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PAR FRÉDÉRIC TADDEÏ
PRÉSIDENT DIRECTEUR DE L A PUBLICATION
Jean-Yves Le Fur DIRECTEUR DE L A RÉDACTION
Frédéric Taddeï RÉDACTEUR EN CHEF
Bruno Godard DIRECTEUR DE CRÉ ATION
Éric Beckman RÉDACTEUR EN CHEF MODE
Dan Sablon DIRECTRICE ARTISTIQUE
Élodie Mercier DIRECTRICE DE CASTING
Corinne Liscia RESPONSABLE DE L A PRODUCTION
Aline Gauthier SECRÉTAIRE GÉNÉRALE DE L A RÉDACTION
Caroline Izoret-About ICONOGRAPHE
Simon Lambert
ONT COLLABORÉ À CE NUMÉRO
Hélios Azoulay, Keda Black, Alexis Chenu, Clovis Goux, Loïc Hecht, Thomas Legrand, Marie-Lys Lubrano, Angèle Michel, Juliette Morgan, Lionel Paillès, Joséphine Simon-Michel, Pacôme Thiellement, Nicolas Valeano PHOTOGRAPHES
Stéphane de Bourgie, Chris Colls, Félix Dol, Philippe Frisée, Marin Laborne, Simon Lambert, Paul Lepreux, Ismaël Moumin, Serge Paulet, Denis Rouvre, Michel Sedan SITE LUI.FR RÉDACTEUR EN CHEF
Bruno Godard
RÉDACTION 174, BOULEVARD SAINT- GERMAIN, 75006 PARIS POUR ENVOYER UN E- MAIL À VOTRE CORRESPONDANT, TAPEZ SUIVANT LE MODÈLE : PRÉNOM.NOM@LUIMAGA ZINE.FR PUBLICITÉ LUI MAGA ZINE – SERVICE PUBLICITÉ – 174, BOULEVARD SAINT- GERMAIN, 75006 PARIS SERVICE MARKETING & COMMERCIAL : PUB@LUIMAGA ZINE.FR JB MEDIA MIL AN CORRESPONDANT ITALIEN
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« J’AI DES AMBITIONS
MÉGALOS »
ON NE VA PAS FAIRE SEMBLANT DE VOUS LE PRÉSENTER. VOUS CONNAISSEZ SA TÊTE, SON NOM, SA FEMME, SES POTES, SON COMPTE TWITTER… VOUS CONNAISSEZ SA VIE. VOUS NE CONNAISSEZ PEUT-ÊTRE PAS POPOPOP, SA QUOTIDIENNE SUR FRANCE INTER CONSACRÉE À LA POP CULTURE, OU SON MAGAZINE LA GAULE D’ANTOINE, SUR CANAL+, DANS LEQUEL IL SILLONNE LA FRANCE POUR RIGOLER ET RENCONTRER LES GENS. ON EN A PARLÉ AVEC LUI, ET C’ÉTAIT BIEN.
LUI : Quand vous regardez dans le rétroviseur
LUI : Et la drogue qui circulait dans des énormes
de votre carrière, que voyez-vous ? AntoIne De CAUnes : Je n’ai pas l’habitude de regarder dans le rétro, ce qui est très fâcheux car je circule à deux-roues dans Paris et ça me joue souvent des tours. Si je pense trop au passé, je deviens mélancolique, avec parfois de vagues regrets de souvenirs tellement heureux… Je préfère vivre dans le présent. LUI : Que regrettez-vous ? ADC : Les regrets, ce sont des manques… J’ai du mal à me remettre du départ de Gildas. C’était un personnage exquis, mon compagnon de route. Il était aussi célèbre pour sa colère quotidienne… On n’a jamais vraiment réussi à en déterminer la cause. Quoique, je pense la connaître : comme il arrivait un peu tard au bureau, il se sentait un poil coupable par rapport à nous. Et par sentiment de culpabilité, il se sentait obligé de gueuler sur n’importe qui, généralement le stagiaire. Ce n’était jamais méchant, mais il s’énervait pour évacuer quelque chose… Comme un rituel. De Greef me manque beaucoup aussi. Sans lui, Canal+ n’aurait pas existé. LUI : C’est quoi pour vous “l’esprit Canal” ? ADC : L’esprit Canal est un fourre-tout car il a été utilisé à toutes les sauces… Pour moi, c’est un moment de liberté dans l’histoire de Canal, qui a été déterminant. Alain De Greef a eu l’audace de lancer en access prime-time un talk-show, avec du talk et du show. Étaient alors conviés tous ceux qui avaient envie de jouer dans la cour de récréation et pas forcément ceux qui aspiraient à devenir des Michel Drucker : Édouard Baer, Alain Chabat, Les Robins des Bois, José Garcia. La liste est longue…
récipients, c’est une légende urbaine ? ADC : Dans légende urbaine, il y a urbain, et Canal était en plein Paris ! Sérieusement, je n’ai jamais vu de saladier de coke, peut-être a-t-on confondu avec les paraboles ? LUI : Vous semblez avoir une vie saine… ADC : Je fais du sport, mais pas trop non plus. J’ai une hygiène de vie qui n’est pas contraignante ou monacale, mais j’ai besoin de beaucoup d’énergie. D’autant plus que je me suis lancé dans l’écriture d’un bouquin “perso” dans lequel je parle de mes rencontres improbables, d’histoires étranges… C’est un grand plaisir pour moi de les raconter. LUI : Vous nous en racontez une en exclusivité ? ADC : Peut-être le jour où j’ai failli mourir en pleine nuit dans une station-service en Italie, déguisé en clown ? Je pars filmer des Italiens qui postaient des vidéos dans lesquelles des clowns piègent les gens en pleine nuit… Ils me déguisent et nous attendons la victime pendant deux heures dans une station-service très isolée, en plein mois de novembre, dans la pampa italienne. Une voiture s’arrête. Je mets ma tronçonneuse en route, mais je perds de vue la victime. J’entends mon complice clown hurler “He has a gun !” et un coup de feu retentit. Le clown tombe. Je vois l’homme courir vers moi. À cet instant, je me dis que c’est très con de mourir habillé en clown. Avec mes pompes taille 48 et mon masque, impossible de courir. J’attends la mort. Et en fait, c’est moi qu’ils avaient piégé… Les caméras tournaient et j’ai été obligé de faire bonne figure, mais j’aurais pu les étrangler un à un tellement j’ai eu peur.
PAR JOSÉPHINE SIMON-MICHEL - PHOTOS MICHEL SEDAN
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« DIDIER L’EMBROUILLE EST UN PEU COMME UN DOUBLE KARMIQUE »
LUI : Aujourd’hui, vous aimez toujours autant Canal+ ? ADC : C’est une longue histoire entre Canal et moi. Je suis quelqu’un de très fidèle et loyal. J’ai participé à l’histoire de Canal, avec ses périodes de grâce et de disgrâce. Cette période où tout le monde vous jalouse, et celle où tout le monde vous tacle. Il se passe des choses que je ne vois pas sur les autres chaînes. Canal ose de nouveau et se remet à pétiller grâce aux émissions de Poulpe ou d’Augustin Trapenard, à la Boîte noire, à Baptiste Lecaplain, aux créations originales bien sûr… Sans parler des derniers accords avec Netflix, Disney+ ou sur le foot. LUI : Étiez-vous liés, avec Les Nuls ? ADC : Énormément. On passait notre vie ensemble. J’ai même écrit un scénario avec Alain, mais il est passé aux oubliettes… Il s’appelait C’est pas le mérou. Ne rigolez pas, c’était une histoire très sérieuse. Avec un vrai mérou. LUI : Didier L’Embrouille, Raoul Bittenbois, Pine D’Huître… Ces personnages pourraient-ils encore exister aujourd’hui ? ADC : Bien sûr. Je pense que l’on peut tout dire, mais il faut en assumer les conséquences. Depuis l’émergence des réseaux sociaux, il y a une caisse de résonance immédiate et d’une violence inouïe. À l’époque de Nulle part ailleurs, on tapait sur les curés, l’extrême droite… Des cibles assez convenues, finalement. Certes, on avait des retours de bâton, mais épistolaires. Aujourd’hui, vous touchez à certains sujets et vous vous mettez à dos toute une communauté. Si c’était à refaire, je ferais exactement les mêmes sketches, sans aucune censure. Et puis, je n’ai plus l’âge de me fixer des limites… Même sur France Inter, je m’amuse à franchir la ligne. C’est toujours une question de ton et d’humeur… Le seul principe auquel je me tiens, c’est que je n’humilie jamais les autres.
LUI : Et ils ne vous manquent pas, ces personnages ? ADC : Ils restent dans mon cœur ! (Rires) Non,
ils ne me manquent pas. J’aurais ce sentiment affreux de me répéter à l’infini… Incarner Ouin-Ouin à 66 balais, ça ferait un peu ridicule, non ? En revanche, Didier, il est toujours là… Et il ne demande qu’à revenir. Didier, c’est un peu comme un double karmique. Il est tellement outrancier et caricatural qu’il peut tout dire. LUI : Quelles relations entretenez-vous avec les réseaux sociaux ? ADC : J’en pense le plus grand bien et le plus grand mal. C’est un merveilleux outil de communication. J’adore l’idée de prescription, de partager mes engouements en littérature, musique et cinéma. Avec mon pote Chalumeau, on fait le concours sur Twitter de celui qui commentera le plus laconiquement possible les titres des journaux. Pour le moment, il mène le jeu avec son “Snif ” à l’annonce de la mort de Delarue. Quatre lettres. Imbattable. Le mauvais côté des réseaux sociaux, c’est la porte ouverte à la malveillance, à tout ce qu’il y a de plus bas chez l’homme. LUI : Dans La Gaule d’Antoine, sur Canal +, vous sillonnez la France à la rencontre des gens, et vous semblez y prendre beaucoup de plaisir ! ADC : Les tournages de La Gaule m’occupent beaucoup et m’ont permis de renouer avec une forme de télévision, le reportage comme à l’époque des Enfants du Rock. J’adore rencontrer les gens dans leur biotope et les laisser parler dans des vraies situations. Comme je suis d’une curiosité insatiable, je veux comprendre la particularité de leur histoire. Et je suis plus à l’aise que sur un plateau télé, même si j’y ai pris beaucoup de plaisir. LUI : Quelle est votre plus belle rencontre ? ADC : J’ai rencontré Bruce Springsteen il y a 40 ans et, depuis, nous avons tissé un lien assez particulier. On se parle régulièrement et il reste toujours un artiste que je vénère… →
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« QUAND TOUT LE MONDE SE SERA LASSÉ DE MOI, JE FERAI DES ANIMATIONS DANS DES EHPAD, NU… »
LUI : Et entre vous et José Garcia, c’est une belle histoire d’amitié… ADC : J’ai une affection folle pour ce mec tellement merveilleux. Comme il est toujours occupé à pratiquer des sports extrêmes ou à tourner ses films, on ne se voit malheureusement pas assidûment. Mais quand on arrive à se croiser, on reprend l’histoire là où on l’a laissée la fois d’avant. La bonne nouvelle, c’est que notre couple résiste aux années ! LUI : Vous avez un vieux dossier à nous balancer ? ADC : Nous étions allés tourner une émission au zoo de Vincennes. J’en ai gardé une sextape de lui avec une tribu de bonobos qu’il serait très embarrassé de voir diffusée. LUI : Vous regardez la télé ? ADC : Je regarde surtout des docus et de la fiction. J’ai grandi avec des parents qui étaient dans la télé et ils m’ont appris à la regarder modérément et à bon escient. J’ai donc gardé cette mauvaise habitude. J’adore la série Platane d’Éric Judor, sur Canal. Il prend beaucoup de risques et casse tous les codes de la comédie. L’émission C Politique de Karim Rissouli, sur France 5, est toujours intéressante. Et bien évidemment, Rayon Cult sur Paris Première, parce que Daphné Roulier est la meilleure intervieweuse de France ! Ok, Daphné est ma femme, mais elle a un besoin éperdu d’être toujours dans le vrai et va directement à l’essentiel. Si elle interviewe un écrivain, elle va lire tous ses livres avant. Heureusement qu’elle ne reçoit pas Balzac tous les jours ! LUI : Pensez-vous à la retraite ? ADC : J’ai déjà passé l’âge de la retraite ! La limite du jeu dans mon métier, c’est quand le public se lasse de vous et qu’il scande : “Place aux jeunes !” Peut-être qu’un mouvement de protestation contre moi est en cours, mais je ne suis pas au courant et on ne me l’a pas encore signifié !
Quand tout le monde se sera lassé de moi, j’écrirai, je mettrai en scène ou je ferai des animations dans les Ehpad, nu… LUI : La réalisation vous tente-t-elle de nouveau ? ADC : Ça me titille beaucoup, effectivement. J’ai des ambitions assez mégalos… Je rêverais de monter Le Maître de Ballantrae de Stevenson en minisérie de huit épisodes, mais il faudrait la tourner en langue anglaise avec une énorme production. J’ai toujours cette envie de réaliser un Arsène Lupin au cinéma. J’ai déjà l’acteur… Et puis pourquoi pas une série déjantée avec José dans laquelle on lâcherait les chiens ? LUI : Votre fille Emma a témoigné contre Weinstein. Qu’auriez-vous envie de lui dire si vous le croisiez ? ADC : Je ne lui parlerais pas, je lui mettrais ma main dans la gueule. C’est un sale mec. Je l’ai croisé plusieurs fois mais, curieusement, je n’ai jamais eu envie de m’en approcher. Il n’avait rien pour lui, sauf la puissance et le pouvoir. Le seul point positif de cette affaire, c’est qu’elle a ouvert la boîte de Pandore. LUI : Vous en pensez quoi du mouvement MeToo ? ADC : Je fais partie d’une génération où les rapports entre les hommes et les femmes étaient plus libres et plus sommaires. Des hommes indélicats, j’en ai vu… Et grâce à ce mouvement, les femmes peuvent aujourd’hui prendre la parole sans être méprisées. Mais la séduction bienveillante demeurera, nous vivons dans un pays latin… LUI : Que représente Lui pour vous ? ADC : Mon père collectionnait le magazine, ainsi que les Playboy. À 13 ans, j’ai découvert sa cachette dans le grenier et c’est ainsi que j’ai discerné l’anatomie féminine… Un souvenir merveilleux. Je compte donc sur vous pour continuer à associer plaisir, rigueur et détente ! • Popopop, du lundi au vendredi à 16 heures sur France Inter. La Gaule d’Antoine, une fois par mois sur Canal+.
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SOYONS SÉRIEUX ON LE LIT, ON L’ÉCOUTE ET ON LE REGARDE COMMENTER LA VIE POLITIQUE DU PAYS DEPUIS PLUS DE 60 ANS. ALAIN DUHAMEL A CONNU TOUS LES PRÉSIDENTS DE LA VE RÉPUBLIQUE, PAS LA PEINE D’ESSAYER DE LUI EN CONTER. LE PLUS GRAND JOURNALISTE POLITIQUE FRANÇAIS NOUS A REÇUS CHEZ LUI, À DEUX PAS DU LUXEMBOURG, POUR PRENDRE UN PEU DE HAUTEUR, COMPRENDRE OÙ NOUS EN SOMMES ET SAVOIR SI LE NOUVEAU MONDE EST ENFIN ARRIVÉ.
Thomas Legrand : Les termes “nouveau monde”
En revanche, parler de nouveau monde, ça, c’était purement une espérance et une ambition. Et en aucun cas une réalité. TL : Le clivage gauche-droite était remis en cause… ad : La dislocation gauche-droite est, pour les macroniens, dans l’espérance de ce nouveau monde. Ce n’était pas acquis avant l’élection. La totalité de la scène française politique était encore représentée au premier tour de la présidentielle. On savait que chacune de ces composantes était dévalorisée aux yeux de l’opinion, mais on ne savait pas encore que le système s’écroulait. La réalité est qu’il n’y a pas eu de vraie recomposition. TL : Pour vous, il n’y a donc pas de nouveau monde ? ad : Non, pas encore. L’ancien monde a disparu et nous sommes dans les limbes du nouveau monde. On est encore entre les deux. Et c’est ce qui me frappe. Le macronisme, c’est un exécutif, c’est la présidence et c’est le gouvernement. Mais c’est tout. C’est un parti sans racines et c’est normal, car il est né il y a trois ans. Les anciennes forces sont affaiblies, voire totalement marginalisées, comme le Parti communiste. Les socialistes ne sont même pas encore convalescents, les gaullistes n’ont que le tiers des adhérents d’il y a cinq ans et même le Rassemblement national a perdu des militants. Les forces traditionnelles se sont certes écroulées, mais les nouvelles ne sont pas encore implantées. Donc le nouveau monde reste à construire. TL : Vous dites que le macronisme n’a pas de racines. Pendant la campagne, on a eu l’impression qu’Emmanuel Macron citait les anciens, se mettait
et “ancien monde” qui sont arrivés au moment de l’élection d’Emmanuel Macron ont-ils un sens pour vous ? aLain duhameL : C’était inspiré par l’histoire et par la découverte des États-Unis par les Européens, mais je crois que c’était plus une ambition qu’une réalité. La réalité était le “dégagisme”, la fin d’une phase. Mais quand, pendant la campagne, ils ont théorisé l’idée du “nouveau monde”, c’était plus ce qu’ils espéraient que ce qu’ils voyaient. Bien entendu, il y avait des facteurs de nouveauté objectifs, mais ils existaient avant le début de la campagne. Il y avait l’affaissement du quinquennat de François Hollande, la dislocation partout en Europe de l’idéologie sociale-démocrate. Bien évidemment, personne n’avait pu anticiper ce qui allait se passer pour François Fillon, mais on sentait qu’à partir du moment où Nicolas Sarkozy avait été éliminé à la primaire, il y avait aussi quelque chose qui était en train de se défaire. Depuis le début de la Ve République, le parti gaulliste dominait le champ politique et ce n’était plus le cas. En 2017, ce n’était plus qu’un parti comme les autres, ce n’était plus un parti “vertébral” de la Ve République. On sentait une atmosphère de remise en cause de l’ensemble des acteurs politiques au sens le plus large. La présidence, le gouvernement, le Parlement, les élus régionaux mais aussi les syndicats étaient remis en cause. Il y avait donc quelque chose qui se défaisait. Parler d’ancien monde était une prémonition, mais cela pouvait aussi correspondre à une réalité.
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parfois dans les pas de de Gaulle et Mendès. N’est-ce pas un peu contradictoire ? AD : Pendant la campagne, Emmanuel Macron, pour éviter d’être vu comme quelqu’un qui venait de nulle part, a effectivement cité quelques références. Il a parlé de Charles de Gaulle, de Pierre Mendés-France, mais aussi de Michel Rocard ou de Paul Ricœur. Il a voulu des références plutôt de centre-gauche pour l’idéologie et d’autres nettement gaullistes en ce qui concerne les institutions. Quand il était ministre de l’Économie, il a très vite précisé qu’il n’était pas socialiste. Mais on peut très bien être pour un exécutif fort et dans le même temps s’inscrire dans une tradition économique et sociale keynésienne, en simplifiant les choses. TL : Pour un commentateur de la vie politique comme vous, le nouveau monde, c’est aussi l’apparition des réseaux sociaux, qui ont pu changer la donne… AD : On peut dire que l’ensemble de la campagne présidentielle 2017 a été bizarrement franco-française. Je dis bizarrement car on était dans le même temps dans une mondialisation obsessionnelle. Emmanuel Macron se revendiquait de l’ouverture au monde mais la campagne était très française. Les uns espéraient une victoire française dans la mondialisation, mais n’osaient pas trop l’affirmer et les autres étaient terrifiés. Les Gilets jaunes, c’est la partie de la France qui est terrorisée par cette mondialisation. Dans
le pays, il y a une génération numérique qui s’adapte dès le plus jeune âge, mais il y a aussi une fracture avec d’autres générations. L’information continue et les réseaux sociaux ont opéré un transfert de la vie démocratique, mais cette influence a aussi existé pendant la campagne de 2007. Ségolène Royal s’est appuyée là-dessus en mettant en avant de nouvelles formes de participations, de démocratie d’opinion. Dix ans après, les réseaux sociaux et les mass media d’opinion constituent une force autonome. Aujourd’hui, il y a une vie politique traditionnelle qui continue d’exister et la force des réseaux sociaux qui a été très utilisée pendant le mouvement des Gilets jaunes, où des leaders pouvaient être suivis par 300 ou 400 000 personnes. Dans les faits, il y a le fleuve traditionnel asséché de la vie politique classique et le torrent tumultueux des réseaux sociaux, qui sont à la fois puissants, imprévisibles et divisés car très clivants et très violents. En ce qui concerne les médias, j’ai connu une période où toutes les rédactions avaient un modèle, qui était le journal Le Monde. Le sommaire de ce quotidien dictait la hiérarchie des nouvelles. Ensuite, c’était Antenne 2 qui donnait pratiquement le sommaire des journaux du lendemain. Il y a eu une phase fugitive du Parisien. On s’y référait car on pensait qu’il fallait se rapprocher du peuple. Et nous sommes aujourd’hui passés à la phase BFM. Le reste des médias court derrière cette chaîne et s’essouffle parfois.
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TL : En ce qui concerne le personnel politicien,
j’ai noté l’apparition ces dernières années de ce que j’appelle la “tyrannie de la cohérence”. Jeune journaliste, j’ai suivi les campagnes de François Mitterrand, qui pouvait dire “ A” dans une ville, “B” dans une deuxième le lendemain et “C” trois jours plus tard. Mitterrand et Chirac ont pu changer d’avis, changer, se réinventer. Alors qu’aujourd’hui, on n’arrête pas de mettre les politiques devant leurs éventuelles incohérences. AD : Ce que je dirais plutôt, c’est que, du fait de l’information continue et des réseaux sociaux, on est beaucoup plus exigeant devant le discours des politiques, pour deux raisons. La première, c’est qu’un homme ou une femme politique est en permanence sous le contrôle d’une caméra, où qu’il ou elle se trouve. Un politique est, si j’ose dire, “mis en examen” du matin au soir. La deuxième, c’est qu’on peut le mettre en contradiction avec lui-même car les archives sont très vite disponibles. L’œil de millions de caméras en permanence implique un contrôle d’exigence et de cohérence. Du coup, le moindre dérapage prend une importance gigantesque. TL : Mitterrand ou Chirac n’auraient pas pu fonctionner dans un tel écosystème… AD : Impossible, ils n’auraient pas pu… TL : Cet état de fait est positif ? AD : Pour moi, c’est ambigu. D’un côté, cela amène à plus d’authenticité et de cohérence.
