Press-book
Tanzaniennes en résistance Dans le cadre de l’exposition Femmes en résistance présentée à l’Alliance française de Dar es-Salam, des “Tanzaniennes en résistance” mises en lumières aux côtés des photographies de Pierre-Yves Ginet.
La création de l’association. En novembre 1987, nous avons réussi à faire enregistrer la Tanzania Media Women’s Association (TAMWA). C'était un moment fort. Nous souhaitions utiliser les médias comme une force mobilisatrice. Le 8 mars 1988, nous avons lancé “Sauti ya Siti”, une publication montrant des femmes qui ont pu, grâce à leurs compétences, aider la communauté. Nous voulions faire la même chose. Nous avons donc lancé une campagne contre les violences faites aux femmes. Au début, nous étions seulement des femmes à manifester, mais rapidement des hommes nous ont rejoints pour dire “non” aux violences et à l’injustice. Nous avons poursuivi ce combat pour obtenir le vote de la loi sur les violations sexuelles en 1999 et voulons également modifier la loi sur le mariage faite par le ministre Mary Nagu en 1971. Nous avions vu juste en utilisant les médias comme vecteurs d’autonomie. Nous avions un programme de radio - quatre séquences sur les grossesses d’adolescentes ont été diffusées sur Radio Tanzanie. Ce à quoi, les collégiennes ont massivement répondu. Ce fut une réussite. Cependant la séquence suivante sur les femmes battues a été refusée à l’antenne… Ce qui nous a confortés dans la nécessité d’exister ! La lutte continue.
Quels défis avez-vous rencontrés ? A cette époque, les femmes étaient considérées comme des objets et rien n’a vraiment été fait pour changer cette image et nos droits. Que ce soit la Radio Tanzanie, le journal Uhuru ou le Daily News, aucun de ces médias ne s’intéressait aux conditions des femmes. Ça n’a jamais été une priorité. La TAMWA annonçait le changement. Patience et persévérance. Nous avons planifié nos interventions de façons stratégiques pour que la transition s’opère. Ainsi, un jour “Sauti ya Siti” a été publié en anglais et en kiswahili et cela nous a rapporté de nombreux lecteurs. Rapidement, nous avons acquis une reconnaissance régionale, mais également internationale. Notre travail acharné portait ses fruits. Grâce à notre réseau, notre assiduité et nos compétences, nous sommes même allées à la Conférence des Nations Unies de Pékin en 1995. Notre fierté fut de voir Mwalimu Nyerere et Winnie Mandela visiter notre tente !
Comment est-ce perçu dans votre communauté ? Nous nous sommes rendu compte que le changement était possible. Dans un élan de solidarité, les femmes ont commencé à se mobiliser. Certes, certains hommes se sentant menacés ont essayé de nous brimer, mais heureusement d'autres nous ont rejoints. Bientôt, nous avions le soutien d’associations de renom comme Human Rights. Ainsi, est né le le Tanzania Gender network (TGNP). Les femmes se sont senties plus fortes, plus confiantes et plus indépendantes : nous avions réussi à changer les perceptions de la communauté.
Pour finir, un mot pour les femmes… Tout ce que je voudrais dire, c'est que nous devons croire en nous-mêmes et nous efforcer de nous battre pour la justice ; que ce soit pour les femmes ou les hommes. Nous devons également essayer de déconstruire le modèle patriarcal. La libération de l'esprit est essentielle pour le changement et l’amélioration des Votre plus belle réussite ? Durant ma conditions de vie. présidence à la TAMWA, nous avons eu plusieurs succès. Pas seulement au niveau régional, mais également au niveau panafricain. Nous avons marqué les esprits et permis à d’autres femmes de s’organiser. Nous leur avons montré qu’on pouvait se battre pour changer l’ordre établi.
Siti Abbas Ali, 33 ans, avocate au Ministère du Travail, est une habituée des stations de radio zanzibariennes : elle est à l’antenne chaque mardi et samedi, pour animer une émission visant à sensibiliser le public aux droits des femmes et la lutte contre les violences fondées sur le genre. Au cours de ces programmes, le public l’appelle pour obtenir des conseils, des informations et de l’aide sur des questions allant des droits reproductifs à la législation du travail, en passant les droits à la propriété, le mariage précoce… Siti veut apprendre aux femmes ce qu’elles peuvent faire pour revendiquer ces droits et cesser d’être des victimes discriminées. Elle est fière que les gens la connaissent à travers ses apparitions télévisées ou à la radio : “Maintenant ils téléphonent avec des questions spécifiques”. Pour illustrer l’impact de tels programmes sur l’autonomisation des femmes, elle met en évidence le fait que, “avant, les femmes voulaient faire un prêt et donner l’argent à leur mari, pour que lui seul achète une propriété et en ait la possession. Aujourd’hui, je les encourage à acheter leur propriété elles-mêmes et à en être propriétaire”.
De la même façon, elle est fière que les gens suivent ses conseils et signalent des cas sur la violence faite aux femmes lorsqu’ils en sont témoins : “c’est frustrant de voir des cas de violence contre les femmes rejetés, car aucun témoin n’est venu, par peur ou, car la famille a décidé de s’arranger. Donc je le répète à la radio et à la télévision : les gens doivent signaler ces cas à la police, ils doivent témoigner. Je suis peut-être une petite partie de ceci, mais les gens signalent de plus en plus les cas de violence faite aux femmes et filles, menant à la conviction.” Son engagement contre les violences faites aux femmes n’est pas sans risques, puisqu’elle a reçu des menaces. “Certaines personnes me détestent”, dit Siti. “Ils se réfèrent à moi comme ‘la fille qui aime suivre les affaires’. Cela prend aussi beaucoup de mon temps d’aller aux postes de police et aux tribunaux, et je rentre parfois exténuée chez moi à la fin de la journée, mais je suis motivée.” Son conseil aux autres jeunes femmes qui voudraient suivre sa voie ? “Vous devez avoir une forte volonté et beaucoup d’énergie !
Vous devez apprendre autant que possible, en particulier sur la protection des femmes et enfants, et ensuite impliquer la communauté sur ce domaine afin de partager votre savoir et votre motivation pour les droits des femmes.” Siti elle-même a reçu des formations de ce type, fournies par ActionAid, en particulier sur le leadership des femmes. Siti Abbas Ali est également membre de l’Association des femmes avocates de Zanzibar (ZAFELA), présidente de la “Zanzibar Youth for National Dialogue and Unity Organization“ (ZYNDUO), membre de la Coalition des genres du Zanzibar, de la “one-stop centre“ et de “ l’Unité Protectrice des Enfants“ au Ministère de la Protection Sociale.
