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Nele Neuhaus est une auteure allemande de romans policiers et de romans pour la jeunesse. Son polar Blanche-Neige doit mourir (Actes Sud) s’est vendu à plus d’un million d’exemplaires. Ses deux séries qui ont pour sujet la passion du cheval, Elena (Actes Sud) et Le Rêve de Charlotte (Fleurus), ont connu un grand succès en Allemagne.

Le Rêve de Charlotte

© Felix Brueggemann

« Vendredi, à 6 heures du matin, nous sommes partis pour la France. (…) Aussi loin que remontaient mes souvenirs, nous avions toujours passé un mois de vacances sur l’île de Noirmoutier (…). J’avais emporté tout un tas de livres et avais laissé mes affaires d’équitation à la maison. Je ne voulais pas entendre parler de chevaux cet été. Je n’avais plus mis les pieds à l’écurie depuis la vente de Gento. Il était parti… Qu’est-ce que je pouvais y faire ? »

13,90 € TTC France

www.fleuruseditions.com

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Titre original CHARLOTTES TRAUMPFERD © 2012 by Planet Girl in der Thienemann-Esslinger Verlag GmbH, Stuttgart. Cet ouvrage a été proposé à l’éditeur français par l’agence EDITIO DIALOG, Lille.

Direction : Guillaume Arnaud Direction éditoriale : Sarah Malherbe Édition : Anna Guével, assistée de Maurane Chevalier Direction artistique : Élisabeth Hebert Photographie de couverture : © Getty/Anna Gorin/Moment Fabrication : Thierry Dubus, Marie Guibert © Fleurus, Paris, 2015 Site : www.fleuruseditions.com ISBN : 978-2-2151-2932-5 MDS : 652 351 Tous droits réservés pour tous pays. « Loi n° 49-956 du 16 juillet 1949 sur les publications destinées à la jeunesse. »

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Nele Neuhaus

Charlotte L e Rêve de

Traduit de l’allemand par Adeline Valland

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Pour Doro

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Les grandes vacances

C’était le dernier jour d’école avant les grandes vacances. Les années précédentes, j’avais toujours attendu ce moment avec impatience, car il signifiait que nous allions passer un long et merveilleux mois en France, à Noirmoutier, sur la côte atlantique. Mais cette année, tout avait changé. Je n’avais aucune envie de partir en vacances, et l’idée de ne pas pouvoir aller au centre équestre pendant quatre longues semaines m’était particulièrement pénible. Quand nous avions quitté Paderborn pour nous installer à Bad Soden, toujours en Allemagne, trois ans plus tôt, j’avais été la seule de mes frères et sœur à me réjouir, car 7

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notre nouvelle maison se trouvait à moins de cinquante mètres d’un centre équestre. Mon rêve s’était réalisé quand j’avais eu le droit de faire de l’équitation et, à compter de ce jour-là, je passai tout mon temps libre au centre. Situé à la lisière d’une forêt de chênes, il était plutôt petit et démodé. Il ne disposait que d’une quarantaine de box et d’un seul manège couvert que les cavaliers, propriétaires de leur cheval, devaient partager avec les apprentis cavaliers. En hiver, on était plutôt à l’étroit. L’heure d’équitation hebdomadaire était sans aucun doute le clou de la semaine, mais chaque journée était quand même passionnante et amusante, car il se passait toujours quelque chose. Ni mes amis ni moi n’étions dérangés par le fait que, en tant qu’apprentis cavaliers, nous existions à peine pour les propriétaires des chevaux. Nous aimions tous passer du temps dans les écuries et, depuis quelques mois, j’avais une nouvelle raison, particulièrement importante cette fois, d’y passer encore plus de temps. Cette raison s’appelait Gento. Gento était un hongre bai âgé de 9 ans qui appartenait à M. Lauterbach, un cavalier de saut d’obstacles de 8

