COMME UN FEU
COMME UN FEU DE BROUSSE
COMME UN FEU
DE BROUSSE Thomas Gatungu vit dans un bidonville au Kenya. Son rêve : aller à l’école et devenir avocat. Grâce à la générosité de ses voisins, il part faire ses études de droit en Inde. Son diplôme en poche, il rentre au Kenya, avec l’envie d’instaurer la démocratie dans son pays. Mais le chemin vers des « élections propres » et libres sera semé d’embûches... L’auteur a écrit ce livre d’après le témoignage de Joseph Karanja, recueilli lors d’un voyage-documentaire réalisé pour France 5.
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Marie-Hélène de Cherisey
9 782215 098119
8,50
www.fleuruseditions.com www.lavenircestnous.com
France TTC
Ce livre contient également un dossier pédagogique sur le thème de la démocratie.
DE BROUSSE
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Direction : Guillaume Arnaud Direction éditoriale : Sarah Malherbe Direction artistique : Élisabeth Hebert Édition : Claire Renaud Fabrication : Thierry Dubus, Anne Floutier Mise en page : Text’oh ! Illustration de couverture : Florian Thouret © Fleurus, Paris, 2011 Site : www.fleuruseditions.com ISBN : 978-2-2150-9811-9 Code MDS : 651 443 N° d’édition : 11 149 Tous droits réservés pour tous pays « Loi n° 49-956 du 16 juillet 1949 sur les publications destinées à la jeunesse. »
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PREMIÈRE PARTIE L’enfant du bidonville
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Chapitre 1
Le robinet
Kitale, 1977 − Cocorico ! Cocorico ! Cocorico ! COCORICO ! Le cri du coq traverse mon corps, comme une décharge électrique. Je me réveille en sursaut. Le soleil passe déjà à travers les trous du toit ! Pris de panique, je bondis. Je n’ai pas une seconde à perdre ! J’enjambe les corps de papa, maman, Dan et Rosy, qui dorment encore sur des nattes posées à même le sol, serrés les uns contre les autres. Je me rue dans la cour, en attrapant au passage les deux bidons posés près de la porte. L’odeur saisissante des toilettes m’arrête net. Je bloque ma respiration et passe sous les cordes à linge. Je cours à toute allure dans la rue en terre, couverte de papiers et de plastiques oubliés. J’évite les flaques d’eau noire des égouts et les objets dangereux qui pourraient me couper les pieds. Je cours, je cours. Les deux jerricans vides, trop grands pour moi,
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tapent régulièrement mes jambes sales. Je tourne à droite, à bout de souffle. D’autres enfants arrivent de partout, par les allées de côté. Je puise dans mes dernières forces pour cette course sans pitié, essayant de gagner du terrain sur mes concurrents. « Est-ce que je vais arriver à temps ? » Au prochain croisement, je serai fixé. Mon cœur bat si fort que j’ai l’impression qu’il va exploser. Ma gorge est en feu ! Encore quelques secondes… Je n’ose pas regarder. Je m’arrête, coupé brutalement dans mon élan. « Trop tard ! » Je suis arrivé trop tard ! Je regarde, assommé : ils sont déjà des dizaines, des grands en plus, à faire la queue devant le robinet, comme des mouches collées à un pot de confiture. Un seul robinet rouillé, avec un morceau de tuyau bleu accroché, pour remplir les bidons de tout le monde. Et nous sommes plus de mille ! Il y en a pour des heures d’attente… Jomo, une profonde cicatrice en travers de la joue et un bouc sur le menton, me bouscule et me passe devant, sûr de lui. − Pousse-toi, p’tit, tu vois pas qu’tu gênes ! Cela ne sert à rien de protester. Personne n’est là pour faire respecter l’ordre. Les plus forts passent devant. Avec mes huit ans, je n’ai aucune chance. Je n’ai plus qu’à revenir sur mes pas. Je repars, le cœur lourd. « Bam, bam ! » résonnent tristement les bidons en accompagnant ma marche. Je déteste ce bruit creux du plastique !
