CHANTIER PARTICIPATIF Une illustration concrète au service d’une société plus collaborative, écologique et équitable. CALMELS FANNY
Couverture: Composition personnelle
CHANTIER PARTICIPATIF Une illustration concrète au service d’une société plus collaborative, écologique et équitable.
Mémoire de fin d’études CALMELS Fanny Promoteur : Denis Delpire Année académique 2016-2017 Faculté d’architecture La Cambre-Horta, ULB
Je tiens à remercier Denis Delpire pour ses conseils précieux mais surtout de m’avoir permis de vivre des expériences merveilleuses au sein de son atelier d’architecture. Je remercie également ma famille et mes fidèles acolytes Annie, Bertrand, Nikita et Arnaud qui ont contribués à l’élaboration de ce mémoire. Et finalement, le collectif BAYA grâce à qui j’écris ce mémoire de fin d’étude.
RÉSUMÉ
Émergence d’un modèle à consolider? Les chantiers participatifs s’impose depuis quelques temps. Le concept paraît simple : réaliser un projet concret à plusieurs autour de valeurs communes qui répondent à des enjeux environnementaux, économiques et sociaux. Dans un contexte de crise, ce modèle permet d’inventer un nouveau mode de fonctionnement qui favorise une économie locale, une solidarité et une éducation permanente. Le chantier participatif comme lieu social qui permet de sensibiliser et de former des personnes, éloignées parfois des métiers de la construction, et de remettre la construction et sa réalisation au centre de la vie collective.
SOMMAIRE I- INTRODUCTION
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1- Thématique
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2- Problématique
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3- Méthodologie
7
4- Lexique
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II- ETAT DES LIEUX DES MOUVEMENTS SOCIAUX
Etat des lieux des mouvements sociaux qui participent à la prise de conscience d’un intérêt commun
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1- Une situation de crises chroniques
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2- Face à ces crises, des pensées se propagent
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3- Etat des lieux des mouvements sociaux qui participent à la prise de conscience d’un intérêt commun.
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4- Ces changements vus depuis d’autres points de vue culturellement éloignés du nôtre
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III- LES RUPTURES CARACTÉRISTIQUES DE NOTRE SIÈCLE : DÉCRYPTAGE DES SOLUTIONS
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Méthode mis en place pour décrypter les effets des ruptures de notre siècle sur notre environnement construit
1- Prise de conscience de l’épuisement des ressources naturelles
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2- Retour à un savoir-faire perdu
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3- Le réseau, la communauté, la collaboration
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4- Equilibre entre l’humain, l’environnement et l’aspect financier
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5- Questionner les capacités perceptuelles de l’humain plus que les intellectuels.
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IV- DEMONSTRATION D’UNE ILLUSTRATION CONCRETE D’UN OUTIL DU CHANGEMENT
Le chantier participatif et ses réponses aux 5 ruptures fondamentales
1- Notions clés
L’AUTO-CONSTRUCTION LA PEDAGOGIE PAR LA PRATIQUE & LES SAVOIRS-FAIRE LES RESEAUX, LE COLLECTIF & LA PARTICIPATION CROYANCE ET ENGAGEMENT COMMMUNICATION MATERIAUX LOCAUX REEMPLOI DE MATERIAUX ASPECT FINANCIER & ASSURANCES
2- Les limites
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39 43 47 52 54 56 59 62
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V- IMMERSION DANS DES CHANTIERS PARTICIPATIFS
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Apprentissage expérientiel
1- Cas d’étude
CHANTIER TERRE CRUE Auto-éco-bio-construction
THE BELGIAN KITCHEN Architecture d’urgence
HOME for LESS Un chantier-Ecole
67
67 74
81
2- Comparaison des cas d’étude
93
VI- CONCLUSION
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VII- BIBLIOGRAPHIE
103
Yona Friedman, Manuels Volume 1, 2007
1
AVANT PROPOS Ce mémoire est né d’expériences et d’intérêts personnels divers. Je me suis toujours intéressée à l’apprentissage par la pratique et à la participation. C’est en 2013 que j’ai eu l’occasion de participer, pour la première fois, à un chantier participatif. J’ai tout de suite accroché à ce modèle d’organisation tant dans l’aspect humain que constructif. Par la suite, j’ai adhéré au collectif BAYA1 et pu explorer et comprendre ce milieu de l’intérieur, en expérimentant. Pour l’écriture de ce travail de fin d’étude, j’ai construit mon argumentation en partant d’une vision large pour aboutir à une description particulière et spécifique. Ainsi, cela me permet d’ancrer le sujet dans un contexte précis et de le détailler selon un canevas établi. Dans la première partie, je décris le contexte historique et sociétal du thème choisi, en analysant les mouvements qui s’en référent. Ensuite, je définis des enjeux auxquels je réponds avec des exemples concrets, puis j’en extraits des concepts forts qui définiront ce qu’est un chantier participatif. Finalement, je fais une description précise de mon sujet, illustrée avec des expériences vécues.
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1. Le collectif BAYA asbl est né en 2014 en premier lieu pour importer le festival Bellastock à Bruxelles. Festival d’architecture expérimentale créé par des étudiants de l’ENSA de Paris Belleville, il y a 10 ans. Ils y développent des pratiques expérimentales d’architecture à travers une démarche durable et participative.
Une statue MOAI sur l’île de Pâques, en 1922. National Geographic ©J. P. Ault Effondrement écologique d’une civilisation suite à une pénurie de ressources naturelles.
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INTRODUCTION
1- Thématique
La population sur terre est aujourd’hui estimée à plus de 7,4 milliards d’être humain. D’ici 40 ans, les Nations Unies prévoient d’atteindre 9,6 milliards2 d’individus. La croissance de la population mondiale est tellement rapide qu’on ne sait pas évaluer les conséquences sur le monde car ce n’est jamais arrivé auparavant. Force est de constater que le système dans lequel nous évoluons, détériore l’environnement, l’éducation, la santé et les droits de la personne. Des tensions apparaissent sous de multiples facettes, la classe moyenne tend à disparaitre, créant des inégalités sociales énormes, les catastrophes écologiques se démultiplient, les maladies sont de plus en plus résistantes, les crises économiques et politiques se propagent et dévastent nos sociétés3. Notre système tend vers un point de non-retour, il est temps de se poser des questions sur notre système et mode de fonctionnement. La pénurie des ressources naturelles et les catastrophes écologiques sont sans doute les phénomènes qui impactent le plus la population et entraînent une réelle prise de conscience collective. Dans ce mémoire nous allons analyser l’émergence de ces initiatives citoyennes, comprendre leurs liens et interconnexions et découvrir leurs impacts sur le bienêtre de l’homme. Nous les appellerons les mouvements de la transition, ces mouvements ne sont pas nouveaux, ils reprennent de l’ampleur aujourd’hui sous une forme différente. Ce sont les mouvements sociaux des années 1970 qui ont profondément marqués ces mouvements et systèmes sociaux. 4
2. Statistiques tirées des dépêches du service d’information de l’ONU 3. Récemment, les attentats terroristes et la monté de l’extrême droite dans le monde ou encore un développement de maladie de plus en plus résistantes comme la grippe. L’organisation mondiale de la santé atteste que les virus grippaux développe une résistance au traitement antiviraux. Ces multiples éventements ont été des chocs et des renversements mondiaux qui reflètent l’instabilité de nos sociétés.
4. Les termes seront repris parfois sous l’abréviation Ch P.
Contrairement aux mouvements des années 1970, qui agissaient dans un contexte de prospérité du capitalisme et d’amélioration des conditions d’existence, les luttes d’aujourd’hui agissent dans un contexte de crises, accélérées par un capitalisme affaibli, qui entraîne des régressions sociales, un accroissement des inégalités entre les classes sociales et un chômage de masse. Ces recherches vont concentrer l’analyse sur l’observation de ces manifestations sociales au travers de la problématique de la place du travail dans notre structure sociale. Nous assistons à une réévaluation de la place du travail dans notre société portée principalement par des mouvements engagées politiquement. Le prisme du chantier participatif4 sera notre fil conducteur, observé comme un mode de travail alternatif permettant d’identifier tous les éléments répondant à une cohérence entre nos désirs et nos actes. Un changement des mentalités s’opère, l’idée n’est plus de s’enrichir économiquement mais bien d’atteindre un équilibre entre un épanouissement personnel et notre capital économique. L’objectif de cette quête de sens dans une démarche durable est de trouver un équilibre entre l’humain, l’environnement et l’aspect financier. Ces bouleversements existentiels induisent une recherche de réalisation personnelle et un réel engagement physique des acteurs dans cette envie de changement. Dans l’écriture de ce mémoire, j’ai choisi d’analyser le mode de fonctionnement du chantier participatif comme un système complet et complexe,
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représentant une nouvelle manière de fonctionner, un mode de travail alternatif qui rassemble de multiples domaines. Cet outil sera considéré comme représentatif des modes de fonctionnement de la société en devenir et contient donc tous les caractères spécifiques aux autres outils de changement également à l’œuvre actuellement : permaculture, monnaies alternatives locales, coopératives…
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2- Problématique
Le chantier participatif, est-il un outil représentatif du mode de fonctionnement d’une nouvelle société en devenir?
3- Méthodologie
Plusieurs mouvements sociaux contestent les dictats imposés par notre société et amorcent la transformation de nos modes de pensées. Nous ferons un descriptif représentatif des mouvements et pensées proposées aujourd’hui. Nous analyserons ensuite, les solutions misent en place par des groupes d’individus pour répondre à ces crises. Des concepts en seront tirés, comme base et structure d’analyse du sujet de ce mémoire: les chantiers participatifs. En effet, Ils permettront d’analyser précisément des chantiers participatifs et ainsi de démontrer en quoi ils font partie des outils représentatifs du mode de fonctionnement de notre société en devenir. Des expériences vécues seront décrites et analysées. Finalement, ce mode de construction n’est pas nouveau, il est aujourd’hui abordé différemment et intrigue plus qu’auparavant. Il sera intéressant d’en déduire les limites. Dans l’écriture de ce mémoire, j’ai choisi d‘utiliser chantier participatif comme un terme représentant une nouvelle manière de fonctionner. Ces chantiers modernes sont composés d’un mode de fonctionnement global, tous les aspects seront abordés et développés cidessous. 7
A l’origine, ce terme est employé pour décrire un chantier d’éco-construction, ici je ne me limiterai pas à cette sphère et je développerai des projets qui recherchent un équilibre entre l’homme, l’environnement et l’aspect financier. Ce thème permet de nous interroger sur un panel de sujet très large : les impacts que nous avons sur la nature avec l’utilisation de matériaux naturels et écologiques, sur l’importance des liens sociaux entre les individus en réactualisant le sujet de la place que prend le travail dans nos vies. Ou encore sur les champs de l’apprentissage en valorisant les transmissions de savoir-faire sans échange matériel. Nous partons du postulat que la résurgence des chantiers participatifs exprime la transition que nous vivons vers une société basée sur une vision durable.
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EXPERIMENTAL ET DIDACTIQUE BAR
BRIQUES
Fiche explicative du projet Bric à Brac de juin 2016 à l’Allée du Kaai. Création d’un pôle expérimental et didactique de matériaux de récupération ©Production personnelle
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SCÈNE
GABIONS
OBSERVATEURS
BOIS
PALETTES
SOCLE
STABILITE INDEPLACABLE RIGIDITE
4- Lexique : Suite de définitions nécessaires compréhension de l’étude qui suit.
à
la
bonne
Mots-clés5 : CHANTIER.— s. m. Terrain, endroit où l’on procède à des travaux de réparation ou de construction. PARTICIPATIF.— adj. Qui implique une participation active des protagonistes dans une action, une activité. AUTO-CONSTRUCTION.— s. f. Construction par quelqu’un ou soi-même de sa propre maison. PEDAGOGIE.— s. f. Pratique éducative dans un domaine déterminé ; méthode d’enseignement FORMATION.— s. f. Action de donner à quelqu’un, à un groupe, les connaissances nécessaires à l’exercice d’une activité. RESEAUX.— s. m. Ensemble de personnes qui sont en contact les unes avec les autres. SOLIDARITE.— s. f. Sentiment d’un devoir moral envers les autres membres d’un groupe, fondé sur l’identité de situation, d’intérêts. ENVIRONNEMENT.— s. m. Science ayant pour objet les relations des êtres vivants (animaux, végétaux, micro-organismes) avec leur environnement, ainsi qu’avec les autres êtres vivants.
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5. Toutes les définitions suivantes sont extraites de l’encyclopédie Larousse édition 1976
ETAT DES LIEUX DES MOUVEMENTS SOCIAUX Etat des lieux des mouvements sociaux qui participent à la prise de conscience d’un intérêt commun
6. Les dernières contestations en France concernées la « loi travail El khomri » en 2016, avec l’apparition d’un mouvement protestataire pacifique « Nuit debout » qui a occupé la place de la république à Paris pendant deux mois. Le mouvement s’étend dans plusieurs villes (dont à Bruxelles au Mont des arts) en élargissant au niveau globale les contestations des institutions politiques et du système économique. 7. Particulièrement ces dernières années, les citoyens européens réalisent que nos pays d’Europe ne sont pas intouchables. 8. Edgar Morin a sorti en 2014 le manifeste Enseigner à vivre, Manifeste pour changer l’éducation, Actes Sud / Play Bac, p48
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1- Une situation de crises chroniques
La période actuelle est caractérisée par diverses « crises » : économique, politique6, sociale, du logement, identitaire, sanitaire, existentielle, alimentaire, pétrolière, bancaire, terroriste7 … Nous sommes entrées dans un système de poly crises. Le mot « crise » est en crise, utilisé quotidiennement, il engendre un vrai repli sur soi, nombreux se renferment sur eux-mêmes pour se protéger. A l’inverse, ce climat instable, provoque chez certains une remise en question de tout le système. Edgar Morin8, philosophe et sociologue, décrit dans son manifeste la signification du mot « crise » : « Nous avons été appelés à employer de plus en plus souvent le mot crise devenu trivial. Krisis, terme de la médecine hippocratique, désignait le moment où une maladie révélait de façon certaine ses symptômes propres, ce que permettaient le juste diagnostic et le remède approprié. Le mot crise a dérivé dans notre langage contemporain dans les domaines y compris sociaux et politiques et a pris un sens d’incertitude rendant difficile le diagnostic. Le mot crise renvoie toujours à un système et à son organisation. C’est dans le sens le plus large un accident du système, d’origine interne ou externe qui perturbe sa stabilité son fonctionnement voire son existence. »
Prenons comme exemple, le pic pétrolier des années 1970, qui annonce la fin de notre société crédule et le début d’une période d’inquiétudes. Une prise de conscience de la conséquence de nos actes sur notre environnement; la détérioration accélérée de celui-ci est inéluctable. De même, c’est en 2008 que ces inquiétudes se confirment, lors de la crise des subprimes aux USA liée au deuxième choc pétrolier9. A partir de là, se généralise une crainte du réchauffement climatique, de pénurie des ressources naturelles, du bilan carbone … S’installe alors un climat d’incertitude qui entraîna un repli sur soi et une ambiance morose. A l’inverse, cette période de crise a pu faire réagir certains, face à ces inégalités auxquelles ils sont confrontés chaque jour. Ensemble, ils cherchent des solutions pour améliorer leurs modes de vie, leur quotidien. Ils remettent en question le fonctionnement de notre société actuelle, réfléchissent à un futur meilleur et deviennent acteurs du changement. Le problème de la société d’aujourd’hui, selon Pierre Rahbi, est notre esprit cartésien qui réduit le réel à ce qui est quantifiable et observable. Pierre Rahbi10 nous fait constater que « nous sommes entrés dans un monde qui est dépoétisé, qui est entré dans la rationalité total et absolue »11. L’homme a vu le monde comme une machine et a séparé la nature de son évolution. « Le monde est entrain de changer, l’ancien système s’effondre, les structures misent en place n’étaient pas en phase avec la vie. Il est temps de passer de la domination de la nature à un statu d’alliance. Ce temps de crise est propice au changement : c’est parce qu’il y a tension qu’il y a transformation ». Marc de la Menardière12. 12
9. Selon l’AIS (agence international de l’énergie) le choc pétrolier de 2008 a été déclenché par une forte diminution des stocks pétroliers. Cette tension à favoriser la création d’une bulle spéculative, ce choc était donc l’élément déclencheur. 10. Ecrivain et paysan français d’origine algérienne, fonde l’agriculture écologique en France. Il transmet son savoir-faire agricole depuis 1981 dans le but de rendre leur autonomie au population dépendante du système. 11. Pierre Rahbi conférence « Eloge de la frugalité » à l’université Grenoble Alpes 12. Marc de la Ménardière est co-réalisateur du documentaire «en quête de sens» sorti le 28 janvier 2015
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13. Une nouvelle culture partagée par des millions de personnes qui souhaitent une nouvelle société, basée sur des valeurs communes environnementales, économiques, sociétales ... D’après creatifsculturels.be on dénombre un nombre croissant d’adeptes : seulement 4% de la population Nordaméricaine dans les années 1960, pour 35% en 2008.
La société est en phase de transformation : « c’est parce qu’il y a tension qu’il y a transformation ». L’émergence de mouvements, de moyens alternatifs de paiement ou encore d’agriculture viennent le confirmer. Cependant, seule une partie de la société souhaite ce changement, les autres ont une approche plus septique ou conservatrice. D’un côté nous nommeront les « créatifs culturels »13 qui inventent une nouvelle humanité et de l’autre les défenseurs de la société d’avant crise. On est peut-être à un moment de basculement ou les premiers font de plus en plus d’adeptes.
14. Le Club de Rome est un groupe de réflexion, type association internationale, créé en 1968, réunissant des représentant de plus de 52 pays industrialisés ou en développement. Il introduit le concept de croissance zéro qui fut une des idées fondatrices de l’écologie politique.