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notre centre. Il logeait dans l’un des box extérieurs et, pour moi, c’était le cheval le plus fantastique de toute la Terre. Malheureusement, M. Lauterbach s’occupait assez peu de lui : il prétendait que son entreprise ne lui laissait pas assez de temps. Les autres propriétaires chouchoutaient leurs chevaux, ils les étrillaient avec soin pour que leurs robes resplendissent. Mais Gento, lui, ne sortait de son box que pour être monté par M. Lauterbach. Je plaignais toujours secrètement le cheval quand je le retrouvais la robe collante de sueur et les sabots crottés. Je trouvais ça plutôt triste. Gento espérait peut-être, lui aussi, que quelqu’un vienne régulièrement le panser et le dorloter. Moi, j’avais bien envie d’être ce quelqu’un. Les neuf chevaux d’école du centre étaient bouchonnés le matin par les palefreniers, et chacun d’entre eux avait un vrai fan-club. J’aimais bien Liesbeth, une jument alezane à la robe cuivrée, à la liste large et à la queue et la crinière claires. J’avais le droit de la panser tous les jeudis, et c’était déjà ça. Mais comme les adolescents plus âgés que moi veillaient jalousement sur « leurs » chevaux, il n’était pas 9

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rare qu’ils ne pensent pas à moi et que je n’aie pas l’occasion de bouchonner Liesbeth. Pendant des semaines, je m’étais creusé la cervelle pour trouver une manière de devenir la palefrenière attitrée de Gento. Pour une apprentie cavalière de 13 ans, c’était vraiment faire preuve d’une audace stupéfiante que d’enfreindre la hiérarchie informelle du club et d’aborder le propriétaire d’un cheval. J’étais donc à peu près sûre ­d’essuyer un refus. Pourtant, un jour, je pris mon courage à deux mains et je demandai à M. Lauterbach si je pouvais m’occuper de Gento. Il m’examina d’un air amusé. – Je viens à l’écurie tous les après-midi. J’habite juste à côté. Comme vous avez peu de temps à consacrer à Gento, j’ai pensé que je pourrais venir le bouchonner tous les jours et peut-être aussi le faire brouter de temps en temps. Voilà les arguments que j’avais avancés. Je ne lui dis pas que ça faisait déjà des mois que je gâtais Gento en lui donnant des carottes et des pommes et que, maintenant, il hennissait en me voyant arriver.

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– Eh bien, pourquoi pas, en fait ! avait fini par répondre M. Lauterbach. C’est vrai que je n’ai pas assez de temps. Mais ne fais pas de bêtises avec lui, c’est un cheval d’une assez grande valeur. Je crus que j’allais m’évanouir de bonheur. – Non, bien sûr que non, dis-je dans un souffle. J’avais craint en mon for intérieur que M. Lauterbach ne me rie au nez, car je savais bien que Simon et Dani, les porte-parole du groupe des ados, lui avaient déjà demandé la même chose. À l’époque, il avait refusé. Et ce ne fut pas tout ! M. Lauterbach me donna le double des clés du casier où il rangeait l’équipement de pansage de Gento. Avoir son propre casier dans la deuxième sellerie, c’était un privilège qui n’était accordé qu’aux cavaliers propriétaires. Évidemment, les autres avaient failli mourir de jalousie, mais quand ils remarquèrent que j’avais juste le droit de bouchonner Gento et pas de le monter, ils ne firent plus attention à moi. J’étais heureuse. J’achetai, sur mes économies, un équipement de pansage convenable, du spray pour soigner la 11

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queue et de la graisse à sabots, car les vieilles étrilles de M. Lauterbach n’étaient plus bonnes à grand-chose. Depuis, je passais toujours voir Gento en descendant du bus de ramassage scolaire, avant même de rentrer à la maison. Comme il était dans un box extérieur, je pouvais même aller le voir quand le centre était fermé, à l’heure de midi. Je le bouchonnais tous les jours, je frottais ses sabots et je les graissais, je démêlais sa queue splendide et j’appris à lui effiler la crinière. Au moins une fois par semaine, je nettoyais la selle et les sangles qui, jusque-là, étaient vraiment répugnantes. Je lavais soigneusement les pommes et les carottes que je lui donnais, je les coupais en petits morceaux. J’enduisais les carottes d’huile de tournesol, car j’avais entendu que cela ravivait l’éclat de la robe. Je promenais le hongre bai, je le faisais brouter ou je m’asseyais dans son box pour lui faire la conversation. Quand j’avais des devoirs à faire, je prenais mes livres avec moi et je lui faisais la lecture. Peu à peu, il devint incontestable que c’était moi que Gento attendait.

