DU SANG DANS NOS PORTABLES Chère lectrice, cher lecteur,
ACTION DE CARÊME N° 3 | 2014
Donner la priorité aux droits humains Lors d’une mission au Guatemala, Mgr Felix Gmür s’est engagé en faveur de règles contraignantes pour les multinationales. Page 2 Le sens des affaires de Gabriel Gladice En Haïti, les groupes d’épargnes soutenus par Action de Carême ont un fonctionnement différent. Page 7 Découvrir le travail d’Action de Carême La fondation organise une voyage à Madagascar. Objectif : s’immerger dans une réalité du Sud. Page 8
Possédez-vous le dernier Iphone ? En 2013, un milliard de téléphones tactiles ont été achetés ; il y a autant d’abonnés que d’habitants sur terre. Vous en êtes peut-être, comme moi ? Par son engagement dans les pays du Sud, notamment en RD Congo d’où viennent les matières premières qui composent nos appareils, Action de Carême est en première ligne pour observer leurs conditions de production. Les améliorations sont insuffisantes : pollution massive des cours d’eau, conditions de travail indignes, dommages à la santé irréversibles. Or, l’écrasante demande pour ces appareils n’est pas étrangère à la pression exercée sur les ouvrières et les ouvriers. La relation que nous entretenons avec ces appareils est aussi un bon indicateur de notre liberté intérieure ; j’ai connu certains jeunes qui se sentaient mal physiquement sans leur portable sur eux. Partout fleurissent des thérapies pour se libérer de cet «esclavage» électronique. Chers lecteurs, ne nous laissons pas instrumentaliser. Laissons-nous le temps de la réflexion avant d’acheter un nouveau portable (www. hightech-rating.ch). Laissons-nous le droit de tout éteindre et de sortir de cette «tyrannie» du lien à tout prix. En refusant cet «esclavage», nous irons à la rencontre d’une Terre promise !
Christelle Devanthéry, membre de la direction
Vue du Sud
On trouve en République démocratique du Congo (RdC) de nombreux minerais utilisés dans les nouvelles technologies: cuivre, or, coltan et cassitérite. Ils sont extraits dans des provinces touchées par des guerres meurtrières : au Kivu notamment, des bandes armées s’y disputent ces ressources. La ruée vers le coltan a débuté en 2000. Une pénurie temporaire a fait flamber les cours : de 30$ la livre à 210$. On attendrait que le revenu des ménages puisse augmenter et les activités économiques se diversifier. Que l’Etat ait les moyens d’offrir des services sociaux et des infrastructures de base. Or, les revenus de l’exploitation de ces ressources contribuent peu à l’amélioration des conditions de vie. Là où ces minerais sont exploités, il n’y a pas de routes en bon état : la circulation des personnes et des biens est difficile. Les méthodes utilisées pour l’exploitation des minerais ne garantissent pas le respect de l’environnement. Et les divers groupes armés ne sont pas encore totalement éradiqués : l’insécurité qu’ils causent rend l’activité économique instable. Pour remédier à cette situation, les évêques ont créé la Commission Episcopale pour les Ressources Naturelles (CERN). Elle agit à deux niveaux : celui des décideurs pour influencer les lois ; et de la population pour l’accompagner dans la compréhension des enjeux et la mobiliser pour qu’elle participe aux prises de décisions. Mgr Fridolin Ambongo, Président de la CERN
METTRE DES LIMITES
Ecopop : non à une fausse bonne solution
En envoyant des délégations à Genève et au Guatemala, Action de Carême s’engage pour imposer des règles aux multinationales. Avec succès.
