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REVISONS NOS CLASSIQUES

Construit à la Belle Époque, de 1883 à 1887, l’ouvrage du Barbonnet, aussi dénommé Fort Suchet, est l’un des plus puissants du système Séré de Rivières des Alpes-Maritimes. Ses deux tourelles Mougin, parfaitement protégées, envoient des projectiles de 155 mm à plus de sept kilomètres, barrant les débouchés de la Roya, où s’alignait alors la frontière avec l’Italie. Il s’est vu renforcé, en 1935, d’un bloc d’artillerie Maginot puissamment armé, doté de deux mortiers de 81 mm et de deux canons de 75 à tir rapide, capable d’envoyer trente projectiles à la minute à une distance de douze kilomètres. Le calibre retenu, 75 mm, permet de faire des tirs « d’épouillage » sur les ouvrages amis menacés, sans endommager les structures. Les tirs sont d’autant plus efficaces que tous les réglages ont déjà été effectués au moment du conflit, et que les avant-postes et les sections d’éclaireurs-skieurs placés très en avant peuvent renseigner les postes de tir en temps réel. L’inconvénient majeur de cadences de tir aussi élevées tient dans l’échauffement excessif du canon, avec tous les risques qui en résultent pour les servants. C’est malheureusement ce qui va se produire en ce 22 juin 1940, à quelques dizaines d’heures de la fin des combats. Ce jour-là, il pleut à verse, et les troupes de Mussolini ont décidé d’une offensive majeure pour tenter d’emporter la décision. De toute la crête frontière, les éléments de la division Modena et deux bataillons de Chemises noires s’avancent à la faveur du brouillard. Entre les batteries du Barbonnet et l’ennemi, il n’y a que les deux SES des 49e BCA et 76e BAF. Les vaillants éclaireurs sont sur le point d’être submergés, et demandent l’appui-feu de la Position de résistance : Barbonnet, Agaisen, Castillon, Sainte-Agnès. Vers 8h30, les deux pièces de 75 de l’ouvrage CORF du Barbonnet ouvrent le feu vers Castellar. C’est alors que l’une des deux pièces éclate, un obus étant resté coincé dans le tube. Deux canonniers du 157e RAP, Boutigny et Lloret, sont tués sur le coup, tandis que le maréchal-des-logis Michel, chef de pièce, ainsi que deux autres servants sont grièvement blessés. A la suite de cette explosion, il est décidé de neutraliser le bloc artillerie de l’ouvrage, les canons du vieux fort du Barbonnet prenant le relais. Jusqu’à la dernière minute précédant le cessez-le-feu, le 25 juin à 0h35, le Barbonnet utilisera sa puissance de feu pour repousser les assauts ennemis, préservant l’intégrité de la frontière. Du 14 au 25 juin, il aura tiré 517 obus de 75 et 221 obus de 155. Il aura appliqué à la lettre le mot d’ordre de la ligne Maginot : « On ne passe pas. »

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