ECC.LEBOCAGE
SOIRÉES D’HIVER 3e saison
janvier - juin 2011
LEBOCAGE PRODUCTION, DIFFUSION, ACTION ET MÉDIATION CULTURELLES EN PAYS GAPENçAIS
PRODUIRE ACCOMPAGNER TÉMOIGNER
Note d’intention PAR mICHAEL DIAN La troisième saison des concerts d’hiver de l’ECC.LeBOCAGE marque une étape importante dans l’évolution de notre projet. Les deux premières saisons d’hiver avaient été portées avec l’ambition d’inscrire en dehors du temps estival durant laquelle les manifestations culturelles fleurissent aisément, une programmation musicale du niveau et de la portée de celle du festival. Nous cherchions alors à fidéliser les habitants des vallées autour d’un rendez-vous mensuel de qualité, préfiguration de la programmation du festival, primeur offerte au territoire qui l’accueille. Encouragé par le succès public de ces deux premières saisons de concerts, par la reconnaissance et l’intérêt des institutions qui soutiennent le projet général de l’ECC.LeBOCAGE, par la curiosité grandissante de la presse nationale, j’ai pensé que le moment était venu de nous donner une impulsion supplémentaire, forte de sens et riche de liens potentiels, que rend aujourd’hui possible la professionnalisation avancée de l’outil de gestion. Le programme d’activité se présente en trois points, articulés autour de trois mots clefs, trois enjeux d’un projet de développement culturel en territoire rural de montagne: Produire, Accompagner et Témoigner. Derrière ces trois termes, trois moments qui en vérité s’entretissent et se fondent en un seul élan: par la musique, donner du sens, créer du lien, construire les éléments d’un récit partagé (1).
Produire
La saison 2011 telle que je l’ai imaginée proposera 12 concerts au lieu des six habituels, six concerts différents donnés deux fois, deux soirs consécutifs, dans deux communes différentes et relativement distantes l’une de l’autre du pays gapençais, les derniers vendredi et samedi du mois. Ce doublement du nombre de concerts permettra aux artistes et à l’équipe d’être encore plus présents et plus actifs sur le territoire dans une période où l’offre culturelle dans les vallées est bien moins importante - voire inexistante - que dans la période estivale. Les objectifs poursuivis sont simples et le bénéfice évident: répondre favorablement aux communes qui, ayant désormais connaissance du dispositif, sont de plus en plus nombreuses à souhaiter accueillir un concert, offrir aux artistes la possibilité de s’arrêter plus longuement dans le territoire, d’en ressentir la vibration et à l’équipe d’imaginer avec eux et autour d’eux les modalités d’une rencontre authentique avec le public.
Accompagner
Le travail d’Elise Guilloton, chargée de mission pendant la quatorzième édition du festival sur les questions de médiation, nous a permis d’initier une série de démarches en direction des publics, via des structures relais du territoire. (voir ci-après et portrait d’Élise en annexe). Bien que très implanté dans le territoire du pays gapençais, bénéficiant d’une image positive et désireux depuis ses premières heures d’un partage de la musique le plus large et le plus convivial possible, l’ECC.LeBOCAGE fait le même constat que toutes les structures culturelles qui s’intéressent honnêtement à la question des publics: il est des seuils qu’on ne franchit pas aisément - voire pas du tout, convaicu de n’être pas à sa place dans une salle de concert, fût-elle église de village. Formulés ou pas, ces autolimitations qui s’expriment plus ou moins confusément sont extrêment agissantes et constituent des freins majeurs à une pratique culturelle épanouissante. Parce que la question des publics et de leur formation n’a jamais été pour nous un alibi, nous souhaitons aider à ce que ces inquiétudes, peurs, ressentiements, malentendus se dissipent pour trouver dans nos salles un public toujours plus mélangé. Le doublement des concerts et la diffusion de chacun d’eux sur deux jours consécutifs permettra d’utiliser les temps de la journée pour organiser des moments de rencontre et d’échange avec les artistes invités, plus disponibles parce que plus longtemps présents dans le territoire.
