Enola Chubilleau @enola.parentalite
et grands Petites
changements tempêtes
Traverser ensemble les périodes de crise de 0 à 3 ans
Accompagner le besoin de sécurité
Quand il a peur des inconnus
Alma, 15 mois, est en visite chez ses grands-parents après un mois sans les avoir vus. Habituellement sociable, elle se comporte différemment : elle se cache derrière son papa, évite leur regard et leur contact.
Bien plus alerte sur ce qu’il se passe dans son environnement, l'instinct de protection de votre enfant peut le pousser à se protéger de toute personne qui ne lui est pas familière. Il cherche à s’offrir le temps de se sécuriser avant de partir à leur rencontre, mais il n’a pas les mots pour expliquer cela. Dans cette situation d’insécurité, votre rôle, en tant qu’allié, est de le protéger de ce qu’il peut considérer comme des agressions extérieures, en lui offrant le temps de la rencontre.
Comment le guider sur ce chemin ?
Première ressource : anticipez
Lorsque vous pouvez anticiper des rencontres, comme un repas de famille, prenez le temps d’en parler à votre enfant. Souvent, nous cherchons à anticiper une potentielle réaction émotionnelle, en disant par exemple : « Tu verras, ça va être super. Tout ira bien, tu seras sage ! » ou encore « Peut-être que tu seras triste, tu auras le droit de pleurer. » Or, ces paroles invitent des émotions qui n’existent pas encore et deviennent des sources de pression et d’incompréhension pour lui qui ne peut pas projeter un vécu émotionnel. Le moment venu, il ne pourra pas contrôler l’émotion – vous non plus d’ailleurs. À l’inverse, faire appel à des termes plus neutres pour décrire comment sont les personnes physiquement ou ce qu’il va se passer aidera votre tout-petit à se sentir plus serein.
Gabriel a 9 mois. Sa tata vient passer la journée avec sa famille après plusieurs mois sans l’avoir vue. Ses parents lui montrent une photo après le biberon du matin : « Tu te souviens de Justine ? » Le petit garçon attrape le téléphone. « Oui, Justine », ajoute la maman en pointant l’image du doigt. « C’est la sœur de papa. Elle va venir passer du temps avec nous aujourd’hui. Je pense qu’on ira faire une balade ! »
Seconde ressource : facilitez les rencontres
Quand vient le moment de la rencontre, votre enfant bien au creux de vos bras, vous pouvez l’aider à se sentir confiant grâce à votre voix : décrivez ce qui se passe, rassurez-le, nommez son environnement et saluez la personne avec lui.
Lorsque la tata de Gabriel arrive, le petit garçon est dans les bras de son papa. Il est plutôt silencieux, il observe. Sa maman les accompagne : « Tata Justine est là ! Bonjour Justine. Regarde, Gabriel, nous allons lui préparer un petit verre d’eau et nous asseoir avec elle. »
Dans un contexte social où une personne ne semble pas comprendre le besoin de votre tout-petit, il existe une manière plus douce de faire barrière à cette intrusion en s’adressant directement à lui.
« Romy, mamie n’a pas compris que tu étais un peu intimidée par tout ce monde. Tu as besoin de temps, je le sais. Ne t’en fais pas, tu es près de moi et tu iras jouer quand tu seras prête. »
Si cela est possible, permettez à votre enfant d’être au sol, près de vous, avec des jeux ou des objets qui l’aident à se sentir en sécurité (son doudou, sa tétine, un livre…). Le laisser être par terre, c’est lui offrir la possibilité d’aller à la rencontre des autres sans qu’il se sente contraint à une grande proximité, comme c’est le cas s’il doit aller dans leurs bras. Vous pouvez aussi être médiateur, en encourageant la relation, le jeu, l’amusement et le partage avec la personne.
Arthur, 8 mois, a peur de son grand-père. Lors d’un repas, son papa essaie de faciliter cette relation. Il rassure Arthur : « Papi a une voix grave et une longue barbe. Il est bien différent de moi ! » Il s’amuse à l’imiter, et Arthur devient curieux. Le petit garçon s’aventure même à toucher la barbe de son grand-père. Celui-ci est ravi et essaie alors de le prendre dans ses bras. Zut, les grosses larmes arrivent. Son papa encourage encore la relation : « Tu es en sécurité aussi avec papi, je lui fais confiance. » Mais non, Arthur ne se sent plus en sécurité. Il retrouve son calme quand son père le prend dans les bras. Mais maintenant, son papi peut s’adresser à lui sans qu’il se mette à hurler. Ils commencent à s’apprivoiser.
Faites confiance à votre analyse du langage corporel de votre tout-petit : vous saurez remarquer s’il se situe sur le chemin de la rencontre ou s’il est en détresse.
« Mon enfant se montre très réticent à la rencontre. On me dit que ce serait bien pour lui qu’il aille en crèche, est-ce vrai ? »
Il y a une forte croyance selon laquelle la crèche aiderait les tout-petits à devenir plus sociables. Pour autant, ce qui est vrai pour un enfant sera faux pour un autre. Les structures petite enfance n’ont pas été créées dans l’objectif de permettre la socialisation, mais bien d’offrir un mode de garde aux parents. Votre tout-petit a en effet besoin de liens avec l’extérieur, et il existe de nombreux moyens pour cela : ateliers, balades en extérieur ou dans des lieux publics (restaurants, cafés…), sorties au parc, voyages, etc. Restez observateur, mais à cette période du développement, il n’y a rien d’alarmant à ce que votre enfant soit réticent à la rencontre. Chacun a besoin d’un temps différent.
