Contes de Grimm

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JACOB ET WILHELM GRIMM

BLANCHE-NEIGE, RAIPONCE ET AUTRES CONTES CHOISIS

Traduits par Blanche Hinterlang

• Illustrés par Bethany Stancliffe

Préface

C’est vers 1807 que les deux frères Jacob (1785-1863) et  Wilhelm (1786-1859) Grimm commencent à collecter des contes populaires allemands. Ils y travailleront pendant une cinquantaine d’années, ce qui donnera naissance à plus de deux cent vingt contes et dix légendes pour enfants. Ces Contes de l’enfance et du foyer, dont est proposée ici une sélection, connaissent un tel succès qu’ils s’imposent comme le modèle du conte : « Un conte est un récit ou une histoire à la façon de ceux compilés par les frères Grimm dans leurs Kinder- und Hausmärchen », écrit en 1930 le critique André Jolles.

Les deux frères ne cherchent pas initialement à écrire un livre pour enfants, leur projet est avant tout de nature philologique et patriotique : à une époque où l’Allemagne est morcelée en une multitude d’États différents, et partiellement soumise à l’autorité de Napoléon Bonaparte, et où la narration orale perd du terrain

face à l’écrit, ils souhaitent sauver de l’oubli progressif qui les menace des récits « populaires », des histoires recueillies de la bouche du peuple dans les campagnes, et dont la simple poésie saurait exprimer l’âme du peuple allemand.

Cette origine prétendument « populaire » des contes et la grande fidélité aux sources orales que revendiquent les Grimm ne sont que partiellement véridiques. Les deux frères n’ont pas battu la campagne pour recueillir des histoires, mais ont fait venir à eux textes, conteurs et conteuses � Beaucoup étaient en réalité des jeunes filles et jeunes femmes d’origine bourgeoise et huguenote, dont les familles avaient fui la France après l’interdiction du culte protestant en France par Louis XIV en 1685 – l’une d’elles, Henriette Dorothea Wild, source entre autres de « Dame Holle », « Les six frères cygnes » et « Rumpelstiltskin », épousera Wilhelm Grimm en 1825 � Ces conteuses parlaient français et connaissaient parfaitement les contes de Perrault, dont l’influence se fait sentir dans un certain nombre des textes du recueil, comme « Le petit chaperon rouge » (bien que l’héroïne des frères Grimm connaisse une fin plus heureuse que celle de Perrault, qui, elle, n’est pas ramenée à la vie après s’être fait dévorer par le loup).

Le premier tome des Kinder- und Hausmärchen paraît en 1812, le second en 1815. Mais les deux frères n’en restent pas là, et ne cessent (Wilhelm en particulier) de les retravailler jusqu’aux dernières éditions de 1857-1858, supprimant certains contes où l’influence française se fait trop ressentir (« Le chat botté » et

« Barbe-bleue », par exemple), fusionnant plusieurs versions d’un même conte, polissant le style. S’adaptant au public effectif de leurs contes, ils modifient également certains passages considérés comme trop immoraux pour les enfants. Ainsi, dans la première version de « Raiponce » de 1812, l’héroïne, après avoir reçu un certain nombre de visites secrètes du prince, dit un jour naïvement à la Mère Gothel : « Dites-moi donc, Mère Gothel, mes petits vêtements me deviennent trop étroits et ne veulent plus m’aller. »

Dès la deuxième édition, cette remarque est changée pour la plus acceptable : « Dites-moi donc, Mère Gothel, vous m’êtes plus difficile à hisser que le jeune roi. » Disparue l’allusion à la grossesse de l’héroïne, la morale est sauve – même si Raiponce nous apparaît alors bien étourdie !

C’est sur l’ultime version remaniée de 1857 qu’a travaillé Blanche Hinterlang pour traduire les onze textes proposés ici, qui comptent parmi les plus célèbres des Grimm et sauront séduire les plus grands comme les plus petits �

Le lou p et les sept chevreaux

Il était  une fois une vieille chèvre qui avait sept chevreaux.