Mais de l’autre côté, c’est une forme de tyrannie absolue car on ne peut pas demander à un homme politique de penser la même chose à dix ans d’intervalle. Les circonstances changent, on peut changer d’avis. On doit pouvoir renverser sa politique et son mode de pensée. Les discours sont disséqués minute par minute et c’est beaucoup plus difficile de gouverner. TL : Vous dites qu’on est dans une période de transition. Est-ce qu’un autre schéma va enfin apparaître, avec un nouveau clivage ? Car la démocratie demande un clivage : il faut bien choisir entre un schéma ou un autre. Ou bien est-ce que, selon vous, on est dans une période de désaffiliation politique qui va durer ? Est-ce que le citoyen, l’électeur, va devenir un consommateur qui va choisir au gré de sa sociologie, du moment où il en est de sa vie, de l’endroit où il habite et qui piochera dans les offres politiques comme autant de produits, finalement interchangeables ? AD : Je crois que l’un et l’autre ne sont pas incompatibles. L’électeur a déjà un comportement de consommateur politique. En tous les cas, beaucoup plus qu’avant. Auparavant, on était accroché à une tradition politique qui était souvent familiale. C’était aussi territorial, il y avait par exemple des cantons protestants et des cantons catholiques dans un même département et chacun votait sur la même ligne depuis deux siècles. → C’était comme ça et personne ne se posait
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« ALLONS-NOUS ASSISTER À UNE RÉELLE RECOMPOSITION OU ALLONS-NOUS RESTER DANS CETTE DÉCOMPOSITION… ? »
nationaliste qui, lui, est installé et cohérent dans son niveau, sa composition et sa discipline. De toutes les familles politiques existant aujourd’hui, les militants du Rassemblement national sont ceux qui sont les plus inconditionnels de leur chef et prêts à suivre toutes ses positions. Les écologistes sont encore indisciplinés et autonomes les uns par rapport aux autres. Mais il y a aussi un autre pôle possible, un énorme no man’s land formé des orphelins de la social-démocratie, de la démocratie chrétienne mais aussi des Insoumis, des libéraux… Ou encore des membres de La République en marche, un mouvement qui n’est pas encore structuré. C’est pourquoi je pense qu’aujourd’hui, la décomposition d’un système politique symbolisé par l’élection d’Emmanuel Macron n’a pas du tout abouti, pour l’instant, à la recomposition d’un autre système politique. On est en phase d’élaboration. On n’en est même pas aux fondations, on en est au terrain. On connaît le terrain, mais on ne sait pas encore ce qu’on va y construire. TL : Emmanuel Macron peut-il y parvenir ? AD : Emmanuel Macron a été l’instrument et le bénéficiaire de la destruction d’un système dont il n’arrive pas, aujourd’hui, à être le pilote. Avec en plus, une contradiction chez lui que je trouve spectaculaire. On voit sa cohérence, sa compétence et sa modernité en politique économique. On peut être d’accord ou pas avec les mesures qu’il prend, mais elles sont cohérentes, délibérées et produisent des effets qui correspondent à ses objectifs. En revanche, en politique pure, on reste dans le noviciat absolu avec toutes les erreurs que cela implique. Je suis heureux qu’il y ait une maturité économique, mais je suis vraiment inquiet de cette immaturité politique. •
la question de changer. Les pêcheurs de la côte du Nord étaient communistes, ceux de Bretagne votaient à droite. La continuité idéologique était aussi très forte car il y avait des idéologies constituées. Et puis, il y avait une composante sociologique. L’ensemble constituait une sorte de cage dans laquelle se rangeait l’électeur. Aujourd’hui, on a coupé les liens. Le lien religieux ne compte pratiquement plus dans le vote, sauf pour une minorité de catholiques ou de musulmans très pratiquants. Le lien territorial n’est évidemment plus ce qu’il était. Le clivage sociologique a été remplacé par le clivage culturel. Avant, les classes sociales influaient sur le vote, maintenant, c’est le niveau d’étude. Le capital culturel a un peu remplacé le capital économique. Il y a une grande interrogation pour savoir si, dès la prochaine élection présidentielle, nous allons assister à une réelle recomposition ou si l’on va rester dans cette décomposition… TL : Mais sur quoi peut s’appuyer la recomposition ? AD : Sur des thèmes qui ont pris du poids depuis 20 ans. On voit bien que personne n’échappe à la question de l’écologie. Je pense qu’il y aura un pôle écologiste qui prendra du poids. Ensuite, il y aura de l’écologie qui sera utilisée, récupérée ou intégrée. Mais inégalement selon les lieux. Les Insoumis veulent par exemple absolument intégrer l’écologie. Les Républicains parlent d’écologie mais ne se présentent pas comme des écologistes. Il y aura donc une dimension écologique à répartir. Il y aura aussi le pôle nationalisme, un localisme, un genre de rétraction nationale qui est déjà représenté à l’extrême droite. Gagnera-t-il la droite, voire l’extrêmegauche ? Personne ne le sait encore. TL : Donc on va remplacer le clivage gauche-droite par le clivage écologiste-nationaliste ? AD : Ce n’est pas si simple. Oui, deux pôles sont en train d’émerger : un pôle écologique qui va devenir puissant qui est en train d’émerger. Et un pôle
Retrouvez Thomas Legrand sur France Inter, du lundi au vendredi à 7 h 45 et Alain Duhamel sur BFMTV du lundi au jeudi à 19 h 40.
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DES GENS QUI FONT DES TRUCS À LA RÉDACTION DE VOTRE MAGAZINE PRÉFÉRÉ, ON PENSE QU’IL N’EST PAS NÉCESSAIRE D’ÊTRE ULTRACÉLÈBRE POUR ÊTRE DIGNE D’INTÉRÊT. ALORS ON VOUS PARLE DE CES GENS QUI FONT DES CHOSES, QU’ELLES SOIENT ORDINAIRES OU EXTRAORDINAIRES.
ALEXANDRE WETTER
par une agence de mannequin, il débarque à Paris. Il a 21 ans et un rêve en tête : défiler pour Jean‑Paul Gaultier. Il enchaîne les petits boulots, dont surveillant dans un collège du 11e arrondissement : « Malgré mes looks improbables, la directrice de l’établissement m’a fait confiance et les élèves étaient d’une grande bienveillance envers moi. Ils m’ont permis de me réconcilier avec le collège… » En parallèle, il devient le mannequin androgyne vedette et défile pour de nombreuses maisons de couture féminines. « J’ai toujours aimé être le seul garçon parmi les femmes. J’avais besoin de flatter mon yin et mon yang et d’affirmer ma féminité. Je vivais cela comme une performance. » Les mois passent et Alexandre ne désespère pas de réaliser son rêve. Jusqu’à faire le pied de grue rue Saint‑Martin, devant le siège de la maison Jean‑Paul Gaultier, en attendant que son couturier fétiche sorte. « Et puis un jour, je vois un ouvrier rentrer directement dans le hall d’accueil et je réalise que tout le monde peut y aller ! » Il passe la porte, son book à la main, s’adresse aux hôtesses puis repart avec le numéro de Tanel Bedrossiantz, le bras droit de Gaultier. Trois ans plus tard, en 2016, il reçoit un appel de Tanel qui lui propose de défiler en corset et en talons pour la prochaine collection haute couture. « Jean-Paul m’a laissé choisir parmi plusieurs looks. Cet homme est tellement solaire. » Une fois son rêve réalisé, Alexandre se lance un nouveau challenge : le cinéma. Il croise Ruben Alves, réalisateur de La Cage dorée, qui lui écrit un scénario sur mesure : l’histoire d’un jeune homme androgyne qui rêve de devenir Miss France. « Miss est le témoin de ce personnage féminin qui m’a protégé pendant toutes ces années. Ce film m’a permis de découvrir l’homme que je suis. De mes 20 à 30 ans, je me sentais plus fort en féminin. Je n’avais pas les armes, les codes que la société exige d’un homme. » Aujourd’hui, Alexandre s’est coupé les cheveux et se sent beaucoup plus solide : « Nous venons d’un homme et d’une femme, alors il y a forcément un mélange des deux dans chaque individu. Je suis né homme et je me sens homme avec une grande sensibilité. Ne m’appelez plus Alex, mais Alexandre. » •
NATIONALITÉ : FRANÇAISE ÂGE : 30 ANS PÈRE SPIRITUEL : JEAN-PAUL GAULTIER
Ne l’appelez plus Alex, mais Alexandre. Avec le film Miss, dans lequel il tient le rôle principal, le comédien a redécouvert sa part de masculinité : « Étrangement, ce film m’a réconcilié avec mon masculin. Je l’avais laissé tellement de côté, ce jeune homme, depuis dix ans. » Né il y a 30 ans à La Roquebrussanne, un village varois de 2 000 habitants, Alexandre est un petit garçon sensible mais joyeux, qui préfère jouer à la poupée qu’à la guerre. Son visage semble avoir été dessiné à la plume. Chaque événement est un prétexte pour se déguiser en fée, sous le regard bienveillant de son père, de sa mère et de sa grande sœur : « Mes parents ne m’ont jamais limité dans mes rêves et ont toujours laissé libre cours à mon originalité. J’aimais m’habiller en fille mais j’avais conscience que je ne pouvais pas le faire tous les jours. Alors j’attendais le carnaval ou Halloween pour ressembler à mes copines de primaire. » Dans les cours de récré, ses camarades l’appellent Alex. Un diminutif qui laisse planer l’ambiguïté du genre : « C’est le regard des autres qui m’a fait comprendre que j’étais différent. » Mais, au collège, c’est une tout autre histoire. Sa singularité est vite repérée par les préados et Alex est victime de harcèlement : « Tous les jours, on me traitait de “sale pédé”. Ces années collège ont été d’une violence inouïe. » Le jeune garçon se réfugie avec les filles, douces et compréhensives à son égard, et parvient à tirer profit de sa différence : « J’étais le seul garçon invité aux anniversaires des copines ! » À 15 ans, il supplie ses parents de poursuivre sa scolarité ailleurs, loin de tous ses détracteurs. Il passe son bac de compta à quelques kilomètres de son village natal, dans un internat catholique. Alexandre aspire à une autre vie, où il pourrait enfin s’émanciper et affirmer sa vraie personnalité. Son look androgyne est repéré
PAR JOSÉPHINE SIMON‑MICHEL ‑ PHOTOS PHILIPPE FRISÉE
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explique-t-elle. Ce qui m’arrive aujourd’hui est en fait le résultat de 28 années de travail. Il y a deux ans, j’ai ouvert le rideau, mais il se passait déjà des choses ! » Sur scène, devant une salle intimiste ou devant 20 000 spectateurs, elle déboule, seule, armée de son énergie et de sa combinaison de scène, inspirée selon elle de Bruce Lee, d’Elvis Presley et de Louis XIV. « Je suis toujours seule sur scène, c’est kamikaze, sans filet, mais je m’y sens bien. Et pourtant, ce n’est pas naturel pour un être humain de se retrouver seul devant 20 000 personnes. En danse classique, j’étais habituée à répéter pendant un an un spectacle de trois minutes. Là, je laisse une part plus grande à l’instinct. J’avais envie de cette liberté. Mais je suis restée très exigeante, je dis rarement que c’était super, je veux toujours m’améliorer. Je cherche, je veux rester une éternelle débutante pour continuer à avancer. » Depuis deux ans, elle ne vit que des premières fois. Elle affirme continuer à regarder autour d’elle, les gens, les petits détails qui les caractérisent pour, déjà, écrire de nouvelles chansons. La nuit, entre deux concerts, entre deux songes, elle s’éveille pour noter les idées qui lui viennent. Pour les figer, les reprendre plus tard, quand tout sera un peu plus calme. « Je vis pleinement chaque jour, précise-t-elle. Avant, je m’ennuyais parfois un peu, j’avais l’impression de passer à côté de ma vie, en le sachant en plus, ce qui est pire que tout. Aujourd’hui je ne fais pas de plan sur la comète, même si je sens que ma vie change. J’ai l’existence que je voulais avoir et ça fait un peu peur d’avoir touché ce bonheur à 28 ans… » Rassurons Suzane : ce qu’elle vit est bien réel. C’est bien elle qui a été sacrée dans la catégorie Révélation scène aux dernières Victoires de la musique et qui va encore enchaîner les dates de concerts en 2020. « Derrière ton bar en bois, sauf pendant les heures creuses, tu rêves de l’Olympia », chante Suzane dans son titre éponyme. Le 1er décembre 2020, elle y sera. Son nom sera bien inscrit en grandes lettres sur le boulevard des Capucines. Suzane ne rêve plus sa vie. Son rêve, elle le vit. • →
NATIONALITÉ : FRANÇAISE ÂGE : 28 ANS MÈRE SPIRITUELLE : ÉDITH PIAF
Elle dégage une grande douceur et, dans le même temps, une force brute, presque animale. Suzane est une vague qui emporte tout, comme ses beats et ses mots qui entrent dans vos oreilles pour ne plus en sortir. Mélange de Piaf pour la gouaille, de Brel pour l’émotion et de Stromae pour le tempo selon la presse musicale, elle ne ressemble surtout à personne et, à 28 ans, a déjà eu plusieurs vies. À 17 ans, elle abandonne le Conservatoire après dix ans de danse classique, usée par un carcan qu’elle ne supporte plus, entre les pesées du mercredi matin, la compétition féroce entre danseuses et les remarques acides de la directrice de ballet. Au même moment ou presque, elle assume d’aimer les filles. N’en fait pas une histoire mais une chanson, qui s’appelle Anouchka et figure sur son premier album, Toï Toï, sorti en janvier dernier. Élève brillante, elle décide pourtant de ne pas passer son bac et se dessine un autre ailleurs en quittant sa ville natale d’Avignon, les nuits fauves et les morsures de l’aube, qui parfois l’attirent vers les substances illicites. Pour sauter le pas, pour se créer une nouvelle vie. Il y a quatre ans, venue s’installer à Paris, elle commence à écrire des chansons, parfois sur les souches d’addition des restaurants où elle travaille. Elle rencontre le producteur Chad Boccara et débute l’aventure Suzane, son nom de scène choisi en hommage à son arrière-grand-mère. Après avoir sorti une série de clips qui cumulent plusieurs millions de vues, elle déboule sur sa première scène le 16 février 2018. Et tout s’enchaîne pour la chanteuse qui devient l’artiste la plus programmée des festivals de l’été 2019. « Je n’ai pourtant pas l’impression que c’est allé très vite,
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peut travailler aujourd’hui dans 300 m2 d’atelier en banlieue parisienne, à Champigny-sur-Marne. Une grosse révolution. « Passer de l’électroportatif aux tables en fonte nous a permis de rentrer dans la cour des grands. Il nous fallait une cabine de peinture, un monstre d’acier de plusieurs tonnes qu’on a déménagé d’un ancien garage de Romainville. » Vincent réinvestit tout ce qu’il gagne sur les chantiers dans ces machines. Ce ne sont pas des Rolls, elles ont quelques années, mais, selon le jeune patron, c’est avec ces machines capricieuses qui ont roulé leur bosse que l’on fait le meilleur boulot. « C’est un défi au quotidien de mettre en mouvement tout un savoir-faire. J’ai la chance d’être bien entouré, ma femme est ébéniste, mon meilleur ami et associé diplômé de Camondo [une école d’architecture d’intérieur et de design parisienne, ndlr]. Et les jeunes menuisiers nouvellement arrivés sont aussi très talentueux. » Mais le bois demande surtout beaucoup de travail. Et, dans son atelier, il y a aussi de la sueur et de la fatigue, pas seulement du fun : « Il y a un certain romantisme autour de la menuiserie. Beaucoup s’imaginent caresser du bois dans la lumière rasante d’un atelier, mais c’est bien loin de la réalité. C’est un boulot physique avant tout. On a quelques potes en mal de sensations fortes qui ont tenté l’aventure, mais ils ont vite déchanté. Pourtant, quand on finit par maîtriser le travail du bois, la satisfaction personnelle est énorme. Réussir un meuble de trois mètres de haut et de cinq mètres de long, ça fait tout oublier. » Dernièrement, Vincent a recréé 15 m2 d’appartement haussmannien dans l’atelier, pour y tester « grandeur nature » ses derniers assemblages. Des meubles à qui il veut aussi donner du sens : « Mon premier boulot a été chez Colette, à l’époque où le prêt-à-porter de luxe explosait. Maintenant, ce sont nos intérieurs que l’on veut chérir. Nous achetons toujours des meubles épurés pour poser dessus des tas d’objets narratifs. Maintenant que le regard se tourne un peu plus vers les meubles, pourquoi ne pas leur laisser la parole ? » •
ÂGE : 33 ANS NATIONALITÉ : FRANÇAISE PÈRE SPIRITUEL : EMMANUEL LEVINAS
Faire plus avec moins. Pourquoi pas ? Vincent Guetta dirige sa propre agence de menuiserie, Bâton Rompu, et offre aux particuliers un concept original : créer du mobilier d’avant-garde en habillant les caissons Ikea avec les derniers matériaux à la mode. Entouré d’une équipe de menuisiers qui œuvrent dans son atelier en banlieue parisienne, il a ouvert une boutique à Madeleine, au pied du magasin du géant suédois. Un dressing, une cuisine et autres mobiliers tiennent dans quelques mètres carrés. Un concentré des incontournables de la décoration. Laboratoire d’idées, tout un chacun peut s’y improviser architecte d’intérieur ou décorateur. « On travaille depuis des années sur les chantiers parisiens, explique Vincent Guetta. Le défi est simple : rendre accessible le monde idéal de Pinterest… » Tout a commencé il y a quelques années, au lendemain d’une vie de fête, de bohème et d’excès pas toujours contrôlés. Dans un réflexe de survie, Vincent s’est recentré sur le travail manuel, lui qui, enfant, passait déjà le plus clair de son temps à jouer aux Lego. Une rencontre avec un Compagnon du devoir le décide à se lancer dans la profession, mais leurs visions du travail divergent très vite : « J’étais les bras et lui la tête, ça ne l’a pas fait longtemps. Mais finalement, tant mieux, car du coup je me suis mis à mon compte rapidement. J’ai commencé par vendre des meubles dans mon entourage. Après avoir trop fait la fête, j’avais besoin de bosser et je me suis réfugié dans le boulot. Je passais des heures à “geeker” sur les détails des meubles. Mais ça a fini par payer. » Fini les tréteaux et la fabrication chez le client, les rencontres sur les chantiers font boule de neige et l’équipe de ce patron autodidacte
PAR ANGÈLE MICHEL ‑ PHOTOS PHILIPPE FRISÉE
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« OÙ EST LE SEXY ? » ATTENTION, LES RÉPONSES DONNÉES PAR CES TROIS ÉCRIVAINS SONT TIRÉES DE FAITS RÉELS. PHOTO À L’APPUI.
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LES FEMMES COURAGEUSES Ce sont les femmes courageuses, les femmes sexy. Les révolutionnaires, les résistantes, les héroïnes des droits civiques, les femmes prêtes à mourir pour des idées, les femmes qui donnent leur vie pour les êtres qu’elles aiment. Celles qui ont du sang froid, des nerfs solides, un sourire merveilleux, une voix enivrante et des yeux qui pétillent. Celles qui sont capables de sororité et de loyauté. Celles qui ne se laissent pas baratiner et qui, quand elles aiment, aiment tellement, passionnément, tragiquement, sensuellement. Les poétesses qui défient l’autorité, les dessinatrices qui vivent entre deux réalités, les visionnaires, les sorcières, les guerrières. Je me souviens du mot d’Alfred Jarry à Rachilde : « Nous n’aimons pas les femmes, mais si jamais nous en aimions une, nous la voudrions notre égale, ce qui ne serait pas rien. » Je tombe amoureux de femmes qui possèdent des qualités au moins égales aux qualités que je recherche chez mes amis et amies, sauf que, dans leur cas, elles me font trembler les mains, vibrer le cœur, chavirer l’âme. Elles me font perdre pied et elles énervent mes lèvres et ma libido. Je n’ai jamais pensé que l’amitié et l’amour étaient incompatibles. C’est comme dans la chanson de Prince : If I Was Your Girlfriend. Comme dans toutes les chansons de Prince, d’ailleurs. Je ne peux pas tomber amoureux d’une femme dont je ne voudrais pas également faire ma meilleure amie. Les séries télévisées des vingt dernières années nous ont habitués à ces premiers rôles de femmes qui sont non seulement excitantes et intelligentes, courageuses, drôles, mélancoliques, mais auxquelles les hommes ont envie de s’identifier : Buffy, “Starbuck”, Veronica Mars, Echo, Root, Shaw… Ce sont elles les femmes sexy. Mais Watchmen, en 2019 opère un tour d’écrou supplémentaire : ce n’est plus
une jeune femme, l’héroïne qui affirme sa puissance dans un « monde d’hommes d’hommes » (comme dirait James Brown), c’est une femme noire de 45 ans, mère de famille, à la fois superpuissante héroïne masquée et amoureuse tragique. Dans Angela Abar, le personnage que joue Regina King dans Watchmen, il y a tout. Ou plutôt elles y sont toutes : la femme courageuse et la femme au cœur brisé, la femme qui découvre son passé familial et la femme qui cache un grand secret, la femme sophistiquée et la femme sauvage, la femme capable d’amitié et la femme aux qualités maternelles. Et puis il y a l’amour passionné, l’érotisme à fond, une façon de se tenir debout et de marcher d’une classe folle. C’est très dur de ne pas être amoureux d’elle. Regina King, qui fit ses débuts dans Boyz n the Hood, déploya son grand talent dans la série Southland et explosa dans The Leftovers et Seven Seconds, est aussi réalisatrice à ses heures. Je pense qu’on va réentendre parler d’elle bientôt, beaucoup, souvent. Le monde qui vient est plus sexy que celui d’hier, puisqu’il lui ressemble. •
Ceci n’est pas un extrait de Tu m’as donné de la crasse et j’en ai fait de l’or, de Pacôme Thiellement, paru aux éditions Massot le 16 janvier 2020, 192 pages, 18,50 €.
PAR PACÔME THIELLEMENT
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NIHILISME ET BRAVOURE NUMÉRICO-ÉROTIQUES
Tu ne pourras pas rester à la maison, mon frère, Tu ne pourras pas te brancher, allumer et te dérober, Tu ne pourras pas t’esquiver avec un fix d’héro, Ni aller chercher une bière pendant la publicité, Parce que la révolution ne sera pas télévisée. Ça, c’est la première strophe entonnée par Gil Scott-Heron en 1970, dans The Revolution Will Not Be Televised. Le poète afro-américain se faisait l’écho d’un slogan populaire du Black Power des sixties. Un message limpide : il faudrait investir la rue pour régler son affaire à la ségrégation raciale. On est exactement un demi-siècle plus tard. La donne demeure inchangée. Ce n’est pas en restant le cul vissé dans son canapé qu’on fait vaciller l’ordre et l’autorité. La secousse qui remue les entrailles de Hong Kong en est le meilleur exemple. Pour les braves qui battent le pavé depuis un an, il est exclu de céder quoi que ce soit à la Chine continentale. Ils ont goûté à la mythologie de la liberté politique et de l’indépendance juridique en grandissant, ils n’y renonceront pas. Dans l’histoire des révoltes récentes, celle-là est sans doute la plus esthétique. Tout de noir vêtus, drapés dans des vêtements techniques aux coupes impeccables, le visage dissimulé derrière d’énormes masques à gaz et casques de chantier au design épuré, ces séditieux ont apporté une touche de raffinement à la culture vestimentaire du Black bloc. On y décèlerait presque une forme d’érotisme capitalistique. Un émoi troublant. L’expression d’une jouissance contre-nature. Ces jeunes gens ressemblent aux meneurs masqués des cortèges de tête chez nous. Mais ils ne vont pas au tampon avec les mêmes convictions. La lutte des classes n’est pas leur carburant. Pour beaucoup d’entre eux, l’ennemi est ce bloc qu’ils tiennent pour infiniment plus puissant et moralement inférieur.
Ceci n’est pas un extrait du Syndrome de Palo Alto, de Loïc Hecht, paru aux éditions Léo Scheer, 408 p., 21 €.
PAR LOÏC HECHT
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Parmi les armes de la séduction qui opère sur notre psyché de citoyen branché, allumé et dérobé, il y a leur ingéniosité face à l’attirail répressif : les parapluies pour contrer les matraques, les raquettes de tennis pour renvoyer les lacrymos d’un revers, les pointeurs laser pour déjouer les dispositifs de reconnaissance faciale, et pour les plus déterminés, des arcs et des lance-pierres pour répliquer aux LBD. C’est un récit allégorique qu’il nous est donné de consommer : le système technicien contre son double. Une sorte de remake de Hunger Games, dans un cadre dystopique à la Blade Runner. Mais à la PolyU, à Kowloon Bay ou à Causeway Bay, personne ne se prétend dans un film. Comme nos Gilets jaunes, ils n’ignorent pas que le risque d’être mutilés, voire d’y laisser leur peau est bien réel. Le 11 novembre dernier, un de ces héros en noir, gamin de 21 ans, se faisait shooter par un policier dépassé. À bout portant. En live sur Facebook. La révolution n’est pas télévisée. Mais, désormais, on peut la suivre en temps réel sur Internet. Alors, ces nihilistes déambulent avec une missive, écrite à la main et soigneusement pliée dans leur poche intérieure. Une lettre d’adieu, à filer à leurs parents, à leur mec, à leur meuf, en cas de malheur. Expression d’un degré ultime de détermination. Comble du romantisme. Malgré une issue inévitable à long terme : Hong Kong sera inexorablement rétrocédée à la Chine en 2047. Une jeunesse avec un sens accru du beau et du symbole, qui se bat pour ses idéaux avec classe, audace, et bravoure, en ayant une conscience éclairée de son impermanence, n’est-ce pas là la quintessence du sexy à notre époque ? •
LA SOCIÉTÉ D’EXCITATION
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Trop ! Nous sommes masturbés ! La « Société de Consommation » n’est plus qu’une vieille enluminure conceptuelle. Nous vivons dans une Société d’Excitation. On ne nous vend plus que du désir. On ne nous concède plus que le droit d’être éternellement à deux doigts de jouir. Et on nous promène, inassouvi jusqu’à l’évanouissement, dans la nonchalante polyphonie soupirée de Sirènes interchangées. Charlize Theron Nicole Kidman Margot Robbie Natalie Portman Linda Evangelista Salma Hayek Jennifer Lawrence Naomi Campbell Kristen Stewart Julianne Moore Heidi Klum Emma Stone Megan Fox Gal Gadot Scarlett Johansson Angelina Jolie Claudia Schiffer Uma Thurman Julia Roberts Amber Heard Monica Belluci C’est à en crever martyr ! Société de Consumation, oui ! À Paris, c’est désespéré pour moi depuis longtemps. Dans le métro, tous mes regards sont attrapés par la queue. Les affiches se jettent sur moi. Même réfugié au Louvre, j’ai encore l’impression d’être au Sexodrome, à cause de toutes ces statues. La caresse de ces courbes inviolées, le lait séché entre ces lèvres de marbre, le désordre d’algue de ces chevelures antiques dans lesquelles je rêve de perdre mes doigts, et, déraisonnant, les tirer, toutes, par les cheveux. Pitié ! Mais l’autre soir, en grande écoute de François Cheng. Il y a dans sa voix le bruit des rhumatismes de la sagesse. Et avant chaque vérité, une porte qui grince. Qu’il ose à peine ouvrir. Trop de lumière éblouirait la chambre du mystère, reposant dans le réconfort soulagé de sa nuit noire. Sans le savoir, le poète m’a offert une décision.