L’initiative Ecopop, sur laquelle le peuple se prononcera le 30 novembre prochain, entend affecter au planning familial 10 % de l’aide suisse au développement. Action de Carême et les autres membres d’Alliance sud recommandent de rejeter cette initiative, qui n’atteindrait pas sa cible. Il s’agit de tout mettre en œuvre pour que les conditions de vie dans les pays en développement s’améliorent : une famille qui voit son niveau de vie progresser n’a plus besoin d’assurer sa vieillesse en mettant au monde plusieurs enfants. Il est rare que les femmes choisissent volontairement d’assumer plusieurs grossesses les unes après les autres, mettant de la sorte leur santé en jeu. Ainsi, elles peuvent décider d’elles-mêmes d’avoir moins d’enfants. Cette évolution est aussi certaine que celle du taux de natalité en Suisse : de 4,4 enfants, il est passé ces 150 dernières années à 1,5 enfant par femme. Prise de position du directeur d’Action de Carême, Patrick Renz : actiondecareme.ch/ ecopop-non
Grâce au soutien et à l’appui d’Action de Carême, des membres de communautés aux Philippines, en Colombie et au Brésil sont intervenus au Conseil des droits de l’homme, à Genève, pour raconter de quelle manière les multinationales violent les droits humains dans leur pays, sans que les gouvernements ne leur imposent de règles ou presque. Les nouvelles mines et les plantations s’accompagnent d’une augmentation de la violence, des crimes et la perte de lopins de terre. Dans de nombreux pays, la population n’a pas la possibilité de faire valoir ses droits. Certains Etats, dont la Suisse, souhaitent en rester à de simples lignes directrices facultatives pour les entreprises. Mais la majorité du Conseil des droits de l’homme s’est engagée dans la voie d’un accord international contraignant. Des évêques en visite au Guatemala Alors que le Conseil des droits de l’homme siégeait, Felix Gmür, président du Conseil de fondation
d’Action de Carême, s’est rendu en juin au Guatemala avec trois autres évêques d’Espagne, de Belgique et d’Irlande. Par leur présence, ces quatre évêques ont témoigné de leur solidarité avec la population locale. Ils se sont, entre autres, rendus dans des villages proches de la mine de La Puya et ont visité un lieu de mémoire aux victimes du génocide perpétré contre les populations indigènes. La population, qui manifeste pacifiquement depuis trois ans contre l’exploitation de cette mine, subit de très sérieuses menaces, aussi de la part des autorités. Ces communautés défendent leurs terres, leur santé et leur droit à un environnement intact. Lors de son séjour sur place, l’évêque de Bâle a pu voir à quel point il est important d’adopter des normes contraignantes pour les multinationales : «J’ai vu de mes propres yeux de quelle manière, au nom du développement économique, on bafoue la dignité et les droits humains. Et comment l’on pille sans retenue la Création. Nous devons nous élever là-contre. Je soutiens donc, moi aussi, la campagne ‘Droit sans frontières’». Blanca Steinmann
Visite d’un mémorial pour les victimes du génocide : l’évêque Felix Gmür reçoit une croix en bois en signe de reconaissance. action de carême info 3|2014
Quelle sera la première ville équitable du pays? Les communes suisses qui s’engagent en faveur du commerce équitable peuvent, dès maintenant, demander la distinction «localité équitable», ou Fair Trade Town. La campagne internationale, soutenue par Action de Carême,a démarré en Suisse aussi. Tout le monde peut y participer : particuliers, commerces, restaurants et entreprises s’inscrivent sur le site internet de la campagne et font ainsi connaître leur engagement en faveur du commerce équitable. Objectif de la campagne : faire en sorte que 55 villes et communes de Suisse, totalisant un million d’habitants, achètent équitable d’ici 2018. Quelle commune deviendra la première Fair Trade Town de Suisse ? fairtradetown.ch
LE SENS DES AFFAIRES DE GABRIEL Au départ, les groupes d’épargne ont comme objectif de constituer une réserve. En Haïti, ils fonctionnent autrement. Et n’aident pas seulement des veuves.
L’animation est grande sur la place du marché de Désarmes, une petite ville d’Haïti. Gabriel Gladice – un prénom féminin en créole – semble presque perdue au milieu de tous ceux et celles qui se frayent un passage dans la boue. Où lui faut-il se rendre avec le sac de riz qu’elle a acheté quelques jours auparavant à Pont Sondé ? Il lui a coûté 4500 gourdes : une centaine de francs suisses. Gabriel n’a pas autant d’argent. Depuis que son mari est mort lors du tremblement de terre de 2010, elle doit subvenir seule aux besoins de ses trois enfants, âgés de huit à douze ans. Derrière sa petite maison en pierres au toit de tôle ondulée, elle cultive du maïs, des petits pois et du mil sur une trentaine d’ares. Si elle est devenue une femme d’affaires, c’est au groupe d’épargne Mityèl Solidarité – Mutuelle Solidarité, Muso en abrégé – qu’elle le doit. Il y a une année, les seize membres du groupement ont suivi une formation de base dispensée par Piod, une organisation partenaire d’Action de Carême. Depuis, chaque
Le chiffre
27 Vieux téléphones portables, ordinateurs ou frigos : c’est, en kilos, la masse de déchets électroniques que chaque Suisse et chaque Suissesse produit chaque année. Un poids qui équivaut à 216 000 tonnes au total. Bien plus que la moyenne de l’Union européenne, qui s’élève à 19 kg par année et par habitant. Source : www.umweltnetzschweiz.ch.
