L'ingénierie, l'eau et le paysage - ESAJ_Mémoire fin d'étude

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l’ingénierie, l’eau & le paysage le réservoir du bourdon félicien paupe tpfe 2014



Viaduc, croquis mains à partir d’une photographie, mars 2014


texte fondateur

Zentrum Paul Klee MusÊe d’art moderne, Renzo Piano, croquis mine de plomb


Les ouvrages d’art me fascinent. J’éprouve un certain plaisir à observer ces infrastructures qui façonnent le paysage, notamment les barrages hydrauliques. Cet intérêt est suscité par la force technique qu’ils dégagent ainsi que la présence majestueuse qu’ils occupent sur le territoire. Une forme de dialogue s’installe entre l’ouvrage et son environnement que je trouve passionnante. J’ai souhaité exploiter cet intérêt, dépasser cette fascination pour éclairer les questions autour du paysage et des ouvrages d’ingénieurs. Je me suis interrogé sur la relation du paysagiste avec l’ingénieur. Quel rôle ce dernier a-t-il dans l’aménagement du territoire ? En quoi le paysagiste peut-il prétendre intervenir autour d’ouvrages techniques ? Il s’agit là de deux professions tournées vers l’aménagement du territoire dont les vocations diffèrent. Mais leurs interventions contiguës sur le territoire dévoilent des points communs que je souhaite cibler à travers l’ étude des barrages hydrauliques. Alors que leurs interventions sont différentes, j’ai souhaité dans un premier temps comprendre le rapprochement qui existe entre ces deux métiers. Interroger cette forme qui articule et confronte un ouvrage avec l’ environnement qui l’accueille, l’agrémente. Je m’interroge sur la force que dégagent ces ouvrages, cette forme qui nous amène à distinguer un ouvrage de son environnement. S’agit-il véritablement d’une question de forme ? D’esthétique ou d’usage ? Quels sont les éléments qui détachent ou délimitent un ouvrage de son environnement ? Alors que plusieurs dimensions -sociales, économiques, techniques, environnementales- conditionnent ces ouvrages parle-t-on de confrontation ou de superposition ? S’il n’est pas rare de voir certains ouvrages fréquentés par des usagers, comment le public perçoit-il la dimension de l’ouvrage en abordant ce genre de site ? Curiosité, étonnement, découverte… La monumentalité de l’objet dépasse-t-elle la technicité ? Ces sites ont-ils été conçus pour accueillir un public ou doivent-ils être exemptés de toutes visites afin de préserver leur fonctionnalité et protéger le public d’un danger potentiel.

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À travers ces interrogations sur les «objets d’ingénieurs», comment le paysagiste se positionne-t-il ? Ces infrastructures représentent un symbole en terme du savoir-faire de l’ingénieur et par les questions sociales, environnementales et paysagères soulevées, elles suscitent l’intérêt du paysagiste. Cependant le site conditionne souvent la nature des interventions. L’intérêt de ces ouvrages n’est-il pas simplement dans le contraste né entre un ouvrage et son environnement ? Pour tenter d’éclaircir mes interrogations, je me suis dans un second temps intéressé aux barrages hydroélectriques en visitant quelques sites, en parcourant des ouvrages, en regardant des reportages. J’ai rencontré une photographes, des barragistes, des ingénieurs et la richesse de ces échanges, la confrontation de leur points de vue avec mes recherches personnelles, m’ont rapidement permis de prendre conscience que la dimension technique d’un barrage est trop importante et qu’elle conditionne le regard porté autour de ces infrastructures souvent monumentales. infrastructures souvent monumentales. La magie qui émane de ces lieux en fait des sites particuliers sur lesquels on imagine difficilement intervenir. La particularité de ces sites résulte justement du fort contraste que dégage une telle structure au coeur d’un environnement souvent vierge de tout aménagement, c’est pourquoi j’exclus dans un autre temps l’idée de pouvoir intervenir sur un tel site. J’ai alors poursuivi mon étude en m’intéressant aux ouvrages hydrauliques pour arriver à la découverte d’un site tout à fait étonnant, le réservoir du Bourdon.

6 Barrage du Chambon, Isère. Photographie personnelle août 2013.


Très tôt je me suis intéressé à la dimension technique de l’ouvrage, celle qui conditionne mon étude afin d’en dégager des problématiques. L’ originalité du Bourdon est directement liée à cette dimension. Conçu par deux ingénieurs, il se distingue par son réseau sophistiqué de canaux et de trop-plein qui ont été réalisés avec grand soin. Mes recherches m’ont amené à constater qu’il constitue la pièce maitresse d’un réseau de quinze barrages-réservoirs au nord de la Bourgogne permettant l’alimentation en eau du canal de Briare. J’ai alors souhaité prendre davantage de recul sur le territoire d’accueil de ce réseau pour comprendre l’implantation et l’articulation de l’ensemble des réservoirs. J’ai ainsi découvert le pays de La Puisaye, région de Bourgogne peu urbanisée caractérisée par ses nombreux domaines forestiers, où sillonne un riche réseau de canaux qui alimentent les divers réservoirs. Mon analyse technique de départ sur le réservoir du Bourdon m’avait permis de constater une fréquentation autour de la retenue. Des infrastructures témoignent d’un tourisme saisonnier -baignade, voiles…- et d’activités plus régulières comme la pêche. En comparaison aux barrages hydroélectriques où l’attrait des barrages est généré par leurs immensités, leurs dimensions techniques est difficilement bafouées, le réservoir du Bourdon à plus petite échelle peine à véhiculer la technicité d’un ouvrage hydraulique encore en activité. La rupture d’échelle y est moindre et la dimension touristique qui semble s’y développer prend le dessus. Par ailleurs, la fréquentation accrue ces dernières années autour des infrastructures greffées en périphérie de la retenue offre diverses activités nautiques au grand public.

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Désormais vétustes et inadaptées pour un site technique toujours en activité, ces infrastructures marquent la mutation d’un site fonctionnel en une base d’activité et reflètent un certain paradoxe. Tombé en désuétude l’ouvrage peine à véhiculer une image forte d’ouvrage d’art et entraine un tourisme toujours plus orienté avec le développement d’auberges, colonies, restaurants… Lorsque j’ai découvert le site, la lecture technique de l’ouvrage m’est apparue évidente. L’arrivée sur la digue depuis Saint Fargeau annonce rapidement la nature de l’ouvrage. La digue maçonnée, des talus bien taillés le site nous dévoile une partie de sa technicité par une multiplication d’ouvrages singuliers. Rapidement la route m’amène à découvrir bateaux, voiliers, restaurants et auberges installés souvent très près de l’eau. Dès les premiers kilomètres la digue s’efface, et la connotation fonctionnelle laisse place à une image plus touristique d’un site organisé autour d’infrastructures d’accueil. De plus en plus éloigné, j’oublie rapidement l’ouvrage artificiel que j’étais venu arpenter. Je cherche des éléments auxquels je puisse me raccrocher. Et pourtant, la rencontre d’espaces davantage confinés et refermés par la densité des espaces boisés, les sous-bois inondés qui m’ amènent jusqu’aux berges du réservoir où une abondante végétation herbacée accompagne les abords du réservoir véhiculent une tout autre image du site découvert au départ. À l’inverse d’un barrage hydroélectrique où la dimension technique transparaît de par la dimension de l’ouvrage dans son environnement, la morphologie du territoire

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bourguignon nous confronte à une lecture du réservoir totalement différente. L’approche et l’analyse du site ont mis en avant son enclavement dans un espace très boisé provoquant un manque de visibilité et de lisibilité. Sous bois marécageux, îlots arbustifs et plage de sable: le paysage qui accompagne le réservoir véhiculent une image différente de celle d’un site fonctionnel dont on ne prend conscience qu’à l’approche de la digue. À travers cette volonté de travailler sur les intérêts partagés par l’ingénieur et le paysagiste autour de l’aménagement du territoire, je m’interroge sur la question d’accueil du public, de son rapport à l’eau tout en imaginant accroitre la dimension technique du site. Je me demande comment cet ouvrage, sans vocation touristique de par sa fonction, peut accueillir le public de manière plus réfléchie ? Je souhaite exploiter le paradoxe constaté sur le réservoir du Bourdon pour élaborer une démarche de mise en valeur de la technicité de l’ouvrage en renforçant son image de réservoir. Mon objectif sera donc d’augmenter sa visibilité pour ne pas perdre de vue l’objet d’ingénierie et l’ouvrage d’art qu’incarne le réservoir. Il me faudra donc définir de manière plus précise les limites de ce dernier pour permettre d’appréhender le site sous un angle différent mettant en avant sa technicité et son environnement. Et enfin accueillir de manière raisonnée les usagers à des endroits sélectionnés et étudiés selon la mosaïque des paysages agricoles et forestiers qui viennent s’y rattacher.

9 Réservoir du Bourdon, vue panoramique depuis la queue de l’étang Photographie personnelle sept 2013


sommaire

Ci-dessus, Barrage de Daniel-Johnson, QuĂŠbec.


points de vues

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paysage de la technique et de l’esthétique

Une envie, un questionnement Ces ouvrages d’arts qui façonnent le paysage Ingénierie & paysage entre enjeux fonctionnels & conscience environnementale Les barrages réservoirs en France

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arrêt sur image

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l’ingénieur, le paysagiste & le photographe Perception du paysage Histoire du paysage à travers la photographie Celine Clanet Photographe

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découvrir, comprendre, analyser

le réservoir du bourdon dans l’anonymat Un socle technique historique Un territoire dessiné par l’eau Une fréquentation orchestrée selon les saisons

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projeter

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une horizontale dans le paysage Améliorer sa visibilité Préserver la technicité Valoriser le paysage donné Maîtriser & résonner le tourisme Exploiter les continuités

bilan lexique bibliographie remerciements

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points de vue

Ci-dessus, Viaduc ferroviaire d’Escot, Aquitaine.