Il me faut un paysage ! Mon corps aux abris ! Anywhere out of the world ! J’ai filé, tout droit, en haut. Je savais quelque part entre Dieppe et Veules-les-Roses. Varengeville-sur-Mer. D’ailleurs, là-bas, c’est indiqué sur un panneau : La Mer. Dans un long travelling, j’enfonce tout doucement la voiture sur une route mince comme une cravate. De chaque côté, solides, craintives, incrédules, fixantes, les vaches. Tout à coup un triangle. Je ne vais pas vous faire un dessin ! En équilibre sur sa pointe. Mon serpent de bitume s’y insinue. De chaque côté, le paysage écarte ses jambes qui frissonnent d’air marin. Les panneaux ne mentent pas. C’est bien la mer et sa langue froissée qui va et qui vient. Et un peu plus haut, une coupe, discret équateur entre deux lèvres, ciel & mer. L’horizon. Nous y sommes ! Et nous n’y serons jamais. Car l’horizon avance à mesure que j’essaie de le rejoindre, ou recule, je ne sais pas. Se refuse à moi, dans la lassitude ressassée de ses vagues molles, baudelairiennes, aimantes, qu’il m’envoie éjaculantes d’écume. Et m’affole. Et m’excite. J’aurais pourtant parié qu’il serait le remède idéal à la fièvre de mes désirs. C’en est la quintessence. Impénétrable, l’horizon ne se possède pas. Plus sexy, tu meurs. •
Ceci n’est pas un extrait de Moi aussi j’ai vécu, d’Hélios Azoulay, paru aux éditions Flammarion, 160 p., 16 €.
PAR HÉLIOS AZOULAY
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« J’AI ENVIE DE M’ÉPROUVER » LUDIVINE SAGNIER PEUT ENFIN, À 40 ANS, COMMENCER À DIRE AU REVOIR AUX RÔLES D’ÉTERNELLE ADOLESCENTE. NE LAISSEZ PAS SA VOIX TOUJOURS JUVÉNILE VOUS TROMPER : L’ACTRICE ARRIVE AVEC 20 ANS D’EXPÉRIENCE ET UN CV LONG COMME LE BRAS, ET SE DIT PRÊTE À DÉCOUVRIR DE NOUVEAUX TERRAINS DE JEU. ON LA RETROUVE CETTE ANNÉE DANS DEUX RÔLES RÉSOLUMENT SOMBRES, À LA TÊTE D’UNE SOCIÉTÉ DE PRODUCTION ET AVEC DES ENVIES D’ÉCRITURE. AU LUI, ON TROUVE CE PLANNING RÉJOUISSANT.
Lui : Dont la série Arsène Lupin que vous tournez pour Netflix ? LS : C’est une transposition contemporaine de l’histoire créée par Maurice Leblanc. Omar Sy joue un cabot plein d’élégance qui s’inspire du célèbre cambrioleur. J’interprète sa femme, sa référence de stabilité qui, inévitablement, finit liée à ses activités. Ce sera une série familiale, pleine de panache, quelque chose que je n’ai jamais fait. Ce qui m’intéresse dans mon métier, c’est le renouvellement, où qu’il se trouve. J’ai d’ailleurs un gros projet qui me tient à cœur et qui représente un énorme défi : Ladj Ly m’a laissé carte blanche pour m’occuper de la section Acteurs de l’école Kourtrajmé, qu’il a fondée à Clichy-Montfermeil. Je vais faire la fierté de ma famille : mon père était prof d’anglais et ma grand-mère, institutrice. Elle a même créé une méthode d’apprentissage de lecture que j’ai utilisée sur mes filles. Transmettre, je dois avoir ça dans le sang ! Et plus ça va, plus je me dis qu’il faut faire avec ce qu’on est. Lui : Vous n’aviez jamais pensé à enseigner avant ? LS : Non, mais il y a quelques années, j’avais organisé un festival de cinéma à Fleury-Mérogis. Une forme d’initiation pour des jeunes détenus. Ça me manquait et je cherchais quelque chose qui fasse sens. Dans ce métier, on est souvent sollicité mais, si l’on veut être honnête avec soi-même, il faut trouver des causes en harmonie avec qui l’on est. Là, c’est le cas. Et c’est concret. Je vais monter le projet pédagogique pour la prochaine rentrée avec un ami d’enfance, prof d’art dramatique au conservatoire d’Avignon.
Lui : Pourquoi avoir eu envie d’embarquer sur ce premier film de Vero Cratzborn, La Forêt de mon père ? Ludivine Sagnier : Au-delà du scénario, j’ai aimé qu’elle me propose de jouer pour la première fois une mère de famille nombreuse, avec une fille adolescente. J’ai moi-même trois filles, âgées de 5 à 15 ans, mais rares sont ceux à m’avoir imaginée maman. Il commence enfin à y avoir une harmonie entre ce que je suis et ce que je joue. C’était moins le cas avant, sans doute à cause de mon physique et de mon image, associée à quelque chose d’enfantin. J’ai une nature légère et joyeuse et les réalisateurs projetaient rarement sur moi des personnages difficiles, torturés. Mais cela évolue. Je l’ai vu entre autres avec The New Pope, la série de Paolo Sorrentino : avec ce rôle de mère catholique qui vrille et se radicalise, je m’en prenais plein la tronche ! Lui : Comment expliquez-vous qu’il y ait moins de décalage aujourd’hui entre vous et vos rôles ? LS : Mon corps se décide à vieillir ! Peut-être m’étais-je aussi rendue moins disponible ces dernières années : j’avais des enfants à élever. Je ne sais pas si beaucoup de femmes ressentent ça mais, avec la maternité, mon ambition personnelle a chuté pendant un moment. L’intérêt de l’autre passait avant le mien. Je ne l’ai pas pris comme un sacrifice ou quelque chose de négatif. J’en avais besoin, mes enfants aussi. Mais, aujourd’hui, j’ai une équipe qui fonctionne et je peux retourner vaquer à mes occupations.
PAR JULIETTE MORGAN - PHOTOS MARIN LABORNE
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« J’AI L’IMPRESSION D’ARRIVER À UN MOMENT DE MA VIE OÙ TOUT EST POSSIBLE »
Il me sera difficile d’enseigner au quotidien, mais je conduirai des ateliers avec, je l’espère, un maximum de ponts entre les disciplines. Lui : Cela ne semble pas vous stresser… LS : Au contraire, c’est galvanisant. Cela permet de se poser les bonnes questions, comme quand on a un enfant : on est obligé de se définir pour transmettre convenablement. Enseigner me permettra de mieux connaître l’actrice que je suis et que je veux devenir. Et accompagner ce projet avec Kourtrajmé, c’est cohérent : j’en connais bien les membres actifs [Kim Chapiron, son compagnon, est l’un des fondateurs du collectif, ndlr]. J’admire sincèrement l’énergie de cette bande d’artistes, pour laquelle le groupe prime sur l’individu. Où qu’ils soient dans le monde, ils se rendent service, se soutiennent en faisant la deuxième caméra sur le tournage de leur pote, en jouant dans leurs films respectifs… Pourtant, ils ont tous des agendas bien remplis. Depuis cette année, par exemple, JR s’occupe de la section Image à l’école. Lui : Et qu’en est-il de votre projet de film avec votre compagnon ? LS : Cela ne se fera pas tout de suite, mais la route est encore longue. Nous avons déjà un projet de vie commun qui me semble être une jolie œuvre d’art. J’ai en revanche tourné un film surprise avec Mouloud Achour, un autre copain de Kourtrajmé : c’est son premier, une farce absurde sur les médias, dans laquelle je joue une présentatrice de débats télé. Lui : Passer à la réalisation vous a déjà tentée ? LS : Non, je suis une piètre compositrice de plans. Mais l’écriture m’intéresse. La production aussi, au point que je viens de créer ma société. Je pense être assez persuasive pour défendre les projets auxquels je tiens. J’ai l’impression d’arriver à un moment de ma vie où tout est possible. Je suis actrice depuis si longtemps que j’avais presque
oublié que je pouvais tenter d’autres choses. J’ai envie d’entreprendre, de m’éprouver. Le passage à la quarantaine, peut-être… Lui : Vous serez prochainement dans La Ruche, une adaptation du roman d’Arthur Loustalot… LS : C’est la première fiction du documentariste Christophe Hermans : je joue une mère de famille bipolaire, un rôle difficile qui a demandé pas mal de préparation. D’abord théoriquement, avec des docus et des livres, puis en assistant à des groupes de parole. J’ai été frappée de voir combien les malades et leur entourage vivent dans la peur permanente de la crise. C’était une expérience incroyable, plus encore parce que ma fille aînée me donne la réplique. Avec sa sœur, elles jouaient les filles d’Alexis Manenti dans Les Misérables : c’était rigolo mais ça l’avait laissée sur sa faim. Alors, je lui ai fait lire le scénario de La Ruche et elle a voulu passer les essais. Le réalisateur m’a dit qu’elle crevait l’écran et, plutôt que de la voir jouer la fille d’une de mes copines dans un film, autant qu’elle commence avec moi. Ça me rassure ! C’était important qu’elle commence par un projet indépendant et pas par une grosse production où tout est plus confortable. Je ne veux pas qu’elle ait une vision biaisée de notre métier. Lui : Vous avez un peu plus de 20 ans de carrière. Quel regard portez-vous sur votre parcours ? LS : Je suis heureuse d’être toujours là ! Et je suis une spectatrice enjouée du changement qui s’opère depuis MeToo. Je me suis heurtée à la misogynie de certains hommes, j’ai croisé des prédateurs dans ma carrière, mais j’ai eu la chance de passer entre les gouttes. Ce n’est pas le cas de toutes les femmes et l’émergence de collectifs pour la parité comme 50/50 x 2020, la prise de parole ou la voix de réalisatrices talentueuses déplacent peu à peu les curseurs. • La Forêt de mon père, de Vero Cratzborn, en salles le 27 mai.
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« JE SUIS DE NATURE TIMIDE » STÉFI CELMA PROFITE ET ÇA SE VOIT. SOURIRE AUX LÈVRES, REGARD TOUR À TOUR ÉMERVEILLÉ ET CONCENTRÉ, ELLE NE PERD PAS UNE MIETTE DE SA VIE. ENTRE THÉÂTRE, MUSIQUE, TÉLÉVISION ET CINÉMA, L’ACTRICE ET CHANTEUSE RÉVÉLÉE PAR LA SÉRIE DIX POUR CENT TOUCHE À TOUT AVEC GOURMANDISE, COMME SI DEMAIN ÉTAIT INCERTAIN. ON NE VA PAS S’EN PLAINDRE.
Lui : Miss est un film merveilleux sur un jeune homme qui rêve de devenir Miss France, dans lequel vous incarnez une candidate un peu mauvaise, prête à tout pour remporter la couronne… Comme peste, vous êtes très convaincante ! Stéfi CeLma : Merci, c’est gentil ! (Rires) Ça m’a plu de jouer un personnage dont je ne porte pas du tout les traits de caractère. Je n’irais pas jusqu’à dire qu’elle est mauvaise, mais son ambition peut la rendre prête à tout. J’aime la façon dont le réalisateur, Ruben Alves, traite les rapports humains, avec beaucoup de sensibilité, comme dans son premier film, La Cage dorée. C’est un amoureux de l’être humain. Et Alexandre Wetter, le rôle principal de Miss (voir notre portrait page 48, ndlr), est d’une justesse et d’une authenticité bouleversantes. Il a donné beaucoup de lui et a apporté énormément au film. Une part de réalisme qui laisse difficilement insensible. Lui : Ça vous faisait rêver Miss France, quand vous étiez petite ? SC : Je l’avoue, je rêvais de devenir Miss France. Chaque année, c’était un grand événement cathodique à la maison. Ma mère préparait le repas pendant que je me fabriquais une couronne et une écharpe Miss Martinique avec des feuilles A4 ! Et je défilais devant ma télé… Adolescente, j’ai fait pas mal de mannequinat et je reste super admirative de toutes ces filles qui enchaînent les castings et qui sont jugées toute la journée sur leur apparence physique. J’étais pourtant squelettique, mais certains critiquaient mes hanches trop larges… Pour moi, c’était d’une violence absolue et je n’avais pas la personnalité adaptée à ce métier. En revanche, ça m’a permis d’avoir un peu d’argent à 18 ans
pour pouvoir me lancer et progressivement devenir autonome. Lui : Quel genre d’études avez-vous suivi ? SC : J’ai passé un bac S et mes profs m’ont poussée à faire des études de maths à Tolbiac. J’ai tenu quinze jours et je me suis vite échappée pour ne pas tomber en dépression ! J’ai commencé un cursus en sciences économiques, sans grande conviction. C’était pour assurer mes arrières. J’aime autant mon côté rêveur qu’avoir les pieds sur terre ! Ma passion, à l’époque, c’était la musique. J’ai participé à Sol en cirque, un spectacle écrit par Zazie et à la comédie musicale Je m’voyais déjà de Laurent Ruquier. Jamais je ne pensais pouvoir jouer la comédie, jusqu’à ce que j’obtienne un rôle dans une série, de manière complètement inattendue, car je n’avais jamais pris de cours de théâtre. Lui : Vous n’aviez jamais rêvé de devenir actrice ? SC : Enfant, je rêvais secrètement de faire un film un jour, mais j’ai grandi tellement loin de ce milieu… Je n’ai manqué de rien, mais j’ai eu enfance modeste. Donc, oui, le rêve était indispensable. Ma famille m’a soutenue et accompagnée dans mes passions et dans mes rêves. J’ai toujours fait le clown à la maison. C’était surtout un moyen de communiquer avec ma sœur handicapée. Pour la rassurer dans ses moments de grandes crises, je lui jouais quelques morceaux classiques au piano et elle se calmait. Cela nous faisait énormément de bien à toutes les deux. J’avoue que je saoulais un peu tout le monde avec mes spectacles. Surtout lorsque j’éteignais la télé en plein milieu de Mac Gyver pour montrer à mes cousins mon tout dernier sketch… Je suis de nature très timide, mais jouer d’autres personnages m’aidait → à sortir de ma nature un peu réservée.
PAR JOSÉPHINE SIMON-MICHEL - PHOTOS MICHEL SEDAN
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« MA VIE PROFESSIONNELLE A ÉTÉ UN TOURBILLON AU PASSAGE DE MES 30 ANS. AUJOURD’HUI, JE ME SENS UNE VRAIE FEMME ET JE SAIS CE QUE JE VEUX »
Lui : Et en 2015, Cédric Klapisch vous a choisie pour interpréter Sofia dans Dix pour cent. SC : Au bout de trois lignes du scénario, j’étais déjà fan de la série. J’ai passé les essais devant Cédric Klapisch et je peux vous assurer que j’ai eu une vraie montée de stress. Je devais préparer un monologue. Maurice Barthélémy m’avait fait découvrir une interview surréaliste de Jean‑Claude Van Damme : je l’ai apprise par cœur et je l’ai interprétée comme un monologue un peu barré. J’ai ensuite joué une chanson à la guitare. Une semaine plus tard, j’ai reçu un appel de Cédric Klapisch m’annonçant que j’avais le rôle. Cet appel a changé le cours des choses. Aujourd’hui, je reçois de belles et diverses propositions de rôles et je commence à avoir le privilège de pouvoir choisir. Lui : Êtes‑vous à l’aise avec votre notoriété ? SC : Notoriété, c’est gentil mais je n’irais pas jusque‑là. Le personnage de Sofia attire énormément de sympathie et mes caractéristiques physiques – afro et dents du bonheur – me rendent plutôt rapidement identifiable. Ce n’est que du love ! En revanche, l’exercice des interviews n’est pas simple. Je ne suis pas quelqu’un qui a toujours quelque chose à dire, je préfère rester silencieuse et observer les autres… Lui : Comment réagissez‑vous au regard des hommes sur vous ? SC : Je reçois dans mon métier et dans la vie en général des regards plutôt bienveillants de la part des hommes. Comme toutes les femmes, je suis tombée quelques fois sur des mecs relous, mais je suis Martiniquaise… On apprend vite à démasquer et à désamorcer les tchatcheurs ! (Rires) Lui : Vous avez des amis dans le cinéma ? SC : Je pense directement à Sabrina Ouazani et à Alice David, qui font partie des belles rencontres
que j’ai pu faire dans ce métier… Tout comme l’équipe de Dix pour cent. Mais je suis quelqu’un qui a gardé le même cercle d’amis depuis toujours. C’est important pour moi de préserver ma base. Dans le cadre de la musique, j’ai fait de belles rencontres à Bruxelles. J’ai eu un coup de cœur pour le calme et l’authenticité de cette ville, et je m’y suis récemment installée. Il y a de très grands artistes là‑bas. Je m’y sens inspirée. Lui : Avez‑vous toujours assumé vos cheveux frisés ? SC : Je suis née avec les cheveux frisés, je suis fière de mon identité. Je suis pour la diversité des visages, des opinions, des pensées, alors oui, je les aime. Même si, comme beaucoup de noires, il m’est arrivé de les défriser. Je peux vous dire que je préfère mon afro, déjà parce que l’idée de se mettre des produits chimiques sur la tête pour avoir les cheveux lisses, ce n’est pas top et parce que la nature m’a faite comme ça. En vivant en paix avec sa différence et son identité, je pense qu’on est plus en harmonie avec les autres. Aujourd’hui, je suis un peu identifiée avec cette afro, mais cela ne me pose aucun problème. Au contraire, je dirais même qu’elle m’a peut‑être porté chance. Lui : On va beaucoup vous voir cette année à la télévision et au cinéma. Comment vous vous sentez ? SC : Ma vie professionnelle a été un tourbillon au passage de mes 30 ans. Aujourd’hui, je me sens une vraie femme et je sais ce que je veux. Avant, j’étais un peu comme un diesel, avec beaucoup de doutes et de questions sur moi‑même. J’ai conscience que tout peut s’arrêter du jour au lendemain, alors je dégage une énergie folle. Pour ne rien regretter. • Miss, de Ruben Alves, au cinéma le 11 mars 2020.
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L’ESPION QU’ON AIMAIT LE 8 AVRIL, MOURIR PEUT ATTENDRE, 25E OPUS DE LA SAGA CINÉMATOGRAPHIQUE JAMES BOND, SORTIRA EN FRANCE. MALGRÉ 58 ANS PASSÉS À SAUVER LE MONDE SUR LES ÉCRANS, 007 NE SEMBLE TOUJOURS PAS AVOIR PRIS UNE RIDE. COMMENT EXPLIQUER SA LONGÉVITÉ ET SON SUCCÈS ? RÉPONSE SOUS L’ÉCLAIRAGE DE L’EXPERT GUILLAUME EVIN.
que l’interprète. Dans l’inconscient collectif, 007 est une sorte de surmoi de l’homme occidental. Il n’est pas invulnérable mais reste invincible. Il est prêt à sacrifier sa vie pour l’Angleterre et le monde libre mais reste hédoniste. C’est le chevalier des temps modernes en smoking : il terrasse le dragon mais croque aussi la vie à pleines dents. C’est un bon vivant avec une armature morale. » Chaque acteur a bien sûr coloré l’agent avec sa propre palette, raccord avec les codes de l’entertainment et de la société de leur époque. Dans les années 1960, le Bond de Sean Connery est chic et sérieux. Roger Moore le pose en flambeur glamour, à l’humour ravageur. Dalton prend le contrepied avec une partition plus sombre et tourmentée, fidèle à l’esprit des romans. Pierce Brosnan compose un personnage mainstream, rassurant, avant de passer la main à Daniel Craig, Bond tête brûlée qui, dans un monde post-attentats dur et violent, sait aussi se faire tendre et tomber amoureux. Justement, quid des James Bond Girls ? Elles suivent la même évolution. Pour plaire au public féminin, impossible de rester figé sur l’archétype de la belle plante en danger. « C’était au départ le “sois-belle et tais toi” poussé à son paroxysme, analyse le bondologue. Mais la potiche est devenue fortiche en accompagnant l’évolution du statut des femmes au sein de la société. » Out les cruches interprétées par Tanya Roberts dans Dangereusement vôtre ou Daniela Bianchi dans Bons baisers de Russie… Halle Berry, Michelle Yeoh ou Sophie Marceau sont plus badass, plus indépendantes, plus létales. Mieux encore : elles se hissent parfois à la hauteur du héros, comme Vesper Lynd (Eva Green) dans Casino Royale
Depuis six décennies, James Bond fume des hordes de méchants à la pelle et s’en sort avec quelques cocards et côtes cassées ; il fornique à tout-va sans contracter de MST ou de paternité non désirée ; il traverse la planète entière en trois jours sans souffrir du jet-lag. Et pourtant, le spectateur
y croit encore et redemande régulièrement sa dose de vodka martini. Il faut dire que James Bond a su se réinventer, s’adapter et surtout franchir tous les obstacles, notamment la mort de son créateur Ian Fleming en 1964, année de sortie de Goldfinger. On craint alors que la poule aux œufs d’or ne ponde plus, mais des scénaristes avisés ravivent miraculeusement la source. Même crainte quand les producteurs historiques, Albert Broccoli et Harry Saltzman, se séparent, mais le premier reprend le flambeau seul, et avec brio, avant de passer la main à sa fille Barbara et à son fils adoptif, Michael G. Wilson, formés à bonne école. Mais pour le grand public, le plus dur reste à faire : accepter le changement d’acteur dans le rôle titre. Six hommes ont incarné le héros dans la franchise « officielle » : Sean Connery, George Lazenby, Roger Moore, Timothy Dalton, Pierce Brosnan et Daniel Craig, qui tirera justement sa révérence avec Mourir peut attendre. Guillaume Evin, auteur entre autres d’Il était une fois… James Bond et de James Bond : L’Encyclopédie 007, commente : « On n’imagine pas la même chose avec Pirates des Caraïbes, Mission Impossible ou Indiana Jones, des séries indéfectiblement liées à leur interprète. Pour Bond, cela semblait au départ impensable de remplacer Sean Connery, mais cela a fonctionné pour une raison simple : le personnage est plus grand
PAR JULIETTE MORGAN
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DANS MOURIR PEUT ATTENDRE, JAMES BOND (DANIEL CRAIG) EST AMOUREUX DU DR SWANN (LÉA SEYDOUX). MAIS IL RENCONTRE AUSSI PALOMA (ANA DE ARMAS)…
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EN HAUT : ROGER MOORE ET MAUD ADAMS DANS OCTOPUSSY. CI-CONTRE : SEAN CONNERY ET SHIRLEY EATON SUR ANGELINA JOLIE JOUE LES MARÂTRES LE TOURNAGE GOLDFINGER. ENSORCELANTES DANS DE MALÉFIQUE (2014).