membre contribue au fonds commun à raison de cent gourdes toutes les deux semaines. A tour de rôle, les membres empruntent à la caisse un petit capital pour un mois : un montant qui leur permettra d’investir dans des affaires. Le remboursement se fait à un taux de 10 % d’intérêt. «Nous avons fixé un taux relativement élevé, afin de pouvoir aller de l’avant plus rapidement», explique Gabriel. Le groupe dispose aujourd’hui de plus de 21 000 gourdes : un montant qui lui permet de soutenir les activités commerciales de quatre de ses membres. C’est maintenant au tour de Gabriel. D’ici la fin du mois, elle vendra au marché, tasse par tasse, ses huit sacs de riz. Elle en tirera un bénéfice de près de 5000 gourdes. Gabriel confirme cette estimation, tout en s’efforçant de la relativiser : avec
cette somme, il lui faudra nourrir sa famille durant trois mois avant de pouvoir à nouveau emprunter auprès de la Muso. Je lui fais remarquer qu’elle n’a pas besoin de prouver la réussite de la Muso, qu’elle peut au contraire en être fière. Mais qu’en fin de compte, il ne lui reste pas grand-chose. Elle approuve : «C’est le minimum pour nous quatre. A moi de me débrouiller pour que cela suffise.» Gabriel a le sens des affaires. Elle aimerait vendre des poivrons : un commerce qui pourrait générer des bénéfices plus importants, mais qui comporterait également plus de risques : «Les légumes qui ne sont pas vendus le jour même sont une perte sèche, tandis que je peux tranquillement stocker le riz qui me reste en attendant le prochain jour de marché.» Patricio Frei
«Le minimum doit suffire»: Gabriel Gladice au marché à Désarmes.
Droit sans frontières : de petits pas La deuxième revendication de la campagne «Droit sans frontières» a aussi été clarifiée par Berne.
La Commission de politique extérieure du Conseil des Etats a adopté, en août, un postulat demandant un rapport sur l’accès à des voies de recours pour les victimes de violations des droits humains par des entreprises. Le Conseil fédéral a déjà reconnu la nécessité d’agir : «La densité des entreprises multinationales ayant leur siège en Suisse est
particulièrement élevée. On peut dès lors se demander si la Suisse ne devrait pas assumer un rôle de précurseur en matière de mise en œuvre des Principes directeurs des Nations Unies relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme.» Forte de 135 000 signatures, la pétition «Droit sans frontières» a été remise en 2012 au Parlement avec l’aide d’Action de Carême. Les préparatifs pour le lancement d’une initiative populaire vont bon train.
action de carême info 3|2014
Trois questions à...
Raphaël Comte, Conseiller aux Etats NE
Que doit faire la Suisse pour des appareils «high tech» propres ? Chaque entreprise est responsable des conditions dans lesquelles ses produits sont fabriqués. Cette responsabilité sociale vaut pour l’ensemble de la chaîne de production. Si les conditions de travail dans un pays ne respectent pas les droits fondamentaux, l’entreprise doit prendre les mesures nécessaires. Et les Etats, dont la Suisse, doivent négocier afin que chaque pays respecte des standards minimaux. La Suisse doit jouer un rôle moteur et pourrait se doter de règles pour que les entreprises suisses actives à l’étranger respectent les droits humains. Que peut-on faire pour acheter des appareils plus propres ? Chaque consommateur peut, par son comportement, agir sur l’attitude des entreprises. Mais pour un poids réel, des actions collectives, comme celle menée par Action de Carême, sont indispensables. Si le consommateur opte pour des produits plus propres, les entreprises n’auront d’autre possibilité que de s’adapter à ses exigences. Et vous, que faites-vous pour une consommation responsable? Lors de mes achats, j’essaie de me renseigner sur les conditions de fabrication du produit. Une consommation responsable passe aussi par le fait de ne pas toujours céder à la mode. J’ai des appareils qui datent de plusieurs années et qui fonctionnent encore parfaitement !
