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Direction : Guillaume Arnaud Direction éditoriale : Sarah Malherbe Direction artistique : Élisabeth Hebert Édition : Claire Renaud Fabrication : Marie Cheneval Mise en page : Text’oh Illustration de couverture : Dorothée Jost © Groupe Fleurus, Paris, 2012 Site : www.fleuruseditions.com ISBN : 978-2-2151-1797-1 Dépôt légal : septembre 2012 Code MDS : 651560 N° d’édition : 12 194 Tous droits réservés pour tous pays « Loi n° 49-956 du 16 juillet 1949 sur les publications destinées à la jeunesse. »

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Ă€ Charlotte et Mathilde, passionnĂŠes de gymnastique

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Une nouvelle mission

Lorsque Mélusine et Amandine poussent la porte du restaurant Au Plat unique, la salle est presque comble. Madame Violette, la propriétaire des lieux, se presse au-devant d’elles d’un petit pas joyeux. − J’ai cru que vous n’arriveriez jamais, dit-elle d’une voix douce. J’ai eu toutes les peines du monde à vous garder une table. La vieille dame sourit. Les rides qui bordent ses yeux sourient elles aussi. − Je ne sais pas ce qui se passe ce soir, s’exclame-t-elle gaiement. C’est à croire que tout le monde est affamé. − Tout est de ma faute, s’excuse Mélusine. Je ne trouvais plus mon cahier d’histoire pour faire mes devoirs avant de venir. Les yeux de madame Violette pétillent. De toute sa longue carrière, elle n’a jamais rencontré une seule fée qui soit ordonnée. La vieille dame les guide jusqu’à la petite table qu’elle leur a choisie. − Au menu ce soir, annonce-t-elle, gratin dauphinois et jambon de pays.

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Mon Roman chéri Le restaurant Au Plat unique porte bien son nom. Chaque jour, on y sert un nouveau plat, un seul, le même pour tout le monde. Madame Violette ne s’embarrasse pas d’une carte variée. Elle sait que même si sa cuisine est bonne, ce n’est pas ce qui pousse ses clients à se rendre chez elle. En venant déjeuner ou dîner Au Plat unique, ils recherchent un endroit où ils se sentiront bien. Madame Violette est réputée dans toute la ville, et même au-delà, pour son extrême gentillesse. Elle prend du temps avec chacun pour s’enquérir de sa santé, de son travail et demander des nouvelles de sa famille. Et si quelqu’un a plus besoin de parler que de manger, il trouvera toujours la vieille dame prête à l’écouter. Mélusine tire sa chaise et promène son regard sur la salle. − Il est déjà là ! la renseigne madame Violette. Au fond de la salle, sur une table un peu plus grande que les autres, un homme dîne seul. Visiblement très grand, les cheveux bruns et courts, il a la tête obstinément baissée sur son assiette. Ses yeux sont fermés. Il a gardé sa fourchette en l’air, comme si une pensée douloureuse et ­fulgurante l’avait soudain saisi, l’empêchant de poursuivre son repas. Mélusine grimace. − Cela n’a pas l’air d’aller très fort, constate-t-elle. Madame Violette hoche la tête tristement. − Je reviens vous en parler tout à l’heure. Amandine se tourne à son tour vers la table disposée dans un coin du restaurant et observe l’homme en silence. − Je veux bien l’aider, moi. Il est si beau… murmure-t-elle sponta­ nément. Elle scrute un long moment le profil bien dessiné de l’homme puis secoue la tête comme pour se défaire d’une pensée saugrenue. Ses

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Une fée peut en cacher une autre boucles châtains tressautent comme des ressorts et retombent en cascade autour de son visage. Inutile d’y penser, cette mission est celle de Mélusine.

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Au Plat unique

Le restaurant Au Plat unique a toujours tenu une place très

particulière au sein du Samu, le Service d’aide magique d’urgence, petite unité d’élite de la communauté des fées chargée de venir en aide aux hommes. C’est là en effet que tous les agents du

Samu viennent chercher leur mission. En accord avec mademoi-

selle Brune, la directrice de l’institution, madame Violette est chargée de repérer les humains qui ont besoin de secours et de les confier à une fée, le temps d’une mission.

Durant plusieurs centaines d’années, madame Violette a œuvré

au Samu en tant qu’agent. On ne compte plus le nombre de personnes à qui elle est venue en aide durant sa longue carrière

et chaque fée qui intègre la prestigieuse institution a entendu

parler de ses exploits. Mais le temps a passé et madame Violette

s’est fatiguée. Sa passion pour les gens n’a pas diminué, bien au

contraire, mais elle n’a plus l’âge de courir de mission en mission.

