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Les folles
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de la famille
SAINT-ARTHUR
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POURVU QUE ÇA
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DURE !
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Illustrations : Ariane Delrieu
Paul Beaupère
Chapitre 1
Un début génial et logique !
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Où Alex revient de l’école avec une question superintéressante, mais qui n’est pas de lui. Où Charlotte revient de l’école avec la tête plongée dans un livre. Où, grâce à Alex, on met un pied dans le passé, où l’on passe pas mal de temps sur le bureau de papa et où on se rend compte qu’il y a des arbres qui poussent à l’envers !
Le vendredi vers cinq heures, quand retentit la sonnerie du collège qui annonce le week-end, c’est sans doute l’un des meilleurs moments de toute la vie.
Avec mes copines Lou, Myrtille et Lucille, nous sortons du collège bras dessus bras dessous, triomphantes comme un
Les folles Aventures de la famille Saint-Arthur
Napoléon qui aurait gagné la médaille d’or du plus beau
chapeau aux JO ! Le monde nous appartient !
– Eh, m’attendez pas surtout !
Et paf, en une phrase, Alex réussit à tuer la magie de l’instant. Mon frère est un boulet, une catastrophe à capuche, un idiot avec qui je partage des parents. Le vrai problème avec lui tient en un seul mot et en six lettres ; c’est un garçon ! (À la maison je l’aime bien, mais à la sortie du collège… je le fuis !)
– Salut, les filles, c’est sympa de m’attendre. Dis donc, Myrtille, il est pas un peu trop grand pour toi ton pull ? Eh, qu’est-ce que tu as fait à tes cheveux, Lucille ? C’est un brontosaure qui t’a coiffée ? J’adore tes boucles d’oreilles, Lou, à la campagne l’été dernier, j’ai vu une vache qu’avait les mêmes !
Et voilà, c’est ce que je vous disais, mon frère est une enclume, un cataclysme en baskets, un chien dans un jeu de quilles, une météorite dans un élevage de dinosaures, un éléphant dans un magasin de porcelaine… Un garçon !
– Salut, Brune, on te laisse avec le génie ! lâchent mes copines en riant juste avant de monter dans leur bus.
– Eh, elles sont super, tes amies, elles m’ont traité de génie ! s’exclame Alex qui décidément ne comprend rien à rien.
Les folles Aventures de la famille Saint-Arthur
Quand nous arrivons à la maison, le goûter bat son plein.
Le pain grille, le beurre fond et la confiture coule ; il y a même de la pâte aux noisettes, celle qui est si bonne et pourtant si mauvaise et que maman achète super-rarement.
Aude et Basile font un concours de gobage de tartines, ils ont du chocolat jusque sur le bout du nez et ricanent comme ils savent si bien le faire. Papa, téléphone coincé sous une oreille, épaule remontée comme un pantin détraqué, tente d’expliquer un projet à une éditrice tout en essuyant un museau chocolaté, tandis que, dans le salon, maman finit sa journée de télétravail.
Il commence bien, ce week-end.
Assise au milieu de ce joyeux désordre, imperturbable, Charlotte est, comme d’habitude, plongée dans un livre.
– Ça va ? je lui demande.
– Hon hon ! répond-elle sans me regarder.
– Ben moi, ça va plutôt bien, lance Alex qui s’installe au même moment et squatte la cuillère de la pâte aux noisettes comme si sa vie en dépendait. La maîtresse nous a donné un super-devoir !
Alors, immédiatement, ouvrant son cahier de textes au milieu des miettes et dans une belle flaque de confiture de framboise, il lit : « Pour lundi, préparer un exposé sur ses
Les folles Aventures de la famille Saint-Arthur ancêtres et ce que l’on sait d’eux. Il est recommandé, pour ceux qui le peuvent, de demander de l’aide à ses parents et à ses grands-parents. Les volontaires pourront passer au tableau. »
– Résultat, j’ai une question de fond : qui sont mes ancêtres, d’où viens-je, où vais-je, qui suis-je ? C’est top, non ? trompette Alex.