Témoigner
Depuis près de 15 ans, l’ECC.LeBOCAGE a pris ses quartiers autour de l’église du Hameau de Saint-Michel, dans le Champsaur. Depuis ce berceau, cette maison de famille, il irrigue désormais l’ensemble du territoire du grand gapençais, poussé par les vents favorables du désir et de l’enthousiasme. Tout au long de ces années, que s’est-t-il passé pour les habitants de ces vallées, pour les artistes qu’ils ont rencontrés, les bénévoles qui se sont mobilisés, les élus et les techniciens qui ont défendu nos propositions? Comment prendre le pouls de ce coeur vivant, la mesure de cette dimension humaine, essentielle dans une telle aventure ? Comment témoigner de la place trouvée dans les vies de chacun et comment en mesurer l’impact sur un territoire ? Comment faire le récit aussi, de ce petit groupe de musiciens reunis autour de Roger et Dina Dian - fondateurs des stages musique à Chaillol qui ont fêté leurs 20 ans cette année - qui n’imaginaient sans doute pas qu’ensemble, ils fondaient le festival de Chaillol ? En partenariat avec le Centre d’Oralité Alpine, sous la direction de Marc Mallen et avec la complicité de Julia Montredon, j’ai senti qu’il serait possible de témoigner plus intensément de notre ambition, de rendre une image plus incarnée d’un projet au carrefour de préoccupations artistiques et humaines. Au travers les récits croisés d’une quinzaine de personnalités qui font et sont la mémoire du festival, peut-être verra-t-on apparaître le visage généreux d’une ambition collective exemplaire. (1)
Produire, ce n’est pas seulement organiser des concerts, mais aussi chercher à engendrer un rapport différent au public et à la musique. Accompagner, ce n’est pas seulement s’intéresser à la question des publics et à la nécessité de son élargissement, c’est aussi accompagner des artistes dans des espaces de jeu inhabituels et s’intéresser à la manière dont est vécu, de part et d’autre, cet écart et la rencontre qui peut en résulter. Témoigner, ce n’est pas seulement recueillir les impressions de quelques acteurs du projet, c’est aussi produire un récit collectif, polyphonique et choral, qui marque l’évolution conjointe d’une démarche artistique et humaine et d’un territoire.
PRODUIRE
Fort d’un réseau d’artistes issus de tous les continents, l’ECC.LEBOCAGE propose une programmation organisé autours des formes métissées de la création musicale. Elle offre l’occasion de confronter les éléments d’une identité culturelle européenne à ceux d’autres espaces de culture, pressentant que par un mouvement d’ouverture et d’enrichissement réciproques, celle-ci sera plus apaisée et ceux-là moins étrangers.
LE MONDE EN NOS VILLAGES L’ECC.LEBOCAGE produit chaque année, avec la complicité d’artistes qui soutiennent son projet et accompagne son évolution, près d’une quarantaine de concerts, diffusés dans le pays gapençais, pendant le festival de Chaillol et durant sa préfiguration hivernale. Si, comme on le dit souvent, la musique est le bruit du monde, alors celui-ci a trouvé sa place dans les vallées rurales de montagne du grand gapençais. En quelques années, le public a eu l’occasion de découvrir, autour de grands moments de l’histoire musicale européenne, certaines aspects de la création musicale du Japon, d’Argentine, plus récemment du Maghreb. Ces concerts sont aussi l’occasion de vérifier que chacune de ces traditions musicales entretient avec sa propre mémoire, son propre patrimoine, une relation différente, qui tient souvent à son histoire. La possibilité d’offrir au public de découvrir les différentes formes d’expression musicale, certaines familières d’autres étrangères est au coeur d’un projet qui, en définitive, espère que chacun puisse reconnaître dans le visage de l’Autre un peu du sien. L’autre aspect essentiel de cette série de concerts d’hiver tient au dispositif particulier qu’elle propose aux collectivités. Tandis que les communes participent financièrement à la production des concerts du festival de Chaillol, les concerts proposés entre janvier et juin dans le cadre du contrat de pays le sont sans aucune contrepartie financière (en dehors de la prise en charge du repas du soir et de la nuit d’hôtel). Ce choix assumé nous permet d’aller vers des communes de très petites tailles qui ne disposent que de très peu de moyens au titre de l’animation et de peu de compétences pour organiser des manifestations culturelles d’une certaine portée. En étroite collaboration avec les communauté de communes auxquelle elles appartiennent, l’ECC.LEBOCAGE met à son service l’ensemble de ses compétences (production, communication, médiation, technique...) avec l’idée de faire avec elle et non pas à leur place, pour les amener peut-être à envisager d’autres collaborations avec des artistes et des strucutures culturelles du département. Il remplit ainsi ce qu’il lui semble être l’une de ses missions principales: être un outil de production mutualisé au service des populations et des collectivités du grand gapençais.