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le paysage de la technique &

de l’esthétique

une envie, un questionnement D’après Marc DESPORTES*, le travail de l’ingénieur ne doit pas être considéré comme un acte isolé mais véritablement comme un travail d’analyse, d’exploration de l’espace. Il pousse même la question de la perception du paysage selon le type d’infrastructure et considère que les infrastructures génèrent et imposent à l’utilisateur une certaine perception spatiale. Ainsi chaque type d’infrastructure recèle un même paysage, dépendant de la façon dont il est traversé. La question autour du travail de l’ingénieur et de son action sur le territoire m’a amené à me poser celle des différences entre l’intervention du paysagiste et celle de l’ingénieur. La différence entre ces deux professions se situe-telle dans la nature de leurs interventions ou est-elle dépendante du lieu sur lequel ils interviennent ? Tandis que l’exercice de l’ingénieur est tourné vers l’invention de solutions techniques dans un paysage donné, le travail du paysagiste s’articule autour d’un projet répondant à une problématique née. L’étude des barrages hydrauliques constitue une matière intéressante dans la confrontation des professions évoquées. Ces ouvrages résonnent comme une prouesse technique et témoignent d’une maitrise incontestée de l’homme sur le milieu naturel qu’ils accommodent. Le paysage lui n’est pas absent mais la monumentalité de l’objet privilégie et valorise le progrès, la suprématie des ingénieurs. Ces grands travaux affirment une certaine maitrise de l’homme sur son environnement. * dans son article «Du côté des Ingénieurs», paru dans Les Carnets du Paysage n°18, septembre 2009. 13


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C’est par l’étude de la dimension technique que peut avoir un paysage et la découverte du métier d’ingénieur que je souhaite déceler les échanges potentiels entre le paysagiste et l’ingénieur. Certains pourraient penser qu’ un paysagiste n’a pas les compétences pour pouvoir intervenir ou accompagner des transformations induites par les ingénieurs, j’aimerais profiter de ces paysages controversés pour affirmer la position du paysagiste dans l’accompagnement de ces infrastructures et mettre en avant ce lien invisible qui rapproche ces deux acteurs du paysage. Ainsi avant d’envisager un cas concret sur lequel le paysagiste assume la dimension technique et formelle de l’ouvrage pour oeuvrer, j’ai souhaité au préalable examiner et comprendre la représentation de ces paysages à travers l’histoire, l’art, la photographie et les témoignages de professionnels.

Brice Wong, ingénieur pour le complexe Roselend-La Bâthie de 1960 à 1962. Photographie de Céline Clanet Adossé posément à la voute d’un barrage, il contemple l’ouvrage comme un peintre regarderait sa toile.

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ces ouvrages d’arts qui façonnent le paysage

Historiquement… L’eau a dessiné le paysage par l’action des mers, des glaces et surtout des cours d’eau. La maitrise et l’appropriation de l’eau ont été au fondement de toutes les cultures. Les ouvrages romains en ruine témoignent d’une ingénierie historique. Sillonnant auparavant les vastes campagnes, ces constructions étaient pour les observateurs de la Renaissance signe du pouvoir et de la gloire de leur empire, et par là objet de contemplation du paysage.

Vestige de l’aqueduc de Luynes, Indre-et-Loire. source blogspot.fr

Aqueduc de l’aigle, Nerja, Espagne.

source andalousie-culture-histoire.com

Aqueduc des Miracles, Mérida, Espagne. source monnuage.fr

Notion d’ouvrage d’art L’élaboration des routes, rencontre différents obstacles tels que des rivières, des montagnes ou bien d’autres routes. La rencontre de ces éléments géographiques, et la volonté de les franchir, génère la construction d’ouvrages uniques, complexes, ingénieux et artificiels: les ouvrages d’art. La notion d’art, indique l’aspect esthétique et architectural que prennent bien souvent ces constructions. L’ouvrage d’art se qualifie de deux manières différentes. Il peut être considéré comme un élément en opposition (barrage) ou avoir une fonction

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de communication (route, chemin de fer, canal) pour franchir un obstacle (vallée, montagne, eau). Historiquement le XIXe siècle fut une époque extrêmement fructueuse pour les ouvrages d’art. Le développement progressif des réseaux de communication a profondément modifié les paysages et a tissé en moins d’un siècle une véritable toile dense, qui a couvert et couvre toujours l’ensemble du territoire. Les ponts furent une révolution qui permit de remédier aux obstacles naturels. Tel un outil suprême pour les réseaux de transports, les matériaux utilisés pour ces constructions ont évolué au cours du temps (bois, métal, pierre, fer, fonte, béton) et ont toujours fait l’objet de recherche. Les ouvrages bâtis au fil du siècle permettaient d’ailleurs aux ingénieurs d’appliquer techniques et matériaux nouveaux avant de les utiliser pour des bâtiments.

Barrage Daniel-Johnson, Québec source hydroquébec.com

Viaduc de Millau, Course Eiffage source blogspot.fr

La place de l’art L’art, si l’on en croit les multiples définitions -notamment celle du dictionnaire Larousse- est une activité, un ensemble de procédés, de connaissances et de règles qui alimentent l’exercice d’une activité. C’est aussi une habilité, un certain talent, qui fait appel à un savoir-faire chez l’homme à produire un élément plus ou moins lié au plaisir esthétique. Si l’art qualifie l’aptitude et la qualité une personne à mettre en oeuvre son savoir-faire, chacun de nous peut-il s’affirmer être un artiste ? La notion d’art évoque le plus immédiatement une forme picturale ou sculptural, or pourtant l’art qualifie surtout le produit d’une activité, qui s’adresse au sens de l’émotion et à l’intellect.

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La conception de l’art comme production par des artistes et concepteurs d’objets que l’on s’accorde à trouver beaux, suivant un jugement de goût marque le caractère artistique d’un ouvrage, par le jugement qu’on lui porte. La réflexion, les interrogations, le temps et la pérennité des ouvrages constituent un processus commun à l’art graphique à celui de l’architecture. Uniques et matérielles ces oeuvres anciennes ou contemporaines concentrent le regard, exposent un savoir-faire et marquent une époque. Je pense que la valeur artistique d’une production tel qu’elle soit demeure en la faculté de toucher une personne, réussir à interroger celle-ci sur son appréciation en interrogeant ses émotions à travers l’ensemble de ses sens. Il est interessant de voir que certains barrages qui furent décrirés lors de leur construction se sont inscrits avec le temps dans le patrimoine en devenant des symboles de savoir-faire et des images-phare d’un lieu.

Singularité des paysages Suisses La notion d’art évoqué dans le paragraphe précédent m’a amené à m’interesser au paysage Suisse. Cette faculté ou plutôt ce génie que les concepteurs suisses cherchent à développer lorsque le recourt à un ouvrage d’art est nécessaire. Un soin de longue date est porté à chacune de leurs constructions, dans un objectif de pureté et de cohésion avec le socle paysagé sur lequel repose l’ouvrage. À l’image d’un pont ou d’un tunnel les ouvrages qui parsèment le paysage augmentent sa qualité. Un pont qui peut nous apparaître des plus anodins au premier regard va finalement révéler toute sa finesse dans l’implantation de ses piliers et leurs espacements, et proposer un cadrage inédit sur un paysage. Jürg Conzett ingénieur suisse en génie civil se dit fasciné par l’architecture des ouvrages de son pays pour «leurs ambiguïtés, leurs qualités cachées». En y portant une observation attentive il y perçoit un «processus de construction intéressant», pour surmonter des difficultés ici et là, grâce à une solution ingénieuse qui répond à une contrainte technique.

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L’architecture du paysage suisse prend ses racines dans sa tradition géographique, historique et intellectuelle. Ce rapport profond entre l’histoire et son territoire n’exclut pas une ouverture sur les grands mouvements internationaux. La plupart des projets qui émergent partage des valeurs de rigueur, d’élégance et de conscience écologique. Un sentiment de modération, une touche de minimalisme, une attitude parfois austère dominent les travaux des paysagistes suisses. Ils privilégient des matériaux simples et bruts assez expressifs. Même les plus complexes semblent banals tant ils se fondent dans la situation. Ils ne mettent pas en avant l’individu, mais laissent parler le lieu, les matériaux, les formes.

Pont de Salginatobelbruecke, Suisse source paronamio.com

Pont Les Evouettes, Suisse source blogspot.com

Tunnel de Bure, Suisse source paronamio.com

Les paysagistes suisses créent des effets puissants, tout en optant pour la simplicité et la sobriété. Une autre caractéristique fondamentale de cette architecture du paysage est la recherche constante des meilleures solutions formelles.

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La «gute Form», la bonne forme, comme ils disent, habille l’élégance des réalisations. La recherche autour de la forme dégage un résultat qui retranscrit un travail créatif mené à maturation. Les projets ne sont pas surchargés (de matériaux, de détails formels et de sens) et ils n’apparaissent pas comme une solution économique. Si la forme donnée à un ouvrage peut parfois nécessiter des coûts supplémentaires dans son élaboration et dans la qualité des matériaux désignés, on peut imaginer que la simplicité d’un ouvrage peut aussi être une forme d’économie en terme de matières premières et de mise en oeuvre. Puis, lorsque la forme est privilégiée, l’écologie en demeure pas moins indirectement liée. De part une certaine pureté conceptuelle on aspire à penser que les formes répondent à une volonté de minimiser les impacts. Privilégier la beauté formelle pour se soucier du contexte écologique potentiel et ainsi respecter l’esprit du lieu et son histoire rejoint une forme de retenue. Cette réflexion amène l’élégance et la pertinence des solutions proposées.

Pillier de viaduc dans le paysage Suisse. Photographie de Marc-André Marmillod, photographe suisse. source ateliermamco.com

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ingénierie & paysage entre enjeux fonctionnels & conscience environnementale

«L’alliance du paysagiste et de l’ingénieur est indissociable par la complémentarité technique de l’ingénieur et inventive du paysagiste» Gilles Vexlar, Paysagiste

L’objet technique qu’est un ouvrage d’art n’est pas contradictoire avec le paysage. Il constitue un élément nouveau, à inventer ou réinventer en excluant l’idée d’un paysage décoratif ou d’accompagnement. Les ouvrages de génie civil se multiplient et la succession de viaducs et tunnels recherche à limiter leur emprise tout en s’insérant au maximum dans le paysage. De fait, les contraintes rendent parfois les infrastructures imposantes et spectaculaires. Des années plus tard, elles assument leur visibilité comme construction anthropique, répondant aux dimensions d’une vallée par une forme de monumentalité.

Viaduc de Millau.

Photographie de Gilles Samoun - source fotopedia.com

La rigueur géométrique qui caractérise la plupart des ouvrages exprime une vision propre à l’ingénieur. En France, de plus en plus d’ouvrages d’art sont le fruit d’équipes mixtes ingénieurs-paysagistes.

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Époque du modernisme En France,les ouvrages militaires de Vauban, le canal de midi, la fortification des villes… furent à l’origine de la construction d’écoles d’ingénieurs tel celle des Ponts et Chaussées. La conséquences même est l’arrivée de grands travaux sur le territoire afin d’unifier et de faire rayonner la capitale (voiries, fleuves…). Dans ses aires révolutionnaire la France établira l’Ecole Polytechnique en 1794 pour former des scientifiques et des ingénieurs de terrain qui «maitrisent l’environnement». Dés lors, le XIXe siècle est caractérisé par de grands travaux de terrassements, de canalisation, en assurant notamment la salubrité des grandes villes. Une forme d’aura reignera sur les ingénieurs, considérés comme les héros des temps moderne par un mode de pensée rationnel et fondé sur le calcul. Petts annoncait la révolution française comme le début de l’époque du modernisme. Et c’est dès le XXe siècle que ce mouvement explosera avec l’utilisation du béton, la transformation des villes et l’ère des grands barrages. Ils apparurent commes des symboles de fierté et de compétition nationales, marquant la supériorité de chaque sociétés rivales. En 1960, le contrôle de l’eau par l’ingénierie, à déclenché un bon en direction de l’avenir industriel pour les pays en voie de développement. L’ingénieur prend une place importante dans la société, pour être considérée comme le «serviteur du progrès».

