// MÉTIER // Faire entrer les cinq sens en classe
Les écrits connectés ou comment parle-t-on via les écrans numériques ?
Velinda Sarahí Marquina
Pineda : Planter des petites graines d’espoir au Honduras
// DOSSIER //
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Les écrits connectés ou comment parle-t-on via les écrans numériques ?
Velinda Sarahí Marquina
Pineda : Planter des petites graines d’espoir au Honduras
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// LANGUE // Boualem Sansal : « De quoi le français est-il le nom?»
// ÉPOQUE // Paradis en cuisine avec Juan Arbelaez
Porto-Novo : l’avenir de la mémoire
// MÉMO // Barbara Pravi, la conteuse
« Jall aux yeux », le mélange des genres et des gens, liés par le français
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DES FICHES PÉDAGOGIQUES POUR EXPLOITER LES ARTICLES
- Région : Porto-Novo, capitale historique du Bénin.
- Mnémo : Zapp créative
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LES REPORTAGES AUDIO RFI
Dossier : À Abidjan, les cosplayeurs rêvent de mangas africains
Culture : Et si le cinéma se mettait au service de la transition écologique ?
Nature : Faut-il faire l’éloge du rat ?
Expression : Perdre les pédales, les mots des JO 2024
ÉPOQUE
08. Portrait
Paradis en cuisine avec Juan Arbelaez
10. Tendances
À pleins tubes !
11. Sport
Les Jeux Olympiques, médaille d’or du développement du sport en France ?
12. Région
Porto-Novo : l’avenir de la mémoire
14. Idées
Karine Abiven : « Les récits des transfuges de classe sont loin d'épuiser le réel »
17. Lieu
Le périph’, 35 kilomètres de controverses
18. Festival
« Refaire le monde » : un tissage d’humanités et de sensibilités mêlées
LANGUE
18. Entretien
Boualem Sansal : « Les hoquets de la langue peuvent permettre de mesurer ceux de la réalité qu’elle tend à représenter. »
20. Étonnants francophones
« Jall aux yeux », c’est le mélange des genres et des gens, liés par le français »
21. Mot à mot
Dites-moi professeur
22. Politique linguistique
Mexique : un plurilinguisme menacé à terme
24. Diplomatie culturelle
Diplomatie culturelle : du rayonnement à l’influence
25. Salons
Festivals du livre francophone : généralistes ou spécialisés surtout voyageurs…
MÉTIER
28. Réseaux
Cynthia Eid : « Une bibliothèque idéale pour les professeurs de français »
Le français dans le monde sur Internet : www.fdlm.org
30. Vie de prof
Velinda Sarahí Marquina Pineda : « Enseigner le français au Honduras, c’est planter des petites graines d’espoir »
32. FLE en France
Enseigner aux élèves allophones : une mission collective…
34. Focus
Monika Grabowska : « L’apprentissage informel constitue un enrichissement et ne complique pas l’enseignement formel »
36. Expérience
L’apprentissage collaboratif en FLE : mieux parler français, et plus encore
38. Savoir-faire
Inductive ou déductive : quelle méthodologie choisir en classe ?
40. Initiatives
Faire entrer les cinq sens en classe
42. Français professionnel
Intégrer le français professionnel dans l’enseignement supérieur
44. Zoom
Les écrits connectés ou comment parle-t-on via les écrans numériques ?
46. Astuces de classe
Quelles utilisations de la BD et du manga faites-vous en classe ?
46. Tribune didactique
Les pratiques théâtrales au service de la langue
50. Ressources
MÉMO
66. À écouter
68. À lire
72. À voir
06. Graphe
Dés.enchanté.e
28. Poésie
Vijayan Agneeswaran : « Je tombe malade »
54. En scène !
L’art d’être poli… ou PAS
64. BD
Les Noeils
Repères : Auteurs, genres, influence … tout ce qu’il faut savoir sur le manfra ........................ 56
Analyse : Manga made in France : une nouvelle vision du manga, à la croisée des influences 58
Enquête : Comment les mangas séduisent la jeunesse pour mieux l'éduquer ............................. 60
Reportage : À l’école du manga 62
75. Fiche pédagogique RFI
Cosplay et mangas africains à Abidjan
77. Fiche pédagogique
Viens faire un tour chez moi
79. Fiche pédagogique
Zapp créative : Composer une chanson avec l’IA
81. Mémo
Babel en folie. Les aventures de Thibault
82. Jeux C’est à qui ?
Responsable de la publication Cynthia Eid (FIPF) Édition SEJER – 92, avenue de France – 75013 Paris – Tél. : +33 (0) 1 72 36 30 67 • Directrice de la publication Catherine Lucet Service abonnements COM&COM : TBS GROUP - 235, avenue le Jour se Lève 92100 Boulogne-Billancourt - tél. : +33 (1) 40 94 22 22
Un beau rêve et une belle utopie. Celle portée par le Festival de la francophonie qui a illustré sur tous les continents ce qui a été la thématique du 19e Sommet de la Francophonie qui s’est tenu début octobre à Villers Cotterêts et à Paris : « Créer, innover, entreprendre en français. » Une manière de projeter une francophonie ouverte au monde, incarnée par celles et ceux qui s’en emparent pour agir ; une francophonie faite d’un puissant tissage d’humanités et de sensibilités mêlée ; une francophonie qui revendique toute sa place dans un monde plurilingue, multipolaire et multilatéral.
Une francophonie qu’on a vue incarnée du Vietnam au Mexique, du Liban à l’Argentine, de l’Irlande au Québec dans autant de projets que d’ancrages géographiques et culturels différents, avec des initiatives qui relèvent de choix aussi bien culturel, social, entrepreneurial, scientifique, artistique que sociétal et qui satisfont parfaitement à l’objectif pointé par la Secrétaire générale de l’OIF : « Faire résonner la langue française à l’unisson des voix du monde. »
Chacun sait ici que pareil objectif ne pourra être atteint sans une relance puissante et une dynamisation de l’enseignement du français et en français, que de cet objectif découle tous les autres et qu’il appelle un effort conséquent soit sur l’enseignement du français lui-même, directement, soit sur le soutien aux systèmes éducatifs dans les Pays francophones. Promouvoir le français et la francophonie nécessite de montrer quel peut en être la valeur ajoutée et ceci passe par le déploiement en matière d’éducation de programmes et d’initiatives qui n’existeront et ne seront porteurs d’avenir que s’ils s’incarnent dans des projets innovants qui entendent ne pas rater le virage de l’IA, promesse et/ou garantie d’un monde plurilingue et pluriculturel. n
Le français dans le monde, revue de la Fédération internationale des professeurs de français - www.fipf.org Commission paritaire : 0422T81661. 62e année
Rédaction : Conseiller Jacques Pécheur • Rédacteur en chef NN • Rédacteur David Cordina. DCordina-Ext@cle-inter.com • Relations commerciales Marjolaine Begouin. mbegouin@cle-inter.com• Conception graphique - réalisation miz’enpage - www.mizenpage.com (pour les fiches : David Cordina) Imprimé par Estimprim – 6 ZA de la Craye 25110 Autechaux • Comité de rédaction Michel Boiron, Célestine Bianchetti, Franck Desroches, Juliette Salabert, Isabelle Gruca, Chantal Parpette, Gérard Ribot. Conseil d’orientation sous la présidence d’honneur de Mme Louise Mushikiwabo, Secrétaire générale de la Francophonie : Cynthia Eid (FIPF), Paul de Sinety (DGLFLF), Franck Desroches (Alliance française), Nivine Khaled (OIF), Marie Buscail (MEAE), Diego Fonseca (Secrétaire général de la FIPF), Évelyne Pâquier (TV5Monde), Nadine Prost (MEN), Doina Spita (FIPF), Lidwien Van Dixhoorn (RFI), Jean-Luc Wollensack
Difficile de résister à certains sourires. Celui du chef colombien Juan Arbelaez est à l’image de sa réussite : éclatant et communicatif. Arrivé en France à l’âge de 18 ans avec des rêves de cuisine en poche, il est aujourd’hui à la tête d’une dizaine de restaurants pour autant d’atmosphères et d’aventures gastronomiques différentes avec toujours ce même esprit de gourmandise festive. Portrait d’un amateur de défis culinaires et sportifs qui n’est pas près de manquer d’énergie.