– Ce qui nous fait quand même quatre questions ! je fais remarquer au passage.
– Tu les connais, tes ancêtres ? s’amuse Charlotte en baissant son livre. Qu’est-ce que tu vas bien pouvoir raconter ? Et elle quitte la cuisine en ricanant.
– C’est super ! dit papa qui vient de raccrocher. Ce weekend, nous allons devenir généalogistes !
Le lendemain, après le petit-déjeuner, papa nous propose de monter dans son bureau. Alex et moi, on accourt, mais Charlotte reste dans sa chambre, elle a « un livre à finir ».
L’atelier de papa est tout en haut dans la maison, au second étage, à côté du grenier, là où habitent les araignées. Entrer dans le bureau de papa, c’est un peu comme pénétrer dans son cerveau : la table et les murs sont couverts de papiers, il y en a avec un gribouillage, un croquis, avec une liste de mots,
Les folles Aventures de la famille Saint-Arthur avec le plan d’un chapitre ou celui d’un lieu où se déroule un roman. Tout ça est parfaitement mélangé, dans un désordre rare, comme entre ses oreilles.
Alors après avoir fait un peu de place sur la table, il prend une grande feuille sur laquelle il dessine un arbre.
– Vous, vous êtes là ! nous dit-il en désignant le tronc épais qui sort de l’herbe. Puis, dessus, il écrit Brune, Alex, Charlotte, Aude, Basile. Et nous, nous sommes là, dit-il en montrant deux grosses branches qui partent du tronc, avant d’ajouter son nom sur l’une et celui de maman sur l’autre. Au-dessus il y a vos grands-parents, puis vos arrière-grandsparents, puis vos arrières-arrière-grands-parents, et ainsi de suite.
– Et on peut remonter jusqu’où comme ça ? demande Alex. – Jusqu’où, je ne sais pas, répond papa en souriant. La vraie question est : jusqu’à quand ? Un arbre généalogique, c’est un voyage dans le temps.
– C’est quand même un arbre étrange, je fais à papa, il pousse à l’envers. Dans la nature, c’est le tronc qui est le plus vieux, mais ici, c’est ce qui est le plus jeune… C’est bizarre, non ?
Les
folles Aventures de la famille Saint-Arthur
Résultat, on passe presque toute la journée à mettre des noms sur les branches de l’arbre. Au début c’est facile, les grands-parents, on les connaît. Pour les arrière-grandsparents, on a une vague idée, mais les arrières arrière, alors là…
– C’est des hommes préhistoriques ! grogne Alex.
– Pas tant que ça, répond papa, ils sont nés vers 1900. Ce n’est pas si vieux.
Le soir au dîner, avec Alex, on s’interroge sur la possibilité d’avoir un roi et un voleur comme ancêtres.
– Pourquoi pas un singe ? propose Charlotte. Si c’est pour grimper dans les arbres, voilà un ancêtre qui te sera utile !
Et elle replonge dans son livre. Elle sait très bien que les parents détestent quand elle lit à table, mais elle ne déteste pas faire râler ses ancêtres de temps en temps.
Trombinoscope ! Chapitre 2
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Où il convient de prendre un crayon et une feuille pour tracer l’arbre qui vous permettra de suivre cette histoire. (Attention, ceux qui connaissent déjà la famille Saint-Arthur ont le droit de lire.) Où, pour ceux qui débarquent, nous allons essayer de comprendre qui est qui, qui fait quoi, qui est qui pour qui, qui est qui par rapport à qui, qui est le fils de qui, la fille de qui et le frère ou la sœur de qui ! Où l’on se dit que Adam et Ève ne se rendaient pas compte de la chance qu’ils avaient : leur arbre à eux était super-facile à faire. Il aurait tenu sur un timbre-poste, même si la poste, ça n’existait pas, et les timbres non plus, mais ça, c’est une autre histoire.