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« L’INCLUSION A TOUJOURS FAIT PARTIE DE LA FRANCHISE. COMME DANS TOUT BLOCKBUSTER, IL Y A SOUVENT UNE ARRIÈRE-PENSÉE COMMERCIALE DERRIÈRE CES CHOIX PROGRESSISTES, MAIS CE SONT DE TRÈS BONS SIGNAUX ENVOYÉS »
ou Madeleine Swann (Léa Seydoux) dans Spectre et Mourir peut attendre. La féministe et brillante Phoebe Waller Bridge, scénariste des séries Fleabag et Killing Eve, enrôlée sur Mourir peut attendre, devrait encore faire bouger les lignes et redéfinir plus justement le rapport entre Bond et ses acolytes féminines. Au point d’imaginer un jour un James Bond au féminin pour répondre aux attentes d’une époque ayant enfin pris conscience du manque de représentations justes des femmes à l’écran ? « On peut bien entendu créer un personnage de super-agente du MI6, comme le sera visiblement Lashana Lynch dans Mourir peut attendre et lui donner le matricule 007. James Bond n’en est pas propriétaire. Le numéro était libre, on lui a octroyé, mais s’il disparaît du service actif d’une façon ou d’une autre, son matricule peut être attribué à un ou une autre. » Ce qui reste donc probable : une franchise dérivée avec un personnage d’espionne du MI6 en parallèle de la saga, qui devra trouver un nouvel acteur pour incarner le mythe. Le nom d’Idris Elba a d’ailleurs circulé pour la suite des aventures. « L’inclusion a toujours fait partie de la franchise : en pleine blaxploitation, Trina Parks devient la première Bond Girl noire dans Les Diamants sont éternels. Suivront Gloria Hendry, Grace Jones, Michelle Yeoh, Halle Berry… Chez les hommes, je pense au méchant gay incarné par Javier Bardem dans Skyfall. Comme dans tout blockbuster, il y a souvent une arrière-pensée commerciale derrière ces choix progressistes, mais ce sont de très bons signaux envoyés. Il est essentiel que tous les publics aient des modèles auxquels s’identifier et Bond a fait du chemin depuis les écrits
de Fleming, dandy anglais misogyne, volontiers raciste et prisonnier des préjugés de son temps. » Épousant les soubresauts géopolitiques de son époque dans ses scénarios (guerre froide, terrorisme…), la franchise a aussi su évoluer visuellement, en intégrant effets spéciaux et technologie dernier cri à ses cascades. Mais sans pour autant éliminer les corps à corps musclés entre le surhomme et ses ennemis, petites friandises de longs-métrages. James Bond a inventé le film d’action moderne, en a écrit la grammaire et n’entend pas se faire voler la vedette par ceux qui tentent de l’imiter (Jason Bourne, Largo Winch…). Ses premiers producteurs le revendiquaient : « Chaque dollar dépensé doit se voir à l’écran. » En revanche, toujours rien de subversif pour 007 qui, pour maintenir son hégémonie, doit plaire aux hommes, aux femmes et aux adolescents. « Seul Permis de tuer, jugé trop violent, a eu maille à partir avec la censure mais, dans l’esprit des producteurs, il faut qu’un Bond puisse s’adresser à tous : l’érotisme est soft, Bond fume de moins en moins, et on voit beaucoup de morts à l’écran, mais quasiment jamais de sang, conclut le spécialiste. C’est avant tout un divertissement grand public qui doit envoyer du rêve. C’est un détail mais, dans les films, il fait d’ailleurs toujours beau, exception faite d’une scène dans Casino Royale. On est dans un monde à part. » Un monde où le héros fait briller le soleil : l’apanage des dieux immortels. • Mourir peut attendre, de Cary Fukunaga, le 8 avril au cinéma. James Bond, la légende en 25 films, de Guillaume Evin, sortie le 19 mars aux éditions Hugo Images, 240 p. Il était une fois… James Bond, de Guillaume Evin, aux éditions de L’Archipel, 240 p., 18 €. James Bond : L’Encyclopédie 007, de Guillaume Evin, paru aux éditions Hugo Image, 224 p.
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D O U C E U R
« JE NE ME REGARDE PLUS » AU LUI, ON AIME LA DOUCEUR. RENCONTRER ISABELLE CARRÉ NOUS A DONC SEMBLÉ TOUT À FAIT NATUREL. VÊTUE DU SWEAT DE SON FILS ET BASKETS AUX PIEDS, L’ACTRICE, ÉCRIVAINE ET COMÉDIENNE MULTIRÉCOMPENSÉE NOUS A PARLÉ CINÉMA, ACTEURS, IMAGE DE SOI, HARCÈLEMENT, METOO, ÉDUCATION… ET C’ÉTAIT DOUX.
Lui : Vous êtes épatante en Yvonne de Gaulle, et on découvre dans De Gaulle le rôle majeur que cette femme a joué dans la carrière politique de son époux. isabeLLe Carré : Si Yvonne et ses enfants avaient été pris par les Allemands, de Gaulle n’aurait rien pu faire. Elle a eu une intuition incroyable de partir se réfugier en Bretagne, puis de prendre le dernier bateau pour Londres. L’histoire du Général de Gaulle n’a été faite que d’enchaînements d’improvisation et de bonne intuition. C’était important de montrer les répercussions intimes de ses décisions politiques, ce qui se passe dans des bureaux, mais aussi de raconter cette famille fragile avec cette petite fille trisomique qu’il faut porter dans la débâcle. Lui : Cette petite fille a une grande importance dans ce film… iC : C’est aussi une des raisons pour lesquelles j’ai accepté ce rôle. J’aime ouvrir des portes sur des mondes que je ne connais pas. Grâce à Jean-Pierre Ameris, j’ai appris la langue des signes dans Marie Heurtin et travaillé avec les migrants dans cette terrible “jungle” de Calais... Bertrand Tavernier nous a permis de découvrir les orphelinats de Phnom Penh. Autant de mondes qui m’étaient étrangers et qui m’ont apporté tellement de richesses. Lui : On sent une grande complicité entre vous et Lambert Wilson. iC : Lambert compte énormément pour moi. Nous avions déjà travaillé ensemble dans Cœurs, d’Alain Resnais, et nous avions tissé des liens très forts. Je suis toujours émue par son jeu,
sa disponibilité et sa générosité. Le couple fonctionne bien, je pense. Lui : Quels ont été vos meilleurs partenaires de jeu ? iC : J’ai la chance d’en avoir eu des merveilleux… J’aimerais retrouver Daniel Auteuil, car il a joué mon papa pour mon tout premier rôle dans Romuald et Juliette. Benoît Poelvoorde me manque aussi. Sur les tournages, je suis sa première spectatrice, j’ai chaque fois le sentiment d’être privilégiée de jouer à ses côtés. Lui : Que pensez-vous de l’actrice quand vous regardez vos films ? iC : Cela fait huit ans que je ne me regarde plus. Je me suis toujours forcée, mais ça me coûtait beaucoup. J’étais trop souvent trop déçue par mon jeu. Benoît Poelvoorde déteste également se voir. Je préfère garder les souvenirs, les émotions du tournage, qui sont tellement intenses. Le résultat ne nous appartient plus, les spectateurs ne voient que le résultat final d’un film, mais il y a les avants et les après des scènes. Un peu comme si vous ne regardiez que les photos de vacances alors qu’il y a tellement plus que ces moments immortalisés. Donc voir le film terminé est forcément réducteur. Je préfère aller voir les films des autres, ça m’enrichit plus que de me regarder. Lui : Vous ne semblez pas égocentrique… iC : Je dois avoir ma part d’égocentricité car, pour être comédienne, il faut aimer être regardée. Un peu comme une enfant qui a ce désir constant d’être regardé par ses parents. On a tous besoin de cette approbation, de ne pas se sentir seul.
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Lui : Vous
avez un problème avec votre image ? du tout, mais mon image ne m’intéresse pas. Très souvent, je l’oublie. Si on commence à faire attention à tout ce que l’on dit, où est la spontanéité ? Lui : Vous ressentez une certaine pression de la société ? iC : Pas vraiment. Mais il y a tout de même cette injonction à être parfaite, mince, coquette, jeune, supermaman. On demande aussi beaucoup aux hommes. Un garçon doit savoir se battre dans la cour de récré, avoir le sens de la répartie, être populaire… On nous interdit d’être différents. Lui : Et différente, vous l’êtes… Il vous est difficile de cacher votre hypersensibilité. iC : C’était très embarrassant quand j’étais ado, car je prenais tout à cœur et je pleurais tout le temps. Quand je tombais amoureuse, j’étais dans l’extrême à en faire fuir le mec ! Un chauffeur de taxi avec qui je parlais de mon métier m’a fait cette remarque assez pertinente : il me racontait combien nous, les comédiens, avions de la chance de pouvoir pleurer dans nos films. Lui, comme la plupart des autres être humains, ne peut pas pleurer au bureau parce que ça enverrait une image jugée négative. Et imaginez une DRH avec la voix de Charlotte Gainsbourg… ! Dans la vie, il faut être performant, solide et cacher ses émotions… Lui : Votre premier roman, Les Rêveurs (éditions Grasset, 2018, ndlr), raconte votre enfance un peu chaotique dans une famille déglinguée. Vous l’êtes aussi, déglinguée ? iC : C’était une époque où l’on découvrait la place de l’enfant. Mes parents étaient dans une recherche de liberté sans injonction familiale. C’était passionnant de voir des adultes chercher leur vérité… Lui : Et vous, comment avez-vous vécu cette éducation en marge ? iC : À 3 ans, j’ai voulu voler comme Mary Poppins et j’ai sauté par la fenêtre en pensant que j’allais me déposer plus au moins comme une plume légère… Et je me souviens de chaque instant du choc. J’ai une jambe plus courte que l’autre avec une énorme cicatrice. Les médecins pensaient que je boîterais toute ma vie mais, par miracle, tout va bien. J’ai même pu pratiquer la danse, mais j’ai dû arrêter. Non pas à cause de mon accident, mais parce que je n’étais pas du tout douée pour ça. iC : Pas
Lui : L’abandon de la danse a-t-il été douloureux pour vous ? iC : J’ai commencé la danse classique tardivement, à 13 ans, car je recherchais un cadre strict que je n’avais pas à la maison. Adolescente, j’étais en quête de ce désir d’absolu qui m’était inaccessible. Cet échec constaté a été difficile à avaler car j’avais eu un coup de foudre artistique avec la scène. Et heureusement, j’ai trouvé un équilibre grâce au théâtre. Lui : Quand vous aviez 14 ans, votre père vous a révélé son homosexualité. Comment l’avez-vous vécu ? iC : Comme un soulagement. Je voyais bien que mon père souffrait, car ce secret était lourd à porter. Dans les années 1960, l’homosexualité était un délit à combattre, considérée comme une maladie par l’OMS. Camus a dit : “Qu’est-ce que le bonheur sinon l’adéquation entre un homme et la vie qu’il mène ?” Les couples homoparentaux sont en adéquation avec eux-mêmes. C’est aux autres de changer de regard. C’est aussi simple que ça. Lui : Avez-vous, comme de nombreuses femmes, été victime de harcèlement ? iC : Je n’aime pas trop en parler, mais oui. La première fois, j’avais 12 ans. Je me baladais dans la rue et un homme me touche la poitrine en criant : “Ça pousse, ça pousse !” Et des agressions physiques similaires, j’en ai subies jusqu’à mes 18 ans environ. Ce sont les périodes les plus vulnérables dans la vie d’une jeune femme. Je rêve d’un jour où les adolescentes pourront sortir le soir sans flipper… Lui : Avec le mouvement MeToo, il y a une certaine évolution… iC : Il aura fallu attendre 2020 pour qu’enfin les choses soient mises sur le tapis. Il était temps, non ? Lui : Vous sentez-vous concernée par l’affaire Weinstein ? iC : Après l’affaire, j’ai reçu beaucoup d’appels pour témoigner, mais je n’en étais pas capable. Je suis extrêmement reconnaissante à toutes les femmes qui ont osé. Je m’en suis voulu de ne pas avoir cette force-là, d’aller sur un plateau, de raconter et de voir mes propos repris partout sur le net de façon sensationnelle… La question du consentement est vraiment intéressante et va changer autant la vie des femmes que celles des hommes. • De Gaulle, de Gabriel Le Bomin, au cinéma le 4 mars 2020.
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« JE SUIS OBSÉDÉ PAR LA SINCÉRITÉ » IMITATEUR, CHRONIQUEUR, ACTEUR, ANIMATEUR, COMÉDIEN DE STAND-UP, RÉALISATEUR… JÉRÔME COMMANDEUR ACCUMULE DEPUIS PLUS DE DIX ANS LES CASQUETTES, AVEC PLUS OU MOINS DE SUCCÈS. PARCE QUE DANS LA VIE, TOUT NE MARCHE PAS TOUJOURS COMME ON VOUDRAIT. MAIS, ON LE SAIT, L’OPINIÂTRETÉ FINIT GÉNÉRALEMENT PAR PAYER : À 43 ANS, L’HOMME EST À L’AFFICHE DE QUATRE LONGS-MÉTRAGES, COURT LES INTERVIEWS ET SE PRODUIT DANS TOUTE LA FRANCE AVEC SON ONE-MAN-SHOW TOUT EN DOUCEUR. COMME QUOI.
des sketches, mais c’était flou. Aujourd’hui, je me sens beaucoup plus à l’aise à tous les niveaux. Dans mes spectacles, je suis sans filtre. J’évoque mon poids en disant : “Les chiffres que j’ai vus sur ma balance sont, je ne peux pas vous le dire, mais je vous donne un indice… Dalmatiens… Et encore on a fait rentrer les petits chiots…” C’est vrai que j’aimerais bien perdre des kilos, mais faire rire 2 000 personnes avec ces blagues, ça me rend tellement heureux ! Lui : Vous évoquez aussi la mort… JC : Comme beaucoup de gens, je suis angoissé, voire fasciné par la mort. C’est une partie de nous-mêmes que l’on ne connaît pas. Lui : Qu’aimeriez-vous comme épitaphe ? JC : “Mec sympa”… Pas mal, non ? Lui : En parlant avec vous, on vous sent assez pudique. C’est le cas ? JC : Je le suis. Et pourtant, il y a une forme d’impudeur à jouer sur scène, car je veux qu’on me regarde. Mais, une fois que tout est éteint, je redeviens très pudique. Sûrement parce que j’ai eu une dose de reconnaissance suffisante pour me sentir bien. Mais dans la vie, j’essaie de rester le plus discret possible. Par exemple, je suis tétanisé si on me demande de lire un discours à un mariage… Lui : Qu’est-ce qui ne vous fait pas rire ? JC : Parler de banalités ne m’intéresse pas. Un humoriste doit avoir sa propre langue. Je suis obsédé par la sincérité. Quand un gamin me dit qu’il veut faire le même métier que moi, je lui demande de me raconter une histoire que lui seul peut raconter. Lui : Et c’est quoi votre langue à vous ? JC : C’est un peu “une tape, une caresse” : une phrase très cinglante balayée par un sourire. Mes potes me disent souvent que je suis un peu →
Lui : Dans votre dernier spectacle, vous parlez beaucoup des cons… Beaucoup doivent se sentir visés ! Jérôme Commandeur : Avec le privilège de l’âge, même si je n’ai que 43 ans, on analyse plus vite notre société et le constat est là : le con d’aujourd’hui est celui qui parle fort et souvent avec des erreurs de syntaxes, du genre “Les gens y croivent”, qui te font saigner les oreilles. Il y a surtout une vraie revendication du con. Avec les réseaux sociaux, l’individu est devenu promoteur de lui-même. Avant, c’était le savoir qui hiérarchisait mais, aujourd’hui, les curseurs de la société ont bougé. Et les traiter avec humour dans un spectacle, c’est passionnant. Lui : Et vous en connaissez beaucoup, des cons ? JC : On est tous le con de quelqu’un, mais parfois, ça pique vraiment les yeux. Ce que j’adore, c’est le con arrogant, le con prémium. Je pense à un en particulier, qui est d’une débilité affligeante, mais il te regarde de haut. Ce sont des profils que ne renieraient ni Francis Weber, ni le Splendid… Lui : Vous critiquez également ceux qui balancent sans arrêt “C’était mieux avant”. Vous l’aimez vraiment, cette période un peu morose ? JC : C’est juste le fait d’avoir vécu d’autres périodes qui nous rend nostalgiques. Mais dire “C’était mieux avant” est très franco-français. Il y a des pays où les gens vivent des choses bien pires que nous mais, dans notre pays, je trouve que l’on est toujours très passéiste et dépressif… Dès que tu allumes la télé, tu entends qu’on est dans une merde noire. Pareil quand tu dînes chez des potes… Ce qui m’intéresse, c’est de comprendre pourquoi on est tous comme ça. Lui : Vous l’êtes aussi, vous, dépressif ? JC : Dépressif, non. À 20 ans, je me cherchais professionnellement. Je savais que je voulais faire
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« J’AI ÉTÉ TELLEMENT HEUREUX DE PRÉSENTER LES CÉSAR QUE JE N’AI MÊME PAS PENSÉ AUX ÉVENTUELLES CRITIQUES. J’ÉTAIS COMME UN GAMIN À DISNEYLAND »
schizophrène car, dans mon spectacle, il y a des moments de nostalgie et d’autres complètement réacs… J’adore ! Lui : Vous vous allongez de temps en temps pour en parler ? JC : J’ai été pas mal suivi. Mes séances de psychothérapie m’ont appris à mettre de la lumière, mais ça n’a rien changé au bordel. J’ai juste vissé une ampoule dans ma vie pour ne plus me cogner un peu partout. Lui : Vous devez bien vous marrer à présenter Burger Quiz… JC : C’est surtout un cadeau de rencontrer un comédien comme Alain Chabat. À la sortie de mes spectacles, on me dit : “Vous ferez la bise à Alain” ! Merci la vie de m’avoir fait rencontrer ce super collègue avec qui je rigole au self ! Lui : Vous êtes aussi très proche de Dany Boon et de Florence Foresti… Vous cherchez encore à les faire rire ? JC : Bien sûr que je cherche encore leur approbation. Dany et Florence font partie de ma vie. Nous partons même en vacances ensemble… Un peu comme dans le film Barbecue mais, je vous rassure, ça se passe beaucoup mieux ! En vacances, j’adore être seul dans le groupe. C’est assez capricieux, mais j’aime lire tranquillement mon livre dans le salon pendant que mes potes sont à la piscine. Mais pas trop loin d’eux non plus, que je puisse rebondir immédiatement s’ils prévoient du saumon à midi alors qu’on en a déjà mangé la veille. Lui : Que pensent vos parents de votre carrière ? Lui : Ils me font part de leur satisfaction, mais mon métier est trop impalpable pour eux. L’autre jour, mon père m’appelle et me dit : “J’ai un truc fou à te raconter ! Philippe et Jean-Pierre, les cousins de Gap, t’ont vu à la télé.” Tout est décalé avec eux,
ils ne réalisent pas du tout. Ma mère me demande encore de mettre des chaussons quand je rentre chez eux… Lui : Où trouvez-vous les prénoms de vos sketches ? JC : Dans les films français, le héros s’appelle souvent Antoine Fournier. C’est très Truffaut ou Sautet. Mais, dans la vraie vie, il y a plutôt des Nicole Couchart ou des Jean-Pierre Pequou, expert à Niort. Et j’adore les vraies gens. Dans son dernier spectacle, Malik Bentalha parle des prénoms des professeurs. Quand j’apprenais que ma prof de maths s’appelait Sylvie, j’étais hilare ! Pareil si je les voyais au marché acheter des carottes et des poireaux… Ça me faisait mon week-end ! Et puis, je ne suis pas préservé et je suis d’accord de dire que s’appeler Commandeur, c’est un peu bourrin. Mais c’est mon vrai nom ! Lui : Est-ce plus difficile de faire rire une salle à la cérémonie des César ? JC : Objectivement, c’est tétanisant de présenter les César. Je balayais la salle du regard et je voyais Costa Gavras, George Clooney, Isabelle Huppert… Mais j’ai été tellement heureux d’être là-bas que je n’ai même pas pensé aux éventuelles critiques. J’étais un peu comme un gamin à Disneyland. Lui : Et gamin, vous lisiez Lui ? JC : Lui fait partie de ces magazines que je ne lisais pas mais que je connais quand même… Ça représente une certaine esthétique des années 1980. Un esprit de liberté qui fait péter toutes les barrières. L’époque où les shootings de mode duraient une semaine aux Seychelles. Alors qu’aujourd’hui, vous êtes dans un bar d’hôtel avec moi. Pas de chance pour nous deux, on a vraiment changé d’époque ! • Tout en douceur, de Jérôme Commandeur, en tournée dans toute la France. La Grande déraille, de Benjamin Euvrard, au cinéma le 15 avril 2020.
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« JE VEUX ÊTRE UN GAGE DE QUALITÉ » ON NE VOIT QUE LUI. AU CINÉMA (LE GRAND BAIN, LE SENS DE LA FÊTE, HORS NORME, LA VIE SCOLAIRE, UNE BELLE ÉQUIPE ET BIENTÔT LUCKY), À LA TÉLÉVISION (BURGER QUIZ), SUR NETFLIX (JUSQU’À L’AUBE), SUR SCÈNE (VEDETTE, LE COMEDY SHOW)… ON POURRAIT EN AVOIR MARRE S’IL N’ÉTAIT PAS SI MARRANT. ÉLEVÉ À L’IMPRO, AU BOULEVARD ET AU STAND-UP, ALBAN IVANOV GOÛTE AVEC PLAISIR LES JOIES DE SON MÉTIER ET NOUS EN FAIT PROFITER. QUI SOMMES-NOUS POUR REFUSER ?
LUI : Dans Lucky, vous incarnez un mec un peu
à ma place. J’ai grandi dans un logement social à Versailles et l’impro m’a donné les bases pour me mélanger avec tous les milieux sociaux. C’est une force de pouvoir s’entendre avec des jeunes plutôt favorisés qui n’ont pas la même vie. Si je n’ai pas fait de graves conneries, c’est grâce au théâtre. Ça devrait être obligatoire dans toutes les cités. LUI : Comment avez-vous eu votre premier rôle ? AI : Un jour, je chatte sur Internet avec un agent artistique, Jacky Henser, et il me donne rendez-vous dans ses bureaux, à gare du Nord. J’y vais sans grande conviction et surtout avec la crainte de me retrouver en slip, déguisé en panda ! (Rires) Mais non, et quelques mois plus tard, je décroche mon premier rôle, à 17 ans, dans le téléfilm L’Instit aux côtés de Gérard Klein… Je n’ai plus voulu faire marche arrière et j’ai fait mes adieux à mon brillant parcours scolaire ! LUI : Quelle éducation avez-vous reçue ? AI : Il y avait une règle principale : ne pas ramener la police à la maison. Ma mère nous a bien élevés, mon frère et moi, on n’a jamais manqué de rien. En revanche, la situation de mon père était plus chaotique. Il a quitté Narbonne pour Paris puis, au bout de quelques mois, il s’est retrouvé sans rien, à la rue. Il vivait dans un parc à Longjumeau. À 8 ans, je prenais le RER C avec mon frère pour aller le voir, sans ticket. LUI : Quelle image un garçon peut-il avoir de son père qui vit dans la rue ? AI : Elle ne peut pas être positive… Ma hantise, c’était que le collège apprenne que mon père était SDF. C’était déjà compliqué pour moi car je vivais dans le quartier des HLM. Pour un gamin, c’est la honte d’avoir un père clochard. Malheureusement, il est mort en 2015, juste avant que ma carrière
paumé qui vole un chien de douanier pour trouver du shit. Malgré l’humour très belge du réalisateur de Dikkenek, vous arrivez à être très émouvant… ALbAn IvAnov : Vous savez, j’ai en moi une certaine palette d’émotions. (Rires) Pour qu’une comédie soit réussie, il faut une bonne dramaturgie, les deux genres sont liés. C’est comme dans la vie ! Après les galères, seuls le rire et la déconne restent, comme pour nous sauver. On est sur Terre pour un court moment, autant se marrer, non ? LUI : On sent le vécu… L’humour vous a-t-il aidé à colorer votre vie ? AI : Aujourd’hui, mon humour est une force mais, ado, j’en ai beaucoup souffert. Même si je faisais rire toute la classe et même mes profs, j’avais une très mauvaise opinion de moi-même. Leur regard me renvoyait l’image d’un bon à rien. Même ma mère doutait de mes capacités. J’ai été viré de mon collège dès la fin de la 6e pour avoir dévissé le bureau d’un prof. À 12 ans, j’étais “Jo la déconne” : impossible de bosser, sauf si le prof réussissait à m’intéresser. Avec monsieur Prédel, prof d’histoire-géo au collège de Clagny à Versailles, j’avais 16 de moyenne ! Même si je perturbais les cours, les profs m’aimaient bien car je n’étais pas insolent avec eux. Mais ce qui m’a sauvé, c’est le théâtre d’impro. Il m’a permis d’avoir de la répartie. Si on me traitait de petit gros, je savais parfaitement quoi répondre et je gagnais souvent la battle de vannes. Mais c’est vrai que les filles m’aimaient surtout pour mes joutes verbales… LUI : Que vous a apporté le théâtre d’improvisation ? AI : Une énorme confiance en moi. Sur scène, on me regardait autrement, car j’étais vraiment
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« JAMEL MISAIT SUR MOI, IMPOSSIBLE DE LE DÉCEVOIR. JE LUI DOIS MA CARRIÈRE »
ne décolle. Il aura vraiment tout fait de traviole jusqu’au bout ! LUI : Il en pensait quoi, de votre désir de faire de la scène ? AI : Il disait que ce n’était pas un vrai métier. Mais je m’en fichais de ce qu’il en pensait. Je n’ai jamais cherché son approbation. Mon objectif, c’était de ne surtout pas lui ressembler. Je voulais m’en sortir sans voyoucratie et sans l’espoir de devenir chef d’entreprise. Alors j’ai su trouver la brèche. LUI : Aviez-vous pensé à dealer ? AI : Quand certains mecs du quartier disent que c’est la misère parce qu’ils ne portent pas de marques, je ne suis pas d’accord. La misère, c’est quand tu n’as vraiment rien pour manger. Je ne le cautionne pas, mais je peux comprendre qu’un jeune vende du shit pour subvenir aux besoins vitaux de sa famille. Mais un gars qui deale juste pour se payer une belle voiture et frimer devant les potes, il mérite d’être envoyé au placard pour réfléchir sur sa vie… LUI : Aujourd’hui, vous avez les moyens de vous faire plaisir… Vous en profitez ? AI : J’accepte les marques avec lesquelles j’ai grandi : Nike, Lacoste, Reebok. Elles ont toujours accepté la banlieue, l’art urbain. En revanche, rien que par principe, je n’irais pas m’acheter un costume Gucci ou Yves Saint Laurent. Ces marques de luxe ne se sont jamais intéressées à nous ! LUI : La notoriété a-t-elle changé votre vie ? AI : Je pense rester authentique. Une fois mon métier terminé, je rentre à Champigny-sur-Marne. Ça fait longtemps que je gagne ma vie grâce à mes spectacles. Le cinéma, ce n’est que du bonus et je ne le fais pas pour l’argent. Si j’accepte un rôle au cinéma, c’est vraiment parce que le projet me plaît. Je veux être un gage de qualité pour les spectateurs. Et je ne me contente pas de paraître sympa ou rigolo sur un tournage, je veux absolument que l’on reconnaisse mon travail.