PAR CHLOÉ LARMET
Le gène addictif de la cuisine, c’est mon grand-père qui me l’a transmis » , raconte Juan Arbelaez au micro de RTL. C’était un empirique qui a tout appris tout seul, un passionné des grands repas, de la grande cuisine. Il avait ce super pouvoir de réunir les gens et de les mettre d’accord autour d’une table. » Né en 1988 à Bogota, le jeune Juan grandit dans des effluves de piment et de citron au sein d’une famille où chaque repas concocté par le grandpère et sa mère, cantinière dans une école, est l’occasion de discuter du menu du suivant. Il est l’aîné d’une fratrie de trois garçons, fré-
quente le lycée français en rêvant de voyages et de cuisine. Peut-être s’en doute-t-il déjà, mais l’un n’ira jamais sans l’autre pour le futur chef qui décide, à seulement 18 ans, de faire ses valises pour Paris, « un endroit absolument mythique pour un cuisinier », explique-t-il. Et pour celui qui veut apprendre les bases de la cuisine française, le mythe a un nom : l’école du Cordon Bleu, dans le XVe arrondissement. Une école qu’il n’a absolument pas les moyens de s’offrir mais peu importe. « J’ai fait le pied de grue pendant une semaine devant la porte, raconte-t-il en 2019. Quand j’ai vu le directeur, je lui ai dit que j’étais prêt à faire n’importe quelle tâche pour intégrer l’école. Et
ça a marché » . Entre trois boulots (un pour payer le loyer, un pour payer les études et un pour payer les sorties), Juan s’occupe chaque midi de la mise en place pour le déjeuner des chefs et emmagasine, jour après jour et à toute allure, ce savoir-faire « absolument incroyable » de la gastronomie française. « Une vie ne suffit pas pour réussir à goûter tous les fromages, toutes les farines, tous
« Emmagasiner jour après jour ce savoir-faire absolument incroyable de la gastronomie française»
les pains… ». Qu’à cela ne tienne et puisqu’il faut mener plusieurs vies, autant adopter un rythme effréné pour n’en perdre aucune miette. Profitant du désistement d’un élève le jour de l’examen, Juan se propose de le remplacer, termine premier et va faire ses armes auprès des (multi)-étoilés. Intégrant les équipes de cuisine du chef Pierre Gagnaire, il y apprend à repousser les limites, les siennes comme celles des associations de goûts – de la langoustine dans un dessert, après tout, pourquoi pas ? Après la rue Balzac, direction avenue Georges V à l’étoilé, Cinq, alors aux mains expertes d’Éric Briffard puis rue du Faubourg Saint-Honoré au Bristol,
Un film fait beaucoup parler de lui à l’automne 2024 : il s’agit du documentaire franco-sénégalaisbéninois Dahomey réalisé par Mati Diop qui retrace la restitution par la France de 26 trésors royaux à leur terre d’origine, devenue le Bénin. Depuis plus d’un siècle, elles étaient conservées dans un établissement culturel parisien. Leur avenir se décide désormais à Porto-Novo, la capitale politique de leur terre natale. La ville compte moins de 270 000 habitants. C’est bien moins que les 679 000 de Cotonou, distante d’une trentaine de kilomètres et reconnue pour son dynamisme économique. Mais « Porto-Novo est un musée à ciel ouvert », explique la guide Bernice Martin-Correîa Ahouangonou, qui a travaillé à l’office du tourisme de la ville. Pour elle, la visite doit se faire à pied, en partant du pont qui enjambe la lagune, et ensuite, trois heures pour aller à son rythme à la rencontre des temples, du Palais Royal, des anciens bâtiments coloniaux, et de la Grande Mosquée. « La découverte complète inclut la découverte du style vestimentaire, des maquis, des restaurants de rue, qui servent une savoureuse cuisine, le ballet incessant des motos, le moyen de transport le plus utilisé. », conclut Bernice.
La religion vaudou, originaire d’Afrique de l’Ouest, laisse son empreinte dans Porto-Novo. Dans la vieille ville, l’association Ouadada a recensé une quarantaine de places dédiées à ce culte qui représente un patrimoine souvent mal entretenu que l’association rénove depuis 2015, en concertation avec la population. Pour cette action, elle est soutenue par la municipalité et, dans le cadre d’une coopération décentralisée, le ministère français des Affaires étrangères et de l’Europe, mais aussi des villes jumelées avec la capitale béninoise, comme la métropole de Lyon et la communauté d’agglomérations de Cergy-Pontoise, apportent une aide financière. Ces lieux ont, pour les communautés locales, une valeur culturelle, mais aussi sociale et commerciale. De grands rassemblements s’y déroulent, fête de mariage ou de baptême, réunions politiques lors des élections. Les habitants y achètent fruits et légumes, ou viennent s’y faire couper les cheveux. « Ces espaces sont l’âme de la cité. », résume Gérard Bassalé, directeur de Ouadada. En 2024, la place Dagbé Honto, a été entièrement remise à neuf. C’est ici où se trouve le temple des pythons qui a été
restauré et repeint du sol au plafond, tout comme le couvent et les autels. Les arbres sacrés ont été protégés, des espaces dédiés aux petits métiers et des bancs publics y ont été installés et des projecteurs solaires éclairent l’ensemble. Une douzaine de corps de métiers différents a participé au chantier pendant deux mois. Des artistes plasticiens ont créé des œuvres illustrant le nom et l’histoire des différents bâtiments, des divinités et des collectivités familiales. Ces créations sensibilisent les populations à l’importance de la préservation du patrimoine culturel. n
De quoi le français est-il le nom ? C’est avec cette interrogation qui utilise une formule intelligente mais rebattue que Boualem Sansal propose cette réflexion sur l’état actuel de la langue. Que pense-t-il de son propre usage du français, de l’usage général qui en est fait, de ses évolutions probables ? S’en occupe-t-on assez et de la meilleure façon ? Et inversement peut-on craindre qu’on se désole avec excès ? L’auteur se préoccupe de toutes ces questions en les précisant, en les mettant en perspective, plutôt que de proposer des solutions toutes faites.
« Être un mauvais Algérien en Algérie, c’est mal, avoir en plus la réputation en France la réputation d’être un Algérien sérieux, c’est pire que tout. » Boualem Sansal cette constatation figure en tête de votre nouveau livre. Qu’est-ce qu’un Algérien sérieux ? En êtes-vous un ?
Un Algérien sérieux (et il sourit, de ce sourire qui réfléchit…), c’est celui qui essaie de rassembler ses idées, de voir les choses telles qu’elles sont, telles qu’il pense qu’elles sont : une France chaotique, remuante, violente et déchirée : on tabasse, on vole, on viole, on égorge des profs… Ce sont des faits divers, et ils ne se produisent pas tous les jours mais ils sont là. Les médias les montent
en épingle et ils donnent à penser. Algérien, j’ai à la fois une certaine distance et une certaine proximité par rapport à ces situations de crise.
« Un Algérien sérieux »… la formule est faite pour amuser et poser des questions ! Elle implique que j’utilise ce recul pour faire le point. Le fait que le français soit ma première langue, de parole, de pensée et d’écriture, me met dans une position à la fois délicate et bien centrée pour analyser la situation du français.