ACCOMPAGNER L’ECC.LEBOCAGE a toujours placé la sensibilisation des publics au centre de son projet. SA mission principale étant l’accueil de musiciens dans le grand gapençais, il CHERCHE À FAVORISER LA RENCONTRE AVEC LES populations locales auxquelles s’adressent plus particulièrement la saison d’hiver POUR QUE LE PLUS GRAND NOMBRE PUISSE profiter de cette présence artistique singulière sur le plan local comme national. Après avoir travaillé au développement du projet dans sa dimension artistique et structurelle, le Festival de Chaillol souhaite s’engager dans la voie de la médiation avec les publics pour créer des passerelles partout où cela est possible. L’idée : donner toujours plus de sens, permettre au plus grand nombre de goûter aux plaisirs de la musique, travailler à une inscription toujours plus forte dans le territoire du pays gapençais. Ainsi, nous souhaitons mettre en oeuvre de nouvelles actions dites de médiation et développer un travail en direction de publics spécifiques via des structures relais. En effet, une communication «traditionnelle» (plaquettes, affiches, flyers, presse…) ne concerne que ceux qui ont déjà une pratique culturelle et qui se sont dotés des clefs nécessaires pour appréhender une offre culturelle. Elle ne permet pas de toucher ces publics dits «empêchés», qu’une série de freins éloigne de l’offre culturelle : représentations négatives et idées pré-conçues sur la culture, effets de seuil, difficultés financières... De plus, il peut être intéressant d’accompagner les spectateurs dans une démarche constructive et progressive autour de leur pratique culturelle. Loin de constituer un objectif quantitatif - cet ensemble de démarche n’a pas pour objectif premier de «fabriquer du spectateur» - notre ambition et nos objectifs se situent plus sûrement sur un plan éthique: l’accès à la culture pour tous est une nécessité sociale, un droit à défendre, une exigence démocratique. Durant l’édition 2010, l’ECC.LeBOCAGE a recruté une chargée de mission sur ces enjeux particuliers de la médiation et de la communication. Elise Guilloton (interview en annexe) a été chargée de consolider les liens tissés au fil des ans avec les structures locales. Son travail à nos côtés à permis d’aller plus loin dans ce sens et d’envisager un prolongement et une structuration de ces actions. Ainsi, différentes actions ont été menées en lien avec trois centres de vacances, un centre social, l’association Cultures du Cœur, La Poste, les stagiaires des stages musique à Chaillol, les participants aux ateliers proposés dans le cadre du festival et le public de manière générale à travers des rencontres avec les artistes, un accompagnement spécifique, des formules tarifaires adaptées… Cela nous a permis de tester des dispositifs et de commencer à sonder la réceptivité face à ces propositions. Le bilan est très positif et de nombreuses pistes sont déjà envisagées autour des concerts d’hiver : milieu scolaire, écoles de musique, ateliers de pratiques artistiques, musiciens locaux, chorales, bibliothèques, centres aérés, centres sociaux, clubs des aînés, Adelha, FJT, chantiers internationaux, comités d’entreprise… Ainsi, chaque concert de la saison d’hiver sera proposé avec un accompagnement spécifique, conçu avec et pour le partenaire retenu: rencontre avec les musiciens, présentation d’instruments ou du style de musique pour les écoles, reportage radio autour du concert réalisé par les adolescents de Planète Champsaur...
