C
harpentier ou philosophe, reine ou paysan, pape ou bergère, ces hommes et ces femmes ont agi pour le bien de tous les hommes ; ils ont œuvré pour la justice, pour la paix ; ils ont affirmé la dignité de l’homme qu’il soit démuni, malade ou même criminel. Ils ont bâti des empires, les plus grandes œuvres d’art sont sorties de leurs mains, ils ont marqué l’histoire de la pensée ou contribué au progrès de la science.
C
ertains sont des grands saints – Augustin, François d’Assise, Thérèse de Lisieux –, certains sont des grands missionnaires, des géants de la charité, des grands mystiques ou d’éminents scientifiques. D’autres appartiennent à cette nuée de témoins méconnus – Satoko Kitahara, la petite chiffonnière japonaise, Alfred Diban Ki-Zerbo, le premier catéchiste du Burkina-Faso. Ils sont originaires de la Vieille Europe, du Nouveau Monde, des coins les plus reculés de l’Asie et de l’Afrique, ou des confins de l’Amérique latine. Une rencontre les unit : Dieu a croisé leur route et leur destin a basculé. Humbles ou célèbres, ils ont tout risqué, même leur vie, et le monde en a été changé.
C
e livre est une épopée, celle de la passion, de la générosité, de l’intelligence, de la tendresse, du pardon, de l’humanité en marche vers son avenir. Depuis 2000 ans, à travers toutes ces vies, tous ces événements, c’est une autre histoire qui s’écrit, celle de Dieu à l’œuvre dans le monde, c’est l’histoire du salut.
34,90 € TTC France www.mameeditions.com
Sous la direction de Mgr Joseph Doré, archevêque de Strasbourg
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La première édition du Livre des Merveilles a été réalisée par le Conseil de présidence du Grand Jubilé de l’An 2000 avec une équipe internationale de 158 spécialistes sous la responsabilité de Mgr Joseph Doré, archevêque de Strasbourg.
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Un ouvrage qui a déjà une belle histoire
Il convient de le préciser d’emblée : le présent ouvrage est une
réédition. Cela veut d’abord dire qu’il a connu jusqu’à ce jour un succès suffisant (plus de 100 000 exemplaires vendus !) pour que son éditeur décide de le relancer sur le marché du livre. Mais cela signifie aussi qu’on a estimé ne pas pouvoir se contenter d’un simple énième nouveau tirage, mais qu’une nouvelle « présentation » (dans tous les sens du terme) était devenue souhaitable voire nécessaire.
Pourquoi ? – Parce que nous ne sommes plus dans le contexte où
avait été conçue puis réalisée la première publication. On se trouvait alors dans le cadre du Grand Jubilé 2000, par lequel les chrétiens étaient invités à célébrer de manière tout à fait festive, et pendant toute une année, la fin du deuxième millénaire de la naissance en notre monde de Celui que leur foi confesse comme le propre Fils du Dieu vivant et vrai, Jésus le Christ notre Seigneur.
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Selon l’annonce évangélique et chrétienne en effet, Jésus n’est pas
seulement ce « grand prophète qui s’est levé parmi nous » que ses premiers auditeurs de la Palestine de l’époque se sont sentis portés à reconnaître, mais bel et bien le Messie-Christ vers lequel était tendue « toute l’espérance de son peuple Israël ». La naissance de Jésus en notre histoire, sa manifestation sur notre terre entre « les jours du roi Hérode » (ceci marquant le temps de sa naissance) et le temps de Ponce Pilate (cela datant sa mise à mort) ont ainsi inauguré pour ceux qui l’ont suivi, à commencer par les douze Apôtres, le tournant de l’histoire – le « gond de l’histoire », pour parler comme saint Irénée et les premiers Pères de l’Église.
C’est précisément en référence à ce cœur de la foi chrétienne
et à la célébration exceptionnelle que le Jubilé proposait d’en faire, que les éditions Mame conçurent le projet d’un ouvrage dont celui-ci constitue plus que la reprise : le renouvellement et la relance. L’idée originelle était de faire apparaître la Nouveauté unique apportée par Jésus précisément en projetant sur le déroulement de l’ensemble de l’année jubilaire 2000 (exactement du 24 décembre 1999 au 25 décembre 2000) tout ce que la « suite de Jésus » avait produit en matière de sainteté chrétienne pendant les deux millénaires écoulés depuis sa propre manifestation en ce monde. Commençant avec la veille de Noël 1999 par la célébration de la naissance de Jésus lui-même, on répartissait ensuite sur les douze mois de l’année 2000 l’impressionnante série des figures de sainteté apparues à travers la totalité des vingt siècles du christianisme.
Le raisonnement qui devait conduire à la décision de cette
réédition fut cette fois le suivant : pourquoi limiter au contexte, exceptionnel
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parce que jubilaire, de l’an 2000, la présentation annualisée de toute la sainteté chrétienne ? Est-ce que ce n’est pas chaque année, quelle qu’elle soit, qui pourrait fournir le cadre d’une telle commémoration ? À peine la question eût-elle était posée, que la réponse parut évidente. La première publication s’en rapportait déjà elle-même purement et simplement à un calendrier annuel ; désormais, c’est chaque année que le Bon Dieu pourrait nous donner qui serait habilitée à constituer le cadre du déploiement global, jour après jour, de l’histoire d’ensemble de la sainteté chrétienne.
Une série de « merveilles » vraies
L’essentiel du nouveau travail éditorial ayant consisté à dépouiller
l’ouvrage de toutes ses références (désormais devenues superflues) au contexte exceptionnel du Jubilé 2000, le nouveau livre conserve bien entendu les caractéristiques et qualités qui avaient fait le succès de son prédécesseur ; il s’efforce seulement de les mieux mettre en valeur.
Rappelons d’abord qu’un premier travail avait consisté à
sélectionner les faits et gestes, les personnes et institutions susceptibles d’être retenues précisément au titre de la sainteté à travers les vingt siècles chrétiens. Pour cette opération, il avait été décidé de faire appel à des historiens spécialisés dans les différentes périodes successivement concernées. Leurs avis avaient alors été soigneusement recueillis et examinés par un comité éditorial qui tenait certes à s’assurer toutes les garanties de sérieux historique, mais qui ne cherchait ni à faire un livre de science historique destiné à des savants, ni à en donner l’impression.
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Un livre d’histoires plutôt : voilà en réalité ce qui fut voulu dès le départ. Plus précisément encore, un livre de belles histoires vraies, qui rapporte certes des faits avérés et fasse état d’informations soigneusement vérifiées, mais qui puisse aussi susciter d’emblée l’intérêt et retenir largement l’attention d’un très grand nombre – bref : un livre qui puisse parler au cœur d’un vaste lectorat.
À chaque fois, le cadre est brièvement tracé et la scène
constituée, le dialogue ou l’action sont rondement menés, le personnage est pertinemment évoqué en son existence concrète et en son destin personnel. Qui le souhaitera pourra ainsi disposer chaque soir d’une belle histoire, et à chaque jour de l’année sera offerte sa joie…
À la fois belles et vraies, ces histoires sont précisément les
« merveilles » qu’évoque le titre du livre. Merveilles accomplies parmi nous par des êtres de notre terre et de notre histoire ; mais aussi, et bien davantage encore, « merveilles que fit pour nous le Seigneur », s’il faut en croire le Magnificat de Marie, dont tout le monde sait qu’elle vient elle-même en tête de toute la « litanie » des saints. Merveilles humaines donc, mais dans lesquelles – ne craignons pas de le dire – se révèle et s’atteste pour nous le Mystère même du Dieu qui s’est révélé aux hommes par et en Jésus.
La révélation du « Mystère » même de Dieu
Car, il ne faut pas s’y tromper : dans les merveilles que représentent
les actions et les paroles, l’existence et le témoignage de ceux que l’Église du Christ reconnaît comme des saints, c’est Dieu lui-même qui est à l’œuvre.
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« Mirabilis Deus in sanctis suis / Dieu est admirable dans ses saints » – ou, plus précisément encore, « c’est Dieu même qu’il faut savoir admirer dans les saints qu’Il suscite parmi nous » : cette formule traditionnelle veut souligner que ce n’est pas seulement l’action de Dieu qui est susceptible de devenir ici manifeste ; c’est ce qu’Il est lui-même, ce qu’Il est en lui-même, qui se révèle !
Comprenons bien. Déjà à travers l’« Ancienne » ou plutôt
la « Première » Alliance, celle qu’Il avait contractée avec Israël, Dieu, le Seigneur, avait multiplié les « merveilles » et les « hauts faits » – les fameux « mirabilia Dei » –, dont le point culminant avait bien sûr été l’Exode et dont le fruit le plus notable avait été l’installation dans la Terre de la promesse. Cela, grâce à toute une série de chefs charismatiques (plus ou moins fidèles à leur mission), au premier rang desquels figurent, chacun dans son ordre, Moïse et David.
Dès cette première étape toutefois, le dessein de Dieu pour son
peuple n’était pas de se limiter à une réussite purement territoriale et politique, simplement matérielle, physique – terrestre pour tout dire. Son projet était de constituer un peuple à l’esprit ouvert et au cœur généreux, soustrait aux dérives de la superstition qui fleurissait dans les peuples environnants, en garde contre ses propres tentations dans l’ordre du ritualisme cultuel et de formalisme moral, désireux et rendu capable de pratiquer la justice et de respecter le droit, de prendre soin avant tout du pauvre et du petit – et, ainsi, de « marcher humblement devant et avec son Dieu ». Tant et si bien que, vers la fin de l’Ancien Testament, l’ultime consigne de Yahwé à son peuple était devenue la suivante : « Soyez saints car / comme je suis saint. »
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Or ce qui change avec Jésus, c’est que pour faire progresser
son peuple « selon Ses voies », le Seigneur ne reste plus à distance de lui, ne le conduisant en fait (comme jusqu’alors) que par des intermédiaires, si proches de Lui fussent-ils. Par et en Jésus, le Dieu « trois fois saint » entre en communication directe et définitive avec l’humanité. Par son propre Fils qu’Il envoie en Jésus « au temps fixé » pour « prendre chair de la Vierge Marie », et ainsi « planter sa tente » parmi nous, Il se fait lui-même vraiment homme parmi les hommes, afin de les entraîner sur son propre chemin de filiation en les faisant « fils dans le Fils » par l’Esprit Saint qu’Il leur communiquerait.
Par Jésus le Christ et dans l’Esprit du Père et du Fils que Jésus
leur envoie, ceux qui marchent à sa suite sont « visités », habités, saisis et mus par l’Esprit même de Dieu. Investis et transformés par cet Esprit, ils sont « par lui, avec lui et en lui » rendus capables d’opérer en ce monde des merveilles tout à la fois d’humilité et de grandeur, de douceur et de courage, de sensibilité et d’endurance, d’originalité et de proximité, de personnalité affirmée et d’ouverture illimitée – et telles sont les merveilles de « sainteté » qui les manifestent eux-mêmes comme « saints et saintes de Dieu ».
Les dimensions du Mystère en sa communication aux hommes
Saint Paul évoque avec ferveur le « Mystère » si longtemps resté
« caché en Dieu », mais que, au temps marqué, le Christ est venu révéler aux yeux de notre foi et à l’espérance de notre cœur : ce Mystère par lequel le Père, en son Christ et par leur Esprit, associe les hommes à sa vie, les faisant
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vivre selon l’Évangile de sa Grâce. De ce Mystère, l’épître aux Éphésiens nous invite à mesurer à la fois « la longueur, la largeur, la hauteur et la profondeur ». Le présent ouvrage nous offre, pour sa part, les moyens de répondre à une telle invitation : jour après jour, il nous donnera de pouvoir percevoir selon toutes ses dimensions le Mystère des merveilles opérées dans notre humanité, par la communication à tous ceux qui s’y sont ouverts, de l’Esprit du Christ Jésus, propre Fils de Dieu et vrai Sauveur du monde !
La longueur. C’est sur toute la durée du temps chrétien que nous
pouvons constater la fécondité, en des vies humaines, de leur communion au Mystère du Christ. De Paul de Tarse, Clément de Rome, Ignace d’Antioche et Irénée de Lyon, à Maria Goretti, Robert Schuman, Jean XXIII et Oscar Romero, elle est longue, à travers les vingt siècles de christianisme – y compris les plus défavorisés et les moins connus –, la liste de ceux qui ont transmis le flambeau jusqu’à nous, qui nous ont passé le témoin.
La largeur. Toute la face de la terre est finalement concernée.
Si en effet, à partir de la Palestine, tout a commencé par le pourtour de la Méditerranée, avec des extensions qui n’ont pas tardé vers l’Arménie et l’Éthiopie, vers la Gaule et l’Espagne, on voit bientôt les Irlandais et les Slaves évangélisés, avant que soient à leur tour visités l’Amérique du Sud, puis l’Extrême-Orient et l’Afrique Noire, et enfin l’Océanie. Est ainsi venu un jour le temps où l’on a pu effectivement considérer que « sur toute la face de la Terre a retenti leur message », et où donc, du levant au couchant, put être rassemblé le peuple appelé à présenter au « Dieu de l’univers […], partout dans le monde », l’oblatio munda.
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La hauteur. Une chose frappe beaucoup lorsqu’on parcourt la
liste de ces témoins : en chacun d’eux ne resplendit finalement rien d’autre, on l’a dit, que l’œuvre de Dieu lui-même. Il est très clair qu’« en couronnant les mérites [de tous ces “élus”], Dieu couronne en fait [ses propres] dons ». Car qui d’autre que Lui a donné la force du martyre à Blandine, à Perpétue et Félicité au au
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siècle, comme aux évêques martyrs des prisons roumaines
siècle ? Qui d’autre a converti Clovis, fondé Cluny et Cîteaux,
assisté tant de conciles, élu tant de papes, suscité tant de témoins, aussi bien d’ailleurs parmi de petits enfants que chez de hauts dignitaires ou parmi les pauvres paysans andins ?
La profondeur. Encore faut-il l’ajouter : cette action de Dieu à
travers toute l’histoire et sur toute la face de la terre en tant de vies semblables aux nôtres, ne les a tellement transformées et enrichies que parce qu’elle a de fait pu les atteindre en leurs plus intimes profondeurs. Par la grâce de Dieu ont été convertis des barbares et des savants, des jouisseurs comme Augustin et des militaires comme Ignace de Loyola. Par elle ont été envoyés au désert Antoine et Pacôme, et menés aux sommets de la contemplation Thérèse d’Avila, Jean de la Croix et les mystiques du Grand Siècle. Par elle ont été à la fois conduits et inspirés Benoît et Grégoire le Grand, Catherine de Sienne et François d’Assise, Thérèse de l’Enfant-Jésus et Jean-Marie Vianney.