En quoi la langue est-elle au centre des désordres que vous mentionnez ?
C’en est à la fois le signe et le thermomètre. Les hoquets de la langue peuvent permettre de mesurer ceux de la réa -
lité qu’elle tend à représenter. On a déjà une hyperinflation du vocabulaire : on parle de génocide civilisationnel, de grand remplacement, et en face on a parfois l’insulte ou l’anathème faciles. Ces deux extrêmes sont à l’image des bords qui représentent les deux tendances caricaturales de la langue : le globish et le wesh-wesh ! D’un côté une langue à la syntaxe impeccable, qui ronfle et se rengorge, avec des mots longs et savants, enfilés comme des perles sans qu’ils ne représentent rien de réel : une coquille vide sur laquelle on tapote pour que s’élève une berceuse tiède. De l’autre des mots, sans grammaire ou presque, juxtaposés et propulsés avec un accent qui se veut sauvage et rocailleux. Alors bien sûr, je caricature, mais le français ordinaire qui nous entoure a tendance à ricocher entre ces deux rives. Et tout cela, c’est de la parole ! Or la langue n’est pas que de la parole : c’est la magie des mots, des idées, des émotions.
Est-ce pour cela que vous dites que la langue est une longue histoire, qui commence avant l’apparition des hommes sur terre ?
Mais oui ! Elle permet que les cellules de vie se reconnaissent et se rassemblent. Se parlent ! Et le Verbe est au Commencement, et à la Fin !
Vous évoquez l’idée de faire de français une cause nationale… ? L’idée n’est pas de moi mais pourquoi pas ? La loi de la langue est plus forte que celle du sol ou du sang ! Un peuple ne doit pas perdre sa langue, ne doit pas risquer de devenir un étranger dans son propre pays !
Pensez-vous qu’il y ait une déperdition des fonctions de la langue ?
Nous avons déjà perdu la « langue de la Pierre », celle que nous ont laissée les premiers hommes dans des constructions titanesques et énigmatiques, l’art pariétal de Lascaux, les menhirs, les Sphinx !
Velinda Sarahí Marquina Pineda, 31 ans, a étudié et enseigne aujourd’hui dans la seule université du Honduras où sont formés les professeurs de FLE. Dans ce pays d’Amérique centrale, l’influence du puissant voisin nord-américain est telle que choisir d’apprendre le français plutôt que l’anglais relève du combat. Un combat que Velinda a choisi de mener, avec passion et sans regret.
Vous ne le voyez peutêtre pas encore, car ici, au Honduras, nous sommes entourés de gens qui ne connaissent rien aux langues étrangères, mais si vous êtes engagés et déterminés à saisir les opportunités, vous allez réussir et vivre votre meilleure vie. » Ce message, c’est celui que je martèle à mes étudiants pour les motiver. J’y crois vraiment, parce que c’est ce qui m’est arrivé. Certains pensent que je suis née avec une cuillère en argent dans la bouche, car aujourd’hui je vis confortablement, mais en réalité je suis issue d’un milieu peu favorisé. J’ai grandi dans un quartier pauvre de Tegucigalpa,
où personne ne parlait de langue étrangère. Quand j’étais petite, je passais souvent devant l’Alliance française, car mon école se trouvait presque à côté. Je regardais les gens, mais jamais je n’ai envisagé y avoir un jour ma place. Au lycée, je n’étais douée pour rien d’autre que l’anglais, qui était la seule langue enseignée dans les écoles du Honduras, où l’influence de l’Amérique du Nord est
J’avais 18 ans lorsque j’ai entendu parler français pour la première fois. J’étais choquée et fascinée.
Depuis mars dernier, Velinda est présidente de l’Association des professeurs de français au Honduras (APROFH), qui œuvre en faveur d’une meilleure reconnaissance de la langue française. L’association est très active sur les réseaux sociaux, apporte son soutien à de nombreux projets et organise des événements visant à rassembler enseignants et apprenants de différentes villes. Objectifs ? Faire changer les mentalités et déconstruire les a priori qui entourent le français. L’APROFH travaille actuellement sur la création du premier magazine francophone du Honduras. La première édition devrait paraître au mois de mars, à l’occasion de la fête de la francophonie. Le magazine contiendra de nombreuses informations pratiques dans l’optique de renforcer la légitimité de la langue française dans le pays. n www.aprofh.blog
puissante. Aucune autre matière ne m’intéressait. Lorsque je suis entrée à l’université, j’avais donc choisi de poursuivre dans cette voie, parce que j’ignorais qu’on pouvait étudier le français. Puis, il a fallu décider d’une langue de spécialisation : anglais ou français. Une professeure m’a conseillé la deuxième option, car j’avais déjà un bon niveau d’anglais. Mon père n’y était pas favorable, il ne voyait pas à quoi le français pourrait me servir. J’ai écouté mon enseignante et ça a été le meilleur choix de ma vie.
Du choc culturel au déclic J’avais 18 ans lorsque j’ai entendu parler français pour la première fois. J’étais à la fois choquée et fascinée. Je me suis immédiatement dit : « Un jour, moi aussi je parlerai cette langue ». Lors du premier cours, je n’ai pas compris grand-chose, si ce n’est qu’à la fin, le prof nous a rassurés en nous disant qu’on serait très vite capables de parler et de se présenter. Il ne mentait pas. Au choc de ce premier contact avec la langue française est venu s’ajouter un choc culturel, à l’occasion du visionnage d’un film présentant la vie en France et les grands monuments parisiens. J’ai senti qu’un nouveau monde s’ouvrait
à moi et cela a décuplé mon envie d’apprendre à parler français. J’étais littéralement tombée amoureuse. J’ai étudié pendant 5 ans et demi à l’université nationale autonome du Honduras, la seule université du pays qui forme des professeurs de FLE, celle où j’enseigne désormais. Tous les étudiants ont le même but : obtenir un poste d’assistant d’espagnol en France. Seulement, le nombre de places est très limité, alors il faut vraiment être excellent. Heureusement, j’ai réussi et, il y a 8 ans, je suis allée en France pour la première fois. En arrivant à Paris, j’ai vu la Tour Eiffel et je n’ai pas pu retenir mes larmes. J’ai senti que j’avais accompli un rêve, atteins un objectif : j’avais sous les yeux tout ce que je voyais depuis des années
En arrivant à Paris, j’ai vu la Tour Eiffel (...). J’ai senti que j’avais accompli un rêve, atteint un objectif.
dans les livres. Pendant 7 mois, j’ai enseigné l’espagnol dans deux lycées d’Aurillac, en Auvergne. Parler avec des natifs, observer les Français si élégants, si
Omniprésent, polymorphe, certainement la première modalité d’apprentissage dans la vie, l’apprentissage informel était resté jusqu’alors entouré d’un flou conceptuel. Il est devenu depuis plus d’une dizaine d’années, un objet de recherches en didactique des langues étrangères. Monika Grabowska lui consacre un livre, L’apprentissage informel des langues étrangères, où elle examine l’émergence de ce concept avec de lui donner de la visibilité et de promouvoir sa reconnaissance institutionnelle et sociale. Entretien. PROPOS RECUEILLIS PAR JACQUES PÉCHEUR
« L’APPRENTISSAGE
Au mot « informel », vous associez les mots « poreux », « flou », « hybride », « sauvage » mais aussi « utile », « agréable »… Comment caractériseriez-vous l’apprentissage informel ? Voilà des adjectifs qui viennent de différents ordres… Mais commençons par distinguer pour nos lecteurs, le concept d’apprentissage informel associé aux sciences de l’éducation et qui date des années 1970 et l’apprentissage informel dans le domaine des langues étrangères que nous devons à Geoffrey
Monika Grabowska est maîtresse de conférences à l’Université de Wroclaw en Pologne, rattachée au Département de linguistique et au Laboratoire de didactique du FLE de l’Institut d’études romanes. Elle s’intéresse à la pragmatique et à la didactique des langues étrangères. Elle a collaboré au projet européen DIAL 4U – Digital pedagogy to develop autonomy, mediate and certify Lifewide and Lifelong Learning for (European) Universities.