Les folles Aventures de la famille Saint-Arthur
Je vais donc faire les présentations pour ceux qui ne nous connaissent pas, nous, la famille Saint-Arthur. Celle qui vous raconte cette histoire, c’est moi, Brune : je suis en cinquième, je file vers mes treize ans, j’ai des cheveux longs et les mêmes couettes depuis dix ans, et mon nom est tout en bas, sur le tronc de l’arbre qu’on dessine avec papa. Je ne suis pas toute seule sur ce tronc. Avec moi, il y a Alex, en CM2, mon frère, mon calvaire et mon copain, ma plaie et mon pote… Il est… il est surtout très… et de temps en temps, il est parfaitement… C’est difficile à dire ce qu’est Alex. Il y a des moments où je l’aime et y en a d’autres où je le déteste, mais il paraît que c’est normal. En vrai, c’est ce que disent toutes mes copines qui ont des frères. Après Alex, qui pour de vrai s’appelle Alexandre, il y a Charlotte. Elle est en CE2, elle est plutôt rigolote et rapide, mais en ce moment elle est surtout perdue dans ses livres. Elle a presque tout lu et sait presque tout ce que vous ne savez pas. Après sont arrivés les jumeaux, Aude et Basile. Ils ont un peu plus de deux ans et ils sont de plus en plus énervants, car ils rigolent tout le temps en regardant les autres. Ils disent des trucs que personne ne comprend, sauf eux. Au-dessus de nous, dans l’arbre, il y a papa et maman. Papa, branche de gauche, c’est Nicolas, il n’est pas vieux mais il commence à perdre ses cheveux et il est plutôt grand. Son
Les folles Aventures de la famille Saint-Arthur métier, c’est de dessiner et d’écrire des livres. De l’autre côté, à droite, il y a maman, Juliette. Elle est super-élégante et toujours classe, elle travaille dans une banque où elle fait des tas de trucs savants avec des chiffres plus longs que des poésies de Victor Hugo.
Dans les branches au-dessus de papa et maman, il y a les grands-parents : Guy et Huberte pour papa, Bernard et Jacqueline pour maman, mais notre grand-mère, on ne l’a jamais connue, elle est morte avant notre naissance. Au-dessus de ceux-là, il y a des tas de branches à remplir. Dans les pages qui suivent, on va surtout s’intéresser aux branches qui montent très haut, celles qui se perdent dans la nuit des temps, celles qui vont chatouiller les siècles oubliés, quand les voitures étaient à cheval et que même les photos en noir et blanc n’existaient pas ; les temps juste après les dinosaures.
Allez, en route pour le passé et, qui sait, peut-être aussi pour une petite promenade à la recherche de notre histoire.
Chapitre 3
Unejournée à se promener dans les branches
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Où l’on a une surprise au déjeuner, où la surprise a elle aussi une surprise pour nous après le déjeuner, où l’on découvre que les arbres généalogiques ont tendance à avoir la bougeotte. Où l’on ne voit pas le temps passer et où pourtant on passe tout son temps à voyager dans le temps. Où on commence à creuser et où à la fin, ça ne fait que commencer !
Le dimanche midi, papa et maman nous ont réservé une surprise : les parents de papa viennent déjeuner. Cela faisait longtemps qu’on n’avait pas vu grand-père et grand-mère,
Les folles Aventures de la famille Saint-Arthur
Guy et Huberte, alors on se jette sur eux et on s’embrasse pendant des siècles.
Papa et grand-père débouchent une bouteille, maman sort le rôti du four, Alex et moi on met le couvert, grand-mère fait déjeuner les petits, mais Charlotte, elle, elle ne fiche rien, elle a filé dans sa chambre pour finir son dernier bouquin !