Et que dire de ce qui est arrivé aussi : à des artistes comme
Dante, Fra Angelico et Roublev, Monteverdi, Bach et Messiaen ; à des intellectuels comme Origène et Bède, Alcuin et Thomas d’Aquin, Newman
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et Lagrange ; à des scientifiques comme Laennec et Mendel, Branly et Lemaître ; à des « humanitaires » comme Ozanam, Ketteler, Marie Gahery et Sakoto Kitahara ?
Pour que croisse en ce monde la sainteté des hommes
La préface des saints du Missel romain invite les croyants à prier
ainsi : « Vraiment, il est juste et bon de te rendre gloire, de t’offrir notre action de grâce, toujours et en tout lieu, à toi, Père très saint, Dieu éternel et tout-puissant, par le Christ, notre Seigneur. Tu ravives toujours les forces de ton Église par la foi dont témoignent les saints, et tu nous montres ainsi ton amour. Aujourd’hui nous te rendons grâce, car leur exemple nous stimule, et leur prière fraternelle nous aide à œuvrer pour que ton règne arrive. Voilà pourquoi, Seigneur, avec les anges et tous les saints, nous proclamons ta gloire. »
Notre première attitude devant les « merveilles » que ce livre
expose tout au long peut-elle être autre, en effet, que d’admirer, de nous réjouir et de rendre grâce ?
En notre monde où nous manquons tant de « belles histoires »
(vraies !), où il est devenu si rare de (pouvoir) admirer, nous ne sommes cependant pas seulement appelés à faire mémoire des merveilles d’hier. Au spectacle renouvelé – et, grâce à ce livre, au spectacle potentiellement quotidien – de celles-ci, nous sommes aussi invités à adopter le regard qui nous permettra de nous ouvrir à tout ce qui, en notre aujourd’hui lui-même (et dans notre entourage le plus immédiat comme un peu partout dans le monde), s’accomplit encore comme belles actions, si peu reconnues soient-
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elles, se déploie comme initiatives de charité, se vit comme fidélité, se génère comme espérance.
Car il n’est pas vrai qu’il n’y ait plus ni désintéressement ni
générosité en ce monde. Il est devenu urgent d’en finir avec les déplorations systématiques sur les malheurs de l’époque et le dénigrement généralisé des jeunes générations. Il est revenu le temps des hommes de bonne volonté, de ceux qui s’ingénient à voir et à dire ce qui est bien et, aussi, à en souligner l’intérêt pour tous, à en favoriser la contagion à tous.
En même temps qu’à découvrir celles qui peuvent nous entourer,
cette série de « merveilles » étalées sur vingt siècles nous invite toutefois également à inventer celles que nous pouvons produire nous-mêmes.
Après tout, nombre de ceux que nous pouvons reconnaître
aujourd’hui comme saints et saintes de Dieu n’étaient, au départ, ni meilleurs ni pires que nous-mêmes. Et pourtant, à quelle liberté incroyable ont-ils pu accéder, face à tout ce qui pouvait les retenir prisonniers de leurs habitudes ou de leurs craintes ! De quelle créativité étonnante n’ont-ils pas donné le témoignage, malgré les innombrables obstacles extérieurs et leurs propres résistances intimes !
Or tout est en eux le fruit de la seule grâce de Dieu, accueillie par
leur seule foi. Portée par la même grâce, la même foi est toujours capable de transporter les mêmes montagnes : celles de la médiocrité et de la méchanceté, celles de la souffrance et du malheur. La même grâce et la même foi peuvent, en nous, éveiller des disponibilités que nous croyions impossibles, susciter des générosités dont nous ne nous serions jamais crus capables, libérer des
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énergies dont nous n’avions pas même l’idée. Et pourquoi, soutenus par ce que l’épître aux Hébreux appelle « une telle nuée de témoins », pourquoi ne tenterions-nous pas, une petite fois, l’essai de devenir meilleurs – voire, une bonne fois, de devenir bons ?
Reste un point. On n’a pas ici la naïveté de croire que tout était et
serait parfait dans l’Église. Anticléricales ou non, la critique systématique et la facile dérision n’ont pas besoin de s’en mêler. L’histoire du christianisme le révèle et l’expérience de chaque chrétien le confirme : il est arrivé et il arrive hélas toujours à des membres de l’Église, quelquefois même à certains de ses hauts responsables, d’être gravement indignes ou coupablement lâches. Il faut bien le reconnaître, notre Église n’a pas toujours été elle-même cette vraie et « pauvre servante » du Seigneur, en qui Il peut, comme en Marie, « accomplir ses merveilles ».
Mais quoi ! L’Église a beau avoir été infidèle plus souvent même
qu’on ne le croit et elle peut bien se sentir parfois fatiguée, voire incertaine… Elle n’en reste pas moins riche de toutes les promesses de Dieu. Et Celui qui est à son origine n’est pas seulement devenu l’horizon de son espérance ; il reste chaque jour son compagnon. L’assurance solennellement donnée par Jésus avant son départ demeure pour nous envers et contre tout : il est « avec nous tous les jours jusqu’à la fin du monde ». À son Église tout entière, et à chacun de ses enfants, de savoir s’en souvenir, chaque jour, jour après jour, tous les jours, jusqu’à la fin des jours. *
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Le quatrième Évangile s’achève sur ces mots de son rédacteur :
« Jésus a accompli encore bien d’autres signes que ceux qui sont rapportés ici. Ceux-ci l’ont été pour que vous aussi vous croyiez, et qu’en croyant vous viviez. » Il est possible de transposer : en son Église, le Seigneur a accompli, en vingt siècles, bien d’autres merveilles que celles qui ont été recensées dans ce livre. Celles-ci l’ont été pour que vous viviez et qu’en vivant vous croyiez. Pour que vous croyiez, vous aussi, aux merveilles de Dieu – et que, y croyant justement, vous vous laissiez, à votre place et à votre tour, porter, entraîner, et transformer par elles.
+ Mgr Joseph Doré Archevêque émérite de Strasbourg Doyen honoraire de la Faculté de Théologie et de Sciences religieusesde l’Institut catholique de Paris
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LE LIVRE
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D ÉCEMBRE JANVIER FÉVRIER MARS AVRIL MAI JUIN JUILLET AOÛT SEPTEMBRE OCTOBRE NOVEMBRE DÉCEMBRE
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Vingt-quatre décembre
Œ
DU
MARIAGE DE
MARIE
AV E C OU
COMMENT
JOSEPH
DIEU
A TA N T A I M É
LE MONDE QU’IL LUI A DONNÉ SON
•
24 DÉC •
DE
LA
GALILÉE,
LES
FILS
UNIQUE
Cependant que les préparatifs de la fête allaient bon train, Marie remuait dans son cœur un événement qui la dépassait : depuis trois mois, elle était enceinte. Mais son âme ne s’étonnait pas de cet inaccessible mystère : toujours vierge, elle attendait un bébé ! Déjà femme, épouse et mère, elle assumait dans toutes ses conséquences son choix d’être totalement disponible aux voies de la Providence. Les réalités charnelles que Marie se préparait à vivre ne troublaient en rien la limpidité de son cœur virginal. « Comment cela vat-il se faire ? ». Comme un enfant que son père tient par la main dit sa confiance émerveillée dans la vie par la litanie de ses « Pourquoi ? », Marie remettait dans la main de Dieu les mille questions que lui posait sa singulière destinée. Sa pensée allait d’abord à Joseph. S’étant promise pour faire son bonheur, elle allait pourtant le faire souffrir de la pire des souffrances, de celle qui peut broyer le cœur. Comment supporteraitelle de lire bientôt une horrible certitude dans les yeux de celui auquel elle s’était promise pour toujours ? Qu’allait-il advenir d’elle-même ? Elle, l’innocence indéflorée, risquait d’être ravalée au rang
JUIFS
PIEUX DISAIENT QU’IL NE PEUT RIEN SORTIR DE BON.
C’est justement dans cette province cosmopolite que, vers l’an 5 avant notre ère, Joseph, un charpentier de Nazareth, préparait la fête de son mariage avec une jeune fille nommée Marie. Joseph était juif de la tribu de Juda et de la lignée de David. C’était un vrai fils d’Israël, par la généalogie comme par le cœur. Marie, sa promise, était une toute jeune fille qui n’avait sans doute pas quinze ans. Familière des Psaumes et des Prophètes, elle y trouvait les mots de sa pensée et l’inspiration de sa prière spontanée. Depuis la promesse qui avait été échangée lors d’une cérémonie intime en présence de leurs deux familles, Joseph et Marie étaient considérés comme définitivement liés. Il aurait fallu une répudiation en bonne et due forme pour que Joseph pût se dégager. Toutefois les deux époux ne vivaient pas ensemble ; et l’usage voulait qu’ils ne consomment pas leur union avant que Joseph ne reçoive son épouse sous son toit, à l’issue de la fête des noces. 24
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DU
MARIAGE DE
JOSEPH
AV E C
MARIE
Ainsi, au cœur de la nuit du monde, s’initiait entre une jeune fille et son enfant le dialogue salvifique de l’amour qui vient de Dieu et retourne à Dieu. Un jour, ce qui devait arriver arriva : Joseph découvrit que sa promise était enceinte, certainement d’un autre puisqu’il avait respecté scrupuleusement les usages. Que répondit Marie à ses demandes d’explications ? Sans doute ses réponses furent-elles empreintes d’une telle vérité, irrésistible, que la colère de Joseph en fut désarmée. Au lieu de la dénoncer publiquement, avec pour conséquence inéluctable la condamnation à mort, et à mort par lapidation, il se résolut à faire crédit au mystère contre toute crédibilité. Il répudierait donc Marie, mais en taisant les raisons du recours qu’il faisait à cette faculté légale qu’avaient alors les hommes de se séparer de leur femme, selon leur bon vouloir. Pourtant, l’entreprise, pour généreuse qu’elle fût, n’en demeurait pas moins hasardeuse à l’égard de Marie. Dans le cadre d’un tout petit village comme le Nazareth de l’époque, qui aurait compris que Joseph, à la veille de la cérémonie du mariage, répudiât sa femme, alors même que celle-ci ne pouvait plus cacher qu’elle portait le fruit de leur union présumée ? Au long des nuits, dans ces moments comme suspendus hors du temps où l’on ne sait plus si l’on est encore éveillé ou déjà endormi, Joseph tentait d’échapper au tumulte de ses pensées. Il connaissait
des prostituées. Elle, la fidélité pure, allait encourir la lapidation pour adultère. Au lieu de la robe immaculée du mariage, c’est celle maculée d’opprobre qu’on allait lui faire revêtir. Personne ne comprendrait son secret, non qu’il fût inavouable, mais indicible. Alors la nuit, comme toutes les jeunes mamans du monde, Marie posait les mains sur son ventre, jusqu’à sentir le fruit de ses entrailles blotti dans ses paumes. Et elle lui parlait, lui parlait, répétant inlassablement les paroles que l’Ange lui avait dites de la part du Seigneur : « Ne crains rien, voici que tu concevras un fils... Le Seigneur Dieu lui donnera le trône de David, son père, et son règne n’aura pas de fin... L’Ange me l’a annoncé et c’est fait : tu es là mon enfant. Mais comment cela a-t-il pu se faire sans que je connaisse d’homme ? L’Esprit Saint viendra sur toi, et la puissance du Très-Haut te couvrira de son ombre... Qui donc es-tu, mon enfant, pour avoir été conçu en moi par la seule grâce de Dieu ? L’être saint que tu vas mettre au monde sera grand, il sera appelé Fils de Dieu... Ô mon enfant, se peut-il que le Très-Haut se soit abaissé jusqu’à la plus pauvre de ses servantes ? Rien n’est impossible à Dieu. Ces paroles me suffisent. Tu es là : paix et joie dans mon cœur. Tu es là, je suis la plus heureuse entre toutes les femmes, mon esprit exulte en Dieu mon Sauveur : tu es là et je suis comblée. Je n’ai rien à redouter : je suis la servante du Seigneur, qu’il m’advienne selon sa volonté. » 25
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avait dit : « Joseph, fils de David, ne crains pas de recevoir chez toi ton épouse Marie, car l’enfant qui a été engendré en elle vient de l’Esprit Saint. Au fils qu’elle enfantera, tu donneras le nom de Jésus. » Appelé à nommer l’enfant, Joseph sut qu’il en était indiscutablement le père ; non un père adoptif, mais un père adopté par son enfant dès sa conception dans le sein de son épouse. De ce jour, il eut la conscience certaine que le fruit improbable que portait Marie était béni, et que son mariage n’était pas détruit mais transformé par cette bénédiction. Fort de cette unique certitude, Joseph accueillit aussitôt son épouse chez lui, sans fête ni cérémonie. Ainsi, sous le regard sans doute réprobateur des bien-pensants, le Fils du Très-Haut allait-il naître fils de David par la grâce de l’union ineffable de Joseph et de Marie. Bientôt, Joseph et Marie durent partir pour la Judée. Joseph était en effet dans l’obligation d’aller se faire recenser à Bethléem, la ville de ses ancêtres. C’est là que, dans une étable, Marie mit au monde son fils Jésus. Bien plus qu’une histoire vraie, cette histoire d’amour est l’histoire de la vérité. Une vérité d’abord subreptice qui ne cessera jusqu’à la fin des temps de déployer dans les cœurs sa splendeur. Marie elle-même ne mesura pas d’emblée la portée infinie du « oui » qu’elle avait dit à l’engendrement du dessein de Dieu en elle. Modèle parfait de tous les croyants, elle voyait tout avec « les yeux
Marie par cœur : qu’elle ait pu sombrer dans l’adultère lui apparaissait comme absolument invraisemblable ; qu’elle lui ait menti en lui jurant n’avoir connu aucun homme ressortait du domaine de l’impossible. Pourtant, elle était bel et bien enceinte... Malgré cette preuve irréfutable, Joseph luttait pour opposer au ressac incessant du soupçon la digue ténue de sa plus intime conviction : son âme droite avait reconnu en celle de Marie une innocence d’avant le péché. Que pouvait-il faire d’autre, alors, sinon se retirer pudiquement d’une histoire qui dépassait toute capacité d’entendement ? Que pouvait-il faire d’autre, alors, que de laisser Marie partir seule accomplir son mystérieux destin ? Joseph se persuadait que la seule conduite juste consistait pour lui à s’effacer, de peur d’entacher l’incroyable transparence d’une jeune fille fécondée sans semence. Mais qui donc est l’homme pour que Dieu fasse dépendre l’accomplissement de son éternel dessein de la générosité d’une jeune fille simple, et de la droiture d’un modeste artisan ? Qui sommesnous pour que, de génération en génération, Dieu se repose sur nous en un septième jour dont l’aube se situe à la genèse du monde et le crépuscule à la fin des temps ? Un matin cependant, quand Joseph se réveilla, tout son être était encore comme saisi par un de ces rêves qui font plus impression sur l’âme que la réalité la plus tangible. Un Ange lui était apparu et lui 26
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pouvait pas ne pas vouloir protéger son enfant contre les radicales exigences de sa mission. Ainsi lui fit-elle de vifs reproches quand, à douze ans, il se retira au Temple à Jérusalem et ne comprit-elle pas sa réponse, pourtant limpide. Ainsi alla-t-elle jusqu’à participer au véritable commando familial qui se transporta de Nazareth à Capharnaüm pour ramener Jésus, âgé de trente ans, à la raison, et à la maison. – Mais qui donc est mon enfant ? Marie, première d’entre tous les chrétiens et unique chrétienne native, méditait les événements de la vie de Jésus dans son cœur, rendant grâce à Dieu pour ce qu’elle comprenait, adorant ce qu’elle ne comprenait pas, et ne cessant jamais de redire le « oui » par lequel le Fils du Très-Haut naquit par elle Fils d’homme, premier-né d’une multitude de frères. – Mais qui donc es-tu mon enfant ? La réponse sera bientôt donnée : – Dieu a tant aimé le monde qu’il lui a donné son Fils unique.
de la foi », faisant confiance en tout à la Parole de Dieu. Mais elle n’en savait pas pour autant ce que serait sa vie, et encore moins ce que serait la vie de son fils. Elle n’était pas programmée pour accomplir sur terre une mission divine, tel un acteur scrupuleux qui jouerait un scénario écrit d’avance. Marie était une femme libre. Et même la seule femme totalement libérée, parce qu’indemne du péché. Marie croyait tout, espérait tout, assumait tout. Mais elle n’avait pas la science des mystères. Ainsi, celle qui a cru à l’amour de Dieu pour nous se demandera souvent : « Mais qui donc est mon enfant ? » L’ange Gabriel, Joseph, Élisabeth, les bergers de Bethléem, les mages, le vieillard Siméon et Jean-Baptiste l’aideront chacun selon leurs lumières à découvrir tout ce qui dans la Loi et les Prophètes concernait son fils. Mais souvent les évangiles affirment ou laissent entendre que Marie s’étonnait de ce qui arrivait ou même ne le comprenait pas. En bonne mère qu’elle était, Marie ne
SOURCES :
N O U V E A U T E S T A M E N T . I. de la Potterie, M A R I E A L L I A N C E , Paris, 1988.