Les moments importants de votre vie professionnelle. J’ai été choisie pour diriger le Centre juridique et des droits de l’Homme (Legal and Human Rights Centre, LHRC) dès sa création. Et cela dure depuis 18 ans. Au fil des années, nous avons pu aider les Tanzaniens à connaître leurs droits, à les exprimer et à les revendiquer, pour tous et toutes. Le LHRC est maintenant l’une des principales organisations des droits humains dans le pays. Les différents programmes que j’ai lancés ont permis de changer la situation : de plus en plus de Tanzaniens affirment leurs droits. Maintenant, nous avons des conseillers dans tout le pays qui suivent les questions parajuridiques et sur les droits humains dans vingt-huit districts. En outre, nous avons fait des préconisations pour améliorer les conditions de travail et aujourd’hui nous avons de nouvelles lois qui les régissent. Donc en résumé, mon travail se concentre sur la sensibilisation pour le changement en termes de politique, de lois et de leur mise en application. Quels défis avez-vous rencontrés ? Il fut un temps où la communauté ne percevait les femmes que comme des êtes inférieurs aux hommes. Mon plus grand défi est de faire ce que je fais, d’aller contre l’Etat. Naturellement, le gouvernement nous qualifie de partisans des
partis d’opposition. Il y a même eu une fois un commissaire de district qui a appelé pour dire : “Vous êtes en train de mener une guerre.” Le LHRC est devenu une voix importante. Nous avons récemment assigné le premier ministre en justice par rapport à des propos qu’il a tenus. On a dit une fois à un de nos collaborateurs du parlement que le directeur général de LHRC est “détesté”. La responsabilité sociétale n’est pas chose facile. Le plus dur est sans doute lorsque vous remettez en question ce que vous faites. Votre plus belle réussite ? J’ai suis intervenue dans une situation ou, 3 filles masaï âgées d’environ 13 ans avaient fui de leur maison, pour échapper aux mutilations génitales féminines (MGF). C’était d’autant plus triste que les parents et la police ne savaient même pas que ces pratiques sont illégales. Malheureusement, le pasteur qui leur a donné refuge a été battu et accusé d’avoir enlevé les jeunes filles. Elles ont été renvoyées dans leur famille et mariées. Mais, nous n’avons pas abandonné et nous avons obtenu l’autorisation d’une poursuite privée pour assigner les parents en justice. Craignant que leurs parents aillent en prison, les filles ont décidé de ne pas porter plainte. Le côté positif dans tout cela est que les parents ont compris
leur erreur, et maintenant nous les avons auprès de nous comme ambassadeurs anti-MGF. Comment êtes-vous perçue dans votre communauté ? Il fut un temps, les gens auraient dit que je suis comme un homme, ou on m’aurait appelé “dame de fer”. Maintenant, vous verrez que plusieurs organisations qui fonctionnent parfaitement sont dirigées par des femmes. Les fondateurs de LHRC ont pris un risque avec moi il y a 18 ans de cela. Pour finir, un mot pour les femmes… Faites ce que vous voulez, même si votre éducation et votre culture ne le permettent pas. Ne désespérez pas. Suivez vos rêves ! J’ai eu mon doctorat à 53 ans, il n’y a pas de fin à la réussite en tant que femme. Tout ce que vous avez à faire est de ne pas abandonner et de continuer à y croire.
Piri Kashinte Itimba, médiatrice et animatrice communautaire, mère de trois enfants, fait la tournée des villages de sa région afin de sensibiliser la population sur les droits des femmes et les violences conjugales. Ayant vu sa mère se faire battre par son père, Piri Kashinte Itimba pensait qu’une telle violence était “normale”. “Quand j’ai épousé mon mari, et qu’il ne m’a jamais battu, je me suis même demandé si notre mariage était normal“, explique-t-elle. Après avoir participé à des réunions de sensibilisation organisées par ActionAid dans son quartier, elle s'est engagée pour la combattre. Piri Kashinte Itimba a commencé en aidant au développement des activités économiques dans les villages, où les femmes produisent du batik ou apprennent la couture. Elle a également créé des groupes où les agriculteurs engagent d’anciens toxicomanes et prostitué-e-s, afin de les aider à se réintégrer et à avoir quelques revenus. Avec ces différents groupes, elle a mené, à son tour, des actions de sensibilisation aux droits des femmes pour les 180 hommes et femmes qui l’avaient rejointe. Elle conseille aussi les victimes ou témoins de violences conjugales. “Je suis maintenant connue pour être une fervente défenseure de la lutte contre les violences faites aux femmes. Les gens me connaissent, ils viennent me voir quand ils entendent parler d’une affaire. Les victimes viennent me trouver pour obtenir des conseils et du soutien.” S’exprimer sur les violences faites aux femmes est loin d’être facile : “Avant, c’était tabou et personne n’osait en parler. Mais grâce aux formations et aux opportunités fournies par ActionAid, le savoir que j’ai acquis m’a rendu assez confiante pour revendiquer les droits des femmes, et pas seulement pour moi, mais aussi pour la communauté”. Défendre les droits des femmes concerne également les hommes qui se sont aussi beaucoup impliqués dans les campagnes de sensibilisation. “Les hommes changent“, dit-elle. “Ils peuvent devenir des relais de sensibilisation.” Et aujourd’hui, de plus en plus d’hommes participent aux comités de village, partout dans le nord d’Ugunja. Le plus grand succès de Piri Kashinte Itimba ? D’avoir pu changer la vie de plusieurs femmes à travers ses groupes de sensibilisation et d’entrepreneuriat : “maintenant, des femmes peuvent avoir leurs propres revenus et ainsi aider leurs familles.” Pourtant, bien que les mentalités soient en cours d’évolution, certains défis demeurent : “la communauté voit encore les femmes comme incapables d’être des leaders. Cependant, les femmes sont maintenant en mesure de le contester et faire valoir leurs droits.” Pour conclure, Piri Kashinte Itimba revient sur le rôle essentiel que sont appelées à jouer les générations futures : “Les jeunes femmes doivent avoir confiance en elles : elles peuvent faire de grands changements ! Les jeunes garçons ont également un rôle à jouer : ils doivent être prêts à évoluer et soutenir les femmes“. Piri Kashinte Itimba est également membre du comité de l’école et du village, ainsi que trésorière de la police communautaire et de l’association des agriculteurs du nord de Ugunja.