LUI : Avec des potes qui s’appellent Alain Chabat ou Jamel Debbouze, vous avez le droit de vous la péter un peu, non ? AI : J’ai beaucoup travaillé pour en arriver là… Mais j’avoue que parfois, quand je vois Alain rire à mes blagues, je prends quelques minutes pour réaliser qu’il m’appelle par mon prénom ou qu’il me félicite pour un rôle. Franchement, c’est ouf. Ce mec est un génie et il est tellement humble. Quant à Jamel, c’est le premier humoriste qui a prouvé que l’on pouvait sortir de la banlieue… Au Comedy Club, il m’a fait la misère car il misait beaucoup sur moi. On venait tous les deux du théâtre d’impro et du 78, donc impossible de le décevoir. Je lui dois ma carrière. LUI : Comment êtes-vous arrivé au casting du Grand Bain ? AI : Pendant le tournage du Sens de la fête, Gilles Lellouche me dit qu’il lui manque un acteur pour son film sur la natation synchronisée. Je pensais qu’il se foutait de moi et qu’il n’allait jamais me rappeler. Mais, quatre mois plus tard, je me suis retrouvé en maillot de bain avec Benoît Poelvoorde, Guillaume Canet, Jean-Hugues Anglade, Philippe Katerine et Mathieu Amalric, à répéter des mouvements de danse dans l’eau… Là, je me suis dit : “Qu’est-ce que je fous là ?” LUI : Osez-vous rire de tout ? AI : Je ne me pose pas la question car je ne veux pas me censurer. Lors d’un numéro de Burger Quiz, j’ai utilisé le mot “gogole” et j’ai reçu plein de remarques sur Instagram. Je m’en fous, car sur scène, je ne me fixe aucune limite et au moins, je n’ai pas besoin de m’expliquer. Aucun thème n’est épargné. Si les gens veulent me traiter d’homophobe, de pédophile, d’alcoolique, qu’ils n’hésitent pas, je n’y prête aucune attention. • Lucky, d’Olivier Van Hoofstadt, au cinéma le 26 février 2020. Vedette, d’Alban Ivanov, en tournée dans toute la France et à La Cigale à Paris du 31 mars au 4 avril 2020.
E N Q U Ê T E
DIVINE JUSTICE BIEN LOIN DES TRIBUNAUX DE L’INQUISITION, L’ÉGLISE CATHOLIQUE EXERCE TOUJOURS EN SON SEIN SA PROPRE JUSTICE. IL EXISTE AINSI TOUT UN PARCOURS JUDICIAIRE, SEMBLABLE MAIS PARALLÈLE À CELUI DE NOTRE BONNE VIEILLE RÉPUBLIQUE. À CECI PRÈS QU’ELLE NE CONCERNE BIEN ENTENDU QUE LES PERSONNES BAPTISÉES ET LES MEMBRES DU CLERGÉ, ET QU’ELLE EST SOUMISE, SAUF EXCEPTION, AU « SECRET DU PAPE », QUI CACHE AU PUBLIC LES JUSTICIABLES IMPLIQUÉS, LA NATURE DES AFFAIRES, LE DÉROULEMENT DES PROCÈS ET LEUR ISSUE.
résume le père Emmanuel Petit, président de la Faculté Notre-Dame et juge ecclésiastique. Au sein des officialités siègent des prêtres et des laïcs, plaident des avocats et des procureurs, tous bénévoles. Et beaucoup de femmes, exactement comme dans la magistrature. On le sait, la Bible est le premier ouvrage de droit jamais écrit. Son deuxième livre par exemple, l’Exode, ne contient pas seulement les Dix commandements mais aussi le code de l’Alliance, une série de prescriptions juridiques. « Qui frappe un homme à mort devra être mis à mort. Cependant celui qui n’a pas agi par préméditation, Dieu lui ayant mis l’occasion à portée de la main, je te fixerai un endroit sacré où il pourra se réfugier », distingue ainsi l’assassinat du meurtre. La règle « Si quelqu’un frappe autrui d’une pierre ou du poing et que ce dernier, sans mourir, tombe alité puis se lève et se promène dehors appuyé sur sa canne, celui qui l’a frappé sera quitte ; il devra seulement donner l’indemnité de chômage et assurer les soins » fixe quant à elle la marche à suivre en cas de coups et blessures ayant occasionné une interruption temporaire de travail. Dans tout l’Ancien Testament, on trouve des prescriptions et des obligations qui vont avec des peines et des châtiments, et qui ont valeur de lois pour les fidèles. Le droit ecclésiastique n’est toutefois pas fondé sur les Saintes écritures, mais sur un autre livre : le code de droit canonique, véritable bible en la matière. « Le code actuellement en vigueur a été édité en 1983, mais le premier date de 1917, explique Jean-Pierre Audoyer. →
La nouvelle est tombée mi-décembre : le pape François lève le secret pontifical sur les abus sexuels au sein de l’Église. Ou, plus exactement, « les informations
sur les dénonciations, procès et verdicts seront davantage rendus publics », écrit Le Monde. On parle ici des procédures canoniques, les procès internes à l’Église, que le secret pontifical rend justement opaques. Car oui, l’Église a ses propres instances judiciaires, qui jugent les abus sexuels, mais pas seulement. Commençons par un peu de vocabulaire. Les tribunaux s’appellent des officialités, les procès des causes et les plaintes des libelles. Comme dans la justice de l’État, il existe plusieurs sortes de tribunaux. En première instance, les affaires relevant de la juridiction d’Île-de-France sont examinées à Paris, au sein d’un tribunal qui regroupe sept diocèses et une dizaine de juges. « Normalement, chaque diocèse a son propre tribunal, précise Jean-Pierre Audoyer, doctorant en droit canonique. Mais la justice de l’Église manque de personnel. » En deuxième instance, les affaires sont jugées à Versailles. En troisième instance, Rome se penche sur le cas, par le biais d’un tribunal spécial d’appel appelé la Rote romaine. Le tribunal de la Signature apostolique, quant à lui, remplit à la fois le rôle du tribunal administratif et de la cour de cassation : il juge les actes de procédure et les actes administratifs, comme les recours contre les écoles supérieures catholiques au sujet des notes et des diplômes. « Nous jugeons tout ce qui concerne la vie de l’Église »,
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J U S T I C E
« LES PÉCHÉS NE RELÈVENT PAS DE NOS TRIBUNAUX PARCE QU’ILS NE RELÈVENT PAS DU DROIT, MAIS DE LA CONFESSION. C’EST CE QU’ON APPELLE “FOR INTERNE” »
Auparavant, on s’appuyait sur la coutume et sur les décrétales, qui sont les décisions papales. » Pour bien comprendre ce qu’est le code de droit canonique, il faut imaginer un code pénal, un code civil, un code de procédure pénale et un code de procédure civile réunis en un seul bouquin, dont les articles sont appelés « canons » – d’où son nom. Attention, le code ne remplace pas la Bible. D’ailleurs, les tribunaux ne jugent pas les péchés. « Les péchés ne relèvent pas de nos tribunaux parce qu’ils ne relèvent pas du droit, mais de la confession, détaille Jean‑Pierre Audoyer. C’est ce qu’on appelle chez nous le “for interne”. Nos tribunaux jugent le for externe, c’est-à-dire tout ce qui ne fait pas partie de la conscience. » Théoriquement, tous les baptisés – et même quelquefois des non‑baptisés – sont des justiciables. « Mais il est inutile de porter plainte devant le tribunal de l’Église si votre voisin a démoli votre clôture, précise le doctorant. Vous aurez plus de chance de faire respecter vos droits devant une juridiction civile, d’autant que l’Église va privilégier la procédure de médiation pour trouver une solution en dehors du droit. » Le père Petit complète : « Il peut arriver que, dans les affaires de biens entre deux personnes, les tribunaux ecclésiastiques remplissent le rôle d’arbitre. L’intérêt, c’est que la procédure est moins contentieuse. » Jusqu’à la Révolution française, les officialités avaient donc un rôle central, beaucoup plus central que la justice de l’État même, puisque les fidèles s’adressaient plus volontiers à elles pour régler leurs différends. « En 1790,
ces tribunaux ont été abandonnés, mais ils ont été réintroduits par Napoléon au début des années 1800, justement pour demander l’annulation de son mariage avec Joséphine de Beauharnais », raconte le père Petit. L’Église ne reconnaissant toujours pas le divorce, les fidèles n’ont pas d’autre choix que de faire annuler leur mariage et c’est l’officialité qui juge du bien‑fondé de la demande. « Sauf pour les princes chrétiens, précise Jean‑Pierre Audoyer, qui peuvent s’adresser directement à la Rote romaine pour faire annuler leur mariage. » Et pouvoir ainsi se remarier. « C’est ce qu’a fait par exemple la princesse Caroline de Monaco. » L’essentiel des affaires jugées à Paris concerne d’ailleurs des annulations de mariage. « Nous avons plus de demandes qu’avant, note le père Petit, d’abord parce que c’est plus connu, ensuite parce que le pape François a simplifié les procédures en 2015. » La question du mariage est centrale dans l’Église et a toujours revêtu une importance politique particulière dans l’histoire. Le schisme de l’Église anglicane – et le jeu de dominos des alliances qui s’est ensuivi – a ainsi été provoqué par le refus du tribunal ecclésiastique d’annuler le mariage du roi Henri VIII d’Angleterre, comme le raconte très bien la série américaine Les Tudor. Jean‑Pierre Audoyer connaît bien ces procédures : il est « défenseur du lien » au tribunal de Paris. C’est en quelque sorte l’avocat du mariage dans les causes où des fidèles en demandent l’annulation ; il plaide pour défendre l’institution. Pour accéder à ce poste, il a dû passer une licence
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de droit canonique – l’équivalent d’un master II – et il exerce sa fonction à titre bénévole. Les avocats sont aussi bénévoles mais ne sont pas soumis à une obligation de diplôme : ils doivent simplement être approuvés par l’évêque. Ils ne sont pas nécessairement avocats dans la vie civile, mais ce sont souvent des juristes, la plupart du temps des religieux et ils ont des notions de droit canonique. Les juges, eux, sont directement nommés par l’évêque en délégation de son pouvoir judiciaire. Ils peuvent eux aussi être laïcs, à condition d’avoir une licence en droit canonique, une réputation intacte et être de « bonne conduite ». « Une grande partie des magistrats au tribunal de Paris sont des femmes », souligne le père Petit. Ces juges sont assistés lors des procès par les notaires, l’équivalent des greffiers dans nos tribunaux. Et, parmi les juges, le président du tribunal nomme un auditeur, qui fait office de juge d’instruction, et un assesseur pour l’assister ; ils forment ainsi une cour de trois juges. À l’origine d’un procès, il y a une saisie de l’Évêque. « Soit il se saisit lui-même de faits dont il a connaissance, par exemple en matière pénale, soit il est saisi par un fidèle qui lui adresse un libelle », détaille le père Petit. L’évêque confie la cause à un magistrat, qui choisit lui-même ses assesseurs, parmi lesquels l’auditeur qui instruit la cause. En matière pénale, il peut s’appuyer sur une enquête de police si l’affaire est également connue de la justice de l’État. « C’est le cas notamment lorsqu’il s’agit de plaintes pour abus, note
encore le père Petit. Ici, à Paris, nous collaborons étroitement avec le Parquet. Quelques fois, l’affaire est pénale pour l’Église mais pas pour l’État, comme dans les cas de violation du secret de la confession. D’autres fois, c’est pénal aussi pour l’État. Dans ce cas, on saisit le procureur qui fait faire une enquête par la police judiciaire et, là, on attend les conclusions de l’enquête, qui nous éclairent nous aussi. » Ensuite débute la procédure. « Les parties sont convoquées par courrier pour une audience qui se tient dans le bureau de l’official, c’est-à-dire du vicaire chargé par l’évêque d’exercer l’autorité juridique et qui dirige le tribunal, raconte Jean-Pierre Audoyer. Tout le monde prête serment sur les Évangiles en jurant de dire la vérité. » Puis les participants s’assoient et le juge commence à interroger la partie demanderesse et les témoins, tandis que le notaire prend des notes. S’agissant des procès en nullité de mariage, le défenseur du lien a ensuite la parole : « L’essentiel de la procédure est écrit, comme dans la justice administrative, précise Jean-Pierre Audoyer. Il y a une partie orale, mais moi, par exemple, je formule mes remarques par écrit et l’avocat du demandeur transmet lui aussi sa plaidoirie par écrit. » « Nos procès ne sont pas publics, poursuit le père Petit. Nous protégeons la confidentialité quelles que soient les causes, en particulier pour les victimes lorsque ça touche aux mœurs ; c’est délicat. C’est d’autant plus important que la justice ecclésiastique repose sur la confiance du justiciable envers le juge : le justiciable a le choix d’y faire appel ou non, contrairement à la justice de l’État qui a un caractère beaucoup plus coercitif. →
D I V I N E
J U S T I C E
LES PEINES NE SE RÉSUMENT PAS À DIX NOTRE PÈRE ET TROIS JE VOUS SALUE MARIE. ELLES PEUVENT ÊTRE SÉVÈRES POUR LES RELIGIEUX, ALLER JUSQU’À LA RÉVOCATION VOIRE AU RENVOI DE L’ÉTAT CLÉRICAL
La plupart des plaignants ne tiennent pas du tout à ce que leur affaire se retrouve sur la place publique. » À la fin de l’audience, le juge donne les délais ; pour ce qui est des nullités de mariage, l’ensemble de la procédure peut durer un ou deux ans. Puis, les juges se réunissent et rendent leur verdict à la majorité des suffrages, dit le code canonique. « On communique ensuite la sentence en trois lignes, on ne donne pas d’explications détaillées », commente Audoyer. Ceux qui le souhaitent peuvent ensuite faire appel de la décision. En matière pénale, les délais dépendent aussi de l’enquête de police et de la justice si elle est saisie. « Pour les victimes, l’intérêt de nos procédures est qu’elles sont plus rapides, comme dans le cas du père Preynat [un ex-prêtre jugé en janvier dernier pour abus sexuels sur mineurs, ndlr] que nous avons jugé en un an, estime le père Petit. L’intérêt, c’est aussi qu’elles permettent de libérer la parole et de révéler des affaires à la justice civile. Un groupe de quatre femmes a ainsi alerté l’évêque sur les agissements d’un prêtre qui abusait de son autorité morale pour commettre des abus sexuels : la parole des victimes a été entendue, il a été jugé par l’Église et, encouragées par la procédure, les victimes l’ont poursuivi devant la justice. » Les peines prononcées ne se résument pas à dix Notre Père et trois Je vous salue Marie. Elles peuvent être sévères pour les religieux, aller jusqu’à la révocation – qui équivaut à la privation de fonction – voire au renvoi de l’état clérical. « La réduction à l’état laïc, ça signifie concrètement le chômage et la privation de domicile pour un prêtre, souligne Jean-Pierre Audoyer. Ça a été le cas d’un prêtre qui a commis des abus sexuels, il a écopé de cinq ans
de prison et a dû terminer sa peine dans un monastère. Maintenant, il est condamné au chômage à vie en quelque sorte. » C’est aussi ce qui est arrivé au père Preynat il y a quelques mois, avant son procès civil en cours. « En général, on attend que le procès civil soit terminé pour ne pas gêner la justice. Mais là, en raison de la clarté des faits nous avons été plus rapides, ça a duré un an chez nous », raconte le père Petit. Cet ex-prêtre, jugé pour abus sexuel sur des scouts a été renvoyé de l’état clérical par un tribunal romain spécial, la Congrégation pour la doctrine de la foi, qui juge les affaires de mœurs sur mineurs – héritière de la tristement célèbre Inquisition, dont elle a heureusement abandonné la structure et les méthodes depuis le XVIe siècle. Avec l’abrogation du secret pontifical, qui empêchait jusque-là les victimes d’abus sexuels commis par des religieux d’accéder au déroulement et même au verdict des procès de ces derniers, la justice ecclésiastique fait un double pas : en direction des victimes mais aussi vers une collaboration avec la justice civile, les documents et informations relatifs aux affaires pouvant désormais être transmis aux autorités civiles. Avec une nuance : ces informations pourront être délivrées si elles protègent « la bonne réputation, l’image et la vie privée de toutes les personnes concernées », indique le communiqué de presse publié par le Vatican en décembre 2019. Un détail qui a son importance, puisqu’il laisse à l’appréciation de l’Église la sélection de ce qui peut être transmis ou non. Une zone grise qui fait planer le doute sur les velléités du pape argentin de faire des violences sexuelles au sein de l’Église la priorité de son pontificat. •
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LA PLUS BELLE FEMME DU MONDE C’EST L’HISTOIRE D’UN AMÉRICAIN ORDINAIRE. ACCUEILLI À SA NAISSANCE COMME UN DON DU CIEL, HARCELÉ À L’ÉCOLE PARCE QU’IL EST GROS, BATTU À L’ADOLESCENCE PARCE QU’IL EST GAY, PROPULSÉ À L’ÂGE ADULTE AU RANG D’ICÔNE UNDERGROUND PARCE QU’IL DEVIENT DIVINE. L’HISTOIRE D’UN MEC QUI MEURT D’UNE CRISE CARDIAQUE AU MOMENT OÙ IL TROUVE ENFIN SA PLACE DANS UN MONDE QUI L’A TOUJOURS REJETÉ.
qui l’a toujours considéré comme une erreur, comme une anomalie, comme une maladie : « Je voulais tellement être célèbre, expliquera-t-il. Je voulais être une star de cinéma depuis l’enfance, je le voulais tellement que j’étais prêt à goûter ça. » Alors, pour conjurer son destin, Divine fait claquer ses talons derrière Nazzi en attendant que le chien, qui a été gavé et enfermé trois jours, fasse ses besoins. Au bout de trois heures de marche forcée devant des passants ahuris par l’apparence de Divine, l’équipe est à bout de patience et file un laxatif au caniche. « Action ! », crie Waters. Après quelques instants de suspens, Nazzi lâche enfin trois petites crottes. À genoux, Divine se saisit aussitôt des excréments et les porte à sa bouche. « Coupez ! », jubile Waters. Il n’y aura pas de seconde prise. « Maintenant, je sais que je suis dingue », déclare Divine à l’équipe en courant se laver les dents. Dès sa sortie en salle, Pink Flamingos devient instantanément un film culte dans le circuit des midnight movies et propulse John Waters et Divine comme l’association la plus explosive depuis nitro et glycérine. À l’écran, sous les traits de Babs Johnson, « l’être vivant le plus dégoûtant de la planète », Divine proclame ainsi, cinq ans avant l’avènement du punk, sa profession de foi : « Tuez tout le monde maintenant ! Cautionnez le meurtre au premier degré ! Défendez le cannibalisme ! Mangez de la merde. Voilà ma politique ! Voilà ma vie ! » Harris Glenn Milstead est né à Baltimore le 19 octobre 1945. C’est un enfant désiré de longue date par ses parents. Il sera le fils unique de Harris Bernard, cadre chez Black & Decker, et Diana Frances, femme au foyer, couple aisé de la classe moyenne. Des baptistes qui vont élever Glenn, → véritable cadeau du ciel, dans l’abondance
Hiver 1972, Baltimore. Cheveux longs graisseux, fine moustache d’hidalgo et cernes morbides,
John Waters sillonne, caméra au poing, les rues glaciales de downtown dans son blouson militaire. Si le réalisateur de 26 ans, connu dans le cercle restreint de l’underground local pour une poignée de films outrageux, est anxieux ce jour-là, c’est qu’il doit réussir à tout prix la séquence qu’il a élaborée un an auparavant s’il veut parvenir jusqu’à son rêve : devenir le pape du trash, l’enfant dégénéré de ses idoles Russ Meyer et Herschell Gordon Lewis. John Waters ne peut plus reculer : avec son équipe réduite, il suit donc Nazzi, le caniche qu’un ancien assistant lui a prêté pour l’occasion. Derrière le chien, une étrange créature de 135 kilos trottine sur des escarpins. Elle porte une jupe noire ajustée, un bustier doré moulant d’impressionnants faux seins et une perruque blond platine surmontée d’un petit chapeau noir de travers. Sa tête est rasée de moitié au niveau du crâne afin que son maquilleur, le génial Van Smith, ait plus d’espace pour élaborer l’extravagant maquillage – eye-liner en éclair, faux cils géants, sourcils dessinés jusqu’au front, mascara bleu et paillettes argent – qui transforme chaque jour de tournage le timide Glenn Milstead en Divine, le plus phénoménal des freaks réunis autour du sulfureux John Waters. Un an plus tôt, ils fumaient comme à leur habitude un énième joint quand le réalisateur lui a demandé s’il serait capable de manger une crotte de chien pour le finale de Pink Flamingos, son prochain brûlot. Dans les vapeurs de marijuana, Milstead n’a pas hésité une seconde : « Absolument », a-t-il affirmé. Glenn Milstead était en effet prêt à tout pour échapper à la violence d’une société
PAR CLOVIS GOUX
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GROSSE AMBIANCE À LA FÊTE D’ANNIVERSAIRE DE GRACE JONES AU XENON DISCO. À NEW YORK, EN 1978.
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GLENN MILSTEAD, CÔTÉ VILLE, EN 1980.