Elle les aimait, aussi tendrement qu’une mère peut aimer ses  enfants. Un jour qu’elle voulut s’aventurer dans la forêt afin d’y  chercher de la nourriture, elle appela ses petits auprès d’elle et leur  dit : « Mes chers enfants, il me faut partir dans les bois. Quant à  vous, gardez-vous du loup, car s’il parvenait à entrer, il ne ferait  qu’une bouchée de vous. Sachez que ce vilain loup se déguise souvent,  mais à sa grosse voix et à ses pattes noires, vous le reconnaîtrez  facilement. » Les chevreaux lui répondirent : « Chère Maman, nous  ferons bien attention, vous pouvez partir sans crainte. » Avec un  dernier bêlement pour ses petits, la vieille chèvre se mit en route.

Elle n’était pas partie depuis longtemps quand on frappa à  la porte. Une voix se fit entendre : « Ouvrez-moi, chers enfants !  Votre mère est rentrée, son panier débordant de victuailles ! »

LE LOUP ET LES SEPT CHEVREAUX

Au son de cette voix rauque, les chevreaux reconnurent le loup.  « Non, nous ne t’ouvrirons pas, répondirent-ils, car tu n’es pas  notre mère. Sa voix est douce et aimante alors que toi, avec ta voix  rauque, tu n’es autre que le loup ! »

Alors, le loup s’en fut chez l’épicier et lui acheta un gros morceau  de craie qu’il engloutit pour adoucir sa voix. Puis de nouveau, il  se rendit chez les chevreaux et frappa à la porte. « Ouvrez-moi,  chers enfants ! Votre mère est rentrée, son panier débordant de  victuailles ! » Mais le loup avait posé sa patte noire sur le rebord  de la fenêtre et les enfants la virent et lui répondirent : « Non,  nous ne t’ouvrirons pas, car notre mère n�a pas de patte noire :

c’est encore toi, le loup ! »

Alors, le loup s’en fut chez le boulanger et lui dit : « Je me suis  cogné le pied, étale-moi donc de la pâte. » Quand le boulanger lui  eut badigeonné la patte, il courut chez le meunier et lui ordonna : « Mets de la farine blanche sur ma patte� » Le meunier pensa : « Voilà que le loup prépare une mauvaise farce », et il voulut refuser,  mais le loup le menaça : « Si tu ne m’obéis pas, je te mangerai. »

Tremblant de peur, le pauvre meunier lui blanchit la patte avec  de la farine… car ainsi sont les hommes�

Pour la troisième fois, le gredin se rendit chez les chevreaux,  frappa à leur porte et dit : « Ouvrez-moi, chers enfants ! Votre mère  est rentrée, son panier débordant de victuailles ! » Les  chevreaux lui répondirent : « Montre-nous  d’abord ta patte et nous verrons si tu  es vraiment notre mère. »

LE LOUP ET LES SEPT CHEVREAUX

Le loup posa sa patte devant la fenêtre. Quand les chevreaux  la virent toute blanche, ils crurent ce qu�il leur avait dit et lui  ouvrirent grand la porte. Mais c�était le loup ! Il se précipita  dans la maison. Pris de peur, les chevreaux coururent se cacher !

Le premier se réfugia sous la table, le deuxième dans le lit, le  troisième se cacha dans le four, le quatrième dans la cuisine, le  cinquième dans l’armoire, le sixième sous l’évier, tandis que le  septième s’enferma dans la pendule. Mais le loup les trouva tous  et vite, vite, sans perdre de temps, il les avala l’un après l’autre.

Seulement, il ne vit pas le septième chevreau qui s’était réfugié  dans la pendule. Quand le loup eut apaisé sa faim, il se traîna  lourdement dehors, se coucha sous un arbre dans la verte prairie  et là, il s’endormit.