Retour sur votre parcours. J’ai décidé de revenir chez moi alors que je pouvais rester aux Etats-Unis. C’était comme une vocation pour moi, de participer à l’éducation de la jeunesse. En 1965 j’étais l’une des deux femmes ayant un Master et on m’a proposé le poste de doyenne à l’Université de Dar es Salaam, que j’ai décliné, car je pensais que je devais surtout aider et éduquer les jeunes. Je faisais ainsi partie des neuf femmes présentes au Parlement. Mais ce que nous réalisions n’était jamais assez, et nous nous sommes battues pour avoir plus de sièges. Nous avons ainsi obtenu une augmentation de 30 % des sièges pour les femmes, et peu de temps après un comité social que je présidais a été formé. Il portait sur des questions de harcèlement sexuel ce qui a donné au genre une position et un endroit où en discuter. La mise en place d’Amani Forum a été un autre point culminant au cours de ces années. Comme j’étais enseignante, je suis allée à différents endroits comme WeruWeru, Machame et Rugamba. Pour moi, le but n’était pas que les élèves aient des bonnes notes, mais de les accompagner. L’atmosphère à l’école était dans une optique d'être aimé, apprécié et non blâmé, ce qui a rendu mes
étudiants autonomes. Aujourd’hui j’ai des Comme êtes-vous perçue pour votre étudiants qui ont obtenu des positions communauté ? Avec la personnalité que hiérarchiques élevées et cela me rend fière. j’avais, la perception des gens n’avait pas d’importance, je sais que j’ai Dieu à mes côtés Quels défis avez-vous rencontrés ? Ne pas être et ma famille était toujours là à m’assister et me comprise fut pour moi un immense défi. J’étais soutenir, dans tous les cas nous étions toujours l’objet de discrimination parce que j’étais ensemble, il y avait toujours des obstacles qui franche et que l’on me trouvait trop strict. nous rendaient plus forts comme une unité J’étais peu orthodoxe, réclamant l’égalité. Je centrale. C’est tout ce qui comptait. croyais qu’un jour cela se ferait, car c’est ce qui est juste. Malgré tous les défis, je n’ai jamais Pour finir, un mot pour les femmes… Croyezabandonné, j’ai mis un point d’honneur à en l’amour de Dieu pour vous en tant continuer de faire bouger les choses. Cela qu’individu ; rappelez-vous qu’il a vous à créer nécessitait un soutien que j’ai eu de Dieu et de pour un but précis. Ne perdez jamais espoir en mon mari qui est un étranger, mais nous ce que vous faites, et faites-le comme vous voulions les mêmes choses pour le pays. voudriez le voir faire pour vous. Sachez que le pays a besoin de tous ses citoyens Vos succès ? A WeruWeru, j’ai apporté indépendamment de leurs différences et qu'ils beaucoup de changements dans les méthodes ont tous une contribution à apporter. d’éducation, comme intégrer la formation professionnelle. Telle ne fut pas ma joie lorsque le Président Mwalimu Nyerere nous a mentionnés dans son discours. Cela montrait qu’il nous supportait et comprenait ce que l’on tentait de réaliser. Il était une voix autoritaire qui aidait la cause. Maintenant je peux dire qu’il était le bouclier qui m’a encouragé à continuer ce que je faisais.
Bien que le refuge pour les femmes victimes de violences sexuelles n'ait ouvert qu’en novembre 2013, il accueille déjà quatre filles, dont une âgée d’à peine douze ans. Situé à Uganja. Tenu secret pour protéger les réfugiées de leur agresseur, sa sécurité est assurée de façon permanente par des agents de police. Financé par ActionAid et l'Union Européenne, le refuge fait partie d'une initiative pilote visant à fournir protection, soutien et conseil aux femmes victimes de violences sexuelles ou domestiques. Le centre soutient et conseil également les jeunes filles qui doivent faire face à un mariage ou une grossesse précoce. À Uganja, c’est le seul endroit où les femmes victimes de violences sexuelles peuvent se tourner.
Aisha Ibrahim, coordinatrice de l'abri d’Ugunja, s’assure que les victimes sont bien prises en charge. Elle organise aussi la délicate coordination des transports, qui doit s’effectuer le plus discrètement possible, entre les postes de police, les tribunaux ou l'hôpital. Les différentes organisations régionales comme la Tanzanian Women Media Association (TAWOMA) ou l'Association of Women and Development in the North Region (JUWAMAKU ), qui bénéficie de l’aide d'ActionAid, travaillent dans des zones où la prévalence des viols est la plus élevée. Ils doivent pouvoir identifier rapidement les besoins des victimes et leur fournir une protection immédiate. Ils accompagnent alors les femmes victimes de violences à la police ou à l'hôpital, où elles devront effectuer un examen pour juger l’état de leurs blessures et traumatismes. Ensuite, elles seront transférées au refuge.
Au centre, les femmes peuvent commencer à se remettre de leur épreuve et reconstruire leur vie. L’Association Zanzibar des femmes avocates ( ZAFELA ) leur fournit des conseils juridiques tout en les accompagnant au tribunal. Alors qu’ActionAid finance déjà le projet, le refuge tente d’obtenir du Ministère de la sécurité sociale, des jeunes et des femmes, des ressources financières supplémentaires ainsi que l’ouverture d’autres centres comme celui-ci.
Depuis son bureau à la Préfecture de Police, le sergent adjoint Mauwa Saleh Juma coordonne les cinq établissements promouvant l’égalité des sexes opérant actuellement à Ugunja, au Zanzibar. Elle est responsable du soutien apporté au Réseau de police féminin tanzanien et du suivi de nombreux cas étudiés à travers l'île par les bureaux de l’égalité de sexes. Ces bureaux, installés dans les postes de police et aidés par l’association ActionAid, sont dédiés aux victimes de violences sexuelles qui veulent les dénoncer. Jusqu'à 20 cas peuvent être enregistrés par jour dans un seul poste de police, comme c'est à celui de Madema à Stonetown.
que policière, parent et être humain, c’est une opportunité de combattre la violence sexiste”, dit-elle, soulignant l'objectif d'avoir un bureau de l'égalité des sexes dans chaque poste de police à Zanzibar. “Il reste de nombreux défis à relever. Il subsiste toujours une prévalence élevée des violences faites aux femmes. Les victimes ou les témoins ne coopèrent pas toujours pleinement avec la police ou sont effrayés de le faire. Même au sein de la police, les actions ne suivent pas toujours les préconisations, mais le Réseau de police féminin tanzanien et le bureau de l’égalité des sexes font en sorte que ces crimes soient l'objet d'enquêtes et leurs auteurs traduits en justice.”