Nous sommes conscients de la difficulté du passage à un autre mode de fonctionnement, il est important de démontrer qu’il existe des outils concrets et que les remises en question individuelles mèneront à un changement collectif, qui devront déboucher sur une transformation des structures de nos sociétés. 2- Face à ces crises, des pensées se propagent Les trente glorieuses, période de trente ans suivant l’après-guerre, est une période ancrée dans la mémoire collective, marquée par une croissance économique fleurissante et un avenir insoucieux pour l’humanité. Aujourd’hui elle est prise en référence nostalgique, pour parler des crises que notre société rencontre. A l‘apogée de cette période prospère, en 1972, le Club de Rome14 se fait connaître mondialement par son premier rapport, « The Limits to Growth ». Il vient alerter la population sur les dangers de cette croissance sans limite. Première alerte qui éveille l’attention de protagonistes engagés dans des luttes sociales. Par la suite, les révoltent sociales de 1968 avaient comme dominante le ras le bol de cette société de consommation, une société prospère mais qui ne gênerait pas de bonheur et de sérénité.
Cette effervescence devait provoquer une véritable mutation sociale, cependant les idéologies étaient contradictoires, d’un côté on prônait une aspiration à un nouveau projet de société qui exalte l’épanouissement de l’individu, et de l’autre on entrait dans la généralisation de la société de consommation et de l’individualisme. A court terme, ces mouvements ont échoué mais ont profondément marqué les mouvements et systèmes sociaux présents aujourd’hui. Ces mouvements reprennent des idéologies des années 1970 mises de côtés et contestent le système dominant actuel, démontrant notre soumission à la société de consommation. Le système est remis en question par des penseurs et praticiens, ils proposent des alternatives et revendiquent un droit d’action, d’appropriation, d’implication dans leur quotidien. Nous assistons à une réévaluation de la place du travail et une recherche de réalisation personnelle par un engagement physique des acteurs dans cette envie de changement. Ces acteurs du changement font face à une remise en question de leur vie, de leurs quotidiens et des impacts qu’ont leurs actes sur leur environnement. Ils ont tous comme but commun de changer leurs façons de consommer au nom de la sauvegarde de la planète. Nous pouvons citer Charles Zarka15 philosophe français, comme un des penseurs du changement, pour illustrer ces propos. Il est un des acteurs du mouvement de la décroissance16 : « Chacun de nous sait aujourd’hui, plus ou moins explicitement, que le cours des chose ne peut continuer tel qu’il est à présent. Nous ne pouvons plus poursuivre la surexploitation de la Terre comme nous le faisions, sans risquer de la détruire et de nous détruire avec elle. 14
15. Professeur à la Sorbonne à l’Université Paris Descartes et fondateur de PHILéPOL à l’Université Paris Descartes, où il est rechercheur. Ses recherches portent sur le « Monde émergent ». 16. Concept explicité page 16
17. Chercheur en écologie marine, il s’est toujours intéressé à la vulgarisation, il a une centaine de conférences et une dizaine d’ouvrages à son actif. Il conclut à travers son dernier ouvrage qu’il ne faut pas avoir peur d’utiliser le terme décroissance. 18. Documentaire réalisé en décembre 2015 par Cyril Dion et Mélanie Laurent. 19. Documentaire réalisé en janvier 2015 par Nathanaël Coste et Marc de la Ménardière.
Nous ne pouvons plus accepter les inégalités de plus en plus craintes au sein des sociétés et entre les parties du monde. Un tournant doit être pris si nous ne voulons pas dépasser le seuil d’irréversibilité, c’est à dire le moment où il n’y aura plus rien à faire, ou notre destin ne sera plus entre nos mains. » Nous pouvons en citer de nombreux autres, certains seront d’ailleurs repris dans le développement ciaprès, pour illustrer la propagation d’un désir de transformation totale du système dominant. Nous souhaitons néanmoins, conclure en nommant Guy Jacques17 qui à travers un développement explicite et très bien construit, nous alerte sur les effets d’une croissance économique illimitée. Ses livres « Virer de bord. Plaidoyer pour l’homme et la planète », 2011 et « Oser la décroissance », 2015 proposent des exemple très précis, factuels des modes de fonctionnement déviants de notre société. La lecture aisée de ces livres les rendent accessibles au plus grand nombre afin de pallier les critiques souvent faites aux auteurs de livres alternatifs, trop idéalistes. Finalement, ces thèmes sont porteurs et aussi vendeurs, on ne compte plus les publications sur le sujet. Un enthousiasme qui se manifeste partout, les documentaires récents « Demain »18 ou « En quête de sens »19 sont révélateurs de l’intérêt grandissant du grand public pour ces problématiques. On constate une prise de conscience croissante, un renversement naissant. Les militants pour ces causes ont tendance à être irrités par une médiatisation qui n’expose que des aspects superficiels ou qui fait passer ce changement pour une mouvance de mode ou une résurgence hippie.
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3- Etat des lieux des mouvements sociaux 20. Slogan utilisé par tous les parties pour la qui participent à la prise de conscience d’un intérêt décroissance commun. Plusieurs concepts et mouvements refont surface dans le but de reprendre notre indépendance économique et intuitive et nos capacités à subvenir à nos besoins. Ces mouvements font l’éloge de la lenteur, des produits naturels et « bio », prônant la simplicité volontaire, le recyclage, le réemploi, les économies d’énergie ou encore font lutte contre l’abus de l’automobile, la publicité, la surconsommation ... Ci-dessous l’analyse des mouvements qui définissent différents concepts s’inscrivant dans la même veine : la décroissance, la simplicité volontaire, l’éloge de la frugalité, le réseau des villes en transition, l’écologiepolitique ou encore le romantisme écologique. Ils ont tous en commun la volonté de changer le système en place pour un mouvement respectueux de l’environnement et de son prochain. Le premier concept ici développé, sera celui de la décroissance introduit dans les années 1970, par l’économiste Georgescu-Roegen. Il cherche, à travers sa thèse, à faire prendre conscience aux individus, des conséquences de la course à la productivité de notre société industrielle. Nos systèmes économiques et politiques actuels sont basés sur des objectifs de croissance avec une constante augmentation de sa richesse matérielle en délaissant les questions environnementales. Le slogan de la décroissance : « une croissance illimitée dans un monde limité est une absurdité »20 commence à être entendu. Tout le monde s’accorde aujourd’hui, pour dire que l’épuisement des ressources naturelles, 16
le changement climatique et la perte de la biodiversité ne sont plus des constats émergents, ce sont des faits. La croissance économique a fait son temps, la quête du bonheur doit trouver d’autres voies. Un des initiateurs du mouvement de la décroissance Serge Latouche, professeur à l’université de Paris Sud, constate que la notion de croissance est un concept récent : « La croissance est un concept bizarre, c’est quelque chose qui nous est familier, nous vivons dans une société de croissance, dans une idéologie de croissance, c’est une espèce d’évidence et en même temps, si l’on pose un regard sur l’histoire des sociétés humaines, c’est quelque chose d’exceptionnel qui n’est propre qu’à l’occident depuis trois siècles, depuis la révolution industrielle anglaise ». Il explique que la croissance peut avoir un sens selon les scientifiques, en prenant une image de la biologie évolutionniste, montrant que les organismes vivant croissent. Cependant, il y a une contradiction les plantes croissent et meurent alors que notre société moderne pense que la croissance économique est illimitée. Il conclut que la croissance est un concept pervers, il est inconcevable que dans un monde fini, on évoque une croissance infinie. Un autre penseur déjà cité, Guy Jacques dans son livre « oser la décroissance », explique de manière simple et lucide sans avis politique, qu’est-ce que la décroissance. Il nous demande de ne pas avoir peur d’utiliser ce terme. Il critique l’effet pervers d’une augmentation de la croissance mesuré par son PIB : 17
« suivons le raisonnement de nos gouvernants et nos économistes qui souhaitent une augmentation annuelle du PIB de 2% pour inverser la courbe du chômage. Dix ans à ce rythme et le PIB aura augmenté d’environ 22% et, bien évidemment la consommation des ressources de la planète aura cru dans une proportion voisine. » Il propose une autre manière d’évaluer le développement économique, social et culturel. Il existe déjà l’IDH l’indice de développement humain de l’Unesco, ou le Bonheur national brut du Bhoutan. Finalement, il déduit que le plus important n’est pas un indicateur mais bien de modifier la logique qui assimile bonheur avec enrichissement financier et accroissement de la consommation. La deuxième notion développée est celle de simplicité volontaire. John Ruskin, précurseur de l’économie sociale, introduit le concept dans son essai « Unto This Last » en 1860. Ce mouvement de société propose une réduction volontaire de sa consommation en s’émancipant d’une dépendance à l’argent. L’idée est de se recentrer sur des valeurs essentielles dans le but de s’engager d’avantage pour la communauté. Les habitants de l’éco-village de Gaia ont fait le choix de mener une vie fondée sur une simplicité volontaire. Ils imaginent des échanges économiques alternatifs, des formations payantes de permaculture, de construction naturelle, de cuisine biologique ou encore d’apprendre à vivre en communauté. Les énergies renouvelables leur permettent d’être en autosuffisance énergétique. Les bâtiments sont pensés pour ne générer aucun cout ni pollution. Comme Jean Prouvé et sa maison tropicale, ils utilisent l’architecture bioclimatique comme seul moyen d’économie d’énergie, 18
Maison tropicale, Fond photographique 230J Jean Prouvé ©Centre Pompidou
en tenant compte des inclinaisons du sol pour contenir la fraicheur en été et de la chaleur en hiver, en plaçant les ouvertures cotés nord ou encore en ajoutant un auvent comme zone tampon à l’avant du bâtiment pour contenir la fraicheur intérieur. 21. Source : Le petit bulletin de Grenoble, 15 MARS 2016 par JeanBaptiste Auduc 22. Par exemple Yann Kindo écrit l’article dans Médiatpart « contre Pierre Rabhi (et qu’Althusser repose en paix.) » en 2014
L’éloge de la frugalité comme troisième concept. Emprunté à Pierre Rabhi, dans son livre « vers la sobriété heureuse » livre sorti en 2013, cette « rock star sobre, star du mouvement écologiste »21, fait l’éloge de la frugalité. Ce « gourou » comme le nomme certains scientifiques22, est controversé mais il est intéressant de noter que l’énergie qu’il met dans ce débat est intéressante et stimulante. Il prône la sobriété, se contenter de peu, vivre de manière simple. Ce maître penseur est un homme simple qui à travers de nombreuses conférences souligne le concept de conscience collective. Un autre mouvement social le réseau des villes en transition est apparu en 2005 dans l’université de Kinsale en Irlande sous la direction de Rob Hopkins. En Belgique, c’est l’association les Amis de la terre qui a popularisé le concept en 2007. L’objectif de ce mouvement est de préparer une transition économique face au défi que représentent le pic pétrolier et la question du réchauffement climatique. Ils ont une vision optimiste de l’avenir et ils considèrent les crises comme des occasions de changer la société actuelle. Le processus implique la communauté dans son ensemble car c’est elle qui doit porter le changement. Un réseau s’est créé « Transition Network » pour encourager, connecter et supporter les communautés qui souhaitent s’organiser autour du modèle de la transition.
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Le concept de romantisme écologique défini une vision du monde rayonnant, ne se définissant pas par une marchandisation et consommation excessive qui marque notre société actuelle. Toutes actions qui ont un rapport plus directes avec la nature, les actions non monétaires ou le plaisir esthétique définissent cette notion. Il a permis d’alimenter une écologie politique qui défend l’homme dans son environnement, réduit les impacts qu’il provoque et cherche comment retrouver un lien avec celui-ci. Ainsi la notion d’écologie-politique23 est la plus appropriée à développer. Depuis les années 1970 les militants de ce concept insistent sur l’intégration des enjeux écologiques dans le système politique et social. Un mouvement culturel qui devient politique puisqu’il touche à un changement de modèle économique et social ainsi qu’une évaluation de l’impact de l’homme sur l’environnement. Ces mouvements se battent pour des causes communes dans des domaines différents. Ils partagent les mêmes idéologies et souhaitent convaincre les sceptiques que nous entrons dans une ère nouvelle, le système capitaliste a été exploité à son maximum, épuisé, le système doit évoluer différemment. Nous constatons que dans de nombreux cas, les initiateurs et porte-paroles de ce changement ont eu une rupture dans leurs vies qui leur a permis de se questionner sur le sens de leurs vies : Quelles sont mes croyances personnelles profondes? A quelles valeurs m’adapter? A quel projet de société?
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23. «L’écologie politique, est un mouvement socioculturel nourri d’influences diverses (mouvements altermondialistes, féministes, pacifistes et non-violents, libertaires, socialistes, autogestionnaires, etc…) qui, depuis les années 1970, revendique la possibilité de mener une action politique prenant en compte les enjeux écologistes.» Par les Jeunes écologistes
24. Guy Jacques nous décrit p11 de son livre « oser la décroissance » un tableau d’évolution de la France entre 1975 et 2010. En 35 ans, le PIB par habitant s’est élevé de 59% alors que le nombre de chômeur a augmenté de 314% (en tenant compte de l’évolution démographique). Les deux indices ne sont donc pas du tout liés, beaucoup d’autres paramètres entre en compte.
Ici nous choisissons de citer Marc de La Meunardière, anciennement « business developer » à New-York, Alexandre Rojey ingénieur et directeur développement durable de l’Institut Français du Pétrole (IFP) ou encore Pierre Rabhi, issu d’une double culture, l’islam de naissance et occidentale d’adoption. Ils ont tous un point en commun : une rupture de leur quotidien qui leur a fait prendre conscience de l’impact de leurs actes sur leur environnement. Après cette révélation, ils ont tous pris un nouveau tournant dans leur vie et choisi de vivre selon leurs intuitions. Il est nécessaire d’énoncer que de nombreux politiciens et économistes dans le monde, sont partisans d’une économie libérale avec une croissance exponentielle de l’économie. Ils sont persuadés que seule l’élévation du PIB permet de maitriser le chômage. Chaque point de PIB gagné est considéré comme un point de bonheur gagné. Ainsi, on réalise que de nos dirigeants sont totalement convaincus par la loi d’Okun en économie, proposé par Arthur Okun, elle établit une relation entre le taux de croissance et la variation du taux de chômage. Alors que l’on note que l’augmentation du PIB n’est pas du tout lié à la diminution du chômage24. Nous sommes conscients que les idées citées ici ne sont pas suivies par la majorité de la population, le chemin est encore long mais tous ces acteurs sont persuadés que la somme d’actions individuelles dans nos quotidiens mènera à un projet de société collectif. L’idée est de faire converger les intérêts individuels et collectifs en respectant l’environnement.
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4- Ces changements vus depuis d’autres points de vue culturellement éloignés du nôtre Les remises en question, par tous ces intervenants, de leurs valeurs et de leurs croyances, sont liées à notre éducation dans une société occidentale qui a toujours voulu tout quantifiée et observée. D’autres communautés dans le monde se sont construites autour de l’immatériel, ils ont trouvé un accord entre leur corps et leur esprit. Pour eux, il est évident, que la fluctuation du moral influence le physique d’un individu. Cette représentation du monde me semble importante à citer car elle exprime une recherche d’un bien être intérieur. Elle met la priorité sur leurs relations et les impacts que nous avons sur nos proches et notre environnement. Ici on questionne les capacités perceptuelles de l’homme et non pas ces capacités intellectuelles. Notre société occidentale cartésienne nous a censurés, empêchés d’utiliser et comprendre ces capacités infinies du cerveau, que certaines communautés maîtrisent parfaitement. Prenons l’exemple de tribus africaines traditionnelles, dans la religion africaine tout est lié à la spiritualité, il n’y a pas de frontière entre le sacré et le profane. Le maître spirituel est autant respecté et important que le chef de la tribu, il est guérisseur et maître de la pluie. C’est une des caractéristiques commune à tous les mouvements de la transition, une recherche de plus en plus de « spiritualité ». Ici, la notion de spiritualité n’est pas un système religieux, c’est ce qui est esprit, ce qui est dégagé de toute matérialité. On peut aussi la nommer « spiritualité laïque »25.
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25. Un athée a aussi droit a une vie spirituelle, ce n’est pas une doctrine mais une dimension de la condition humaine. Elle est assimilée à tord à la religion. C’est une ouverture d’esprit sur les autres et le monde.
LES RUPTURES CARACTERISTIQUES DE NOTRE SIECLE : DECRYPTAGE DES SOLUTIONS Méthode mis en place pour décrypter les effets des ruptures de notre siècle sur notre environnement construit.
Ces propos seront structurés à travers la pensée de Marc Halévy pour développer tous les effets de cette mutation sur notre environnement construit. Il définit de façon accessible, les ruptures que parcours notre siècle. Ces ruptures donnent une grille de lecture qui permettra d’avoir une vision globale des solutions qui existent aujourd’hui pour répondre à ces crises. Marc Halévy, spécialisé dans les sciences de la complexité défini des ruptures caractéristiques de notre siècle, conséquence d’une société qui s’est construite trop rapidement, dans la précipitation et en niant les impacts induits sur notre environnement. Il imagine des éléments de réponse pour répondre à ces crises. Selon lui, les cinq ruptures fondamentales de notre siècle sont : écologique, technologique, organique, économique et philosophique. Il nous propose un changement de logique globale, qui répond à ces cinq ruptures. Les changements doivent avoir chacun une réponse valable.