LE LOUP ET LES SEPT CHEVREAUX

Peu après, la vieille chèvre s’en revint des bois. Pauvre chèvre,  quel terrible spectacle ne découvrit-elle pas ! La porte était grande  ouverte : la table, les chaises et les bancs étaient renversés, l’évier  en mille morceaux, le lit défait et les coussins à terre� Elle se mit à fouiller la maison à la recherche de ses enfants, mais ne les trouva  pas� Elle les appela tous par leur prénom, mais pas un ne répondit�

Quand, enfin, vint le tour du plus jeune, elle entendit une frêle  petite voix lui répondre : « Oh, Maman chérie, je me suis caché  dans la pendule. » La chèvre alla délivrer son chevreau et alors il  put lui conter toute l’histoire : le loup était venu et avait dévoré  tous les autres chevreaux. La chèvre pleura amèrement ses pauvres  enfants… Tout en se lamentant, elle sortit de la maison, le plus jeune chevreau trottinant derrière elle. Quand elle arriva dans la

prairie, elle vit le loup couché à l’ombre des  arbres. Il ronflait si fort que les branchages de  la forêt tremblaient. Elle l�observa sous toutes  les coutures et s’aperçut alors que quelque chose  semblait bouger dans son ventre… « Mon Dieu !  se dit la chèvre, se pourrait-il que mes pauvres  petits soient encore en vie ? Le loup les a  donc avalés tout rond… »

Le tout jeune chevreau courut à  la maison chercher pour sa maman des ciseaux, une aiguille et du fil� Avec les ciseaux, la chèvre ouvrit  le ventre de la bête : l’ouverture  n’était pas encore bien large que  déjà un premier

chevreau sortit la tête ! Comme elle  continuait à couper, voici que ses six  petits sautèrent l’un après l’autre, bien  vivants : quelle joie ! Dans sa précipitation,  le monstre trop avide les avait engloutis  sans leur faire le moindre mal�

Les six chevreaux embrassèrent leur chère  maman et bondirent de bonheur comme un tailleur le jour de ses noces. Mais la vieille chèvre leur dit :  « Allez vite me chercher des grosses pierres et profitons  de la sieste de ce gredin pour lui remplir à nouveau le  ventre. » Les sept chevreaux se hâtèrent d’obéir et, ayant  rapporté autant de pierres que possible, ils remplirent  le ventre de la bête. La vieille chèvre recousit la peau  à toute vitesse, si finement, si prestement que le loup  ne se rendit compte de rien�

Quand enfin le loup sortit de son profond  sommeil, il tenta de se lever. Mais les pierres dans son  estomac lui donnaient terriblement soif, il voulut se  rendre au puits. À peine eut-il fait quelques pas  qu�on entendit le grondement des pierres qui  s�entrechoquaient dans son ventre.

Il s’écria alors :

LE LOUP ET LES SEPT CHEVREAUX

« Qu’est-ce qui gronde et roule ainsi Dans mon pauvre estomac meurtri ?

Ce ne sont pas six chevreaux tout doux : Ils sont plus lourds que des cailloux ! »

Arrivé au bord de la fontaine, le loup se pencha pour s’y  abreuver mais, alourdi par le poids des pierres, il roula, tomba dans  l’eau et s’y noya. Quand les sept chevreaux virent cela, ils sortirent  de leur cachette en s’écriant : « Le loup est mort, le loup est mort ! »  et avec leur mère, ils se mirent à danser de joie autour du puits.

Raiponc e

Il éta it une fois un mari et sa femme qui désiraient depuis  bien longtemps avoir un enfant. Un jour enfin, la femme  eut bon espoir de voir son vœu exaucé par le Bon Dieu. À l’arrière  de leur maison, il y avait une petite fenêtre d’où l’on pouvait voir  un magnifique jardin rempli des plus belles fleurs et des plus  fines herbes. Mais il était clôturé d’un haut mur et nul n’osait s’y  aventurer, car il appartenait à une magicienne dotée de grands  pouvoirs et crainte de tous.

Un jour, la femme était à sa fenêtre et contemplait le jardin où  elle aperçut un parterre où poussaient de merveilleuses raiponces.  Elles avaient l’air si fraîches, si vertes, que la femme les regarda avec  convoitise et eut grand désir d’en manger. Plus les jours passaient,  et plus son désir grandissait. Mais sachant qu’elle n’avait pas le

RAIPONCE

droit d’en manger, elle dépérit et eût l�air pâle et misérable. Son  mari, inquiet, lui demanda alors :

« Ma chère épouse, qu’as-tu donc ?