– Dis-moi, Alex, il paraît que tu as un devoir intéressant à faire pour demain, demande grand-père un peu plus tard en sortant de table. On m’a parlé d’arbre et d’ancêtres. Est-ce bien vrai ? Oui ? Alors viens avec moi, je crois que j’ai deux ou trois choses qui pourraient t’intéresser.
Deux minutes plus tard, Alex et grand-père reviennent dans le salon avec tout un tas de cartons que grand-père avait dans le coffre de sa voiture.
– C’est quoi ? je demande.
– Un trésor ! déclare grand-père. Ça, ma petite fille, c’est une bonne partie de ton histoire génétique. À première vue mes gènes sont super-poussiéreux.
– Mais… qu’est-ce que c’est que tous ces trucs ? s’étonne Alex en vidant les cartons. Je ne suis pas à la recherche de momies ou d’os de dinosaures !
Les folles Aventures de la famille Saint-Arthur
– Ces trucs, comme tu le dis si bien, ce sont des albums de photos de tes ancêtres et un paquet de lettres toutes plus passionnantes les unes que les autres, répond grand-mère. Et tu as de la chance, car ton grand-père est un généalogiste distingué, alors tout est rangé, trié, classé, répertorié, inventorié et même numérisé pour les générations futures !
– Ah ! ben voilà une bonne nouvelle, s’enthousiasme mon frère, allons direct fouiller dans les archives du net ! Papa, tu peux me prêter ton téléphone ? Grand-père, tu peux me donner l’adresse du site où tu as déposé toutes les infos ?
– Non ! dit grand-père en souriant. Tu vas chercher là-dedans ! Et je vais t’aider.
– Pff ! Je n’ai vraiment pas de chance, je suis le seul de la classe à être né chez des parents vivant encore au Moyen Âge.
– Cherche ! répond papa en riant. Cherche !
Alex ouvre alors les différents albums, s’étonne, s’exclame et prend des notes avec sérieux et application. Grâce à grandpère, en fin d’après-midi il a une collection d’ancêtres formidables.
Il y a quelques paysans, un soldat ou deux, un marin, un pêcheur parti très loin chercher des morues, un charron qui réparait les charrettes, un maréchal qui n’était pas du tout militaire et ferrait les chevaux, et un docteur qui était un peu
Les folles Aventures de la famille Saint-Arthur vétérinaire. Dans la collection, il y a aussi une infirmière, une religieuse, il y a un postier, un vigneron, un fabricant de tonneaux et un charpentier, une danseuse, une chanteuse d’opéra, une serveuse dans un hôtel de luxe et sur un paquebot, et une boulangère.
– Formidable, non ? s’extasie grand-père.
Cependant Alex semble déçu, il trouve tout ça un peu plat et pas très romanesque.
– Bon, j’accepte qu’il n’y ait pas de roi dans mes ancêtres. OK, mais au moins un chevalier qui aurait gagné une grande bataille ? Non ? Ça, on n’a pas non plus ? Ou un inventeur qui aurait changé un peu la face du monde en découvrant le gruyère râpé ou le ketchup ? Non, on n’a pas non plus… C’est super, mais ce n’est pas avec un fabricant de briques que je vais impressionner mes amis. Va falloir que je retravaille le scénario. Et puis, il y a un truc qu’on n’a pas cherché, c’est pourquoi on s’appelle Saint-Arthur ? Il vient d’où, notre nom ? Tu le sais, toi, grand-père ?
Assise dans le canapé entre grand-mère et maman qui papotent, Charlotte est plongée dans une histoire de fromage qui vole ! Depuis notre petit voyage en Bretagne chez papy, elle s’est passionnée pour les romans policiers, qu’elle dévore
Les folles Aventures de la famille Saint-Arthur
les uns après les autres1. Elle a déjà avalé Arsène Lupin, Gaston Leroux, Boileau-Narcejac, et elle est en train de terminer Arrou Vignod.