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Mon Roman chéri Ses forces l’ont quittée et elle a de plus en plus de mal à s’habituer aux nouvelles modes en vogue dans la petite communauté.

Sans jamais l’avouer ouvertement, elle regrette le temps où elle pouvait encore faire tourner sa baguette magique entre ses

doigts ou sentir ses ailes vibrer dans son dos. Bien sûr, les missions n’en étaient que plus délicates car il était alors beaucoup plus difficile de passer inaperçue, mais madame Violette aimait

cela. Aujourd’hui, les fées ne volent presque plus jamais et elles

ont remisé leur baguette magique aux oubliettes. La mode est au

claquement de doigts. Un coup bref suffit pour déclencher un tour de magie. La technique est discrète et pratique mais madame Violette trouve qu’elle manque de charme.

Si elle est décidée à ne plus aller sur le terrain, madame

Violette se refuse pourtant à quitter le Samu définitivement. Il

est toute sa vie et elle ne s’imagine pas dans un bureau à rédiger des manuels de magie, comme la plupart des fées retraitées de

son âge. De plus, sa connaissance du cœur humain est telle qu’elle

souhaite la mettre au service de ses consœurs. Madame Violette a donc imaginé de monter son restaurant pour repérer les âmes en peine. Très vite, sa proposition a retenu l’attention de

mademoiselle Brune. Les fées perdaient un temps fou à cher-

cher une personne à qui elles pourraient prêter main-forte.

Grâce au travail de madame Violette, il leur suffit maintenant de

déjeuner ou dîner de temps en temps Au Plat unique pour

repartir avec une mission digne de ce nom.

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Une fée peut en cacher une autre Lorsqu’un client entre dans son restaurant, un seul coup d’œil

suffit à madame Violette pour savoir si la personne a besoin de l’intervention du Samu. Elle sait mieux que quiconque lire sur le visage des gens. Si la personne en question lui paraît au plus mal,

elle l’accompagne alors vers ce qu’elle appelle la “table du pauvre”. Celle-ci, légèrement plus grande que les autres, se trouve dans

un coin du restaurant, un peu à l’écart. Dès que la personne y est assise, la vieille dame vient la rejoindre pour lui parler et tenter de découvrir ce qui ne va pas. En ouvrant son restaurant,

elle s’est fait la promesse que personne n’en sortirait aussi malheureux qu’il y est entré. Elle veut donner de la joie aux

autres et elle y parvient si bien qu’Au Plat unique est devenu un endroit incontournable où il fait bon passer un moment.

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Hippolyte Grimaud

Lorsque madame Violette quitte sa table, Hippolyte Grimaud relève la tête, un léger sourire sur les lèvres. Il regarde la vieille dame s’éloigner et se demande quel âge elle peut bien avoir. Son visage est si ridé qu’il ressemble à un vieux parchemin. Ses yeux en revanche, d’un bleu très clair, pétillent comme ceux d’un enfant. Le jeune homme soupire. Parler lui a fait du bien et il se sent un peu moins abattu. Certes ses problèmes n’ont pas disparu pour autant, mais le fait de les avoir partagés les fait paraître moins lourds. Hippolyte regarde sa fourchette puis son assiette, son plat est sûrement froid mais il doit manger s’il veut avoir de l’énergie pour ce qui l’attend. Car les jours à venir vont être éprouvants, il le sait. Il va lui falloir bien du courage pour annuler son spectacle, rembourser les clients furieux et, surtout, affronter le regard de son petit neveu et de ses parents. Ils seront affreusement déçus, c’est certain, et le cœur d’Hippolyte se serre rien qu’en y pensant. Mais il n’a pas le choix et il n’a rien à

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Mon Roman chéri se reprocher. Il a tout fait pour que tout se passe bien. C’était compter sans la fatalité. Le jeune homme plonge sa fourchette dans le gratin dauphinois, la porte à la bouche et ouvre des yeux étonnés. Le plat est encore délicieusement chaud. Quelle heureuse surprise ! « Décidément cet endroit n’est pas comme les autres », pense-t-il. S’il y croyait, il oserait dire qu’il est un peu magique. Madame Violette arrive à la table de Mélusine et Amandine, les yeux rieurs. Personne ne l’a vue claquer des doigts pour réchauffer discrètement le gratin dauphinois d’Hippolyte Grimaud. La vieille fée s’en amuse. C’est vrai que parfois les nouvelles techniques ont du bon ! Si elle avait dû recourir à sa baguette magique, le jeune homme aurait sans doute mangé froid. − Alors ? lui demande Mélusine, très impatiente. Il lui tarde de savoir ce qu’elle peut faire pour l’homme assis à la table du pauvre. − Patience, patience, répond madame Violette en avançant une chaise près de la table. Je dois d’abord m’asseoir. Mes vieux os ne me portent plus comme avant. Madame Violette a 963 ans, ce qui commence à être un âge