DANS LE MYSTÈRE DE LA
NOUVELLE Œ
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LE LIVRE
DES
MERVEILLES
DÉCEMBRE J ANVIER FÉVRIER MARS AVRIL MAI JUIN JUILLET AOÛT SEPTEMBRE OCTOBRE NOVEMBRE DÉCEMBRE
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Premier janvier
Œ
APÔTRES DES
E T M A RT Y R S
TEMPS APOSTOLIQUES
A U C H R I S T I A N I S M E R E L I G I O N D ’ É TAT
Pitié mon Dieu, des hommes s’acharnent contre moi ; tout le jour, ils me combattent, ils me harcèlent. Le jour où j’ai peur, je prends appui sur toi. Sur Dieu dont j’exalte la parole, sur Dieu je prends appui ; plus rien ne me fait peur ; Que peuvent sur moi des êtres de chair ? Mon Dieu, je tiendrai ma promesse, je t’offrirai des sacrifices d’action de grâce ; car tu m’as délivré de la mort et tu préserves mes pieds de la chute, pour que je marche à la face de Dieu dans la lumière des vivants. Psaume 55
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Deux janvier
Œ
L’ E N Q U Ê T E OU
DE
LUC
C O M M E N T U N M É D E C I N PA Ï E N
SE TRANSFORMA EN HISTORIEN DE
•
2
LUC SUIT LA FLAMME VACIL-
JAN •
TRAVERS LES ENTRELACS DES
JÉSUS
elle, qui a reçu dans ses bras le cadavre de celui qui est la Vie… Luc demande à ses guides de ralentir le pas, il ne se sent pas prêt encore. Pourtant, il a tant désiré cette rencontre, lui qui consacre sa vie à recueillir les témoignages de ceux qui l’ont vu, qui l’ont connu, ce Jésus, le Christ, le Fils de Dieu venu dans le monde. Dès qu’il avait rencontré Paul à Troas, Luc avait été subjugué par la puissance de sa foi et la force de son enseignement. Depuis, il est devenu son compagnon dans ses pérégrinations missionnaires. À l’annonce de l’Évangile de Dieu, de plus en plus de païens comme lui entraient dans la Vie. Tous ces néophytes étaient avides d’en savoir plus sur Jésus, devenu leur Seigneur. Le témoignage des apôtres et leurs lettres n’y suffisaient plus. Des écrits commençaient à circuler, qui racontaient les grands moments de la vie du Sauveur du monde, et qui rappelaient certaines de ses paroles. De son premier séjour à Jérusalem, Luc avait ramené les nombreuses notes rédigées par l’Apôtre Matthieu, et il en faisait faire des copies. Son ami Marc lui avait remis la rédaction qu’il avait tirée des confidences de l’Apôtre Pierre. Mais
LANTE DE LA LANTERNE À RUES DE LA VILLE.
Les faibles lueurs jettent sur les murs de pisé clair les ombres incertaines de ses deux guides. Luc est étreint par une émotion puissante, il ne se sent pas encore prêt pour la rencontre. Hier, quand Jean lui a dit qu’elle l’attendait, qu’elle acceptait de le recevoir, jamais il n’aurait pu imaginer une joie plus grande. Elle, qui ne voit plus personne, dont on dit qu’elle ne parle jamais, elle, qui vit recluse dans la maison de Jean, elle, Marie, la mère du Seigneur. « La mère du Seigneur », ces quatre mots représentent tellement pour Luc que ses pensées se bousculent dans son esprit. Elle, qui a connu le Seigneur alors qu’il n’était qu’une vie fragile qui tressaillait dans ses entrailles ; elle, qui a porté celui qui porte tout ; elle, qui a tenu dans ses bras le Salut du monde ; elle, qui a nourri de son lait celui qui allait s’offrir en nourriture à l’humanité ; elle, qui a appris les premiers mots humains à la Parole de Dieu ; elle, qui a recueilli le dernier mot du Christ en croix, du Verbe fait chair ; 58
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L’ENQUÊTE
DE
LUC
éloigné quelque temps du village, certains disaient qu’il avait rejoint un certain Jean qu’on prétendait être son cousin et qui baptisait dans le Jourdain. Quand il était revenu, ce n’était plus le jeune homme qu’ils avaient connu, il parlait avec autorité. Il avait fait scandale à la synagogue en lisant la prophétie d’Isaïe : « L’esprit du Seigneur est sur moi… » Il avait osé proclamer que ce passage de l’Écriture s’accomplissait maintenant, que lui-même était cet envoyé de Dieu. Il avait été chassé, et c’était miracle qu’il n’ait pas été précipité au bas d’un escarpement qui surplombe la ville. Les anciens disaient qu’ensuite il était allé à Capharnaüm et y avait fait de nombreux miracles, encore qu’à Nazareth, on n’en eût vu aucun. Luc était donc parti pour Capharnaüm. Là, les choses avaient été plus simples. Capharnaüm était la ville de Pierre. Luc savait que c’était là que le chef des Apôtres, André, Jacques et Jean avaient été appelés par Jésus alors qu’ils étaient pécheurs sur le lac. Ils avaient suivi cet homme qui remplissait miraculeusement leurs filets et promettait de faire d’eux des pécheurs d’hommes. Avec lui, ils avaient parcouru la région. Jésus enseignait et guérissait de nombreux malades. Un jour, on lui avait présenté un paralytique, et Jésus avait déclaré à l’homme : « Tes péchés sont pardonnés. » De nouveau, le scandale était advenu. Des pharisiens s’étaient émus : « Seul Dieu peut pardonner
lui, Luc, pensait que ces premiers textes inestimables étaient trop marqués par la culture juive pour être reçus sans explications par les chrétiens d’origine païenne. Leur forme ne leur permettait pas de toucher les hommes cultivés de culture grecque. Un autre phénomène préoccupait Luc : des gens, sans en avoir reçu mission des Apôtres, sans compétence et sans avoir fait des enquêtes sérieuses, s’autorisaient à écrire des vies de Jésus. Ces écrits apocryphes risquaient de porter un grand tort à l’annonce de la Vérité. Déjà des légendes absurdes circulaient dans les communautés chrétiennes et nourrissaient des fausses doctrines. Fin lettré et féru d’histoire, Luc s’était inquiété de cette situation auprès de Paul. Il lui avait confié son dessein d’écrire une biographie de Jésus, suivie d’une histoire des premières communautés, en un mot de publier de vraies « Antiquités chrétiennes », sur le modèle des Antiquités romaines du célèbre historiographe Denys d’Halicarnasse. Paul, convaincu par ses arguments, avait encouragé Luc et lui avait donné une lettre de recommandation, afin qu’il pût mener les investigations appropriées auprès des témoins crédibles encore de ce monde. Alors Luc avait quitté Rome, laissant Paul dans sa prison, et était parti pour la Palestine. Luc avait commencé son enquête à Nazareth. Les anciens se souvenaient de Jésus, le fils de Joseph le charpentier et de Marie. Alors qu’il avait trente ans, il avait quitté l’atelier familial. Il s’était 59
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Deux janvier
paix. » Des témoignages comme celui-là, Luc en avait recueilli tant et tant qu’il avait dû en éliminer bon nombre dans son livre, ne conservant que ce qui mettaient le plus évidemment en lumière le Salut gratuit et universel que Jésus le Christ offre aux hommes. Il avait ainsi retenu le démoniaque géranésien dont les démons avaient péri avec un troupeau de porcs, la fille de Jaïre qui était revenue à la vie, l’aveugle de Jéricho, et le très riche Zachée, qui était trop petit pour voir le Seigneur, et chez qui Jésus s’était invité après l’avoir aperçu juché dans un arbre. Le vieux Zachée n’en revenait pas encore d’avoir été jugé digne et répétait : « Ce jour-là, le Salut est entré dans ma maison. » Luc a retenu encore l’histoire de ce lépreux étranger. Guéri par Jésus, il fut le seul à revenir se jeter à ses pieds pour s’entendre dire : « Relève-toi, ta foi t’a sauvé. » Chaque rencontre, chaque témoignage lui avait permis d’affiner son portrait de Jésus : un homme libre devant le péché, le mal, la loi qui emprisonne les esprits et stérilise les cœurs, un homme doux et humble, débordant d’amour et de miséricorde pour les petits, les pauvres, les exclus, les estropiés de la vie, sans tenir compte ni de la race, ni de la religion, ni du sexe. C’était aussi un homme doué d’une puissance et d’une autorité inconnues, comme l’atteste cet épisode qu’on lui a raconté dix fois, celui de la tempête apaisée sur le lac. Alors que la barque des disciples tanguait et prenait l’eau,
les péchés ! » Et Jésus, en quelque sorte, avait relevé le défi. Pour montrer l’efficacité de sa parole, il avait ordonné à l’homme de marcher, et celui-ci aussitôt s’était levé, et avait ramassé sa civière. À partir de cet instant, le comportement de Jésus n’avait plus cessé de heurter les convenances. Il avait appelé Lévi à le suivre, un collecteur d’impôt méprisé de tous. Il avait même guéri un homme le jour du sabbat dans la synagogue. Qui était-il donc pour se prétendre le maître du sabbat ? Là encore, les pharisiens avaient récriminé, et dès lors, le discours de Jésus s’était fait plus âpre. Aux foules qui le suivaient, il prêchait un amour total, sans réticences, sans limites, qui allait jusqu’à l’amour des ennemis. Luc avait rencontré des témoins de cet amour, le serviteur d’un centurion romain qui avait été guéri sur la supplique de son maître – un païen, il l’avait souligné –, le fils d’une veuve de Naïm qui était revenu à la vie et avait été rendu à sa mère dont le chagrin avait ému Jésus, et surtout, cette femme, maintenant âgée, qui avait dû être très belle. Elle avait imploré le pardon du maître et avait répandu sur les pieds de Jésus un parfum coûteux qu’elle avait essuyé avec ses cheveux. Ce jour-là, elle avait versé sur elle-même et sa vie de péché des pleurs amers, et le pardon du Seigneur lui avait rendu sa dignité et sa vie. C’est avec des larmes de joie qu’elle avait répété à Luc les mots par lesquels Jésus l’avait relevée : « Ta foi t’a sauvée ; va en 60
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L’ENQUÊTE
tandis que Jésus dormait, les disciples avaient pris peur, mais Jésus avait arrêté le tumulte des flots et fustigé leur manque de foi. Tous les témoignages recueillis recoupaient ceux que les Apôtres avaient laissés. Cependant, Luc avait eu plus de difficultés à reconstituer les paraboles, ces histoires que Jésus inventait pour rendre son message plus accessible. Chaque auditeur en avait compris le sens à sa manière. Parfois, les témoins étaient encore marqués par des paroles du Maître très dures à entendre, et pas seulement pour les pharisiens. Cet homme riche, par exemple, qui jeune homme avait demandé conseil à Jésus. Le Seigneur l’avait invité à vendre tous ses biens et à le suivre. Il avait préféré conserver ses richesses, mais, avait-il confessé à Luc, depuis ce jour, il ne trouvait plus le repos. Jésus prononçait aussi des paroles étranges que nul ne comprenait, qui échappaient à toute logique humaine. C’était celles dont les gens se souvenaient le mieux. Depuis des années, ils les retournaient dans leur tête pour en percer le sens. Certains qui faisaient partie des disciples qui suivaient Jésus se rappelaient que les Apôtres se posaient beaucoup de questions. Ils avaient préféré Jésus à leurs métiers, à leurs épouses, à leurs enfants, que fallait-il qu’ils donnent encore ? Petit à petit, ils comprirent qu’il s’agissait de vie et de mort. Jésus annonçait une grande épreuve et, en même
DE
LUC
temps, il faisait la promesse d’un royaume, le royaume de son Père, le royaume de Dieu, un royaume qui appartient à ceux qui ne savent pas compter. C’est ce que lui avait expliqué un disciple collecteur d’impôts qui, lui, savait faire les comptes. Dans ce royaume, on paie les ouvriers qui ont travaillé une heure comme ceux qui ont peiné tout le jour, on glorifie le berger qui laisse cent brebis pour en retrouver une, le fils qui revient après avoir dilapidé l’héritage avec des filles, le semeur qui répand la semence à tous les vents, le maître du banquet qui invite tous les gueux et tous les loqueteux du pays, l’étranger qui laisse son argent pour qu’on prenne soin d’un inconnu détroussé et battu par des bandits, un royaume où les enfants, les pauvres, les pécheurs, les prostituées et les païens sont les premiers. Luc avait noté des témoignages plus étonnants encore, comme celui de cet homme qui, encore enfant, avait suivi Jésus au milieu d’une grande foule, cinq mille hommes au moins prétendait-il. Ce jour-là, lorsque le soir était venu, Jésus avait regardé cette foule harassée et affamée, il avait été pris de pitié. Pouvait-on les renvoyer sans nourriture ? L’enfant avait entendu les proches du Maître protester : « Renvoie la foule, qu’ils aillent dans les villages et les fermes alentour, pour trouver abri et subsistance, ici, nous sommes dans un endroit désert. » Jésus avait rétorqué : « Donnez-leur vous-mêmes à manger. » Les 61
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Deux janvier
n’avaient pas seulement à être de bonnes ménagères. Désormais, elle prenait le temps de s’arrêter pour écouter Dieu dans le silence de son cœur. D’ailleurs, avait-elle ajouté, Jésus lui-même montrait l’exemple : souvent, il laissait tout tomber et se retirait à l’écart pour prier son Père. À Jérusalem, grâce au grand nombre de témoins encore présents. Luc avait vérifié les détails de ce que la communauté des croyants confessait depuis ce glorieux jour de la Pentecôte, où l’Esprit Saint promis par Jésus avait ouvert les esprits, les cœurs et les bouches : Jésus avait été crucifié et était mort, mais Dieu l’avait ressuscité. Luc avait pu décrire précisément le procès, la condamnation, l’exécution. Il avait pu suivre le chemin même qu’avait emprunté le Seigneur, du mont des Oliviers au Calvaire. Il avait le cœur serré en y repensant : la trahison de Judas (celui-là, personne ne voulait lui en parler), le reniement de Pierre, le vieil Apôtre tant aimé et si respecté, l’agonie du Seigneur, ce témoignage insoutenable de son obéissance à son Père. Il n’avait rien caché, pour être cru et « pour que le monde croie ». Enfin, il avait voulu bien mettre en évidence ce témoignage sur un centurion – encore un païen – qui le premier, après que le Seigneur eut expiré dans un grand cri, avait glorifié Dieu en s’exclamant : « Vraiment, cet homme était le Fils de Dieu ! » Le fils de Joseph d’Arimathie se souvenait mot à mot de ce que lui racontait