Sockett qui s’est intéressé à l’apprentissage de l’anglais avec des outils numériques. La première paire d’adjectifs « flou, poreux » renvoie au continuum, formel, non formel, informel sur lequel se situe l’apprentissage informel et au fait que sur ce continuum, les frontières conceptuelles ne sont pas discrètes mais floues et poreuses et se distinguent entre elles par les endroits où l’on pose le curseur. Si l’apprentissage formel renvoie aux institutions qui en ont la charge avec leur cortège d’obligations en matière de programme, niveaux, évaluation, l’apprentissage non formel inclut les cours de sport, la formation technique, artistique, scientifique, le scoutisme, le volontariat et aussi les cours de langue dans des établissements privés ; quant à l’apprentissage informel qui n’est pas un concept radicalement nouveau puisque l’on peut remonter jusqu’à Comenius (!), il tient essentiellement au contact
humain, à la socialisation comme modalité d’apprentissage et se réfère à des pratiques auxquelles nous nous adonnons au quotidien à travers une multitude d’activités comme le travail, les tâches domestiques, les loisirs, la fréquentation des médias, la participation à des activités culturelles, tout ceci constituant une perspective horizontale de l’apprentissage fondée sur la vie de tous les jours et sur l’expérience. Les langues sont ainsi apprises dans une diversité de contextes et l’école n’est qu’un
de ces contextes. Ce qui fait que chaque apprenant européen est soumis à trois scénarios curriculaires : l’un formel, lié à l’institution scolaire qu’il fréquente obligatoirement, le second, non formel, où l’on apprend dans des cours de langue privées, le troisième, l’apprentissage informel qui est celui notamment des migrants. Dans le curriculum d’un apprenant d’aujourd’hui, les différentes situations d’apprentissage se mélangent, se superposent, s’hybrident avec des dominantes plus ou moins fortes, des avancées
« L’apprentissage informel tient (...) au contact humain, à la socialisation comme modalité d’apprentissage et se réfère à des pratiques auxquelles nous nous adonnons au quotidien...»
Comment enrichir nos cours de français en faisant entrer les cinq sens dans la classe ? À l’occasion de la sortie de l’ouvrage Le français des cinq sens dans la collection, Les Outils Malins (PUG), Michel Boiron nous propose quelques pistes pour explorer et illustrer cette approche sensorielle du cours. Mode d’emploi.
PAR MICHEL BOIRON
Dans le cadre de l’apprentissage d’une langue pour les adolescents ou les adultes en milieu scolaire ou extrascolaire, les acquisitions fondamentales de base sont considérées comme acquises, de même que l’éveil aux sens. Ici, l’objectif est différent. Il s’agit de favoriser l’engagement de l’apprenant et de l’encourager dans l’effort que nécessite l’apprentissage dans la durée. La motivation n’est jamais acquise et chaque apprenant a une attitude différente, surtout face aux difficultés.
Faire entrer les cinq sens dans la classe permet de présenter une grande diversité d’activités pour animer la classe, de développer les compétences linguistiques et communicatives et de soute -
nir la motivation. Les apprenants associent des sensations concrètes, un univers sensoriel, une expérience vécue à des mots nouveaux, des structures grammaticales et de nouvelles situations de communication. Cette approche permet de multiplier les thématiques traitées, d’améliorer les chances de toucher émotionnellement l’individu apprenant selon ses pôles d’intérêt et sa personnalité et de renforcer ainsi ses liens avec la langue cible.
Impliquer les apprenants En fonction des compétences langagières déjà disponibles et de celles ciblées, les apprenants sont sollicités de façon plus ou moins complexe. Ils sont amenés à interagir et à coopérer. Ils comparent, analysent et discutent les expériences sensorielles
tout en développant de nouvelles compétences langagières. Les activités regroupent à la fois l’expression orale, l’écoute active, la créativité et la réflexion critique. Avec les cinq sens, ils entreprennent aussi une exploration (inter) culturelle : les goûts et les couleurs, l’actualité musicale ou et artistique, les traditions gustatives, la perception différente de choses que l’on aurait pu croire naturelles : le chaud, le froid ; ce qui est agréable ou désagréable, ce qui a bon goût ou non, etc. Ces activités impliquent directement les apprenants. Il est donc particulièrement important de tenir compte du nombre d’apprenants, de leur personnalité et des contraintes liées au contexte d’apprentissage : pour le goût, par
Hey ! T motivée pr voir la mer ce we ? :-) via un SMS écrit par A. Les écrits connectés Cc, tu fai kwa ctaprem ? ou comment nos valeurs sociolangagières sont bousculées ? Jamais nous n’avons autant recouru à l’écriture massive pour échanger. Depuis que les environnements numériques1 envahissent notre quotidien, pouvons-nous imaginer un instant écrire sur Facebook ou via simple messagerie SMS selon nos règles de l’orthographe systématique ?
Les mouvements de langage et de communication ont évolué de façon exponentielle avec nos technologies numériques. Je propose ici de porter un regard sur la manière dont ces formes s’actualisent dans la société d’aujourd’hui, comment notre rapport à l’écrit s’est reconfiguré pour se rapprocher d’une conversation parlée, troublant nos valeurs.
On écrit comme ça vient, comme on parle…
On écrit comme ça vient, comme on parle… (sur les smartphones, tablettes, ordinateurs) déclare cet adolescent de 15 ans lors d’un entretien sur cette problématique. Ces objets d’échanges servent de cadre
d’observation de toutes les micro-formes ou technodiscours (M.A. Paveau 20152) de langage(s) que les usagers cherchent à représenter. Je dis bien représenter, car en écrivant l’usager cherche à reproduire via l’écran comme il parlerait en situation réelle. Le rôle du chercheur n’est donc ni de les juger ni de les survaloriser. Les formes recueillies sont prises dans leur contexte social de réalisation (conversation entre amis, échanges, débat sur un thème donné, auprès de jeunes de 15 à 25 ans (environ 5 000 occurrences). Les résultats observés de ces « données naturelles » se manifestent à différents niveaux (comme l’intonation, l’accentuation, la prononciation (phonétique/orthographique) et leur syntaxe (Wachs et Weber, 2013 ; 2021).
Quelques illustrations rendent compte ici comment s’effacent les frontières entre les règles de l’écrit et les usages connectés, et quelles libertés s’accordent les usagers
sur la toile via le clavier interposé (il y a personne pour dire qu’il y a des fautes). Aujourd’hui, les écrans conditionnent des changements de comportements en langue et il est intéressant de les observer.
Un écrit décomplexé et à portée de clic, entrautre koi
Notre société de la vitesse et de l’efficacité transmet les messages de manière rapide et économique, avec des abréviations, réductions de mots ou de pronoms, réduits à un signe ou un symbole (g pour j’ai ; T pour t’es (tu es) ; alé en cours), on cherche à rendre compte de l’enchaînement (entrautre koi) , de la syllabation réduite à son minimum (C pr svrsi tu pouvé – pour savoir si tu pouvais), les signes de ponctuation (virgules et points propres à l’écrit) sont absents et supplantés par des émoticônes ou des marques exclamatives par les lettres (Wouaaaaaa !) à une utilisation fréquente des points de suspension pour signifier
que la conversation peut continuer. jv savoir si tupvais me passer le cours. L’usager emploie des structures parlées tout en utilisant les signes de l’écrit du clavier, reproduit la syntaxe ordinaire ou familière et cherche à représenter les intonations comme dans un échange en temps réel.