LA PLUS BELLE FEMME DU MONDE EST UNE VISION PAROXYSTIQUE DE LA BOMBE FATALE HOLLYWOODIENNE, MÉLANGE DÉLIRANT D’ELIZABETH TAYLOR ET DE JAYNE MANSFIELD
de l’après-guerre : « Il était ma première poupée à aimer, habiller, câliner et bercer, se souvient Diana. Je n’avais jamais eu de jouet de ma vie et je l’ai aimé plus que tout. J’étais une maman possessive et je voulais vraiment le meilleur pour lui. » Rien ne lui sera refusé. L’enfant mange à profusion hot-dogs et beurre de cacahuètes, boit du Coca-Cola toute la journée sans jamais faire le moindre exercice physique. Très vite, Glenn devient un gamin grassouillet, confiné dans des costumes de premier communiant. Deux ans plus tard, la famille s’installe à Lutherville, en banlieue de Baltimore, à six maisons de celle de la famille Waters. Les deux gosses ont le même âge et se croisent sans suivre la même scolarité : école catholique pour John, publique pour Glenn. Un enfer pour lui : au collège, il se fait harceler, humilier, traiter de « gros lard », de « poule mouillée », de « pédé », avant que les coups pleuvent. Chaque jour, il revient à la maison couvert de bleus. Ses parents préviennent la police, qui l’escorte quotidiennement à l’école et le force à dénoncer ses bourreaux. Il devient dès lors « la balance » dans le collège. Un nouveau calvaire. Glenn se replie sur lui-même : « Je ne sortais pas de la maison, raconte-t-il. Jusqu’à mes 15 ans, j’étais constamment avec mon père et ma mère, j’avais donc pris l’habitude de jouer avec mon ami imaginaire, Jim, à qui je me confiais et devant qui je me déguisais avec les vêtements de ma mère. » Sa grand-mère le surprend et il est immédiatement envoyé chez un psy qui décrète que « Glenn est plus une femme qu’un homme ». Diana est effondrée. En accompagnant sa mère dans un salon de beauté, Glenn tombe en arrêt devant les perruques exposées. Il a trouvé son salut. Après avoir passé son diplôme, ses parents lui offrent un salon de coiffure où il excelle dans la réalisation de choucroutes. « Mais j’en ai eu marre du jour au lendemain, raconte-t-il. C’était comme d’être un psy à écouter les problèmes de mes clientes pendant que je les
coiffais. J’avais mes propres problèmes et je voulais que quelqu’un les écoute. » Adieu la laque, bonjour la défonce. Glenn Milstead devient ami avec John Waters l’année de leurs 17 ans, lors d’un anniversaire célébré dans les bois par une bande d’ados excentriques amateurs d’alcool, de drogues et de contre-culture. Bob Skidmore, Mark Isherwood, Mary Vivian Pearce, Carol Werning, David Lochary, Maelcum Soul et Cookie Mueller forment les Dreamlanders, des marginaux bien déterminés à briser toutes les barrières du bon goût devant l’objectif de John Waters. Pour les besoins de Roman Candles, sa version blasphématoire du christianisme, il fait tourner pour la première fois Glenn, qu’il baptise Divine pour l’occasion. À chaque film, Divine monte en gamme sous la direction de son pygmalion : dans Eat Your Make Up, elle incarne Jackie Kennedy un an après l’assassinat de JFK. Dans Mondo Trasho, elle a des visions d’autostoppeur nu (et de la Sainte Vierge) et fixe son personnage, « la plus belle femme du monde », une version paroxystique de la bombe fatale hollywoodienne, mélange délirant d’Elizabeth Taylor et de Jayne Mansfield. Dans The Diane Linkletter Story, elle joue, un jour après son suicide, le rôle de cette fille de producteur qui s’est jetée par la fenêtre sous LSD. Dans Multiples Maniacs, elle dévore les entrailles d’une de ses victimes avant de se faire violer par un homard géant. « Nous voulions effrayer le monde comme la famille Manson, écrit John Waters dans ses mémoires. Mais nous utilisions une caméra à la place d’armes mortelles. » Ni drag-queen, ni travelo et encore moins trans, Divine avance sur ses talons aiguilles telle une véritable menace pour la société. Un attentat à la pudeur qui devient naturellement une idole de l’underground, notamment des Crockettes, un groupe de travestis barbus et révolutionnaires →
D I V I N E
MARIJUANA ET DONUTS SONT SES COMPAGNONS DE ROUTE. POUR NE PAS CHUTER SUR SCÈNE, DIVINE SE FAIT CONFECTIONNER DES TALONS AIGUILLES EN ACIER INCASSABLE
qui l’invite à présenter Multiples Maniacs à San Francisco. Sur scène, Divine débarque avec un caddie rempli de maquereaux qu’elle jette à la foule en hurlant : « Je suce les serial killers ! » Dans les backrooms de la ville, Glenn découvre pour la première fois les joies d’une sexualité libérée. À son retour à Baltimore, il déclare à ses parents qu’il est gay, se brouille pour longtemps avec eux et retourne illico s’éclater à San Francisco. Pink Flamingos est l’apothéose de cette première période furieuse où John Waters et Divine, tel un Josef von Sternberg et une Marlene Dietrich sous acide, gravissent de concert les marches vers la gloire. Female Trouble, réalisé en 1974, vient clore l’édifice trash en beauté : criminelle psychotique, Divine y finit grillée sur la chaise électrique. La seule manière de l’arrêter. Divine poursuit son ascension à New York. Dans la pièce Woman Behind Bars puis dans le spectacle The Neon Woman, elle devient la sensation du moment, adoubée par des célébrités comme Liza Minelli, Elton John, David Bowie ou Warren Beatty, qui se pressent pour l’applaudir. Au même moment, Steve Rubell ouvre le Studio 54 en pleine fièvre disco : cocaïne et champagne, fourrures et faux diamants, perruques et boules à facettes, Divine trouve immédiatement sa place dans le club aux côtés d’Andy Warhol, Truman Capote, Grace Jones ou Bianca Jagger. Si Divine étincelle la nuit, les lendemains sont difficiles pour Glenn, qui fume de l’herbe dès le réveil et s’empiffre toute la sainte journée : seul face à son frigidaire, il dévore méthodiquement tout ce qu’il trouve à l’intérieur. Son surpoids ne l’empêche pas de séduire de beaux garçons : la star du porno Leo Ford devient notamment son amant. En 1981, il est de retour à l’écran dans Polyester de John Waters. Le film (en odorama) est plus sage : Divine y incarne une mère de famille dépassée par ses enfants psychotiques. Pour remplir son frigo, Divine se lance dans la hi-NRG
(de la disco cocaïnée) avec l’aide de Bernard Jay, son nouveau manager : les singles Born To Be Cheap, Shoot Your Shot et Kick Your Butt sont des hits dans les boîtes gays. Dès lors, Divine devient une attraction qui se produit chaque nuit dans des villes et des pays différents. Marijuana et donuts sont ses compagnons de route. Pour ne pas chuter sur scène, Divine se fait confectionner des talons aiguilles en acier incassable. Mais son corps fatigue et Glenn s’installe à L.A. en quête d’une légitimité d’acteur en dehors du poids écrasant de Divine. Un échec : « Tous les rôles pour lesquels j’auditionne sont donnés à des femmes, confie-t-il. Les gens ne sont pas encore prêts pour moi. Je n’en peux plus. » Retour à la case clubs, aux exténuantes tournées qui minent sa santé comme son moral. Grâce au succès du nouveau film de John Waters, la comédie musicale Hairspray, Divine obtient enfin une reconnaissance inespérée. Il n’a qu’un second rôle, celui de la mère de l’héroïne principale, mais sa performance détonne. Direction Hollywood : Bernard Jay lui a décroché un rôle sans perruque dans la série télé à succès Mariés, deux enfants. Une chance exceptionnelle pour séduire le grand public. Glenn a rendezvous pour un test le 7 mars 1988. La veille, il a passé la soirée avec des amis avant de se coucher dans sa suite de l’hôtel Regency Plaza. Il ne se réveillera pas. Bernard Jay découvre son corps inanimé le lendemain. La plus belle femme du monde est morte d’un excès de tout : son cœur, à bout, s’est arrêté de battre durant son sommeil. John Waters n’a plus qu’à pleurer toutes les larmes de son corps : « Divine était mon amie, ma star, mon Elizabeth Taylor, déclare-t-il après son enterrement. Je ne pourrai jamais la remplacer. Nous sommes liés pour toujours. » Depuis, Divine, véritable icône de la culture gay, veille telle une sainte patronne sur le destin des plus incroyables créatures terrestres. • L’auteur des “Stories vintage”, notre cher Clovis Goux, publie le 4 mars Chère Jodie, aux éditions Stock, 336 p., 20 €.
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AU MILIEU DES ANNÉES 1970, DIVINE EST AU SOMMET DE SA GLOIRE ET COURT LES TAPIS ROUGES, AU BRAS DE JOHN WATERS (CI-DESSUS) POUR LA PREMIÈRE DU FILM FEMALE TROUBLE (1974), OU À CELUI D’ANDY WARHOL (CI-DESSOUS) POUR LA RÉOUVERTURE DU NIGHT-CLUB COPACABANA À NEW YORK, EN 1976.
P S C H I T T
FRANÇOIS DEMACHY
UN NEZ AU PAYS DES AGRUMES NOUS AVONS SUIVI LE PARFUMEUR-CRÉATEUR DE LA MAISON DIOR EN CALABRE, PARADIS DES AGRUMES, À QUELQUES JOURS DE LA SORTIE MONDIALE DE SON NOUVEAU HIT OLFACTIF SAUVAGE EAU DE PARFUM. L’ESTHÈTE DE LA BELLE MATIÈRE NOUS A FAIT DÉCOUVRIR UNE BERGAMOTE CINQ ÉTOILES, PRODUITE EXCLUSIVEMENT POUR LUI PAR LA SOCIÉTÉ FAMILIALE CAPUA. LE LUXE ABSOLU.
se saisir d’un de ces fruits rugueux légèrement aplati aux extrémités, est savoureux, tout comme d’assister à la naissance sur son visage de cette sorte de mélancolie émerveillée. Les arbres embaument l’espace autour de lui. Cette terre écrasée par le soleil, à laquelle on accède par une route taillée pour un attelage d’un autre temps, appartient à la famille Capua, sorte d’aristocratie des agrumes et de la belle ouvrage. François Demachy se procure son huile essentielle de bergamote, la plus belle et délicate d’entre toutes, chez Gianfranco Capua. Ces deux-là se connaissent par cœur ; leur amitié remonte au moins à trois décennies, à l’époque où le parfumeur composait pour Chanel, quelque part entre les années Egoïste et Allure. Depuis 2006 (son arrivée à la tête de la création des parfums Dior), cette relation s’est intensifiée, elle a gagné en confiance et en amitié : « Je viens chez Capua une fois par an, c’est devenu une sorte de rituel dans mon emploi du temps. » Le Cannois, grandi à Grasse, vient ici pour explorer d’autres façons de traiter le Citrus bergamia, de l’exprimer (c’est le joli terme consacré). Sa curiosité n’est jamais à l’hivernage. Son obsession, sorte de quête personnelle sans fin, c’est de se rapprocher par tous les moyens → de la « vérité » du fruit en termes d’odeur :
D’autres, plus geeks et plus connectés que lui, auraient probablement lancé un hahstag bergamote, puisqu’il faut en passer par les dièses revendicatifs pour cultiver l’air du temps et crier à la face du monde ses préférences, fussent-elles botaniques. François Demachy, parfumeur-créateur de la maison Dior, fait bien mieux : il célèbre la bergamote, agrume-roi parmi les hespéridés, dans chacun de ses parfums. Surtout, il cherche à lui faire dire tout ce qu’elle a à dire, c’est-à-dire jamais tout à fait la même chose. C’est qu’il la connaît mieux que personne : « Cet agrume d’origine antique, principalement cultivé le long de la côte ionienne, serait né d’une mutation naturelle de l’orange amère. S’il peut faire penser au citron, en plus gros, son arôme est beaucoup plus complexe et pénétrant », explique le parfumeur. On est à Reggio de Calabre et François Demachy est au centre du monde, de son monde. Pour le comprendre vraiment dans sa complexité, il faut accepter de le suivre lorsqu’il prend le maquis aux confins méridionaux de l’Italie, zone élective du bergamotier depuis le XVIIe siècle. Le voir déambuler dans les allées larges des jardins d’agrumes du petit bourg de San Carlo – 15 hectares posés sur un isthme entre la mer ionienne et les contreforts de l’Aspromonte –,
PAR LIONEL PAILLÈS - PHOTOS PHILIPPE FRISÉE
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F R A N Ç O I S
FRANÇOIS DEMACHY CROIT QU’ON PEUT RÉINVENTER UN INGRÉDIENT ARCHICONNU EN PASSANT PAR LES NOUVELLES TECHNIQUES D’EXTRACTION
« Nous avons la capacité de jouer sur trois variables pour améliorer la qualité de l’huile essentielle et créer des standards d’exception : le moment de la récolte (la maturité de l’agrume), la terre sur laquelle pousse l’agrume (mer ionienne ou mer tyrrhénienne) et enfin le choix de la technique d’extraction. » Afin de se refaire une modernité, à défaut d’une virginité, l’industrie de la parfumerie a entièrement misé ces dernières années sur le sourcing des matières premières : trouver de nouvelles sources d’approvisionnement, de nouveaux producteurs. François Demachy croit, lui, qu’on peut réinventer un ingrédient archiconnu en passant par les nouvelles techniques d’extraction capables de mettre en valeur d’autres facettes, d’autres fractions : « Nous avons ainsi développé avec Gianfranco deux qualités exclusives d’huile essentielle de bergamote : la Reggio+, assez fruitée, qui entre dans la composition du nouveau Sauvage Eau de parfum [elle fait sa signature vive et juteuse, ndlr] et de tous les parfums de la Maison, et la San Carlo, plus verte et amère, plus précise aussi, que j’utilise dans l’Eau Sauvage [ce parfum signé Edmond Roudnitska contient presque 50 % de bergamote, ndlr]. » Et lorsqu’on lui oppose qu’il s’agit de quantités infinitésimales dans une formule complète qui compte des dizaines, parfois des centaines d’ingrédients, il répond en souriant : « Je crois à la somme de toutes ces petites différences qui finissent par être signifiantes et perceptibles… » C’est peut-être
ça aussi, le talent de cet homme au charisme tranquille – parfaitement conscient que la vie lui sourit –, grand bourgeois d’allure qui se révèle parfaitement anticonformiste : savoir tirer de cet agrume austère un substrat poétique. D’ailleurs, cette notion de « produit naturel sur mesure » fait plus que l’intéresser. Il a l’intuition que c’est ainsi qu’une maison comme Dior fera la différence et justifiera aussi, aux yeux du public, le prix élevé du parfum. U N S E N T I M E N TA L Q U I S A I T L’A R T DES PL AISIRS
Dans la lumière finissante du jour, l’usine de San Gregorio bruisse encore des allées et venues des Fenwicks qui empilent les palettes d’agrumes comme un Meccano. On sent que François Demachy aime cette atmosphère industrielle : le cliquetis des machines, le bourdonnement des tapis roulants qui expédient les agrumes se faire peler ou presser. Très vite, il y prend ses marques. Bien sûr qu’il aime toucher le fruit sur l’arbre (« Ce contact physique peut même inspirer la création et faire naître quelques idées »), mais c’est le produit fini qui compte le plus à ses yeux : l’huile essentielle, qui varie du jaune-vert au brun-vert continue de fasciner cet alchimiste. « Il n’y a rien de désagréable au nez dans la bergamote, rien de négatif. Il n’existe pas beaucoup de produits dont on puisse dire cela en parfumerie », s’enthousiasme-t-il. L’élixir calabrais est obtenu par expression
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F R A N Ç O I S
D E M A C H Y
LE PARFUMEUR EST FIER D’AVOIR RÉUSSI À « RÉANIMER » UN SAVOIR-FAIRE ANCESTRAL, QUI AVAIT TOTALEMENT DISPARU DEPUIS 1850 : LE TRAVAIL À L’ÉPONGE
à froid du péricarpe (le zeste) du fruit frais – dans cette zone criblée de vésicules oléifères se trouve la totalité de son principe odorant. Encore faut-il réussir à le capturer. Tout se passe dans une machine assez rudimentaire – la pelatrice –, composée de quatre rouleaux à pointes qui grattent le fruit. Durant tout le processus, le fruit est en permanence aspergé de petits jets d’eau qui, tout en lavant l’écorce, transportent dans une centrifugeuse l’huile essentielle, qui sera ensuite séparée de l’eau. Ce nectar se compose de 350 éléments chimiques, beaucoup plus que les autres huiles essentielles d’agrumes. Jamais sentencieux ni laborieux lorsqu’il évoque la matière première, il est une chose dont il semble fier : avoir réussi à « réanimer » un savoir-faire ancestral, qui avait totalement disparu depuis 1850, le travail à l’éponge. Et d’expliquer avec passion son principe, en passant même aux travaux pratiques : « La bergamote fraîche est coupée en deux, évidée de sa pulpe, puis l’écorce est abondamment mouillée. Il faut ensuite presser les écorces plusieurs fois contre une éponge pour en faire sortir l’essence la plus riche, la plus complète… » Le parfumeur a glissé cette huile essentielle si pure dans le parfum Eau Fraîche. En prime, cette essence d’une qualité exceptionnelle contient moins de bergaptène, composé organique connu pour ses propriétés photosensibilisantes. Voilà de quoi combler ce créateur doublé d’un chercheur acharné. Pour rectifier l’huile essentielle, la sculpter à leur façon, la purifier parfois, certaines sociétés disposent
de la distillation moléculaire, technologie qui permet de séparer tous les composants olfactifs (opération réalisée entre 20 et 30 °C). La société Capua a breveté une technologie qui permet d’effectuer la même opération à température ambiante et donc sans abîmer la matière première. Le parfumeur a l’œil qui frise. Tout ça le passionne. Il réfléchit déjà à ce que ça pourrait bien donner au cœur de la formule d’un prochain parfum. Mais, ces jours-ci, il présente Dior Homme, un hyperboisé patchouli-vétiver-cèdre dans lequel on retrouve, évidemment, de la bergamote en note de tête. Et la critique alors ? Il cille à peine lorsqu’on évoque quelques rancunes tenaces qu’il ne s’est jamais expliquées. Dans un admirable consensus, François Demachy exaspère le petit peuple des blogueurs parfum et quelques journalistes énervés, arbitres autoproclamés des élégances parfumistiques. Trop successful, trop Dior, trop dominateur, trop blockbuster. Reproche-t-on à Spielberg de faire des entrées ? Sous sa mandature prolifique, Dior a fait des hits par dizaines. N’est-ce pas, finalement, le lot de ceux qui sont montés au plus haut des cieux de la création et qui occupent la première place dans l’Olympe de luxe ? Alors il se contente de bien faire son métier, de composer « quelques beaux parfums qu’on a du plaisir à porter », et qui durent dans le temps. Et s’il peut y glisser un peu d’huile essentielle de bergamote, lumineuse et souriante, il est le plus heureux des hommes. •
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ALEXANDRA AGOSTON PAR CHRIS COLLS
ROBE BUSTIER EN MOUSSELINE DE SOIE ET BAGUE DEUX DOIGTS, SAINT LAURENT PAR ANTHONY VACCARELLO.
SHORTY EN LAINE, CEINTURE EN CUIR BOUCLE MÉTAL ET COLLIER, SAINT LAURENT PAR ANTHONY VACCARELLO.
EARCUFF ET COLLIER, SAINT LAURENT PAR ANTHONY VACCARELLO. CHAPEAU, VINTAGE.
PAGE DE GAUCHE : VESTE DE SMOKING ET SHORTY EN LAINE, CEINTURE EN CUIR BOUCLE MÉTAL, ÉCHARPE EN SOIE, COLLIER ET BAGUE DEUX DOIGTS, SAINT LAURENT PAR ANTHONY VACCARELLO. BOTTES EN CUIR À TALONS, SAINT LAURENT PAR ANTHONY VACCARELLO.
GILET ET SHORTY EN LAINE, CEINTURE EN CUIR BOUCLE MÉTAL, BOTTES EN CUIR À TALONS ET COLLIER, SAINT LAURENT PAR ANTHONY VACCARELLO.
SHORTY EN LAINE, CEINTURE EN CUIR BOUCLE MÉTAL, BOTTES EN CUIR À TALONS ET COLLIER, SAINT LAURENT PAR ANTHONY VACCARELLO.
VESTE DE SMOKING EN LAINE, LEGGING, CEINTURE EN CUIR BOUCLE MÉTAL, BAGUE DEUX DOIGTS ET EARCUFF, SAINT LAURENT PAR ANTHONY VACCARELLO. PAGE DE DROITE : MASQUE, EARCUFF ET BAGUE DEUX DOIGTS, SAINT LAURENT PAR ANTHONY VACCARELLO.
SHORTY EN LAINE, CEINTURE EN CUIR BOUCLE MÉTAL, EARCUFF ET COLLIER, SAINT LAURENT PAR ANTHONY VACCARELLO.
MASQUE ET EARCUFF, SAINT LAURENT PAR ANTHONY VACCARELLO.
TOP EN LAINE ET SEQUINS, LEGGING, CEINTURE EN CUIR BOUCLE MÉTAL, BOTTES EN CUIR À TALONS, EARCUFF ET BAGUE DEUX DOIGTS, SAINT LAURENT PAR ANTHONY VACCARELLO.
ÉCHARPE EN SOIE, COLLIER ET EARCUFF, SAINT LAURENT PAR ANTHONY VACCARELLO.
PAGE DE GAUCHE : ROBE BUSTIER EN MOUSSELINE DE SOIE ET BAGUE DEUX DOIGTS, SAINT LAURENT PAR ANTHONY VACCARELLO. MASQUE, LEGGING ET CEINTURE EN CUIR BOUCLE MÉTAL, SAINT LAURENT PAR ANTHONY VACCARELLO. MODÈLE : ALEXANDRA AGOSTON CHEZ IMG MODELS. PHOTOGRAPHE : CHRIS COLLS CHEZ SERLIN ASSOCIATES, ASSISTÉ DE DANIIL ZAIKIN ET JORIS ROSSI. FASHION DIRECTOR : DAN SABLON, ASSISTÉ D’ALINE MIA KAESTLI. COIFFURE : LAURENT PHILIPPON CHEZ CALLISTÉ. MAQUILLAGE : LILI CHOI CHEZ CALLISTÉ.
VESTIAIRE PAR ISMAËL MOUMIN
YOUSSOU : VESTE EN ÉPONGE, MARINE SERRE. POLO COL LUREX, MISSONI. COLLIER, VERSACE. ÉTIENNE : DÉBARDEUR, HANES. CARMEN : MANTEAU EN CUIR ZIPPÉ, ALYX. BRACELET EN CUIR CLOUTÉ, GIVENCHY. ALEXIS : VESTE, BERLUTI. CHEMISE TUNIQUE EN VEAU VELOURS, LOEWE. COLLIER, LOUIS VUITTON. ANIS : CHEMISE À CAPUCHE EN CUIR, LOUIS VUITTON. DÉBARDEUR, HANES. SILK : VESTE, AMBUSH.
ÉTIENNE : VESTE, CHEMISE, PANTALON ET CRAVATE, DIOR MEN x JORDAN BRAND. SNEAKERS EN CUIR, AIR JORDAN 1 HIGH OG DIOR. LUNETTES, LOUIS VUITTON.
ANIS : BOMBER JACKET BRODÉE, DIOR MEN x JORDAN BRAND. CHEMISE, CHARVET. SHORT, SACAI x GRAMICCI. SNEAKERS EN CUIR, AIR JORDAN 1 HIGH OG DIOR. CHAUSSETTES, FALKE. ALEXIS : PANTALON, DIOR MEN x JORDAN BRAND. SNEAKERS EN CUIR, AIR JORDAN 1 HIGH OG DIOR.
ANIS : CHEMISE ET PANTALON IMPRIMÉ CAMOUFLAGE, MARNI. DÉBARDEUR, HANES. COLLIER, AMBUSH.
ALEXIS : DÉBARDEUR, HANES. PANTALON, AMBUSH. COLLIER, VERSACE. YOUSSOU : DÉBARDEUR, CALVIN KLEIN. PANTALON ET BRACELET EN CUIR CLOUTÉ, GIVENCHY. BRACELET, AMBUSH. LUNETTES, LOUIS VUITTON. CARMEN : VESTE EN CUIR EMBOSSÉE, ALYX. BRASSIÈRE, AMI. SLIP, CALVIN KLEIN. ANIS : MANTEAU, PANTALON ET CEINTURE, BOTTEGA VENETA.
ÉTIENNE : MANTEAU EN CUIR, T-SHIRT IMPRIMÉ, PANTALON RETROUSSÉ EN COTON ET BOTTES EN CUIR, RAF SIMONS.
YOUSSOU : CHEMISE EN SOIE IMPRIMÉE ET CRISTAUX SWAROVSKI, DÉBARDEUR EN LUREX, PANTALON, BOOTS ET COLLIER, VERSACE. LUNETTES, LOUIS VUITTON.
YOUSSOU : VESTE, PANTALON, GILET, CHEMISE, CRAVATE, LUNETTES ET BOUTONNIÈRE, CELINE PAR HEDI SLIMANE.
ÉTIENNE : COMBINAISON EN JEAN, FENDI. BOTTES, RAF SIMONS.
ALEXIS : VESTE, CHEMISE ET BANDANA EN NYLON, PRADA. YOUSSOU : CHEMISE EN SOIE IMPRIMÉE ET CRISTAUX SWAROVSKI, DÉBARDEUR EN LUREX ET COLLIER, VERSACE. LUNETTES, LOUIS VUITTON. CARMEN : TOP PATCHWORK ÉTOILES EN LATEX, PACO RABANNE. DÉBARDEUR, HANES. CHOKER, VINTAGE. ANIS : VESTE ET PANTALON IMPRIMÉ CAMOUFLAGE, MARNI. DÉBARDEUR, HANES. COLLIER, AMBUSH.
YOUSSOU : DÉBARDEUR EN SOIE, PANTALON EN VELOURS PLISSÉ ET LUREX, SANDALES EN CUIR, ÉCHARPE EN SOIE, COLLIERS ET BRACELETS, SAINT LAURENT PAR ANTHONY VACCARELLO.
CARMEN : MANTEAU EN CUIR ZIPPÉ, ALYX. BRACELET EN CUIR CLOUTÉ, GIVENCHY.
ÉTIENNE : MANTEAU EN CUIR, PANTALON RETROUSSÉ EN COTON ET BOTTES EN CUIR, RAF SIMONS. YOUSSOU : MANTEAU EN CUIR, BERLUTI. T-SHIRT IMPRIMÉ, RAF SIMONS. PANTALON BRODÉ DE SEQUINS, LAZOSCHMIDL. SNEAKERS « AIR FORCE 1 », NIKE.
YOUSSOU : DÉBARDEUR EN SOIE, PANTALON EN VELOURS PLISSÉ LUREX, COLLIER ET BRACELET, SAINT LAURENT PAR ANTHONY VACCARELLO. CARMEN : SWEATSHIRT ET JOGGING, CHERRY.