Apôtres avaient l’air bien ennuyés. L’enfant leur avait alors apporté discrètement les cinq pains et les deux poissons dont l’avaient muni ses parents. C’était peu, mais il n’allait tout de même pas les manger tout seul dans son coin ! Les Apôtres les avaient déposé devant Jésus qui les avaient bénis et partagés, et toute la foule avait eu à manger en abondance, au point que les restes avaient rempli plusieurs grands paniers. En dehors de ceux qu’on nomme les Apôtres, et des autres disciples, de nombreuses femmes suivaient Jésus : Marie, Jeanne, Suzanne, et bien d’autres. Luc a même rencontré à Béthanie une certaine Marthe, qui était amie de Jésus comme sa sœur, Marie, et leur frère Lazare. Elle racontait comment le Seigneur avait ramené Lazare à la vie. Un drôle de caractère, cette Marthe, et Luc avait bien senti combien elle aimait le Seigneur. Pourtant, Jésus n’avait pas toujours été amène à son égard. Elle se souvenait qu’un jour où sa sœur Marie était tranquillement assise à ses pieds à l’écouter, elle, Marthe, préparait seule le repas, sans que Jésus ne s’en offusquât. Comme elle avait protesté, Jésus lui avait même reproché de s’agiter inutilement ; il avait pris le parti de Marie. Depuis, elle avait compris que la meilleure place était bien auprès du Seigneur, mais sur l’instant, elle avait cru qu’il avait une préférence pour Marie. Enfin, avait-elle conclu avec un brin d’humour, cela prouvait peut-être que pour le Seigneur les femmes 62
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L’ENQUÊTE
son père, et comment celui-ci avait réclamé à Pilate le corps du Seigneur et l’avait déposé dans un tombeau taillé dans le roc au soir de ce jour terrible, tandis que les disciples et les Apôtres étaient terrés ou en fuite. Seules les femmes étaient là, avaitil tenu à préciser. Plus tard, elles avaient observé en silence, dans les larmes, la lourde pierre qu’on roulait devant le sépulcre. Enfin, elles étaient parties pour ne pas être surprises en chemin par le début du sabbat. Ensuite, Luc avait tenté de rendre compte de l’inconcevable, de raconter comment, au matin du premier jour de la semaine, ces mêmes femmes avaient trouvé le tombeau ouvert et vide. Il y avait Marie de Magdala, lui avait-on dit, et Jeanne, et Marie, la mère de Jacques. Elles avaient couru le dire aux Apôtres, mais ils avaient cru que les pauvres femmes radotaient. Luc avait recueilli une foule de témoignages attestant la résurrection du Seigneur. On disait que Marie de Magdala avait été la première à le voir vivant. Mais Luc avait décidé de rester sobre, tout cela resterait incompréhensible à ceux qui n’accueilleraient pas le don de la foi. C’était le sens qui comptait, pas l’accumulation des preuves. Ce jour-là, le soleil qui se levait sur le monde était celui d’un jour nouveau qui commençait, un jour qui ne connaîtrait pas de crépuscule. Aussi, Luc s’était-il décidé à ramasser sur le seul premier jour de la semaine, le jour du
DE
LUC
Seigneur, le dimanche de la résurrection qui désormais embrasse toute l’histoire du monde, les quelques témoignages qu’il avait retenus. Dans sa rédaction, il avait choisi de bien mettre en avant le récit de deux disciples que le Seigneur ressuscité avait rejoints sur la route du village d’Emmaüs. Aucun des deux ne l’avait reconnu, mais leurs cœurs brûlaient quand il leur parlait sur la route. Quand il avait rompu le pain à l’auberge, ils avaient su que c’était le Seigneur. Bien sûr, Luc avait raconté comment Jésus était apparu à tous ses Apôtres et avait montré la trace des clous dans ses mains et celle de la lance à son côté. Oui, cela, ils en avaient tous témoigné : c’était bien le Seigneur qu’ils avaient vu, et il était bien vivant. Ce n’était pas un fantôme, il avait même mangé un morceau de poisson sous leurs yeux. Puis, il leur avait promis de leur envoyer une force, un conseiller, l’Esprit Saint. Il lui reste encore à écrire la deuxième partie de son livre pour raconter, à partir de l’élévation de Jésus au Ciel, l’œuvre de l’Esprit, son travail au cœur des Apôtres, et tous les actes de la première communauté des croyants. Cela, il peut d’autant plus aisément le faire que c’est déjà son histoire à lui. Depuis qu’il est entré dans la communauté chrétienne, il a vu les croyants être un seul cœur et un seul esprit dans le Christ, il a écouté l’enseignement des 63
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Deux janvier
dans une parfaite immobilité. Une petite lampe éclaire faiblement la pièce. Il la distingue à peine, il voit seulement son regard, infiniment jeune, si beau, si pur, et devant tant de grâce, il ose à peine respirer. Il approche très lentement. Il découvre enfin ses traits ridés éclairés par une joie parfaite. Toute la lumière de la pièce semble être totalement concentrée dans son visage. En un instant, Luc comprend. Elle voit ou, plutôt, elle contemple ce que depuis si longtemps elle conserve précieusement dans son cœur. Ce qui était obscur est devenu une immense lumière. Elle est la perfection de la contemplation, au point que tout son être y est comme absorbé. Elle est tout à celui qu’elle aime depuis toujours et à jamais, et elle est le reflet parfait de cet amour donné et rendu dans un cœur à cœur absolu. Luc se sent si pesant, si maladroit devant cette miraculeuse transparence. Un sourire s’esquisse sur ce visage radieux, et une voix légère comme un souffle murmure : « C’est le plus bel enfant du monde, le plus beau des enfants des hommes. » Nul ne sait ce que Marie dit à Luc. À l’aube, Luc étala le lourd rouleau de parchemin et il écrivit : « Le sixième mois, l’ange Gabriel fut envoyé par Dieu dans une ville de Galilée appelée Nazareth à une vierge fiancée à un homme du nom de Joseph de la maison de David, et le nom de la vierge était Marie. » Et Luc ajoute d’une seule traite deux nouveaux chapitres au début de
Apôtres, il a partagé avec eux le pain qui est la chair du Seigneur pour le Salut du monde, il a prié avec eux, il a connu l’hostilité des juifs qui refusent de croire que le Seigneur est le Christ, le Fils de Dieu annoncé par les prophètes, et qui ont tué Étienne pour qu’il se taise. Il a vu les païens accueillir la Bonne Nouvelle que Paul leur apportait. Oui, cette deuxième partie sera plus facile à écrire. Mais il lui faut encore finir la première, par où elle commence, c’est-à-dire par la naissance et l’enfance de Jésus. Il ne serait pas un bon historiographe s’il faisait l’impasse sur la genèse de l’histoire. Mais, sur cette période de la vie de Jésus, il ne dispose d’aucun témoignage fiable. Maintenant peut-être, il va savoir… Luc presse le pas et rattrape ses guides. Ils sont arrivés au seuil de la maison où ils sont attendus. L’un des hommes frappe légèrement à la porte qui s’entrebâille. – Voici Luc que Jean t’a annoncé. Une jeune femme s’efface en silence pour le laisser entrer. – Elle se tient dans la chambre haute, elle ne parle plus, ne s’alimente plus, elle semble ne pas nous voir, ni nous entendre. Vous êtes médecin n’est-ce pas ? Luc acquiesce. – Vous saurez quoi faire. Luc en doute ; néanmoins, il suit la jeune femme jusqu’à la chambre haute. Il entre. C’est elle, elle est là, la mère du Seigneur, assise, les yeux grands ouverts, 64
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L’ENQUÊTE
DE
LUC
tels que nous les ont transmis ceux qui dès le début en furent les témoins oculaires et serviteurs de la Parole, j’ai décidé moi aussi, après m’être informé exactement de tout depuis les origines d’en écrire pour toi l’exposé suivi, illustre Théophile, afin que tu te rendes bien compte de la solidité des enseignements que tu as reçus. »
son livre, qui jusque-là commençait par la prédication de Jean-Baptiste. Le lendemain, il reprend ses rouleaux et après avoir tout relu, il ajoute en prologue, pour tous ceux qui aiment Dieu, pour tous les « théophiles » : « Puisque beaucoup ont entrepris de composer un récit des événements qui se sont accomplis parmi nous,
SOURCES : N O U V E A U L’HISTOIRE,
T E S T A M E N T . P.-M. Beaude, J É S U S D E N A Z A R E T H , Paris, 1983. C. Perrot, J É S U S E T Paris, 1979. I. de la Potterie, M A R I E D A N S L E M Y S T È R E D E L A N O U V E L L E A L L I A N C E , Paris,
1988. Œ
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LE LIVRE
DES
MERVEILLES
DÉCEMBRE JANVIER FÉVRIER MARS AVRIL M AI JUIN JUILLET AOÛT SEPTEMBRE OCTOBRE NOVEMBRE DÉCEMBRE
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Premier mai
Œ
PAPES DE
ET HUMANISTES
LA GRANDE PESTE AU CONCILE DE
TRENTE
Ô Seigneur, notre Dieu, Qu’il est grand ton nom par toute la terre ! À voir ton ciel, ouvrage de tes doigts, la lune et les étoiles que tu fixas, qu’est-ce que l’homme pour que tu penses à lui, le fils d’un homme, que tu en prennes souci ? Tu l’as voulu un peu moindre qu’un dieu, le couronnant de gloire et d’honneur ; tu l’établis sur les œuvres de tes mains, tu mets toute chose à ses pieds. Ô Seigneur, notre Dieu, Qu’il est grand ton nom par toute la terre ! Psaume 8
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Deux mai
Œ
C AT H E R I N E POUR
QUE
ROME
DE
SIENNE
R E T R O U V E S O N PA P E
•
2
LA
MAI
•
DE CATHERINE, à Sienne, n’a
PETITE CHAMBRE OBS-
CURE DE LA MAISON NATALE
guère changé. Un rai de lumière toscane se glisse par la fenêtre de laquelle elle distribuait les aumônes, éclaire quelques objets qui rappellent son histoire : un degré de pierre – son oreiller –, une lanterne de fer qui la guidait la nuit vers les malades, un fragment de son bâton à pomme de bois, bon compagnon de son voyage en France, une petite fiole d’arômes, qu’elle inhalait au chevet des mourants frappés par la peste. Humblement posé là, dans la petite armoire de son « cachot » mystique, ce flacon est le symbole muet de cette époque terrible pendant laquelle Catherine vint au monde. L’année de sa naissance, le 25 mars 1347, un vaisseau génois embarque sur les rives de la mer Noire une passagère clandestine qui va semer la maladie et la mort. C’est la Grande Peste, qui s’attaque à l’Italie et à toute l’Europe, après avoir décimé l’Asie. Elle avance sournoisement, de village en village, de ville en ville, laissant derrière elle malheur et désolation. Plus du tiers de la population y succombe. Mais elle n’est pas la seule à ravager l’Europe
en ce sombre XIVe siècle ; la guerre fait rage, et les cités italiennes ne cessent de s’entre-tuer, comme Sienne et Florence, dont la rivalité ancestrale réveille les haines les plus sanglantes. Même l’Église n’est pas épargnée : « Rome n’est plus à Rome », la papauté s’étant exilée en Avignon en 1309, et les chrétiens ne sont plus en Terre sainte, d’où ils ont été chassés en 1291. Triste époque pour naître ! Cela ne décourage pourtant pas un teinturier de Sienne, Jacopo Benincasa, et son épouse Lapa Piagenti de donner naissance à un... vingt-huitième enfant... La petite dernière, prénommée Catherine, naît le dimanche des Rameaux de l’an 1347, dans le quartier de Fonte Branda, où sont groupés les cordonniers. La paroisse des Benincasa est celle de Saint-Dominique. Très tôt, Catherine est fascinée par les frères prêcheurs qui vont et viennent dans la paroisse, vêtus de noir et de blanc. Elle veut leur ressembler, se déguiser en homme même, pour pouvoir elle aussi entrer au couvent. À cinq ans, elle voit, du haut de l’église Saint-Dominique, le Christ lui apparaître et la bénir. Deux ans plus tard, elle fait vœu de virginité. Ses parents et sa sœur
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C AT H E R I N E
Bonaventura s’étonnent de son manque de féminité. Pour ne pas les blesser, elle soigne sa toilette – écart qu’elle se reprochera toute sa vie et dont même son directeur de conscience ne parviendra pas à la consoler ! Catherine refuse le mariage. À quinze ans, elle est admise, à sa grande joie, comme tertiaire dominicaine chez les Sœurs de la pénitence. La voici donc consacrée mais vivant dans le monde, vouée à la charité, à l’aumône et à la prière. Cette étrange silhouette noire qui arpente les rues de Sienne suscite des interrogations : « Quelle est cette étrange jeune fille ? », se demandent les Siennois, qui la nomment « mantellata » à cause du manteau noir des tertiaires dominicaines qu’elle porte sur ses frêles épaules, un manteau de veuve, un manteau de vieille pour une adolescente de quinze ans ! Personne ne sait encore que cette petite femme mène depuis l’enfance une vie étonnante : ses jours et ses nuits, dans l’austérité de sa chambre, ne sont que prières et extases... Catherine s’entretient avec Jésus, avec la Vierge, « comme vous avec moi, comme moi avec vous », ditelle. Elle parle aux saints, ils lui répondent. Éperdue d’amour, elle épouse mystiquement le Christ : « Je suis l’épouse de Dieu, en virginité. » Son âme ardente crie sans cesse : « Amore, amore ! » Ce feu mystique qui l’habite l’entoure d’une aura surnaturelle. « De nature elle n’était pas des belles », dit son confesseur et témoin Raymond de Capoue, mais Catherine rayonnait, irradiait du feu de
DE
SIENNE
la sainteté... « Ma nature est de feu », reconnaît-elle. Elle en oublie de manger et de dormir, tout absorbée qu’elle est par son amour pour le Christ : « Je veux, Seigneur, que tu aies tout, et ton ennemi, rien. » Catherine ne vit plus que pour servir le Christ – en servant ses frères qui souffrent, elle le sert, Lui. À l’hôpital de la Scala, elle approche sans peur les malades atteints de la peste. Elle soigne les corps, console les cœurs et travaille au salut des âmes. Comme celle du jeune Niccolo di Toldo, scandaleusement condamné par les tyrans de Sienne à avoir la tête tranchée, et qui hurle à l’injustice. Lors de la veillée funèbre, Catherine entra dans la cellule du condamné, prit sa tête sur ses genoux, la caressa, puis, doucement, entraina Niccolo dans sa prière ; toute la nuit, elle le tint contre elle, et, au matin, au lieu du supplice, le jeune homme, dit-elle, « est enfin venu comme un agneau tranquille ; et me voyant, il a souri. Je lui dis tout bas : “Va, mon doux fils, tu vas être aux noces éternelles.” Il se plaça lui-même avec douceur. Je lui ai mis le cou à nu ; et, penché sur lui, je lui rappelais le sang de l’Agneau. Ses lèvres ne répétaient que “Jésus, Jésus ! Catherine.” Je fermais les yeux et dis : “Je veux.” Et j’ai reçu sa tête entre mes mains. » En extase, la sainte vit alors l’âme de Niccolo entrer dans le cœur de Jésus. On pourrait croire Catherine à l’abri de la méchanceté des hommes, mais il n’en est rien. Elle subit l’injure ou la calomnie. Certains, au sein même de son