Quand les séparations sont difficiles
Jude, 11 mois, est gardé chez une assistante maternelle depuis ses 3 mois. Mais depuis plusieurs jours, chaque séparation avec ses parents déclenche des cris et des larmes. Sa nounou se montre rassurante : quelques minutes après le départ, le petit garçon s’apaise.
Votre bébé prend de l’indépendance dans ses capacités motrices. Il joue avec l’éloignement et l’approche, il développe sa pensée. Mais il est plus alerte et inquiet quant à votre départ, et les émotions se bousculent. Quand vous n’êtes pas là, ça lui fait « tout bizarre » dans son corps, il ne se sent plus en sécurité comme avant. Grandir, c’est prendre conscience du monde et de ses possibilités. C’est aussi se rendre compte que parfois les gens sont là, que parfois ils ne le sont pas, et que l’on peut exister sans les autres. C’est merveilleux, mais ça fait peur également. Expérimenter la séparation est nécessaire5, c’est le seul moyen de s’y habituer et de trouver des stratégies pour y faire face. Soyez l’allié de votre enfant et accompagnez-le sur ce chemin de l’acceptation de la séparation, où les larmes sont souvent nécessaires, et offrez-lui la sécurité qui lui servira de tremplin pour retrouver son exploration par la suite.
5. Néanmoins, gardez à l’esprit qu’il n’y a pas de règle ni d’injonction quant au moment où cela doit être mis en place. Avant 3 ans, votre enfant est encore tout petit. Vous avez tout le temps du monde, prenez-le si vous en ressentez le besoin.
Comment accompagner ces séparations ?
Première ressource : préparez votre enfant
Ce qui est angoissant dans la séparation, c’est l’inconnu. En décrivant ce qu’il va se passer, vous aidez votre enfant à visualiser le déroulé des évènements. C’est rassurant et sécurisant.
« Aujourd’hui, tu vas aller à la crèche. On va appuyer sur le bouton, puis on va rentrer. Et hop, on va enlever tes chaussures. Tu te souviens ? Et après, qu’est-ce qu’on fait ? Ah oui, on enlève le blouson aussi ! »
Vous pouvez aussi, avec vos mots et votre cœur, rassurer votre bébé sur la continuité de votre amour. Il ne saisira pas le sens de chacun de vos mots, mais il comprendra votre intention de vous connecter avec lui.
« Emilio, maman va bientôt devoir partir plus tôt de la maison. Ça va tout changer dans notre organisation : papa va s’occuper de toi le matin. Moi, je te porte toujours dans mon cœur. »
Deuxième ressource : prévenez votre enfant de votre départ
Si votre enfant joue et/ou est occupé, il peut être tentant de partir en douce afin d’éviter des larmes ou une crise. Chercher à éviter cette émotion est compréhensible, mais même s’il est difficile de se quitter, il est bien plus difficile de se retourner et de ne plus voir la personne (« Comment ? Elle est partie sans dire au revoir ? »). Même en tant qu’adulte, nous apprécions rarement cela. Alors veillez à prendre ce temps d’annonce.
« Je pars, ma chérie, à ce soir. Amuse-toi bien, je t’aime. »
Troisième ressource : accompagnez les émotions
C’est après cette première annonce que les choses se corsent : vous allez partir, votre bébé s’agite dans les bras de l’autre adulte, rampe ou marche vers vous. Il lâche ses jouets, pleure, hurle, refuse d’être dans d’autres bras que les vôtres. Prenez le temps de formuler ce qui se joue ici, ainsi que son émotion et sa difficulté.
« Tu es très triste que je parte, Zoé. Tu as le droit de pleurer, ça va t’aider. »
Vous pouvez rassurer votre enfant, le câliner et lui offrir une porte de sortie (une stratégie pour s’apaiser, voir p. 66). De cette manière, vous l’aidez aussi à se projeter sur le retour à l’exploration.
Tous les parents d’enfants de moins de 3 ans le savent : au-delà de la compréhension des besoins physiques et de la santé de votre bébé (qui n’est déjà pas évidente), il y a un vrai enjeu lié à la gestion de ses émotions et de ses comportements.
Un nourrisson de 6 mois qui pleure alors que tous ses besoins semblent comblés, un bébé d’1 an qui ne veut que les bras, un bambin de 2 ans qui a du mal à gérer la frustration… Toutes ces situations sont courantes chez les tout-petits.
Grâce à ce livre, vous comprendrez de quoi a vraiment besoin votre enfant, comment fonctionnent ses émotions et quels sont les outils à sa disposition pour réguler ses comportements. Vous trouverez aussi des conseils concrets pour faire face à 25 situations du quotidien, simplement et dans le respect du lien que vous entretenez avec votre enfant.
Après avoir exercé pendant plus de huit ans comme auxiliaire petite enfance, à domicile et au sein de crèches, Enola Chubilleau s’est formée spécifiquement à la gestion des gestes agressifs chez le jeune enfant. Aujourd’hui, elle soutient et outille les familles dans l’instauration de relations parent-enfant sans rapport de force et dans l’appréhension des comportements et des émotions de leurs enfants.
16,95€