C’est le cas des salutations : l’ouverture se fait par : Hello, coucou (cc), slt T bi1 rentré/salut t’es bien rentré. Les créations lexicales sont variées, les hybridations diffuses, c’està-dire entre forme écrite/forme orale), les formes stigmatisées ( je kiffe trop, quelle tuerie ! pour parler d’un bon plat) sont aujourd’hui courantes auprès des jeunes. Ils cherchent à écrire et exhiber la langue telle qu’elle est prononcée, un aspect propre à l’arrivée des téléphones portables (smartphones). Par exemple, les unités de sens (plutôt que les phrases) sont transformées (des liaisons reproduites ché pas/je ne sais pas, avec des
Lecteurs
58 % des lecteurs sont âgés de moins de 30 ans.
Marché
40 millions d’ouvrages vendus en 2023.
27,3% du marché de l’édition littéraire
Lexique
Japonais : manga
Français : manga et manfra
Chinois : manhua
Corée : anhwa
Cosplay
Costume de fan représentant un personnage de manga ou de jeux vidéo.
Exposition 3-6 juillet 2025
Invité d’honneur : Junji Itô maître du manga d’horreur, auteur de Spirale, Tomie 850 exposants ,200 000 visiteurs
Genre
Shônen : bande dessinée pour garçon
Seinen : bande dessinée pour jeune homme
Shôjo : bande dessinée pour fille
Josei : bande dessinée pour jeune fille
Avec ses 40 millions de mangas vendus en 2023, la France est devenue le deuxième consommateur mondial de manga, après le Japon. Une histoire commencée au début des années 1990 avec la publication chez Glénat des premiers grands mangas japonais Ghost in the Shell (Masamune Shirow, 1991) et Dragon Ball (Akira Toriyama, 1993), et surtout avec l’apparition à la télévision française durant les années 1980, ( « Les visiteurs du mercredi », « Récrée A2 » et ensuite le « Club Dorothée ») des premières grandes séries d’animation comme Capitaine Flam, Les Chevaliers du Zodiaque ou encore Le collège fou, fou, fou. De quoi donner des idées aux auteurs et autrices français. Au début des années 2000, des artistes signent les premiers « mangas made in France » ou pour d’autres « manfras » : un mot valise qui désigne les mangas français. Ce phénomène, analyse Nathanaël Point, témoigne de la capacité des créateurs français à s’approprier et à réinventer un genre codifié. En mêlant influences nippones et tradition européenne, ils apportent une nouvelle richesse au genre, tant sur le plan graphique que narratif. Loin de se contenter de reproduire les recettes du succès japonais, les auteurs français participent à la réinvention d’un genre, proposant des œuvres singulières qui reflètent à la fois la diversité culturelle et les préoccupations contemporaines. « Le manga made in France » s’impose aujourd’hui comme une véritable contribution à l’histoire de la bande dessinée mondiale, offrant au public une nouvelle vision du manga, à la croisée des influences.
Et pour ça, il peut aussi compter sur des centres de formation professionnelle dédiés qui proposent des parcours spécialisés. Il faut suivre Alice Tillier-Chevallier à Toulouse, au cœur de l’École internationale du manga et de l’animation (EIMA), et à Angoulême à la Human Academy Europe qui depuis une petite dizaine d’années forment des générations d’auteurs de plus en plus jeunes et de plus en plus doués, ce qui permet d’affirmer ce constat : « Le niveau monte de manière exponentielle ! »
Addictifs, romantiques, violents, poétiques, abêtissants… Nombreux sont les adjectifs associés aux mangas, parfois teintés de critiques. Souvent décriée, la culture manga s’avère être en réalité un puissant vecteur d’éveil intellectuel : entre injonction à penser et invitation à agir, Sarah Nuyten enquête sur le rôle éducatif du manga. n
Manfra… mot valise qui désigne les mangas français. Une histoire commencée au début des années 1990 avec la publication chez Glénat des premiers grands mangas japonais Ghost in the Shell (Masamune Shirow, 1991) et Dragon Ball (Akira Toriyama, 1993), et surtout l’apparition à la télévision dès la fin des années 1980 dans le « Club Dorothée » notamment des premières grandes séries d’animation :
Capitaine Flam , Les Chevaliers du Zodiaque ou encore Le collège fou, fou, fou. De quoi donner des idées aux auteurs et autrices français. Au début des années 2000, des artistes signent les premiers manfras : Sentai School, BB Project, Dreamland et Dofus conquièrent le public.
Le manga n’est, ni plus moins ni moins, qu’une bande dessinée japonaise. Par manga, en France et en Occident en général, l’on désigne un genre littéraire, japonais ou non, respectant certains codes des productions populaires japonaises. En japonais , le terme manga est généralement traduit par « image dérisoire » et désigne une représentation graphique. Son auteur , quant à lui, est appelé mangaka . Ces codes artistiques sont principalement la taille : ils mesurent 11,6 cm de largeur pour 17,5 cm de hauteur , le sens de la lecture - on lit le manga de droite à gauche - et le style de dessin : la plupart sont dessinés en noir et blanc en raison du nombre élevé de parutions. L’origine du manga est relativement récente. Les premiers mangas auraient été publiés au début du XXe siècle , dans le sillon de l’occidentalisation du Japon induite sous l’ère Meiji (1868 à 1912). Cependant, ce genre littéraire puise ses racines dans l’ère Edo, caractérisée notamment par les estampes et l’œuvre du peintre Katsushika Hokusai dont 15 carnets de dessins sont présentés à l’Exposition universelle de 1867 sous le nom de Hokusai Manga. Il faudra cependant attendre l’après-guerre pour que les créateurs nippons, sous l’influence des comic-strips introduits et traduits sous l’occupation américaine, développent le manga tel qu’on le connait aujourd’hui. n
Avec ses 40 millions de mangas vendus en 2023, la France est devenue le deuxième consommateur mondial , après le Japon. Le milieu du manga français impressionne par son dynamisme. Les auteurs sont de plus en plus jeunes - et de plus en plus doués: « Le niveau monte de manière exponentielle, confirme ZD. On a à peine commencé que l’on sent déjà notre carrière en danger. Ça nous pousse à nous surpasser. » « On est parti de rien et ça y est, ça a pris, renchérit Géo. Le public accroche - en tout cas, il ne rejette pas notre travail. »
Reno Lemaire, Dreamland, 22 tomes. 2006. Edition Pika.
Guillaume Lapeyre, City Hall, 7 tomes. 2012. Edition Ankama.
Tony Valente, Radiant, 18 tomes. 2013. Edition Ankama.
Elsa Brants, Save me Pythie, 5 tomes. 2014. Edition Kana.
Vanrah, Stray dog, 6 tomes. 2015. Edition Glénat.
Nicolas David, Meckaz, 3 tomes. 2016. Olydri Editions.
Romain Lemaire, Everdark 7 tomes. 2018. Edition Pika.
Zelihan, Wandering Souls 2 tomes. 2020. Edition Pika.
Erutoth Enfant des abysses 3 tomes. 2022. Edition Nouvelle Hydre. H2T.
