9782728936748 Les funérailles chrétiennes

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SERVICE NATIONAL DE LA PASTORALE LITURGIQUE ET SACRAMENTELLE

Conférence des évêques de France

LES FUNÉRAILLES CHRÉTIENNES

CÉLÉBRER LE DON DE LA VIE

En couverture : Mise au tombeau du Christ, église Saint-Georges, Istanbul, Turquie.

© Pascal Deloche/Godong

4e de couverture : Obsèques en l’église Saint-Séverin de Paris, France. © Philippe Lissac/Godong

© AELF, 2013 et 2021 pour les traductions liturgiques

Direction : Guillaume Arnaud

Direction éditoriale : Sophie Cluzel

Responsable éditoriale pour la liturgie : Camille Icole

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Direction artistique : Thérèse Jauze

Direction de fabrication : Thierry Dubus

Fabrication : Marie Dubourg

Composition : Patrick Leleux PAO

© Mame, Paris, 2025 www.mameeditions.com

ISBN : 978-2-7289-3674-8

MDS : MM36748

Tous droits réservés pour tous pays.

LES FUNÉRAILLES

CHRÉTIENNES : CÉLÉBRER

LE DON DE LA VIE

Parmi les lieux ecclésiaux où l’Église se situe au cœur des réalités humaines et vit sa dimension missionnaire, les funérailles en constituent un majeur, d’autant plus qu’elle y rejoint des hommes et des femmes affrontés à l’échéance de la mort et à l’expérience du deuil. Cette pastorale du deuil réalise, à un titre particulier, l’affirmation qui ouvre la constitution de Vatican II Gaudium et Spes sur l’Église dans le monde de ce temps : « Les joies et les espoirs, les tristesses et les angoisses des hommes de ce temps, des pauvres surtout et de tous ceux qui souffrent, sont aussi les joies et les espoirs, les tristesses et les angoisses des disciples du Christ, et il n’est rien de vraiment humain qui ne trouve écho dans leur cœur » (GS 1).

Les rites funéraires sont un bien commun à toutes les civilisations et à toutes les cultures ; ils sont, depuis le fond des temps, comme une signature de l’être humain dans sa capacité à s’interroger sur sa propre existence, sur sa relation au monde, aux autres et à Dieu, et sur la manière dont il cherche

à y donner sens. C’est sur ce fonds commun que s’est constituée une ritualité chrétienne des funérailles, par mode d’inculturation à partir des pratiques existant dans le monde gréco-romain, en les intégrant au récit proprement chrétien – celui du kérygme de la foi – et en éliminant progressivement ce qui ne pouvait pas y entrer.

La spécificité de la ritualité chrétienne des funérailles s’exprime à partir de trois dimensions fondamentales qui en sont la marque propre sous tous les cieux et à toutes les époques :

■ Le culte qui s’y exprime est orienté vers le Christ et non d’abord vers le défunt ;

■ La ritualité marque le respect du corps en raison de la bonté de la création et de la promesse de la résurrection ;

■ Cette ritualité est l’expression d’une solidarité ecclésiale, signe du Royaume.

Alors que tant d’acteurs de la pastorale des funérailles éprouvent l’écart qui se creuse entre ce que l’Église entend célébrer et les attentes des personnes, alors que le cadre rituel chrétien ne semble plus faire sens pour beaucoup, faute d’en connaître la grammaire, il nous faut retrouver ce noyau essentiel du rite chrétien des funérailles et réactiver la force du récit de salut auquel ce rite renvoie.

C’est là qu’il convient de mesurer que nous ne sommes pas sans ressources pour affronter ce que nous vivons. La liturgie est une forme de résistance au milieu des évolutions actuelles de la société – dissolution de la mémoire commune, primat de l’individu posé comme absolu, déréalisation du corps et de la mort – qui entrent en tension avec l’Évangile du Christ. Mais elle est surtout une forme de résilience1 du 1. En psychologie, cette notion désigne la faculté de « rebondir », de vaincre des situations traumatiques ; elle a été développée notamment par Boris Cyrulnik : voir Boris Cyrulnik, Sauve-toi, la vie t’appelle, Paris, Odile Jacob, 2012.

christianisme à l’égard des forces de dissolution qui traversent le corps ecclésial lui-même. Dès lors, par-delà les « métamorphoses de la liturgie et de la pastorale des funérailles », le rituel chrétien des funérailles constitue une possible ressource pour retrouver un « noyau » résistant, une « mémoire » qui vient de loin et à partir de laquelle certains aspects de la vie prennent sens. Ce qui nous semble urgent, c’est précisément de retrouver ces chemins d’humanisation qu’offre la ritualité et que l’on ne peut perdre sans dommage pour l’annonce de la foi et de l’espérance chrétienne 2 .