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Un jour, je croisai M. Lauterbach qui me couvrit d’éloges pour les soins que je portais à son cheval. – Gento n’a jamais été aussi beau, constata-t-il, et je rougis de plaisir. Il brille comme une châtaigne mûre ! Simon et les autres grands du centre se moquaient de moi. – Lauterbach se sert de toi, me dit Simon un après-midi, alors que je faisais paître Gento au licol, sur la mince bande de pelouse qui longeait le parcours d’obstacles, pour faire sécher au soleil sa queue que je venais de laver. Si encore il te laissait le monter en échange de ton travail d’esclave, je comprendrais, mais là… Il ne me serait jamais venu à l’idée de monter Gento. C’était un excellent cheval d’obstacle et moi, malheureusement, je n’étais pas une très bonne cavalière. Les railleries de Simon, Dani, Anike et des autres ne me touchaient pas. Ils étaient jaloux, c’était tout. J’étais heureuse avec Gento et, si mes parents n’avaient pas exigé que je rentre à la maison le soir, j’aurais même dormi avec lui dans son box. 13

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Tout était merveilleux… Si seulement il n’y avait pas eu ces vacances en France ! J’étais en train d’attendre ma sœur Cathrin à l’arrêt de bus de Bad Soden. Elle avait un an de moins que moi et se fichait à peu près aussi éperdument des chevaux que mes frères, Phil et Florian. Cathrin était arrivée par le même bus que moi, mais il lui fallait une éternité pour dire au revoir à toutes ses copines, à grand renfort de cris et de larmes. Je finis par l’attraper par le bras pour la forcer à me suivre. Elle trébuchait à reculons à côté de moi, agitant la main en sanglotant vers les filles de sa classe, comme si elle allait émigrer le lendemain aux États-Unis pour ne plus jamais les revoir. – Est-ce que tu peux prendre mon sac ? lui demandaije. Comme ça, je peux aller vite fait au centre et m’inscrire pour une heure d’équitation. Ma sœur se tourna vers moi, essuya les larmes qui coulaient sur ses joues du dos de la main et réfléchit rapidement d’un air calculateur. 14

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– Seulement si je peux venir te regarder cet après-midi, répondit-elle. Ça ne me plaisait pas du tout, et elle le savait très bien. Je n’aimais pas que ma sœur m’accompagne au centre équestre. Cela peut sembler bizarre, mais j’étais quelqu’un d’autre quand j’étais au centre et, quand mes frères et ma sœur posaient des questions bêtes et me fichaient la honte devant les autres, je n’avais qu’une seule envie, c’était de disparaître sous terre. Mais comme c’était le premier jour des vacances, je me montrai généreuse. De toute manière, il était probable qu’elle change d’avis dans quelques heures, car Cathrin avait à peu près une nouvelle idée par minute. – Pas de problème, dis-je donc. Si on me laisse une place. Son visage parsemé de taches de rousseur s’éclaira d’un sourire satisfait. En arrivant à la deuxième intersection, elle s’empara de mon sac, on se sépara et je parcourus seule les quelques mètres qui menaient au centre. Quelques cavaliers propriétaires montaient leurs chevaux dans le grand manège extérieur entouré d’une barrière blanche. Les arbres imposants, qui poussaient tout autour, 15

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ombrageaient la piste de telle sorte que, même en été, on ne souffrait pas de la chaleur du soleil en montant à cheval. Les abeilles bourdonnaient dans les haies de rosiers et de lauriers-cerises entretenus avec soin. Je ralentis le pas, jetant aux cavaliers des regards envieux. Quel bonheur de pouvoir faire du cheval dès qu’on en avait le temps et l’envie ! – Bonjour, M. Kessler, lançai-je au moniteur alors qu’il passait près de moi, au trot sur Abros, le grand hongre alezan qui appartenait au père de mon amie Billie. – Bonjour, Charlotte. Le moniteur ralentit l’allure pour venir se mettre à côté de moi. – Alors, ça y est, c’est les vacances ? – Oui, dis-je en m’arrêtant. Est-ce que je peux venir au cours de 15 heures cet après-midi ? – Bien sûr. Inscris-toi dans le registre. M. Kessler allongea les rênes et passa sa main dans ses cheveux noirs coupés court.