Clin d’œil
Pétition aux CFF : le Conseil fédéral répond Quelque 18 000 personnes ont signé la pétition qui demandait aux CFF d’améliorer les conditions de production de ses uniformes. Dans une lettre adressée à la conseillère fédérale Evelyn Widmer-Schlumpf, Action de Carême et Pain pour le prochain ont relevé l’intérêt de la population pour ce sujet. Elles lui ont demandé d’adopter des critères écologiques et sociaux lors de la révision de la Loi sur les marchés publics et un mécanisme de contrôle efficace. Dans sa réponse, Evelyn Widmer-Schlumpf assure que la durabilité est l’un des critères fondamentaux de la Conférence des achats de la Confédération. Elle affirme également accorder une grande importance à notre contribution et nous encourage à poursuivre notre engagement.
Agenda 16 septembre, Berne : Symposium organisé par Droit sans frontières : «Economie et droits humains : les limites de l’autorégulation». (13h00 – 17h30 Naturhistorisches Museum) droitsansfrontieres.ch 11 octobre, Saint-Maurice : Les «Défis du Jubilé». Un moyen de se mettre en marche, pour le corps et pour l’esprit : divers circuits à faire en marchant ou en courant sur l’itinéraire des «Chemins bibliques» selon le défi choisi (13 parcours de 7 à 71 km). chemins-bibliques.ch
DÉCOUVRIR UNE RÉALITÉ DU SUD Du 11 au 26 octobre 2015, Action de Carême offre la possibilité à une quinzaine de personnes de s’envoler pour Madagascar, à la rencontre de partenaires de l’organisation. Une manière de découvrirs le travail qu’elle soutient. Et une expérience formatrice, pour soi et professionnellement.
En s’immergeant dans la réalité socio-culturelle de la «Grande île», les participants et les participantes seront à même de ressentir et de se
plonger – le temps d’un voyage – dans la vie quotidienne de ces familles malgaches qui se battent pour leur sécurité alimentaire et qui travaillent ensemble pour trouver des moyens d’action communs. Présent depuis 25 ans à Madagascar, Action de Carême a développé une véritable expertise dans le domaine de la coopération au développement : elle y soutient quelque 12 000 groupes d’épargne commune, comptant plus de 180 000
membres. En s’unissant en groupement, ceux-ci peuvent sortir du cercle chronique de l’endettement par leur propre effort. Basé sur le principe de la solidarité, tout emprunt à la caisse commune est remboursé sans intérêt. Des emprunts qui leurs permettent de faire face à l’urgence, à la maladie ou à la pénurie alimentaire. Dans le cadre de ce voyage, les participants et les participantes iront à la rencontre de groupements vivant dans la capitale et sur la côte est. Des échanges avec des membres de l’Eglise malgache sont également organisés, tout comme deux visites de parcs naturels. Les inscriptions sont ouvertes à tous et à toutes : rejoignez-nous pour vivre une expérience hors du commun ! Dorothée Thévenaz Gygax Renseignements : Dorothée Thévenaz Gygax, 021 617 88 93, thevenaz@fastenopfer.ch ou actiondecareme.ch/voyage_ madagascar
action de carême info 3|2014
Impressum
ACTION DE CARÊME Avenue du Grammont 7 1007 Lausanne Téléphone 021 617 88 81 Fax 021 617 88 79 actiondecareme@fastenopfer.ch www.actiondecareme.ch CCP 10-15955-7 Editeur Action de Carême Le bulletin paraît quatre fois par an. La poste nous octroie le tarif «journaux». Une fois par an, 3 fr. sont pris sur le montant des dons comme contribution d’abonnement. Rédaction Johanna Monney Traduction Jean-François Cuennet, Nadine Cuennet Photos Jean-Pierre Grüter (portraits), Nathaniel Daudrich (grand portrait p. 2), Aisling Walsh, Trócaire (p. 2), Patricio Frei (p. 3, 6, 7), Meinrad Schade (p. 5 gauche), archives Action de Carême (p. 5 droite, p.8). Dessin Daria Lepori Concept grafikcontainer Lucerne Layout/Impression Cavelti AG medien. digital und gedruckt.