“Je suis fière de m'occuper des cas de Afin de soutenir les efforts de lutte contre les violences contre les femmes et les filles. En tant violences faites aux femmes, Mauwa conseille
les jeunes femmes parmi les forces de police “de ne pas être satisfaites de leur position actuelle : les policières devraient être désireuses de faire plus, de donner de meilleurs résultats et de renforcer leurs connaissances“. “Être une femme dans la police n'est pas facile, mais il faut prendre le temps et faire l'effort d'apprendre de nouvelles choses, par exemple ce que les autres forces de police à l'étranger font pour lutter contre la violence faite aux femmes. C’est seulement à ce moment-là qu’elles seront en mesure d'atteindre des postes de direction et de contribuer à éradiquer la violence contre les femmes”.
Retour sur votre parcours. Après Londres et ma carrière de journaliste à la BBC, j’ai décidé de m’installer en Tanzanie en 2007. Cette époque était marquée par la découverte de meurtres macabres. D’anciennes croyances ayant refait surface, les personnes atteintes d’albinisme étaient mutilées au profit du trafic d’organes. Les sorciers avaient l’habitude de dire que des parties de leur corps pouvaient apporter richesse, gloire... Déjà avant la diffusion de mon reportage sur les chaînes tanzaniennes et internationales – par le biais de la BBC World Service, je recevais des menaces de mort, qui ne se sont pas atténuées par la suite… J’ai dû me cacher et fuir à maintes reprises pour rester en vie. Les personnes qui travaillaient avec moi étaient terrorisées, plusieurs d’entre elles ont eu leurs membres entaillés. Alors que j’enquêtais sur de terribles violations des droits humains, beaucoup ont fermé les yeux, me faisant passer pour la personne à damner. J’ai même été plusieurs fois réprimandée et condamnée par les politiciens et les officiers de police… Pour avoir terni l’image de la Tanzanie, j’étais devenue l’ennemi public n°1 ! Alors que je signalai les menaces de mort que je recevais, la police m’a averti qu’elle ne pouvait tout simplement pas me protéger. J’ai alors vécu dans la clandestinité, mais je n’ai jamais renoncé à mes objectifs : dénoncer les mythes et
croyances qui justifiaient ces massacres.
trois langues différentes, il a été montré à travers l’Afrique. Il y aussi le guide récemment lancé, visant à sensibiliser les parents, les infirmiers et les enseignants sur la façon d’élever et s’occuper d’un enfant atteint d’albinisme. Avec l’aide du ministère de la Santé et des Affaires sociales et aussi du ministère de l’Éducation et de la formation professionnelle, ce documentaire est devenu une source d’apprentissage en ce qui concerne l’albinisme. Un dernier succès remarquable est la collaboration entre UTSS et le Centre de formation régional de dermatologie (CRDF) qui a abouti à la production de crème solaire locale pour les personnes atteintes d’albinisme !
Quels défis avez-vous rencontré ? Lorsqu’une société adhère à une croyance comme celleci, briser les traditions est très difficile… La population pense que les albinos étant des fantômes, ils ne meurent pas, ils disparaissent, simplement… Les parents d’enfants atteints d’albinisme sont également considérés comme des personnes maudites et subissent aussi des discriminations de la société. Parmi les challenges auxquels j’ai dû faire face, il y a eu celui où même les membres de ta propre famille commencent à remettre en cause mon projet. Ce fut le cas de mon frère qui n’a pas compris mon travail, mais ma mère m’a fait confiance et l’a incité à me soutenir parce que j’agissais ainsi pour Comme êtes-vous perçue pour votre le bien de la société. communauté ? J’ai été appelée mi-homme mi-européenne, seulement parce que je me Vos succès ? Il y a eu plusieurs réussites : des suis soulevée, non seulement pour mes enfants qui sont maintenant à l’école et qui se droits, mais aussi pour ceux qui ne pouvaient débrouillent merveilleusement bien, un fonc- pas se rebeller. tionnaire qui a été élu au gouvernement… Il y a même une femme qui a perdu ses Pour finir, un mot pour les femmes… Ne vous membres, mais qui est, aujourd’hui, capable voyez pas comme une femme, mais comme de tricoter des pull-overs grâce à des un être humain. Soyez prêtes à vous battre prothèses ! Mon plus grand succès reste pour les droits des sans-voix. Votre confiance néanmoins un documentaire qui a été tourné en vous sont votre pouvoir ! N’hésitez pas à ici en Tanzanie par l’organisation pour demander de l’aide et ne vous inquiétez pas laquelle je travaille, Under the same sun de ce que la famille, la société ou vos (UTSS – Sous le même soleil). Diffusé dans confrères vont penser de vous !