Yoann Vornière, Silence, 2 tomes. 2023. Edition Kana. n
GENRES ET SOUS-GENRES
Parmi les genres préférés des Français, le shônen (bande dessinée pour garçon) est le grand gagnant : incarné par Dragon Ball, Naruto, One Piece, Bleach, Demon Slayer…, il est préféré par 42% des interviewés, devant le seinen (bande dessinée pour jeune homme) (Death Note, Tokyo Ghoul, L’Attaque des Titans, Ajin…), le shôjo (bande dessinée pour fille) avec 19% (Fruits Basket, Ultra Maniac, Nana…), le josei (bande dessinée pour jeune fille) avec 16% (destiné à un public plutôt féminin de jeunes adultes – Nodame Cantabile, Paradise Kiss, Kids on the Slope, Chihayafuru, Blue). Il faut ajouter Kodomo , qui signifie littéralement « enfant » et qui cible un public jeune de moins de 10 ans et sans distinction de sexe. Enfin 13% des interviewés (dont 17% des hommes) n’hésitent pas à dire qu’ils préfèrent les mangas érotiques (Yuri, Yaoi, Hentai) Sur le plan des contenus, les amateurs de mangas, louent l’extraordinaire diversité des genres, de la science-fiction au romantisme échevelé en passant par la violence et la transgression sexuelle. Une diversité qui répond à un « besoin d’évasion, d’exotisme, de monde virtuel » d’autant plus fort de s’échapper du présent et libérer son imagination. D’autres y voient aussi le reflet plus ou moins trash de la société japonaise pour sensibiliser à la situation des femmes, aux tensions entre traditions et globalisation, archaïsmes et libertés, aux problèmes des adolescents eux-mêmes de l’anorexie à l’homosexualité en passant par le harcèlement professionnel et le burn out n
parlons affaires, m. aokideso. je suis propriétaire d’un chien. il m’a coûté mon œil droit, mais ça en valait la peine. c’est une bête superbe.
Un manga se concentre sur l’action, c’est pourquoi les traits des personnages sont très souvent épurés, pour que l’œil ne se focalise pas sur le personnage mais lise rapidement toute la page, se laissant emporter comme dans un film par la narration.
le problème, c’est que mon champion a perdu de son mordant. et c’est très ennuyeux. il me fait perdre des milliers de dollars à chaque fois qu’il refuse une mise à mort. mais je suis sûr qu’avec votre talent naturel pour dresser les karats, vous pourriez remédier à ce petit souci, senri.
Contrairement à la bande-dessinée franco-belge, ou chaque case peut fourmiller de multiples détails colorés, le manga peut contenir des cases totalement vides, ou le mangaka choisira plutôt de mettre en avant les expressions de ses personnages, ou décidera d’utiliser des trames en noir et blanc pour représenter des textures ou des émotions. Ces trames permettent par exemple d’habiller des personnages (trames à motifs) ou d’apposer des fonds plus ou moins sombres dans le décor.
Les lignes de vitesse
Dans les mangas où se déroulent des scènes de combat et d’action, on observe aussi l’utilisation de lignes de vitesse, qui permettent d’intensifier cette action. Elles peuvent être légères, suivant un poing lors d’une bagarre par exemple pour signifier le mouvement du bras, ou emplir toute la case lorsque les protagonistes se retrouvent dans un véhicule.
Les onomatopées et expressions de visages
Pour plonger un peu plus le lecteur dans le récit, les mangakas n’hésitent pas à recourir à une multitude d’onomatopées faisant office de bande-son : frottements, gloussements, bruits de ville, sons de voiture, Il en existe un très grand nombre, qu’il est parfois difficile de traduire en français. Toutes ces onomatopées précises permettent ainsi au lecteur de comprendre d’un coup d’œil la situation qui est aussi accentuée par l’expression des visages des personnages.
Les personnages de mangas sont toujours légèrement disproportionnés, et les visages sont étudiés pour être les plus expressifs possibles, et permettre au lecteur de comprendre rapidement les sentiments du personnage et son caractère. Les yeux sont les éléments les plus expressifs du visage : plus le personnage a de grands yeux, plus il est jeune et très souvent innocent : c’est un trait caractéristique important dans les shonen et les shojo. Au contraire, un personnage possédant des yeux a proportion « normale » représente souvent des adultes ou des personnages plus matures et intelligents. Plus les yeux sont grands, plus ils font ressentir l’émotion des personnages : d’un coup d’œil et sans forcément nécessiter de dialogue, le lecteur peut ainsi ressentir les émotions du personnage, vivant avec lui le récit. n
Robin Dall Armellina Pour le scénariste d’Imperium Circus, le manga n’est pas défini par le pays d’où il provient: «Je ne fais pas la différence entre manga japonais, coréen ou français… Toutefois on peut remarquer que la narration peut différer en fonction de l’origine.(…) Notre force vient du fait qu’on ne s’enferme pas dans un schéma classique. On va moins nous imposer une vision des choses qui doit absolument entrer dans la case shônen ou seinen par exemple. On est un peu plus libre de jouer avec les codes japonais pour surprendre le lectorat. »
Marujirushi , autrice. «Le manga correspond à une forme de découpage et de rythme. La nationalité n’a pas de lien direct avec le talent... Je dirais que la force du manga français résiderait dans les valeurs communes que nous avons avec le Japon.»
Même si les différences culturelles entre les deux pays peuvent aussi constituer une force : « Nous sommes différents sur de nombreux points, et qu’il ne faut pas hésiter à mettre de soi, de ses ressentis, de ses influences, de son vécu dans ce qu’on souhaite partager avec les lecteurs et lectrices. Car la passion se transmet. Ça n’est pas toujours immédiat, mais à force d’acharnement et de remise en question, on peut trouver sa place dans le cœur des gens. »
Reno Lemaire , auteur de Dreamland. « Il n’y a pas de style japonais ou français. Les traits dépendent de la patte de l’auteur, de ses influences et des références avec lesquelles il a grandi. Pour le reste, il y a effectivement une différence culturelle, même dans la manière de décrire une relation amoureuse. Dans les mangas japonais, les personnages excités saignent du nez. Ça ne me correspond pas et ça ne me viendrait pas à l’esprit de le décrire dans mon œuvre. À l’inverse, d’autres auteurs français ont envie de correspondre à cet imaginaire et ils reprennent leurs codes. On parle souvent de “French Touch”, mais en réalité, on devrait plutôt parler de “no Japan touch”. »
Tony Valente « Radiant, c’est un shônen de fantasy qui s’étend déjà sur 18 tomes. Et dans ce manga, il y a un arc scénaristique avec des chevaliers sorciers, un arc très inspiré de la matière de Bretagne dans un lieu appelé Cyfandir. À la fin de cette série de chapitres, j’avais très envie de raconter ce qui se passait après le passage des héros dans cette partie de l’univers. Il y avait beaucoup de choses à développer sur ce que devenaient les personnages. » n
Addictifs, romantiques, violents, poétiques, abêtissants… Nombreux sont les adjectifs associés aux mangas, parfois teintés de critiques. Souvent décriée, la culture manga s’avère être en réalité un puissant vecteur d’éveil intellectuel : entre injonction à penser et invitation à agir, enquête sur le rôle éducatif du manga.
PAR SARAH NUYTEN
Au comptoir d’une petite bibliothèque associative de Villeneuve d’Ascq, dans le Nord de la France, Maryse enregistre le retour du premier tome de One Piece , la cultissime série de Eiichirô Oda. Les locaux viennent d’être rénovés et les mangas ont désormais une place de choix dans les rayonnages. « Les jeunes adorent les mangas, il y en a même qui n’empruntent que ça, sourit la bénévole, institutrice à la retraite. Moi tant qu’ils lisent, je trouve que c’est une très bonne chose. » La bibliothèque a décidé de suivre le mouvement, allant jusqu’à recruter un jeune bénévole spécialiste des mangas, qui a pour mission d’élargir l’offre de BD japonaises. Chez les plus jeunes, la lecture est intimement liée à la réussite et la persévérance scolaire. Elle améliore la concentration, la mémoire, favorise l’intégration des règles de grammaire ou d’orthographe et permet d’enrichir son vocabulaire. Toutefois, même chez les bons lecteurs, le temps consacré à la lecture diminue au fur à mesure que les enfants deviennent des adolescents : face au téléphone
portable, aux réseaux sociaux et aux jeux vidéo, le livre peine à rivaliser.