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– D’ailleurs, est-ce que tu as envie de participer au stage de préparation au Galop 3 ? – Stage de préparation au Galop 3 ? répétai-je, sentant le sol disparaître sous mes pieds tellement j’étais excitée. M. Kessler avait parlé tout naturellement, comme si c’était une évidence. La dernière fois qu’il y avait eu un stage de préparation au centre équestre, il ne m’avait pas prévenue. Est-ce que sa proposition signifiait que j’étais assez bonne cavalière à présent ? – Oui, dit le moniteur. J’organise un stage pour la seconde quinzaine de juillet, qui se terminera par l’examen. J’ai pensé que toi, Dorothée, Inga, Oliver et Karsten pourriez y participer. Je le regardai fixement. Ma joie se transforma tout à coup en une amère déception. Non, ce n’était pas possible ! Je n’étais pas là la seconde quinzaine de juillet. – Bon. M. Kessler sembla un peu agacé par mon manque d’enthousiasme. Il reprit les rênes et fit repartir Abros au trot. – Tu as encore le temps de me confirmer ça. 17

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J’entendais Gento hennir après moi, mais je restai encore un moment appuyée à la barrière du manège, comme paralysée. Il fallait que le stage ait justement lieu pendant les grandes vacances… sans moi ! Tous mes amis allaient y participer alors que je tournerais en rond en France, m’ennuyant à mourir ! C’était tout simplement injuste. Je me dirigeai lentement vers le box de Gento. Le hongre m’attendait, les oreilles dressées, tendant le cou pour examiner le contenu de mes poches du bout de son nez. J’ouvris le portillon en bois et je flattai son encolure collante de sueur. – Je n’ai rien pour toi maintenant, lui dis-je. Oh ! là, là ! tu es encore dans un sale état. M. Lauterbach montait toujours tard le soir. Quand il s’entraînait pour un concours, Gento devait sauter tous les obstacles du manège. Après l’exercice, M. Lauterbach était toujours tellement pressé qu’il rentrait Gento dans son box sans même prendre le temps de le faire trotter pour qu’il sèche. « Il est pressé d’aller à la salle club », avait dit un jour ma meilleure amie Dorothée avec malice. Et elle 18

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n’avait pas tout à fait tort. On appelait salle club le café du centre équestre, où les cavaliers aimaient se retrouver le soir autour d’une bière en bavardant. Les grandes fenêtres du café donnaient sur le manège intérieur et, en été, on ouvrait la petite terrasse qui s’ouvrait sur la carrière. C’était aussi là qu’avaient lieu les assemblées générales annuelles de l’association, la fête de la Saint-Nicolas et la fête de Noël. Nous, les plus jeunes, nous y allions souvent après les leçons, on feuilletait les revues d’équitation qui traînaient et on s’offrait un Coca ou autre chose avec notre argent de poche. Je fis patienter Gento et j’allai dans les stalles. Le gros registre dans lequel on s’inscrivait pour les heures d’équitation se trouvait dans la sellerie, qui servait aussi de bureau. Il n’y avait que quatre personnes pour le cours de 15 heures. Mes amies, Dorothée et Inga, avaient eu la même idée que moi. Oliver et Karsten, qui montaient toujours avec nous d’habitude, avaient disparu avec leurs parents dès la sortie des cours pour deux semaines de vacances. Je ne les enviais pas, mais ils avaient quand même de la chance, car moi, je 19

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devais partir en France pour un mois interminable. Avant ça m’amusait, mais maintenant que j’avais Gento, l’idée de me séparer de lui pendant un mois était à peine ­supportable. Oui, j’aurais vraiment préféré rester ici pour pouvoir passer toutes mes journées aux stalles avec Gento. Et m ­ aintenant j’allais même rater le Galop 3 ! J’étais au bord des larmes en inscrivant mon nom dans le registre, et je rentrai chez moi, complètement abattue.