Fondement de la profession d’ingénieur

Canal de Corinhe et de Kiel. source panoramio.com

En France, l’ingénieur était à l’origine un militaire. Créé au début du XVIe siècle le «corps du génie» est une institution militaire chargée d’explorer des systèmes d’attaque et de défense du territoire. Très vite certains vont abandonner le corps militaire pour s’investir davantage dans des travaux d’études mathématiques, territorial, pour acquérir et maitriser des domaines plus variés -canaux, réseaux routiers, ponts…

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Si les profils diffèrent, les ingénieurs partagent tout de même une posture qui amorce un nouveau genre professionnel. Cette posture est celle d’un métier qui veut répondre à des situations suscitant de nombreuses interrogations et des difficultés techniques de réalisation. L’ingénieur va se retrouver en situation de comparaison, d’opposition, d’analyse de réflexion intense afin de trouver des solutions adéquates aux difficultés rencontrées.

Evolution des mentalités au rythme du progrès La traversée d’un paysage par autoroute ou voie ferrée révèle des caractéristiques spécifiques de ce paysage visibles depuis ces infrastructures. À l’inverse, usagers, promeneurs, publics et riverains profitent au même titre d’une forme de valeur ajoutée conférée au paysage par l’existence de cette infrastructure. À l’image de son oeuvre, l’ingénieur ne peut plus être considéré de manière isolé. Il est et doit être appréhendé dans son contexte, avec les autres corps de métier participant activement à la modification du paysage. Dans l’histoire française récente, l’édification des Villes Nouvelles dans les années 60 constitue un exemple et un moment clef dans la relation entre l’ingénieur et le paysagiste. L’élaboration de ces villes relève un certain nombre de problématiques (transport, écologie, proximité…) dont la gestion des eaux de ruissellements. L’important couvert imperméable sur lequel s’étendent ces villes implique bon

Parc du Lochy, Magny-le-hongre (77) Agence Bruel Delmar. Photographie personnelle

Récupération des eaux de ruissellement au coeur de Marne la Vallée. Photographie personnelle

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nombre de bassins de rétention qui avec l’aide du paysagiste ont été pensés comme de véritables lieux de vie et non pas simplement comme une fosse de récupération des eaux. Certaines sociétés en font d’ailleurs une spécialité, en proposant des procédés de phyto-épuration. On assiste depuis la fin des années 90 à une évolution des mentalités et une prise de conscience des enjeux environnementaux majeurs. La posture de maitrise fait place à une attitude de composition avec la nature. Alors que l’ingénieur est souvent sollicité pour des questions de drainage, d’érosion des sols, d’irrigation, de conservation des fossés, les équipes pluridisciplinaires mises en place aujourd’hui permettent de répondre à un ensemble de question plus variées avec une approche sensible autour du territoire. Intégration des problématiques environnementales dans le cursus de l’ingénieur Pour mieux comprendre le profil de l’ingénieur j’ai souhaité m’intéresser à sa formation. Une formation qui semble s’enrichir au fur et à mesure que la société évolue, mais je me demande si les ingénieurs sont sensibles aux professions plus spécifiques de l’aménagement ? Comment intègrent-ils la notion du paysage dans leur cursus ? Il est important de sensibiliser les futurs ingénieurs au développement durable. Si tous ne partagent pas le même point de vue, le CNISF* notamment estime que le développement durable devrait faire partie de la culture générale d’un ingénieur, et des professions de l’aménagement. C’est par le biais des ingénieurs que seront transmises les compétences dans ce domaine, il faudrait donc permettre aux élèves d’identifier les différents enjeux d’un projet (économique, social et environnemental), pour engager une véritable prise de position dans le domaine de l’aménagement du territoire. Pour être efficace à cette échelle, c’est l’enseignement qui devrait évoluer, car la notion de développement durable ne semble pas encore acquise par tous selon * Conseil National des Ingénieurs et Scientifiques de France 33


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certains professionnels de l’aménagement. À l’image des ouvrages suisses, où l’impact physique joue un rôle prédominant dans l’architecture et la conception d’un ouvrage, l’enseignement peut-il permettre de rendre compte des conséquences plus larges sur le territoire tout en gardant cette persévérance autour des performances ? Les projets ne doivent plus être traité de manière isolée mais avoir une intelligence de la situation pour aborder les choses dans leur ensemble. Ces considérations n’ont jamais été véritablement appliquées malgré un développement des formations dans les années 90 permettant la création d’options dans les cursus. Une option hydrologie et géologie a très vite été disponible. Puis au début des années 2000, trois nouveaux profils ont été créés: aménagement du territoire, études et services aux collectivités et environnement industriel. Parmi les nombreuses formations d’ingénieur (géologie, métiers de l’environnement, géopgraphies, industries, génie civil, génie industiel, travaux de constructions, etc.) certaines ont évolué vers une formation plus complète et plus large. L’environnement a été trop longtemps une discipline optionnelle qui n’est pas encore perçue comme faisant partie de la culture de l’ingénieur. Il est encore trop souvent assimilé à une contrainte. Certains cours sont totalement déconnectés des aspects environnementaux, plusieurs ingénieurs qui ont témoignés à travers le CNISF, considèrent que la question environnementale ne devrait pas être cantonnée à une discipline particulière, une option, mais être instauré comme une véritable démarche.

Des tribus d’Amazonie occupent le chantier du barrage de Belo Monté pour tenter de suspendre l’avancée des travaux. source: letemps.ch

Plus de 500km2 de la forêt amazonienne vont être submergés pour voir apparaître le plus grand barrage du monde.

source: le figaro.fr

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L’ingénieur doit réunir des savoirs et des compétences diverses sur la géologie et la dynamique des sols, sur les principes de l’hydraulique, les atouts et les aléas de l’hydrologie ainsi que les techniques de la construction.

À travers l’interview d’Alexandre Chemetoff, Michel Péna et Gilles Vexlard, dans «Paroles de paysagistes»*, du point de vue de l’ingénieur, le paysagiste semble encore rester celui qui arrange les choses, qui assure le paysagement d’un aménagement, ou bien au contraire, un utopiste qui oeuvre dans la démesure. On voit pourtant que des propositions proprement paysagères et parfaitement mesurables peuvent se faire, au cours même du projet. Les paysagistes se plaignent souvent de l’omniprésence des ingénieurs et de la prééminence de leurs concepts qui minimisent la dimension paysagère dans leurs projets de transformation des lieux ou des territoires. On peut constater néanmoins que la plupart des projets et réalisations remarquables des paysagistes impliquent une collaboration étroite avec des ingénieurs. Il paraît intéressant d’approfondir ce constat, en allant questionner un ouvrage qui suggère ce rapprochement. La conjugaison de l’esthétisme, appliqué notamment par les Suisses, à la technique des ouvrages d’ingénieurs constitue le point d’orgue du paysagiste. Satisfaire fonctionnalité et beauté, monumentalité et sobriété à travers un ouvrage ou une intervention autour de celui-ci résonne comme un défi. Les problématiques environnementales et fonctionnelles ou l’impact physique, esthétiques et visuels misent en avant précédemment apparaissent comme des éléments importants qui devront faire partie de mes considérations lors de la conception de mon projet.

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«Du côté des Ingénieurs», paru dans Les Carnets du Paysage n°18.

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les barrages réservoirs en france Suite aux recherches entreprisent autour de l’ingénierie, des ouvrages d’art et des coopérations éventuelles ingénieur-paysagiste en terme d’aménagements et d’impacts territoriaux, je me suis intéressé à un type d’infrastructure en particulier: les barrages hydroélectriques. Ces barrages exercent sur moi une certaine fascination et un intérêt prononcé depuis des années autour de l’eau. J’ai alors décidé de m’y interesser afin de comprendre plus concrètement ce que représentent ces ouvrages en matière de besoins, technique et impact. Il s’agit maintenant de mettre de côté une perception subjective pour assimiler les véritables enjeux de tels ouvrages et ainsi m’en faire une idée plus objective.

Barrage de Saint Guérin, Savoie. source olivewhite.com

À l’origine La construction des barrages-réservoirs en France, s’est inscrite dans un mouvement de mobilisation des ressources en eau qui remonte au Moyen Âge. Le XVIIIe siècle est marqué par l’émergence de l’ingénieur, de l’entreprise et de leurs relations avec l’État. C’est une période au cours de laquelle les corps d’ingénieurs de l’État se renforcent pour voir apparaître la notion d’aménagement du territoire. Comme on l’a vu précédemment, cette période correspond aussi à la fondation des premières écoles d’ingénieurs dont celle des Ponts et Chaussées qui joua un rôle fondamental dans «l’invention de l’ingénieur moderne».

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Un symbole technique Les grands barrages du milieu du siècle apparurent comme des symboles de fierté et de compétition nationale, entrainant une forte rivalité entre différentes nations (France, Etats-Unis, Angleterre…) qui souhaitent appuyer leur supériorité dans ce domaine.

« Le barrage [...] un objet technique complexe, en même temps qu’un ouvrage d’art » Jean Louis Bordes, Ingénieur historien

Barrage de la Dixence, Suisse source olivewhite.com

Déversoir barrage en Chine. source lefigaro.com

Barrage de Tignes, Savoie. source ledauphine.com

Barrage de Kaprun, Autriche source lenergeek.com

Le barrage est un ouvrage important, techniquement complexe dans sa nature et compliqué dans son insertion. C’est un ouvrage d’art, vraisemblablement un des plus complets, mais à la différence de la plupart des autres ouvrages d’art, il s’inscrit en profondeur dans la structure même du paysage, ce qui est à l’origine des difficultés de sa conception et de sa réalisation.

Des barrages, pourquoi ? On peut distinguer trois types de besoins à remplir: • Une nécessité hydrologique en régulant un cours d’eau pour diminuer les crues ou alimenter un canal. • La demande en énergie, en stockant un important volume d’eau qui permettra par la force mécanique d’actionner des turbines. • L’approvisionnement des villes en eau potable tant en volume qu’en qualité, devient, dès la seconde moitié du XIXe siècle, un enjeu de société et de santé publique.