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Marc Halévy26 : 1. Rupture écologique : Passage d’une logique d’abondance à une logique de pénurie. Réponse : La frugalité : « Moins mais mieux » consommer moins mais mieux. 2. Rupture technologique : Passage des technologies mécaniques aux technologies numériques. Réponse : L’intellectualité, le monde numérique doit être au service de l’homme et pas l’inverse. 3. Rupture organique : Passage des modèles hiérarchiques aux modèles complexes : il y a de plus en plus d’intervenants par action et de plus en plus d’interactions entre les intervenants. Réponse : L’ organicité : Passer des sociétés hiérarchisées et institutionnalisées à des communautés de vie organique, management organique, interaction entre les acteurs plutôt que des actions mécaniques figées entre des machines. 4. Rupture économique : Passage d’une économie de masse et de prix à une économie d’intelligence et de valeur. Réponse : La virtuosité, faire avec aisance des choses difficiles que les autres sont dans l’impossibilité de faire. Ce qui est facile n’a pas de valeur, tout le monde peut le faire, la seule manière de se battre, c’est le prix, la seule solution de stratégisation. 24
26. Extrait d’une vidéo de Marc Halévy du 24 juin 2015. «Halevy 5 ruptures» mise en ligne par Philippe Garcin. Marc Halévy présente les 5 ruptures du monde qui vont affecter profondément la vie des entreprises et leur modèle économique.
5. Rupture philosophique : passage du paradigme « progrès par la libéralisation » au paradigme « jouissance de la vie et joie de vivre » Réponse : Réinjecter de la spiritualité. Redonner du sens à tout ce qu’on fait même dans la banalité du quotidien. Donner une bonne raison de le faire. Répondre plus à comment le faire et pourquoi le faire, si on ne sait pas pourquoi on fait les choses on le fait mal ou peu. On s’engage dans une aventure de vie à une condition, c’est que l’on peut en être fier. La grille de lecture précédente, établi par Marc Halévy, va me permettre de structurer les différents concepts que je souhaite faire émerger. Je souhaite montrer qu’il existe de nombreuses solutions alternatives concrètes à notre système actuel qui fonctionnent et établissent les fondements d’un nouveau mode de fonctionnement. Ainsi, ci-dessous l’idée est d’utiliser la grille de Marc Halévy pour révéler des solutions mises en place par des groupes d’individus pour répondre à ces crises. 1. Prise de conscience de l’épuisement des ressources naturelles > Rupture Écologique 27. Nicolas Delon : co-fondateur de l’agence Encore Heureux, prône la réutilisation des matériaux et l’économie circulaire comme solution aux déchets de la construction.
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« Il faut se rendre compte que nos ressources sont limitées, on parle d’overshoot day : le point de non-retour, le jour à partir de laquelle nous vivons en crédit écolo gique, nous avons atteint la capacité de la terre à se renouveler. » Nicolas Delon27
La pénurie de matière première est un constat, nous vivons au-dessus des capacités de la terre à se renouveler. Nous devons exploiter les énergies renouvelables et tous les matériaux respectueux de l’environnement tant dans leur production que lors de leur utilisation. Nos quotidiens sont rythmés par des alertes environnementales concernant l’épuisement des ressources fossiles, l’extraction des minerais, la pollution de l’eau ou encore la déforestation. Nous arrivons à un point de non retour, nos sociétés doivent prendre des positions radicales en faveur de l’environnement. Les préoccupations écologiques semblent aujourd’hui faire consensus, nos politiques nous parlent de « transition écologique »28 quotidiennement, mais nous sommes encore loin du compte. Certaines sociétés illustrent que cette transition est possible et accessible. Le cas de l’Islande est un modèle, près de 100 % de l’électricité consommée est issue des énergies renouvelables et neuf habitations sur dix sont chauffées par énergie thermique29. L’Islande conseille aux pays souhaitant suivre son exemple, de mettre en place un cadre juridique et réglementaire, de la responsabilisation locale, une planification à long terme et une participation citoyenne. La société souhaite se transformer, ce constat est admis de tous, nous vivons au-dessus des capacités de la terre à se renouveler. Il est important que chacun prennent conscience de l’importance d’agir à son échelle, dans son quotidien. Dans cette optique, des associations voient le jour, elles ont toutes en commun la solidarité et l’entraide. 26
28. Le concept de transition écologique, créé par Rob Hopkins, signifie le changement de modèle économique et social, qui transformera nos façons de consommer, de produire, de travailler et de vivre ensemble. 29. Source: « Chronique ONU » Vol. LII No. 3 2015 Janvier 2016
Prenons l’exemple des GASAP (groupes d’achat solidaire de l’agriculture paysanne) qui fleurissent de partout. Ce sont des groupes de citoyens qui s’associent directement avec le producteur pour acheter de façon régulière et en circuit-court des produits de saison. C’est un contrat solidaire qui est établi entre le producteur et le consommateur, en échange de produits locaux et de saison, le producteur s’assure d’un revenu stable pour l’année qui suit. Alternative économique à la grande distribution qui prend soin de l’environnement.
Carte qui répertorie les initiatives citoyennes de Bruxelles © Greenpaper.be & asblrcr.be/carto
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2. Retour à un Savoir-faire perdu > Rupture technologique
Le passage des technologies mécaniques aux technologies numériques s’est fait tellement rapidement qu’elle a écrasé sur son passage tout un savoir-faire. L’homme est devenu complètement dépendant de la technologie, il ne sait plus s’en passer. La révolution industrielle a signé la fin de l’utilisation de matériaux locaux. La production de masse, la standardisation et le développement des transports de marchandises enclenchèrent une concurrence au produit le moins cher. La construction artisanale s’est éteinte peu à peu car elle demandait trop de main d’œuvre et n’était pas assez rapide. Nicola Delon nous parle des dérives de l’industrialisation en comparant l’architecture à l’industrialisation de notre nourriture. Il prend l’image de la nourriture prêt à manger en conserve ou surgelé, on ne sait pas vraiment ce qu’il y a dedans, d’où viennent les produits. Pour qu’il y ait du goût on ajoute beaucoup de sauce. Il compare la sauce à de la colle, du silicone qui vient figer un matériau, cacher une production à moindre cout et de mauvaise qualité. Au final le produit est utilisable qu’une seule fois, jetable et souvent très difficile à recycler. Tout cela fait qu’on a perdu du savoir-faire, on a oublié les matériaux et aussi ceux qui les mettent en œuvre. Aujourd’hui, il est temps de se poser la question, pourquoi l’évolution technologique devrait-elle rimer avec mauvaise qualité? Des individus proposent de trouver des moyens de faire évoluer la science tout en respectant l’environnement. 28
30. Par exemple celle de PAILLE-TECH la maison positive. Voir le site : http://www.pailletech.be/ 31. Source : The Economist, The future of employment : how susceptible are jobs to computerisation? 32. L’architecte Alaistair Parvin a présenté lors de la biennale du design de Gwangju, en Corée du Sud, sa WikiHouse.
WikiHouse de Alaistair Parvin
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Il est nécessaire de réapprendre à utiliser les matériaux naturels et il serait judicieux de se servir des progrès technologiques pour améliorer ces matériaux de façon respectueuse de l’environnement. Il ne faut pas non plus tomber dans les travers inverses et avoir peur de la technologie. Une maison construite en pisé, peut être associée à des moyens technologiques pour se monter de manière efficace et économique. Par exemple, des entreprises30 utilisent la préfabrication pour construire les panneaux en atelier. Une fois la dalle de fondation coulée, les éléments préfabriqués en atelier sont apportés et le gros œuvre est monté en 5 jours. Ensuite, on peut aussi utiliser des machines pour projeter une couche de finition en terre, il existe aussi des panneaux d’argile sèche préfabriqués. En effet, il faut être conscient que les progrès technologiques sont inéluctables, que la moitié des emplois d’aujourd’hui peuvent être remplacés par des robots dans les 20 ans à venir31. Par exemple, les machines-outils contrôlées par ordinateur sont déjà intégrés aux progrès de construction: on voit dans tous les pays des tests de maison imprimée grandeur nature. Autre exemple: l’architecte Alaistair Parvin32 fait partie des initiateurs des systèmes de construction en open source. Il a imaginé une maison à haute performance énergétique, à faible consommation d’énergie, qui peut être personnalisé et monté soi-même : La WikiHouse. Elle peut être construite à la chaine et standardisée. Cette maison en kit permettrait de justifier la production de masse. Sachant qu’elle est produite avec des matériaux durables, par et pour les consommateurs, il n’y a pas d’impacts négatifs à son développement.
De plus, son développement permettrait à une partie de la population défavorisée d’accéder à la propriété. L’idée n’est pas de s’opposer à la technologie mais de garder comme objectif que la technologie doit être au service de l’homme et non pas l’inverse.
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33. Extrait de la conférence TEDxSaintSauveur de Marc De La Menardière : Changer de croyances pour changer de monde. 34. Gerard Endenburg est un ingénieur néerlandais en électrotechnique né en 1933.
Superville#2 Les 2 et 3 juillet 2016 à la friche Miko à Bobigny. Rencontre et mise en réseaux de collectifs qui travaillent sur les même problématiques urbaines. © Bellastock 31
3. Le réseau, la communauté, la collaboration > Rupture organique « La somme des éveils individuels amènera l’éveil collectif. Ceux qui passeront à l’action inventeront ce monde de demain. » Marc de la Menardière33
La structure hiérarchique dominante dans nos sociétés occidentales est de forme pyramidale. La base de la structure est composée d’un nombre important d’employés avec un sommet représenté par un responsable, celui qui détient le pouvoir, qui a autorité complète sur l’entreprise. Le chef n’est plus le seul à détenir le savoir, aujourd’hui l’accès aux informations est accessible à tout le monde. Ce système hiérarchique a ses limites, il est difficile de trouver sa place et de prouver ses compétences et d’évoluer dans ce système dominé par un très petit groupe de personne inaccessible. Le passage de structures hiérarchiques à des structures plus agiles devient une nécessité, le monde qui nous entoure est devenu de plus en plus complexe avec une demande croissante d’adaptabilité, de réactivité, de vitesse. Ainsi, une alternative serait le système horizontal en réseau. Il rassemble un ensemble de personnes qui ont un objectif commun et qui sont en relation pour agir ensemble. Cette mutation permet aux sujets de participer et prendre des décisions avec la communauté. Le passage à ce mode de fonctionnement n’est pas facile, la mise sur pied d’outils tels que la sociocratie est nécessaire pour nous aider à prendre le virage. Ce mode de gouvernance, créé par Gerard Endenburg34 en 1970, est caractérisé par un fonctionnement sans structure de pouvoir centralisée.
Il s’appuie sur un mode d’auto-organisation faisant confiance à l’humain et sur une prise de décision distribuée. Le but est d’atteindre un objectif partagé par une intelligence collective, en respectant les personnes et en présentant la diversité des points de vue. Une expérience vécue est intéressante à développer pour illustrer ces propos. Faisant partie d’un collectif, nous avons été invités le week-end 2 juillet 2016 à participer à Superville35, organisé par Bellastock36. Un week-end sous le thème des pratiques liées à la construction de la ville d’aujourd’hui, autour d’une dizaine de tables rondes. Ces tables rondes se sont tenues avec d’intenses échanges sur les enjeux et rôle d’un collectif aujourd’hui. Le but était de connecter le plus de collectifs possibles afin de créer un réseau d’individu qui se battent pour les mêmes causes, qui se soutiennent collectivement en bénéficiant de l’expérience de chacun. Nous avons ainsi discuté avec de nombreux collectifs, la conclusion du week-end était la création d’une plateforme qui mettrait en relation quasi instantanément tous ces groupes. Cela nous a permis de nous créer un carnet d’adresses de personnes susceptibles de nous aider ou de nous conseiller lorsque nous sommes en difficultés puisqu’ils vivent les mêmes épreuves à travers leurs collectifs.
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35. Rencontres organisées pour créer un réseaux entre les différents acteurs qui se battent pour les mêmes causes. Cette deuxième édition de Superville, a eu lieu à Bobigny les samedi 2 et dimanche 3 juillet 2016. Les premières rencontres Superville ont eu lieu il y a 3 ans. Ils avaient invité de nombreux collectifs pour un weekend d’échanges et de rencontres. 36. Bellastock est une association d’architecture expérimentale créé en 2006, par des anciens élèves de l’école d’architecture de Paris-Bellevilles qui ont voulu pallier au manque d’expérimentation pratique dans leur cursus. Ils œuvrent pour la valorisation des lieux et leurs ressources. Elle initie des projets écologiques liés aux cycles de la matière et au réemploi dans le but de partager ses savoir-faire avec le grand public.
4. Equilibre entre l’humain, l’environnement et l’aspect financier > Rupture économique Notre société actuelle est en recherche constante de productivité. Tout notre système est basé sur un objectif de croissance avec une recherche d’augmentation de sa richesse matérielle. La population évoluant dans ce système est donc en constante recherche de produit à bas cout, elle souhaite consommer le plus possible des produits différents, les plus rares possibles au prix le plus bas possible. Ce système est destructeur, les producteurs font face à une concurrence tellement forte, que certains sont obligés de vendre à perte leurs produits. Le consommateur lui non plus, n’est pas épargné, prenons en exemple le secteur de l’alimentation : sous ces produits de moins en moins chers se cachent souvent des composants provenant des déchets alimentaires, avec beaucoup de graisse et d’eau ou encore des OGM remplis de pesticides. Cela provoque des grosses conséquences sur la santé humaine. Une des premières alertes est l’augmentation de personnes en surpoids. Ce constat se retrouve dans tous les secteurs : alimentaire, bâtiments, vêtements, automobile, astronautique ... toute notre société est touchée par ce phénomène. Il est évident qu’il est impossible de trouver des produits de qualité à bas cout dans ce système de concurrence. Il faut revaloriser les compétences, les savoir-faire et les produits pour retrouver un système économique sain pour producteurs et consommateurs. Une des premières actions est de valoriser les compétences de chacun. Chaque individu met à disposition sa compétence la plus importante, afin de garantir la qualité. Revaloriser et reconsidérer le travail 33
des gens est essentiel pour une meilleure estime de soi et de son travail. Pour aider à cette revalorisation, le consommateur a aussi des responsabilités, il doit se renseigner sur la provenance des produits qu’il achète et favoriser le produit qui respecte le plus la santé, l’environnement et le producteur. Le prix est plus élevé mais permettra des économies sur les frais de santé et de transport, et minimisera l’impact sur l’environnement. Pour en revenir à la construction, la classe moyenne, en ces temps de crise, a de grande difficulté à accéder à la propriété à cause de l’augmentation constante des prix. Afin de répondre à cette augmentation de la précarité du logement dans le monde, Aravana Alejandro37, a imaginé des demi-maisons qui permettent une construction à bas prix. L’habitant reçoit une base avec l’eau courante qu’il peut s’approprier et compléter sa demi-maison selon ses possibilités financières. Ce système a permis de construire une centaine de maisons avec le budget de trente maisons. Ceci est un moyen de faire entrer l’auto-construction de manière subtile en s’associant au système en place sans blocage par des réglementations.
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37. Architecte chilien primé en 2016 par le prix pritzker
Principe de demimaison. ©Aravana Alejandro
5. Questionner les capacités perceptuelles de l’humain plus que les intellectuels. > Rupture philosophique « Aujourd’hui les générations qui suivent sont plus du tout dans le « réussir dans la vie » mais dans le « réussir ma vie », on est plus dans l’extériorité mais dans l’intériorité, on est dans quelque chose qui appelle une forme de spiritualité, de naissance et valeur à sa vie, à son travail. » Marc Halévy Plusieurs intellectuels pensent que les crises que notre société subit sont liées à une domination de l’esprit cartésien. Descartes a désacralisé la nature et défini la terre comme une machine, tout est quantifiable ou observable. L’homme a oublié qu’il y a formation d’une biosphère parce qu’il y a des interactions entre les êtres vivants. Des personnes souhaitent questionner les capacités perceptuels de l’humain et recherchent un équilibre de bien être entre leur tête, leur âme et leur corps.
38. Satish Kumar est un auteur et activiste indien.
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Ce changement de perception entraîne des bouleversements et interroge profondément sur des valeurs auxquelles nous sommes attachées. Selon Satish Kumar38, quand les citoyens réaliseront que ce sont les systèmes politiques au service des multinationales qui ont créés les crises actuelles, une prise de conscience citoyenne soulèvera nos sociétés. Les citoyens deviendront de plus en plus autonomes, et s’organiseront de manière autonome au sein de leur communauté. Il faut prendre conscience que ce changement se fait en commençant par le bas, quand les personnes prennent leur destin en main et leurs responsabilités.
La première étape pour s’affranchir de cette société de consommation est l’autonomie et la responsabilisation. Une fois que l’individu s’est retrouvé lui-même, qu’il est capable de satisfaire ses besoins, il est à même d’interagir avec les autres. Ainsi, cette affranchissement oblige une exploration du vivre ensemble. L’homme est un animal social qui a besoin de contacts avec les autres pour vivre. Les partisans de cette remise en question continuelle concluent que l’individu existe aujourd’hui afin d’œuvrer à plusieurs pour satisfaire un besoin individuel.
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DÉMONSTRATION D’UNE ILLUSTRATION CONCRÈTE D’UN OUTIL DU CHANGEMENT Le chantier participatif et ses réponses aux cinq ruptures fondamentales
39. Geneviève Pruvost, chargée de recherche CRNS, publie sur CAIRN en janvier 2015 une étude sociologique des modes de vie écologiques à travers la notion de travail. Son article « Chantiers participatifs, autogérés, collectifs : la politisation du moindre geste » développe trois expériences dans des cadres différents. D’abord les chantiers participatif dans un cadre de bénévolat, puis les sociétés coopératives et participatives (SCOP) et finalement une expérience à la ZAD dans un contexte de lutte.