ALEXIS : VESTE, BERLUTI. TUNIQUE EN VEAU VELOURS ET PANTALON, LOEWE. BOOTS, GIVENCHY. COLLIER, LOUIS VUITTON. COLLIER PORTÉ À LA MAIN, AMBUSH. ÉTIENNE : DÉBARDEUR, HANES. PANTALON, ALYX. SNEAKERS EN CUIR, AIR JORDAN 1 HIGH OG DIOR.
ALEXIS : DÉBARDEUR, HANES. PANTALON, AMBUSH. BOOTS EN PYTHON, CELINE PAR HEDI SLIMANE. ANIS : MANTEAU, PANTALON ET CEINTURE, BOTTEGA VENETA. BOOTS, VERSACE.
SILK : CHEMISE EN MOUSSELINE DE SOIE, CELINE PAR HEDI SLIMANE. JUPE, ATLEIN. MULES À TALON (PAGE DE DROITE), NODALETO. ANIS : VESTE EN CUIR, OFF-WHITE. PANTALON, JIL SANDER. CHEMISE ET CRAVATE, CHARVET. CARMEN : PANTALON EN PATCHWORK DE JEAN, RVDK RONALD VAN DER KEMP. MULES EN CUIR (PAGE DE DROITE), ALYX. YOUSSOU (PAGE DE DROITE) : VESTE, GILET, PANTALON, CHEMISE, CRAVATE ET BOUTONNIÈRE, CELINE PAR HEDI SLIMANE. ALEXIS (PAGE DE DROITE) : VESTE ET PANTALON, PHIPPS. CHEMISE ET CRAVATE, CHARVET. SNEAKERS EN CUIR, AIR JORDAN 1 HIGH OG DIOR.
YOUSSOU : VESTE ET JUPE EN ÉPONGE, MARINE SERRE. POLO COL LUREX, MISSONI. SNEAKERS EN CUIR, AIR JORDAN 1 HIGH OG DIOR. LUNETTES, LOUIS VUITTON. COLLIER ET BAGUE, VERSACE. CHAUSSETTES, FALKE.
YOUSSOU : HEADPIECE EN ÉPONGE, MARINE SERRE. LUNETTES, LOUIS VUITTON.
ÉTIENNE : DÉBARDEUR, HANES. PANTALON, ALYX. SNEAKERS, AIR JORDAN 1 HIGH OG DIOR.
ÉTIENNE : VESTE, CHEMISE ET CRAVATE, DIOR MEN x JORDAN BRAND. LUNETTES, LOUIS VUITTON.
ANIS : CHEMISE À CAPUCHE ET PANTALON EN CUIR, LOUIS VUITTON. BOOTS, PRADA.
CARMEN : TOP PATCHWORK ÉTOILES EN LATEX ET PANTALON EN CUIR, PACO RABANNE. DÉBARDEUR, HANES. CHOKER, VINTAGE.
ALEXIS : VESTE, CHEMISE, PANTALON, BOOTS ET BANDANA EN NYLON, PRADA.
CARMEN : VESTE EN CUIR EMBOSSÉE ET MULES À TALON, ALYX. SLIP, CALVIN KLEIN. MODÈLES : CARMEN KASSOVITZ, CHEZ FORD MODELS, ANIS BEN CHOUG CHEZ ELITE, YOUSSOU CAMARA CHEZ THE CLAW, ALEXIS TIEN CHEZ THE CLAW, SILK MOTYL CHEZ CITY MODELS, ÉTIENNE DE TESTA. PHOTOGRAPHE : ISMAËL MOUMIN. FASHION DIRECTOR : DAN SABLON, ASSISTÉ DE CHARLY FERRANTE ET CLARA VIANO FARUEL. COIFFURE : KAZUE DEKI CHEZ CALLISTÉ. MAQUILLAGE : MARION ROBINE CHEZ CALLISTÉ.
ANNI PAR PURIENNE
REMERCIEMENT SPÉCIAL À HOLYWEED.
L U I
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LE CLUB DES CINQ OBJETS HAUTEMENT RECOMMANDÉS PAR LUI.
PHOTOS SERGE PAULET
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COURS FORREST, COURS ! LE SWOOSH DE CES AIR JORDAN 1, ORNÉ D’UN JACQUARD DIOR BEIGE ET BLEU, NE VOUS FERA SANS DOUTE PAS COURIR PLUS VITE. MAIS COMME LES SEMELLES DE CES SNEAKERS SONT AUSSI SIGLÉES, VOS CAMARADES DE JOGGING SAURONT QUE VOUS ÊTES UNE VRAIE POINTURE. AIR JORDAN 1 OG DIOR, 1 700 € EN VERSION LOW, 1 900 € EN VERSION HIGH.
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CHÉRI, FAIS-MOI PEUR POUR PARTIR EN WEEK-END DANS UNE COMMUNAUTÉ SATANISTE, CE GRAND TOTE BAG EN COTON NOIR, ORNÉ DE DEUX CRÂNES AUX DENTS SAILLANTES ET AUX GENCIVES SAIGNANTES, FERA DE L’EFFET. EN REVANCHE, PENSEZ À L’ÉLOIGNER DE VOTRE TÊTE DE LIT AFIN D’ÉVITER UN RÉVEIL TERRIFIANT. SR.STUDIO.LA.CA, 650 €.
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CASINO ROYAL CE SOIR, VOUS N’AVEZ PAS ENVIE D’ALLER FLAMBER SUR UN TAPIS VERT ? ALORS, JETEZ CES DÉS EN ÉRABLE MARQUETÉ, POUSSEZ LES PIONS INCRUSTÉS DE TAURILLON LISSE ET LAISSEZ GLISSER VOS DOIGTS SUR CE SUBLIME BACKGAMMON MULTICOLORE EN ÉRABLE. C’EST PLUS CHIC QUE LE 4 21, MÊME SI, AUTANT L’AVOUER, C’EST NETTEMENT MOINS RIGOLO… HERMÈS, 5 550 €.
L U I
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DANSE AVEC UN LOUP VOUS NE VOULEZ PAS VOUS FAIRE LAPIDER PAR DES VEGANS DANS UN MANTEAU EN LOUP, MAIS VOUS AIMEZ HURLER À LA MORT LES SOIRS DE PLEINE LUNE ? CETTE BOUCLE D’OREILLE EN FORME DE CANIDÉ, 100 % ÉMAIL NOIR ET BLANC AVEC FERMOIR EN LAITON DORÉ, VOUS TRANSFORMERA EN BÊTE POUR DÉVORER LES PETITS CHAPERONS ROUGES. CELINE BY HEDI SLIMANE, 400 €.
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MON BEAU PANIER, ROI DU MARCHÉ POUR ALLER ACHETER SES LÉGUMES, ON PEUT CHOISIR UN TOTE BAG À MESSAGES PLUS OU MOINS INSPIRÉS. OU S’OFFRIR CE PANIER BI-MATIÈRE EN CUIR ET TISSU IMPRIMÉ QUI DONNERA DU CHIC À TOUT, MÊME À UNE COURGETTE OBLONGUE OU À UN VULGAIRE POIREAU. UN VRAI CHOIX DE VIE, QUOI. FENDI, 2 700 €.
P S C H I T T
LA CRISE ? QUELLE CRISE ? L’ÉPOQUE PLEINE D’AGITATION ET DE CONFLITS EST AUX PARFUMS FEEL GOOD, QUI FONT DU BIEN AU MORAL ET CALMENT LES DÉPRIMES PASSAGÈRES. MAIS PORTER UN PARFUM PLEIN DE BONS SENTIMENTS SANS VIRER CRÉTIN LÉNIFIANT EST TOUT UN ART.
On ne peut pas ne pas songer au sourire désarmant de positivité de Julia Roberts, capable de faire sauter de joie n’importe quel mormon sous Xanax. Et cette profession de foi feel good, qui a boosté le succès mondial du hit de Lancôme, La Vie est belle. Chaque époque exprime olfactivement le bonheur à sa façon. Et avouons que, dans la parfumerie masculine, le bonheur est une idée assez neuve. Happy For Men (Clinique, 1999), rasade d’agrumes et de notes boisées fraîches, aura été le premier à jouer la carte du bonheur effervescent assez premier degré. Le carton actuel de la Cologne – bouffée de fraîcheur aromatique, optimiste et rassurante –, qui se décline aussi bien chez Dior (Spice Blend), Chanel (Paris-Riviera), Mugler (Come Together) ou Louis Vuitton (Afternoon Swim), montre que les garçons ont d’abord envie (et ça c’est carrément nouveau !) de se faire plaisir à eux-mêmes, de se sentir bien, avant de penser à séduire l’autre. S’il y a des feel good movies (le plus connu étant La Vie est belle, celui de Franck Capra avec Donna Reed et sans Julia Roberts… qui n’était pas née en 1946 – bravo ! Vous reviendrez en deuxième semaine) à visionner lorsque le moral est aussi bas que ces ciels à la Vlaminck, on trouve désormais ce qu’on pourrait appeler des eaux de bienveillance, savant équilibre entre fraîcheur et vigueur, entre sourire et sensualité. Leur credo : refuser la crise, les grèves, et leur lot de notes sombres et de sillages dramatiquement sérieux. Comme
le proclamait Supertramp sur la pochette d’un de ses albums : « Crisis ? What Crisis ? » L E PA R F U M A N T I C R I S E E X I S T E -T- I L ?
Ce supplément de bonheur, il faut aller le chercher dans quelques ingrédients radieux qui ont le don, on ne sait pas trop pourquoi, de nous coller le sourire aux lèvres. Sans surestimer la capacité du parfum à conjurer la mélancolie, certaines matières premières, cristaux de gaieté brute, participent largement à notre bonheur et sont parfois plus efficaces qu’une séance de luminothérapie en plein mois de février. En tête de liste des matières premières anticrise : la pomme, le néroli (l’essence de fleur d’oranger), les bois blonds (cashmeran et santal en tête), l’osmanthus (fleur blanche aux accents abricotés) et les notes amandées (héliotropine, fève tonka, coumarine). Autre filon olfactif bourré d’optimisme, antidote aux idées noires, qui exprime la lumière et l’effet pétillant : le pomélo (pamplemousse), agrume favori des mecs selon les marques. Pour chasser le spleen des grèves, des frasques de Trump et du reste, mieux que toutes les théories du bonheurisme à tout-va, il n’y a qu’à porter sur la peau l’un de ces totems de joie de vivre. Je ne peux pas vous promettre que vous serez soudain plus heureux qu’un Danois mais, comme disait ma grand-mère qui avait donné son cœur à L’Air du temps (archétype du parfum solaire qui donne la banane) : « Si ça fait pas de bien, ça peut pas faire de mal. » •
PAR LIONEL PAILLÈS - PHOTOS SERGE PAULET
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BONNE HUMEUR UNE POLYPHONIE BOISÉE POUR CETTE NOUVELLE VERSION HYPERSENSUELLE (ET MOINS ANDROGYNE), ENLUMINÉE DE NOTES FRUITÉES ET ACIDULÉES, D’UN PARFUM DÉJÀ PASSÉ AU RANG DE GRAND CLASSIQUE. EAU DE TOILETTE « DIOR HOMME », DIOR, 71 € LES 50 ML.
BONNE JOURNÉE UNE BALADE REVIGORANTE SOUS LA CHALEUR CARESSANTE DU SOLEIL DE LA CAMPAGNE TOSCANE, ENTRE LUCQUES ET PISE EXACTEMENT, QUI EXHALE L’ODEUR ZESTÉE DES CITRONS, DES ORANGES ET LE PARFUM FRAIS ET TERREUX DES COLLINES. EAU DE TOILETTE « K », DOLCE & GABBANA, 76 € LES 50 ML.
PLÉNITUDE MIRACLE DE LA SLOW PARFUMERIE, LA FRAÎCHEUR REPOSANTE DE NATURALITÉ DE LA FEUILLE DE CORIANDRE RÉPOND DU TACT AU TAC AU CARACTÈRE BOISÉ FUMÉ INTENSE DU PAPYRUS, NOTE BEAUCOUP TROP RARE EN PARFUMERIE (MERCI AU NEZ LESLIE GIRARD !). EAU DE PARFUM « PAPYRUS MOLÉCULAIRE », MAISON CRIVELLI, 180 € LES 100 ML.
ELIXIR DE VITALITÉ UN SHOT GÉNÉREUX DE BAIE DE GENIÈVRE, À LA SAVEUR POIVRÉE ET RÉSINEUSE, ILLUMINE L’ACCORD IRIS-VIOLETTE, MARQUE D’UN SÉDUCTEUR PLEIN DE LÉGÈRETÉ ET DE DISTANCE. EAU DE TOILETTE « CASANOVA 2161 », STORIE VENEZIANE BY VALMONT, 98 € LES 50 ML.
BEL EUPHORIQUE LE SOURIRE ÉCLATANT D’OPTIMISME D’UN TRIO POMME-PRUNE-BERGAMOTE, QUI ENSOLEILLE UN CŒUR BOISÉ-ÉPICÉ (BOIS DE CACHEMIRE ET CANNELLE) AUSSI FOUGUEUX QUE CHALEUREUX. EAU DE PARFUM « BOSS BOTTLED ABSOLUTE », HUGO BOSS, 73,50 € LES 50 ML.
GOUTTES DE BONHEUR COMME S’IL NE SUPPORTAIT PAS L’IDÉE QUE VIRILITÉ PUISSE RIMER AVEC GRAVITÉ, L’ABSOLU DE NARCISSE SE TEINTE D’UN SPLASH INTRÉPIDE D’ORANGE TAROCCO JUTEUSE ET JOYEUSE. EAU DE TOILETTE « PEUR DE RIEN », COLLECTION PARTICULIÈRE GIVENCHY, 195 € LES 100 ML.
MARIAGE HEUREUX LA JOIE DE VIVRE NAÎT DE LA RENCONTRE LUMINEUSE, QU’ON CROIRAIT DÉCIDÉE PAR UN ALGORITHME, ENTRE LA FLEUR D’ORANGER, L’ABSOLU DE GÉRANIUM, LE CACAO AMER ET LA RONDEUR AMANDÉE DE LA FÈVE TONKA. « Y LIVE, EAU DE TOILETTE INTENSE », YSL, 67,50 € LES 60 ML.
V I E
C O N J U G A L E
QUELQUE CHOSE À SE FAIRE PARDONNER ? IL Y A DES DÉR APAGES QU’UN CADE AU BIEN CHOISI PEUT AIDER À FAIRE OUBLIER… PAR DAN SABLON - PHOTOS SERGE PAULET
SOUTIEN - GORGE E T C ULOT TE EN TULLE, GUCCI, 750 €. MINI BES AC E « K AIA », SAINT LAURENT PAR ANTHONY VACCARELLO, 1 190 €. MINAUDIÈRE « SERPENTI », ALEXANDER WANG x BVLGARI, 4 9 0 0 €.
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C UI S S ARDE EN C UIR, GUC CI, 1 980 €. C R AVAC HE EN C UIR, GUC CI, 790 €. FOUE T EN C UIR, GUC CI, 790 €. BOT TE EN PY THON NOIR, CE LINE , 2 6 0 0 €.
B I L A N
D E
S A N T É
MATTHIEU NOËL BOBO HYPOCONDRIAQUE ADEPTE DU BIO, MATTHIEU NOËL NE PREND AUCUN RISQUE AVEC SA RIGUEUR SUISSE. MALGRÉ QUELQUES PÉTARDS, ADO, FACE AU LAC LÉMAN, IL JURE AUJOURD’HUI QUE PLUS RIEN D’ILLÉGAL N’ENTRE EN LUI…
Taille ?
À jour dans vos vaccins ?
1,90 m chez le médecin. 1,92 m chez ma mère. 1,80 m selon mon père, qui n’a jamais accepté que je sois plus grand que lui.
Oui. Ne serait-ce que pour narguer les antivaccins – contre la connerie desquels il serait d’ailleurs urgent d’en trouver un…
Poids ?
89 kg selon la balance de mon club de sport et 86 kg selon la mienne. Mais l’une des deux doit être tarée. Tension ?
Aucune idée ! Certainement le chiffre idéal pour la tension puisque c’est le seul moment de la consultation où le médecin s’exclame : “Parfait !” En revanche, je suis hypotendu. Si je reste trop longtemps debout et statique, dans un téléphérique par exemple, je m’évanouis. Peut-être que chez moi le sang a du mal à remonter jusqu’au cerveau… Comme chez les girafes. La dernière fois que vous avez consulté un médecin ?
C’était il y a deux semaines. Juste pour confirmer un autodiagnostic que j’avais fait sur Doctissimo et qui concluait à une méningite de type B. En fait c’était un rhume de type banal. Oui, je suis hypocondriaque.
Avez-vous des allergies ?
Oui, aux trottinettes électriques et aux cons qui les chevauchent gaiement, à contresens, en grillant les feux, avec un enfant en bas âge entre les jambes et un casque Marshall sur les oreilles. Avez-vous des cicatrices ?
De guerre, non. De ridicule, oui : une. J’avais 7 ans et la patience de Mariah Carey avant un show à la mi-temps du Superbowl. Je voulais absolument ma grenadine AVANT mon jus d’orange. Pour faire plier ma pauvre mère, j’ai décidé de mettre un coup de boule au mur. Ma maladresse aidant, mon front a raté le mur mais pas mon menton. On a connu cicatrice plus glorieuse. J’aurais dû inventer un reportage au Soudan. Combien de cigarettes par jour ?
Je n’ai jamais fumé une cigarette de toute ma vie. C’est la grande chance des hypocondriaques.
Combien de verres d’alcool par semaine ?
Je vais citer Emil Cioran : “Lorsque l’on n’a pas eu la chance d’avoir des parents alcooliques, il faut s’intoxiquer toute sa vie pour composer avec la lourde hérédité de leurs vertus.” Mes parents buvaient très peu. Combien de dents encore à vous ?
Toutes ! Et à en croire les explications de mon dentiste, selon lequel les racines de mes dents sont en “crochet”, les rendant très dures à extraire, je devrais pouvoir me taper des côtes de bœuf jusqu’à la fin ! Combien de sortie par semaine ?
Ouh là ! Deux au grand maximum… Je fixe rendez-vous à 19 heures pétantes et extinction des feux à minuit. En moins nocturne que moi dans le show-biz, il y a Michel Drucker. C’est tout. Quel sport pratiquez-vous ?
J’ai la chance d’avoir un club de sport doté d’une piscine à une rue de chez moi. Et le bonnet de bain n’y étant pas obligatoire, ça me permet d’avoir l’air un peu moins con qu’à la piscine municipale.
PAR JOSÉPHINE SIMON-MICHEL ET LIONEL PAILLÈS - PHOTO DENIS ROUVRE
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M A T T H I E U
N O Ë L
« J’AI DÉCOUVERT UNE POUDRE DE PROTÉINE DE POIX À LA VANILLE QUI A UN SCORE DE 100 % SUR YUKA. J’AI RAREMENT ÉTÉ AUSSI HEUREUX »
Je suis suisse et hypocondriaque donc vous avez la réponse. Jamais rien d’illégal n’entrera en moi. Ah, pardon, j’ai oublié de dire que le pétard est légal en Suisse…
de “repulper” votre peau ? En quoi l’or pourrait-il aider d’une quelconque manière votre “contour des yeux” ? Je veux bien qu’on se foute de ma gueule, mais dans une certaine limite. Heureusement, je n’ai pas besoin de crème pour le corps car, d’après ma compagne, se cache sous mes poils une véritable peau de bébé ! Vous voulez toucher ?
Déjà eu recours à la chirurgie plastique ou réparatrice ?
Prenez-vous des compléments alimentaires ?
Jamais. Pas par éthique. Par simple peur de l’anesthésie. À y réfléchir, je n’ai d’ailleurs jamais subi aucune opération… Même pas l’appendicite. Aïe, je commence à ressentir une douleur en bas à droite !
Mon petit estomac m’oblige à manger souvent. Je suis donc une bonne cible. Là, j’ai découvert chez Naturalia une poudre de protéine de poix à la vanille qui a un score de 100 % sur Yuka. J’ai rarement été aussi heureux.
Nombre de partenaires depuis votre première fois ?
Dans une version idéalisée de moi, je relis Proust. En vrai, je checke mon fil Instagram, comme tout le monde. Et cela ne guérit pas ma misanthropie.
28,5. Oui, un soir… avec Philippe Croizon…
La première chose que vous avalez en vous levant ?
Le crumble poire-chocolat que j’ai repoussé d’un revers de la main au dessert la veille en disant : “Je fais attention à ma ligne, moi !” L’aliment dont vous ne pourriez pas vous passer ?
Je mange deux œufs par jour. J’ai une alerte “œuf ” sur mon téléphone car j’ai une grande crainte qu’un jour une étude démontre que manger des œufs est nocif… Combien d’heures de sommeil en moyenne ?
Sept. Desquelles il faut déduire au moins une heure sachant que j’ai cette faculté assez unique de m’autoréveiller avec mes propres ronflements. Pratiques à risque ?
Faire quotidiennement 5 km à scooter dans Paris. Je pense que, de même que le tabac aujourd’hui, la conduite non-assistée d’un véhicule dont la carrosserie est votre propre corps paraîtra totalement saugrenue à nos arrière-petits-enfants.
Prenez-vous des psychotropes ? Légaux ou illégaux ?
Principal atout de séduction ?
Je me fierais à ce beau compliment que certaines femmes m’ont fait : “La surprise de découvrir qu’en vrai, tu n’es pas aussi antipathique que tu en as l’air.” Routine de soin ?
Le mot “routine” implique une régularité dont je suis tout à fait incapable sur le plan cosmétique. Il y a toutes sortes de crèmes dans ma salle de bains, que j’utilise sans jamais respecter aucune consigne. La cosmétique, c’est la limite de mon consumérisme : en quoi le caviar aurait-il la propriété
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Des problèmes de cheveux ?
J’ai bientôt 40 ans, alors oui. Mais l’avantage d’être grand, c’est que personne ne le voit. Sauf mon coiffeur, qui m’a récemment parlé des implants. J’ai changé de coiffeur. La partie de votre corps qui vous fait le plus souffrir ?
Le dos. Comme tous les grands dadais insuffisamment cambrés. Celle qui vous fait le plus de bien ?
On ne se connaît pas encore assez bien pour que je vous en parle. • L’Équipée sauvage, du lundi au vendredi de 16 h à 18 h sur Europe 1.
N ATU R ES M O RTES : STU D I O S ÉG U R .
La dernière chose que vous faites avant de dormir ?
LE DIAGNOSTIC DE MATTHIEU NOËL DE SON ENFANCE PASSÉE À GENÈVE, CE GRAND ÉCHALAS AU REGARD BLEU GLACIER A CONSERVÉ LE GOÛT DE LA TRANQUILLITÉ ET DES JOURNÉES MILLIMÉTRÉES. LE RIRE, C’EST DU SÉRIEUX ! D’AUTANT QU’IL EST DEVENU LA « LOCOMOTIVE D’EUROPE 1 », UNE PROVOCATION EN PLEINE GRÈVE DES TRANSPORTS (OU UNE BONNE VANNE DE PLUS). NI PARISIEN NI MONDAIN, PLUS TAQUIN QUE TRASH, MATTHIEU CULTIVE SA SUBTILITÉ INCONGRUE SOUS UN VISAGE DE GENTIL HIPSTER À QUI LA « MÉNAGÈRE DE MOINS DE 50 ANS » OFFRIRAIT LA MAIN DE SA FILLE SANS CILLER. EN DÉPIT DE SES MANIÈRES DISTANCIÉES ET FANTASQUES, ON VERRAIT BIEN CE GARÇON BOSSEUR RESPECTER UNE ROUTINE BEAUTÉ TRÈS PREMIER DEGRÉ. PETIT JEU : IMAGINER À QUOI POURRAIT RESSEMBLER SON COMBO GROOMING.