Retombées médiatiques
RFI
15 JANVIER 2014
Emission 7 milliards de voisins Ces hommes féministes sans frontières Emmanuelle Bastide : Bonjour, bienvenu. 7 milliards de voisins pour se parler aujourd'hui de la condition des femmes racontée par les hommes. Ils sont photographes, auteurs de documentaires ou fondateurs de magazine… et ils s'intéressent en particulier à la cause des femmes. Ils vont nous raconter leur regard sur les femmes, ce qu'ils ont envie de faire passer à travers les images ou leur engagement. Dans le studio, je reçois le photographe Pierre-Yves Ginet, bonjour. Pierre-Yves Ginet : Bonjour. EB : Vous êtes photographe en escale, on pourrait dire. Photojournaliste en escale. PYG : Oui, photojournaliste et je travaille depuis quinze ans maintenant, sur le thème des femmes en résistance dans le monde d'aujourd'hui. EB : Justement, vous avez travaillé sur ces femmes en résistance et ça donne lieu, là, à une exposition itinérante qui va circuler, qui va démarrer début février. PYG : Le 3 février à Dar es-Salaam. EB : Dans les grandes villes d'Afrique de l'Est et des Grands Lacs. Il y aura la Tanzanie, le Burundi, l'Ouganda, le Rwanda, le Kenya… On n'oublie rien… Grégory Lassus-Debat, vous, vous êtes fondateur du magazine Causette. Grégory Lassus-Debat : Bonjour. EB : Bonjour. Causette, si je dis que c'est un magazine féminin, ça vous énerve ? GLD : Pas du tout. C'est un féminin généraliste ou généraliste féminin, ça dépend comment on le prend. EB : Plus féminin du cerveau que du capiton. C'est le sous-titre du magazine. On sera également en ligne avec Patric Jean, réalisateur belge qui a travaillé entre autres sur la Domination masculine et puis le photographe Eric Selatto qui, lui, raconte en images les Femmes du Rajasthan, en Inde. Et, quant à vous, les voisins, si vous aussi vous utilisez vos talents, vos idées pour relayer la cause des femmes, vous pouvez nous appeler. Et bien sûr, tous vos commentaires en direct sur notre page Facebook. [...] EB : Pierre-Yves Ginet, vous connaissez ce vieux tube de Francis Bebey, un chanteur camerounais ? PYG : Absolument pas… EB : C'est étonnement d'actualité, mais ça date du milieu des années 1970… PYG : Je ne suis pas sûr que ça ait vraiment bougé, partout… EB : En tout cas, il y a de l'humour. Il y a des gens comme ça, des hommes qui sentent le vent avant tout le monde. Alors, vous Pierre-Yves Ginet, vous êtes photojournaliste de la condition féminine, non… PYG : Non, je n'aime pas de la condition féminine. Je me considère… bon c'est un peu… c'est juste de l'humanisme. Etre féministe, c'est une des deux jambes de l'humanisme. C'est tout… Même si je vais au bout du bout, en étant complètement honnête, je pense que, moi en tant qu'homme, à vouloir œuvrer pour l'égalité, j'ai tout à gagner là-dedans. EB : Ah, bon. Quoi ? Là, il y a des auditeurs qui se posent la question…
RFI
15 JANVIER 2014
PYG : C'est clair que ça va changer des choses aux hommes, dans le quotidien. Vous voyez cette chanson que vous venez de passer… même sans tomber dans cette caricature-là, ça nous change des choses. Dans tout un tas de domaines… en ce moment, on est en crise économique. Le schéma classique de papa travaille / maman est à la maison, si on est dans une famille comme ça, avec le chômage… il vaut mieux que les deux bossent. Tout simplement. Il y a tout un tas de domaines comme ça. EB : Dans une autre vie, vous étiez analyste financier dans des multinationales anglo-saxonnes. On parle bien de la même personne ? Qu'est-ce qui s'est passé ? PYG : Des rencontres… Déjà le voyage. C'est ce qui m'a amené à changer de métiers. J'ai appris mon métier de photojournaliste au Tibet. Et j'ai été, je crois, une bonne caricature de ce que je dénonce aujourd'hui : un mec avec plein de stéréotypes sur la place des femmes, la place des hommes, avec un regard porté uniquement – je vais être grossier dans la caricature, mais sur les hommes résistants, les femmes victimes. Et puis, à un moment, des rencontres avec des religieuses tibétaines exceptionnelles. On ouvre la bouche, on se dit “waouh, c'est quoi ces filles ?” et, après, on se pose la question de pourquoi on n'en parle pas. En ce qui me concerne, j'ai voulu pousser plus loin. J'ai commencé à me pencher sur la représentation des femmes dans l'information. Je ne parle pas de “homme journaliste” et de femme journaliste, mais de la représentation des femmes dans l'info. J'ai vu le déséquilibre qui est flagrant, car aujourd'hui on est grosso modo, pour la presse écrite, à 80 % des sujets de l'info sont des hommes et 20 % des femmes. Et ces 20 % sont représentés soit, principalement, dans des rôles dits féminins : la femme, l'épouse, le shopping, la sage-femme, soit femme victime… et il ne reste plus grand-chose pour le s agissantes. Les nonnes tibétaines de l'époque faisaient partie de ces invisibles. EB : Invisibles pas seulement parce qu'elles étaient Tibétaines ? PYG : Non, c'est pareil chez nous. C'est partout la même chose. Et moi, en tant qu'homme, je perds beaucoup à ne pas avoir ces modèles-là aussi. Donc, depuis, je parcours le monde pour… dès que je vois une information femme victime… en général, si j'arrive à partir, je pars. Et évidemment qu'il n'y a pas que des femmes victimes. Je pense à la Syrie en ce moment. J'aimerais bien qu'on montre un peu plus celles qui font que la révolution existe aussi. EB : Femmes en résistance et femmes victimes, c'est sûr qu'il y a l'embarras du choix. Vous avez travaillé évidemment sur les femmes du Kivu, en RDC. Femmes victimes de violences sexuelles. Vous avez fait aussi une enquête qui s'appelait “Vous ne pouvez pas rester comme ça, madame”. PYG : Oui, je voulais travailler depuis l'origine… donc, j'ai commencé ce travail depuis 1998… Et depuis l'origine, je travaille partout dans le monde et y compris chez nous parce que la problématique est la même. Je voulais travailler sur cette question des violences conjugales. Je l'ai fait en Wallonie… où il y a une directrice d'un centre d'accueil pour femmes victimes de violences, qui a été assez cinglée pour ouvrir son refuge à un homme avec un appareil photo qui a pu passer plusieurs mois dedans. J'ai travaillé d'abord pour rendre hommage à toutes celles qui