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La mobilisation de ces ressources en eau et leur régularisation sont assurées par l’exploitation des nappes d’eau et par la réalisation de stockages obtenus par des barrages. L’eau stockée provisoirement et régulée par les barrages représente 12 milliards de mètres cubes, soit 7% de l’eau qui s’écoule en moyenne sur le territoire français par an. Ce qui fait du barrage un élément incontournable pour l’approvisionnement en eau. Cette multiplicité des besoins est apparue lors du développement industriel et de l’urbanisation qui l’a accompagné. Les barrages exercent une fonction de mobilisation et non d’immobilisation des ressources en eau. Ainsi l’eau est prélevée ou dérivée vers les lieux d’utilisation pour améliorer cette disponibilité. L’eau peut être régularisée au moyen d’un stockage pour un temps limité. C’est souvent à cet instant qu’entre en jeu la pratique du barrage-réservoir qui est un moyen de valoriser l’eau en retardant le temps de son utilisation. L’irrigation en tant que finalité Le stockage de l’eau dans une retenue de barrage constitue la réponse pour pallier l’insuffisance périodique des débits. Mais les barrages avaient pour but premier de créer une chute pour activer une roue. Aujourd’hui la plus part des barrages sont à but unique, mais il y a un nombre grandissant de barrages polyvalents. D’après les publications les plus récentes du Registre Mondial des Barrages* l’irrigation est de loin la raison la plus courante pour construire un barrage. Parmi les barrages à but unique, 48% sont pour l’irrigation, 17% pour l’hydroélectricité, 13% l’approvisionnement en eau, 10% le contrôle des crues, 5% pour les loisirs et moins de 1% pour la navigation et la pisciculture. * Le Registre Mondial des Barrages est une base de données répertoriant plus de 33 000 barrages. Le Comité en charge du Registre coordonne la centralisation des données auprès des Comités Nationaux. Le RMB est une source d’informations très complète, les mises à jour de 2006, ont été corrigées en 2011et concernent plus de 37 500 barrages de plus

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de 15 m. Pour chaque barrage, on donne plus de 30 informations, parmi lesquelles des données géographiques, des informations sur le barrage, le déversoir et le réservoir, les gérants tout comme des données environnementales. Malheureusement, il s’agit aussi d’une ressource «sous-exploitée», peu connue et pas suffisamment utilisée par la communauté des ingénieurs et les autres groupes intéressés.

Préoccupations environnementales Les impacts environnementaux sont nombreux autour des barrages (cycle de vie aquatique pertubé, territoire engloutit, érosion, glissements de terrain, expropriation…), mais pourtant l’environnement n’était pas absent des préoccupations des constructeurs de barrages, des concepteurs et constructeurs. Cependant leur perception de l’environnement différait quelque peu de celle qui prévaut de nos jours. Le milieu naturel n’avait pas été encore sensiblement modifié par l’activité industrielle, l’urbanisation, et les infrastructures de transport. Le souci de la conservation ou de la protection du milieu naturel et de ses ressources contre les agressions de l’activité industrielle, n’était pas encore perçu comme nécessaire. La nature apparassait comme un milieu beaucoup plus hostile qu’aujourd’hui. La mission de l’ingénieur était simplement de l’aménager afin que les hommes qui l’habitaient puissent être protégés contre les débordements des éléments naturels. Barrage de Serre-Ponçon, Hautes Alpes. source carnets-voyage.com

Plus grand barrage d’Europe par son volume et deuxième plus long par sa taille, le barrage de SerrePonçon fut à l’origine de dizaine de villes et villages engloutis et de vallée totalement submergée.

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extrait


« Artiste - Parfois je me dis que l’idéal serait de ne rien faire… Être juste là, au bon endroit, pour contempler le payage éternel.

Jardinier - Que tu le veuilles ou non, tu assisterais forcément à une transformation… Les plantes grandissent et se déplacent. Les êtres humains et les bêtes en général n’arrêtent pas de renouveler, de bouleverser l’espace qu’ils occupent, jusque dans son relief qui peut te paraître immuable… Ingénieur - Si tu voulais conserver ton paysage tel qu’à cet instant, ce serait déjà une énorme entreprise.

«

Jardinier - Mais, de temps en temps, très peu suffit pour tout tranformer : installer un banc, couper un taillis…

Extrait «Le Jardinier, l’Artiste et l’Ingenieur» de Jean-Luc BRISSON

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arrĂŞt sur images

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l’ingénieur, le paysagiste & le photographe

Architectes, ingénieurs, paysagistes... tous partagent une sensibilité sur l’aménagement de l’espace qui les entoure. Si cette conception aussi technique soit-elle existe, elle passe inéluctablement par une période de réflexion, de méditation, d’observation. Et justement il s’agit de cette faculté d’observer que j’ai choisi de rapprocher avec un autre métier, celle du photographe. Si les barrages suscitent une forme de fascination en moi depuis plusieurs années, l’ouvrage photographique «Des barrages et des Hommes» s’est révélé être la confortation de mon intérêt pour ces géants de béton. Fondamentalement différents, le paysagiste et le photographe exercent tous deux une fonction qui nécessite de passer du temps à observer avant de passer à l’action. C’est à travers les clichés de Céline Clanet que cette forme de confrontation entre un ouvrage et son environnement m’est apparu évidente. Sans mot, ni légende, la photographie laisse parfois cette liberté d’interprétation. Un regard personnel, unique se pose sur l’image et chacun s’approprie l’image à travers une vision qui est la sienne. J’ai alors souhaité comprendre cette photographe, l’origine de son travail et sa position par rapport au paysage. Par la suite je suis allé à la rencontre de Céline Clanet pour partager son expérience et son regard autour des barrages. Comment a-t-elle abordé ces infrastructures ? Comment qualifie-t-elle ces constructions ? Quelle image la photographie peut-elle véhiculer autour de ces barrages ?

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perception du paysage Il y a, à l’origine de toute photographie de paysage, une confrontation entre un photographe et un lieu. La photographie est toujours la trace d’un instant où le regard se porte avec une certaine acuité sur un lieu, qu’il soit celui du quotidien ou celui de la découverte et du dépaysement. Le photographe est d’abord un artiste avant d’être un technicien. Sa sensibilité particulière lui permet d’observer le monde sous un angle original et artistique qui en fait tout l’intérêt. Alain Roger, philosophe et professeur d’esthétique à l’école d’architecture de la Paris-La Villette publia un traité sur le paysage et sa théorie d’artialisation du paysage, selon laquelle tout paysage est un produit de l’art. Soit par celui qui transforme directement le site (paysagiste), soit par celui qui le représente en fonction de sa propre sensibilité (le peintre, le photographe). Mais le travail photographique autour du paysage ne se limite pas à un travail sensible, il s’agit aussi de mettre en scène une relation avec le paysage, et plus globalement avec l’élément naturel. Il existe une véritable faculté des images à nous forger une vision du monde. Une photographie de paysage se donne toujours à voir comme la vision d’un individu sur son environnement, et c’est sur ce mode qu’elle nous apporte différents enseignements et nous révèle un peu plus le monde dans lequel nous vivons. Car le paysage cristallise les activités humaines, le spectateur peut y déceler les enjeux économiques d’une région,

Centrale nucléaire de Nogent sur Seine, dans l’Aube. Photographie personnelle

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ou l’histoire du lieu. Mais surtout, le regard que nous portons sur ce paysage en tant que spectateur, est révélateur de notre relation au paysage représenté. De nos jours et suite au développement de l’image, la photographie du paysage cherche un nouveau sens. On assiste à une nouvelle compréhension de la notion de paysage et à la reconnaissance de la photographie comme moyen de recherche et d’investigation.

histoire du paysage à travers la photographie La photographie a connu bien des étapes avant d’être considérée comme un véritable outil artistique. Lorsque peu avant le 19e siècle la photographie apparaît, elle fait face au succès des oeuvres d’art qui offrent une retranscription plus sélective des paysages observés, qui n’ont plus une fonction d’imitation mais véritablement de valorisation alors que la photographie se limitait à cette période à rapporter une image plus globale. Son statut artistique ne viendra que plus tard, au cours du 19e siècle, lorsque la photographie va amener à découvrir des paysages lointains à travers des expéditions dans des régions encore inconnues. La valeur artistique de la photographie n’est pas encore véritablement reconnue, mais la découverte de paysage alors inédit suscitera un grand effet auprès de la population. Malgré cela la photographie de paysage n’a par la suite plus connu beaucoup de succès en France, un genre qui s’est réduit aux cartes postales et aux illustrations touristiques. Ce n’était pas le cas par exemple aux États-Unis ou la photographie a rempli simultanément une fonction documentaire tout en révélant et sublimant les paysages et la photographie. Par la suite les photographes français des années cinquante se sont intéressés aux paysages, mais c’est l’Homme ou l’anecdote qui avant tout furent

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au centre de l’intérêt pour l’image. Il faudra attendre le début des années 80 et une commande de la DATAR* pour retrouver en France un intérêt pour le paysage photographié et les observatoires photographiques qui ne cessent de se multiplier depuis. Nait alors un désir fort et une volonté de répertorier, de comprendre et d’assimiler son environnement. Ainsi, la photographie des paysages va devenir un véritable outil de communication et de sensibilisation. * la mission de la Datar est triple : • Obtenir une nouvelle possibilité d’analyse et de réflexion. • Etablir un état des lieux à un moment clef : la fin des grands mouvements d’industrialisation et de concentration urbaine. • Développer une culture du paysage en France, condition indispensable à la gestion et la maîtrise raisonnée des transformations du territoire.

à la rencontre de celine clanet Céline Clanet... ...est une jeune photographe qui est née et a grandi dans les Alpes françaises. Diplômé de l’École Nationale Supérieure de la Photographie d’Arles (France), elle a publié trois livres dont «Des barrages et des Hommes en Savoie» (Actes Sud, France, 2011). J’ai eu l’occasion de la rencontrer, ce qui m’a permis de connaître la démarche qui l’a amenée à photographier ces barrages de Savoie et ainsi d’entendre son ressenti et sa vision autour de leur intégration dans le paysage.