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Déceptions

– Tu en fais une tête, me dit ma mère après avoir lu mon bulletin. Pourtant, à part les maths, ça va plutôt bien. Je la regardai un long moment sans comprendre. À la pensée de tout ce que j’allais rater, j’avais complètement oublié mon bulletin. Elle retourna dans la cuisine où le repas de midi mijotait déjà. Je la suivis et m’assis sur le tabouret près de la fenêtre. – M. Kessler m’a demandé si je voulais participer au stage de préparation au Galop 3, répondis-je. – Vraiment ? Mais c’est super ! dit maman en ouvrant le lave-vaisselle. Tu peux ranger ça, s’il te plaît ?

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Je me relevai en soupirant et je sortis de la machine les assiettes et les couverts propres pour les ranger dans les placards. Une idée me traversa l’esprit. – Le stage a lieu dans la seconde quinzaine de juillet. Je ne pourrais pas rester ici ? Maman haussa les sourcils et m’examina comme si j’avais perdu la tête ou si j’avais la fièvre. – Tu préfères suivre un stage plutôt qu’aller à Noir­ moutier ? Je fis oui de la tête, haussant les épaules. – Tout ce que je fais à Noirmoutier, c’est tourner en rond à la plage, répondis-je. Doro et Inga vont faire le stage, elles pourront alors peut-être passer l’examen en septembre. Et moi, je vais rater ça ! – Il y aura sûrement un autre stage. Maman jeta un œil au minuteur sur le micro-ondes. C’était donc tout ce qu’elle avait à dire ! Je ne pouvais pas y croire. – Est-ce que tu peux mettre le couvert ? On va manger.

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Déceptions

Je voulus d’abord protester, car j’avais quand même vidé le lave-vaisselle, mais j’avais faim. Et, en mon for intérieur, j’espérais que, par mon ardeur au travail, j’allais amadouer ma mère et la convaincre de partir en France sans moi. Je pourrais peut-être aller voir Dorothée tout de suite après le repas. Elle habitait avec sa famille juste à côté de chez nous, et c’était ma meilleure amie. Au cas où mes parents se laissent convaincre, j’avais décidé de lui demander si je pouvais passer les vacances chez elle. Ses parents seraient sûrement d’accord. La seule pensée de cette solution miracle chassa toutes mes idées noires. Peu avant 13 heures, Alissa, notre chienne croisée bouvier bernois, se mit à aboyer comme une folle dehors. Papa était rentré. Il était conseiller général et avait des rendezvous du matin au soir, même le week-end. Mais, dès que c’était possible, il rentrait passer une heure à la maison le midi.

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– Alors, ces bulletins ? nous demanda-t-il, allant les chercher dans le secrétaire de maman avant de venir s’installer à table. Il commença par celui de Florian. Mon petit frère sourit avec fierté. On gagnait cinq euros pour un 20/20, deux euros pour un 16, et quand même un euro pour un 14. Il allait encaisser une jolie somme. Papa n’eut aucune raison de se fâcher, même pas avec le bulletin de Phil. Seul mon 9 en maths lui fit froncer les sourcils. – Plus que sept jours avant des vacances bien méritées, déclara-t-il en nous regardant tous. Belle perspective, n’estce pas ? – Je préférerais vraiment rester ici, annonçai-je. Mes parents et mes frères et sœur me fixèrent d’un air ahuri. Un mois sur la côte atlantique ! Nager, jouer au ballon sur la plage, faire des tours de vélo et de planche à voile, se prélasser au soleil, manger du crabe, regarder le coucher de soleil sur la mer… que pouvait-on rêver de mieux ?