aident les femmes victimes de violences à se reconstruire, à repartir de l'avant. Et, deuxièmement ce que j'ai presque découvert au cours de tous ces mois, c'est que… une femme qui a été victime va rester avec ce tatouage dans le dos toute sa vie. Non. A partir du moment où on a décroché son téléphone pour faire le 3919, pour aller voir un poste de police, on est rentré dans un autre costume et il faut être très très fort pour le faire compte tenu de ce qu'on a vécu. EB : Et la phrase “Vous ne pouvez pas rester comme ça, madame” est prononcée par qui ? PYG : C'est les policiers, ce sont les personnes au téléphone qui aident ces femmes. C'est un long chemin, mais, moi, j'en pouvais plus de voir ces photos noir et blanc de femmes victimes qui se regardent les pieds. L'essentiel, l'immense majorité des femmes qui à un moment donné décident de dire stop, elles s'en sortent et elles s'en sortent bien. C'est long, c'est la galère, mais elles s'en sortent. Et c'est un combat. […] EB : Et vous, Pierre-Yves Ginet. En tant que photographe. Qu'est-ce que vous cherchez à capturer en priorité quand vous photographiez les femmes. Alors, évidemment, vous ne photoshopez pas, vous ne
RFI
15 JANVIER 2014
trichez pas. Mais, vous cherchez quoi finalement ? Un mouvement ? Une colère ? Un regard ? PYG : Il y a de la colère chez moi, c'est vrai. Il y a de la colère par rapport à ces rencontres, au temps passé avec beaucoup de ces femmes et à se dire “mais, zut, ce n'est pas possible de ne pas les voir”. Je pense au printemps arabe par exemple. La Libye, ça a été lancé par des femmes. Qui en a parlé ? Causette en a parlé, nous en avons parlé dans Femmes en résistance magazine également. Autrement, voilà, on est complètement passé à côté. Aujourd'hui, elles sont dans la galère, mais tout ce mouvement a été… quand vous allez à Benghazi, le plus salafiste des salafistes va vous dire que ça a été porté à 50 % par des femmes. On l'a vu où ? Oui, il y a de la colère là-dessus. Après, moi je me cantonne à l'information. Il n'y a pas le ton formidable qu'a amené Causette sur la place médiatique. Nous, on est vraiment un magazine d'info. On n'essaye pas d'avoir… C'est pas un féminin c'est-à-dire que quand une femme va lire Le figaro, L'express, L'huma, Libé, etc., on ne va pas se dire que c'est un journal d'hommes alors qu'il y aura 80 % d'hommes dedans. Donc, nous on se dit que les hommes peuvent lire aussi de l'info qui concerne les femmes. […] EB : Sur 7 milliards de voisins, des regards d'hommes sur les femmes, sur les conditions des femmes et sur les droits des femmes. Je voudrais vous lire quelques messages qui nous parviennent sur les réseaux sociaux. Par exemple Ibrahim à Ouagadougou : “La femme est égale à l'homme, je suis d'accord. Alors qu'on la laisse donc se battre toute seule pour ses droits. Ces hommes qui s'engagent aux côtés d'une femme pensent d'une manière ou d'une autre que, toutes seules, les femmes n'y arriveront pas.” Il fallait y penser… GLD : On a toujours ce risque d'être traité de paternaliste. Moi, je me situe plutôt à côté et pas comme accompagnateur. Je pense qu'il faut qu'on travaille ensemble. Ça n'étonne jamais personne qu'un blanc et qu'un noir se battent ensemble contre le racisme. Qu'est-ce que ça aurait d'étonnant à ce qu'un homme se batte aux côtés des femmes ?
RFI
15 JANVIER 2014
EB : Oui, mais pourquoi un homme qui monte un magazine féminin pas comme les autres ? GLD : Pourquoi pas… parce que l'idée m'est tombée dessus, comme elle aurait pu tomber sur une femme. Après, j'avoue que c'est peut-être beaucoup plus facile pour un homme de monter une entreprise et de monter un magazine parce que les portes s'ouvrent peut-être plus facilement. C'est peut-être la seule différence. EB : Pierre-Yves Ginet… PYG : En ce qui me concerne, étant photojournaliste à l'origine, je ramène une matière. Et cette matière, un grand nombre d'associations de femmes s'en sont saisies pour la faire vivre. Ce n'est pas moi derrière qui l'ait fait vivre tout seul. Ce sont les associations féminines et féministes qui font appel à moi. Pour ce qui est du magazine, c'est juste une équipe mixte. Et comme aujourd'hui, le thème c'est les hommes qui parlent des femmes, c'est moi que vous avez incité. Mais, ça aurait pu être quelqu'un d'autre de la rédaction. […] EB : Bienvenu si vous nous rejoignez sur Rfi. 7 milliards de voisins. Regards d'hommes sur la condition des femmes. Ils sont photographes, fondateurs de magazine… bref. Ils ont une obsession : les femmes. Pas pour leur vendre des crèmes ou des robes, ni forcément pour les désirer, mais pour défendre les droits de la moitié de l'humanité. C'est un travail à la fois discret, sobre, parfois grinçant. Finalement, pas tout à fait de quoi se faire des copains pour l vie, non ? Je ne sais pas comment vous vivez ça tous les deux, PierreYves Ginet, vous qui êtes photographe/journaliste et Grégory Lassus-Debat, fondateur du magazine un peu particulier Causette. Comment vous êtes perçus par les autres ? GLD : Il y en a que se disent que c'est un gros malin, qu'il a trouvé le bon moyen pour ne travailler qu'avec des femmes. D'autres vont se dire que c'est assez opportuniste parce qu'on a senti le vent tourner et qu'on a senti qu'effectivement l'avenir était à l'égalité. Mais, globalement, je pense qu'il y a un regard bienveillant. Pour revenir sur ce que disait Pierre-Yves tout à l'heure… Tout le monde est assez conscient qu'il s'agit d'humanisme, ni plus ni moins. Et que c'est se battre pour une cause juste, tout simplement. PYG : Moi, ça va très bien. Je vous remercie. C'est qu'il y a quinze ans quand j'ai commencé ça, sans trop savoir où j'allais d'ailleurs… On se posait des questions et on me disait que ça ne sera pas possible, un mec travaillant là-dessus, dans certains pays… EB : Oui, d'abord, vous ne pourriez pas entrer dans les endroits pour capturer les images des femmes aussi… PYG : Voilà, tout à fait. La réalité, c'est exactement le contraire. Quand on arrive, qu'on est un type et qu'on dit qu'on travaille depuis quinze ans sur cette question… en général, on a les yeux grands ouverts, après on fait rire, mais dans le sens très amical… au contraire, elles m'ont emmené beaucoup plus loin que où je comptais aller. Et le plus gêné, souvent, ça a été moi. EB : Vous pensez à quel moment, là ? PYG : Quand vous travaillez sur les stérilisations au Pérou et sur des femmes qui se battent pour faire reconnaître les 300.000 stérilisations qui ont eu lieu et que vous terminez dans un cabinet de gynéco… Le plus embêté, c'est vous. Un exemple parmi d'autres. EB : Dites-nous en plus sur ce sujet des stérilisations au Pérou ? PYG : Entre 1995 et 200, au Pérou, il y a plus de 330.000 femmes qui ont été stérilisées dans une campagne nationale de planning familial avec plein de guillemets autour, lancée par le gouvernement… EB : Au lieu de distribuer la pilule…