TÉMOIGNER
L’histoire dE l’ECC.LEBOCAGE le place dans une recherche permanente d’équilibre entre l’enjeu culturel et l’enjeu de territoire, entre l’enjeu de développement local et une dimension plus intime, celle de l’individu dans sa relation à l’Art: QuE s’est-il passé autour et par la musique, dans ce territoire de montagne, pour les différentes personnes qui y ont consacré du temps, pour celles qui artistes ou publics fréquentent l’événement ? Quel est l’impact d’une telle proposition artistique sur le territoire, sur les gens qui y vivent, qu’ils soient ou non spectateur ? Qu’est-ce qui se passe pour les artistes dans leur relation au territoire ? Surgit une volonté, celle de mieux appréhender la nature et la portée de cet équilibre, qui en admettant une part manquante à chaque acteur (artistes, bénévoles, habitants…), cherche à mettre chacun en relation avec l’Autre, promettant un échange, la reconnaissance d’une commune appartenance. L’une des spécificités de l’action de l’ECC.LeBOCAGE est de rechercher la plus grande proximité avec le territoire qui l’accueille, via l’apport artistique de chacune des programmations. Après avoir travaillé à la structuration et à la professionnalisation de l’outil de production, il s’agit désormais de lui assigner une fonction, une utilité sociale, de mesurer son impact sur les discours, les artistes, les populations locales, les institutions… L’inscription large dans le Pays gapençais pose également la question du rapport qu’entretient l’ECC.LeBOCAGE au centre géographique qu’est Chaillol, son berceau. L’ECC.LeBOCAGE possède une origine qu’il assume, revendique une identité et voyage désormais très au-delà du village de Saint-Michel, jusqu’au Japon voici quelques années. Cette autonomie confirme que l’ECC.LeBOCAGE a réellement ancré ses racines sur ce territoire champsaurin. Quinze témoignages, chacun constitué d’une interview mené par Julia Montredon et d’un portrait par le photographe Adrien Perrin (voir en annexe) constituent le matérieau principal de cette action. Ces entretiens, conduits par Marc Mallen autour d’une thématique large seront restituée sous différentes formes : _ un site internet dédié sera créé qui présentera de manière interactive l’ensemble du matériau collecté. _ une exposition itinérante, qui pourrait accompagner les concerts de la saison 2011, présentera les photos d’Adrien Perrin et d’Alexandre Chevillard accompagnés d’extraits de la retranscription des interviews. _ Enfin, un livre d’une centaine de pages, auto-édité, mélant textes, interviews et photos, permettra de retrouver l’essentiel des portraits, augmenté d’un texte de présentation (auteur non encore choisi) et d’une postface de Michaël Dian. Maître d’ouvrage : ECC.LeBOCAGE Coordination technique : COA - CDMDT (Agence Culturelle) Coordination générale : Michaël DIAN Collecteurs : Julia MONTREDON et Marc MALLEN Photographes : Adrien PERRIN et ALEXANDRE CHEVILLARD
ANNEXE I
ÉLISE GUILLOTON
chargé de mission médiation et communication Après ses premiers pas dans le monde de la culture via une implication associative locale puis une formation universitaire en communication, Elise trouve sa place en tant que professionnelle tout d’abord au sein d’une compagnie de théâtre où elle découvre l’envers du décor, occupe les fonctions de chargée de communication à l’Avant-Scène Cognac, scène conventionnée arts de la rue et de la piste. Après un petit crochet par la compagnie des Nouveaux Nez, un poste de médiatrice culturelle à La Canopée-Ruffec, scènes des écritures, l’histoire s’écrit maintenant dans les Hautes-Alpes, aux côtés de l’équipe du festival de Chaillol. Elise, que pourrais-tu nous dire pour nous éclairer sur toi, d’où tu viens, ton parcours de vie, tes centres d’intérêt, ce qui t’a mené jusqu’à nous dans les Hautes-Alpes ? J’ai 32 ans. Je suis originaire de Charente, une terre douce, agricole mais aussi culturelle, à l’autre bout de la France. Enfant, je faisais de la danse moderne jazz, je chantais à la chorale de l’église et je prenais un véritable plaisir aux spectacles de fin d’année à l’école. J’ai ensuite fait mon lycée au LISA, lycée de l’Image et du son, option cinéma audiovisuel puis atelier photo le mercredi après-midi. La question de l’orientation arrive avec son défilé d’inquiétudes bien prématurées mais véritables sur la conjoncture. J’écoute la conseillère d’orientation et laisse de côté mon envie de socio-culturel. Ce ne sera finalement qu’un détour pour mieux revenir à ce qui fait sens pour moi : le spectacle vivant et plus généralement la culture. Poitiers, ville universitaire dynamique m’ouvre les portes du monde associatif et du bouillonnement humain qui s’en