De l’infiniment grand à l’infiniment petit. C’est d’abord une commande de la FACIM (Fondation Action Culturelle Internationale en Montagne) ensuite rejoint par EDF qui l’a amené à arpenter durant un an la Savoie pour aller à la rencontre des barrages. D’un milieu totalement méconnu, parfois même effrayée à l’idée d’aller découvrir des ouvrages caractérisés par l’immensité et une forme de danger, elle fut très

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rapidement sous le charme d’une «osmose paradoxale» entre les infrastructures et le paysage qui les accompagne. Accompagnée de techniciens, elle écoute et comprend leurs raisons d’exister ainsi que les procédés d’édifications. Si la monumentalité des ouvrages semble dépasser leur raison d’exister, des détails techniques et esthétiques ne lui ont pas échappés et l’on amené à distinguer ainsi les diverses ouvrages visités. Les mélanges de béton et les degrés d’inclinaison constituent des éléments caractériels de chacun des ouvrages. Il est aussi intéressant d’oberser la limite de l’ouvrage, la façon dont le béton épouse les paroies irrégulières où sont canalisées toutes les forces du barrage.. Rugueux et humide, le béton laisse place à une infime végétation faite de lichens et de champignons qui s’introduisent dans les moindres interstices. Vieillis et salis par le temps, les bétons choisis selon les procédés de retenue de l’eau apportent une touche plus terne ou colorée selon les spécificités techniques.

Un patrimoine local Si certains se posent la question de leurs démolitions, les témoignages recueillis par Céline dans les villages les plus proches des barrages, vont à l’encontre de cette éventualité. Ces ouvrages, ont pour certains été la raison de leur émigration, pour devenir aujourd’hui la fierté d’un comté, un pays ou d’une région. Au delà d’une question de faisabilité, il serait impensable de leur retirer. Une question touristique et patrimoniale semble s’être greffée à leur quotidien. Car au-delà des accès et réseaux routiers que les barrages ont pu développer à travers des régions parfois repliées, certains barrages demeurent de véritables oeuvres d’art que l’on vient contempler. En voici d’ailleurs quelques clichés, fournis par Céline Clanet et publié dans l’ouvrage précédemment cité. Ils expriment selon moi cette relation entre un ouvrage et son environnement et juxtaposent la dimension technique, paysagère et esthétique qui les singularise.

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ci-contre

celine clanet

- «du torrent au courant, des barrages et des hommes» Le barrage vouté de Roselend, l’eau au bord du précipice

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ci-contre

celine clanet

- ÂŤdu torrent au courant, des barrages et des hommesÂť Le barrage dans son intimitĂŠ

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ci-contre

celine clanet

- ÂŤdu torrent au courant, des barrages et des hommesÂť Dos au mur

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ci-contre

celine clanet

- «du torrent au courant, des barrages et des hommes» Rapport d’échelle

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celine clanet

- ÂŤdu torrent au courant, des barrages et des hommesÂť Au pied du mur

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celine clanet

- ÂŤdu torrent au courant, des barrages et des hommesÂť Sentier technique pour randonneurs et autres visiteurs

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ci-contre

celine clanet

- «du torrent au courant, des barrages et des hommes» Vide, le barrage semble être mise à nu

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dĂŠcouvrir comprendre analyser

Ci-dessus, RĂŠservoir du Bourdon, Yonne.

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le réservoir du bourdon

La monumentalité et les dimensions étourdissantes des barrages hydroélectriques m’ont amené à penser qu’il est difficile de développer une problématique susceptible d’engager un travail concret du paysagiste. Avec ces infrastructures où l’optimisation du volume d’eau régit l’organisation globale du site, j’ai décidé d’orienter mon étude autour d’un barrage d’une autre nature. Il s’agit d’un barrage-réservoir situé dans l’Yonne, du côté de Briare. Il intègre un réseau de quinze réservoirs qui alimentent le canal de Briare en période d’étiage notamment. Après m’être intéressé au réseau, j’ai ciblé mon intérêt sur le réservoir du Bourdon autour duquel j’ai pu identifier clairement des problématiques techniques, sociales et paysagères. Centenaire, ce réservoir historique est une pièce importante du réseau hydraulique d’alimentation du canal de Briare, qui par son étendue d’eau a développé une fréquentation toujours plus importante cette dernière décennie. Implantés dans un environnement majoritairement boisé, les paysages qui accompagnent le réservoir ajoutent une véritable plus-value au site, en offrant des panoramas remarquables. Le choix de ce site est donc lié à la superposition de dimensions historiques, environnementales et touristiques que j’ai souhaité comprendre et analyser.

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un socle technique historique

Le canal de Briare et la naissance d’un réseau hydraulique Le canal de Briare, construit entre 1604 et 1642 fit à l’époque l’émerveillement de tous, pour la première fois on venait de lier par voie navigable le bassin de la Loire à celui de la Seine. En vue des moyens de l’époque, ce fut un chantier plus que pharaonique dont l’aboutissement demanda 38 ans. Cette nouvelle liaison entre la Loire et la Seine, était pourvue d’un canal latéral qui suivait son cours pour pallier le débit du fleuve irrégulier et ajuster le niveau d’eau. Mais très vite cette solution trouva ses limites avec notamment la construction du pont-canal entre 1894 et 1896 qui permettait la traversée de la Loire. Celui-ci nécessitait la descente de 600 à 1000 m3 d’eau par un système d’écluses. L’alimentation initiale par un réseau d’étangs reliés ensemble s’est montrée rapidement insuffisante. Avec l’accroissement de la navigation générée par le pont-canal de Briare, les besoins en eau devenaient de plus en plus importants et la superficie totale des 400 ha d’étangs assurant une capacité totale annuelle de 12 millions de m2 devenait insuffisante. Plusieurs ingénieurs de l’époque développèrent des solutions concurrentes afin d’augmenter la capacité du réseau d’alimentation. Deux sortirent de l’eau, l’une concernant une usine élévatoire qui récupérait l’eau de la Loire pour la refouler jusqu’au bief de partage, l’autre étant la création d’un réservoir de 8 millions de m3 dans la vallée du Bourdon, affluent du Loing.

Pose des conduits d’eau de l’usine élévatoire source jph-lamotte.fr

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Réseau d’alimentation du canal de Briare géré par VNF

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Au final, les deux projets seront réalisés à quelques années d’intervalle puisque l’usine verra le jour en 1895 et le réservoir du Bourdon sera terminé en 1904 et mis en fonction l’année suivante. Seul bémol qui différencie les deux, la consommation en énergie: très gourmande pour l’usine, nulle pour le réservoir.

Un réseau d’alimentation complémentaire

Construction de la digue du Bourdon source jph-lamotte.fr

Quinze, c’est le nombre de barrages qui constituent le réseau d’alimentation du canal (cf carte ci-contre). Leurs tailles diffèrent, tout comme leurs fonctions. En effet, le potentiel hydraulique de chacun et la distance qui les séparent du bief de partage des eaux leur confèrent à certains des fonction variables. Plus proches et plus petits, les réservoirs La Gazonne et Beaurois vont par exemple pouvoir alimenter de manière très rapide le canal pour subvenir à un besoin urgent. Cependant le potentiel du réservoir de la Boudinière, au volume plus petit va alimenter rapidement mais peu. Si l’on prend le cas du réservoir du Bourdon, son volume représente la moitié de l’ensemble du réseau, mais l’eau est à 48h du canal de Briare. Ainsi, il occupe une fonction de régulation à long terme en alimentant constamment le canal. Son potentiel lui permet d’avoir un volume d’eau toujours conséquent, tout en alimentant les canaux desservant le canal.

Le réservoir du Bourdon et son architecture singulière Le réservoir du Bourdon se détache du reste des réservoirs d’une part par son volume très important comme vue précédément et d’autre part par l’architecture de sa digue. En effet, il s’agit d’une digue faite d’un remblai en terre compacte et homogène de sable argileux provenant des carrières spécialement ouvertes à trois kilomètres de la digue.

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Parc de la digue Digue du réservoir

Colonnie de vacances

Centre nautique

Centre équestre

Exploitation agricole

ÉTANG DU BOURDON

Auberge

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Photographie aérienne du réservoir du Bourdon, Yonne ; source tom-tom ®


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Plage des calanques et camping

Digue intermédiaire (historique)

Queue de l’étang

ÉTANG DE CHARMOY

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Mais le plus étonnant est sa digue en amont réalisée en grès ferrugineux provenant de carrières locales. Le perré est formé de gradins en pente, séparés par des paliers d’un mètre de long. La partie en aval du massif est formée de gradins enherbés d’inclinaisons diverses séparés par des plateformes de deux mètres. De plus, le réservoir compte deux digues puisqu’il englobe l’ancien étang du Bourdon, situé en amont et dont le plan d’eau a été surélevé de deux mètres. Une digue en terre marque la séparation entre les deux. En dehors de la digue formant le barrage, d’autres ouvrages ont été construit, galerie de fond, siphons, déversoir, dérivation de chemins, ponts, maison de garde… Le déversoir constitue un des éléments exceptionnels du site. Intégré dans un parc planté tel un arboretum, il met en scène l’eau lors des lâchés et constitue une véritable animation. Véritable bijoux de l’architecture il demeure un élément technique exceptionnel dans sa conception et sa réalisation.

Réservoir du Bourdon, digue de pierre Photographie personnelle

Réservoir du Bourdon, digue intermédiaire Photographie personnelle

Réservoir du Bourdon, déversoir Photographie personnelle

Réservoir du Bourdon, gradins enherbées Photographie personnelle

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Bourgogne - limites administratives et localisation de la Puisaye Forterre

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Pays de la Puisaye Forterre - principales communes

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Puisaye Forterre - identite géologique du pays espace ouvert

puisaye bocage forterre

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Cartes des limites administratives et géologiques du Puisaye-Forterre


un territoire dessiné par l’eau En découvrant le réservoir du Bourdon, et en sillonnant les alentours, j’ai rapidement constaté un pays où l’eau est omniprésente. Qu’il s’agisse d’étangs, de marais ou de canaux et ruisseaux, les zones humides sont nombreuses et je décide de comprendre pourquoi. Je me concentre dans un premier temps à l’étude de la Puisaye, un pays caractérisé par La Puisaye, ses domaines forestiers importants et ses nombreux étangs l’imbrication des terres et des bois qui sont source internet parsemés d’étangs. La géologie y joue inéluctablement un rôle prépondérant et les structures végétales qui composent le site y sont directement influencées.

Une géologie significative Alors que la Puisaye et le Forterre forment aujourd’hui un pays commun, chacun des deux est caractérisé par leur géologie bien différente. L’ensemble du réseau hydraulique destiné à alimenter le canal de Briare s’est installé quasi naturellement sur celui du Puisaye. On y retrouve des sables, des argiles et des marnes, contrairement au Forterre composé de «terres fortes», c’est-à-dire calcaires. Les facteurs de milieux étant différents, les habitats et la flore divergent selon le pays. Dominés par des sables et des argiles, peu favorables à l’agriculture, la géologie de la Puisaye explique la présence de nombreuses forêts. Le terrain argileux empêche l’eau de s’infiltrer, le paysage est donc agrémenté de nombreux étangs et mares. Sur les bords des voiries, les fossés sont profonds et drainent l’eau des parcelles. Ils sont une caractéristique forte de la région et reflètent une forme de conduite et de maitrise des eaux d’infiltration et de ruissellement.