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PYG : Oui, mais en Amérique latine, c'est difficilement envisageable. EB : ça ne s'est pas fait qu'au Pérou… PYG : Tout à fait. Mais là, je vous donne un exemple. Et, en fait, il y a des femmes qui ont été victimes de cette campagne et qui se sont battues pour faire reconnaître leurs droits et pour attaquer le gouvernement. Ce sont des petites femmes des montagnes, certaines ne savent ni lire ni écrire. Et elles vont arriver à leur fin dans pas longtemps. Fujimori est en prison et on sait aujourd'hui qu'il sera condamné pour cette histoire dans pas trop longtemps. Ça part de douze femmes, dans la montagne qui, à un moment donné, se disent stop. EB : Et là, les images doivent dire quoi ? Qu'est-ce que vous vous astreignez à montrer ou à capturer ? PYG : Alors, c'est quoi un combat de femmes ? C'est souvent, c'est vrai, pas un flingue à la main. Il faut être très clair. Donc, on est moins dans l'immédiateté. Donc, la presse aujourd'hui, on a souvent une image qui veut tout résumer, avec un titre de préférence choc. Bon, c'est exactement l'inverse. C'est vrai que ça ne colle pas avec ça. Donc, c'est un combat quotidien… EB : … avec la presse aussi, quand vous voulez montrer vos images ? PYG : Oui, ce n'est pas spectaculaire, photogénique… je ne sais pas le mot à employer… enfin, ce n'est pas immédiat. C'est des femmes qui se réunissent qui prennent le bus, qui vont voir des avocats alors que d'habitude elles vendent leurs tomates sur les marchés tous les jours… C'est ce genre de choses. Pensez aux féministes à Kaboul alors qu'elles risquent leur vie ? Les images que vous allez ramener, c'est quoi ? C'est des femmes qui se réunissent dans des salles, avec des néons. C'est juste ça, mais c'est formidable. EB : Il y a aussi ceci dit, des photos-chocs. Je pense à cette photo, à Bukavu, des femmes qui apportent les denrées alimentaires des champs, qui portent des charges énormes et qui coûtent moins cher… PYG : … qu'un camion. EB : Voilà, que de payer un camion. Et des femmes qui sont dans ces cas-là, lorsqu'elles traversent des champs, des zones peu habitées… évidemment en danger. PYG : Mais, là, juste avant de rentrer dans le studio, on parlait du Rwanda. On va commémorer les 20 ans du génocide de 1994. A la fin du génocide, à peu près 75 % de la population adulte est une population de femmes, avec un grand nombre de veuves qui ont recueilli et adopté des centaines de milliers d'orphelins. C'est quoi les images ? C'est des mamans avec des enfants. Des enfants qui sont un petit peu de toutes les couleurs, qui viennent de toutes origines. Ça se voit qu'ils ne sont pas frères et sœurs. Les mamans qui n'ont rien, qui ont été démunies de tout, en ayant vécu et traversé des épreuves terribles, elles-mêmes victimes souvent… Je me souviens toujours de cette question que j'ai posée à toutes, c'est “comment vous avez fait, madame X, pour élever quinze enfants ? Comment vous avez fait pour élever vingt enfants ?”. La réponse a toujours été la même : “je ne sais pas”. Sauf qu'elles ont reconstruit un pays. GLD : C'est sûr que c'est moins spectaculaire que des hommes qui montent au sommet d'une grue, par exemple. […] EB : Alors, Pierre-Yves Ginet, qu'est-ce que vous pensez de cette approche-là qui est une approche avec des photos très esthétisantes même si elles ne détournent pas de la réalité du travail des femmes dans un pays où la condition des femmes est difficile. En Inde. Vous, vous ne travaillez pas de cette façon ? PYG : Alors, moi, je rejoins tout à fait mon confrère sur la question de l'esthétisme qui ne nuit pas au sujet. Je le rejoins sur la place des femmes dans des sociétés comme celles de l'Inde, du Népal où j'ai beaucoup trainé aussi… Après je n'ai pas spécialement de commentaires. Je pense que, voilà… on peut porter un regard soit uniquement esthétisant soit… ce n'est pas mon… qu'une femme colle ou non à des codes
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médiatiques, notamment, photogéniques qu'on attend… J'avoue que c'est quelque chose qui ne me pollue absolument plus la tête quand je fais un reportage et que je photographie. GLD : Au contraire, ça peut appuyer le sujet… […] EB : Parce que maintenant vous avez une longue expérience… vous photographiez des femmes en résistance et pas seulement, ça peut être des femmes victimes aussi… depuis maintenant plus de quinze ans. Est-ce que vous avez l'impression que, vous, votre travail, le travail d'autres fait avancer la cause des femmes ou pas tant que ça ? Est-ce que vous trouvez que c'est trop long ? PYG : Oui, trop long, bien sûr. Pas assez vite. Que les médias notamment, la presse magazine ne réagit pas assez par rapport à cette avancée. Très clairement. Et là, je suis très très critique en la matière. EB : Et ça, ça tient à quoi ? PYG : Ce n'est pas à moi qu'il faut poser la question. EB : Non, mais… ça tient au fait que les postes de décision dans les médias sont encore tenus par des hommes, par exemple ? Pourtant ça s’est largement féminisé… PYG: ça joue beaucoup, mais ça n'est surtout pas le seul problème. On touche à la question des stéréotypes et qu'on soit un homme ou une femme, on est imbibé de ces stéréotypes. Quand on est sur le terrain, un homme journaliste, une femme journaliste, il y a une petite différence dans le traitement de l'information, ce qui est vrai. Mais, ce n'est pas énorme. EB : Mais on ne voit plus qu'elles sur le terrain justement, dans les terrains en conflit. Les femmes journalistes. A la télé… PYG : On ne voit pas plus