2. Cf. notre article, « Les funérailles : mémoire de Pâques et incorporation au Christ ressuscité », La MaisonDieu 299, 2020/1, p. 55-74.

LES FUNÉRAILLES, UNE EXPÉRIENCE

DE L’ESPÉRANCE PASCALE

ROLAND LACROIX

On a parfois tendance à réduire les funérailles au seul « passage » à l’église et pourtant, depuis leurs origines, celles-ci se présentent comme un accompagnement du défunt par la communauté chrétienne de sa dernière demeure terrestre jusqu’au lieu de son repos définitif. Un chemin qui permet de vivre les étapes du deuil et dessine une expérience pascale.

UN ITINÉRAIRE À VIVRE

On entend parfois dire de quelqu’un qui a souhaité des funérailles chrétiennes qu’il a voulu « passer par l’église ». C’est réduire la célébration des funérailles, dont la proposition est d’une autre ampleur. D’étape en étape, de temps de prière en gestes symboliques, cette célébration nous fait vivre un véritable itinéraire pour entamer notre deuil, pour nous ouvrir à la confiance et à l’espérance. Confier notre proche défunt à la miséricorde de Dieu ne demande-t-il pas un lâcher-prise, un travail intérieur ? Si célébrer les funérailles, c’est accompagner le corps du défunt jusqu’à sa « dernière demeure », nous-mêmes sommes alors invités à nous laisser accompagner par la communauté chrétienne sur un chemin spirituel et rituel. Toute mort ne nous

renvoie-t-elle pas au mystère de notre propre existence, et donc au mystère de la foi ? Il s’agit d’entrer dans ce mystère, en prenant le temps d’une traversée d’un lieu à un autre : auprès du corps du défunt d’abord, en faisant mémoire entre proches du bien reçu et partagé avec lui, en « veillant » son corps dans la prière, nous tournant déjà vers Dieu dans la confiance, en célébrant dans l’église, en priant encore au lieu où le corps sera déposé pour toujours. Un itinéraire pour éprouver cette mort dans toute sa dimension d’espérance.

UNE ENTRÉE DANS L’ESPÉRANCE

PASCALE

Dimension d’espérance que le moment de « l’adieu au visage » – la fermeture du cercueil – rend essentielle. Moment difficile où le corps de notre proche défunt est désormais enlevé à la vue. Que nous reste-t-il, sinon la prière – qu’il voie Dieu – et l’espérance – le revoir ? S’il entre alors « dans la procession des pèlerins de l’Absolu3 », nous sommes, nous, invités à entrer dans celle des porteurs d’espérance. Procession qui nous conduit naturellement au lieu où se rassemble la communauté chrétienne pour prier et célébrer. Dans l’église, là où le mystère de la vie et de la foi trouve les mots et les gestes pour se dire. Nous nous laissons alors accueillir par le « Dieu de l’espérance », comme l’invoque le célébrant 4 . « Seigneur Jésus, tu as permis que celui-là même qui vient de nous quitter soit, aujourd’hui, celui qui nous rassemble », dit la prière d’ouverture des funérailles5. Ce corps au milieu de nous, entouré de lumière, devient signe de ce qui nous est promis. Lumière transmise du cierge pascal allumé lors de chaque célébration de funérailles : célébrer les funérailles fait chaque fois mémoire de la fête de Pâques, « la fête de l’heureux passage »,

3. Henri Bourgeois, La mort, Paris-Ottawa, Desclée-Novalis, coll. « L’horizon du croyant » n° 3, 1988, p. 51.

4. La célébration des obsèques. Rituel des funérailles I, n° 52.

5. Ibid., n° 66.

Obsèques en la basilique Notre-Dame-du-Perpétuel-Secours, Paris.

comme la nommait Philon. Le cierge pascal est aussi allumé lors des célébrations de baptêmes. Du baptême aux funérailles, c’est bien de passage qu’il s’agit, du passage « des ténèbres à la lumière », de la mort à la vie, passage avec le Christ, « le premier-né d’une multitude de frères » (Rm 8, 29).

Le baptême ne prend-il pas tout son sens dans la célébration des funérailles ? « Morts avec le Christ »… « ressuscités avec lui »…

Que cette flamme, « lumière dans notre obscurité […] éclaire ce pas que nous avons à faire pour repartir dans l’espérance6 », dit le célébrant. Espérance de toujours pouvoir compter sur le Christ qui se donne pour la vie du monde, comme le cierge pascal, orné d’une croix, se consume en brûlant. Espérance que cet amour du Christ « est plus fort que la mort7 ». Le mystère pascal, cœur de notre foi, ne dit-il pas que la mort n’est jamais le dernier mot de la vie ? Espérance-invitation à témoigner de cette lumière de résurrection, de cette lumière qu’est le Christ, durant toute notre vie.