plus que raisonnable, même pour une fée. Elle a traversé tant

d’époques et tant d’événements que Mélusine se demande

parfois comment la vieille dame fait pour se souvenir de tout. Car madame Violette n’oublie rien. Elle se rappelle avec une

précision inouïe chacune de ses missions. Lorsqu’elle intervenait

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Une fée peut en cacher une autre auprès des agents du Samu en formation, Mélusine était toujours captivée par ses récits et subjuguée par sa mémoire. Du haut de

ses 108 ans (12 ans en âge humain), Mélusine a parfois l’impression qu’elle a déjà presque tout oublié de son enfance. 108 ans ! Elle

est encore si jeune pourtant. Elle a tout l’avenir devant elle…

− L’homme que j’ai fait asseoir à la table du pauvre ce soir s’appelle Hippolyte Grimaud, commence madame Violette. Amandine tourne légèrement la tête dans sa direction et le dévore des yeux tandis que Mélusine ne perd pas une miette du discours de madame Violette. − Il a 28 ans. Amandine sourit. À 243 ans, elle en a tout juste 27 en âge humain. Un an de moins que lui. Quelle heureuse coïncidence ! − Hippolyte est professeur de sport au collège du Bosquet. Mélusine relève un sourcil. C’est là qu’elle a été envoyée en mission par le Samu. Là-bas, elle s’est immédiatement fait deux amies : Louise et Chloé. − Il travaille dans ton collège en effet, reprend madame Violette qui a noté la réaction de Mélusine. − Je ne l’ai jamais vu. − Il a en charge les classes de quatrième et troisième, précise la vieille fée. Et les options gymnastique. Mélusine est en 5e B. Il est normal qu’elle ne l’ait pas comme professeur. Elle est au collège depuis si peu de temps qu’il n’y a rien d’étrange

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Mon Roman chéri à ce qu’elle ne l’ait encore jamais croisé dans les couloirs ou dans la cour. − Hippolyte Grimaud a un neveu atteint d’une maladie très rare et pour lequel il s’inquiète beaucoup, commence madame Violette. Mélusine la dévisage avec étonnement. − Vous voulez que je guérisse son neveu ? questionne-t-elle à voix basse. Amandine se redresse tout à coup. Qu’a-t-elle entendu ? Mélusine essaierait-elle d’enfreindre le règlement du Samu ? − Tu ne dois pas… commence-t-elle. − Je sais, soupire Mélusine. « Règle numéro 3 : ne pas agir sur la vie d’un être vivant ni le guérir », récite-t-elle. Madame Violette les regarde, amusée. Amandine joue son rôle d’instructrice du Samu à la perfection. Il n’est en effet pas question que les jeunes recrues dérogent aux cinq règles de l’institution. C’est d’ailleurs l’une des toutes premières choses qu’elles apprennent à leur arrivée. Règle numéro 1 : Ne jamais se faire remarquer.

Règle numéro 2 : Ne jamais prononcer en public les mots :

“magie, magique, magicien, fée, sorcière, sortilège, etc.”

Règle numéro 3 : Ne pas agir sur la vie d’un être vivant ni le

guérir.

Règle numéro 4 : Ne pas parler aux animaux.

Règle numéro 5 : Ne pas claquer des doigts sans raison.

Cette dernière règle avait été ajoutée ces dernières années.

Du temps des baguettes magiques, elle était inutile.

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Une fée peut en cacher une autre − Je ne parlais pas de guérir qui que ce soit, intervient madame Violette. En revanche, Hippolyte Grimaud avait réussi à monter un spectacle de gymnastique qui devait lui permettre de récolter des fonds pour l’association à laquelle appartient son neveu. L’argent devait aussi financer une partie de l’équipement dont l’enfant a besoin pour mener une vie la plus normale possible. Hélas, il est contraint d’annuler son spectacle et, sans spectacle, il ne pourra pas aider son neveu. − Pourquoi ? interroge alors Mélusine. − Parce que le gala de gymnastique lui permettait… − Non, coupe la jeune fée. Pourquoi doit-il annuler son spectacle ? − L’équipe de gymnastes qui avait accepté de faire une exhibition gratuitement vient de se désister. − Et quand a lieu la représentation ? − Dans cinq jours !

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