Créer une culture de la lecture C’est là l’un des grands atouts éducatifs du manga : il passionne la jeunesse et crée une culture de la lecture. Et à la différence des contenus courts et simplistes diffusés sur les réseaux sociaux, les mangas proposent des histoires souvent longues et complexes, qui exercent la capacité d’attention des lecteurs. « La bande dessinée est parfois méprisée, car on lui reproche son alliance avec les images qui diminue le nombre de mots, certains iront jusqu’à dire que ce n’est pas de la lecture… Or ce peut être au contraire une excellente manière de conserver l’intérêt d’un jeune qui dispose d’un temps limité », estime Valérie Harvey. Spécialiste du Japon, cette écrivaine et sociologue québécoise rédige en ce moment un livre sur les mangas, dans lequel elle aborde notamment leur rôle éducatif. « Le manga capte l’intérêt, suscite la discussion, le débat, et permet
d’inciter le lecteur à aller plus loin. C’est en lisant que le jeune découvre les styles qui lui plaisent : l’aventure, la fantasy, la romance, le fantastique… Un adolescent fasciné par Naruto pourra ensuite être enclin à explorer les romans qui mettent en scène des thèmes similaires, comme Le Clan des Otori de Lian Hearn ; celui qui adore les isekai, cette fantasy japonaise où le personnage est transporté dans un monde parallèle, pourra avoir envie de lire Pierre Bottero ! », ajoute Valérie Harvey. L’influence de la communauté des fans est également un excellent moteur : « Un lecteur discute avec d’autres lecteurs, qui vont lui faire découvrir de nouveaux thèmes ou des styles qu’il n’aurait pas osés, termine la spécialiste du Japon Lire est une manière de se mettre en lien avec les autres, entre amis, dans un club de lecture ou même dans une classe. » Certains enseignants n’hésitent d’ailleurs pas à s’appuyer sur des mangas, qui deviennent un contenu pédagogique à part entière en cours (voir encadré). n
Les études de manga ne sont pas, à l’heure actuelle, en France, une filière sanctionnée par un diplôme reconnu par l’État. Des centres de formation professionnelle dédiés proposent néanmoins des parcours spécialisés. Reportage au cœur de l’École internationale du manga et de l’animation (EIMA), et de la Human Academy Europe, toutes deux fondées il y a une petite dizaine d’années.
PAR ALICE TILLIER-CHEVALLIER
L’une est une création française, née de l’envie d’une enseignante d’arts plastiques, Claire Pélier, qui propose en 2012, dans sa ville de Toulouse, d’abord une école d’apprentissage du manga loisirs, puis très rapidement, en réponse à la demande, une formation visant la professionnalisation ; l’autre est une école japonaise, antenne européenne d’un vaste réseau de formation développé dans l’archipel nippon, qui a choisi pour s’implanter en France la ville par excellence de la BD – Angoulême. Mais à l’EIMA
comme à la Human Academy Europe, c’est le manga traditionnel japonais qui est enseigné. Et par un professeur japonais, en langue japonaise, interprète à l’appui ! Le cœur de la formation est bien de s’approprier les codes du manga, pour mieux les dépasser et les mêler à un vécu français, créer des univers originaux, non de pâles copies de mangas japonais qui n’intéresseraient pas les éditeurs français ou japonais. Car signer un contrat d’édition (pour un one-shot, voire une série) est l’objectif de tous ceux qui entrent ici. Mais la formation va bien au-delà.
« Outre les codes du manga, elle vise à donner aux apprenants des compétences larges, qui leur permettront, s’ils le souhaitent, de se tourner plutôt – ou en parallèle d’une activité de mangaka – vers l’illustration jeunesse, le graphisme, le story-board, l’animation 2D… », explique François Sikic, responsable pédagogique à l’EIMA. La formation repose donc sur trois années de « tronc commun », suivies pour ceux qui voudront approfondir, de deux années de spécialisation en manga (ou en illustration). Au programme de ces trois premières années, un vaste ensemble de modules centrés sur l’art séquentiel dans toutes ses formes – de la BD franco-belge au comics américain en passant par le cinéma, auquel le manga a emprunté tant de codes de narration –, le scénario, le story-board, le chara design (conception des personnages), le découpage en cases, le layout (la mise en page),
la colorisation… Des cours de dessins aussi, en repartant du dessin académique : « Un artiste bien formé est d’abord un bon artisan et un bon technicien », insiste François Sikic.
Un aller-retour entre théorie et pratique
Et la technique s’apprend d’abord en maniant papier, crayon, et les différentes plumes utilisées par les mangakas. Le numérique vient dans un second temps. Introduit progressivement, il prend une part de plus en plus importante en 2e, 3e année puis en spécialisation, pour mieux répondre à la réalité de métiers qui sont aujourd’hui, dans leur immense majorité, fondés sur le digital. La maîtrise de Clip Studio Paint – logiciel incontournable du manga – et de Photoshop reste l’objectif premier.
Si la théorie a toute sa place dans la formation, c’est dans un aller-retour constant avec la pratique, à travers masterclasses et workshops. Marie Desnoyer, qui a terminé l’école depuis un an, se souvient avoir particulièrement apprécié cette dimension pratique, d’autant plus ancrée dans la réalité du marché que tous les enseignants de l’EIMA sont des professionnels en exercice et que la soutenance de fin d’étude se fait devant un jury de professionnels, composé en partie d’éditeurs : « Les corrections apportées par des professeurs qui, eux-mêmes, continuent de se spécialiser dans leur milieu respectif, est une mine d’or ! ». Le regard de la professeure de manga, Nakashima Sensei, elle-même mangaka, a aussi été
« Le cœur de la formation est bien de s’approprier les codes du manga, pour mieux les dépasser et les mêler à un vécu français, créer des univers originaux, non de pâles copies de mangas japonais. »
JEUNESSE
PAR INGRID POHU
L’intelligence artificielle permet de faire des progrès fabuleux dans de nombreux domaines comme la découverte scientifique ou l’invention de matériaux durables. Elle crée aussi des robots intelligents capables de traduire une langue parlée en langue des signes ou de déchiffrer des langues anciennes ! Un logiciel comme Aiva peut générer des disques entiers de musique classique, en se basant sur l’analyse de dizaines de milliers de partitions d’illustres compositeurs comme Bach et Mozart. En un clic, une entreprise peut également créer son logo grâce à l’appli ChatGPT. Les ressources de l’IA semblent infinies ! D’où l’intérêt de ce documentaire didactique très éclairant qui donne des clés pour apprivoiser l’IA et en faire son alliée grâce à un tour complet de ses champs d’explorations et de ses applications concrètes. Indispensable. n
Didier Roy et Pierre-Yves Oudeyer, C’est (pas) moi, c’est l’IA, Nathan.
Ce roman a pour héros Ernest, un collégien qui rêve de devenir humoriste au grand dam de son père médecin. Un jour, ce dernier l’envoie faire un stage d’observation chez un de ses confrères dans le pavillon psychiatrie pour ados d’où s’échappent deux patientes qui volent sa voiture au moment où il y emmène son fils. Sauf qu’Ernest est encore installé à l’intérieur ! Commence alors un roadtrip infernal pour ce jeune trio dont la plus belle aventure sera d’apprendre à se connaître. Au gré d’aventures parfois rocambolesques, Ernest se frotte aux maladies mentales de ses deux acolytes : la bipolarité pour Lili et l’autisme pour Élodie. De l’humour noir, du suspense et des personnages savamment portraiturés : cette histoire se dévore ! n Jacky Schwartzmann, Le théorème du kiwi, Médium l’école des loisirs.
Doan Bui est une journaliste française, autrice, essayiste et scénariste de bande dessinée. Son premier roman, La Tour, hommage à Vie mode d’emploi de Georges Perec, est finaliste du prix Goncourt du premier roman 2022. En 2024, elle publie avec Pavlo et Viktoria Matyusha Lettres d’Amour et de guerre et Le Pays de Nulle Part.