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ordre, la prennent pour folle, au point qu’elle doit comparaître devant le chapitre général des dominicains afin d’écarter tout soupçon. Catherine ne s’en effraie pas. Mystique, passionnée de vie éternelle, elle voudrait quitter « le rêve obscur de cette vie », et rejoindre l’Époux : « Je ne puis m’entretenir avec des créatures mortelles, car je sens mon Sauveur me tirer à lui. » Pourtant Catherine prêche, inlassablement. La sainte parle, parle toujours et encore, il faut qu’elle parle ! « Tant qu’elle trouvait quelqu’un pour l’écouter, elle ne pouvait consentir à se taire », écrit Maconi, l’un de ses secrétaires. Et les âmes affluent, aimantées par la sainteté dont la religieuse parle avec tant d’amour. Moines, clercs, laïcs de Fonte Brada – qui voient en elle « l’organe du SaintEsprit » –, l’assistent dans sa mission. C’est avec vingt-trois d’entre eux – sa « belle brigade », comme elle la nomme – qu’elle se rendra, avec son bâton à pomme de bois, en Avignon où elle arrive le 18 juin 1376. Car Catherine est aussi entrée en politique, et farouchement ! C’est pour cela que cette petite femme de vingt-neuf ans, cette grande mystique, quitte sa cellule, sa rue et sa cité, pour partir à l’assaut de ce pauvre monde. À la demande des Florentins, excommuniés pour s’être révoltés contre les légats français du pape, elle va intercéder auprès de Grégoire XI, le pape lui-même... Les clercs de la luxueuse cour d’Avignon, si prompts à se moquer, doivent ravaler leurs railleries. La volonté de la sainte – « je veux,
moi, je dis que je veux ! » – est inébranlable : pour réunifier l’Église, Catherine n’exige rien moins qu’une croisade et le retour du pape à Rome ! Elle ira jusqu’au bout pour affranchir le successeur de Pierre de la tutelle du roi de France et de l’université de Paris, de « la captivité de Babylone ». Devant une telle énergie, Grégoire XI promet de revenir à Rome. Mission accomplie : Catherine va-t-elle rentrer à Sienne ? Pas encore... Elle guette le pape sur la route – elle va même l’attendre à Gênes ! – afin d’être bien certaine que les cardinaux ne lui feront pas rebrousser chemin... Peu avant ces missions, « l’épouse mystique du Christ » avait reçu les stigmates. En 1378, elle est comblée d’une nouvelle grâce : comme Hildegarde de Bingen avant elle, Catherine reçoit des révélations sur les mystères de la Divinité, de la Providence, de l’Amour et de la Miséricorde. Comme une enfant, la jeune femme questionne le Père et écoute ses réponses. Et elle, l’illettrée, la petite dernière d’un teinturier, dicte à trois secrétaires qui se relaient des merveilles mystiques et théologiques ! Ce sera le Dialogue, (« mon livre », disait-elle), l’un des ouvrages qui est aux origines de la formation de la langue italienne. Du côté de Rome, bien triste nouvelle ! Grégoire XI est mort, Urbain VI lui a succédé. Des cardinaux français, excédés par son attitude à leur égard, ont presque immédiatement élu un antipape, Clément VII : c’est le grand schisme
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C AT H E R I N E
d’Occident. Catherine s’installe alors à Rome, et exhorte Urbain VI à y demeurer lui aussi. En avril 1379, l’expédition menée contre Rome par les armées de Clément VII échoue. Les « clémentistes » se réfugient en Avignon. C’est une grande victoire pour Catherine. Catherine, la « mantellata », la petite tertiaire dominicaine, est alors devenue une femme très écoutée des princes de son temps : elle dicte une abondante correspondance aux souverains de l’Europe,
DE
SIENNE
et ne cesse de les exhorter à mener une politique conforme à la foi. « Ô Dieu Éternel reçois le sacrifice de ma vie en faveur du Corps mystique de la Sainte Église. Je n’ai rien d’autre à donner que ce que tu m’as donné. » C’est en prononçant cette prière, aimante jusqu’au bout, que la sainte siennoise meurt le 29 avril 1380. Canonisée en 1461, sainte Catherine de Sienne est proclamée patronne de l’Italie en 1939, et déclarée docteur de l’Église en 1970.
SOURCES :
Catherine de Sienne, C O R R E S P O N D A N C E et D I A L O G U E D E L A D I V I N E P R O V I D E N C E . L. Zanini, « Bibliografia analitica di S. Catherina da Siena », in M I S C E L L A N E A D E L C E N T R O D I S T U D I M E D I E V A L I , Milan, 1956-1958. Colloque international C A T H E R I N E D E S I E N N E , L A P R É S E N C E E T L ’ A C T I O N , Monastère du Barroux, 7-9 juin 1980. Œ
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Trois mai
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LE GRAND SCHISME D’OCCIDENT DEUX
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– VOUS
N’ÊTES
PA P E S P O U R U N E T I A R E
QU’UNE
DE VOLEURS ! N’AVEZ-VOUS PAS HONTE de vivre dans un tel luxe et une telle opulence ? Je vous poursuivrai ! lance rageusement Urbain VI à ses cardinaux. Et le pape de marmonner, de s’emporter contre tout : l’argent, la fiscalité... Urbain VI n’en est pas à ses premières extravagances et invectives. En effet, sous couleur de défendre les prérogatives de l’Église romaine, il s’est déjà montré d’une rare incorrection à l’égard de l’empereur d’Allemagne Charles IV et du roi d’Angleterre Richard II. Face à une telle violence et à un comportement aussi étrange, les cardinaux n’ont d’autre choix que de s’enfuir prestement, sous divers prétextes, et de se réfugier à Naples. Sur la route qui les mène de Rome à Naples, ils se demandent encore comment ils ont pu, le 8 avril 1378, élire comme pape ce Barthélemy Prignano, archevêque de Bari, devenu Urbain VI. Absent du conclave en raison d’une négociation délicate avec la ville de Florence, le cardinal Jean de la Grange avait jugé sévèrement un tel choix. Et les cardinaux se souviennent... Ils
MAI
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BANDE
étaient seize à entrer en conclave au Vatican, le soir du 7 avril 1378. Grégoire XI était mort, un an après son retour d’Avignon – où il avait d’ailleurs laissé six cardinaux pour assurer le fonctionnement des services. Sur les seize cardinaux du conclave, quatre seulement étaient italiens. Et la population romaine avait grondé sur leur passage, réclamant l’élection d’un pape romain ou au moins italien : si le nouvel élu était français, le risque était grand en effet de le voir repartir en Avignon, et de priver ainsi Rome non seulement de son évêque, mais aussi des revenus de la cour pontificale et des pèlerins. Le lendemain, 8 avril, le tocsin avait sonné. Les cardinaux, dans la précipitation, avaient élu un Napolitain, Prignano, dont le nom avait déjà été lancé comme solution de compromis. Cependant, il fallait aller chercher l’élu et avoir son accord. Mais la foule déchaînée envahissait déjà le conclave... et demandait instamment à voir le nouveau pape. Menaces, bousculades, empoignades, quelques cardinaux réussirent néanmoins à s’échapper. Ceux qui n’avaient pu en faire autant avaient présenté le cardinal romain Tebaldeschi comme le nouvel élu, en attendant que l’on
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LE GRAND SCHISME
prévienne Prignano. On avait hissé le vieillard sur un trône, on l’avait revêtu du manteau papal et le peuple était venu lui baiser les pieds. Une scène lamentable ! Oui, maintenant, pour les cardinaux, tout était clair. Ils avaient élu Prignano dans la peur... par peur de la population romaine, et donc l’élection était nulle. L’Esprit Saint n’avait pu inspirer le choix d’un tel homme dont le comportement déraisonnable prouvait d’ailleurs bien la méprise. À présent, en cette fin du mois de juin, les fugitifs ont trouvé un abri sûr dans le royaume de Naples. Douze cardinaux sont réunis dans la ville d’Anagni : Aigrefeuille, Cros, Flandrin, Robert de Genève, Lagier, La Grange, Pedro de Luna, Malesset, Montalais, Noellet, du Puy, Sortenac et Vergne. Ils se rassemblent dans la chambre de Robert de Genève, qui est souffrant. Ils ouvrent un missel. Sur l’Évangile, les cardinaux présents au conclave du 8 avril jurent qu’ils n’ont élu Prignano que par peur de la mort. Le 9 août, dans la cathédrale d’Anagni, on lit solennellement l’acte de déposition d’Urbain VI. Prignano n’est plus qu’un intrus, un apostat... voire l’Antéchrist ! Les cardinaux italiens les rejoignent : Orsini, Corsini et Borsano. Seul le vieux cardinal Tebaldeschi reste à Rome... pour y mourir au début de septembre. Urbain VI est maintenant seul. Dès le 15 septembre, les cardinaux se trouvent tous réunis à Fondi, sous la protection de Jeanne, reine de Naples.
D’OCCIDENT
Celle-ci aurait eu toutes les raisons d’être ravie du choix de Prignano, un ami, qui n’aurait pu que favoriser son royaume. L’élection d’Urbain VI avait été très bien accueillie à Naples. Mais la reine se laisse convaincre par le témoignage de tous les cardinaux, en particulier celui des Italiens : tous unanimement lui déclarent que l’élection est invalide. Jeanne écrira plus tard : « Nous prîmes le conseil de maîtres en théologie fameux, de docteurs en droit civil et canonique, et d’autres experts dans les autres disciplines ; nous eûmes surtout des informations véridiques de nos Révérends Pères Nosseigneurs les cardinaux, consignées dans leurs lettres et écrits, de leur main propre et sous leur sceau, sans qu’aucun membre du Sacré Collège fût d’avis différent. » Abandonné de tous, Urbain VI nomme vingt-neuf nouveaux cardinaux, dont vingt Italiens. Les cardinaux rebelles de Fondi franchissent alors le dernier pas. Ils entrent en conclave. Le 20 septembre 1378, à l’unanimité – sauf les trois cardinaux italiens qui s’abstiennent de voter –, ils élisent Robert de Genève qui prend le nom de Clément VII. Le 31 octobre 1378, Clément VII est couronné en présence d’un envoyé extraordinaire de la reine Jeanne et de nombreux Napolitains. Ce n’est pas la première fois que deux papes se disputent le siège de Pierre, mais – fait inouï dans l’histoire de l’Église ! – c’est sensiblement le même collège de cardinaux qui a élu les deux papes rivaux. Même s’ils s’abstiennent,
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Trois mai
les trois cardinaux italiens – dont l’un n’avait d’ailleurs pas voté pour Prignano – se rallient à Clément VII. Au lendemain du couronnement d’Urbain VI, les cardinaux avaient écrit à leurs six collègues d’Avignon qu’ils avaient élu Prignano « librement et unanimement ». Ils reviennent sur les termes de leur lettre relatant l’élection « libre » d’Urbain VI, en affirmant que cette expression signifiait seulement que leur courrier était surveillé. Bouleversée par le schisme, Catherine de Sienne leur écrit : « Vous qui nous avez donné la vérité, vous voulez maintenant savourer le mensonge... Vous avez prouvé la régularité de l’élection d’Urbain par la solennité du couronnement, le respect que vous avez témoigné au pape, les grâces que vous lui avez demandées... Vous êtes des menteurs et des idolâtres ! » Vincent Ferrier, au contraire, se prononce en faveur de Clément VII. Pour lui, seuls les cardinaux du conclave de Rome, puis de Fondi, peuvent connaître la vérité. Accepter leur témoignage relève de la foi en l’Église. Comme l’apôtre Pierre, ils ont pu avoir peur. Ils sont fragiles et pécheurs comme tout homme. Mais leur déclaration lève toute hésitation. À eux seuls, il appartient d’élire le pape et aussi de corriger l’élection. Là où est le vrai collège apostolique, là se trouve le vrai pape. Ni le concile de Pise de 1409, ni celui de Constance en 1417 ne trancheront en faveur de la légitimité de l’un ou de
l’autre. C’est finalement en se prononçant sur un troisième choix que le différend sera levé. Le schisme n’aurait été que temporaire si Urbain VI n’avait pas finalement trouvé des appuis ou si Clément VII n’avait réussi à se faire reconnaître d’aucun pays. Or la chrétienté occidentale se partagea entre les deux obédiences de façon à peu près égale. Urbain VI conserve les États pontificaux et rallie Florence et Pérouse. Charles IV et l’ensemble de l’Allemagne lui restent fidèles, de même que la Hongrie, la Pologne et la Scandinavie. L’Angleterre adopte la même position, commandée par son hostilité à la France. Elle est imitée par la Flandre, liée économiquement à l’Angleterre. Mais Clément VII représente une extraordinaire force politique du fait de ses alliances familiales avec toutes les grandes familles d’Europe. Il est, de plus, affable, courtois et généreux, et la liberté de son élection est vérifiable. Sa légitimité est donc reconnue par la France et ses alliées, l’Écosse, la Savoie, et même par les ducs de Luxembourg, de Lorraine et d’Autriche. Après avoir longtemps hésité, la Navarre, l’Aragon et la Castille choisissent aussi Clément VII. Le Portugal tergiverse, rejoint son camp, puis finit par se fixer dans celui d’Urbain à partir de 1385. Pendant près de quarante ans, la chrétienté occidentale se trouve déchirée. Les abus de la papauté paraissent d’autant plus insupportables qu’il y a
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LE GRAND SCHISME
deux papes rivaux. Comme l’écrivit le chancelier Gerson, la chrétienté était comme « un vieillard délirant en proie à toutes sortes de fantaisies, de songes et d’illusions ». Si cette crise déstabilise la chrétienté et met en relief ses divisions, elle a cependant pour conséquence de révéler
D’OCCIDENT
la nécessité d’aboutir à une réforme. Le concile de Constance d’abord, puis celui de Trente sont des réponses à ce schisme que le peuple chrétien d’Occident vécut comme une abominable catastrophe. Parmi les réponses, il y eut aussi celle de Luther et elle ne réussit pas à s’exprimer au sein d’une Église unie.