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Cartographie de l’emprise territorial des différentes grandes entitées présentent sur le site d’étude

N d o m a i n e s f o r e s t i e r s

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Des boisements variés Ces milieux difficiles pour l’agriculture présentent cependant généralement de bonnes potentialités forestières, plus favorables aux feuillus qu’aux résineux. La Puisaye, plus humide que les régions forestières voisines, présente un climat assez rude et des substrats pauvres et imperméables. Peu favorable à l’agriculture, elle est peu peuplée et a été très fortement touchée par l’exode rural. Elle présente un aspect bocager et la forêt y tient une place importante. Ces forêts comportent des massifs assez étendus et des petits bois (bosquets et boqueteaux) uniformément répartis. Les landes occupent une surface importante. La peupleraie est quasiment absente.

Réservoir du Bourdon, déversoir Photographie personnelle

La forêt publique est très peu représentée, et la chênaie acidophile y domine avec notamment des chênaies-charmaies dans les zones argileuses. La prédominance des chênes sessiles et pédonculés laisse peu de place à d’autres essences en futaie. On retrouve quelques feuillus, notamment le frêne. Quant aux résineux ils sont peu adaptés aux sols hydromorphes, ils sont rares en Puisaye mais tout de même présents dans certaines zones sableuses ou plantations récentes avec une majorité de pins sylvestres.

Réservoir du Bourdon, déversoir Photographie personnelle

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Relevé de l’ensemble du réseau hydrographique autour du réservoir du Bourdon

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L’omniprésence de l’eau

«La Puisaye est par excellence le pays des eaux mortes» Georges Goujon, Géographe

On y trouve partout des étangs, des trous d’eau, des fondrières… Certains étangs de faible profondeur ont été mis en culture, d’autres connaissent un début de fréquentation touristique. La Puisaye compte un peu plus de mille hectares d’étangs. C’est du côté du Loing que l’on en trouve le plus, notamment, autour de Saint Sauveur, ceux de Gaudry, des Barres et de Moutiers. Sur la rive droite du Loing, on trouve le Gouzillon, la Goularderie, les Luneaux… Sur la rive gauche, l’étang Lelu, la Tuilerie, de la Grande-Rue, du Curé et bien d’autres. Enfin, bien sûr, à l’ouest de Saint-Fargeau, le plus étendu et le plus fréquenté: le Bourdon.

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Affluents du rĂŠservoir du Bourdon

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une fréquentation orchestrée selon les saisons Le Bourdon, fierté touristique de la Puisaye-Forterre, a fêté en 2004 son centenaire. En effet, c’est en 1904 que se sont terminés les travaux de ce réservoir destiné à compléter l’alimentation du canal de Briare. Alimenté par trois ruisseaux principaux (le ru du Bourdon en amont, le ru de Boutissaint et le ru de Chasseloup), sa contenance est de 9 millions de m3 et son contour mesure 16 kilomètres. La gestion est assurée par VNF (Voies Navigables de France). Depuis 2008, la plage des Calanques situé en face d’un camping municipal, est devenue, en juillet et en août une zone de baignade surveillée. De nombreuses autres associations et des commerçants animent le site et proposent des activités de voile, d’aviron, de canoë-kayak, de la planche à voile, du pédalo, de la pêche… Les contrôles sanitaires donnant un label «bonne qualité de baignade» à l’eau du Bourdon, celui-ci devient un lieu de vacances pour la région et ses environs.

Réservoir du Bourdon, plage des Calanque

Réservoir du Bourdon, aviron sur le lac source: site officiel de Saint Fargeau

source: site officiel de Saint Fargeau

Réservoir du Bourdon, voilier sur le réservoir source: site officiel de Saint Fargeau

Un paysage révélateur d’une certaine attractivité Bien que la Puisaye reste encore un peu méconnue, les visiteurs et les nombreux touristes qui visitent Guédelon ou Saint Fargeau repartent avec l’envie de revenir.

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Coupe de principe - Réservoir du Bourdon Des infrastructures nautiques permettent de profiter de l’étendue d’eau générée par la digue.

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Il est vrai que l’incroyable gamme de vert offerte par le paysage, les passages sous les voûtes végétales qui amènent de villes en villages, accompagnés de ses haies poyaudines si reconnaissables ne laissent pas insensible. Ses vallons bocagers peuvent rappeler la Normandie. Sa forêt peut faire penser au Morvan ou aux Ardennes. Et ses étangs représentent des eaux tranquilles et discrètes qu’il est agréable de découvrir. Des bois, des étangs, des rivières, le paysage varié est apprécié des «Voûte végétale» dans la forêt du Boutissaint promeneurs. On peut citer les sites du photographie personnelle canal de Briare et de l’étang public de la Grande Rue ou du réservoir du Bourdon pour les plus visité. Mais, la pression touristique qui reste modérée dans cette région peu peuplée a tendance à fortement augmenter.

Un tourisme estival motivé par les activités nautiques Avec ses 250 ha de superficie, ses eaux calmes et ses plages de sable, le réservoir du Bourdon représente un atout important pour le développement d’activités nautiques. Aujourd’hui un ensemble d’infrastructures se sont implantées en périphérie du réservoir et proposent des espaces de baignades, des activités de voile et de pédalo notamment. Auberges, restaurants et colonies de vacances constituent des infrastructures d’accueil, d’agréments qui proposent ainsi des services d’hôtellerie et de réception à plus long terme.

Des usagers nombreux toute l’année Les sites touristiques de Puisaye accueillent environ 500 000 visiteurs par an. Le chantier médiéval de Guédelon, le chateau de Saint Fargeau, le parc du Boutissain ou encore le chateau de Ratilly représentent un atrait important pour une région qui peine à conserver plus d’une journée ses visiteurs réguliers.

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Coupe de principe - Réservoir du Bourdon

Certains espaces profitent d’accès plus difficiles pour développer une végétation spontanée et tributaire des niveaux variables de l’eau.

Coupe de principe - Réservoir du Bourdon

Dégradation des berges, de leurs structures et leurs végétations par une fréquention mal maîtrisée.

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Bien que l’ensemble des activités proposées autour du réservoir concerne la période estivale, le site du réservoir constitue lui aussi un site d’accueil qui séduit randonneur et pêcheur toute l’année. La montée du niveau d’eau progressive associée à un paysage varié offre de magnifiques espaces à contempler. Saint Fargeau ; le chateau, la pièce d’eau et son parc L’animation donnée par le déversoir source: floraliablog.net et son parc paysager situé en aval de la digue constitue des points d’attraits importants, à quelques trois kilomètres de Saint Fargeau seulement.

Problématique d’accéssibilité et dégradation à prendre en compte Le réservoir du Bourdon est sujet à un marnage régulier, soumis aux besoins en eau du canal de Briare. C’est ainsi que les berges sont rendues accessibles au public estival et aux usagers réguliers tels que les pêcheurs. En empruntant l’actuelle route qui effectue un tour très élargi du réservoir, les accès restent tout de même restreint. Zone de marécage et domaines forestiers représentent bien souvent une première barrière d’accès au réservoir. Malgré cela, et sans encombre pour la préservation de sa fonction, certaines berges marquent les traces d’un passage régulier de véhicules motorisés. Alors que d’autres étangs tendent à préserver une image d’étangs naturels, avec la protection d’espèces qui se sont développées spontanément (litorel à une fleur), le réservoir du Bourdon conserve les traces d’infrastructures nautiques désuètes et d’une fréquentation qui semble être peu maitrisée. Fatigué, abimé ou détérioré, le réservoir véhicule une image petit à petit bafouée. Réservoir du Bourdon ; base nautique photographie personnelle

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Ouvrage d’art par excellence tant l’architecture de sa digue fut soignée et sa fonction préservée, la prolifération d’infrastructures en périphérie et l’augmentation d’une fréquentation motivée par des usagers passagers et réguliers plongent le réservoir dans une identité touristique plus que technique. comme constaté dans les paragraphes précédents, le réservoir du Bourdon intègre des dimensions variées. De l’histoire de sa digue, à la diversité de son paysage due à la structure géologique singulière, le site a en parallèle développé cette dimension touristique légère qui m’a amené à constater les enjeux. En revenant à mon étude initiale autour du rapprochement entre l’ingénieur et le paysagiste, cet ouvrage semble être idéal pour relever, confronter et allier la dimension technique à la dimension paysagère. Si les atouts d’un site technique ont développé spontanément un attrait en matière d’infrastructure d’accueil, cette tendance reflète en quelque sorte un intérêt et une sensibilité à un espace peu commun. Pourtant les réservoirs et étangs sont nombreux dans la région, mais celui du Bourdon intègre cette superposition de dimensions qui en font un outil technique hors du commun et un espace de contemplation remarquable. J’ai souhaité exploiter ce potentiel technique et paysager, dans l’optique de rapprocher deux entités souvent confrontées et peu associées. Tenter d’intervenir pour distinguer et mettre en valeur chacune d’elle pour essayer de les conjuguer.

Réservoir du Bourdon ; jeu de plan avec la digue et son parc en arrière plan photographie personnelle

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projeter

Ci-dessus, RĂŠservoir du Bourdon, photomontage

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une horizontale dans le paysage

Une nécessité, une volonté ? Le réservoir continue sans encombre de remplir sa fonction hydraulique malgré la mise en concurrence avec un tourisme toujours plus orienté. Et pourtant, bientôt un an après avoir découvert ce site qui dégage une certaine magie de par les ambiances si variées que l’on peut traverser, j’éprouve l’envie d’exploiter son potentiel esthétique, comme d’autres en exploitent sa capacité hydraulique. Essayer de le magnifier, lui donner davantage de sens et une place dans un paysage quelque peu contrasté. Mes recherches autour de l’ingénierie, des ouvrages d’art et du rapprochement possible avec le paysagiste m’ont aussi amené à découvrir et regarder le site du réservoir du Bourdon pendant une année, non pas comme un simple lac, mais comme le fruit d’ouvrage, technique, qui depuis la digue s’étend et s’étire dans les profondeurs boisées. Si la nature a su profiter des conditions humides offertes par le réservoir pour se développer, le réservoir, lui, profite de cet environnement pour attirer des usagers et rester en vue. Ainsi, les constats effectués précédemment ont permi de mettre en avant les potentialités et dysfonctionnement du site. À travers les barrages que j’ai pu découvrir, mon regard c’est régulièrement arrêté sur les marques horizontales laissées par l’eau sur les berges au moment des décrues. Comme ciselées, les berges du Bourdon marquent des ruptures identiques par la couleur du gravier et le volume de sa végétation. J’ai ainsi souhaité exploiter cette notion d’horizontalité pour en effectuer une piste de projet.