Pourquoi votre dernier livre, Le Pays de Nulle Part, commencé en 2013, a-t-il été achevé si tard ?
En 2013, après avoir écrit plus de 300 ou 400 pages, j’ai enfoui tout cela. L’existence même du texte était insupportable. Il a continué à planer, comme un fantôme pendant près de 10 ans. Jusqu’à la guerre en Ukraine, qui a ravivé d’autres choses, par rapport à mon travail sur les guerres, l’exil, le deuil, et une rencontre en Italie, au printemps 2022, où nous avons parlé de Perec et où une étudiante m’a demandé quel était mon « W », le texte mis de côté, enfoui dans mes autres livres… J’ai réouvert le fichier quelques mois plus tard.
Dans ce livre, deux références littéraires, Georges Perec et Peter Pan et son Neverland, mais aussi une référence animale, l’araignée. Pouvez-vous nous dire l’importance de ces références ? De Peter Pan, je n’ai longtemps connu que la version sucrée de Disney. Dans la version originale de John Barrie, dont le frère est mort enfant, Peter Pan ne grandit pas parce qu’il est mort bébé. Neverland, c’est le pays des fantômes des enfants morts. Je l’ai traduit par « pays de nulle part » et non par « pays de jamais », pour passer de la dimension
temporelle à spatiale, parce qu’elles sont intimement liées pour moi. L’araignée, c’est la toile, c’est l’écriture avec ce qu’elle a de fragile et de tenace. Et c’est la « monstruosité », en tout cas, l’étrangeté. L’araignée fait « peur ». Il y a de cela dans l’acte d’écriture féminin, un acte qui fait « peur », qui « montre » ce qu’on ne montre pas, l’intime, qui, on le sait, est profondément politique. Et puis, les soies des araignées cicatrisent, selon la médecine chinoise…
Pour quelles raisons, Le Pays de Nulle
Part, livre, à la fois intime et universel, utilise le pronom « elle » pour dire « je » et « nous » ?
Il y a très peu de « je ». Tout a été écrit avec le « elle », sauf dans l’épilogue, où arrive un « je » qui se transforme très vite en « nous ». En 2020, j’ai décidé de réapprendre ma langue maternelle oubliée, le vietnamien. Je voulais penser ce texte dans cette langue qui n’utilise pas le « je », parce que, finalement, c’est ce qui semblait le plus juste. Peut-être qu’une langue qui n’utilise pas le « je » et qui s’articule en « connexion » à l’autre (on désigne une personne par rapport à la relation qu’on a avec elle), est plus universelle. Elle réfléchit le monde de façon collective. n
niveau : B2, pour adultes et grands adolescents durée : 3 heures
n MatérieL : ordinateur, tablette ou téléphone
n OBJectifs Linguistiques : discours argumentatif, vocabulaire de l’opinion, adjectifs qualificatifs, détermination n OBJectifs cOMMunicatifs : échanger autour de ses goûts musicaux, pratiquer l’écriture créative, décrire des situations inhabituelles en vacances, n OBJectifs cuLtureLs : La musique par l’IA, les chansons francophones, la musique de leur pays et de leurs goûts, l’interculturel des genres musicaux
z’APP CRéAtIve
introduction : Descriptif du projet
Ce projet invite les élèves à créer une chanson originale sur le thème des vacances. À l’aide de l’outil d’IA, SUNO, ils créeront facilement une chanson en français 100% personnalisée. Ils pourront au choix écouter leur texte mis en mélodie (activités 2, 3 et 4) ou apporter des modifications à la version générée par l’IA (étapes 5 et 6).
entrée en matière : Comment fonctionne l’application ?
Avec SUNO, les utilisateurs choisissent un style musical, une thématique, et donnent des indications. L’IA génère ensuite deux versions chantées de la chanson avec des voix naturelles. Les utilisateurs peuvent personnaliser les paroles et la mélodie. L’outil propose une version gratuite, sans installation, qui propose un nombre limité de chansons renouvelé chaque jour.
activité 1 : Le choix et la question du genre musical
Le projet est l’occasion de s’intéresser au monde de la chanson francophone et des genres musicaux. Proposez aux apprenants de jouer à ce Kahoot https://urlz.fr/s7Ps
Pour s’entraîner à reconnaître et à discuter des genres musicaux dans leur pays, égelement. Ce sera l’occasion de découvrir des chanteurs actuels francophones. Demandez-leur de partager entre eux leur genre musical préféré, puis de choisir le genre musical de leur chanson. Par exemple : la pop, le reggae et le hip hop. Discutez de l’origine de ces genres et de la manière avec laquelle les cultures nationales se les ont appropriées.
activité 2 : L’écriture des strophes de la chanson
Commencez par former des groupes de 5 à 6 apprenants. tHEME à choisr :, par exemple, chaque groupe traitera de vacances différentes.
- Groupe 1 : des vacances catastrophiques
- Groupe 2 : des vacances sur une autre planète. Demandez-leur de lister des actions avec des verbes et des compléments. Chaque apprenant apporte sa contribution et le tout est mis ensemble. Aider les apprenants à créer un effet comique avec des situations drôles ou originales.
Exemples :
« Rater son avion à cause d’un lama sur la piste.
Se coincer dans un hamac trop petit. Confondre sa crème solaire avec de la mayonnaise.»
activité 3 : L’écriture du refrain
Les apprenants vont écrire leur refrain. Donnez-leur comme consigne d’utiliser plusieurs adjectifs, comme dans l’exemple ci-dessous.
« Les voilà mes vacances à moi ! Je sais, elles ne sont pas idéales. Catastrophiques, horribles, fatigantes et stressantes... qu’est-ce que je peux y faire ? si elles sont comme ça mes vacances ! »
Utilisation du site www.cnrtl.fr/synonymie
L’écriture en rime est possible, mais non obligatoire. Les styles oral et écrit doivent être questionnés.
activité 4 : Création de la mélodie avec SUNO
C’est le moment de faire fonctionner la magie ! Les apprenants entrent sur la page de SUNO et cliquent sur CREAtE. Ils sélectionnent le bouton CUStOM en haut de l’écran, puis collent leur chanson. Dans le champ inférieur, ils indiquent le genre musical souhaité. Le logiciel propose automatiquement deux versions de leur chanson. Ils peuvent essayer d’autres genres musicaux s’ils le souhaitent. voici un exemple de résultat sur les vacances catastrophiques :
activité 5 : L’écriture d’un prompt avec SUNO
SUNO est également capable de générer le texte de la chanson. Cette fonctionnalité peut servir de modèle pour des apprenants de niveaux inférieurs. Il faut donc décocher la case CUStOM et donner un prompt à l’IA.
Par exemple : « Écris une chanson sur des vacances fantastiques sur une autre planète. Utilise le passé composé et l’imparfait. Le vocabulaire doit être simple. Le ton est joyeux. Le style musical est le reggae. »
activité 6: La réécriture de la chanson
Demander aux élèves d’ouvrir le menu associé à la chanson et de sélectionner « REUSE PROMPt ». Le texte de la chanson s’affiche sur la partie gauche de la page. Les apprenants peuvent alors modifier le texte pour mieux se l’approprier.
Ils peuvent enlever ou ajouter des strophes, changer des mots, des phrases etc.
Une multitude d'activités qui mettent en jeu la motivation des apprenants et mobilisent en permanence leur attention
Un travail spécifique sur la compréhension (remédiation, évaluation par les pairs) et la mémorisation (réactivation immédiate, cartes mentales)
Une pratique active de la médiation
Des mises en pratique qui tirent parti des possibilités offertes par les environnements numériques
Méthode de français pour grands adolescents et adultes du niveau A1 au C1/ C2