―  Ah, soupira la femme, si je ne peux manger les raiponces  qui poussent dans le jardin derrière notre maison, j’en mourrai. »

L’homme, qui aimait tendrement sa femme, se dit : « Tu  ne peux pas laisser mourir ta femme� Va donc lui chercher des raiponces, peu importe le prix à payer� »

Quand le crépuscule fut venu, l’homme escalada le mur et  pénétra dans le jardin de la magicienne. Il s’empressa de voler une  pleine poignée de raiponces qu’il ramena à sa femme. Aussitôt,  elle s’en fit une salade et la mangea avec avidité. Elles étaient si  bonnes, si savoureuses, que le lendemain même, elle ressentit  un désir plus vif encore d’en manger à nouveau. Pour qu’elle  puisse éprouver quelque répit, son mari dut retourner dans  le jardin. De nouveau, au crépuscule, l’homme escalada le  mur : mais une fois dans le jardin, il fut saisi d’effroi, car  la magicienne se tenait devant lui ! Furieuse, celle-ci lui  dit : « Comment oses-tu pénétrer dans mon jardin tel un voleur pour y cueillir mes raiponces ? Tu vas voir  ce qu’il va t’en coûter !

―  Ah, je n’implore pas votre justice, mais  votre clémence, supplia l’homme, je me suis

résolu à voler les raiponces par grande nécessité : ma femme les a  vues depuis notre fenêtre et en ressent une telle envie qu’elle en  mourrait, si elle ne pouvait en manger. »

La colère de la magicienne se calma un peu et elle lui dit : « Eh  bien, si tu dis vrai, je te permets d’emporter autant de raiponces  que tu le souhaites, mais à une seule condition : tu me donneras  l’enfant que ta femme mettra au monde. Je ne lui ferai pas de mal  et en prendrai soin, comme si j’étais sa propre mère. »

L’homme était si effrayé qu’il accepta le marché et, dès que sa  femme fut en couches, la sorcière se présenta chez lui. Elle nomma  l’enfant Raiponce et l’emporta avec elle.

Raiponce était la plus belle enfant qui fût sous le soleil. Le  jour de ses douze ans, la magicienne l’enferma dans une tour  cachée au cœur d’une forêt, une tour qui n’avait ni porte ni  escalier, seulement une minuscule fenêtre percée tout en haut.  Quand la magicienne voulait monter, elle se tenait au pied  de la tour et criait : « Raiponce, Raiponce ! Lance-moi ta chevelure. »

Raiponce avait de longs cheveux, si  beaux et si soyeux qu’on eût dit des fils  d’or. Quand elle entendait la magicienne,

RAIPONCE

elle dénouait ses longues tresses, attachait ses cheveux au crochet  de la fenêtre et laissait tomber sa chevelure vingt coudées plus bas,  pour permettre à la magicienne de grimper et d’entrer dans la tour.

Les années passèrent. Un jour, le fils du roi chevauchait dans  la forêt et vint à passer près de la tour. Il entendit résonner un  chant d’une telle beauté que, saisi, il s’arrêta pour l’écouter. C’était  Raiponce qui, pour tromper sa solitude, aimait chanter tout le long  du jour d’une voix douce. Voulant monter dans la tour, le fils du  roi se mit à chercher une porte, mais en vain. Il dut repartir, mais  la chanson l’avait ému jusqu’au plus profond de son cœur, si bien  qu’il chevauchait à présent tous les jours dans la forêt pour venir  l’écouter. Un jour, alors qu’il était caché derrière un arbre, il vit  arriver une magicienne et l’entendit crier vers la fenêtre :

« Raiponce, Raiponce !

Lance-moi ta chevelure. »

Alors Raiponce dénoua ses longues tresses et la magicienne put grimper jusqu’en haut de la tour. « Voici donc  l’échelle qui permet de monter à la tour ! Il  me faut tenter ma chance� » Le lendemain, à la tombée de la nuit, le prince se rendit au pied de la tour et cria :

« Raiponce, Raiponce !