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améliorer la lisibilité

Limite, définition du dictionnaire Larousse

• ligne séparant deux pays, deux territoires ou terrains contigus.

• ligne qui circonscrit un espace, marque le début et/ou la fin d’une étendue

• ligne idéale d’un territoire, au-delà de laquelle on ne trouve plus, ou presque plus, de représentants d’une espèce animale ou végétale.

Barrage du Chambon, Isère photographie personnelle

Réservoir du Bourdon, Yonne photographie personnelle

Accentuer les limites du réservoir Si aucune limite franche ne sépare le barrage du Chambon ou le réservoir du Bourdon de son environnement, le va-et-vient régulier de l’eau en marque une très nette. Non soumis à des marées ou à des mouvements d’eau précipités, les eaux calmes des barrages intensifient la qualité des horizontales qui dessinent les berges. Je souhaite traduire ces horizontales, graphiques et esthétiques, par un tracé qui parcourt la périphérie du réservoir à une même cote topographique.

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Comme le définit le Larousse, ce tracé séparerait deux entités, deux territoires contigus, dont la fonction diverge. Si le travail de perfection est impossible l’absolu de cette ligne, viendrait de sa cote unique qui sillonnerait ainsi les espaces, les accompagnerait, en créant un échos à l’horizontale de l’eau. Dans l’objectif de caractériser et de qualifier l’élément technique que représentent le réservoir et sa retenue, ce travail au tracé géométrique introduirait l’horizontale dans le paysage, et marquerait la mainmise de l’homme sur cet espace.

Réservoir du Bourdon. Tracé de la limite du réservoir

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préserver la technicité Le tracé vient dissocier l’espace technique du reste de son environnement. Avec la superposition des dimensions techniques, touristiques et environnementales, ce tracé se traduit sous la forme d’un chemin qui sera le point de contact, de rencontre des différentes entités (agricoles, foretières, aquatiques qui composent le site. Il parcourt le contour du réservoir, en dessine la limite pour ainsi définir et accentuer la valeur technique du réservoir. Bien qu’il soit destiné à accueillir un public piétonnier, il marquera une barrière nette afin d’écarter et de canaliser les usagers. Il constitue un élément de rupture qui distingue les espaces et les fonctions. En reprenant symboliquement les traces de l’eau, ce chemin en raconte l’horizontalité, la dynamique et articule ainsi l’ouvrage dans son paysage. Il nous amène non pas au bord de l’eau, mais au bord d’un ouvrage, d’un objet, d’un volume tributaire d’un besoin technique, économique. L’usager, quelqu’il soit, se positionne alors comme un spectateur, qui profite de sa mise en situation, ou bien de la mise en scène du réservoir par ce chemin. Une forme de confrontation nait dans l’invitation à la contemplation.

«Toucher avec les yeux»

Cette expression fait allusion au fait qu’il est souvent plus raisonnable d’observer un objet plutôt que de le toucher, au risque de l’abimer, le dégrader.

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Le regard apporte avant toute chose davantage de stimulation dans le plaisir d’aborder, d’accéder ou de rencontrer une personne, un objet.

Une identité materialisée Dans cette volonté de «préserver la technicité», certains éléments caractérisent le site et ont un rôle important à jouer dans l’analyse visuelle du public. L’envergure du réservoir et sa forme en croissant, nous éloignent rapidement de la digue et nous isolent dans un contexte plus naturel. La queue de l’étang est aussi marquée par un aqueduc qui permet le passage des automobiles au dessus du réservoir. L’utilisation du gré ferrugineux nous rappelle celui de la digue et nous confirme notre position sur un ouvrage commun. La reprise des caractères majeurs du site permettront de véhiculer un message et une image commune sur l’ensemble du site et d’interpeller les usagers. Du gré ferrugineux ; omniprésent

Un socle fait de sable et de gravier

Des espaces maîtrisés

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valoriser le paysage donné

Intervenir sur l’épaisseur

Une voie carrossable effectue une boucle plus ou moins rapprochée du réservoir. Elle marque succintement une forme de rupture entre, l’exploitation des terres et le réservoir laissant ainsi un espace libre d’intervention, d’épaisseur aléatoire. Dans l’idée de faire du chemin un point de contact et de rupture, je souhaite augmenter le contraste entre les terres agricoles, les domaines forestiers, les prairies… en amenant ces surfaces jusqu’à la limite symbolisée par le chemin. Rattachées, comme agraphées au tracé du parcours, ces entités constituront une mosaïque de paysages qui animent la déambulation sur le chemin.

N

limite du réservoir D485

0

1

2 km

La végétation mise en avant représente les épaisseurs variables dans lesquelles le chemin s’insère. Très aléatoire au niveau des structures végétales traversées, ou des distances qui conditionnent le rapport à l’eau, le tracé périphérique du réservoir offrira une véritable découverte des paysages qui accompagnent l’étang.

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La topographie variable des terres, raccrochée à la cote unique du chemin oscillera le long du tracé selon ses coordonnées altimétriques. ge paysa chemin

Exploiter une mosaïque cultivée

Réservoir du Bourdon Jeu de contraste et de saturation mettant en avant le morcellement des exploitations environnantes traversées.

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Boisements, agriculture, paturages, prairies… un pannel de couleurs et de volumes qui au cours de l’année viendront vivifier le chemin selon l’évolution de la végétation.

Bois

Blé

Pré

Maïs

Labour

Le cheminement prend alors des airs de promenade profitant d’espaces difficiles d’accès. La traversée et la découverte des espaces boisés ou des marais avec l’ouverture sur des panoramas constituront l’intérêt paysagé de ce nouveau sentier.

traverser

découvrir

cotoyer

arpenter


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maitriser & résonner le tourisme Les infrastructures sont multiples et nombreuses comparées à la taille du site. Centre nautique, auberges, restaurants, colonnies, camping… leurs implantations en périphérie représentent un atout en matière de tourisme mais n’aident en rien à la qualification technique souhaitée du site. Avec le tracé du chemin, leur desserte sera facilitée, bien que la plupart bénéficie déjà de la proximité de la voirie. Afin de combiner mon intention de projet au tourisme qui s’est développé, le tracé du chemin devra établir une limite à franchir pour ces espaces d’activités et d’accueils, qui se seront extérieur à celui-ci. Un travail de revalorisation des espaces sera nécessaire afin de véhiculer une image moins connotée de ces infrastructures aujourd’hui désuètes et d’apparence parfois abandonnée. Le Jardin de la Digue La Digue Restauration & pédalos

Colonie VIVA Aviron & voile de la Digue Gite de la Bouquetterie

Les Grilles Ferme équestre et gite La Calanque, Plage et camping

Centre Nautique de Bourgogne

Restauration & Hôtel

Les sables, plages

Réservoir du Bourdon, à partir d’une carte IGN Relevé des différentes activités qui entourent le réservoir.

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Ainsi leur emplacement extérieur au tracé rappelera leur position exceptionnelle à l’égard du site. Certaines activités seront regroupées pour éviter la prolifération de structures sur l’ensemble de la périphérie du réservoir. À l’image des activités nautiques, baigneurs et voiliers partageront un espace commun pour écarter l’actuelle infrastrucutre nautique de la digue et profiter d’espaces plus confinés, moins en vue et plus adaptés. D’autres espaces seront exploités pour créer des espaces d’accueils maitrisés et sélectionnés dans l’épaisseur de travail précédement pointé. Ces espaces pourraient être de grandes esplanades enherbées, capables d’accueillir un public nombreux, pour s’y divertir ou se reposer. Ces espaces constituront un élément supplémentaire dans la mosaïque des paysages proposés.

Bois

Blé

Pré

Maïs

Labour

Pelouse

Régulièrement entretenus (tonte), au même titre que la partie engazonnée de la digue, ces espaces participeront à une image commune tout autour du réservoir avec ces espaces d’accueils entretenus et maitrisés. Ils offriront par ailleurs d’un panorama sur l’étendue du réservoir et de son paysage.

N

0

1

2 km

Réservoir du Bourdon. Espaces potentiels permettant un accueil maitrisé

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exploiter les continuités Mon travail d’analyse m’a permis au préalable de prendre conscience des enjeux et potentiel du site, à grande comme à petite échelle. Si mon intervention reste très ciblée autour du réservoir, la proximité du château de Saint-Fargeau et le potentiel du jardin de la digue me conduisent à travailler sur une continuité. À l’image de la valeur technique que je souhaite exploiter et valoriser sur le réservoir, l’intérêt botanique des essences exceptionnelles plantées dans le jardin de la digue ou la valeur historique du château de Saint-Fargeau et son parc représentent des éléments à valoriser. Le ru du Bourdon, affluent du réservoir, continue d’ailleurs son chemin naturel suite au passage de la digue pour alimenter en partie la pièce d’eau du château. Une liaison symbolique qui traverse et relie trois entités (réservoir-parcchâteau), autour de laquelle je souhaite développer une cohésion en travaillant sur un plan d’aménagement plus large et cohérent. N

Château de Saint-Fargeau

Epaisseur à exploiter

Jardin de la digue

Réservoir du Bourdon

0

250

500

1000 m

• les espaces se succèdent et forment une continuité

• continuité

renforcée par le ru du Bourdon

• mise

en scène par une mosaïque parcellaire commune

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saint fargeau

parc du chateau

légendes tracé du cheminement

domaines forestiers

étangs

terre agricole

paturage

espaces d’accueil potentiels 0

120 Esquisse de projet. Définition du tracé périphérique, inventaire des entitées.

250

500

1000 m


N

sentier du bourdon

parc du bourdon

rĂŠservoir du bourdon

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bilan

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Qu’importe leur forme et leur fonction les barrages sont inéluctablement des ouvrages autour desquels je reste sensible. L’occasion en cette dernière année d’études de pouvoir me concentrer sur ces ouvrages m’a permis de m’investir dans des recherches et des rencontres passionnantes. En comprendre l’histoire puis liens entre génie civil, grands travaux et politiques publiques pour m’arrêter sur un type d'ouvrage qui m’était inconnu afin d’envisager un projet fut très enrichissant. En choisissant ce sujet autour d’ouvrages techniques le danger était de tomber dans une année à étudier ces ouvrages plutôt qu’ à projeter. Car j’ai pu constater une véritable émulation autour de ces ouvrages, qui véhiculent une certaine émotion chez les usagers. Comment expliquer par exemple que le barrage de Roseland qui fêtait ses 50 ans l’année passée, fut à l’origine d’embouteillage inédit dans la vallée du Beaufortain ! De plus en plus, un tourisme industriel et du génie civil se développe sans pour autant prendre la place des enjeux économiques et techniques des ouvrages. En parallèle, les recherches menées autour de la place de l'ingénieur dans l'aménagement du territoire sa confrontation avec le paysagiste, ont soulevé des interrogations autour du rôle de chacun, dans la nature des interventions. Enfin en m’arrêtant sur le réservoir du Bourdon, j’ai pu dépasser la position de spectateur pour véritablement percer cet intérêt et découvrir une richesse dans la variété et la singularité de chacun des ouvrages. Découvrir un pays où l’eau régit comme un mode de vie et rappel combien son exploitation et sa gestion sont passionnantes.

