a fr 0 5 1 défense du – Avec ains – Et la m u h s it ro d s. ment les communauté entation des lim a l’ à it ro d

tient à l’Eglise, telle une sentinelle qui veille, de crier très fort ‘ il y a un danger ici’». Mais l’Eglise n’est pas seulement celle qui crie : « Elle doit aussi s’engager pour montrer qu’une autre orientation est possible », résume Mgr Ambongo. C’est dans cette optique que la Conférence épiscopale du Congo a créé en juillet 2007 la CERN. Un « veilleur » des ressources naturelles L’objectif de la CERN est simple : faire en sorte que la population locale puisse, elle aussi, profiter des bénéfices des richesses que recèle le sol. Elle fait ainsi office de «veilleur» : par le biais des 25 Observatoires des Ressources Naturelles (ORN) que la Commission a mis sur pied dans les différentes régions du pays, elle récolte des informations et mène des recherches sur les atteintes aux droits humains et à l’environnement commises par des entreprises venues exploiter les ressources de la région. Du matériel qui lui permettra d’alerter l’opinion publique ou de faire pression auprès du gouvernement et des entreprises afin que la situation s’améliore. La CERN travaille avec les décideurs afin d’influencer les lois et les décisions. Elle a aussi un rôle de médiateur, en encourageant le dialogue tripartite entre entreprises, autorités et populations locales par le biais de cadres de concertation, où les communautés peuvent exprimer leurs besoins. Elle fait enfin office de «réveilleur »: par la publication d’enquêtes telles que celles sur GlencoreXstrata ou l’organisation d’ateliers de formation, il s’agit de renforcer la conscience de la communauté locale et de faire en sorte qu’elle connaisse ses droits afin qu’elle puisse les faire valoir auprès des autorités et des entreprises.

Henri Muhiya et Johanna Monney

Cinq ans après la fin de la guerre, l’insécurité règne encore en République démocratique du Congo : des conflits régionaux font toujours rage pour s’assurer le contrôle des ressources minières. La population de ce pays fertile, au sous-sol si riche, souffre des séquelles de la dictature et de la guerre. Elle ne profite pas des richesses du pays : en 2012, la RdC occupait ainsi à nouveau la dernière place sur l’indice de développement des Nations Unies, sur un total de 187 pays. La moitié de la population ne mange pas à sa faim. La situation reste tendue et le pays manque d’infrastructures. Améliorer l’alimentation Les partenaires d’Action de Carême accompagnent environ 3000 communautés villageoises. Principal objectif : améliorer leur sécurité alimentaire. La qualité des semences a beaucoup souffert de la guerre. Nos partenaires fournissent aux communautés des semences améliorées que celles-ci utilisent sur les champs collectifs, introduisant par ailleurs d’autres sources nutritionnelles, comme le poisson ou divers légumes. Les communautés fondent aussi des groupes d’épargne, qui leur fournissent un appui en cas de difficultés et les préservent de l’endettement. Enfin, Action de Carême soutient ses partenaires dans leurs activités de plaidoyer et de sensibilisation, notamment quant à l’impact des activités de l’industrie extractive sur les droits humains. Soutenez les communautés locales en RdC dans leur lutte pour la dignité : CCP 10-15955-7, mention RD Congo.

ACTION DE CARÊME Avenue du Grammont 7 – 1007 Lausanne Téléphone 021 617 88 81, Fax 021 617 88 79 actiondecareme@fastenopfer.ch www.actiondecareme.ch CCP 10-15955-7

Juin 2014

«Intrusion»: tel est le mot que l’on entend quand certains responsables de l’administration ou des entreprises extractives veulent dénier à l’Eglise le droit de s’intéresser à la malédiction des ressources naturelles – le paradoxe existant entre l’abondance des ressources naturelles et la pauvreté de la population. De quoi se mêle donc l’Eglise dont la mission relève de la foi ? « L’Eglise catholique reste la seule instance au Congo suffisamment neutre par rapport au pouvoir », explique Mgr Fridolin Ambongo, évêque de Bokungu, dans la province de l’Equateur. Il est aussi le président de la Commission épiscopale pour les ressources naturelles (CERN), un partenaire d’Action de Carême sur place. « L’Eglise fait des analyses critiques et se bat pour le peuple et au nom du peuple, indépendamment de considérations confessionnelles », poursuit l’évêque. Il a une idée précise du rôle qu’elle doit tenir : un rôle de «veilleur» et de « réveilleur» du peuple : «Elle doit réveiller le peuple qui est en train de se faire piller. Il appar-

La Rép. dém. du Congo en bref


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