CHAT NOIR CHAT NOIR
SYMBOLES & SUPERSTITIONS
UNE HISTOIRE TOURMENTÉE
Loin d’être ordinaire, le chat noir a connu une histoire hors du commun et sa vie, pendant des siècles, fut trop souvent frappée de malédictions et remplie de mésaventures. L’existence de Cosette, en comparaison de celle de notre chat noir, pourrait être considérée comme un conte de fées ! Faudrait-il parler du chat noir comme d’un chat extraordinaire, au sens propre du terme ? Sans doute, lorsqu’on prend connaissance de tout ce qui lui est arrivé de pire mais aussi de meilleur, dans le monde entier, et ce quels que soient les pays ou les continents.
LE CHAT, INCARNATION DES DIEUX
L’Égypte, le pays du chat par excellence ! D’abord reconnu pour ses qualités de chasseur, le chat a été divinisé sous les traits de la déesse Bastet. Peu importait sa couleur, le chat était vénéré et protégé dans l’Égypte antique.
Les données concernant la domestication du chat demeurent rares. Elle a d’abord été attribuée aux anciens Égyptiens, mais des recherches récentes suggèrent que des relations étroites entres félidés et humains ont pu se nouer bien plus tôt. Ainsi, à Chypre, on a découvert la sépulture d’un homme enterré avec un chat sauvage remontant à près de 10 000 ans. Mais il semble que leur véritable domestication remonte à l’Égypte ancienne, il y a environ 4 000 ans.
À l’origine, c’était un animal sauvage qui, vivant sur les rives du delta du Nil, chassait les oiseaux, les rats et les serpents. Bien vite, les Égyptiens se rendirent compte que
Animal ancestral, le chat devint vite un indispensable compagnon pour se protéger de certains rongeurs et rampants.
ce félin pouvait devenir un allié de choix pour chasser et tuer les rats qui, à chaque crue du Nil, envahissaient les champs et les greniers pour piller les récoltes des agriculteurs. Ce fut principalement pour cette raison qu’on commença à le domestiquer. Mais il tuait également les serpents et rendait ainsi plus sûrs les abords des maisons. C’est pourquoi il y gagna sa place dans les maisons, devenant ainsi un animal de compagnie.
Animal utile certes, mais également animal sacré, et ce quelle que soit sa couleur. Le chat, dont les yeux brillent dans la nuit, évoquant Râ, le dieu du Soleil, était considéré comme une incarnation divine, sous les traits de Bastet, déesse protectrice, symbole de la fécondité et de l’amour maternel. Dans L’Enchatclopédie (éditions de L’Archipel, 2010), Robert de Laroche évoque un texte daté d’environ 1 500 avant Jésus-Christ, le Mythe de l’Œil du Soleil, qui raconte l’origine du chat en Égypte : « Rê, dieu solaire, lassé de voir des guerres fratricides décimer les Égyptiens, envoie sur Terre l’une de ses filles,
l’Œil du Soleil. Dans le désert nubien, celle-ci prend la forme d’une lionne assoiffée de sang, la Furieuse – qui deviendra par la suite Sekhmet. Au lieu d’apaiser les peuples, la Furieuse provoque des massacres. Pour la juguler, Rê dépêche alors le dieu guerrier Onouris, chargé de transformer la lionne cruelle en douce chatte. Ainsi naît Bastet. »
Bastet prend l’apparence d’une chatte ornée de bijoux (boucle dans l’oreille ou dans le nez, colliers…) en or, en bronze, en os, en bois ou en terre cuite, ou d’une femme à tête de chatte tenant un sistre d’une main (instrument à percussion utilisé pour éloigner les esprits mauvais) et un panier de l’autre. À l’époque, le fait même de tuer un chat était ainsi passible de la peine de mort. Et il avait droit aux égards réservés aux humains les plus riches : à sa mort, on embaumait son corps pour le préserver des atteintes du temps. Ainsi, à Bubastis, ville du culte de Bastet, de vastes cimetières de félins momifiés ont été découverts.
Au temps des pharaons, peinture d’Antoine Rochegrosse (1859-1938), 1887, Gand, Museum Voor Schone Kunsten.
Une anecdote historique permet d’illustrer le respect qu’avaient les Égyptiens pour le chat : en 525 avant JésusChrist, la ville de Péluse, à l’extrémité Nord-Est du delta du Nil, fut assiégée par les armées du roi perse Cambyse II. Après plusieurs assauts infructueux, le roi décida alors de recourir à une ruse et ordonna à ses soldats de capturer des
chats et de les catapulter vers la cité. Face à un tel sacrilège, les habitants de Péluse se rendirent.
Ce n’est qu’avec l’invasion des Éthiopiens, au viii e siècle avant Jésus-Christ, que le chat noir fut considéré comme un signe de malheur en Égypte. En effet, le noir s’est alors retrouvé associé à la couleur de peau des Éthiopiens – « Éthiopien » signifiant « visage brûlé ». Mais cette couleur à laquelle on prête toutes les malédictions fait également référence à Seth, dieu du mal qui tua son frère Osiris, dieu des Enfers et juge des morts.
Ci-contre : Momie de chat à la tête couverte d’un masque mortuaire peint. Basse Époque (664-332 avant Jésus-Christ). Dimensions : 39 cm x 10 cm. Paris, Musée du Louvre.
Un animal bien utile
Bien que l’exportation des chats ait été interdite en Égypte, il semblerait que certains marchands macédoniens et phéniciens aient réussi à en voler ou à en acheter pour les revendre à quelques riches citoyens de Grèce, de Crète et d’Italie. Au début, les Grecs ne les considérèrent pas comme des auxiliaires utiles, mais comme des animaux de compagnie, car ils avaient l’habitude d’utiliser des belettes pour la chasse aux rongeurs. Mais, bien vite, les chats les supplantèrent, car, contrairement aux belettes, ils ne s’attaquaient pas aux animaux de la basse-cour.
À
la faveur de la conquête de l’Égypte par les troupes romaines, le chat s’est exporté dans l’ensemble de l’Empire romain. Animal coûteux, le chat, nommé felis ou bien encore catus, fut à l’origine réservé aux familles les plus riches, puis l’usage d’avoir un chat se répandit dans toutes les couches de la société. Associé à Diane, déesse lunaire, il était considéré comme le gardien du foyer et il défendait les récoltes et les réserves contre les rongeurs. Suite à l’expansion de l’Empire romain, le chat s’est répandu sur tout le pourtour du bassin méditerranéen et dans toute l’Europe.
Les Petits Précieux
Le chat noir a connu bien des aventures au fil des siècles. Signe de malheur pour les uns, porte-bonheur pour les autres, il aura été tantôt torturé, tantôt vénéré, mais chaque fois, il aura fasciné. À vous de découvrir l’histoire et les légendes qui auréolent le chat noir de mystères et de superstitions…