Et là, tout à coup, elle pose son livre et déclare :
– Facile. Si on s’appelle saint-Arthur, c’est parce qu’on est de la famille de Saint Arthur et que du coup, ben on a son nom.
– Ah ouais, raille Alex, et donc mon copain qui s’appelle
Legrand il descend d’un géant ?
– Pas impossible, réplique Charlotte, mais pas automatique, sinon, toi, tu devrais être baptisé Alex Nouille ou Alex Minus.
Et Charlotte replonge dans son livre sans entendre que papa doute un peu que l’on puisse descendre d’un religieux mort décapité.
– Quand t’es décapité, tu ne peux pas avoir d’enfant ? demande Alex, perplexe.
Je ricane.
– Mais non, Alex Nouille, c’est quand t’es religieux que tu ne peux pas avoir d’enfant !
– De temps en temps je me dis qu’il y a des trucs à parfaire dans ton éducation, soupire maman.
1. Voir tome 12, Enquête sous couverture.
Les folles Aventures de la famille Saint-Arthur
– On devrait peut-être tout reprendre depuis le début ? s’amuse papa.
– Ou alors le rapporter au magasin et demander un échange standard pour non-fonctionnement ? propose Charlotte qui a relevé la tête. Ça a super-bien fonctionné pour le grille-pain, celui qu’ils vous ont donné en échange est vachement mieux.
Alex hausse les épaules avec dédain et, moitié ravi moitié grognant, se lève pour aller « retravailler le scénario ».
– Demain à l’école, faudra que ça pète, j’ai besoin d’ancêtres qui déménagent ; des aïeux de première catégorie !
– Tu ne vas quand même pas t’inventer des ancêtres ? s’amuse grand-mère.
– Inventer, moi ? Non, jamais ! Je ne vais pas tricher, je vais juste arranger un peu. C’est comme en cuisine, faut savoir présenter le plat !
Et Alex disparaît dans l’escalier, pressé d’aller écrire l’histoire fantastique de ses ancêtres.
– Charlotte n’a pas complètement tort, dit grand-père tout à coup plus sérieux. Quand j’étais enfant, mon grand-père, qui était déjà très âgé, et qui tenait le récit de son propre grand-père qui lui-même tenait l’histoire d’un grand-oncle qui était né à l’époque de Napoléon et qui avait bien connu son arrière-grand-père qui était né alors que Louis XVI
Les folles Aventures de la famille Saint-Arthur
régnait, mon grand-père, donc, me racontait une histoire qui donne peut-être raison à ce que dit Charlotte. Je vais essayer de m’en souvenir…
Aussitôt, je tends l’oreille, et même Charlotte, car quand grand-père raconte des histoires, c’est toujours chouette !
Chapitre 4
Il
était une fois…
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Où l’on voyage, où l’on écoute, où l’on croise de bien étranges personnes, où l’on se dit qu’il est plus simple d’être Saint-Arthur aujourd’hui que saint Arthur hier, et où on se demande si les histoires que les grands-pères racontent aux petits-enfants des petits-enfants de leurs petits-enfants sont bien des histoires pour enfants…
– Il y a fort longtemps, commence grand-père, dans l’Angleterre du xvie siècle, vivait un moine bénédictin nommé Arthur. Il habitait l’abbaye de Glastonbury. Le roi d’Angleterre de l’époque, Henri VIII, avait la mauvaise habitude de changer de femme très souvent. Au total il en eut six. Il en fit
Les folles Aventures de la famille Saint-Arthur même décapiter deux. Le pape, qui n’était pas tout à fait d’accord avec cette sinistre habitude, en fit le reproche au souverain qui – sans doute était-il un peu susceptible – décida de tourner le dos à Rome. À l’abbaye de Glastonbury, on était catholique, et on apprécia fort peu que le royaume se sépare de Rome. Alors, pour faire taire ces moines qui grognaient, Henri exigea qu’une partie de la communauté soit pendue et l’autre brûlée. C’est ainsi qu’en 1539, Arthur fut martyrisé et qu’il partit en fumée. C’est là que commence la légende familiale. On raconte que la nuit qui suivit son exécution, un homme du village serait allé sur le bûcher du saint pour récupérer des cendres encore chaudes. Il les aurait mises dans un coffret qui, dès lors, fut considéré comme un trésor, une véritable relique.