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La mise en place d’un chantier participatif nécessite une initiative citoyenne, une dimension écologique et un impératif de partage pédagogique. Les individus intéressés ont un réel désir de mise à distance de la société productiviste et d’appartenance à une communauté avec des projets qui ont une réelle recherche de sens. Geneviève Pruvost39 nous fait une analyse historique intéressante qui définit correctement le point central autour duquel s’organise un chantier participatif: « La formule des chantiers participatifs dérive sans aucun doute du succès de la démocratie participative. Le niveau de formalisation du dispositif est toutefois différent. Aux protocoles de consultation citoyenne des usagers, orchestrés par des professionnels de la participation, est opposée l’auto-organisation de la société civile » Historiquement, l’entraide entre individus était évidente, nous souligne Geneviève Pruvost à travers une étude de sociologie du travail, « une entraide villageoise » consistait à collaborer dans la construction des maisons de ses voisins, pour des questions économiques, domestiques et locales. L’habitat vernaculaire confirme que ce principe n’est donc pas nouveau. Cette remise aux goûts du jour de ce mode de construction participative est dû à un engagement militant, une solidarité que n’avait pas l’ancienne « entraide villageoise ».
Le mot militant désigne quelqu’un qui participe activement à la vie d’une organisation, qui se sent révolté et souhaite agir concrètement dans des actions qui ont du sens. Un nombre incalculable d’associations naît chaque année dans tous les secteurs, révélateur d’un dysfonctionnement du gouvernement car elles se montent pour compenser les faiblesses du système. Pour bien comprendre le mode de fonctionnement et le cadre dans lequel évolue un chantier participatif, nous allons faire une description des objectifs structurant ce système. Ces notions participent toutes à apporter une réponse à plusieurs ruptures définies plus haut. Il est intéressant de définir en quoi et comment elles y répondent.
1- Notions clés AUTOCONSTRUCTION RUPTURE ECOLOGIQUE
PEDAGOGIE PAR LA PRATIQUE
RUPTURE TECHNOLOGIQUE
RESEAUX, COLLECTIF PARTICPATION
RUPTURE ORGANIQUE
CROYANCE ET ENGAGEMENT
RUPTURE ECONOMIQUE
COMMUNICATION
RUPTURE PHILOSOPHIQUE
MATERIAUX LOCAUX
CHANTIER PARTICIPATIF
REEMPLOI ASPECT FINANCIER ET ASSURANCES
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Schéma d’organisation du chapitre suivant ©Production personnelle
L’AUTO-CONSTRUCTION :
> ECOLOGIQUE - ORGANIQUE - ECONOMIQUE - PHILOSOPHIQUE
40. Les membres des castors sont souvent issue de la classe ouvrière. Après guerre, ils n’ont pas les moyens de faire des emprunts à la banque pour construire leur maison. C’est alors que le Français Gëorgia Knap créée une notion en 1921 : l’apport-travail, qui va permettre de définir le temps qu’un ouvrier s’engage à investir sur le chantier de sa maison, cette notion permet de remplacer le capital nécessaire pour cautionner un emprunt. Ce temps est estimé à 650 heures prises sur leur temps libres, il faudra de deux à cinq ans pour un ouvrier pour s’en acquitter. Sachant qu’à l’époque un ouvrier travaille 50h/semaine à l’usine.
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En faisant l’analyse des différentes formes de construction aujourd’hui, nous constatons qu’il en existe une qui met l’aspect écologique au centre de ces réflexions. Ce premier concept est l’auto-construction, un mode de construction autonome, un moyen de construire à bon marché, en prenant soin de l’environnement. Historiquement, l’architecture était réservée à la création de monuments grandioses, réservée à une élite, alors que la majorité de la population construisait elle-même leur habitat. C’est au 19eme siècle, qu’un réel changement apparait, la révolution industrielle va promouvoir une architecture savante. Les nouveaux matériaux émergents permettent des nouvelles techniques de conception qui mettent l’accent sur la rapidité d’exécution, l’efficacité et le prix, effaçant toute forme d’architecture spontanée. Au 20eme siècle l’architecture est caractérisée par le mouvement moderne qui, à travers les logements collectifs, change la conception de l’habitat. Des groupements apparaissent suite à la crise de logement d’après-guerre, cherchant une solution de logement économique. Par exemple les castors40, un groupe d’associations en France, composés de particuliers qui se sont tournés vers l’auto-construction, afin de réagir vite face au manque de logements sans attendre les décisions de l’Etat. Milieu du 20ème siècle, l’Etat prend les choses en main et lance son vaste programme de grands ensembles, les castors ne peuvent pas combattre et s’essoufflent. Ces coopératives de Castors ont marqué les mouvements collectifs et sont aujourd’hui pris en exemple dans le domaine de l’auto-construction.
Une des raisons du recours à l’auto- construction était la motivation économique. En ces temps de crise du logement, c’est un moyen de construire bon marché et une possibilité d’accès à la propriété pour les classes moyennes et ainsi de résoudre la problématique de la précarité.
Les castors du Haut-Landreau en auto-construction 25/11/1954 © Ouest-France
Cette forme de construction a toujours existé, une entraide entre citoyens permettant de construire plus vite et à moindre cout. L’architecture auto-construite peut être définie comme de l’architecture vernaculaire, qui par définition est la forme la plus primitive d’architecture. Autrefois, on construisait sa propre maison par nécessité, pour répondre à un des besoins primaires de l’homme : s’abriter. Avec l’arrivée de la société moderne, la construction s’est « industrialisée ». Des multinationales se sont créées, construisant de grandes quantités de logements, ce qui leur permet d’influencer les prix des matières premières, de la manutention, de la main d’œuvre et également d’avoir un contrôle important sur les types de matériaux, les normes. Ceci n’est pas sans conséquence sur l’environnement. 40
Ce mouvement naissant, semblerait mettre l’accent sur une conscience et une démarche plus écologique et pas seulement sur un moyen économique de se loger. L’objectif est de trouver le moyen de construire le plus proprement possible, minimiser voire supprimer les impacts sur notre environnement.
Système de récupération d’eau de pluie ©Oreka
Il est néanmoins important de préciser qu’un chantier en auto-construction se fait très rarement seul. Il y a de nombreux intervenants, des entrepreneurs, architectes ou même amis. L’auto-construction est donc toujours partielle. Ces chantiers sont menés par des individus qui partagent la même philosophie de vie. Ils ont une certaine hostilité à la société industrielle, car ils choisissent de construire en dehors du système. Ainsi, ils ont un mode de vie cohérent, évidemment tous les auto- constructeurs ne sont pas similaires mais ils partagent les mêmes valeurs. En général, ils utilisent des matériaux biologiques, locaux, choisissent de vivre dans des lieux respectueux, se nourrissent d’aliments biologiques et parfois choisissent des systèmes alternatifs au système général (toilettes sèches, douche solaire, récupération d’eau de pluie ...) Cependant, un projet en auto-construction comportent de nombreux risques, il est important de les citer pour se rendre compte de ce projet de vie. Assumer un chantier seul demande beaucoup d’énergie, une bonne gestion du temps car souvent les maitres d’ouvrage exercent un métier à côté. Le constructeur doit vérifier que ses compétences techniques sont suffisantes pour ne pas entraîner des malfaçons dangereuses ou rendant le bien invendable, sachant que la garantie décennale n’est pas appliquée. Une des causes les plus fréquentes d’échec est l’organisation mal
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gérée qui force l’auto-constructeur à travailler beaucoup plus que prévu et à affronter des lourds problèmes, le risque est de délaisser sa vie de famille et ses proches qui finissent par vous tourner le dos. Il faut que les motivations économiques deviennent secondaires, il faut construire en autonomie pour les bonnes raisons: envisager la démarche personnelle et l’engagement qu’elle représente.
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LA PÉDAGOGIE PAR LA PRATIQUE & LES SAVOIRS-FAIRE > TECHNOLOGIQUE - ORGANIQUE - PHILOSOPHIQUE
41. Par exemple l’auteur M. Crawford écrit « l’intelligence de la main » dans son essai sur le sens et la valeur du travail, La découverte.
Depuis maintenant plusieurs années, l’idée d’apprendre en se confrontant à la réalité se développe. Il y a toujours eu une scission entre les intellectuels et les praticiens, les théoriciens ayant une vision généralement négative des praticiens. De nombreux auteurs nous parlent « d’intelligence des mains »41, ils souhaitent que notre société revalorise les activités concrètes et redonnent un sens et une valeur au travail. Ce mouvement s’est développé dans les années 1960 grâce notamment à plusieurs écoles célèbres : le Bauhaus, Black moutain college, Rural studio ... Il est néanmoins nécessaire de préciser que le compagnonnage existe depuis le moyen-Age. Cet apprentissage par l’expérience n’est donc pas nouveau mais renaît aujourd’hui sous un format différent.
MASONS BEND AL, 2000. Projet diplomant Rural Studio, de Forrest Fulton, Adam Gerndt, Dale Rush, Jon Shumann ©Auburn University
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Dans le développement de cette méthode de travail, je souhaite démontrer que la pédagogie par la pratique n’est pas une nouvelle méthode qui va remplacer l’ancienne mais qu’elle est bien complémentaire à une méthode théorique. L’idée, est qu’au lieu de seulement concevoir les plans, des dessins d’un projet, les concepteurs puissent aussi construire à l’échelle réelle, se rendre compte des dimensions et expérimenter l’espace. Le but est d’apprendre en construisant, il n’est plus question d’être efficace, il est même prouvé qu’un chantier participatif avance moins vite qu’un chantier normal, ceci est voulu, le réel but est l’échange d’expérience, de savoir-faire et la formation, et non la compétition. L’apprentissage en touchant la matière, en la manipulant, nous réapprend à utiliser un sens que l’on a plus l’habitude d’utiliser. Toutes les expériences prouvent que le fait de construire ensemble engendre de la cohésion sociale, un travail d’équipe, oblige aux consensus, apprend à écouter et à s’adapter. Bellastock parle d’une démarche en quatre temps lors de la mise en place de ce type de chantier, d’abord il faut explorer, observer et analyser le contexte et la matière. Ensuite expérimenter et tester des prototypes puis se concerter en groupe afin de trouver un consensus. Finalement la construction peut commencer avec l’aide ou non de professionnels. Ce processus rend quelque part, les participants auteurs de ce qu’ils créent, ce qui est valorisant et gratifiant. Nombre d’entre eux organisent des formations au sein de leur chantier pour allier pratique et pédagogie. C’est un des points majeurs structurant un Chantier Participatif. Cette démarche pédagogique est un apprentissage par la pratique, l’élève est formé par l’expérience qu’il va se 44
42. Le réseau « chantier » créé en 1995 afin d’initier un réseau de « chantier école » pour la réinsertion professionnelle et la formation de personnes en difficultés. Le but est démontrer que la pratique est un moyen de professionnaliser les acteurs et de les accompagner durablement.
faire en pratiquant lui-même. Nous pouvons nommer ces pratiques « chantiers école »42 qui lie formation et mise en pratique sur un chantier grandeur nature, dans le but d’échanger et de faire perdurer des savoir-faire. Les organisateurs élaborent des activités formatives, qui souvent servent aussi à rémunérer le chantier. Le professionnel prend du temps pour montrer par la pratique des techniques et demande ensuite aux élèves de tester la matière, c’est une manière d’apprendre par le faire. Cela peut être une démonstration de l’utilisation d’un outil comme l’apprentissage d’une technique de construction. Les spécialistes qui organisent les chantiers sont conscients que les personnes intéressées sont souvent inexpérimentées, c’est la richesse de ces chantiers, un mélange entre professionnels et débutants. De plus, ces tests constituent une véritable opportunité de vérification de la faisabilité de son projet. Les formations sont comme des tests en vrai grandeur qui permettent de vérifier le choix des matériaux, la composition, le temps et la logistique nécessaire. L’organisateur doit en plus être un très bon pédagogue. Partager une expérience comme celle-ci sachant que les participants viennent d’horizons différents avec des expériences variées, peut provoquer des tensions entre les participants. Le défi est de réussir à ne mettre personne à l’écart, d’avoir un groupe solidaire qui arrive à travailler ensemble. La discussion est un outil majeur. Toutes tensions doivent être amorties avant le commencement du chantier pour être certain de travailler dans une atmosphère sereine qui n’engendrera pas des risques humains, structurels ou esthétiques. Ainsi, toute la théorie sur la pédagogie par la pratique est essentielle, le responsable du chantier doit participer à des formations et doit être informé afin d’évaluer s’il est apte à prendre la responsabilité d’un chantier.
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La transmission des savoirs diffère d’un mode d’apprentissage scolaire classique directe maitre à élève ou indirecte par manuel scolaire. Les échanges de compétences sont liés à un choix spécifique des matériaux. Pour des raisons économiques, le bois et la terre sont des matériaux abondants et faciles à se procurer. Et pour des raisons idéologiques, ces chantiers prônent souvent le zéro déchet et l’anti-gaspillage. Les chantiers en éco-auto-construction utilisent généralement des matériaux type terre et paille dans leurs chantiers, plus rapide de mise en œuvre, ils entretiennent un savoir-faire qui tendait à se perdre.
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LES RÉSEAUX, LE COLLECTIF & LA PARTICIPATION
> ORGANIQUE - PHILOSOPHIQUE
43. Ivan Illich dans le sillage de l’écologie politique écrit La convivialité, Éditions du Seuil en 1973
Les échanges dans un chantier participatif sont en priorité un échange de service, donner de sa force de travail contre formation, hospitalité et convivialité. La notion de solidarité est primordiale, c’est l’enjeu principal dans ce genre de chantier. Ivan Illich43 part du principe que tout élément qui est institutionnalisé afin d’atteindre un but, devient dysfonctionnel quand il atteint un certain stade. Ainsi, le travail dans le secteur du bâtiment est devenu impersonnel et mécanique, il faut un retour à des « outils conviviaux » : « Lorsqu’une activité outillée dépasse un seuil défini par l’échelle ad hoc, elle se retourne d’abord contre sa fin, puis menace de destruction le corps social tout entier.»
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Les chantiers participatifs sont composés d’acteurs d’horizons différents, ils ont en commun la même optique du travail. On dénombre plusieurs statuts d’emploi qui composent un chantier participatif : les bailleurs professionnels ou non, des entrepreneurs rémunérés, des stagiaires, des étudiants, des bénévoles, des associations, des collectifs et souvent des proches qui viennent donner un coup de main. Il y a un mélange entre des professionnels et des profanes, cette mixité est essentielle et majeure pour une transmission des savoirfaire. Elle change la vision et permet l’enrichissement mutuel. Nous pourrions comparer ce schéma à un modèle d’entreprise artisanale ou familiale mais ce n’est pas le cas puisque les entreprises familiales sont associées à une forme corporatiste, qui défend un cadre qui se recentre sur leurs intérêts particuliers, sans vocation à un développement.
Selon les projets, les participants n’ont pas le même rôle ou fonction, il y a les responsables du projet, les gestionnaires du projet, les exécutants, les aides ponctuels et parfois des rôles sont mélangés ou partagés par la même personne. Ce groupe se mélange et s’entraide sans autorité, un échange de savoir-faire s’opère afin d’être continuellement dans l’enrichissement personnel et technique. Il est conseillé aux participants de prendre des initiatives et de ne pas hésiter à proposer au porteur du projet, des conseils d’amélioration. Il est important que les participants se sentent pleinement impliqués dans le projet et non pas comme des ouvriers. C’est aussi un moyen de prouver aux sceptiques que le bénévolat revendiqué dans cette démarche est complémentaire et non pas une main d’œuvre gratuite. Le schéma classique de construction veut qu’on fasse appel à un architecte et un entrepreneur pour gérer et organiser le projet à travers des réglementations très précises. Dans notre cas, l’objectif est de partager des savoir-faire et de rompre les sphères professionnelles rendues inaccessibles par un vocabulaire ou des techniques spécifiques. Le but de ce mode de construction n’est pas la productivité, le temps n’est plus le moteur du chantier, on privilégie les échanges et l’apprentissage au produit fini. C’est ainsi qu’il est intéressant d’avoir un « référent technique »44 au sein du chantier, ses responsabilités sont partagées avec le responsable du chantier, il est un appui essentiel, détenteur des savoirs techniques et d’expérience. Nous ne nions pas qu’il est nécessaire pour certaines étapes du chantier de faire appel à des entreprises, pour le gros œuvre ou des travaux type plomberie ou électricité, pour assurer une construction aux normes de sécurité. 48
Schéma d’organisation en réseau par YONA FRIEDMAN © Yona Friedman, Manuels Volume 1, 2007
44. Terme emprunté à l’association « Les Bâtisseurs Accueillants un chantier participatif »
Aujourd’hui la structure dominante de notre société est un système hiérarchique vertical. A l’opposé de ce système pyramidal, la notion de réseau ici est une composante forte que je souhaite développer. Ce système de réseau est basé sur le collectif et la participation. Le terme collectif est difficile à définir car il n’existe pas de définition exacte. Il est employé ici pour désigner les groupes de personnes qui n’ont pas les même compétences ou formations, mais qui ont souvent les mêmes convictions. Ils souhaitent travailler ensemble dans un but commun, donner du sens à l’action, sans obligation de contrepartie matérielle. Dans notre cas, nous pouvons parler de collectifs hybrides ou multidisciplinaires car le groupe n’est pas constitué que de professionnels mais de tout type de profil. 45. Défini plus haut, c’est un rassemblement autour des questions des statuts des « pratiques alternatives », leurs places, leurs actions, leurs rôles ...
Définition donnée par les organisateurs de Superville45 à Bobiny : « Les collectifs partagent peut-être un élément commun, celui de faire un pas de côté vis-à-vis de la fabrique dominante de la ville, de la faire avec ceux qui l’habitent. Ils sont différents par leurs méthodes et modes d’actions mais proches dans la remise en question de la maîtrise d’œuvre traditionnelle. » Pour compléter la définition, prenons l’exemple d’un collectif dont je fais partie: le collectif BAYA s’est monté en 2015 sous l’impulsion d’un groupe d’étudiant à l’école d’architecture La Cambre Horta, qui souhaitaient compléter leur formation en architecture en pratiquant plus la matière. Ce collectif prend en exemple la structure du collectif Bellastock et leur demande de les chapeauter.