SOURCES : L E T T R E S S E C R È T E S E T C U R I A L E S , Paris, 1930-1970. G E N È S E E T D É B U T S D U
GRAND SCHISME colloque tenu en Avignon du 25 au 28 septembre 1978. J. Chélini, L ’ É G L I S E A U T E M P S D E S 1 2 9 4 - 1 4 4 9 , Paris, 1982. P. Levillain, D I C T I O N N A I R E H I S T O R I Q U E D E L A P A P A U T É , Paris, 1993. Œ
D’OCCIDENT, SCHISMES
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LE LIVRE
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MERVEILLES
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Premier août
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MISSIONNAIRES
ET
ROMANTIQUES DES
CONQUÊTES NAPOLÉONIENNES
À LA RÉVOLUTION INDUSTRIELLE
Seigneur, je n’ai pas le cœur fier ni le regard ambitieux ; Je ne poursuis ni grands desseins, ni merveilles qui me dépassent. Non, mais je tiens mon âme égale et silencieuse ; mon âme est en moi comme un enfant, comme un petit enfant contre sa mère. Attends le Seigneur, Israël, maintenant et à jamais. Psaume 130
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Deux août
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LES DE UNE
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CARMÉLITES
COMPIÈGNE
L I T U R G I E P O U R L ’ É C H A FA U D
AUTOUR DE LA GUILLOTINE, LE SILENCE EST IMPRESSIONNANT.
D’ordinaire, la foule des curieux hurle et se répand en invectives, noyant les accusés sous les insultes et les railleries. Mais aujourd’hui, le 17 juillet 1794, la foule se tait. Pourtant le spectacle promet d’être palpitant. N’attendt-on pas seize religieuses condamnées à mort par le Tribunal révolutionnaire ? Des carmélites habituées au cloître seront bientôt exposées au regard de tous. Cette guillotine, on vient de la déplacer vers la Bastille, puis vers la Barrière de Vincennes et les cortèges de charrettes se suivent sans ralentir. Les morts se succèdent à un rythme infernal. Les religieuses ont été jugées le jour même selon la rapidité coutumière du Tribunal révolutionnaire. La sentence n’a surpris personne. La mort n’est-elle pas devenue le lot quotidien des juges et des condamnés ? Elles sont là, serrées les unes contre les autres. Sur leur visage, nulle trace de peur, ni de haine. C’est pour cela que la foule se tait. La grâce qui rayonne sur leur front la gêne, l’embarrasse. Elle n’a pas l’habitude de voir des femmes marcher à l’échafaud comme si elles allaient à leurs noces. Et
pourtant, quand elles chantent d’une seule voix le Veni Creator, on dirait des jeunes épousées, émues et impatientes de retrouver l’Époux promis. La plus jeune d’entre elles, Constance, s’avance et s’agenouille devant la mère supérieure. Avec une douce fermeté, la jeune novice lui demande sa bénédiction, puis la permission de mourir. Alors elle monte les marches, le cou droit et le visage fier, en chantant Laudate Dominum omnes gentes. Depuis sainte Thérèse d’Avila, ce psaume est chanté à chaque ouverture d’une nouvelle fondation. Telle une « reine allant recevoir son diadème », Constance se place elle-même sous le couteau, sans permettre au bourreau de la toucher. Ses compagnes la suivent avec la même attitude noble et courageuse. Elles meurent après avoir renouvelé leurs vœux de religion. La prieure est la dernière, conformément à sa volonté d’assister d’abord au martyre de ses sœurs. Le sacrifice de leurs vies, ces religieuses l’offrent comme dans une cérémonie liturgique, en demeurant scrupuleusement fidèles aux règles de leur ordre. Les carmélites désirent consommer
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LES
CARMÉLITES DE
jusqu’au bout leur martyre, mourir pour leur foi. Les conclusions de FouquierTinville, le procureur général lors du procès des seize carmélites, sont sans équivoque.Lesreligieusessontcondamnéespour « fanatisme ». Le jugement de condamnation les accuse aussi d’avoir formé « des rassemblements et conciliabules contre-révolutionnaires », d’avoir « conservé des écrits liberticides, ainsi que les caractères de ralliement des rebelles de la Vendée ». Mais tout cela n’est guère sérieux. Le fait que le carmel de Compiègne ait été « chéri des rois » pour avoiraccueillilafille de Louis XV n’entraîne pas comme conséquence obligée sa participation à une action contre-révolutionnaire au sens politique. À moins que le simple fait de refuser la logique révolutionnaire ne puisse être considéré comme un acte contre-révolutionnaire... C’est précisément le cas. Ce que le Tribunal reproche au carmel, c’est sa fidélité à l’Église du Christ. L’une des religieuses, sœur Henriette de la Providence s’adresse ainsi à Fouquier-Tinville : « Voudriez-vous, citoyen, nous dire ce que vous entendez par ce mot fanatique ? » Il lui est d’abord répondu par un torrent d’insultes. Nullement déconcertée, la sœur reprend : « Citoyen, votre devoir est de faire droit à la demande d’un condamné, je vous somme donc de nous répondre
COMPIÈGNE
et de nous dire ce que vous entendez par le mot fanatique. » « J’entends, répond Fouquier-Tinville, votre attachement à des croyances puériles, à vos sottes pratiques de religion. » Sœur Henriette est comblée, elle peut se tourner vers sa mère prieure : « Toutes nous désirions cet aveu, nous l’avons obtenu... Oh, quel bonheur, quel bonheur de mourir pour son Dieu ! » On ne peut rester insensible devant la mort exemplaire des carmélites. Religieux, musiciens, écrivains ont approché le mystère du martyre chrétien pour essayer d’en traduire la grâce. Poulenc a donné au monde un opéra mondialement connu, composé d’après le non moins célèbre Dialogue des carmélites (1949) de Georges Bernanos. Témoins d’un amour total, sans réserve et offert au monde, les carmélites de Compiègne ont pu prononcer en vérité ces paroles d’amour extrême : « Ceci est mon corps donné pour vous. » Pendant la Révolution française, les prêtres et les religieuses ne furent pas les seuls à être persécutés. Il y eut aussi une multitude de laïcs, hommes, femmes et enfants, qui payèrent de leur vie leur fidélité à l’Église du Christ. Au point que les historiens estiment qu’il y eut plus de 100 000 martyrs immolés pour leur foi.
SOURCES :
G. Bernanos, D I A L O G U E D E S C A R M É L I T E S . Sœur Marie de l’Incarnation, R E L A T I O N D U M A R C O M P I È G N E ( 1 7 9 4 ) , Paris, 1992. J. Bernet, R E C H E R C H E S S U R L A D É C H R I S T I A N I S A T I O N D A N S L E D I S C T R I C T D E C O M P I È G N E , Paris, 1981. M. Vovelle, R E L I G I O N E T R É V O L U T I O N : L A D É C H R I S T I A N I S A T I O N D E L ’ A N I I , Paris, 1976. I. Gobry, D I C T I O N N A I R E D E S M A R T Y R S D E L A R É V O L U T I O N , Paris, 1990. Œ TYRE DES SEIZE CARMÉLITES DE
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LE LIVRE
DES
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JUSTES DE
ET BOURREAUX
LA PRISE DE POUVOIR D’HITLER
À LA DESTRUCTION DE
NAGASAKI
Dieu, les païens ont envahi ton domaine ; ils ont souillé ton temple sacré et mis Jérusalem en ruines. Ils ont livré les cadavres de tes serviteurs en pâture aux rapaces du ciel et la chair de tes fidèles, aux bêtes de la terre ; Ils ont versé le sang comme l’eau aux alentours de Jérusalem : les morts restaient sans sépulture. Pourquoi laisser dire aux païens : « Où donc est leur Dieu ? » Psaume 78
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Deux novembre
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MAURICE BLONDEL LE
RENOUVEAU
D E L A P H I L O S O P H I E C AT H O L I Q U E
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À LA TERRASSE DE LA PALETTE, BOULEVARD DU MONTPARNASSE, UN GROUPE DE JEUNES GENS S’AGITE
joyeusement autour de bières et d’orangeades. Comme chaque jour, ils refont le monde dans ce café parisien où intellectuels et artistes se côtoient, en ce début des années trente. Le temps est au beau et l’humeur plaisante. Les épaules des jeunes filles se sont dénudées, les garçons ont retroussé les manches de leurs chemises. – Un livre, un livre ! Ce cri ne s’adresse nullement au serveur. C’est leur jeu préféré qui commence. Il est simple, et digne de ces jeunes intellectuels, étudiants en philosophie à la Sorbonne. L’un deux choisit un titre de roman ou d’essai et le débat s’installe. Celui qui aura été le plus brillant aura l’honneur de payer la tournée. Aujourd’hui, c’est Franck qui a choisi l’ouvrage. – Le Problème de la philosophie catholique. Le silence s’installe sournoisement autour des trois ou quatre tables rondes habillement réunies pour permettre à chacun de prendre place. Il y a quelques mois que l’œuvre est parue. À vrai dire, peu d’entre eux l’ont eue en main, mais
tous connaissent son auteur, le très controversé Maurice Blondel. La partie n’en sera que plus difficile. Pourtant, audelà du « challenge », on peut lire dans les yeux de chacun l’intérêt qu’a éveillé ce titre. Ici, ils sont tous catholiques, mais en parlent peu... peut-être est-ce là l’occasion de partager leur point de vue sur le délicat sujet du rapport entre foi et raison. – « Oui ou non la vie a-t-elle un sens et l’homme une destinée ? J’agis... » C’est Madeleine qui s’est lancée. Ses cheveux blonds se balancent au rythme de ses phrases. Elle a allumé une cigarette et tire de petites bouffées rapides tout en parlant, peut-être pour se donner de l’assurance. C’est la première phrase de L’Action, la thèse de Blondel qu’ils connaissent tous. Dès cette question, le philosophe situe le débat. Le ton est donné et la thèse exposée. C’est dans l’action que se trouve la réponse, c’est dans l’action, synthèse du vouloir, du connaître et de l’être, que l’homme peut découvrir la réponse à sa question la plus pressante : « Quel est le sens de ma vie ? » Madeleine continue sur un ton monocorde et posé, comme si elle dispen-
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MAURICE BLONDEL
sait un cours au grand amphithéâtre de la Sorbonne. – Déjà, dans L’Action, Blondel parlait de Dieu. « L’action qui enveloppe et achève toutes les autres, dit-il, c’est de penser vraiment à Dieu. » – C’est bien cela qui lui a posé tant de problèmes avec son jury. Comment osait-il mêler Dieu à la philosophie ? Si aucun d’entre eux n’était né quand Maurice Blondel a soutenu sa thèse en 1893, tous en ont entendu parler. – On raconte que l’un des membres du jury lui a carrément demandé : « Êtesvous un solitaire, un sauvage ? Ou bien seriezvous le porte-parole d’une campagne concertée contre la conception que nous avons ici de la philosophie et de son rôle ? » – Il est vrai que, depuis Kant, il n’est plus permis de penser Dieu. On ne peut rien en dire, il ne faut rien en dire. Dieu n’est pas une question pour l’homme, surtout s’il se prétend philosophe. Grand, maigre, deux petits cercles de fer posés sur le nez, Charles a parlé avec ironie. Dans le groupe, la plupart ont parié depuis longtemps sur sa prochaine entrée au séminaire, mais il s’en défend tant qu’il peut, affichant des liaisons plus ou moins imaginaires et parlant mariage, enfants et carrière universitaire. À l’université, il est le seul à oser parler de religion pendant les cours, récoltant la plupart du temps la même réponse : « Monsieur d’Arleux, ici nous faisons de la philosophie. »
– Je trouve que Blondel a eu beaucoup de courage d’oser présenter sa thèse. Car il savait bien où il mettait les pieds. Dès son introduction, il s’opposait, de manière à peine voilée, au positivisme qui régnait alors en maître sur la pensée universitaire. Ne parle-t-il pas de « la science et de sa magie » ? Si ce n’est pas une attaque en règle contre la religion d’Auguste Comte... – Oui, Charles, mais si nous en revenions au texte qu’il publie aujourd’hui. Car il me semble qu’il va encore plus loin..., qu’il y défend une philosophie chrétienne. – Comme les thomistes ? C’est au tour de Suzanne d’intervenir. Son frère est dominicain et, sur ce sujet, elle a pu s’entraîner aux joutes oratoires avec lui pour le plus grand agacement de ses parents. – Non, justement, et c’est là où sa position est originale. La philosophie chrétienne telle qu’il l’entend n’est pas un simple retour à celle de saint Thomas d’Aquin, comme voudraient nous le faire croire beaucoup de ces néo-thomistes. D’ailleurs, les différentes écoles qui se réclament de saint Thomas ne sont pas toutes d’accord..., ce qui prouve bien qu’on ne peut pas enfermer la pensée chrétienne dans des cadres rigides, si tant est que cet immense philosophe et théologien en ait jamais eu la prétention, ce que je ne crois pas. – Mais, alors, qu’est-ce que Blondel entend par philosophie chrétienne ? Où
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Deux novembre
se situe-t-il entre une philosophie catholique scolastique et un rationalisme exclusif interdisant tous rapports entre philosophie et christianisme ? – Je lis, annonce Franck, qui a sorti l’opuscule de son sac. « Tant que l’on reste placé au point de vue des concepts à assortir, ou bien on provoquera des heurts, ou bien on fera du christianisme un fardeau meurtrier pour la raison. Si la révélation surnaturelle est « génératrice de raison » comme on nous le fait espérer, il faut d’abord qu’on nous montre comment la raison, loin de tout stabiliser en concepts clos, découvre en elle des besoins que la nature ne satisfait point, un inachevé, toujours naturellement inachevable et cependant incoerciblement avide d’achèvement. » – Voilà qui confirme ce que nous disions sur sa critique du mouvement thomiste mais qui nous montre aussi la double option qui se propose à l’esprit du philosophe chrétien. D’un côté, la philosophie devrait être la recherche par l’homme, à la seule force de sa raison, de la vérité ; de l’autre, la religion chrétienne annonce à l’homme blessé par le péché qu’il ne peut tirer de lui la Vérité, don libre et révélé par Dieu. C’est en cela que L’Action a été une révolution dans la pensée chrétienne. En étudiant tous les types d’action humaine, de l’acte quotidien sans importance à l’acte religieux, il a tenté de découvrir la nécessité de Dieu dans une étude proprement philosophique de l’agir et des aspirations humaines. – C’est à partir de la différence entre ce que nous souhaitons faire et ce que
nous faisons réellement qu’il a bâti sa thèse. Je crois que, dans L’Action, il dit à peu près ceci : le problème philosophique de l’action humaine consiste « à mettre en équation, dans la conscience même, ce que nous paraissons penser et vouloir et faire, avec ce que nous faisons, nous sommes et nous pensons en réalité ». C’est bien de la réalité de l’homme que Blondel part, même si, bien sûr, il a des présupposés chrétiens. L’Action est vraiment une œuvre philosophique. – Oui, mais qu’entend-il alors par philosophie catholique ? – Je crois que la première idée de Blondel est de dire que la philosophie doit être catholique dans le sens où elle ne doit pas s’arrêter à l’unique pensée de ses limites humaines, que la vraie philosophie doit traiter du Tout. Dans cet esprit, il affirme que le contenu du magistère de l’Église invite la raison « à faire examen de sa conscience et de sa puissance ». Mais, plus encore, il s’agit de ne pas se limiter à l’homme tel qu’il est dans sa condition humaine. Tiens, Franck, fais-moi voir le livre... Ah ! voilà ! « En ce sens, “l’état de nature” n’est pas une possibilité irréalisée ; car [...] l’infirmité congénitale de la créature spirituelle reste effectivement sous-jacente à l’ordre même de la grâce. Mais en un autre sens [...] l’état de pure nature n’a pas existé et n’existe pas à part comme une donnée historique ou psychologique. Il est donc insuffisant de traiter l’homme tel qu’il est, en un de ses états quelconques, comme si l’étude du donné se rapportait à ce
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MAURICE BLONDEL
qu’il n’est pas, ou comme si la philosophie devait se borner au possible, à l’irréel. » – En fait, pour Blondel, le surnaturel n’est plus considéré comme possible mais comme réel. Il applique donc les méthodes philosophiques classiques à l’étude de la religion. En fait, même si la philosophie ne peut rien dire sur Dieu luimême, elle peut analyser la relation entre l’homme et Dieu. Ainsi la question de Dieu reprend sa place au cœur de la philosophie sans pour autant affirmer que la raison peut le contenir. – Tiens, c’est en effet à peu près ce qu’il écrit. « Toutefois, ne soyons pas dupes de l’appellation philosophie catholique, même en cette compénétration réelle des deux ordres qui sont, doivent et ne peuvent que rester inconfusibles : il s’agit d’une symbiose, dans une hétérogénéité irréductible. » Les jeunes gens reprennent souffle un instant et interpellent le serveur afin de commander quelques rafraîchissements supplémentaires. C’est que parler et penser donnent soif. La conversation reprend sur un air plus badin. – Cela n’a pas dû être facile pour lui. D’un côté comme de l’autre, sa thèse n’a pas été appréciée par les conservateurs catholiques ou philosophiques. – Il faut dire qu’il y a quarante ans, l’Église ne brillait pas par ses intellectuels. En spiritualité, je ne dis pas, mais, en matière de philosophie, l’encyclique de Léon XIII Aeterni Patris n’avait guère ouvert la voie qu’à une relance du thomisme et on sait ce qu’en craignait Blondel.