– C’est vrai ou ce sont des histoires ? je demande.
– Cet homme, continue grand-père sans me répondre, était pourchassé par les soldats du roi, alors il se cachait le jour, mais la nuit, il allait de maison en maison porter les cendres de celui qu’il appelait « son saint ». Assez rapidement, quand le soir il toquait aux portes, on prit l’habitude de dire « Voilà saint Arthur ». Au bout d’un moment, les soldats du roi perdirent patience et mirent à prix la tête du pauvre homme, qui ne dut son salut qu’à sa fuite. Arrivé à la mer, il
Les folles Aventures de la famille Saint-Arthur trouva une barque qui l’attendait sur le rivage, monta à son bord et les vents le portèrent jusqu’aux côtes de France. Il s’installa en Normandie. Au début il continua à promener son saint un peu partout, et c’est ainsi qu’on commença là aussi à l’appeler Saint-Arthur. Puis un jour il rencontra une belle, se maria, eut toute une collection de petits Saint-Arthur dont vous êtes les derniers descendants.
– Et le coffret, les cendres… C’est où, tout ça ?
– On raconte – mais tu sais, dans les familles, on raconte beaucoup de choses, et toutes ne sont pas forcément vraies –que, devenu très vieux, le premier Saint-Arthur aurait fait promettre à l’un de ses petits-fils de retourner à Glastonbury pour y enterrer le coffret sur le Glastonbury Tor, la colline où avait été martyrisé le moine.
– Et alors ? demande Charlotte qui depuis un moment a abandonné son livre. Il l’a fait ?
– Certains disent que oui, d’autres disent que non. Mais on raconte aussi que, lors des nuits de pleine lune, sur la colline où eut lieu l’exécution, on peut voir des ombres se promener avec des pelles et creuser un peu partout. On dit que ces ombres seraient à la recherche d’un coffret de bois. Au passage, je dois préciser pour la défense d’Alex que le moine n’a pas été décapité, mais pendu. Et je suis aussi au regret
Les folles Aventures de la famille Saint-Arthur d’annoncer qu’il n’est pas saint, mais juste bienheureux, ce qui est un peu moins bien, mais qui reste respectable.
– Dis, grand-père, elle est vraie cette légende ? lance Alex qui était redescendu écouter grand-père. Parce que pour mon exposé de demain, le coup du coffret, c’est quand même autre chose que la reine des boulangères ou le docteur champion des angines.
– Elle est peut-être vraie, elle est peut-être fausse, s’amuse grand-mère, c’est à toi de voir et de choisir.
– Alors là c’est tout vu ! et Alex remonte dans son antre pour rédiger une vie de ses ancêtres à laquelle il a envie de croire.
La fin de la journée est plus calme. Au dîner, on grignote les restes du déjeuner, et j’aime ça. Dans la maison, chacun fait ce qu’il peut pour prolonger au maximum ce dimanche qui se termine, et j’aime ça. Et puis nos grands-parents s’en vont, les parents me demandent si j’ai bien fini mes devoirs, et je n’aime pas trop ça. Je monte expédier un exo de math, et je n’aime vraiment pas ça. Je me brosse les dents, et ça ne me dérange pas trop, avant de me coucher et de rêver à demain. Je n’aimerais pas trop demain s’il n’y avait que l’école, mais demain je retrouve les copines, alors… alors le lundi matin, j’aime bien ça… quand même.
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