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Ils développent des pratiques expérimentales d’architecture à travers une démarche durable et participative. Les projets mis en place sont dans une démarche de réemploi de matériaux, d’économie circulaire et de participation avec l’usager. Aujourd’hui, il regroupe une dizaine de membres actifs et une vingtaine de bénévoles. Les participants ne sont pas tous des étudiants en architecture et le collectif est ouvert à tous. On note que la formation du groupe s’est fait autour de leurs convictions et leur désir d’action. Chaque projet est tenu par un ou des responsables de projet qui s’occupent de la gestion du projet et retransmettent les informations au reste du collectif, les membres du collectif peuvent venir aider quand ils le souhaitent et quand les responsables appellent à la participation. Un des buts communs à tous ces collectifs est le transfert de savoir et l’envie de former les non-initiés. L’idée n’est pas de créer une sphère indépendante mais bien de s’ouvrir au plus de monde possible. Marc Halévy nous parle de « management organique » pour définir les interactions entre les acteurs. Ce concept englobe la notion de « participation volontaire » qui ne découle pas d’une nécessité socioéconomique ou d’un rang hiérarchique. Nous constatons que ces collectifs ont en commun l’idée de faire participer le plus de monde possible à leurs projets. Faire participer les futurs utilisateurs d’un lieu ou d’un objet est très important pour l’intégration et l’appropriation du projet. Il faut être conscient de la difficulté à faire participer les habitants, c’est un travail de longue haleine qui a des résultats non immédiats. Pour ces collectifs, c’est donc un travail important, qui prend du temps et de l’énergie. Aujourd’hui ces commandes particulières de participation sont de plus 50
46. Par exemple, le collectif Coloco a été appelé à participer à la rénovation de la place de la nation à Paris. Ils organisent des actions expérimentales pour dynamiser le quartier et expliquer le projet aux habitants. Sous jacent, on apprend que la mairie a prévu depuis le début de placer un bâtiment de la RATP, décision qui sera très mal pris par les habitants aux alentours, pour éviter des débordements, ils ont choisi d’appeler Coloco pour faire digérer cette information.
en plus reconnues sur le marché, c’est ainsi qu’on voit apparaître des dérives. Certaines institutions utilisent l’image positive des collectifs en leur demandant d’intervenir pour faire participer les habitants à la création d’un projet, initialement la demande est louable mais souvent le but final est de faire passer plus facilement un projet mal vu46. Souvent le terme participation peut être mal connoté, il est aujourd’hui utilisé dans tous les sens, sans discernement. On peut aussi parler du travail bénévole des collectifs, souvent surexploité et non valorisé à sa juste valeur. Il ne faut pas que les membres de ces collectifs deviennent des intermittents. La mouvance des collectifs est encore jeune, il faut mettre les limites et les devoirs de chacun en place afin que ces dérives ne deviennent pas inévitables.
Superville#2 Les 2 et 3 juillet 2016 à la friche Miko à Bobigny. Rencontre et mise en réseaux de collectifs qui travaillent sur les même problématiques urbaines. © Bellastock
Ces collectifs s’obligent à toujours garder un lien avec le monde universitaire. S’ils veulent faire changer les mentalités et les manières de construire il faut commencer par changer l’enseignement du métier. C’est pourquoi Bellastock garde un point d’honneur à garder son siège dans l’école Belleville de Paris, cela leur permet d’avoir une visibilité auprès des élèves, de faire de la communication plus facilement et de sensibiliser à l’intérieur même de l’institution. 51
CROYANCE ET ENGAGEMENT
> ORGANIQUE - PHILOSOPHIQUE
L’idéologie développée dans ces chantiers est un vrai mode de vie. Les personnes engagées place l’homme et l’ensemble de ses actions dans un écosystème, c’est à dire qu’il remet en question toute leur philosophie de vie et agissent de façon cohérente. Les points clefs de cette pensée sont : le respect de la nature, la réconciliation de la science et du progrès et les liens entre individus, environnement et société. Un vrai engagement lie ces individus, ils englobent ces actions dans un vrai projet politique d’action directe sans relais par des institutions. Ils choisissent d’être cohérents et de s’organiser autour de valeurs communes. Nous pouvons constater que ce concept n’a rien à voir avec un certain « capitalisme vert »47 qui implique une croissance sans limite et une production à moindre coût. «Le capitalisme vert, c’est la continuation d’un système qui dans son principe est destructeur de l’environnement et qui, dans sa dernière phase, s’est traduit par une expansion extraordinaire des inégalités. C’est seulement une construction et un habillage idéologique pour faire croire que l’on peut évoluer par rapport à l’environnement sans changer les déterminants fondamentaux de nos régulations sociales, de notre système économique et de la répartition des pouvoirs dans cette société.» Hervé Kempf48 Prenons l’exemple d’un chantier participatif en bioéco-auto-construction, d’une maison en paille et terre organisée en Lot-et-Garonne, pour introduire ces opinions politiques engagées. 52
47. Il n’a pas de définition précise mais il peut être défini par un système économique capitaliste qui veut respecter le renouvellement des ressources et le bon fonctionnement de la biosphère. Par exemple : gestion des déchets, biocarburants, énergie solaire ... 48. Hervé Kempf est un journaliste et écrivain français, il est l’actuel rédacteur en chef de Reporterre.
Les porteurs de projet font un appel à participants, ils y expliquent le projet et les taches à effectuer sur le chantier et proposent d’offrir le gîte et le couvert en échange : 49. Annonce extraite de « Les petites annonces de l’immobilier écologique » sur immobilierecologique.fr
« Nous avons 3 tentes à prêter, il y a un espace camping à l’ombre, toilettes sèches, douches solaires, ciné en plein air, ateliers de massage... instruments de musique bienvenus ! Le lieu est libre de drogues (pas de drogue) et nous offrons des repas végétariens bio et locaux (avec une participation selon vos possibilités). » Mathias, Agata, Kalina et Mila49 La disponibilité de toilette sèche ou de douche solaire souligne un engagement écologique politique fort qui induit une auto gestion de déchets en dehors du système classique de gestion des eaux usées. Mode de vie, aujourd’hui, approprié par des écologistes convaincus et certains collectifs engagés, ce qui reste une faible partie de la population. C’est ainsi qu’il est intéressant de vivre un chantier participatif pour remettre en question tous ces éléments du quotidien qui nous sont aujourd’hui imposés, délégués à des services qui gèrent tout pour nous. Ils ont une réelle volonté de changement et d’intégration de ces concepts dans le système global, ce n’est pas un simple acte de provocation, c’est un mode de vie. C’est un mouvement qui devient politique puisqu’il touche à un changement de modèle économique, social et environnemental. La notion d’écologie-politique défini plus haut, représente bien cette idée, remettre l’environnement au centre des préoccupations.
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COMMUNICATION > ORGANIQUE - PHILOSOPHIQUE - TECHNOLOGIQUE
En interne, la communication entre les différents acteurs est primordiale, d’abord dans l’avancée des travaux pour planifier au mieux les prochaines étapes de construction, pour le partage des savoir-faire et surtout une bonne entente avec toute l’équipe. En externe, elle est aussi importante, si nous prenons l’économie collaborative à grande échelle nous constatons qu’il y a de grand progrès dans l’information et la communication suite à l’essor des nouvelles technologies. Les applications comme Couchsurfing50, Blablacar51, Crowdfunding52 et de nombreuses autres, misent tout sur un design perfectionné et des sites Internet sophistiqués. Cependant, on observe dans le monde des chantiers participatifs en éco-bio-construction qu’ils sont représentés par un graphisme brut car ce mode de chantier touche en général des personnes déjà sensibilisés à toutes ces problématiques, les informations sont donnés pour tenir au courant et non pas pour séduire des non-initiés. Les annonces proposées sont principalement sous forme d’annonce sur des sites internet d’association dans l’éco-construction qu’il faut connaître pour trouver. Ces adeptes des chantiers participatifs se retrouvent dans les mêmes salons d’auto-construction, lisent les mêmes revues et sont abonnées aux mêmes sites internet. Les connexions se font par connaissance et bouche à oreille, les profanes sont peu informés des opérations misent en place dans ce milieu. Par conséquent, même si ce monde ne cesse de grandir il ne concerne actuellement qu’une faible partie de la population. Moderniser leur moyen de communication serait peut-être une solution afin d’attirer des profanes réticents53. 54
50. Plateforme qui propose un hébergement gratuit en échange d’un moment passé ensemble, sécurisée par un système de recommandation des usagers. 51. Blablacar est le leader mondial du covoiturage, c’est une plateforme communautaire payante qui met en relation des conducteurs et passagers souhaitant partager les frais d’un trajet en voiture. 52. Une plateforme de financement collaborative qui fait appel à un grand nombre de personne pour financer un projet sous forme de don ou de don avec contrepartie. 53. Lors de la campagne pour la présidentielle française de 2017, JL Melenchon a modernisé sa communication et a séduit énormément d’électeurs qui n’ont jamais voté pour ce parti auparavant. C’est une première approche pour attirer des personnes qui sont réticentes en premier lieu. Ces formats différents ouvrent les possibilités.
54. Plateforme ouverte en 2014 par Cédric Daniel et Vincent Peigné en France, réunit toutes les actions collaborative de construction qui sont porteurs de sens et d’utilité sociétal.
Une première solution pour se faire connaître est la création de la plateforme twiza54 un site qui réunit toutes les actions de Chantier participatif, sur une carte interactive. Le but est de se former, tester des nouvelles techniques avec des matériaux naturels et de se créer un réseau personnel. Cette plateforme permet une visibilité plus large et de réunir toutes les actions pour faire masse en prouvant que ce ne sont pas des actions isolées.
Plateforme Twiza Le logo est révélateur d’une envie d’attirer un plus large public de différents milieux. Le site est actuel et interactif.
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Finalement, il est intéressant de noter que le réseau autour d’un chantier participatif est très large. D’abord il y a le réseau des propriétaires de la maison, qui effectuent beaucoup de communication afin de promouvoir leur chantier et trouver des bénévoles. Les seconds atteints sont leurs proches et toutes les personnes qui ont envie de participer. Ensuite le réseau des artisans et professionnels de la construction qui interviennent dans le cadre d’un « chantier école » ou d’une formation rémunérée et finalement celui des bénévoles qui viennent de bouche à oreille d’horizons très différents. C’est une chance d’avoir un réseau aussi diversifié autour d’un projet. Pour étendre et enrichir ce mode de penser, il est nécessaire de faire plus de communication pour toucher des nouvelles personnes non- initiés.
MATERIAUX LOCAUX
> ECOLOGIQUE - TECHNOLOGIQUE - ECONOMIQUE
Pour s’en sortir il faut reconsidérer la nature, nous avertit Vandana Shiva55, ramener l’humain à la gouvernance d’entreprise locale. Il est important d’évaluer l’impact énergétique des matériaux utilisés autant dans leur construction que dans leur utilisation quotidienne. Un matériau nécessite de l’énergie pour sa création, son transport et sa transformation une fois qu’il n’est plus utilisé (recyclage). Il faut que toutes ces étapes tiennent compte de l’impact sur l’environnement en utilisant des matériaux écologique, durable ou réutilisés. Le système capitaliste dominant, copié du modèle économique américain, peut être appliqué à tout ce qui concerne le matériel mais ne fonctionne pas avec l’immatérielle : l’humanisme, l’intelligence, le talent sont des variables incalculables. Cette logique se diffuse à l’échelle planétaire, nous sommes entrain de créer depuis une vingtaine d’années un espace mondiale interdépendant. Les produits que l’on consomme s’uniformisent et les produits locaux se perdent. Il est désormais possible de manger la même chose aux quatre coins du monde, au même moment, pour un coût très bas alors que nos traditions et cultures sont complètement différentes. Cette généralisation des consommations et productions offre le choix et des libertés mais devient dangereuse à partir du moment où l’environnement et la santé sont mis en péril. Exporter des produits à l’autre bout du monde engendre une pollution énorme et souvent les produits supportent mal le transport. Ils sont produits en tellement grande quantité que l’on ne peut garantir de la qualité de composition et de production. 56
55. Ecologiste, écrivain et féministe Indienne vue dans le documentaire « En quête de sens » de 2014 de Nathanaël Coste et Marc de la Ménardière
56. En France, création en 2010 d’un label « origine France garantie » pour fédérer des entreprises et valoriser les savoir-faire.
Ainsi, consommer local c’est consommer des produits régionaux, des produits conçus le plus proche de soi. On réduit donc les émissions de gaz à effet de serre, on aide l’économie locale et on réduit les intermédiaires.
57. Lyon a été en 2016 la « capitale de la terre » lors du 12e congrès mondial sur les architecture en terre crue.
Plusieurs associations veulent recréer une économie locale à leur échelle, on voit se développer des magasins qui ne vendent que des produits fabriqués dans la région, la revalorisation de matériaux locaux56 ou encore la multiplication de marchés de créateurs. L’idée est de réduire le parcours entre producteur et consommateur, la composition du produit est obligatoire et traçable. Ainsi, les transports de marchandises sont réduits et limités à certains produits, les produits locaux sont réévaluer à leurs justes valeurs et les savoir-faire sont revaloriser. Il existe des systèmes de réseaux, composés d’acteurs de la construction qui produisent et valorisent les matériaux locaux et durables. Par exemple un cluster en éco-construction est né à Namur, c’est un réseau d’acteurs composé d’architectes, entrepreneurs ou encore de bureaux d’études. Ils ont tous signé une charte qui les engage à construire durablement, en respectant l’environnement par l’usage d’éco-matériaux.
Matériau 100% écologique à base de micro champignons remplace les isolants © ecovativedesign
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Nombreux acteurs des chantiers participatifs sont sensibles à ces problématiques et utilisent en général des matériaux locaux et naturels. Ce sont des chantiers en éco-construction qui souhaitent démontrer qu’il est possible de construire sainement. Nous constatons que la terre, le premier matériau de construction de l’histoire redevient « à la mode »57 aujourd’hui. De plus en plus de personnes expérimentent la terre pour leur logement. C’est un matériau abondant qui nécessite très peu d’énergie pour sa fabrication en comparaison de la chaux, de la brique ou du ciment.
Le laboratoire CRAterre de Grenoble58, référence mondiale dans l’architecture de terre, s’occupe de diffuser et améliorer les connaissances au niveau international. Ils expliquent que les progrès techniques développent des machines plus performantes pour tasser, transporter, mélanger la terre, cependant la vrai révolution en reconsidérant ce matériau est qu’il combine : confort, écologie, esthétique, sécurité, peu d’énergie consommée et pas de déchet.
58. Depuis 1979, CRAterre, Centre international de la construction en terre, associé à l’école nationale supérieure d’architecture de Grenoble, œuvre à la reconnaissance du matériau terre. Nous pouvons découvrir de nombreux projets, conférences et formations sur leur site internet : craterre.org.
De plus, internationalement des initiatives naissent et des laboratoires font des expérimentations afin de trouver des matériaux qui optimisent la construction sans impact sur l’environnement. Par exemple, une start-up américaine a imaginé des briques59 d’un mélange de ciment et de cellulose qui provient de papier et carton recyclés. Elles pèsent à peine 8kg et peuvent remplacer des murs ou charpentes. Un institut allemand a inventé un carrelage60 fabriqué avec un mélange d’époxy, d’huile de lin et de fibres naturelle. Ou encore un nouveau matériau61 100% écologique à base de micro champignons mélangés à des résidus et produits de l’agriculture remplace les isolants type polystyrène expansé. Ce ne sont que des exemples sommaires d’innovations techno-écologiques qui sont imaginées chaque jour. Il y a encore beaucoup de choses à explorer dans ce domaine. Ces matériaux sont pour l’instant souvent associés à une petite échelle et à des maisons individuelles, ils pourraient prendre une ampleur différente si on essayait de les démocratiser.
59. Créer par un centre un organisme de recherche à but non lucratif créé en 2004. La mission de CABS était - et est toujours - de mener des recherches sur des matériaux de construction alternatifs qui ne polluent ni épuisent l’environnement. Source : betr-blok.com
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60. Imaginé par un institut et centre de recherche germanique : Fraunhofer-Gesellschaft 61. Une société de biomatériaux qui développe des produits hautement performants, sûrs, sains et certifiés durables Source : ecovativedesign.com
REEMPLOI DE MATERIAUX > ECOLOGIQUE - TECHNOLOGIQUE - ECONOMIQUE 62. Source : L’agence Rotor à Bruxelles 63. Par exemple : Encore heureux ou Rotor sont des bureaux qui travaillent exclusivement avec ces problématiques. 64. Le terme Ressourcerie est une marque de la fédération RESSOURCES. Le concept se définit comme une activité économique sociale créatrice d’emplois et porteuse de valeur ajoutée, dont la priorité est la valorisation de produits en fin de vie, via la réutilisation.
La pénurie de matériaux implique une restructuration de notre mode de construction pour le bien de la planète. Le secteur de la construction est l’un des plus polluant, il représente en Europe plus de 40%62 des déchets produits. Aujourd’hui principalement, nous brûlons ou enfouissons nos déchets. Une manière de faire des économies et de réduire les déchets en construction est le réemploi de matériaux. Cela s’inscrit parfaitement dans la logique environnementale et économique actuelle. Et pour aller plus loin, on applique le principe d’économie circulaire qui est un concept économique qui s’inscrit dans le développement durable. Il propose de reproduire le fonctionnement cyclique de nos écosystèmes naturels, en réutilisant les produits que nous jetons habituellement. Le but est de limiter la consommation et le gaspillage des matières premières en créant une boucle, nos déchets sont transformés ou réutilisés de façon à ne jamais perdre de matière. Ce principe n’est pas du recyclage, même si certains matériaux se recyclent bien, l’aluminium par exemple, il ne peut pas s’appliquer pour tous les types de matériaux. Le recyclage connait le phénomène d’entropie qui réduit les caractéristiques des matériaux et atteint un principe de non-retour. Le réemploi est imaginé comme solution d’avenir par de nombreuses jeunes agences d’architectes63. Les matériaux sont déjà extraits, l’énergie nécessaire à la transformation y a déjà été consacrée, il est donc intéressant de les réutiliser. Il est aussi très utilisé par des associations et acteurs dans le milieu sociale (les petits riens, Oxfam, les ressourceries64 ...)