– C’est vrai qu’il est contemporain de toute cette génération d’intellectuels qui ont tenté de faire bouger la pensée philosophique et sociale. Brunschvicg, Bergson, le père Laberthonnière... – Avec qui Blondel a condamné l’Action française, n’est-ce pas, Charles ? Dix ans avant le pape, c’est bien cela ? Charles, dont la famille, comme luimême, n’a jamais caché ses sympathies pour ce mouvement, rit. Franck, lui, s’affiche volontiers comme un intellectuel de gauche. – Évidemment, répond Charles, comme d’habitude, tu ne racontes que la moitié de l’histoire. Car si Blondel appréciait les idées générales du Sillon, il en est quand même resté à l’écart car certaines de leurs positions étaient assez peu catholiques... – Oui, mais il était proche des Semaines sociales, dont plusieurs membres de sa famille faisaient partie... « Stop ! » hurle en chœur le reste de la fine équipe, qui sait très bien que, sur ce point, les deux protagonistes sont intarissables d’arguments de plus ou moins bonne foi. Franck et Charles s’arrêtent et Madeleine en profite pour prendre la parole, sur le même air docte qu’au début de la conversation. « Si elle le veut vraiment, elle va payer la tournée... », semble dire le regard ironique de l’un de ses camarades. – Mais il est quand même clair que, parmi eux, Blondel s’est délibérément placé en champion d’un catholicisme intelligent. Il l’a lui-même reconnu dans
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Deux novembre
plusieurs articles. J’en ai lu un, l’autre jour, assez explicite. « Dès le début, disaitil, j’ai conçu ma thèse comme une lutte contre toutes les formes du dilettantisme, du criticisme, de l’évolutionnisme immanentiste ; comme une élucidation, une justification de l’acte en face de la simple puissance ; de la lettre en face de l’esprit qui ne serait qu’idéalisme ; du dogme, de la pratique, de la discipline catholique en face d’une sensibilité individualiste, d’une autonomie rationaliste ou d’un pragmatisme moral et religieux. Sincèrement, je me considérais alors comme un “intégriste” féroce. » – Oui, mais il a surtout ouvert la voie à de nombreux théologiens et philosophes qui aujourd’hui ne font pas mystère de tout ce qu’ils lui doivent. En 1993, pour le centenaire de L’Action, Jean-Paul II écrira : « En faisant mémoire de l’œuvre, nous entendons honorer
surtout son auteur qui, dans sa pensée et dans sa vie, sut faire coexister la critique la plus rigoureuse et la recherche philosophique la plus courageuse avec le catholicisme le plus authentique, en puisant aux sources de la tradition dogmatique, patristique et mystique. Cette double fidélité à certaines exigences, de la pensée philosophique moderne et au magistère de l’Église n’alla pas sans incompréhension ni souffrances, en un temps où l’Église se trouvait face à la crise moderniste, dont Blondel avait pourtant été l’un des premiers à discerner les enjeux et les erreurs. [...] C’est ce courage du penseur, allié à une fidélité et à un amour indéfectibles envers l’Église, que les philosophes et les théologiens actuels qui étudient l’œuvre blondélienne ont à apprendre de ce grand maître. » Gageons que cet éloge eût valu au pape de payer les orangeades s’il se fût trouvé ce jour-là à la terrasse de la Palette.
SOURCES : A N N A L E S D E P H I L O S O P H I E C H R É T I E N N E . P. Archambault, L ’ Œ U V R E P H I L O S O P H I Q U E D E M A U B L O N D E L , Paris, 1928. E. Gilson, L E P H I L O S O P H E E T L A T H É O L O G I E , Paris, 1960. J. Prévotat, « Théologiens laïcs des années trente », in L E S Q U A T R E F L E U V E S , nº 17, 1983. R. Rémond, L E S C A T H O L I Q U E S D A N S L A F R A N C E D E S A N N É E S 1 9 3 0 , Paris, 1979. Œ RICE
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LE LIVRE
Œ
TABLE
DES
D E S M AT I È R E S
Présentation Monseigneur Joseph Doré . . . . . .
9
DÉCEMBRE Marie et Joseph . . . . . . . . . . . . L’inauguration du Royaume des cieux sur terre . . . . . . . . . Le Fils de Dieu se révèle et meurt sur une croix . . . . . . . . . . . . . Le dernier mot de Dieu . . . . . . . Mort, où est ta victoire ? . . . . . . . Le testament de Simon-Pierre . . . Étienne . . . . . . . . . . . . . . . . . . Paul . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
34 38 40 43 47 49
JANVIER Apôtres et martyrs . . L’enquête de Luc . . Les quatre évangiles Clément de Rome . Ignace d’Antioche . Polycarpe . . . . . . . Justin de Rome . . . Blandine . . . . . . . . Irénée de Lyon . . . Tertullien . . . . . . . Perpétue et Félicité
57 58 66 71 75 77 80 83 86 90 93
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MERVEILLES
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24 28
Origène . . . . . . . . . . . . . . . . . . Cyprien de Carthage . . . . . . . . . Tarcisius . . . . . . . . . . . . . . . . . . La persécution de Dioclétien . . . . Grégoire l’Illuminateur . . . . . . . . Antoine et Pacôme . . . . . . . . . . . La bataille du pont Milvius . . . . . Lactance . . . . . . . . . . . . . . . . . . Hélène en Terre sainte . . . . . . . . Le premier concile de Nicée . . . . La basilique Saint-Pierre de Rome . Eusèbe de Césarée . . . . . . . . . . . Athanase d’Alexandrie . . . . . . . . La conversion du roi Ezanas . . . . Basile de Césarée . . . . . . . . . . . . Martin de Tours . . . . . . . . . . . . Jean Chrysostome . . . . . . . . . . . Damase . . . . . . . . . . . . . . . . . . Ambroise . . . . . . . . . . . . . . . . . Théodose . . . . . . . . . . . . . . . . .
97 101 105 107 110 113 117 119 122 124 128 130 134 138 141 145 149 153 156 159
FÉVRIER Barbares et évangélisateurs Augustin d’Hippone . . . Honorat . . . . . . . . . . . Jérôme . . . . . . . . . . . Mélanie et Pinien . . . . . Siméon le stylite . . . . . Paulus Orosius . . . . . .
165 166 170 172 175 178 181
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Table des matières
Le concile d’Éphèse . . . . . . . . . Saint Patrick en Irlande . . . . . . Le concile de Chalcédoine . . . . . Léon le Grand . . . . . . . . . . . . . Geneviève . . . . . . . . . . . . . . . . Auctoritas et Potestas . . . . . . . . Le baptême de Clovis . . . . . . . . Benoît de Nursie . . . . . . . . . . . Le martyre de Sigismond . . . . . Le vivarium . . . . . . . . . . . . . . Colomban le Vieux . . . . . . . . . . L’abjuration de Reccarède . . . . . Masona de Merida . . . . . . . . . . Augustin de Cantorbéry . . . . . . Colomban le Jeune . . . . . . . . . Isidore de Séville . . . . . . . . . . . Grégoire le Grand . . . . . . . . . . La fête de la Croix glorieuse . . . Martin Ier, Maxime le Confesseur Willibrord . . . . . . . . . . . . . . . . Boniface . . . . . . . . . . . . . . . . . Bède le Vénérable . . . . . . . . . . MARS Empereurs et moines . . . . . . . . Le sacre de Pépin le Bref . . . Les moines médecins . . . . . . Le deuxième concile de Nicée Alcuin . . . . . . . . . . . . . . . . Le concile de Francfort . . . . . La minuscule caroline . . . . . . Saint Jacques . . . . . . . . . . . Hincmar . . . . . . . . . . . . . . . Le divorce de Lothaire II . . . Nicolas Ier . . . . . . . . . . . . . . Cyrille et Méthode . . . . . . . . Jean VIII et le commerce des esclaves . . . . . . . . . . . La fondation de Cluny . . . . .
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183 187 190 195 198 201 204 207 210 213 216 219 222 225 228 231 234 238 241 245 248 252
259 260 264 267 272 275 279 282 285 288 292 295
. . . 299 . . . 302
L’évangélisation de la Pologne Adalbert de Prague . . . . . . . Le baptême de la Russie . . . . Étienne de Hongrie . . . . . . . Odilon de Cluny . . . . . . . . . Adélaïde . . . . . . . . . . . . . . . Sylvestre II . . . . . . . . . . . . . Olaf de Norvège . . . . . . . . . La Trêve de Dieu . . . . . . . . . La condamnation de Béranger de Tours . . . . . . . . . . . . . Bruno de Cologne . . . . . . . . La libération de Tolède . . . . . Saint Nicolas . . . . . . . . . . . . Pétronille de Chemillé . . . . . . Bernard de Clairvaux . . . . . . La libération de Jérusalem . . Les granges de Citeaux . . . . .
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. . . . . . . . .
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305 308 312 316 320 324 328 332 335
. . . . . . . .
. . . . . . . .
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338 341 344 347 349 352 356 360
AVRIL Croisés et universitaires . . . . . . . . Le chant grégorien . . . . . . . . . . L’ordre des Hospitaliers de Saint-Jean-de-Jérusalem . . L’abbaye de Saint-Victor . . . . . . Norbert de Xanten . . . . . . . . . . Les moines d’Occident . . . . . . . Conques . . . . . . . . . . . . . . . . . Hildegarde de Bingen . . . . . . . . Pierre le Vénérable . . . . . . . . . . Thomas Becket . . . . . . . . . . . . La licentia docendi . . . . . . . . . . Les Maronites . . . . . . . . . . . . . Richard Cœur de Lion et Saladin Jean de Matha . . . . . . . . . . . . François d’Assise . . . . . . . . . . . Dominique . . . . . . . . . . . . . . . L’université de Paris . . . . . . . . . Le quatrième concile du Latran .
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. 365 . 366 . . . . . . . . . . . . . . . .
370 373 376 379 382 386 390 392 397 399 402 405 408 413 417 420
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LE LIVRE
Louis IX . . . . . . . . . . . . . Chartres . . . . . . . . . . . . . . Guillaume de Rubrouck . . . Thomas d’Aquin . . . . . . . . Yves de Tréguier . . . . . . . . La Fête Dieu . . . . . . . . . . Le conclave de Viterbe . . . . Rabban Çauma . . . . . . . . . Le décret de Gratien . . . . . La Divine Comédie de Dante Guillaume de Machault . . . . Jean de Meulan . . . . . . . .
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MAI Papes et humanistes . . . . . . . . . . Catherine de Sienne . . . . . . . . . Le grand schisme d’Occident . . . Florent Radewijns . . . . . . . . . . Colette Boylet . . . . . . . . . . . . . Vincent Ferrier . . . . . . . . . . . . Le concile de Constance . . . . . . La Trinité d’Andrei Roublev . . . Le procès de Jeanne d’Arc . . . . Fra Angelico . . . . . . . . . . . . . . Le concile de Florence . . . . . . . De l’élection des abbés, des papes et des évêques . . . . . . . . . . . La bibliothèque vaticane . . . . . . Nicolas Rolin . . . . . . . . . . . . . L’essor de l’imprimerie . . . . . . . L’Angélus . . . . . . . . . . . . . . . . Les monts-de-piété . . . . . . . . . . L’Imitation de Jésus-Christ . . . . De la découverte de l’Amérique . La basilique Saint-Pierre . . . . . . Les douze apôtres du Mexique . . Les Quarante Heures . . . . . . . . Notre-Dame-de-Guadalupe . . . . Ignace de Loyola . . . . . . . . . . .