EVALUATION DES MARQUES Les grandes marques de téléphones portables, de tablettes et d’ordinateurs ont délocalisé une grande partie de leur production dans des pays où les salaires sont très bas. De quelle manière ces multinationales prennent-elles en compte le bien-être des ouvriers et des ouvrières, la provenance des minerais qui composent ces appareils ou encore la protection de l’environnement ? Action de Carême et Pain pour le prochain ont mené l’enquête et ont élaboré un classement des principales marques du secteur de l’électronique.
ACTION DE CARÊME
1.
2.
3.
4.
HP
avancé
5.
Lenovo
insuffisant
9.
Asus
Environnement
Environnement
Environnement
Droits du travail
Droits du travail
Droits du travail
0LQHUDLV GHV FRQÀLWV
0LQHUDLV GHV FRQÀLWV
0LQHUDLV GHV FRQÀLWV
Total : 76%
Total : 46%
Total : 24%
Nokia
avancé
6.
Acer
insuffisant
10. HTC
Environnement
Environnement
Environnement
Droits du travail
Droits du travail
Droits du travail
0LQHUDLV GHV FRQÀLWV
0LQHUDLV GHV FRQÀLWV
0LQHUDLV GHV FRQÀLWV
Total : 67%
Total : 44%
Total : 20%
Apple
moyen
7.
Samsung
Environnement
Environnement
Droits du travail
Droits du travail
0LQHUDLV GHV FRQÀLWV
0LQHUDLV GHV FRQÀLWV
Total : 61%
Total : 41%
Dell
moyen
8.
Sony
Environnement
Environnement
Droits du travail
Droits du travail
0LQHUDLV GHV FRQÀLWV
0LQHUDLV GHV FRQÀLWV
Total : 50%
Total : 38%
négligent
négligent
insuffisant
insuffisant
QUEL SANG SE CACHE DANS NOS TÉLÉPHONES PORTABLES ? Action de Carême et Pain pour le prochain ont examiné la performance des grands fabricants d’appareils électroniques en matière de droits du travail, de protection de l’environnement et de «minerais des conflits». Elles ont retenu les dix entreprises aux plus grandes parts du marché suisse de smartphones, tablettes et ordinateurs. But de cette évaluation : aider le consommateur privé et les pouvoirs publics à acheter de manière plus responsable en toute connaissance de cause. «Minerais des conflits» Dans le domaine des «minerais des conflits», les pressions exercées par la société civile et les
nouvelles lois commencent à porter leurs fruits. Toutes les marques admettent l’existence d’un problème et ont commencé à adopter des mesures. Hormis Asus et HTC, elles s’opposent à un boycott qui frapperait en premier lieu les revenus familiaux des travailleurs concernés en RD Congo. Apple est la seule marque à faire un pas de plus en ne se fournissant en tantale qu’auprès de producteurs certifiés. Apple, HP et Nokia appuyent des initiatives multipartites en faveur de minerais propres provenant des zones sensibles. Il n’en reste pas moins que toutes les marques, ou presque, continuent à déléguer la responsabilité de l’origine des minerais à leurs sous-traitants.
Des différences considérables entre les marques : extraction minière en RD Congo et des ouvriers dans une usine en Chine.