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lexique

DĂŠfinitions issues du dictionnaire Larousse

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Aqueduc Architecture

Art

Barrage

Barragiste Canal Déversoir Digue

Esthétique

Canal creusé ou construit pour assurer l’adduction de l’eau dans une agglomération ou pour irriguer des cultures. Art de construire les bâtiments. Caractère, ordonnance, style d’une construction. Ce qui constitue l’ossature, les éléments essentiels d’une œuvre, structure. Habileté, talent, don pour faire quelque chose. Manière de faire qui manifeste du goût, un sens esthétique poussé. Création d’objets ou de mises en scène spécifiques destinées à produire chez l’homme un état particulier de sensibilité, plus ou moins lié au plaisir esthétique. Action de barrer une voie, un cours d’eau. Obstacle artificiel au moyen duquel on crée une retenue d’eau, généralement en coupant un cours d’eau. Obstacle disposé en vue de barrer un passage. Opposition ferme visant à empêcher quelque chose. Professionnel chargé de la manœuvre des vannes d’un barrage et de la surveillance de celui-ci. Voie navigable artificielle, comportant une série de biefs dans lesquels est maintenu un mouillage à peu près constant. Ouvrage au-dessus duquel s’écoulent les eaux d’un canal, d’un cours d’eau, d’un barrage, etc. Ouvrage continu sur une certaine longueur, destiné à contenir les eaux ou à protéger contre leurs effets, ou encore à guider leur écoulement. Obstacle naturel qui s’oppose à l’écoulement des eaux. Qui a rapport au sentiment du beau, à sa perception. Qui a une certaine beauté, de la grâce, de l’élégance ; agréable à voir, artistique, harmonieux

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Etang

Etiage

Génie civil Gradin

Hydraulique Hydroélectricité

Étendue d’eau stagnante, naturelle ou artificielle, généralement de dimensions et de profondeur plus faibles qu’un lac. (Les écologistes réservent ce terme aux pièces d’eau artificielles susceptibles d’être vidées.) Niveau moyen le plus bas d’un cours d’eau, parfois marqué par un zéro pour mesurer la hauteur des eaux au-dessus de ce point au moyen de chiffres inscrits sur une échelle. Abaissement exceptionnel du débit d’un cours d’eau. (Le terme de « basses eaux » désigne un abaissement plus normal et plus fréquent). Ensemble des techniques concernant les constructions civiles. Chacune des dénivellations, chacun des bancs superposés d’un stade, d’un amphithéâtre, d’un cirque, etc. Chacun des degrés d’une construction, d’un terrain, d’une exploitation minière, qui sont en retrait les uns par rapport aux autres. Relatif à la circulation de l’eau, à sa distribution, à son contrôle (canaux, adductions, fontaines, etc.) Énergie électrique obtenue par conversion, dans des centrales hydroélectriques, de l’énergie hydraulique des fleuves, des rivières et des chutes d’eau.

Hydrologie Science qui traite desphysiques propriétés mécaniques, et Science qui traite des propriétés mécaniques, et chimiques desphysiques eaux. chimiques des eaux. Hydromorphie Évolution d’un sol, dépendant du régime hydrique, marqué par un engorgement, au moins saisonnier, de certains horizons ou du profil entier, provoquant une privation d’oxygène. InfrastructurE Ensemble des ouvrages constituant la fondation et l’implantation sur le sol d’une construction ou d’un ensemble d’installations (par exemple routes, voies ferrées, aéroports).

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Ingénieur

Monument

Monumental

Objet

Ouvrage Paysagiste

Photographe

Puisaye

Réseau

Personne que ses connaissances rendent apte à occuper des fonctions scientifiques ou techniques actives en vue de prévoir, créer, organiser, diriger, contrôler les travaux qui en découlent, ainsi qu’à y tenir un rôle de cadre. Autrefois, officier du génie. Ouvrage d’architecture, de sculpture, ou inscription destinés à perpétuer la mémoire d’un homme ou d’un événement remarquable. Ouvrage d’architecture remarquable d’un point de vue esthétique ou historique. Qui a les proportions imposantes d’un monument. Qui a un caractère grandiose ou qui est remarquable par son importance. Toute chose concrète, perceptible par la vue, le toucher. Chose solide considérée comme un tout, fabriquée par l’homme et destinée à un certain usage. Chose définie par son utilisation, sa valeur, etc. Produit du travail de l’artisan ou de l’artiste. Un paysagiste est un concepteur de l’espace extérieur impliqué dans la compréhension, l’analyse, la conception et l’aménagement d’un espace paysager à plusieurs échelles (grands territoires, communes, quartiers, parcs, jardins, etc). Le photographe est celui qui « prend » une photographie avec un appareil photographique. Il en est généralement considéré comme l’auteur parce qu’il en construit l’apparence comme tout artiste. La Puisaye (ou Puissaie) est une région naturelle française située aux confins de l’Orléanais, du Nivernais et de la Bourgogne. Cette région se nomme indifféremment Puisaye ou Poyaude et ses habitants sont des Puisayens ou des Poyaudins. Ensemble formé de lignes ou d’éléments qui communiquent ou

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Réservoir

Technique

s’entrecroisent. Ensemble de routes, de voies navigables, de lignes aériennes ou de chemin de fer, qui relient différentes régions entre elles, qui appartiennent à une même compagnie. Ensemble de circuits, de canalisations et des appareils qui les relient, permettant la circulation et la distribution de l’électricité, de l’eau, du gaz, du téléphone, etc. Lieu fait ou ménagé pour accumuler et conserver certaines choses en réserve. Récipient, bassin, etc. destiné à contenir des produits liquides ou gazeux. Qui se rapporte au côté pratique d’une activité, à l’exercice de celle-ci ou au savoir-faire exigé. Qui est relatif au fonctionnement du matériel, d’un appareil, d’une installation. Qui appartient en propre à une activité ou à une discipline et suppose des connaissances particulières : Un ouvrage technique.

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bibliographie


Sébastien Marot, L’art de la mémoire, le territoire et l’architecture, Editions de la Villette, 2010 130 pages Anton J. Schleiss & Henri Pougatsch, Les barrages du projet à la mise en service, Traité de Génie Civil Volume 17, 2011 701 pages Jean Louise Bordes, Les barrages-réservoirs en France, Presses de l’école nationale des Ponts et chaussées, 2005 443 pages Xavier Lauprêtre & Bernard Lecomte, Il était une fois la Puisaye-Forterre, Editions de Bourgogne, 2009 127 pages Anne Teffo, responsable en chef Bourgogne, Le Guide Vert, Edition Françoise Rault, Aude Gandiol 2013 531 pages Isabelle Rambaud, Patrimoine et Paysages, Edition Lieux Dits 2009 224 pages Céline Clanet, Thierry Salomon, Pierre Blancher & Hervé Gaymard,

Du torrent au courant, des barrages et des hommes en Savoir, Edition Actes Sud Beaux Arts, 2011

144 pages Les carnets du paysage n°18, Du coté des ingénieurs, Ecole nationale supérieure du paysage, Edition Actes Sud, 2009, 214 pages Architecture du paysage, La singularité suisse, Magasine de l’exposition de la Fondation suisse pour la culture Pro Helvetia, réalisée par Chôros, EPFL, 2013 36 pages Jean-Luc Brisson, Le Jardinier, l’Artiste et l’Ingénieur, Editions de l’imprimeur, Collection jardins et paysages, 2000 96 pages

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sites internet


Commission Internationale des Grands Barrages [En ligne] http://www.icold-cigb.org/FR/Registre_des_barrages/data_base_presentation.asp (Page consultée le 5 mai 2014) Conseil Général de l’Yonne. Site de la Bibliothèque de l’Université Laval, [En ligne]. http://www.jph-lamotte.fr/files/plais-hist_bourdon-01v.htm (Page consultée le 3 janvier 2014) Voie navigales de France. Direction territoriale Centre-Bourgogne, [En ligne]. http://www.vnf.fr/vnf (Page consultée le 3 janvier 2014) Bruno Chanal. Alimentation du canal de Briare, [En ligne]. http://bruno.chanal.perso.sfr.fr/cnc/Alimentation%20du%20canal%20de%20Briare.html (Page consultée le 28 novembre 2013) CEN Bourgogne. Réseaux mares de Bourgogne, [En ligne]. http://www.cen-bourgogne.fr/index.php/actions-biodiversite/reseaux-mares-de-bourgogne (Page consultée le 3 janvier 2014) JPh Lamotte, Bruno Vital. Construction du réservoir du Bourdon, [En ligne]. http://www.jph-lamotte.fr/files/plais-hist_bourdon-01.htm (Page consultée le 28 août 2013) Galerie Louis Carré & Cie. Galerie d’art Paris, [En ligne]. http://www.louiscarre.fr/artistes/henri-cueco (Page consultée le 23 janvier 2013)

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remerciements


Centré sur ce sujet qui a toujours animé ma curiosité, cette année fut enrichissante par l’entraide, le soutien et les rencontres que j’ai pu faire. J’aimerais ainsi remercier mon entourage pour leur soutien et l’enthousiasme qu’ils m’ont retransmis. L’ensemble de la promotion qui par sa bonne humeur et la disponibilité de chacun a permis d’échanger et de progresser à travers les avis partagés. Je remercie également les professionnels rencontrés, pour leur contribution et leur disponibilité ; notamment Marc NICOT gestionnaire du réseaux de barrages de Briare et Celine CLANET photographe. Enfin merci à l’équipe pédagogique de l’E.S.A.J et particulièrement à Armelle Varcin pour ses connaissances et conseils si précieux ainsi qu’à Lionel Guibert pour le partage de sa passion du paysage.

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«curieux

d’approfondir

mon

intérêt

autour

des ouvrages d’art, ce mémoire est pour moi l’opportunité

de

découvrir,

comprendre

et

confronter ce qui distingue et rapproche le

metier technique de l’ingénieur au récent métier de paysagiste.

animé par une curiosité autour des barrages hydrauliques,

je

suis

allé

à

la

découverte

du réservoir du bourdon en bourgogne pour apprécier

un

ouvrage

hors

du

commun

et

appréhender ce paysage comme un potentiel site de projet.» félicien paupe

ecole supérieure d’architecture des jardins et des paysages tpfe 2014


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