dégage. Ma maîtrise de communication en poche, je reviens dans mon village où l’on met en place un festival baptisé «Mioches en fête». Je découvre la relation aux élus, la nécessité de structurer sa pensée, de modérer son langage, mais aussi l’entraide, la débrouille et surtout la magie de la rencontre du public avec le spectacle. Côté professionnel, la voie est maintenant tracée et tout s’enchaîne naturellement, me confortant dans mes aspirations. Je débute dans une compagnie de théâtre / théâtre de rue : la Compagnie d’un Songe où je touche à tout : budgets, communication, vente, administratif, comptabilité… Après 2 ans 1/2, je décide de reprendre la route d’une structure de diffusion culturelle pour me rapprocher de mon cœur de métier : la communication. Cognac puis Ruffec en passant par une courte mais revigorante escale auprès des Nouveaux Nez où je découvre le métier de scripte. Mon poste de médiatrice culturelle à La Canopée à Ruffec m’aura procuré quatre belles années de cheminement professionnel au sein d’une équipe précieuse par son exigence et sa chaleur humaine. Après un licenciement économique (tout projet même pertinent est toujours fragile), mon ami me propose de partir vivre dans les Hautes-Alpes où une place l’attend au sein du groupe Babel Buëch Madam. Comment as-tu découvert le festival de Chaillol ? Dans le cadre de mes recherches d’emploi, je postule au poste d’administratrice émanant de l’Espace culturel de Chaillol. La rencontre a lieu mais le recrutement est infructueux. Une semaine plus tard, je propose mes services de médiatrice culturelle à Michaël. Il me rappelle dans la foulée et on tombe d’accord. C’est un vrai plaisir pour moi de retrouver une place dans une équipe motivée qui croit au bien fondé de la culture. Une culture exigeante et à portée de tous. L’histoire de ce projet et les gens qui l’écrivent d’année en année m’inspirent beaucoup de confiance et de respect par la place qu’ils donnent à l’humain et au facteur temps. Qui plus est, c’est pour moi l’occasion de découvrir un univers artistique qui m’est encore assez peu connu. Que souhaites-tu apporter à ce territoire à travers ton poste de chargée de mission médiation communication ? Un maillon supplémentaire entre les artistes et le public, et peut-être plus spécialement en direction de ceux qui se sentent exclus de cette proposition pour diverses raisons. J’aime créer le lien, ouvrir des portes et faciliter la découverte parce qu’il me semble que cette nourriture est elle aussi tout à fait essentielle, que l’ouverture rend la vie plus facile et qu’il est bon d’aider tout un chacun à avoir ce réflexe de curiosité vitale.
ANNEXE II
LEBOCAGE
RETOUR SUR 15 ANNÉES D’ACTION CULTURELLE EN TERRITOIRE RURAL DE MONTAGNE. CENTRE DE L’ORALITÉ ALPINE Démarche générale L’oralité, par l’enquête individuelle, permet de libérer une parole, et de la replacer dans un dispositif communautaire, utile à la construction d’un discours collectif autour duquel le groupe pourra se reconnaître, à condition de l’accompagner dans cette démarche. Si le Centre de l’Oralité Alpine n’a pas de vocation ethno-psychologique, il a le souci « d’allier et de rallier, de lier, relier et relayer tout ce qui se trouvait désolidarisé » (Manifeste antillais). La collecte et la restitution au public collecté d’un objet, issu d’une analyse comparative, vise à renforcer un sentiment d’appartenance à un territoire, à une temporalité et à une culture spécifique. La prise en charge socio économique des territoires est le plus souvent dans les mains des collectivités locales qui, contraintes par une culture de résultats, délaissent la part de subjectivité qui agrège les humains autour de leurs projets d’avenir. L’oralité est un outil culturel qui va engendrer un discours partagé par un groupe humain, lui permettre d’expliciter son rapport au passé et/ou à son patrimoine, d’exprimer sa vision de son état contemporain et de ses prolongements dans l’avenir. L’oralité concourt à l’expression des groupes et à leur mobilisation dans les projets de développement « L’outil « Oralité » deviendrait un facteur de développement local, puisqu’il propose un état des lieux par ses acteurs, révèle leur style de présence au monde, et peut-être le déclencheur d’une réflexion participative sur les modalités d’une projection du groupe dans l’avenir. » (Audrey Pégaz-Fiorney, anthropologue) Dans le cadre du projet conçu avec l’ECC.LeBOCAGE, la notion d’épanouissement semble prévaloir sur celle du développement ; épanouissement au sens d’une graine qui a su trouver son terroir pour ancrer ses racines et qui, aujourd’hui, concentre son énergie à la construction de sa frondaison future.