DES
MERVEILLES
. . . . . . . . . . . .
424 428 432 436 440 442 444 446 449 453 456 459
Thomas More . . . . . . . . . . Sublimis Deus . . . . . . . . . . Vasco de Quiroga . . . . . . . François Xavier . . . . . . . . . Jérôme de Loaisa . . . . . . . Le concile de Trente . . . . . . La controverse de Valladolid
. . . . . . . . . . .
463 464 468 472 475 477 480 484 488 493 497
. . . . . . . . . . . . .
500 504 507 511 515 518 521 524 528 530 538 540 543
. . . . . . .
547 550 553 556 560 568 572
JUIN Saints et rois . . . . . . . . . . . . . . . Thérèse d’Avila . . . . . . . . . . . . . Charles Borromée . . . . . . . . . . . Philippe Néri . . . . . . . . . . . . . . La bataille de Lépante . . . . . . . . Le rosaire . . . . . . . . . . . . . . . . . Jean de la Croix . . . . . . . . . . . . La découverte des catacombes . . . Edmond Campion . . . . . . . . . . . Matteo Ricci . . . . . . . . . . . . . . . Le calendrier grégorien . . . . . . . . Margaret Clitherow . . . . . . . . . . Camille de Lellis . . . . . . . . . . . . Le siège de Paris . . . . . . . . . . . . Robert Bellarmin . . . . . . . . . . . . Le baroque . . . . . . . . . . . . . . . . Madame Acarie . . . . . . . . . . . . . Turibe de Mogrovejo . . . . . . . . . Rose de Lima . . . . . . . . . . . . . . François de Sales . . . . . . . . . . . . Pierre Claver . . . . . . . . . . . . . . . La Congregatio de Propaganda Fide . Isidore . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Claudio Monteverdi . . . . . . . . . . Pierre de Bérulle . . . . . . . . . . . . Vincent de Paul . . . . . . . . . . . . . Les Mays de Notre-Dame . . . . . . Le vœu de Louis XIII . . . . . . . . Louise de Marillac . . . . . . . . . . . Notre-Dame-del-Pilar . . . . . . . . .
579 580 584 588 592 595 598 603 606 608 611 614 618 622 625 629 632 636 640 643 647 650 655 657 660 664 668 671 673 678
1341
. . . . . . .
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Table des matières
JUILLET Réformateurs et révolutionnaires . . . . Monsieur Olier . . . . . . . . . . . . . Polyeucte . . . . . . . . . . . . . . . . . Jean Eudes . . . . . . . . . . . . . . . . Jean de Brébeuf . . . . . . . . . . . . Blaise Pascal . . . . . . . . . . . . . . . Jean-Joseph Surin . . . . . . . . . . . L’abbé de Rancé et la réforme de la Trappe . . . . . . . . . . . . . Bossuet . . . . . . . . . . . . . . . . . . François de Laval . . . . . . . . . . . Les martyrs du Vietnam . . . . . . . Rembrandt . . . . . . . . . . . . . . . . Kateri Tekakwitha . . . . . . . . . . . Jean-Baptiste de la Salle . . . . . . . Jean Sobieski . . . . . . . . . . . . . . Marguerite-Marie Alacoque . . . . . Inès de la Cruz . . . . . . . . . . . . . Dom Mabillon . . . . . . . . . . . . . . Louis-Marie Grignion de Montfort . Le siècle d’or de l’orgue . . . . . . . Alphonse de Liguori . . . . . . . . . . Les missions jésuites du Paraguay . Jean-Sébastien Bach . . . . . . . . . Lazzaro Spallanzani . . . . . . . . . . L’abbé de l’Épée . . . . . . . . . . . . Benoît-Joseph Labre . . . . . . . . . L’Église coréenne . . . . . . . . . . . . Joseph Haydn . . . . . . . . . . . . . . Un choix déchirant . . . . . . . . . . Mademoiselle de Lamourous . . . . Le pardon de Bonchamps . . . . . .
704 708 711 715 719 722 725 729 732 735 739 744 748 752 755 759 762 765 768 771 774 777 780 783
AOÛT Missionnaires et romantiques . Les carmélites de Compiègne Clemens Brentano . . . . . . . Le Génie du christianisme . .
789 790 792 796
. . . .
. . . .
. . . .
. . . .
683 684 688 691 694 697 701
Pierre Toussaint . . . . . . . . . . . . . La conversion d’Alessandro Manzoni . . . . . . . . . . . . . . . . Élisabeth Seton . . . . . . . . . . . . . John Caroll . . . . . . . . . . . . . . . Le curé d’Ars . . . . . . . . . . . . . . Laennec . . . . . . . . . . . . . . . . . . Pauline Jaricot . . . . . . . . . . . . . Anne-Marie Javouhey . . . . . . . . Frédéric Ozanam . . . . . . . . . . . . Monsieur Dupont . . . . . . . . . . . Grégoire XVI . . . . . . . . . . . . . . Jean-Gabriel Perboyre . . . . . . . . Jeanne Jugan . . . . . . . . . . . . . . Théodore et Alphonse Ratisbonne . Monseigneur Douarre . . . . . . . . . Daniel O’Connell . . . . . . . . . . . . L’ouverture de la mission africaine . John-Henry Newman . . . . . . . . . Don Bosco . . . . . . . . . . . . . . . . Buchez et L’Atelier . . . . . . . . . . Monseigneur Affre . . . . . . . . . . . Adolphe Kolping . . . . . . . . . . . . Le dogme de l’Immaculée Conception . . . . . . . . . . . . . . De la prison de Cadillac au couvent de Béthanie . . . . . . Dominique Savio . . . . . . . . . . . . Bernadette Soubirous . . . . . . . . . Antoine Chevrier et le Prado . . . .
886 890 894 897
SEPTEMBRE Catholiques et socialistes . . . . Théophane Vénard . . . . . . . Raiffeisen . . . . . . . . . . . . . Jacques Laval . . . . . . . . . . Gregor Mendel . . . . . . . . . Franz Liszt . . . . . . . . . . . . Le père Petitjean à Nagasaki
903 904 908 911 914 918 921
1342
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800 804 808 811 815 818 822 825 829 832 836 840 844 847 850 854 858 862 866 870 874 878 882
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LE LIVRE
Baudelaire . . . . . . . . . . . . . Monseigneur Dupanloup . . . . Léon Bloy . . . . . . . . . . . . . . Monseigneur Ketteler . . . . . . Les apparitions de Pontmain . Henri Planchat . . . . . . . . . . Damien de Veuster . . . . . . . . La conversion de Verlaine . . . Dostoïevski . . . . . . . . . . . . . L’union de Fribourg . . . . . . . Katharine Drexel . . . . . . . . . Charles de Foucauld . . . . . . . Paul Claudel . . . . . . . . . . . . Les martyrs d’Ouganda . . . . . Félicie Hervieu . . . . . . . . . . L’américanisme . . . . . . . . . . Louis Pasteur . . . . . . . . . . . L’École biblique de Jérusalem Rerum novarum . . . . . . . . . Louis Boisard . . . . . . . . . . . Alfred-Simon Diban Ki-Zerbo Rose Hawthorne . . . . . . . . . Léon Harmel . . . . . . . . . . . .
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OCTOBRE Athées et miséricordieux . . . . . . . . Thérèse de Lisieux . . . . . . . . . . Le père Lamy . . . . . . . . . . . . . Mère Cabrini . . . . . . . . . . . . . . Léonie Chaptal . . . . . . . . . . . . Pie X et la communion fréquente . La séparation de l’Église et de l’État . . . . . . . . . . . . . . Mademoiselle Gahery . . . . . . . . Édouard Branly . . . . . . . . . . . . Pierre Duhem . . . . . . . . . . . . . Charles Péguy . . . . . . . . . . . . . Les curés sac au dos . . . . . . . . . Les Arméniens . . . . . . . . . . . . .
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DES
MERVEILLES
924 927 930 934 938 940 943 946 949 953 956 960 963 966 970 973 977 980 984 987 990 992 996
Anne de Guigné . . . . . . . . . . . Benoît XV et la guerre . . . . . . Le père Escrivá de Balaguer . . Les Ateliers d’art sacré . . . . . . La Légion de Marie . . . . . . . . Le Sacré-Cœur de Montmartre . Cocteau et Maritain . . . . . . . . La jeunesse ouvrière chrétienne Les cristeros . . . . . . . . . . . . . Charles Tournemire . . . . . . . . Sigrid Undset . . . . . . . . . . . . Les accords du Latran . . . . . . Pier Giorgio Frassati . . . . . . . . Le chanoine Georges Lemaître . Non abbiamo bisogno . . . . . . . Madeleine Delbrêl . . . . . . . . . La conversion de Pierre Goursat Dorothy Day . . . . . . . . . . . . .
1001 1002 1006 1010 1014 1019 1023 1028 1032 1037 1040 1043 1048
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NOVEMBRE Justes et bourreaux . . . . . . . . . . . Maurice Blondel . . . . . . . . . . . La conversion d’André Frossard . Georges Bernanos . . . . . . . . . . Académie pontificale des sciences . Zéphyrin Gimenez Malla . . . . . . Mit brennender Sorge . . . . . . . . Divini Redemptoris . . . . . . . . . Les Orphelins apprentis d’Auteil . Les premiers évêques chinois et africains . . . . . . . . . . . . . . Jules Zirnheld . . . . . . . . . . . . . Magdeleine Hutin . . . . . . . . . . Jean Plaquevent . . . . . . . . . . . Aktion T4 . . . . . . . . . . . . . . . . Honoré d’Estienne d’Orves . . . . Olivier Messiaen . . . . . . . . . . . Maximilien Kolbe . . . . . . . . . . . Édith Stein . . . . . . . . . . . . . . .
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1052 1054 1058 1061 1064 1069 1073 1077 1080 1085 1088 1092 1096 1100 1104 1106 1109 1112
1119 1120 1125 1128 1132 1137 1140 1144 1147 1151 1154 1157 1160 1165 1170 1174 1177 1180
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Table des matières
Chiara Lubich et les Focolari Les fouilles archéologiques de Saint-Pierre de Rome . . . La Rose blanche de Munich . Alfred Stanke . . . . . . . . . . Divino Afflente Spiritu . . . . Maïti Girtanner . . . . . . . . . Marie Noël . . . . . . . . . . . . Karl Leisner . . . . . . . . . . . Takashi Nagai . . . . . . . . . . Gertrud von Le Fort . . . . . . Pie XII et Israël Zolli . . . . . Mère Teresa . . . . . . . . . . .
. . . 1184 . . . . . . . . . . .
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DÉCEMBRE Témoins et visionnaires . . . . . . . . Henri Matisse et la chapelle de Vence . . . . . . . . . . . . . . . Le cardinal Wyszynski . . . . . . . Robert Schuman . . . . . . . . . . . Thomas Merton . . . . . . . . . . . . Le martyre des évêques roumains . Le dogme de l’Assomption . . . . . Maria Goretti . . . . . . . . . . . . . Jean Rodhain . . . . . . . . . . . . .
1188 1192 1197 1201 1204 1207 1210 1214 1218 1223 1226
1233 1234 1238 1242 1245 1250 1254 1257 1259
Joseph Folliet . . . . . . . . . . . . . Lubac, Balthasar, Congar . . . . . Monseigneur Ghika . . . . . . . . . La semaine de prière pour l’unité des chrétiens . . . . . . . . . . . . L’hiver 54 . . . . . . . . . . . . . . . . Frère Solanus Casey . . . . . . . . . Jacques de Bourbon Busset . . . . Le père Joseph Wresinski . . . . . Jean XXIII . . . . . . . . . . . . . . . Satoko Kitahara . . . . . . . . . . . . John Bradburne . . . . . . . . . . . Jeanne Beretta Molla . . . . . . . . Monseigneur Romero . . . . . . . . Vatican II . . . . . . . . . . . . . . . . Pacem in terris . . . . . . . . . . . . Le troisième millénaire . . . . . . .
1263 1267 1270 1273 1277 1279 1283 1287 1291 1295 1299 1302 1305 1309 1314 1318
INDEX Index des principaux noms de personne . . . . . . . . . . . . . 1321 Index thématique . . . . . . . . . . . 1327 Index des principaux décrets, bulles et encycliques . . . . . . . 1337
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Pour la première édition : © Groupe Fleurus-Mame, Paris, 1999 Édition FLEURUS Fabrication Marie-Dominique Boyer Claire Gourié Maquette Direction artistique : Fernand Percival Mise au point : Ariel Termine Mise en page IGS-Charente Photogravure à l’Isle d’Espagnac
Pour la présente édition : © Mame, Paris, 2016 15/27 rue Moussorgski, 75895 Paris Cedex 18 www.mameeditions.com ISBN : 978-2-7289-2221-5 MDS : 754 756 N1 Tous droits réservés pour tous pays.
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Iconographie de couverture : Lazaro Bastiani, Christ bénissant, détail, Musée Bonnat, © G. Dagli Orti Imprimé en mars 2016 par Lego S.p.A. (Italie) Dépôt légal : avril 2016 No d’édition : 16030
C
harpentier ou philosophe, reine ou paysan, pape ou bergère, ces hommes et ces femmes ont agi pour le bien de tous les hommes ; ils ont œuvré pour la justice, pour la paix ; ils ont affirmé la dignité de l’homme qu’il soit démuni, malade ou même criminel. Ils ont bâti des empires, les plus grandes œuvres d’art sont sorties de leurs mains, ils ont marqué l’histoire de la pensée ou contribué au progrès de la science.
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ertains sont des grands saints – Augustin, François d’Assise, Thérèse de Lisieux –, certains sont des grands missionnaires, des géants de la charité, des grands mystiques ou d’éminents scientifiques. D’autres appartiennent à cette nuée de témoins méconnus – Satoko Kitahara, la petite chiffonnière japonaise, Alfred Diban Ki-Zerbo, le premier catéchiste du Burkina-Faso. Ils sont originaires de la Vieille Europe, du Nouveau Monde, des coins les plus reculés de l’Asie et de l’Afrique, ou des confins de l’Amérique latine. Une rencontre les unit : Dieu a croisé leur route et leur destin a basculé. Humbles ou célèbres, ils ont tout risqué, même leur vie, et le monde en a été changé.
C
e livre est une épopée, celle de la passion, de la générosité, de l’intelligence, de la tendresse, du pardon, de l’humanité en marche vers son avenir. Depuis 2000 ans, à travers toutes ces vies, tous ces événements, c’est une autre histoire qui s’écrit, celle de Dieu à l’œuvre dans le monde, c’est l’histoire du salut.
34,90 € TTC France www.mameeditions.com