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qui grâce à la collecte, réparation, revalorisation des biens usagés, offrent la possibilité aux personnes dans une grande précarité, d’accéder à des équipements inaccessibles pour eux à la base. Nicolas Delon conseille aux générations d’architectes futures, d’utiliser la matière première qui nous entoure, la ville. On constate un grand engouement autour de ce principe, l’écopôle RecyK vient d’être inauguré à Bruxelles, c’est une plateforme d’économie circulaire et sociale, dédiée aux métiers du réemploi, de la réutilisation et du recyclage de déchets. En 2015, Bruxelles environnement lance « be circular »65 l’objectif est de redynamiser l’économie bruxelloise avec une vision sur 10 ans. Ils identifient l’environnement comme porteur d’emplois, en lien avec un programme en économie circulaire. Malgré que ce principe reste faiblement utilisé, par méconnaissance ou réticence, il tend à se développer fortement. De nombreux collectifs développent leurs projets en chantier participatif autour du réemploi. Prenons le cas d’Actlab, un laboratoire du réemploi lancé par Bellastock à Saint- Denis. Il utilise des matériaux issus de chantiers du territoire aux alentours pour tester, assembler la matière en nouveaux composants. Ainsi, Bellastock intègre des matériaux de réemploi dans tous leurs projets. Ils critiquent la production de déchet des activités de construction qui produisent 73% des déchets en France, soit 260 millions de tonnes par an66. Ils organisent aussi des résidences, des chantiers pédagogiques et des événements pour promouvoir ce domaine et ouvrir les portes à tout public. Ils veulent transmettre leurs connaissances sur l’utilisation de ces matériaux repensés comme des ressources.
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65. « be circular » est une initiative du gouvernement de Bruxelles-Capitale pour développer et soutenir économiquement les projets qui ont une optique local et d’économie circulaire au bénéfice de l’environnement. 66. Source : « Economie Circulaire, le BTP doit faire sa révolution », septembre 2014
Plan d’organisation de la filière de réemploi Actlab sur la Zone d’Aménagement Concertée de l’écoquartier fluvial de L’Île-Saint-Denis © Bellastock
Cependant, le réemploi est une solution d’avenir qui a ses limites, il est impossible dans notre système actuel de généraliser le réemploi. Il est nécessaire que le système change si l’on veut que le réemploi prenne vraiment une place importante. Le réemploi a un coût, le produit subit des transformations de remise en forme, souvent nécessaire et qui peuvent coûter cher selon le produit. De plus, la réutilisation d’élément structurel est très difficile, ils ne réagissent et ne vieillissent pas de la même manière. Il faudrait créer des laboratoires de recherche qui effectuent des tests sur l’évolution des structures en fonction du temps et autres aléas de la vie.
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ASPECT FINANCIER & ASSURANCES > ORGANIQUE - TECHNOLOGIQUE - ECONOMIQUE
Ce moyen alternatif de travailler court-circuite le système actuel de redistribution des richesses instaurées par l’Etat. Les pratiquants sont adeptes des dons et échanges non monétaires, faisant appel à la générosité du public. Or, il est rare qu’un chantier collectif soit autosuffisant financièrement parlant, des matériaux sont nécessaires et obligent un échange financier. Ainsi, ils organisent des formations que des stagiaires payent auprès d’un professionnel. Cet argent sert aussi à financer les bénévoles qui viennent sur le chantier échanger leur aide contre gîte et couvert. On voit apparaître de nombreux appels aux dons matériels ou des plateformes de financement participatif. Ces plateformes appelés « crowdfunding » aident à collecter des dons pour lancer des projets, par exemple celle de Kisskissbankbank. Elle donne l’occasion à n’importe quelle personne de lancer son projet sur une interface design et interactive, ces projets sont destinés au plus grand public qui a le choix de soutenir les projets qui leurs plaisent. Ce type de site à la particularité d’utiliser le concept du « tout ou rien ». L’argent est redistribué si le montant total n’a pas était atteint dans le temps imparti, cela permet de réguler les projets qui sont impossibles à réaliser. Le financement participatif est un soutien particulier, le projet a une influence forte car il a le soutien d’un public très large qui lui fait confiance. Le plus célèbre financement participatif est celui de la campagne de Barack Obama, financée à hauteur de 150 millions de dollars. Cependant, il faut rester prudent, l’etat aujourd’hui ne reconnait pas ce type de construction, le cadre légal 62
67. Il existe néanmoins des assurances individuelles « tous risques chantier ». 68. Les « Bâtisseurs Accueillants un chantier participatif » sont entrain d’écrire une charte qui défini des mécanisme de solidarité permettant à tous de lancer ce concept et non seulement à ceux qui ont les ressources nécessaires pour en organiser.
relatif au bénévolat n’existe pas. Ainsi, le responsable du chantier est dans le devoir de sécuriser son chantier, en contractant des assurances67 pour lui et ses participants. Le fait d’auto construire, signifie qu’il n’y aura pas d’interventions de professionnels qui viennent certifier de la conformité des travaux et garantir l’assurance décennale. La question des assurances est cruciale, c’est d’ailleurs l’élément le plus controversé. Ce mode de travail court-circuite le fonctionnement bailleur promoteur, ce système permet de pallier aux obstacles des réglementations et des normes. Néanmoins, il faut alors être conscient que les assureurs sont réticents et refusent souvent d’assurer le bien, d’ailleurs c’est pour cela que l’assurance décennale n’est pas appliquée. Aujourd’hui, cette construction participative n’est pas reconnue par la loi belge. C’est ainsi que le forum des bâtisseurs68 prend des dispositions pour permettre à tous les acteurs de ne pas être hors la loi en démarrant ce type de chantier. Ils ont mis en place des chartes et systèmes d’assurance pour protéger ces participants. Ils ont rencontré de nombreux experts qui les ont conseillés sur les méthodes à adopter pour se protéger sans détourner le système actuel. Il est nécessaire de trouver des solutions légales pour faire reconnaître ce nouveau modèle entrain d’émerger.
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2- Les limites Une des premières difficultés est de gérer un groupe qui doit travailler sur un chantier composé de profanes et professionnels. Les compétences, les envies et les caractères de chacun sont très hétérogènes, l’organisateur doit être bon pédagogue et patient pour parvenir à intégrer tout le monde de façon équivalente. La bonne entente est essentielle pour éviter tout risque d’accident ou régler certains problèmes techniques de façon pertinente. Les participants doivent être aussi conscients de leurs compétences et non- compétences pour ne mettre personne en danger. Il serait intéressant de proposer à(aux) l’organisateur(s) de se former à la gestion de groupe, il(s) devrait(ent) pouvoir prouver qu’il(s) a(ont) les compétences nécessaires. Dans cette société du risque où tout est sécurisé, contrôlé et nettoyé, il est difficile pour un chantier solidaire de trouver sa place. Ils restent de nombreuses questions aléatoires sur les assurances, les responsabilités, les statuts des demandeurs d’emploi ou la légitimité des formations données. C’est une auto gestion non contrôlée par des normes, il serait essentiel de clarifier ces questions pour que les pouvoirs publics s’intéressent à ce modèle. Ce n’est pas pour autant que l’on dénombre plus d’accidents ou de problèmes, il est juste plus difficile de se lancer dans un chantier en auto-construction car il est certain que les services de gestions ne vous suivront pas dans vos démarches. Il faut en être conscient et être préparé à être confronté à des difficultés supplémentaires.
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69. Sociologue français de l’Université d’EvryVal d’Essonne
Les idées véhiculées dans les chantiers collectifs sont soutenues par des personnes originaire d’un même milieu social, celui des classes moyennes éduquées. L’analyse de Hubert Billemont69 à travers sa thèse démontre que la classe moyenne est sur représentée parmi les écologistes. En effet, ils ont la possibilité de se préoccuper de ces questions car ils sont économiquement viables et donc plus sensibilisés à ces questions au quotidien. Cependant, c’est la mixité sociale qui créé la richesse de propos et d’actions. Il est donc nécessaire de mettre l’écologie au centre des préoccupations de tous car nous arrivons à un stade de non-retour. Les politiques devraient concentrer leurs réformes autour de ce constat, revaloriser l’environnement qui nous entoure pour notre bien-être et celui de la nature. Nous pourrions proposer un autre point qui fait partie des convictions du mouvement de l’écologie-politique mais que les chantiers participatifs n’intègrent pas beaucoup, ce sont les progrès technologiques. Ils ne sont pas beaucoup mis en valeur dans ces chantiers. Il serait très intéressant d’associer progrès et respect de la nature et des hommes, afin de prouver que le retour à la terre ne signifie pas retour en arrière. Elle doit permettre de défendre plus efficacement notre environnement en se servant des progrès pour améliorer le projet. Recréer ce lien permettrait d’attirer un public différent, qui se sent plus proche de ce monde technologique. Ainsi, on ne pourrait plus reprocher à ce mode de vie d’être réservé à une catégorie de personne. Finalement, nous assistons à une augmentation de fréquentation féminine sur les chantiers d’autoconstruction à tous les niveaux, en tant autoconstructrices, architectes, maçonnes ou bénévoles.
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Aujourd’hui, la force physique n’est plus une excuse valable, le développement technologique à modifier les techniques et le développement de techniques ergonomiques pour transporter des charges lourdes permettent d’avoir le même rendement qu’un homme. Dans ce genre de chantier on ne met pas en avant un impératif de productivité, il avance forcément plus lentement qu’un chantier traditionnel car on met la priorité sur la pédagogie, le respect de l’environnement, des matériaux et sa santé personnelle. On ne peut pas nier que le virilisme et la hiérarchisation ne sont pas révolus mais reste des éléments superflus dans le cas d’un chantier participatif car les bénévoles sont libres de partir quand ils le souhaitent. C’est une avancé positive pour la femme même si en regardant les statistiques nous sommes encore très loin d’une égalité de fréquentation.
Etudiant(e)s de l’atelier ‘architecture construite’ de la faculté d’architecture de l’ULB. En 2016, le groupe a conçu et réalisé du mobilier extérieur et une scène pour les utilisateurs du parc de l’Allée du Kaai en collaboration avec la Zinzinerie.
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IMMERSION DANS DES CHANTIERS PARTICIPATIFS Apprentissage expérientiel70
1- Cas d’étude 70. Expérientiel est un adjectif qui qualifie quelque chose qui est lié à l’expérience, c’est-à-dire aux connaissances que l’on acquiert au cours de la vie et à travers les usages de la société et du monde. 71. La terre crue représente 15% du patrimoine bâti français en 2010. Source : Guillaud Hubert, Construire en terre, Dans une démarche globale, ce matériau prouve toute sa pertinence, N° 295
Cette partie traitera de différentes expériences vécues au sein de chantiers participatifs. J’ai choisi trois projets qui ont des problématiques différentes. Ils illustrent chacun à leur manière le concept de chantier participatif. Le premier relate ma première expérience sur un chantier participatif, en 2013. C’est un chantier en éco-construction en terre crue dans la région Rhône Alpes en France71. Ensuite je développerai un chantier développé à partir d’une initiative spontanée, dans une zone de non-droit à Calais en 2016. Le dernier chantier est un projet social, multidisciplinaire, développé à Bruxelles en 2017. CHANTIER TERRE CRUE Auto-éco-bio-construction Contexte Après avoir travaillé sur plusieurs chantiers qui mettent en oeuvre la terre crue, Grégoire souhaitait lancer son propre chantier. Il a alors acquis un ancien corps de ferme à Puy-en-Velay, dans la région Rhône-Alpes. Une des régions qui contient le plus de construction en terre crue de France grâce à sa terre argileuse et une granulométrie homogène. Il est chercheur chez CRAterre pendant l’hiver et lance la réhabilitation de sa maison en chantier participatif durant l’été. Il ajoute plusieurs contraintes à l’élaboration de son projet qui sont pour lui,
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des objectifs intransgressables : une bonne efficacité énergétique en concevant une maison bioclimatique72 passive, une valorisation des matériaux locaux à faible énergie grise et un maximum de réemploi de matériaux. Acteurs Pendant la durée du stage, nous avons rencontré plusieurs profils de personne : des étudiants, chômeurs, spécialistes en terre crue, professionnels de la construction et des membres de la famille de Grégoire. J’ai rencontré des personnes venant de milieux très divers, toujours prêtes et enthousiastes pour m’aider dans les différentes taches. Le rythme était soutenu mais jamais abusif, respectant la météo et le climat. Dans ce cas-ci, le maitre d’ouvrage était aussi le référent technique, j’ai donc pu constater que les principales difficultés se trouvaient dans l’organisation. Grégoire devait gérer un groupe avec des compétences très différentes et coordonner le chantier comme un chef de projet qui suit un planning serré. Grégoire dispose d’un site web qu’il actualise tous les jours sur l’avancé du projet, il a ajouté un onglet « chantier participatif » où il fait un appel à bénévole. On peut aussi y trouver un calendrier de chantier qui décrit les taches à effectuer par semaine, ainsi les personnes intéressées peuvent choisir les périodes qui leurs plaisent. Le déroulement du projet Le chantier a démarré en 2013 et on s’aperçoit aujourd’hui en 2017, qu’il n’est toujours pas terminé. Grégoire vit dans une annexe, il ne cherche pas à tout prix à se loger, c’est une philosophie de vie, il utilise son chantier comme un terrain d’expérimentation. 68
72. « Construire bioclimatique veut dire construire en prenant en compte les interactions entre le climat et l’écosystème. Cette adaptation a deux buts principaux : Se protéger des aléas du climat (froid/chaud, vent, pluie etc.) Profiter des bienfaits du climat (lumière, chaleur ou fraîcheur naturelle selon la saison, brise douce, etc.) » définition de Ugo Degrigny - Cofondateur de la SCOP Fiabitat.
En arrière plan l’ancien mur en pisé conservé, en premier plan un monticule de terre de pisé utilisable. © Photographie personnelle
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Les premiers jours nous avons effectué des travaux préparatoires à la construction. S’agissant d’une réhabilitation, il a fallu en premier lieu déterminer les éléments à garder et ceux à détruire. Ainsi, l’ancienne toiture a été changé, un mur de parpaings a été détruit et les murs en terre en mauvais état ont été réparés. L’étape suivante fut de couler les fondations pour les nouveaux murs et de monter les murs en pisé. Lors de cette étape, Grégoire a passé beaucoup de temps à nous montrer les différentes techniques de mise en oeuvre de la terre. Les coffrages étaient fait de bois récupéré et nous tassions la terre à l’aide d’un étais de chantier. Grégoire a aussi réalisé une cabane expérimentale en paille au milieu de son terrain, elle sert de stock et de lieu d’expérimentation de différente méthode d’application du torchis. Elle deviendra plus tard une cuisine annexe. Les phases d’installation étaient tout aussi importante que celle de construction: construire des étagères, réparer des outils ou encore évacuer des déchets à la déchèterie, étaient des étapes essentielles au bon fonctionnement et à la vie en communauté voulu sur le chantier.
Le choix des matériaux et le budget Durant ce chantier, j’ai pu expérimenter et découvrir cette manière de construire autrement. Habitant une maison en pisé, c’est un matériau qui m’était familier. Tous les matériaux utilisés étaient naturels et récupérés, ainsi la terre de pisé était reprise sur des anciennes fermes abandonnées ou offerte par des paysans. Les équipements étaient en priorité de la récupération ou de l’achat de seconde main. Souvent les formations étaient payante, cela permettait de financer le projet. Nous avons pu réaliser des tableaux granulométriques afin de tester différents dosages dans la cabane d’expérimentation ou encore réaliser un mur de terre banché compacté à l’aide d’un pisoir73. Le budget de Grégoire était très serré, il devait faire des concession sur certains équipements et chercher des méthodes alternatives sur certaines étapes du chantier. Attentif aux réactions de chacun, il a aussi choisi de faire des interruptions sur certaine étapes du chantier pour éviter un travail trop répétitif et redondant et
Tableau granulométrique qui permet de tester la terre de torchis en fonction de la quantité de paille et du sable. Réalisé dans la cabane d’expérimentation. © Photographie personnelle 70
73. Masse en bois dur pour compacter la terre de pisé.
nous expliquer des techniques. Ceci est impossible dans un chantier classique qui perdrait de la rentabilité et donc de l’argent, puisque les corps de métier sont payés à l’heure. Le partage et la dimension humaine Ce stage était ponctué de séance de formation, d’apprentissage sur chantier et d’échanges de savoir. En échange de notre aide, le propriétaire de l’ouvrage nous logeait sur un terrain et nous offrait les repas, qui était composé d’aliments biologiques et locaux. En plus de ça, Grégoire était un bon pédagogue qui a pris du temps pour nous expliquer et nous montrer toutes les possibilités que nous offre la terre crue.