Genèse d’une rencontre entre Festival de Chaillol et COA La notion de « caractère » n’est pas étrangère au COA, puisque dans sa relation partenariale étroite avec le Parc national des Ecrins, le COA avait conduit une collecte orale sur le caractère de ce massif. La démarche ne consistait pas à se suffire d’une réponse fermée sur la notion de caractère mais d’extraire des enquêtes orales les représentations que les témoins se faisaient d’eux-mêmes et de leur relation au territoire. « Dans la Critique de la Raison Pure, Kant définit le caractère comme « ce dont on prend conscience dans la chose », et distingue les caractères empiriques (phénoménaux) des caractères intelligibles (nouménaux). Derrière la notion de caractère, se cache une structure psychologique, des habitudes de comportements et plus globalement une nature (dans le sens de natura employé par Machiavel). Interroger le caractère d’un Parc revient à marier des valeurs orographiques à des valeurs ontologiques, à composer entre des valeurs de nature et des valeurs de culture. A ce stade premier de la réflexion, la démarche pour approcher au mieux le caractère d’un Parc est d’en appeler à l’effet miroir que le territoire produit aux êtres qui le côtoient. Interroger la part synthétique et analytique de témoins qui vivent, sentent, ressentent, pensent et utilisent un territoire revient à qualifier par reflet le tempérament de ce territoire Parc. » C’est à partir de ce sujet spécifique, des aménités qui en résultèrent et des produits qui en découlèrent, que le Festival de Chaillol et le COA s’engagèrent dans une réflexion commune pour réfléchir au positionnement de l’ECC.LeBOCAGE à l’aube de son quinzième anniversaire : « notre action cherche un équilibre entre l’enjeu culturel et l’enjeu de territoire : la question est de savoir ce qui se passe entre les individus qui se croisent au moment de l’évènement ou - dit d’une autre manière - quel est l’impact de la proposition artistique sur le territoire et qu’est-ce qui se passe pour les artistes dans leur relation au territoire ? Surgit une volonté, celle de connaître la portée de cet équilibre, même s’il comporte des manques pour chacune des polarités qui l’active. La dimension
militante de l’ECC.LeBOCAGE est de permettre une proximité avec le territoire via l’apport artistique de chacune des programmations. Il s’agit d’assigner une fonction à cet outil maintenant stabilisé, et de mesurer son impact sur les discours, les artistes, les populations locales et sur les institutions. L’inscription large dans le Pays gapençais pose également la question du rapport qu’entretient l’ECC.LeBOCAGE au centre géographique qu’est Chaillol, son berceau. L’ECC. LeBOCAGE possède une origine qu’il assume, revendique une identité et voyage désormais très au-delà du village de Saint-Michel, jusqu’au Japon voici quelques années. Cette autonomie confirme que l’ECC.LeBOCAGE a réellement ancré ses racines sur ce territoire champsaurin.» (extrait du compte rendu du 30 Mai 2010)
Démarche de la collecte Problématique La congruence des points de vue acquise autour de cette thématique, et la pertinence du bien fondé d’une collecte orale pour ce faire, il convenait de définir plus précisément les contours de cette thématique, d’où la nécessité de poser les problématiques de l’enquête. Ce sont par les problématiques que s’édictent les réels questionnements de l’enquête. Une problématique génère un questionnement, lui-même générateurs d’une série de questions. Ce ou ces questionnements peuvent être de nature voire de niveau similaires, ou pas, sachant que par niveau s’entend les registres dans lesquels les informateurs puisent pour répondre aux interrogations posées (registres intellectuel, sensible, poétique, épidermique…) Poser les problématiques dans le cadre d’une enquête ou d’une collecte est une phase capitale puisque la grille d’entretien en dépend mais également, la phase de synthèse et d’écriture en fin d’étape. Les problématiques ne s’édifient pas sur des à priori et ne visent pas forcément à vérifier des hypothèses pré établies. Poser des problématiques dans le cadre d’une collecte induit une recherche bibliographique et une démarche rationnelle qui consiste à définir des hypothèses construites, à mettre en œuvre une méthodologie rigoureuse et une pratique destinées à confirmer ou infirmer ces hypothèses. La collecte orale est une maïeutique c’est-à-dire qu’elle doit permettre aux personnes enquêtées « d’accoucher » des représentations qu’elles se font du Festival, au regard des problématiques posées. Pour définir les valeurs de l’ECC.LeBOCAGE, trois problématiques ont été circonscrites : la dimension territoriale et culturelle de son action, sa temporalité, Sens et utopies au regard de son vécu de 15 ans.