qu'elles. Il y a une vraie avancée, une présence féminine journalistique qui est formidable et elles apportent vraiment quelque chose. Comme les garçons. C'est pareil. Évidemment comme les garçons. Par contre, sur la nature de l'informaion qui est ramenée, c'est pas si différent. EB : Sur les sujets, en eux-mêmes. PYG : Oui, ce n'est pas si différent. [...] EB : Pierre-Yves Ginet… PYG : Sur la partie publicité, je n'ai pas grand-chose à dire. Nous, on a uniquement une publicité institutionnelle dans le magazine Femmes en résistance, pour l'instant. Même si on cherche à élargir. Après, j'oublie pas non plus que certaines entreprises font des choses à côté aussi. Je pense à l'Oréal sur femmes et sciences. Elles font énormément pour cette question-là. Sans oublier ce que vous avez dit avant, sur lequel je vous rejoins. Je ne suis pas dans l'opposition. Ce que je regrette plus, c'est la partie éditoriale, la partie journalistique qui reste à l'immédiat. Nous, la communauté journalistes, à un moment donné, on ne voit pas plus loin que le bout de notre nez sur cette question-là. Il faut vraiment une remise en cause profonde. Ça vient des stéréotypes. Ça touche tous les corps de métiers. Ce n'est pas une spécificité journalistique. Tout le monde dans les entreprises. Vous en avez parlé dans l'évolution, plafond de verre. Ça touche à tout. Ça touche à l'Education nationale… et on en fait partie de ce monde-là. Et on se trompe sur cette question-là. EB : Qu'est-ce que vous, vous avez a apporté à ce débat-là et quelle est la place des réseaux d'hommes qui militent un peu comme vous pour une certaine dignité des femmes et puis pour une égalité entre les hommes et les femmes. […] EB : Pierre-Yves Ginet je précise qu'il y a cette exposition itinérante qui va démarrer qui s'appelle Femmes
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en résistance et il y a bien sûr le magazine. Alors là qui est peu diffusé. Qui est diffusé sur abonnement, dans des librairies, mais qu'on trouve… PYG : Oui, oui. 400 librairies en France et sur abonnement, sur internet. EB : Il y a beaucoup de choses dedans et l'exposition qui va démarrer en Afrique de l'Est et dans l'Afrique des Grands Lacs notamment, à l'Alliance française de Dar es-Salaam. C'est là que ça va démarrer en Tanzanie. C'est une exposition de photos, sur des femmes qui luttent dans 17 pays. PYG : 23 EB : 23, je croyais 17… encore plus. PYG : Ça reprend tout mon travail depuis quinze ans avec 23/25 pays. EB : Du nord au sud ? PYG : Oui, tous les continents sont représentés. Tout un tas de problématiques différentes. Pays en guerre, pays en paix. Crises sociales, humanitaires… Avec à chaque fois, ce point commun : des femmes en lutte face au mal – sans accent circonflexe – qui les entoure. EB : Vous avez le sentiment, tous les deux, de faire partie de réseaux un peu confidentiels d'hommes qui luttent pour le droit des femmes. En tout cas qui ont envie de diffuser une autre image de la femme. Si on vous dit homme féministe, vous allez éclater de rire ? [...] EB : Pierre-Yves Ginet ? Je sais que vous participez à une opération qui s'appelle ZéroMacho ? PYG : C'est pas une opération. C'est un réseau d'hommes qui militent pour l'égalité. J'ai ma casquette de photojournaliste et du magazine, où là je rejoins mon ami de Causette. Par contre, je me mets dans la posture. On a créé un réseau. Nous avons beaucoup milité notamment pour la loi sur la prostitution qui a été votée en France. EB : Et c'est à ce moment-là qu'on en a pas mal entendu parler ? PYG : On a été beaucoup au carton. Chez certains hommes, ça a créé une véritable hystérie. Dans des débats même privés, des copains ou même la famille proche… Je pense même des gens qui ne sont pas des habitués de la prostitution… ça a réveillé des choses incroyables chez eux. C'est un sujet assez violent. […] EB : Pierre-Yves Ginet, si je vous demandais là de vous retourner, de regarder derrière vous, vous diriez quoi concrètement ? Sur le chemin parcouru en tant que photojournaliste et sur la route qui est encore devant vous pour défendre les droits des femmes ? PYG : Ce que je retiendrais surtout... Il y a les quinze ans de reportages, mais il y a surtout les quinze ans d'exposition. Et quand je plante une exposition comme ça va être le cas à Dar es-Salaam, je reste dans l'exposition et j'accompagne énormément de groupes, notamment des jeunes. Aujourd'hui, j'ai une certitude absolue… Les expos en France, avec les scolaires, ont été vues par 500-600 000 personnes, c'est que montrer des modèles, ça aide. EB : Et aller voir votre travail sur internet si on ne peut pas aller voir l'expo itinérante en Afrique de l'Est. Pierre-Yves Ginet on retrouve votre site sur internet. Grégory Lassus-Debat, vous êtes le fondateur du magazine Causette. Merci à toute l'équipe.
WWW.AMBAFRANCE-TZ.ORG
FÉVRIER 2014
RADIOS
FÉVRIER 2014
Informations régulières sur l’exposition pendant toute la durée de la présentation
TÉLÉVISIONS
FÉVRIER 2014
Informations régulières sur l’exposition pendant toute la durée de la présentation
CHANNEL TEN
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CAPITAL TV
4 FÉVRIER 2014
Présentation de l’exposition
DAILY NEWS
4 FÉVRIER 2014
AFRICULTURES
4 FÉVRIER 2014
LE POINT
WWW.LEPOINT.FR 27 MAI 2014
THE CITIZEN
4 FÉVRIER 2014
MWANANCHI
4 FÉVRIER 2014
THE GUARDIAN
4 FÉVRIER 2014
CHANNEL TEN
5 FÉVRIER 2014
Vernissage de l’exposition
THE CITIZEN
7 FÉVRIER 2014
PESA TIMES BLOGS
10 FÉVRIER 2014
PESA TIMES BLOGS
10 FÉVRIER 2014
THE CITIZEN
10 FÉVRIER 2014
UNITED NATIONS INTER AGENCY GENDER FORUM AT ALLIANCE FRANÇAISE DE DAR ES SALAAM
WWW.TZ.UNDP.ORG 14 FÉVRIER 2014
LE FIL D’ALLIANCE
MARS/AVRIL 2014
BBC
8 MARS 2014
Enregistrement de l’émission pendant la présentation de l’exposition
MWANANCHI
13 MARS 2014
FÉDÉRATION INTERNATIONALE DES LIGUES DES DROITS DE L'HOMME WWW.FIDH.ORG 19 MARS 2014
DIPLOMATIE.BELGIUM.BE 20 MARS 2014
Exposition Femmes en résistance réalisée grâce à
avec également le soutien de
PIERRE-YVES GINET 11, rue Anatole France - F-42300 Roanne Tel. +33 6 63 94 74 29 Courriel : pierre.yves.ginet@gmail.com
ASSOCIATION FEMMES ICI ET AILLEURS 20, rue de la Rize - F-69003 Lyon Tel. +33 4 37 43 02 35 Courriel : femmes.ici.et.ailleurs@orange.fr