Différents systèmes techniques construits pendant le chantier avec principalement des matériaux récupérés. © Dessins personnels
Grégoire a un mode de vie et des convictions écologiques très fortes. Nous avons pu le constater lors des repas, de son lieu de vie et de son rapport à la terre. C’est une personne très cohérente qui a choisi un mode de vie qu’il respecte précisément. Néanmoins les convictions ne doivent pas devenir des contraintes qui nous privent et nous contraignent quotidiennement. Par exemple, Grégoire ne mangeait que la nourriture biologique et local, il était capable de se priver de nourriture si les moyens qu’il avait ne lui permettait pas de s’en procurer. Nous avons vécu des périodes plus compliquées avec des moments de désaccords. Ce n’est pas toujours évident de vivre en communauté quotidiennement surtout quand les participants ont des profils et des caractères très différents. Grégoire a su gérer avec sagesse ces moments de tension accélérés par une fatigue accumulée. Cependant, je garde en mémoire l’expérience humaine très enrichissante et les échanges de savoirs abondants.
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Dans ce projet je faisais partie des participants et des novices, présents pour apprendre et se former. Les compétences de chacun sont différentes, elles peuvent être techniques mais aussi humaines. Globalement ce projet était une réelle révélation pour ma part, une découverte et une prise de conscience sur le monde qui m’entoure. Il a engendré une remise en question sur le métier d’architecte et la façon dont j’aimerai exercer ce métier.
L’équipe de bénévole qui a aidé Grégoire dans son chantier terre crue. © Photographie personnelle
EXPERIENCE VECUE Témoignage personnel « En 2013, une connaissance me présente Grégoire Paccoud, un jeune architecte spécialisé dans le travail de la terre et chercheur au sein du laboratoire CRAterre. Passionné par la terre et l’idéologie des chantiers participatifs, il lance son propre chantier en autoconstruction début 2013. Le site est proche de Mâcon et de ses grands axes, à deux pas des champs et des bois, dans un village bien pourvu en services. 72
Le terrain est en cœur d’ilot, à l’abri du bruit de la nationale, un ruisseau le longe et en bout de terrain des plantations forme une barrière végétale. Le bâtiment en lui-même est un bout de hangar en ruine, tout en longueur, disposant d’une seule façade pouvant s’ouvrir, exposées idéalement pleins Sud. Un terrain idéal pour explorer les difficultés et opportunités que la réhabilitation que le pisé peut offrir. Au même moment, nous devions effectuer un stage dans un domaine ouvrier dans le cadre d’un cours de technologie de la construction, j’ai profité de l’occasion pour participer à son chantier avec deux amis. C’est ici, que j’apprends le concept de participation dans un chantier. Nous évoluions sur un chantier qui n’avait rien de traditionnel, les participants ont tous des emplois, des formations, des âges, des origines, des parcours de vies ... différents! Le chantier avançait assez lentement malgré un rythme soutenu, nous passions beaucoup de temps à expérimenter la matière et des techniques de construction. Grégoire nous a fait rencontrer toute sa famille, sa mère, son père et nous avons même partagé un repas avec sa tante, révélateur d’un chantier avec des valeurs amicales et familiales encrées. Il a énormément partagé sa vie avec nous. Tout cela était nouveau pour nous, tous les trois citadins, malgré nos convictions écologiques personnelles, nous n’avions jamais vécu une expérience avec des personnes avec un engagement écologique politique aussi fort : nous mangions bio, végétarien, sans gluten, utilisions des toilettes sèches, une douche solaire, et dormions à la belle étoile dans un champ. Le soir nous partagions des repas cuisinés chacun à notre tour, un moyen de partager nos différentes cultures. Nous nous sommes adaptés très vite malgré quelques frictions, cette expérience aura changé nos visions du métier d’architecte. » FC 73
THE BELGIAN KITCHEN Architecture d’urgence Contexte Ce projet s’est lancé en février 2016, suite à la sollicitation d’Oldo Pabis, architecte bruxellois très engagé dans la cause des réfugiés, rassemblés dans le Parc Maximilien74 suite à la crise migratoire d’automne 2015. Il rencontre le collectif BAYA dans une réunion à Bruxelles, qui s’était fixé comme objectif d’aider les réfugiés. Un jour, Oldo Pabis contacte le collectif BAYA en urgence pour la construction d’une cuisine dans le camp de réfugiés de Calais. Le collectif BAYA a tout de suite répondu positivement et s’est mis à concevoir une structure simple et durable capable d’accueillir une cuisine pour la préparation de plus de trois mille repas par jour. Cette cuisine fut conçue en trois jours et construite en un jour, grâce à au travail d’une quinzaine de membres et de personnes présentes sur place. Acteurs Oldo Pabis avait le rôle du gestionnaire de chantier, il a géré les matériaux, le transport et la communication. Le collectif BAYA a conçu et construit la cuisine avec l’aide des belges sur place. Les belges sur place font partie de l’asbl « collectactif » un groupe de personne qui lutte contre le gaspillage alimentaire et revalorise les invendus. Ils sont donc déjà équipés et ont les compétences pour préparer à manger à autant de personnes, ils jouent un rôle primordiale dans l’équilibre du camp.
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74. En septembre 2015, le parc a accueilli des milliers de réfugiés, ne trouvant pas de place dans les hébergements d’urgence surpeuplés.
Avant l’arrivé des membres du collectif BAYA, ils cuisinaient dans une cabane bricolée avec des palettes et des bâches. Déroulement du projet Le projet a commencé par une conception de trois jours qui avait comme but l’efficacité de construction. Le collectif n’avait qu’un jour sur place pour construire la cuisine, il fallait imaginer une structure simple et durable. Le contexte étant inconnu, le collectif a rationalisé les plans de montage pour utiliser le moins de matière possible et éviter les découpes. Les plans ont été conçu de manière très clair afin d’être lisible par n’importe qui, l’idée étant de laisser les plans sur place pour qu’ils puissent les réutiliser. Une autre contrainte imposée, était le caractère démontable de l’objet. Il était nécessaire d’imaginer une structure qui puisse être démontée et remontée facilement en cas de démantèlement du camp. Arrivée sur place, toute l’équipe s’est préparée et a mis en place le chantier. Chaque personne avait un poste bien déterminé et devait suivre les taches décrites sur les plans de montages. Il y avait sur place un poste de découpe, un poste d’assemblage et un poste de montage. Les parties étaient construites au sol avant d’être montées et assemblées ensemble à la verticale. Cette méthode a permis au collectif de construire le module en 10h non-stop. L’objectif final était de construire le module jusqu’au bout, afin d’éviter de laisser une structure à moitié montée et inutilisable.
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MONTAGE DES MURS INTERPORTIQUES CENTRAUX x2 portiques centraux x2 «pacs» murs interportiques
Pac mur interportique:
x2
x2 chevrons 63x85 mm / 2400 mm long x1 chevron 63x175 mm/ 2560 mm long x4 équerres ~x32 vis 40 ou 45 mm ~x8 vis 100 ou 120 mm
0mm
2400,00mm
2560,0
122,54mm
122,54mm
63,00mm
Vis 40 ou 45 mm
63,0m
122,54mm
Vis 100 ou 120 mm
854,67mm
854,67mm
854,67mm
Choix des matériaux et le budget Durant la conception, Oldo nous avait fourni le descriptif du bois que des entreprises leurs avaient offert gracieusement. Ainsi, nous avons pu dessiner un projet avec les matériaux exacts à utiliser. Les plans ont été conçu pour qu’il y ait le moins de découpe à faire, nous étions conscient de la situation sur place, très précaire et qu’il allait être difficile d’avoir l’électricité. 76
Une fiche de montage de la Belgian kitchen, réalisée à Bruxelles et utilisée sur place puis transmise aux belges sur place. © Collectif BAYA
Aucun budget supplémentaire n’a été prévu, les membres du collectif offrant leur force de travail et Oldo le matériel. Le soir, l’équipe sur place nous a offert le repas pour remercier l’équipe.
Montage des fermes de toiture, structure de la cuisine. © Collectif BAYA
Le partage et la dimension humaine Une expérience spontanée et express. Les acteurs de ce projet ont été précipité dans cette aventure puissante qui a durée seulement 5 jours. Une expérience intense humainement et professionnellement pour tous les membres de BAYA. Le contrecoup fut assez difficile, d’abord physique puis une remise en question de nos quotidiens face à des personnes dans une misère extrême. Le groupe avait prévu de partager les plans descriptifs de montage avec les acteurs sur place, pour leur permettre de remonter la structure ailleurs ou de reproduire le modèle. Fiches très claires et descriptives par étapes, afin d’être lisible par tous. 77
Finalement, le soir nous avons partagé un repas pour clôturer cette journée intense, cela pourrait être banale mais ce moment était essentielle pour échanger nos expériences avec l’équipe sur place. L’équipe était venu pour ça aussi, un partage de vie. Dans ce projet j’étais membre du collectif BAYA et je faisais partie des participants. J’ai davantage participé à la construction. Chaque membre choisi son intérêt pour chaque phase et s’investit selon ses désirs et ses compétences. Globalement la réussite de ce projet est due à sa réactivité et à l’énergie positive qu’elle a engendrée.
Photographie de la cuisine terminée en fin de journée avec une vue en arrière plan du camp de Calais. © Collectif BAYA
EXPERIENCE VECUE Témoignage personnel « Lors de l’annonce du projet, il ne nous a pas fallu plus de cinq secondes pour nous décider. Tous les membres du groupe se sont sentis affectés et poussés par un désir d’agir de façon concrète. La préparation était importante et intense. Il fallait réfléchir vite, de manière efficace et succincte. Un projet d’urgence dans l’urgence. 78
Soutenus par une personne de confiance, avec de l’expérience et une générosité rare, nous étions motivés et confiants. Le groupe était poussé par une énergie incroyable. Une énergie tellement puissante, qu’elle en devient impulsive et incontrôlable. Personne ne s’est posé la question : Avons-nous l’autorisation de construire? Question qui parait évidente et inévitable dans l’apprentissage de notre métier d’architecte. Arrivés sur place, à l’écart de la ville, dans cette voie sans issue, on se retrouve confronté à la réalité du camp : des barrières de plusieurs mètres de haut surmontées de barbelés empêchent les migrants d’approcher l’autoroute. Nous assistions à la création d’un ghetto. En entrant, on s’aperçoit que ce territoire est en pleine expansion. Des constructions plus durables en bois longent les routes principales et des logements temporaires en toile remplissent les interstices. Les routes ont des noms et certains quartiers portent les noms des communautés les plus représentées. Nous avions une carte pour nous orienter, comme lorsque l’on découvre une nouvelle ville. On s’est installé sur le camp des belges, accueillis par des bénévoles et on s’est mis à construire. Derrière nous se dressait le camp de conteneurs chauffés mis en place par le gouvernement comme solution de relogement temporaire. Un camp dans un camp. Acheter le silence des gens en les isolant, voilà la seule solution que le gouvernement a mise en place. On a rempli notre mission en une journée de dix heures intenses grâce à une organisation très minutieuse. On a réalisé un nouveau centre, un nouveau lieu de rassemblement qui permettra aux personnes du camp de se nourrir convenablement. Ils en sont très reconnaissants et nous remercie d’avoir fait le travail jusqu’au bout. En fin de journée nous nous sommes enfin autorisés à prendre une pause et on est parti à la découverte de cette nouvelle ville. 79
La rue principale est très illuminée et vivante, des groupes se forment, discutent, se tiennent compagnie. On découvre une place principale avec des marchands qui viennent de la ville pour vendre des objets. La rue sent la viande grillée, les légumes sautés, on en oublie que l’on marche dans 20cm de boue. Il y a de nombreux coiffeurs qui nous rappellent que l’apparence est très importante, qu’ils n’ont rien de sauvages vivant dans une jungle, comme nous le décrit les médias. On revient à la réalité en levant les yeux, on constate que les lumières bleues clignotent toujours dans le ciel noir. L’homme arrive à se reconstruire et organiser une ville avec des codes de vie en communauté sans autorisations de la société. Pourquoi n’essayons-nous pas de recréer un équilibre avec eux, de rendre les lieux salubres et hygiéniques? Cette expérience m’a permis de me sentir actrice d’une situation qui me dépasse. J’ai constaté que cette énergie d’action si puissante qui nous a envahi est à disposition de chacun d’entre nous, si chaque individu utilise cette énergie à bon escient, nous pouvons faire de grandes choses. » FC
Le collectif BAYA, ses bénévoles et l’équipe de Oldo © Collectif BAYA 80
HOME for LESS Chantier-Ecole Contexte 75. Source : l’îlot asbl Voir infographie p83 76. L’asbl L’Îlot, créée en 1960, a une réelle expérience de terrain. Ici nous travaillons avec la cellule « Capteur de logements » qui a vu le jour fin 2014. Leur mission est de développer pour l’ensemble du secteur bruxellois de l’aide aux personnes sans abri, un portefeuille de logements privés et publics.
Le nombre de personnes en situation de précarité ne cesse de grandir sur le territoire de Bruxelles Capital. On recense plus de 3000 personnes sans abri75 à Bruxelles et ce nombre est en constante augmentation. Parallèlement, on dénombre 2.000.000 de m2 de bureaux inoccupés à Bruxelles, ce paradoxe est frappant. C’est suite à ces constats que quatre partenaires ont choisis d’unir leurs forces pour imaginer un projet concret pour lutter contre le sans abrisme et la vacance immobilière, autour d’un projet visant la réhabilitation d’espaces inoccupés au bénéfice de personnes exclues du logement. En janvier 2017, le projet HOME for LESS est né suite à une collaboration entre l’asbl l’Ilot76, acteur du secteur des mal logés et un atelier de l’école d’architecture La Cambre Horta ULB. L’Ilot est le commanditaire du projet et les étudiants d’architecture sont les concepteurs et constructeurs des modules de logement. A cette collaboration s’est ajouté un collectif de jeune architecte, le collectif BAYA asbl, qui est chargé de la gestion du projet. Finalement l’armée du salut met à disposition un étage vide dans son bâtiment. Acteurs Le commanditaire de ce projet est la « cellule capteur logement » de l’asbl l’îlot74. Cette association a pour mission de répondre aux besoins que peuvent rencontrer les personnes sans abri par l’accueil, l’hébergement et l’offre de services de première nécessité,
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et de mener une action de fond par un accompagnement individuel, un travail collectif et un engagement sociétal. Le partenaire principal du projet est l’atelier d’architecture construite de la faculté d’architecture La Cambre Horta de l’ULB. La dynamique de l’atelier est basé sur une pédagogie ouverte et active. Il met l’accent sur l’autonomisation des étudiants par un apprentissage d’une réalisation concrète. L’atelier propose de tester les projets à l’échelle 1:1, il permet d’apprendre par l’action. Les projets sont utiles à une personne ou à la société en générale et se veulent engagés. Le troisième partenaire est le collectif BAYA asbl, défini au-dessus; il accompagne des projets d’autoconstruction, avec prioritairement des matériaux de réemploi. Finalement, le dernier partenaire est l’armée du salut, une organisation caritative qui effectue un travail social dans l’accompagnement, l’éducation et l’insertion des personnes sans abri. Ils accueillent en leur murs un magasin de seconde main, le foyer Georges Motte un centre d’hébergement pour hommes seuls en difficultés et des associations d’artistes.
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Constatations, infographie explicative © Production personnelle
Le déroulement du projet
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Le projet a démarré par une semaine d’immersion des étudiants dans le sujet. Suite à une présentation des champs d’actions de l’îlot et de sa cellule « capteur logement », ils ont pu assister à une conférence de Nicolas Bernard, un juriste expert spécialisé dans le domaine du droit au logement ainsi que sur la crise du logement en Région de Bruxelles- capitale et en Région Wallonne.
Par la suite, ils ont rencontré des experts de terrain et des membres d’institutions dans le secteur du logement, autour de tables rondes organisées grâce aux contacts de la coordinatrice de « capteur logement ». Certains ont même choisi d’aller faire une journée de bénévolat dans une association et d’autres de rencontrer physiquement des personnes sans abri. La même semaine, ils ont découvert le lieu du projet, avec une présentation du bâtiment par le directeur de l’Armée du Salut. Le lieu a des règles de fonctionnement assez stricts qu’ils doivent respecter, pour une bonne entente pendant durant tout le projet. En fin de semaine, ils ont commencé à travailler directement sur place avec un travail de spatialisation, afin qu’ils se rendent compte de l’espace nécessaire et viable pour une personne en reconstruction. Cette semaine était primordiale, elle a permis de plonger les étudiants directement dans le coeur du sujet. Ils ont compris les enjeux et s’aperçoivent de l’implication demandée pour ce projet.
Tables rondes avec des experts du terrain © Collectif BAYA
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Un planning rétro-actif a été effectué afin de démarrer le semestre en prenant compte du calendrier académique des étudiants . Ce calendrier est assez contraignant, les étudiants ont cours de projet d’architecture un jour et demi par semaine, le mardi et vendredi, ce qui n’est pas du tout adapté à un atelier de construction. Il a fallu organiser des workshops de construction pour réussir à s’organiser, gérer les outils, les matériaux, les ressources extérieures. Le premier workshop était une phase de test, les étudiants devaient construire à l’échelle réelle un morceau de leur système constructif. Un jury clôturait cette phase, les systèmes les plus adaptés tant au niveau technique que humain, ont été choisi pour être construit en entier. Cette phase était essentielle, la plupart des étudiants n’ayant jamais construit de leur main, se sont retrouvés face aux réalités du chantier, apprendre en testant, en faisant des erreurs, une réelle pédagogie par l’action, une étape extrêmement enrichissante pour eux.