Lance-moi ta chevelure. »

Aussitôt, les longs cheveux tombèrent au sol et le fils du roi  escalada la tour�

Quand Raiponce le vit entrer dans la pièce, elle fut d’abord  effrayée, elle qui n’avait jamais vu d’homme comme lui de sa vie.

Le fils du roi lui parla avec gentillesse, et lui raconta combien son  chant l’avait bouleversé et qu’il n’avait pu trouver de repos tant  qu’il ne l’avait pas vue.

Maintenant, Raiponce n’avait plus peur et quand le prince  lui demanda si elle consentait à devenir son épouse, et qu�elle vit  combien il était jeune et combien il était beau, elle pensa alors : « Sûrement, il saura mieux m’aimer que la vieille Mère Gothel. »  Elle accepta et mit sa main dans celle du prince. « J’aimerais tant  partir avec toi, mais je ne saurais comment descendre. Ainsi donc,  chaque fois que tu viendras me voir, prends avec toi un fil de  soie : je tresserai une échelle et quand elle sera prête je pourrai  descendre, moi aussi, alors tu m’emmèneras sur ton cheval. »

Tous deux décidèrent qu�il viendrait la voir la nuit, car la vieille  magicienne visitait Raiponce le jour. La magicienne ne s’aperçut  de rien, jusqu’au jour où Raiponce lui dit : « Oh, dites-moi donc,  Mère Gothel, comment se fait-il que vous soyez si lourde à monter,  alors que le jeune fils du roi monte jusqu’à moi en un instant !

―  Comment, scélérate ! cria la magicienne, que dis-tu là ?  Je pensais t’avoir isolée du monde entier, et pourtant tu m�as  trompée ! »

Dans sa fureur, la magicienne saisit les beaux cheveux de

Raiponce et, les ayant enroulés plusieurs fois dans sa main gauche, elle attrapa de sa main droite une paire de ciseaux et cric, crac, elle coupa la longue chevelure jusqu’à ce que toutes les jolies nattes  gisent au sol. Impitoyable, elle mena ensuite la pauvre Raiponce  dans un endroit désert pour l’y forcer à vivre dans la misère et le  chagrin�

Le jour où la magicienne avait chassé Raiponce, quand vint le  soir, elle attacha les nattes coupées au crochet de la fenêtre. Puis,  le fils du roi vint et appela :

« Raiponce, Raiponce !

Lance-moi ta chevelure. »

Elle laissa alors tomber la chevelure jusqu’au pied de la tour.

Le fils du roi grimpa, mais arrivé en haut il ne trouva point sa  douce Raiponce, mais la magicienne dont les yeux brillaient d’un

RAIPONCE

éclat mauvais : « Ainsi donc, siffla-t-elle en ricanant, tu reviens  pour emmener ton bel amour. Mais le joli oiseau s’est envolé du  nid et ne chante plus, car le chat l’a emporté : et maintenant, le  chat va te crever les yeux. Tu as perdu Raiponce à tout jamais, car  jamais plus tu ne la verras ! »

Fou de douleur et de désespoir, le fils du roi se jeta du haut de la tour� La chute ne fut pas fatale, mais il tomba sur un buisson dont les épines lui crevèrent les yeux. Désormais aveugle, il se mit à  errer dans la forêt. Il se nourrissait de racines et de baies sauvages et  passait ses journées dans les larmes, se désolant sur sa tendre épouse perdue. Le prince erra ainsi durant quelques années, jusqu’au jour  où il arriva dans l’endroit désert où Raiponce vivait pauvrement  avec les jumeaux qu’elle avait mis au monde, une fillette et un  petit garçon. Il entendit une voix qui lui parut si familière qu’il se  dirigea vers elle. Comme il s’approchait, Raiponce le reconnut et  courut se jeter à son cou en pleurant. Deux de ses larmes coulèrent  dans les yeux du prince qui recouvra aussitôt la vue. Le fils du roi  l’emmena dans son royaume où il fut accueilli dans l’allégresse et  ils vécurent dans le bonheur et la gaieté durant de longues années.

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