1. POUDRE AUX YEUX
2. PIMP MY HAIR
3. FAIS-MOI MÂLE !
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4. SAUVER SA PEAU
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1 . ANTIC ERNES « FORC E SUPRÊME », B IOTH E RM HOM M E , 15 ML , 53 € 2. SHAMP OING ÉQUILIBR ANT, AÉ SOP, 20 0 ML , 20 € 3 . E AU DE TOILE T TE « L’HOMME », ROC HAS , 6 0 ML , 65 € 4. C RÈME ANTI U V, KI E H L S , 30 ML , 46 € 5 . GEL NE T TOYANT PURIFIANT, HORAC E , 20 0 ML , 1 2 € 6 . HUILE DE BARBE « SOF TER TOUC H », HOU S E 99, 30 ML , 29,90 €
A L C O O L I Q U E S
A N O N Y M E S
LES COPAINS D’ABORD L’HIVER ET SES FÊTES FEUTRÉES OU SES DÎNERS DÉJANTÉS EST TERMINÉ. EN ATTENDANT L’ÉTÉ DES TERRASSES, DE LA MER ET DES OLIVES, LUI A SÉLECTIONNÉ POUR VOUS UNE DOUZAINE DE BOUTEILLES DE MI-SAISON. DES VINS DE BONNE HUMEUR QU’ON RECONNAÎT COMME DES AMIS, QU’ON BOIT EN PETITE TROUPE POUR SE RÉJOUIR D’ÊTRE ENSEMBLE ET QUI ANIMENT LES CONVERSATIONS AU LIEU DE VOLER LA VEDETTE.
pour leur vignoble du sud de Bergerac. Leur choix de la viticulture en bio les contraint à des soins attentionnés pour la vigne et le raisin… Le Lestignac blanc, un sémillon ravivé d’une pointe de sauvignon, fermenté en barriques puis fini en cuve béton, est voluptueux, mais garde un vrai tranchant. L’Écorce n’est que sauvignon, fermenté 18 mois pour un résultat légèrement oxydatif. Dans les deux cas, ce sont des vins qui ne recherchent pas le consensus et osent dire ce qu’ils ont à dire : comme en amitié.
HORS PISTE, URFÉ BL ANC, 2 017, D O M A I N E D E S P O T H I E R S
Le domaine des Pothiers, situé en côte roannaise, est une mine idéale de vins sûrs, accessibles, faciles à trouver, « propres » et parfaits à déboucher pour des occasions sans façons, que ce soit en rouge ou en blanc. Ce 100 % pinot gris issu d’un terroir granitique, vendangé manuellement avec tri à la vigne, est chic, généreux, d’un fruité sec, c’est le vin des asperges à la sauce hollandaise et des plateaux de fromages du printemps. Il peut aussi ne pas être ouvert sur-le-champ et être gardé à la cave pendant une dizaine d’années, on peut donc en acheter un peu de trop.
43 € EN MAGNUM SUR WWW.VINCHEZNOUS.COM POUR LE BLANC, 15 € SUR WWW.VINNOUVEAU.FR POUR L’ÉCORCE
Joséphine et Frédéric Arnaud sont installés dans le Gard, sur la rive droite du Rhône, et produisent en bio des vins fidèles à leur région, qui ne déçoivent pas, comme une épaule sur laquelle se reposer en cas de souci. Parfait pour un repas improvisé entre copains. Du cassis, du romarin, souvent une pointe de réglisse : une générosité qui n’interdit pas une certaine complexité, tout ça à des prix vraiment modestes qui permettent de lâcher du lest et d’acheter une vraie bonne pièce de bœuf, à saisir sur un grill en fonte.
L A B E L L E D ’A U N I S , C O T E A U X D U L O I R , 2 018 , D O M A I N E D E L A R O C H E B L E U E
Ce 100 % pineau d’Aunis affiche classiquement des arômes de framboise, poivre et cerise, structurés par un élevage intelligent pour lui donner un caractère rond et chaleureux, lui faisant dépasser le style superficiel « fruits rouges poivrés ». Un véritable ami, donc. Avec en prime une note finale quasiment anisée, très fraîche, qui fait qu’il n’est jamais jamais lourd. On le boit sur des plats simples lancés au retour du marché, du poulet au four aux zestes de citron et au fenouil…
5,75 € CHEZ LECLERC
P E I R A L E VA D A , 2 018 , S A U TA R O C
24 € ENVIRON CHEZ LES CAVISTES ET WWW.VINS-ETONNANTS.COM
Des vendanges manuelles, une fermentation séparée en cuves inox à température contrôlée des cépages (roussanne, vermentino, viognier), des levures indigènes… Tout est fait pour que le vin soit une expression de son terroir languedocien, ensoleillé et sauvage, mais accueillant. Le résultat est ultra-aromatique comme une garrigue de printemps, mais reste bien
L E S T I G N AC B L A N C , 2 017, C H ÂT E A U L E S T I G N AC E T L’ É C O R C E , 2 011
Les vins de Camille et Mathias Marquet sont vivants et gracieux, comme eux. À la ferme de Sigoulès, en Dordogne, ces néovignerons ont inventé un nouveau style, nature et raffiné,
PAR KEDA BLACK - PHOTOS PAUL LEPREUX
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L’A B U S D ’A LC O O L EST D A N G ER EU X P O U R LA S A NTÉ. À C O N S O M M ER AV EC M O D ÉRATI O N .
EMPREINTE, CÔTES DU RHÔNE, 2 017, C H ÂT E A U C O U R AC
16 € CHEZ LES CAVISTES
minéral et presque salin, grâce à un assemblage qui évite un excès de douceur. Comme une belle accolade amicale de la part des vignerons Laura Borelli et Bertrand Quesne. 15 € SUR WWW.LAPARTDESANGES-AUBAGNE.COM
R O U G E , 2 017, B O U R G O G N E , FA N N Y S A B R E
Simplement « Rouge » : c’est le vin générique mais pas lambda, à apporter chez celui qui aura mitonné de quoi nourrir ses camarades, une pintade aux jeunes légumes peut-être ? Ce qui est bien chez Fanny Sabre, installée à Pommard, c’est qu’elle sait aussi bien faire des vins prestigieux pour les belles occasions que des cuvées plus accessibles pour les réunions courantes de bons vivants qui ont du goût. Ici, un pinot noir léger et épicé. Sachant qu’il y a aussi un « Blanc », un chardonnay plutôt fruité pour ceux qui aiment les escargots. 21 € SUR WWW.PETITESCAVES.COM (ET 20 € POUR LA CUVÉE BLANC 2018)
L A C O M M A N D E R Y, 2 0 0 8 , C A H O R S , C H ÂT E A U L A C A M I N A D E
On peut toujours compter sur un malbec bien costaud pour resserrer les rangs. Ceux de Dominique et Richard Ressès (parfois mâtinés de merlot et de tannat) ont la souplesse et la vivacité nécessaire pour ne pas être étouffants non plus. À condition de carafer : il leur faut de l’air ! Leurs qualités s’obtiennent par un travail attentif de la vigne, limitant la chimie et les intrants, des rendements limités, et un élevage en barriques qui donne ici un joli boisé torréfié, un peu vanillé. Si l’agneau est au menu, c’est une bonne idée. AUTOUR DE 14 € CHEZ LES CAVISTES.
© PA U L LEP R EU X . L’A B U S D ’A LC O O L EST D A N G ER EU X P O U R LA S A NTÉ. À C O N S O M M ER AV EC M O D ÉRATI O N .
F R I L E U S E , 2 018 , L E C L O S D U T U E B Œ U F
Vive, très agrume, herbacée, c’est la bouteille des retrouvailles enjouées. Elle est issue de Romorantin, un cépage typiquement ligérien : sauver et faire revivre des cépages locaux (oubliés au nom de la production de masse) est une spécialité familiale chez les Puzelat, les frères star de la Loire. Eux se pensent comme simples intermédiaires entre le sol (ici, argile à silex) et le verre. Pratiquant une viticulture biologique et une vinification sans artifice depuis les années 1990, on peut dire qu’ils maîtrisent, produisant des vins extraordinairement divers selon les terroirs de leur domaine, mais toujours parfaitement droits : c’est bien de pouvoir faire confiance. 17,50 € SUR WWW.VINCHEZNOUS.COM
L A G R AV E T I L L E , B U Z E T 2 016 , DOMAINE SALISQUET
Miam ! Ce mix de merlot, de cabernet sauvignon et d’une pointe de cabernet franc commence avec un nez très aromatique et assez fleuri, puis révèle
une structure souple et une élégance qui dure en bouche, prenant le pas sur le côté bouquet de fleurs. Une délicate attention signée Audrey Chassenard, avec ici une vinification traditionnelle en cuve inox suivie d’un élevage en barriques. À offrir pour le boire de suite (sur une tourte à la volaille et aux poireaux ?) ou le garder pour dans quelques années quand tout le monde se sera bonifié comme lui. 9-12 € AU DOMAINE, CHEZ LES CAVISTES OU À LA BIOCOOP
C Œ U R D E R O C H E , 2 015 , D O M A I N E D E S B O I S VA U D O N S
Un blanc de Touraine classique de terroir argilo-calcaire, un 100 % sauvignon signé Jean-François Mérieau, bien balancé entre l’acidité et l’amertume, frais et aromatique mais tendu… Le bon équilibre à apporter chez l’ami qui a promis un bar au beurre blanc. Ou à déboucher plus simplement sur une belle tranche de Beaufort ou de Comté vieux de chez le fromager. 16,20 € SUR WWW.PEPITESDELOIRE.COM
L’ O R I G I N E L , 2 016 , S I M O N B U S S E R
Simon Busser fait de vrais vins de copains : il travaille le sol avec la jument de trait d’un ami, bichonne ses vignes grâce à des tisanes de saule, ortie, consoude et autres plantes ramassées collectivement sur les berges du Lot et, bien sûr, fait ses vendanges entre potes. En vinification, il essaie, tâtonne et réussit : ses vins à la couleur profonde, auxquels la législation interdit toute appellation sauf la très générique « vin de France », vont à contre-courant du style souvent très boisé de la région. Ils sont digestes, fins et agréables et ne donnent pas mal à la tête. On boit son Originel sur un bon Saint-Nectaire en refaisant le monde sans s’infliger de lendemains difficiles. 16,50 € SUR WWW.VINS-ETONNANTS.COM
T R O I S P É P I N S 2 018 S E C , CIDRERIE DU VULCAIN
Pour finir, un cidre un peu spécial qui marie trois fruits amis : le coing pour son côté floral irrésistible, la pomme pour son acidité implacable et la poire pour un peu de douceur et d’apaisement. Sec, c’est un cidre fabriqué en Suisse par Jacques Perritaz avec des fruits de vergers locaux en haute-tige, avec une prise de mousse naturelle en bouteille (donc sans gazéification artificielle) et des cuvées qui varient d’année en année. Aromatique, minimaliste et presque rugueux, il étonne et séduit, et marche bien sur ces entrées de poissons crus aux agrumes qu’on aime partager… • 18 € CHEZ LES CAVISTES ET WWW.LACAVEDESPAPILLES.COM
G R O S S E S
C A S S E R O L E S
PUTAIN DE TERRASSE
© K EYSTO N E FRA N C E V I A G ETTY
QUAND ON A ENVIE DE SENTIR BATTRE LE CŒUR DE PARIS, ON DOIT S’ASSEOIR SUR SON BITUME, SENTIR LA MOITEUR DE SES TROTTOIRS, SE REMPLIR LES POUMONS DE CO2, FUMER DES CLOPES, PARLER FORT EN BUVANT DES COUPS ET EN S’EMBRASSANT SOUS LES ÉTOILES. LUI VOUS OFFRE UNE TOURNÉE SUR TROIS VRAIES TERRASSES DE PANAME QUI FONT QUE OUI, PARIS EST BIEN TOUJOURS PARIS.
PAR BRUNO GODARD
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U N E N U I T AV E C F É L I C I E À deux pas de la mairie du 14e se dresse cette brasserie so parisienne, loin des standards chic et toc des nouvelles adresses de la capitale. Ici, on mange du solide, du frais, du fait maison, sans tape-à-l’œil, mais goûteux et à un prix très abordable. L’adresse palpite et offre son corps de 7 h à 2 h du matin. Le matin, les habitués prennent le soleil en sirotant un café, tout en partageant les dernières nouvelles du quartier et celles du monde, grâce à la presse quotidienne mise à disposition par les patrons. À midi, la clientèle de quartier se rue sur le menu à moins de 20 €. Le soir, surtout, Félicie devient bouillonnante. Les bandes de potes se retrouvent, les tournées tombent comme à Gravelotte, les décibels montent en même temps que le taux d’alcoolémie. Le brouilly (26 €) fait glisser le tartare (14,50 € les 200 g, 19,80 € les 400 g !), l’entrecôte persillée (19,50 €) et la saucisse aligot surfent sur un délicat saumur (26 €). Les serveurs ne chôment pas et étanchent la soif de ceux qui en veulent toujours plus. Ça fume des clopes, ça picole, ça rigole, les tables se mélangent et les hommes de l’art doivent souvent pousser sur le trottoir les derniers groupes formés de filles et de garçons qui ne veulent pas que les ténèbres les avalent trop vite. Sur le trottoir, lorsque les lumières s’éteignent, ils parlent encore un peu, puis s’embrassent en se donnant rendez-vous pour une prochaine soirée chez « Féloche », avant de héler un taxi sur l’avenue. Pour retrouver leur nid en se disant que c’est quand même beau, une ville, la nuit… FÉLICIE, 174, BOULEVARD DU MAINE, PARIS 14E
L’A B U S D ’A LC O O L EST D A N G ER EU X P O U R LA S A NTÉ. À C O N S O M M ER AV EC M O D ÉRATI O N .
L A BOURSE ET L A VIE Institution parisienne située face au Palais Brongniart, le Gallopin régale les Parisiens dans son sublime décor Belle Époque datant de son ouverture, en 1876. L’automne dernier, sa petite sœur est arrivée, juste à côté. La Rôtisserie Gallopin, c’est son petit nom, est bien plus qu’une annexe, elle est pimpante et vivifiante. Quand on pousse la porte, on est accueilli par deux magnifiques rôtissoires en laiton et métal noir. Mais nous avons préféré filer vers le joli patio à ciel ouvert, loin du bruit et de la fureur de notre belle cité. Un treillage, des lauriers boule et une vue sur une splendide verrière 1900, tout est là pour oublier le tumulte
parisien. Après s’être ouvert l’appétit avec de délicieuses rillettes de poulet, tartinées sur un pain croustillant de chez Benoît Castel, à vous de choisir entre l’épaule d’agneau pour deux gros mangeurs ou trois raisonnables (58 €), le demi-poulet fermier pattes noires (17 €) ou le bar entier rôti à la broche (21 €). Les vins chargent un peu l’addition, mais comme le prix s’oublie et que la qualité reste, le carignan du domaine Malys Anne (37 €) ou le crozes-hermitage « Les Launes » (42 €) sauront vous emmener doucement vers l’ivresse. Au dessert, ne passez pas à côté de l’ananas rôti, lui aussi à la broche (7 €). C’est frais, c’est bon, c’est joyeux. Comme un galopin. RÔTISSERIE GALLOPIN, 40, RUE NOTRE-DAME-DES-VICTOIRES, PARIS 2E
L’A M O U R , T O U J O U R S L’A M O U R Le Grand Hôtel Amour a ouvert en 2016 rue de la Fidélité, dans le 10e arrondissement, et une autre antenne a même vu le jour à Nice, l’été dernier, avec un resto de plage vraiment cool. Mais on conserve encore et toujours une tendresse particulière pour le premier de la bande, l’Hôtel Amour, situé dans le South Pigalle, comme disent les hipsters. Sans doute à cause des doux souvenirs que nous avons dans ce jardin intérieur si particulier où l’on a parfois l’impression de dîner en pleine forêt tropicale. Certainement aussi grâce aux jolies filles qui minaudent devant des jolis garçons, ou l’inverse. Mais aussi et surtout grâce aux petits plats sans chichis mais toujours parfaitement réalisés. Lors de notre dernière visite, un simple radis beurre et un poulet rôti (8 et 19 €) nous ont transporté de bonheur, mais c’est sans doute parce que nous l’avons partagé à deux. Car c’est ce qui fait la magie de ce lieu hors de tout : quand on y est, on a envie de s’aimer, d’être amoureux fou, amoureux à en mourir, à ne plus manger, ne plus dormir, comme le chantaient les délicats Herbert Léonard et Julie Piétri. Et aussi parce qu’on avait réservé une chambre dans l’hôtel, situé juste au-dessus du patio. Pour prolonger ce doux moment et avoir la certitude que nos nuits peuvent être encore plus belles que nos jours… • HÔTEL AMOUR, 8 RUE NAVARIN, PARIS 9E
G R O S S E S
C A S S E R O L E S
LES ŒUFS DANS LES ŒUFS PERSONNE N’EST PARFAIT, MÊME PAS L’ŒUF. OUBLIEZ LA CUISSON À 65 °C CENSÉE LE METTRE DANS UN ÉTAT PARADOXAL. CHOISISSEZ-LE NUMÉROTÉ 0 (POUR DES POULES HEUREUSES) ET CUISINEZ CE MIRACLE DE LA NATURE EN EXPLOITANT SES MULTIPLES FACETTES : SON GOÛT, SON GRAS ET SON ÉPATANTE FACULTÉ À CRÉER DU LIANT. SEPT IDÉES. de moutarde et montés à l’huile puis agrémentés d’un mélange des blancs hachés avec cornichons, câpres, persil, estragon et cerfeuil. Avec des poireaux à l’étouffée et du paleron confit à la cocotte-minute.
MINIMALISER
Au restaurant, c’est un bon étalon. Le chef maîtrise-t-il ses assaisonnements ? Est-il généreux, précis ? En fait-il des tonnes ? Si l’on y préfère le minimalisme, à la maison en revanche on s’amuse en le préparant à la limite de l’œuf mimosa : 7 mn de cuisson une fois plongé dans l’eau bouillante et immédiatement refroidi à l’eau glacée, une mayo maison au paprika fumé et un minicondiment persil, cornichon et piment hachés micro micro à répartir sur le dessus.
SAUCER
Vive le soyeux des sauces liées à l’œuf ! La hollandaise pour les asperges : les deux jaunes d’œufs sont fouettés en sabayon sur une douce chaleur avec une cuillerée d’eau puis, une fois montés, additionnés de 125 g de beurre fondu et clarifié, et assaisonnés de sel, poivre et citron. Ou cette sauce pour un poisson vapeur : les feuilles d’un quart de botte de cresson mixées avec un jaune d’œuf, le tout assaisonné et monté comme une mayo avec un beurre noisette.
CASSER DES ŒUFS
La chakchouka, c’est la nouvelle omelette. On prépare une sauce tomate pas du tout lisse, assez réduite, épicée à l’orientale, avec des poivrons si on aime, dans laquelle on ménage des trous pour y déposer les œufs dont on respecte le jaune miroir, et qu’on remue légèrement autour pour que le blanc cuise dans la tomate. On garnit d’échalote tranchée dorée à l’huile d’olive avec des graines de coriandre et de cumin, de dés de feta, de feuilles de coriandre hachées… Sinon, une version d’inspiration indienne : des oignons dorés, du gingembre, du garam masala, un peu de lait de coco et de coulis de tomate, le tout mixé et réduit, on y casse les œufs et on garnit de coco râpée torréfiée.
CONFIRE
On fait mariner des jaunes 48 heures dans la sauce soja, dans un bocal fermé. On utilise comme un assaisonnement-condiment crémeux et salé sur du riz, avec des légumes… CRÉER LE LIEN
Dans la carbonara, les jaunes d’œufs, avec un peu d’eau de cuisson des pâtes, créent l’émulsion et donc une sauce enrobante pour la pasta, avec l’agrément du pecorino râpé et de la pancetta. Parfois, c’est le mangeur qui fabrique la sauce : on prépare une poêlée de champignons, avec un peu de vert de blettes, des dés de foie gras saisis si on s’appelle Darroze, on assaisonne bien et on dépose dans l’assiette avec, au centre, un jaune d’œuf que chacun mélange pour lier le tout. •
SCOTCHER
Les œufs, mollets, sont emballés dans une chair à saucisse généreusement assaisonnée au persil, passés dans la farine, l’œuf battu et la chapelure (le panko japonais est idéal) puis dans un bain de friture. Ces scotch eggs sont parfaits en pique-nique ou en entrée avec une petite salade de cresson frais et des pickles. GRIBICHER
À déguster dans sa plus simple expression au Bouillon Pigalle, de son chef Clément Chicard ayant remporté le premier prix de l’ASOM (Association de sauvegarde de l’œuf mayonnaise) pour son œuf (1,90 €).
Comme une mayonnaise, mais préparée avec le jaune de deux œufs durs, assaisonnés
PAR KEDA BLACK - PHOTO PAUL LEPREUX
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G R O S S E S
C A S S E R O L E S
ANNE-SOPHIE PIC « Je crois au destin » CHEFFE LA PLUS ÉTOILÉE AU MONDE (HUIT ÉTOILES À CE JOUR), AUJOURD’HUI À LA TÊTE DE CINQ RESTAURANTS, ANNE-SOPHIE PIC EST UNE BOULIMIQUE DU TRAVAIL. ENTRE UNE DÉGUSTATION DE VIN BLANC, LA PRÉPARATION D’UN NOUVEAU MENU, UN SHOOT À LA RACINE… LA CHEFFE, TIMIDE PAR NATURE, SE FROTTE À LUI POUR LA PREMIÈRE FOIS.
LUI : Anne-Sophie Pic dans Lui, vous assumez ?
à la bergamote. C’est ma dose de cannabis. Je n’ai jamais testé cette cuisine-là, j’aurais peur des effets négatifs et de perdre ma maîtrise… Mais je ne dis pas non, je suis très plantes. Cela me ferait du bien dans certains moments ! LUI : Votre drogue en ce moment ? A-S.p : Le Benjoin, on y est presque ! On l’appelle aussi racine d’Impératoire, c’est une espèce de plantes qui pousse dans les massifs suisses. La fermentation m’intéresse aussi, je réalise mon thé Kombucha (une boisson fermentée, ndlr), je me passionne pour la mixologie… LUI : Quand on est au top, on admire qui ? A-S.p : Les femmes qui osent. Ma mère en premier, qui m’a ouvert à la culture et au théâtre. La cheffe italienne Nadia Santini, un nom culte. J’ai aussi adoré entendre Aznavour dans les cuisines du restaurant à Valence, aller voir Jean Piat sur scène. Je voue une admiration ultime à Maria Callas. LUI : Tragédienne, Anne-Sophie Pic ? A-S.p : Ma vie aurait pu être une tragédie, mais j’ai su avancer. J’aime les histoires bouleversantes et je crois au destin, pas au hasard. Je crois à ce qui nous dépasse, aux énergies, à l’idée d’être guidé par quelque chose. LUI : En parlant d’énergie, où trouvez-vous la vôtre ? A-S.p : Je crois aux énergies et à leurs flux. Je suis superbonne cliente pour tout ce qui touche à cela. Je m’accorde tous les lundis un moment de yoga ou de sport. Si je zappe, je perds mon équilibre. LUI : Hurler de rage, ça vous fait du bien aussi ? A-S.p : J’ai horreur de ça. Je ne vais pas dire que cela ne m’est jamais arrivé, mais je ne me reconnais pas. Si je m’énerve, je le regrette. Je suis partisane de la douceur. Dans ma cuisine, c’est fondamental. •
Anne-SophIe pIc : Je connais ce magazine depuis
longtemps. Et mon mari, mieux que moi. Il n’y a pas de sujet tabou chez nous, ni dans ma cuisine d’ailleurs. Lui distille les plaisirs de la vie quotidienne, cette légèreté fait du bien. LUI : Un gramme de féminisme chez vous ? A-S.p : Je suis contre l’exclusion en général et contre l’inégalité des salaires hommes-femmes. Il y a beaucoup de femmes à notre comité de direction, et elles sont plutôt bien payées. Pour le reste, je n’aime pas la catégorisation de genre. En cuisine, nous travaillons tous un peu de la même façon. Et grâce à nous, les chefs hommes se sont ouverts à une nouvelle sensibilité, une cuisine qui touche le cœur, toujours plus émotionnelle. LUI : Huit étoiles au compteur, vous êtes no-limit ! A-S.p : Les étoiles, c’est mon histoire. C’est un devoir de mémoire à l’adresse de mon père et de mon grand-père. Je m’y consacre depuis mes débuts en 1992. On ne m’a pas aidée à cette époque. J’étais traitée d’illégitime, prise pour la “fille de”, ou “celle qui a fait des études”. LUI : Vous en voulez aux hommes ? A-S.p : La vengeance est un plat qui se mange froid ! Tout cela m’a forgé, mais je ne suis pas une revancharde. La compétition avec les hommes est positive chez moi, je ne suis jalouse de personne. LUI : Quand Yannick Alléno dit : “L’ADN des femmes, c’est d’enfanter”, ça vous blesse ? A-S.p : Yannick est un bon copain, il a été maladroit et doit être plus précis dans son discours. Ces formes d’intransigeance – comme le racisme ou l’homophobie – sont encore bien réelles dans le monde de la cuisine. Pas chez moi. Paraît-il qu’aux États-Unis la situation est pire qu’en France… LUI : En parlant de États-Unis, on y cuisine désormais le cannabis, vous vous y mettez quand ? A-S.p : Ma drogue, c’est ma tasse de thé
Anne-Sophie Pic à Valence. Toutes les adresses sur www.anne-sophie-pic.com
PAR ALEXIS CHENU - PHOTO STÉPHANE DE BOURGIES
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