Protection de l’environnement S’agissant de la protection de l’environnement, les marques sont nombreuses à avoir réalisé des progrès notables ces dernières années : leurs émissions de CO2 se situent presque toutes à un niveau acceptable. Mais la fabrication de ces appareils fait toujours appel à des produits chimiques interdits depuis longtemps en Europe, dont les conséquences pour les ouvriers et l’environnement sont néfastes. Aucune marque ne reconnaît ici l’existence d’un problème. Droits du travail L’analyse a révélé que le respect des droits du travail chez les sous-traitants est tout à fait insuffisant. Plus de la moitié des marques se borne à approuver un code de conduite, sans adopter de mesures efficaces. Les entreprises situées au milieu du classement (Apple, Nokia et Dell) appliquent des normes relativement élevées et collaborent étroitement avec leurs sous-traitants. HP est la seule à atteindre un niveau satisfaisant grâce aux cours sur les droits du travail proposés aux employés et aux mesures qu’elle a commencé à adopter pour un salaire de subsistance. Toutefois, il n’existe chez aucune marque de mesures crédibles qui renforcent la position des ouvriers. Conclusion : des écarts marqués – une nécessité d’agir L’évaluation d’Action de Carême et de Pain pour le prochain montre clairement que les marques accordent la priorité à la protection de l’environnement : la plupart d’entre elles ont fait beaucoup d’efforts et sont relativement transparentes. En revanche, leur engagement en matière de droits du travail reste absolument insuffisant. Elles appliquent une politique d’information opaque et se montrent toujours très frileuses quant à l’amélioration des conditions de travail dans les fabriques de leurs sous-traitants. Les différences entre les marques sont frappantes. Alors que la lanterne rouge, HTC, ne publie même pas de rapport annuel de responsabilité sociale,
la locomotive, HP, collabore avec des organisations non gouvernementales et des syndicats indépendants pour améliorer les conditions de travail des ouvrières et ouvriers. Pour parvenir à une amélioration durable de la situation, les marques doivent : • donner un appui judicieux aux ouvriers et aux ouvrières afin qu’ils puissent s’organiser tout au long de la chaîne de production (grâce à des cours, p. ex.) ; • collaborer en la matière avec des ONG et des syndicats indépendants ; • exiger de leurs sous-traitants qu’ils paient des salaires de subsistance. Classement et évaluation complète : hightech-rating.ch
Ce que vous pouvez faire Le Suisse change en moyenne de téléphone tous les 12 mois : la plupart des appareils pourraient encore fonctionner beaucoup plus longtemps. Une consommation responsable des produits «high tech» contribue à limiter l’utilisation des matières premières et à préserver l’environnement. En tant que consommateurs, nous pouvons agir! Trucs et astuces : 1. Ne changez pas de téléphone chaque année! Une série d‘astuces vous permet de prolonger la vie de vos appareils. Et des entreprises spécialisées les réparent. 2. A l’achat, privilégiez les marques qui ont le bilan social et environnemental le plus positif. Posez des questions au vendeur et renseignez-vous: www.hightech-rating.ch. 3. Recyclez votre téléphone ! Rapportez-le au magasin ou faites-en don : solidarcomm.ch. 4. Demandez à votre opérateur une réduction du prix de votre abonnement plutôt que d‘acquérir un nouveau téléphone! 5. Soutenez des organisations comme Action de Carême et Pain pour le prochain ! Elles s‘engagent pour des conditions de production plus justes et durables.
«Un travail qui demande les efforts de tout le monde» : Raymond Nyembo évalue les dégâts dans un champs de maïs.
Faire vaciller les géants de l’industrie minière En République dém. du Congo (RdC), la Fédération des Droits de l’Homme (FDH), un partenaire d’Action de Carême, défend les droits des communautés victimes des activités de l’industrie extractive : celle qui fournit les minerais indispensables à nos téléphones portables.
Tribunal de Grande Instance de la ville de Kipushi, dans la province du Katanga, mars 2014. Trois fermiers sortent du bâtiment. Ils viennent de prendre connaissance de la décision du Tribunal. Des ressources indispensables à la survie Shimba Ngoy a 46 ans. Marié et père de cinq enfants, il cultive des cultures maraîchères le long de la rivière Kafubu. Tout comme Bady Kabeya, 69 ans, et Hélène Divova, 58 ans. Tous trois exploitent aussi un étang, dans lequel ils pratiquent la pisciculture : des tilapias et des silures, deux sortes de poissons prisés sur le marché. La vente de ces produits leur permet de subvenir aux besoins de leur famille. Géomètre, pasteur et fonctionnaire de l’Etat : leur emploi respectif ne leur apporte qu’un maigre salaire, qui ne dépasse pas les 150 dollars par mois. C’est insuffisant.