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Déceptions

– Lotte n’est pas contente quand elle ne pue pas le cheval ou qu’il n’y a pas de crottin qui colle à ses baskets, ironisa Phil, la bouche pleine. – Vous ne pouvez pas comprendre, répondis-je en poussant un profond soupir. Maman avait préparé une fricassée de poulet avec du riz, un de mes plats préférés, mais la perspective de passer tout ce temps loin de mon cher Gento et des écuries me coupa l’appétit. Un mois me paraissait aussi long qu’une vie entière. Et, avec un peu de malchance, quelqu’un allait baratiner M. Lauterbach en mon absence et je n’aurais plus le droit de m’occuper de Gento ! La concurrence était nombreuse et impitoyable. Et si mes amis passaient le Galop 3, ils feraient partie d’un autre groupe à la rentrée. Je ne pourrais jamais rattraper leur avance ! – Il y a aussi des chevaux à Noirmoutier, remarqua maman. Comme tu as passé ton brevet de tourisme équestre cet automne, tu pourras faire du cheval là-bas cet été. C’était pourtant ce que tu désirais le plus ces dernières années ! 25

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Table des matières

1. Les grandes vacances.......................................... 7 2. Déceptions......................................................... 21 3. Jamais sans Gento.............................................. 43 4. Des adieux difficiles............................................ 57 5. Des chevaux sur la plage..................................... 65 6. Comme une odeur de cheval…......................... 79 7. Première chevauchée sur la plage........................ 89 8. Un nouveau cheval............................................. 103 9. Confiance et crainte........................................... 119 10. Un cheval sauvage à apprivoiser....................... 133 11. La course au bord de la mer............................. 149 12. Won Da Pie a peur........................................... 159 13. Surtout, ne pas abandonner !........................... 173 265

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14. Après l’effort, le réconfort................................ 191 15. La dernière sortie.............................................. 205 16. La chevauchée dans la tempête........................ 217 17. Une aventure inoubliable................................. 227 18. Mon cheval Won Da Pie.................................. 241 19. Des vacances qui finissent bien !...................... 255 Glossaire................................................................. 267

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Glossaire

À cru (monter) : monter à cheval sans selle. Alezan(e) : couleur de robe pour un cheval, avec des poils roux à bruns plus ou moins foncés et les crins soit de la même couleur, soit d’une nuance plus claire. Allonger les rênes : action du cavalier qui laisse les rênes longues, lâchées, pour que le cheval puisse étendre son encolure (s’étirer). Appuyer (l’) : exercice de dressage dans lequel le cavalier fait se déplacer le cheval de manière latérale, en croisant ses pattes. Arrière-main : musculature de la partie postérieure (arrière) du cheval. Assiette : position du cavalier sur son cheval. Une bonne assiette implique un bon équilibre du cavalier afin d’anticiper les mouvements de son cheval. Elle peut être droite, décontractée, agitée, etc. Assise : position assise du cavalier sur le dos du cheval ou sur la selle. Bai(e) : couleur de robe pour un cheval la plus répandue, avec des poils dans les tons marron à chocolat, et les crins noirs, qui différencient les chevaux bais des alezans. Barre(s) : type d’obstacle, fait de rondins de bois installés à l’horizontale. C’est un obstacle dit « vertical », car le cheval doit sauter en hauteur, mais pas sur la longueur. 267

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Botter : action du cheval lorsqu’il donne un coup de pied avec ses pattes arrière. Bouchonner : frotter le cheval avec un bouchon (fait de paille, d’herbe ou de foin à l’origine, mais aujourd’hui, il s’agit d’une brosse) afin de le nettoyer. Box : petit enclos couvert réservé au logement individuel des chevaux. Les box peuvent être dans les écuries, à l’intérieur ou à l’extérieur. Brouter : action du cheval qui mange de l’herbe. Cabrer (se) : action du cheval qui se dresse sur les pattes arrière. Cadre Noir (de Saumur) : célèbre corps de cavaliers d’élite français. Il se situe dans la ville de Saumur (Maine-et-Loire). Il comprend également une célèbre école qui forme les futurs cavaliers. Carrière : espace délimité et sablé, en plein air, où les cavaliers entraînent leurs chevaux. Centre/ Club (équestre) : lieu, souvent une ferme, où l’on pratique l’équitation. Il comporte un ou plusieurs manège(s), une ou plusieurs carrière(s), des écuries, des box, des prés et une salle club. Changement de pied : exercice de dressage dans lequel le cavalier doit faire changer le pied d’appui du cheval pendant qu’il se déplace (en général pendant qu’il galope). Coussinets : pièces molles placées au niveau des genoux sur certaines selles pour le confort du cavalier. Crinière : crins que le cheval porte le long de la tête. CSO (amateur 2) : concours de saut d’obstacles. Les différents niveaux sont classés selon des types (Poney, Club, Ponam, Amateur, Pro) et selon des niveaux de difficulté, allant de 1 à 3. Amateur 2 correspond à un niveau Galop 7 au minimum.