L’itinéraire nous conduit ensuite vers une autre lumière, celle de la Parole : « Seigneur, ouvre nos cœurs à ta Parole pour que nous y trouvions lumière dans notre tristesse8 ». Résonnent alors dans l’église des textes qui mettent les mots de la foi sur notre espérance. Parole que nous sommes désormais prêts à recevoir, comme Pierre quand il dit à Jésus : « Seigneur, à qui irions-nous ? Tu as les paroles de la vie éternelle » (Jn 6, 68). Parole qui nous invite à passer au-delà de notre peine en élargissant notre prière aux horizons du monde et en rendant grâce à Dieu pour son surabondant amour. La prière du Notre Père, qui conclut ce moment, ne prend-elle pas alors une autre ampleur, soutenue par ce regard neuf que nous portons sur ce que nous vivons, grâce aux paroles d’amour que Dieu a mises dans nos cœurs ?

6. Rituels des funérailles, I, n° 55.

7. Ibid., n° 123.

8. Ibid., n° 65.

FAIRE MÉMOIRE D’UN À-VENIR

EN DIEU

9. Rituel des funérailles, I, n° 97.

10. Ibid., n° 163.

11.  Ibid., n° 162.

12. Ibid., n° 119.

Forts d’une confiance nouvelle – « Puisque tu vis, nous revivrons9 » –, nous sommes prêts à remettre notre proche défunt « entre les mains du Père10 ». Les membres de l’assemblée unissent alors leurs voix pour soutenir ce moment délicat du « dernier adieu » : « Sur le seuil de sa maison, Notre Père t’attend11 »…

Les derniers gestes posés, hommage ultime au défunt – « En signe de respect pour vous12 » – ouvrent radicalement à la promesse pascale. L’encensement – que cet encens « monte devant Dieu avec notre prière » – ne fait-il pas se rejoindre ciel et terre qui s’associent à notre célébration ? L’aspersion – bénédiction « au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit » –, mémoire du geste inaugural du baptême, n’est-elle pas mémoire de l’à-venir promis : rencontrer le Père, partager la gloire de la résurrection du Christ ?

Comme l’itinéraire a commencé par la prière auprès du corps de notre proche défunt, il se termine par la prière au lieu de déposition du cercueil ou de l’urne. Notre vie va reprendre son cours, mais nous exprimons encore notre foi, fortifiée par le chemin parcouru : nous ne sommes pas séparés, le Christ vivant nous rassemble puisque nous ne faisons qu’un en lui.

UNE EXPÉRIENCE DE L’ESPÉRANCE

PASCALE

Dans nos paroles, nos attitudes, nos gestes, tournés vers le cercueil, vers le cierge pascal et vers la croix, nous avons prié pour le défunt. D’étape en étape, de lieu en lieu, cette prière n’a pas été simple intercession – « Accueille comme un père en sa maison ton serviteur13 » –, elle s’est faite communion fraternelle entre vivants et défunts. L’eucharistie qui suit les funérailles, lors de laquelle est mentionné le nom de notre proche défunt, nous permet d’ailleurs d’appréhender ce que « rester en communion » signifie. Ne faisons-nous pas mémoire à chaque eucharistie des vivants et des morts, dans l’espérance qu’un jour nous nous retrouverons auprès du Père ? Une prière eucharistique l’exprime ainsi : « Seigneur, accueille-les dans ton Royaume, où nous espérons être comblés de ta gloire, tous ensemble et pour l’éternité14. »

Vivre les funérailles, c’est ainsi faire l’expérience de l’espérance pascale, c’est cheminer comme l’humanité en marche dans l’attente de la venue du Seigneur. Nous comprenons alors que mourir, c’est prendre sa part personnelle du mystère pascal par lequel, de génération en génération, l’humanité s’accomplit.

Alors que le temps semblait s’être arrêté au moment de la mort, l’itinéraire poursuivi durant la célébration des funérailles l’a ainsi ouvert à la vie éternelle : « Ô Mort, où est ta victoire ? » (1 Co 15, 55).

13. Ibid., n° 70.

14. Prière eucharistique III.

Pour aller plus loin, vous pouvez consulter l’article « Célébration des funérailles : description des étapes » sur le site liturgie.catholique. fr ou en scannant le QR code joint.