vos dons : L’impact de n z la formatio vous finance , cs n a o, fr g n 0 o 3 – Avec ui, en RD C rs locaux, q onnées et d’observateu mines des d es d r u to u a récoltent e terre. ns d’eau et d llo s ti n a h éc des ez les paysan , vous souten cs n a se fr t 0 5 en – Avec d, souhait s pays du Su lture bioqui, dans le odes d’agricu h ét m es d à convertir nir logiques. éjà de soute ermettent d p cs én d a fr la t s–E – 100 roits humain d s le t m en m co uactivem entation des lim a l’ à it ro d fense du s. nautés locale
En avril 2011, leur vie bascule : la Gécamines (GCM) et la Compagnie Minière du Sud-Katanga (CMSK), qui exploitent le cuivre et le cobalt de la région, déversent dans la rivière des eaux usées polluées. Les analyses demandées par les autorités provinciales révèlent la présence d’arsenic dans l’eau. Et un niveau de pH trop élevé. Ces eaux polluées ont non seulement détruit toute vie aquatique, mais aussi la qualité du sol le long de la rivière, sur 120 km. Les trois fermes, leurs plantations et leur étang ont aussi été contaminés : il n’y a plus aucune culture, ni aucun poisson. Les trois fermiers veulent réparation. Ensemble, faire valoir ses droits Février 2012, les trois compagnons font appel à la FDH. Ils peuvent y bénéficier gratuitement de l’accompagnement juridique de quatre avocats pour porter plainte. Le cas est porté devant la justice, les dommages subis sont mis en lumière. C’est un premier pas. Mais le résultat est décevant : deux fois 6000 dollars américains en guise de dommages et intérêts, alors que les préjudices ont été estimés à 1 million de dollars. C’est ce que les avocats de la FDH avaient exigé pour chacun. «Le montant accordé ne représente même pas 1% de l’argent investi dans leur ferme», explique Raymond Nyembo, secrétaire général de la FDH. Ils voulaient que ces entreprises soient reconnues responsables : «Le tribunal n’a même pas abordé l’aspect de la réhabilitation du site». Faire respecter ses droits est un travail de longue haleine : «Nos avocats ont, d’entente avec les plaignants, décidé de faire recours», poursuit Raymond. «Les faits sont tellement évidents que tout nous pousse à croire qu’ils peuvent gagner». La lutte continue. Pour que les communautés locales puissent vivre dans la dignité. «C’est un travail qui demande les efforts de tous pour faire ébranler ces géants miniers qui se croient intouchables» conclut Raymond. Johanna Monney
High Tech – No Rights? Depuis 2007, Action de Carême mène avec Pain pour le prochain la campagne «High Tech – No Rights ?». Elle vise à dénoncer les conditions dans lesquelles nos appareils électroniques ont été produits et s’engage pour des produits «high-tech» produits dans la dignité. 1. Pas de minerais aux dépens des populations et de l’environnement : conditions de travail déplorables, pollution de l‘environnement, évasion fiscale – quelques-uns des nombreux problèmes courants rencontrés dans l‘exploitation des mines. Action de Carême exige des entreprises qu’elles fassent preuve de transparence et s’engage au sein de la coalition «Droit sans frontières». 2. Se faire le porte-parole des populations affectées : avec ses partenaires locaux, Action de Carême renforce les capacités des communautés locales sur place à faire valoir leurs droits. 3. Améliorer les conditions de vie : en formant les paysans à des méthodes d‘agriculture adaptées et en favorisant leur accès à la terre, Action de Carême contribue à ce que les communautés locales dans les pays du Sud puissent se nourrir en suffisance. 4. De meilleures conditions de travail dans l‘industrie de l‘électronique : en publiant des rapports, les deux organisations font pression sur les marques afin qu‘elles s‘engagent pour trouver des solutions aux problèmes qui se posent dans les grands sites de production en Asie. Engagez-vous à nos côtés pour plus de justice ! Faites un don : CCP 10-15955-7
ACTION DE CARÊME Avenue du Grammont 7 – 1007 Lausanne Téléphone 021 617 88 81, Fax 021 617 88 79 actiondecareme@fastenopfer.ch www.actiondecareme.ch CCP 10-15955-7
Septembre 2014
Se battre aux côté des victimes pour obtenir réparation : Raymond Nyembo, secrétaire général de la FDH.