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Glossaire

Demi-arrêt : action de la main du cavalier sur la rêne extérieure pour permettre de ralentir le cheval et lui faire comprendre qu’un exercice va commencer. Double (obstacle) : il existe plusieurs obstacles différents (oxer, barres, etc.), et ils peuvent être de deux types, simple (pour faire sauter le cheval en hauteur), ou double (pour faire sauter le cheval en longueur). Dressage : discipline en équitation qui vise à faire exécuter des figures à son cheval. Il y a des concours de dressage. Écurie(s) : bâtiment dans lequel se trouvent les chevaux mais aussi, bien souvent, les stalles et la sellerie. Effiler la crinière : action de désépaissir la crinière du cheval. Enrênement(s) : matériel permettant d’agir sur l’attitude du cheval. Il existe différents types d’enrênements selon l’effet recherché et le caractère de la monture. Étriers : anneaux métalliques, suspendus de chaque côté de la selle, et permettant de poser ses pieds. Étrille : brosse en fer permettant de nettoyer le cheval. Étriller : action de brosser son cheval avec une étrille. Galop : une des manières de se déplacer pour le cheval avec une vitesse atteignant en général 21 km/h, mais pouvant s’élever à 60 km/h sur les champs de course. Galop(s) : niveaux en équitation. Des épreuves théoriques et pratiques sont passées afin d’obtenir les Galops (représentés par des diplômes), allant de 1 à 7. Genou(x) : position du cavalier à cheval. Les genoux du cavalier doivent, en général, être ouverts, c’est-à-dire détendus, lorsqu’il monte. Lorsque les genoux sont ouverts, le cavalier se « tient » avec ses mollets. Mais il arrive que ses genoux soient trop fermés, c’est-à-dire serrés.

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Hackney : le poney Hackney est une race de poneys développée en Angleterre. C’est un poney d’attelage. Hongre : cheval castré. Il s’oppose à ce qu’on appelle un « entier ». Jambe(s) : position du cavalier à cheval permettant de le faire avancer, sauter ou de lui faire exécuter différentes figures, suivant la position choisie (longues, courtes, etc.). Jument : femelle adulte de l’espèce chevaline. Knabstrup : race de cheval de selle (fait pour être monté par un cavalier, en opposition au cheval d’attelage) originaire du Danemark. Licol : pièce d’harnachement positionnée sur la tête du cheval pour permettre de l’attacher. Liste : poils blancs du cheval qui se situent sur le devant de sa tête. Longe : longue corde servant à faire travailler le cheval en cercle, souvent sans cavalier, ou de l’attacher afin de le brosser. Main(s) : position des mains du cavalier permettant de diriger le cheval (à droite ou à gauche). Manège : endroit couvert, avec du sable au sol, permettant de faire travailler les chevaux, notamment par mauvais temps ou l’hiver. Martingale : il existe deux types de martingale, fixe et à anneaux. C’est un enrênement, en forme de Y, fixé sous le ventre du cheval (à la sangle) d’une part, et au filet ou aux rênes d’autre part. Oxer : type d’obstacle. L’oxer est ce que l’on appelle un obstacle long. Il peut être composé de deux barres (deux obstacles avec des rondins à l’horizontale l’un derrière l’autre) ou de deux croisillons (deux obstacles avec des rondins positionnés en forme de croisillon l’un derrière l’autre). Paddock : carrière ou pré réservé à la détente ou aux exercices des chevaux avant un concours ou une course.