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Je pleure, furieux d’être encore trop petit. Je ne peux supporter l’idée de rentrer sans rien et d’avoir à annoncer à maman : « Je n’ai pas d’eau ! » Qu’allons-nous boire ? Comment allons-nous nous laver ? Nettoyer la maison et nos vêtements ? Toutes ces questions se bousculent dans ma tête. Sans eau, je ne le sais que trop bien, la vie s’arrête. Fier d’être l’aîné, j’ai insisté hier soir pour faire cette corvée. C’est toujours maman qui s’en occupe et cela me faisait plaisir qu’elle se repose. Maman a répondu gentiment : − Tu es encore trop jeune, Tom ! Je me suis défendu. − Vous dites toujours ça ! Il faut bien que je commence un jour. Ernest, ses parents l’ont laissé essayer. En se levant très tôt, il y est arrivé ! − Ah ! Si Ernest y est arrivé, je comprends mieux ! m’a taquiné papa avant d’ajouter, plus gravement : Si tu y tiens, vas-y, mais n’oublie pas qu’il n’y a que les premiers qui sont servis !
Je marche lentement, tête baissée. Je ne veux voir personne ! Papa avait raison, mais je trouve cela complètement injuste : tout le monde a besoin d’eau. Pas seulement les plus rapides ! Pourquoi suis-je né ici, dans un bidonville ? Je me le demande si souvent !
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Pourquoi au Kenya et pas aux États-Unis ? À la télé du Paradise bar, juste devant le marché, j’ai vu qu’ils ont toute l’eau qu’ils veulent dans ce pays ! Ils prennent des bains et nagent dans des piscines. Si on m’avait demandé mon avis, j’aurais préféré vivre là-bas. À la maison, on m’appelle monsieur Pourquoi, parce que je pose tout le temps des questions. Je ne le fais pas exprès. C’est plus fort que moi. Je me dis qu’il doit y avoir une raison que je ne connais pas pour que notre vie soit si difficile. Mais j’ai beau chercher une explication valable, je n’en trouve pas. Avec un tablier à grosses fleurs, un fichu autour de son visage rond, maman m’attend dehors, plantée, comme un arbre, devant la porte. Elle ne se pose pas tant de questions, elle ! La terre pourrait s’écrouler, elle serait toujours debout ! Ses yeux noirs et son sourire si doux m’enveloppent tout entier. Je n’ai rien besoin de dire. Elle a deviné. − Allez, viens mon Tom ! Tu as fait ce que tu as pu ! Je saurai bien me débrouiller. Dieu nous a-t-il jamais abandonnés ? Maman est ainsi. Elle croit en Dieu comme elle respire. D’ailleurs, au Kenya, tout le monde croit en Dieu. Mais elle, encore plus ! Elle me prend dans ses bras. J’abandonne mes bidons inutiles et enfonce ma tête dans sa grosse poitrine. Pendant quelques secondes, j’oublie tout… y compris que cette course m’a donné faim et qu’il faudra pourtant attendre le repas, jusqu’à ce soir.
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Chapitre 2
Le blanc
− Oncle Henry est là ! s’écrie Rosy en accourant tout excitée dans la maison, alors que je suis en train de faire la sieste. Depuis ce matin, la chaleur est de plus en plus lourde. Je n’ai pas eu la force d’aller jouer avec mes voisins. Mais le nom d’« oncle Henry », magique, me donne aussitôt un coup de fouet. D’abord, parce qu’il est blanc et qu’il est le seul à oser s’aventurer dans le bidonville. Pour lui, tous les hommes sont des hommes, quelle que soit la couleur de leur peau. J’ai été bien étonné quand il m’a raconté qu’il était né au Kenya, comme moi. Je croyais que tous les Kényans étaient noirs… Mais j’ai été encore plus surpris de voir à quel point il aimait notre pays. Au moment de l’indépendance, en 1963, la terre de ses parents, des colons anglais, a été confisquée et redistribuée aux Kikuyus, la tribu du nouveau président, Jomo Kenyatta, celui qui a donné son nom au Kenya. Les parents d’oncle Henry ont été obligés de repartir en Europe, mais lui n’a jamais voulu les suivre.
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DE BROUSSE Thomas Gatungu vit dans un bidonville au Kenya. Son rêve : aller à l’école et devenir avocat. Grâce à la générosité de ses voisins, il part faire ses études de droit en Inde. Son diplôme en poche, il rentre au Kenya, avec l’envie d’instaurer la démocratie dans son pays. Mais le chemin vers des « élections propres » et libres sera semé d’embûches... L’auteur a écrit ce livre d’après le témoignage de Joseph Karanja, recueilli lors d’un voyage-documentaire réalisé pour France 5.
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