L’ itinéraire des funérai LL es : un chemin pasca L d ’ étape en étape

1re station : au lieu où repose le défunt

1. Auprèsdudéfunt : La communauté se rend présente très simplement. Une présence qui est un soutien.

2. Prières brèves auprès du défunt : Un chemin d’espérance s’ouvre.

3. Célébrations et veillées : Dans un climat familial et recueilli, la parole de Dieu et le souvenir du défunt invitent à se soutenir dans la prière et, déjà, à rendre grâce.

4. Fermeture et départ du cercueil : Au moment douloureux où le visage du défunt disparaît, entre arrachement et espérance, la prière avive l’espoir des retrouvailles.

Transfert du corps vers l’église :

Depuis le lieu où il reposait, le défunt est accompagné vers la maison de Dieu où la communauté se rassemble.

2e station : célébration à l’église

5. Le rassemblement des proches et de la communauté à l’église : Rassemblés, dans la peine et dans la foi, les proches et la communauté, grâce à la prière de l’Église, accueillent la Parole d’espérance, supplient Dieu et lui rendent grâce, avant un dernier adieu au défunt.

Transfert du corps au lieu de la sépulture : Aller jusqu’au bout dans la paix reçue du Christ mort et ressuscité.

3e station : au lieu de la sépulture

6. Au cimetière : pour le défunt, c’est la fin de son chemin sur la terre dans l’attente de la résurrection. Pour nous qui restons, un ultime adieu au défunt, là où il repose, pour repartir dans l’espérance.

Bénédiction d’une tombe, Villemomble, Seine-Saint-Denis.

TABLE DES MATIÈRES

THÉOLOGIE

DES FUNÉRAILLES DANS LE CHRIST

Bernard Maitte 31

« C’est le mystère pascal » 31

Honorer le défunt ? 33

Déchiffrer notre propre mort 34

Célébrer la foi de l’Église 36

Dans l’espérance chrétienne 37

Pour la vie éternelle 39

LITURGIE

PRIER AUPRÈS DU DÉFUNT

Bernadette Mélois 40

LITURGIE

FUNÉRAILLES ET RÉCONCILIATION

DANS LE CHRIST

Hervé Rème 44

Se souvenir des belles choses 44

Implorer la miséricorde 44

Pour entrer dans la gratitude 46

Des gestes qui parlent 46

LITURGIE

POURQUOI CHANTER AUX FUNÉRAILLES ?

Éric Hautcoeur 47

MYSTAGOGIE

« DEVANT MOI, TU AS OUVERT UN PASSAGE »

Catherine Pagès 50

Le rite de l’accueil 50 le signe de croix 51

Évocation du défunt, rite de la lumière et rite pénitentiel 51

Parole de Dieu 52

Prière d’action de grâce 54

Prière du Notre Père et encensement 55

THÉOLOGIE

LE RESPECT DU CORPS, SIGNE DE LA RÉSURRECTION À VENIR

Bernard Maitte 58

Rites et corps 58

Jusqu’à l’autel de Dieu

LITURGIE LA LITURGIE ORTHODOXE DES FUNÉRAILLES

Serge Sollogoub

LITURGIE

LA PAROLE DE DIEU DANS LA LITURGIE

Bénedicte

Le Christ est la parole de Dieu

THÉOLOGIE

SOLIDAIRES AVANT ET APRÈS LA MORT

Louis-Marie

LITURGIE

MINISTÈRES ET SERVICES LORS DES FUNÉRAILLES

Joël Sérard

MYSTAGOGIE

L’ASSEMBLÉE LITURGIQUE DES FUNÉRAILLES : UNE RÉALITÉ AU-DELÀ DU VISIBLE

L’Église, un espace de communion 97

Un peuple en marche 97

Une assemblée qui fait corps 97

Une assemblée diversifiée 98

Une parole multiple qui rejoint chacun 98

Le chant et la musique liturgique au service du beau 100

Un rituel unique qui s’adapte à la diversité 100

LITURGIE

FUNÉRAILLES ET ACTION DE GRÂCE EUCHARISTIQUE

Olivier Dejoie 103

MYSTAGOGIE

LE DERNIER ADIEU

Sophie Gall-Alexeeff 107

Le chemin des adieux 108

Laisser partir 108

La pietà de Zadkine 110

« Dieu nous réunira » 112

MYSTAGOGIE

LA TOMBE, ULTIME ÉTAPE DES FUNÉRAILLES

Patrick Prétot 114

Un lieu de culte 116

Un lieu de mémoire 118

ENJEUX ET DÉFIS D’UNE PASTORALE DES FUNÉRAILLES

Sébastien Guiziou 120

Pèlerins d’espérance 120

Témoins d’espérance 121

Porteurs d’espérance 122

TABLE DES AUTEURS 124

CRÉDITS ICONOGRAPHIQUES 127

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