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Glossaire

Palefrenier : employé chargé de s’occuper quotidiennement des chevaux et des écuries. Pansage/panser : toilette quotidienne du cheval. Pare-bottes : plans inclinés à la base des murs du manège permettant d’éviter aux chevaux d’écraser la jambe de leur cavalier en frôlant les murs. Pas : la manière la plus lente de se déplacer pour un cheval. Piaffer : action du cheval qui piétine ou gratte le sol d’énervement avec ses pattes avant. En dressage, le cheval lève ses pattes l’une après l’autre sur place. Pie : couleur de robe pour un cheval, souvent marron (plus ou moins foncé) avec de nombreuses taches blanches. Pur-sang : race la plus connue des chevaux à sang chaud (c’est-à-dire appartenant à une race vive et rapide), originaire d’Angleterre. Ce sont les pur-sang que l’on voit sur les champs de course au galop. Rênes : deux lanières en cuir attachées au mors et tenues en main par le cavalier. Elles permettent d’influencer la direction et la vitesse du cheval. Elles peuvent être de différents types, notamment longues (pour éduquer le cheval), fixes (destinées au travail de dressage et attachées à la selle) ou coulissantes (aussi appelées « allemandes », coulissant dans les anneaux du mors). Robe : couleur du cheval ; cela comprend les poils, la crinière et la queue. Salle club : lieu fermé où se réunissent les cavaliers dans un centre équestre pour discuter, boire un verre, mais aussi se réchauffer en hiver ! Souvent, la salle club a de grandes fenêtres donnant sur un des manèges ou sur la carrière. Sanglons : petites sangles percées de trous permettant de tenir la selle.

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Saut de mouton : action du cheval qui tente de faire tomber son cavalier en faisant des soubresauts. C’est une des techniques de défense du cheval (en général quand il est encore jeune). Les sauts de moutons peuvent également être des bonds de gaieté. Sellerie : lieu dans lequel est stocké tout le matériel pour l’équitation, que ce soit le matériel pour monter ou celui pour panser le cheval. Il arrive que les selleries soient équipées de casiers permettant aux cavaliers d’y ranger leurs propres affaires. Stalle(s) : alignement de sortes de box ouverts dans l’écurie. Talon(s) : position du cavalier à cheval. Pour que la position du cavalier soit bonne, les talons doivent toujours être en position basse. Taquets : pièces de la selle situées au niveau des genoux du cavalier et permettant de maintenir ses jambes en place. Ils peuvent se trouver à l’avant ou à l’arrière de la selle. Certaines selles n’en ont pas. Transition : action du cavalier qui fait changer l’allure, la cadence ou l’amplitude des foulées du cheval. Trot enlevé : manière intermédiaire de se déplacer pour un cheval, situé entre le pas et le galop. Volte(s) : figures de manège (en forme de petits cercles) à réaliser lors des entraînements. Voltige équestre : discipline équestre, dans laquelle des figures sont réalisées sur un cheval nu (sans selle) ou avec une selle spéciale.

Composition et mise en pages : Text’Oh ! N° d’édition : 15251 Achevé d’imprimer en septembre 2015 par Legoprint, en Italie Dépôt légal : octobre 2015

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Nele Neuhaus est une auteure allemande de romans policiers et de romans pour la jeunesse. Son polar Blanche-Neige doit mourir (Actes Sud) s’est vendu à plus d’un million d’exemplaires. Ses deux séries qui ont pour sujet la passion du cheval, Elena (Actes Sud) et Le Rêve de Charlotte (Fleurus), ont connu un grand succès en Allemagne.

Le Rêve de Charlotte

© Felix Brueggemann

« Vendredi, à 6 heures du matin, nous sommes partis pour la France. (…) Aussi loin que remontaient mes souvenirs, nous avions toujours passé un mois de vacances sur l’île de Noirmoutier (…). J’avais emporté tout un tas de livres et avais laissé mes affaires d’équitation à la maison. Je ne voulais pas entendre parler de chevaux cet été. Je n’avais plus mis les pieds à l’écurie depuis la vente de Gento. Il était parti… Qu’est-ce que je pouvais y faire ? »

13,90 € TTC France

www.fleuruseditions.com

9782215127352_COUVroman_charlotte.indd Toutes les pages

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