Echantillon et entretien Un groupe social ne se définit pas sur la base d’un évènementiel; en revanche, il réunit des composantes sociales qui participent à sa propre reconnaissance. Le temps d’un festival est une construction sociale spatiale et temporelle, aussi l’échantillon s’est établi sur la base de ceux qui, de près ou de loin, participent à son accueil, à son fonctionnement, à son développement et à son épanouissement. Quinze personnes ont été initialement désignées pour constituer un échantillon susceptibles de répondre aux interrogations des problématiques retenues : des artistes, des bénévoles, des élus, des membres de l’association, mais également des habitants, des mécènes, des gestionnaires de l’espace et des fondateurs de l’ECC.LeBOCAGE. Les enquêtes sont toutes enregistrées, retranscrites et font l’objet d’un contrat qui unit l’informateur aux collecteurs, et donc à l’association l’ECC.LeBOCAGE.
ANNEXE III
LES PHOTOGRAPHES
Adrien Perrin et né à Lyon en 1979 ; il aborde la photographie et la poésie un peu comme un musicien écrit sa musique. Sa création n’est pas segmentée : c’est une ligne qui par moments se condense et s’enroule pour faire naître une entité artistique. Son travail est humaniste, il aime rapprocher les gens, les objets, les idées ; il croit à l’universalité des sujets, il croit qu’il n’y a pas de sujet. Il est lui-même parfois sujet et donc non sujet. Il s’interroge sur les aspects psychotiques de son œuvre. La photographie est pour lui un outil de recherche philosophique, une excuse et un prétexte pour se mettre en danger, dans le rouge… Il est autodidacte, son acte artistique n’est pas un choix mais une nécessité. Pour supporter le monde, le comprendre, ne pas couler, il s’est construit un radeau avec la sensibilité des œuvres de certains écrivains, poètes, musiciens qui alimentent sa bulle. Avec l’aide de son appareil photo, il tente de distiller ce qui se trouve autour de lui, ses rencontres et ce qu’il perçoit du monde. « Je planifie très peu ce que je photographie, je suis guidé par un fil inconscient et aléatoire, fragile aussi. Je suis touché par les personnes, qui représentent les extrémités de l’humanité. Elles sont les garantes (mais non moins humaine) de ce qui nous définit ; nous ne sommes que la moyenne. Ecrire, faire une photo, c’est enlever de la matière en trop, ne garder que l’essentiel et le juste, faire de la place : je suis claustrophobe ! »
ALEXANDRE CHEVILLARD est né en 1973; Il rencontre la photographie après ses études universitaires en arts plastiques, s’enthousiasme pour le rapport direct qu’elle permet. Tel Cartier-Bresson et son « instant décisif », il plonge alors dans la vie, en extrait des « fragments d’espaces – fractions de secondes » qui sculptent le temps et composent avec le réel : c’est la période martiniquaise et les années de photo-filmage. De retour à Paris en 2002, il crée Domaine sensible et développe un travail autour du spectacle vivant. Il photographie le théâtre au TEP et à La Colline, la danse au Théâtre de La Ville (Paris). Les metteurs en scène et chorégraphes se succèdent: Christian Schiaretti, Gildas Milin, Pina Bausch, Jan Fabre… Passionné de musique, ses images sont diffusées depuis 2002 par l’agence DALLE. Il a couvert les festivals Jazz sous les pommiers (Coutances), Blues Passions (Cognac), Métissages Jazz à La Cité de la Musique, le festival Gnaoua (Essaouira, Maroc), photographié de très nombreux musiciens parmi lesquels Dave Holland, Femi Kuti, DeeDee Bridgewater, Trilok Gurtu, Jack De Johnette, N’Guyen Lê… Il fait la connaissance de Michaël Dian en 2007, à Paris, lors d’une exposition du collectif KLUPS. Leurs ambitions artistiques respectives les amènent à collaborer pour contruire la mémoire photographique de l’ECC.LeBOCAGE.