Phase test à l’armée du salut. © Collectif BAYA
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En second temps, les quatre groupes constructeurs choisis, se sont lancés dans la construction pendant les vacances d’avril. Un workshop en continue pendant deux semaines qui a permis de faire avancer le projet assez vite. A la rentrée, les étudiants non présents pendant cette période, ont pris le relais. Cependant, ils ne sont présents que le mardi et vendredi, afin de respecter leurs plannings, la construction avance donc moins vite et l’organisation est assez difficile à gérer. En parallèle, un groupe a géré les aspects techniques, la plomberie et l’électricité. Un membre de la Communa asbl77 spécialiste dans ces domaines, est venu les conseiller sur ces questions. De plus, un groupe est chargé de la récupération de tous les matériaux ou objets nécessaires à la construction et installation des modules de logement. En troisième temps, les groupes vont construire le second oeuvre et les espaces communs. L’inauguration des logements est prévue pour fin juin, tout le monde espère qu’ils seront prêts à être habités. Le choix des matériaux et budget Le bois a été choisi comme matériaux principal, il est facilement manipulable par des débutants, bon marché et se trouvent très facilement. De plus, la participation d’un menuisier, le statut d’auto-constructeur du professeur gérant l’atelier et les connaissances du collectif BAYA, concernent essentiellement le bois. Le collectif BAYA s’est chargé de la gestion des commandes et livraisons de bois durant le chantier. Mais aussi, de la location des outils auprès d’associations. Concernant le budget, l’idée était de prouver que l’on pouvait répondre à des questions sociétales avec un budget minime. 86
77. Communa ASBL est une asbl qui réaffecte les bâtiments inoccupés de Bruxelles pour les transformer temporairement en lieux de vie et y organiser diverses activités socioculturelles
Ainsi, l’îlot s’est engagé à donner les fonds nécessaires pour le lancement du projet. Ensuite, des fondations ont soutenu le projet et une cagnotte solidaire a permis de réunir d’autres fonds. L’équipe est encore à la recherche de financements mais comme la ministre du logement s’est intéressé au projet, il est possible que le gouvernement soutienne le projet. Soutien assez rare dans ce domaine, les précaires sont souvent mis à l’écart, c’est une avancé majeure que l’îlot a décidé d’en faire son cheval de bataille. La formation, l’apprentissage et les découvertes 78. Institut des arts et métier fondé en 1919, son but est de former un art pluridisciplinaire en regroupant l’art, l’artisanat, le design et l’architecture. Il remet en valeur le travail manuel et ne fait plus de différence entre artiste et artisan. W. Gropius : «Le but de toute activité créatrice est l’architecture ! ... Architectes, sculpteurs et peintres, nous devons tous revenir à l’artisanat ! ... L’artiste est une élévation de l’artisan».
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L’enseignement par la pratique est une question qui n’a jamais vraiment fait débat dans toute l’histoire de l’architecture. Pourtant, elle a toujours était présente depuis les compagnons du moyen-Age au Bauhaus78. La faculté d’architecture La cambre Horta de l’ULB est l’héritière de la culture de La Cambre, créée par Henri Van de Velde un membre fondateur du Bauhaus. L’atelier d’architecture construite s’inscrit dans la même veine. Un apprentissage alternatif à la pédagogie de l’atelier, qui incite les étudiants à se confronter à la réalité, à gérer un budget, organiser un planning de chantier et construire eux-même. L’expérimentation pédagogique décomplexe les étudiants et leur fait découvrir une vision différente de celle qu’ils ont l’habitude d’avoir, qui mélange la culture créative et la culture constructive. Il leur ait demandé de recourir à leurs intuitions, en testant la matière, ils s’aperçoivent du décalage entre dessin et réalité. C’est ainsi qu’un workshop test a été mis en place, il permettait aux étudiants d’avoir une première approche pratique et réel de leurs projets. Ils ont aussi la possibilité de tester les outils et de comprendre leur impact dans le projet.
Construction des modules de logement démontage © Collectif BAYA
Par exemple, un groupe d’étudiant a choisi de dessiner des éléments triangulaires pour des raisons essentiellement esthétique, il était très intéressant de les voir se confronter à la réalité au moment de la construction. Ils se sont retrouvés face à des outils qu’il ne leur permettait pas de réaliser le dessin de base. Ils ont du élaborer des méthodes pour atteindre leur but. Cela leur a permis de se rendre compte de l’importance de chaque trait dans la conception. Cet apprentissage permet aux étudiants de toucher à toutes les disciplines, on forme ainsi des personnes polyvalentes qui ont un esprit critique face aux spécificités environnementales, économiques et sociales de chaque contexte. Par exemple les étudiants travaillent ici, sur un projet avec une dimension humaine particulière, ils doivent penser la spatialité en tenant compte de la réintégration et de la reconstruction de personne qui ont été exclu du système pendant longtemps.
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Le partage et la dimension humaine 79. Le studio est fondée en 1993 par S. Mockbee et D. K. Ruth et est aujourd’hui dirigé par A. Freear.
A l’image de l’atelier d’architecture Rural Studio79 dirigé par l’université d’Auburn, qui permet à ses étudiants de réaliser un projet de la conception à la construction pour les communautés les plus défavoriser. L’atelier Architecture construite a proposé cette année, un sujet engagé contre l’exclusion et la vacance immobilière. Il demande une grande implication à ses élèves, le public est sensible et les étudiants n’ont pas souvent l’occasion de proposer des solutions pour personne sans abri. Il était donc très important de prévoir une période d’adaptation et d’intégration. Le phase immersion a permis aux étudiants de se rendre compte de l’enjeu. Le travail de groupe est une expérience à part entier, ce n’est pas toujours évident et il faut faire des concession pour réussir à travailler ensemble. Dans cette atelier, il leur ait demandé d’être le plus autonome possible et de construire ensemble le déroulement du projet, c’est un moyen de les confronter au travail complexe et complet d’un architecte gestionnaire de projet. Ainsi, en groupe ils doivent réussir à s’entendre sur chaque phase, les responsables de l’atelier sont là pour les guider et les accompagner. Les étudiants sont acteurs d’une passionnante aventure technique et humaine. L’investissement des étudiants a été incroyable, ils ont tout de suite été sensibles à ces problématiques et donnés beaucoup de leur temps. Dans ce projet, j’ai le rôle du gestionnaire de chantier, représente, avec un collègue du collectif BAYA. Nous sommes les bras droit du responsable d’atelier, nous l’aidons dans les différentes phases de déroulement du projet. Nous avons pris le rôle d’acteur de terrain, nous gérons les commandes, livraisons, outils et les semaines
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de constructions essentiellement. Ici, j’ai une vision différente de d’habitude, c’est le premier projet où je ne suis pas participante. Cette position est très intéressante, nous avons une vision d’ensemble sans être les responsables de projet. Nous avons une relation particulière avec les étudiants car il n’y a pas de rapport de force entre nous. Globalement, la force de ce projet est la complémentarité du groupe, chaque personne du groupe est indispensable au bon déroulement du projet. L’îlot est l’acteur de terrain social expert dans le domaine du sans abrisme, l’atelier architecture construite conçoit et construit les modules et le collectif BAYA intervient comme gestionnaire et gère le lien entre les deux. EXPERIENCE VECUE Témoignage personnel « Cette aventure a commencé en novembre 2016 dans un café de Mons. Bastien m’accompagnait, nous discutions avec les responsables de l’atelier ‘’architecture construite’’ de la faculté d’architecture de l’ULB, dans l’optique d’une future collaboration. Tous deux membres du collectif BAYA nous avions un désir d’action en commun. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle ils sont venus nous demander une coopération. Nous sommes déjà convaincus par la manière d’enseigner la pédagogie par la pratique et ce projet se présentait comme un sujet parfait pour l’expérimenter. En décembre, nous rencontrions Samantha et Ariane représentantes de l’îlot, elles avaient depuis longtemps une idée de projet, qu’elles n’ont jamais concrétisé : Des modules de logements qui s’insèrent dans les bâtiments vides de Bruxelles pour des personnes sans abri. Tout de suite, nous sommes tous tombés d’accord sur ce projet engagé et actuel. 90
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Une collaboration avec elles nous semblait évidente. Nous avons tout de suite créer un lien de confiance avec elles. Le projet démarra vite, nous n’avions pas beaucoup de temps pour le préparer. Pour lancer le projet, il nous fallait absolument un lieu. C’était assez paradoxal nous désirions monter un projet qui dénonçait les bâtiments inoccupés et nous trimions à en trouver un. Tout le monde nie et cache cette problématique. On apprend que les communes disposent d’énormément de bâtiments vides mais qu’il est impossible pour elles de nous en fournir un, elles préfèrent nier plutôt que d’assumer qu’elles laissent inoccupés des lieux alors que des personnes sont à la rue. Début janvier, Samantha tombait sur un article qui parlait des locaux vides de l’armée du salut, nous nous sommes alors précipités pour les visiter. Ils convenaient parfaitement: une structure poteaux/poutres, des grandes fenêtres, un monte charge et deux sorties de secours. En février, les cours reprenaient et le projet devait être présenté aux étudiants afin qu’ils fassent un choix. Nous voulions des étudiants motivés et engagés, pour cela nous insistions sur la charge de travail et l’engagement demandé. Nous étions tous surpris mais fiers de l’engouement des étudiants pour ce sujet. L’équipe était encore plus motivée de lancer un projet qui a du sens et qui va remuer nos politiques. Bastien et moi étions en charge de l’organisation de la première semaine que nous avons appelé « semaine d’immersion ». Immersion dans le sujet, dans le contexte social et dans les problématiques des règlements urbanistiques. Les étudiants ont rencontré des experts sociaux du terrain, des anciens sans abri, des experts des normes urbanistiques et des représentants des institutions du droit au logement. Expérience très enrichissante! Ces regards, visions croisées ont permis aux étudiants architectes de se projeter concrètement dans ces problématiques.
En mars, nous avons organisé une phase de test. Les étudiants devaient choisir un morceau de leur module représentatif de leur système constructif et le construire à l’échelle réelle. Un workshop de quatre jours qui finissait par une évaluation et un choix du système le plus cohérent. Il a permis aux étudiants qui n’avaient jamais construit de se rendre compte du passage du dessin à la réalité. C’est à ce moment là que la pédagogie par la pratique prend tout son sens. Expérimenter, tester, construire et déconstruire, un apprentissage ancré par l’action. L’erreur est admise et même recommandée. Nous étions en quelque sorte les guides, les formateurs de cette session, une phase essentielle qui fut autant enrichissante pour les étudiants que pour moi. J’ai vraiment apprécié faire partie des gestionnaires, une manière différente de découvrir un chantier participatif. En avril, la construction finale débutait, quatre logements et un espace commun sont en cours de réalisation. Il n’est pas évident de gérer une équipe composée d’étudiants plus ou moins motivés, avec des rythmes décousus liés à leurs planning scolaires. La construction prend beaucoup plus de temps qu’un chantier classique, les étudiants s’épuisent et ont l’impression de ne jamais voir le bout. Ils gèrent le chantier de façon autonome, il a été difficile de mettre en place mon rôle est de vérifier que le projet avance, le suivi du chantier, de faire la communication et de trouver des financement. Mi-mai, l’équipe décidait d’ouvrir les portes du chantier pour re motiver les troupes et faire découvrir le chantier à un plus large public. C’est aussi un moyen de montrer concrètement le projet aux personnes qui nous soutiennent financièrement. Le projet devrait être terminé pour fin juin, il y a encore de nombreuses choses à gérer mais je suis confiante, l’équipe est formidable! » FC 92
Membres du jury du projet de HOME for LESS © Collectif BAYA
Plan d’implantation et infographie pour un appel aux don. ©Production personnelle
Planning du projet HOME for LESS de janvier à juin 2017 ©Production personnelle 93
2- Comparaison des cas d’étude Les trois exemples se présentent sous des contextes et situations complètement différentes. Il s’agit d’un choix volontaire afin de démontrer que les chantiers participatifs ne s’exécutent pas dans un cadre précis. Un projet en chantier participatif peut s’établir dans n’importe quelle situation. Le point commun majeur étant leur mobilisation face à aux nombreux défis environnementaux, économique, sociétal ou encore de production et de consommation. Les chantiers étudiés revendiquent une amélioration du cadre de vie. Dans ces cas ci, la construction d’une maison écologique ayant peu d’impact sur l’environnement, la construction d’une cuisine d’urgence dans un camp de réfugiés ainsi qu’une solution de relogement pour sansabri. Ces actions redonnent contenance à des sujets ne bénéficiant pas d’une bonne image L’apprentissage durant ces chantiers se fait sous plusieurs formes. Ces adeptes d’auto-construction sont des inconditionnels de « l’utopie concrète »80, ils aiment apprendre par la pratique, en expérimentant et en testant la matière. Par exemple durant le chantier terre crue de Grégoire, il organisait des sessions de formation encadrées pendant des heures précises et à coté de ça, il prenait du temps pendant le déroulement du chantier pour nous montrer des techniques ou matériaux. Sur le chantier Belgian kitchen nous avons appris par l’action, dans l’urgence nous ne réagissons pas de la même manière, nos idées sont plus pragmatiques et concises. Finalement le chantier HOME for LESS, lui, s’établit dans le cadre d’un cours universitaire avec des étudiants, ainsi des professeurs sont présents pour apporter les formations nécessaires et le collectif BAYA pour les aspects plus pratiques. 94
80. Terme théorisé par Ernst Bloch, est utilisé par le Festival des utopies concrètes (FUC) à Paris qui réunit plusieurs centaines d’associations et structures militantes du mouvement de transition. Ils en donnent la définition suivante : « Elle est tout le contraire de « l’utopisme », qui se contente de rêver au lieu d’agir. Elle est cet écart, cet arrêt, voire parfois ce dévoilement soudain, qui nous montrent que d’autres choix sont toujours possibles, ici et maintenant. Nous ne sommes pas condamnés à être ce que les institutions nous destinent à être. »
A travers les différentes formes d’initiatives étudiées, nous remarquons qu’il y a toujours un noyau de citoyen à l’initiative du projet. Ce sont souvent des personnes qui ont un certains capital culturel et économique et qui font partie de mouvement ou d’associations. En effet, nous pouvons évoquer Grégoire, chercheur chez CRAterre pour le Chantier Terre crue; Le collectif BAYA asbl pour le chantier Belgian Kitchen; L’association L’Ilot, les étudiants de la faculté d’architecture, le collectif BAYA asbl et l’armée du salut pour le projet HOME for LESS. L’impulsion est donc donnée par des personnes déjà engagées et militantes. Il est intéressant de constater qu’un chantier participatif permet de ramener un tissu social dans l’acte de construire et de ramener des personnes qui ne connaissent pas du tout les métiers de la construction. Ces chantiers prônent l’idée d’ouverture, toute personne qui souhaite participer peut prendre part au projet et s’investir au niveau qu’il désir. C’est aussi un moyen de s’approprier le projet pour les utilisateurs de l’objet. Nous pouvons constater que pour le Chantier Terre crue l’appel à bénévole était public et sans critères particuliers, les participants venaient d’horizon très différents. Pour le chantier Belgian Kitchen, le collectif BAYA essentiellement composé d’architectes ou étudiants architecte, se mélangeait avec les belges du camps de Calais et l’équipe de Oldo. Ainsi, cela permettait un échange de savoir pour permettre aux utilisateurs de comprendre comment monter et démonter cette structure. Enfin, pour le chantier HOME for LESS, chacun avait adopté une position de façon naturelle : le collectif BAYA était le gestionnaire de la phase de chantier, l’asbl L’Ilot le gestionnaire administratif et financier, les étudiants étaient les concepteurs et constructeurs et l’Armée du Salut avait 95
le rôle d’accueillant. Pour attirer le plus grand nombre, ils utilisent des moyens de diffusions de leurs actions, notamment avec internet et les réseaux sociaux. Le projet HOME for LESS a même l’ambition de publier le projet en open source et de faire une publication qui expliquera toutes les étapes du processus. Toutefois, nous remarquons que ces profils de personne font partie du même milieu, il n’est donc pas étonnant de voir que certaines personnes ne se sentent pas concernées ou n’ose pas intervenir. Il est alors nécessaire d’accorder une attention particulière à chacun des participants, afin que chacun puisse s’exprimer, au risque de satisfaire les besoins d’une minorité. Les projets ont des temporalité différentes, certains sont temporaires comme le projet de la cuisine à Calais, et d’autre durable dans le temps comme la maison de Grégoire. Quant au chantier HOME for LESS, il est prévu pour être durable, ce n’est pas un projet de logement d’urgence, mais il a été conçu pour être démontable et transportable dans un autre lieu. C’est de cette manière qu’il s’inscrit de façon durable tout en état déplaçable, dans le cas ou le propriétaire souhaite utiliser ses locaux pour tout autre chose. Ces actions temporaires permettent de questionner les usages du lieu. Le projet de la Belgian Kitchen critique le caractère d’urgence d’un camp. En proposant un lieu de vie pour se nourrir, on construit un morceau de ville. Le projet HOME for LESS quant à lui, cherche des solutions durables pour les sans abri en dénonçant la vacance immobilière. Le projet a vocation de stopper la spéculation immobilière et trouver enfin des solutions durables pour les mal logés.
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Les trois projets utilisent des matériaux naturels. En effet, ils sont moins néfastes pour l’environnement mais ils sont aussi souvent plus économiques. Le bois est souvent utilisés dans ces chantiers car il est facile à mettre en œuvre, adapté à un chantier en autoconstruction et de bon marché. Pour les trois exemples étudiés on s’aperçoit que le budget ne fait pas partie des priorités. Les chantiers se sont lancés sans financement certain. C’est un point positif pour les citoyens qui ne peuvent pas avoir accès à la propriété habituellement mais peut être aussi négatif dans le cas ou le budget est trop faible. En effet il y a énormément de bénévole qui donnent ne leur temps par convictions et plaisir d’agir mais ce sont des personnes d’obligations horaires fixes. Il participe à un rythme de loisir. Il faut aussi être certain que l’objet construit est sure et salubre, une compensation de moindre qualité peut être très dangereuse. Les acteurs de ces projets ont mis en place plusieurs moyens pour récolter des fonds : formations contre rémunération, plateforme de don participatif, appel aux dons, réponse à des appels à projet … Cependant, nous constatons que ces projets trouvent difficilement des fonds, ils sont rarement soutenus par les institutions.
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CONCLUSION Les acteurs des chantiers participatifs ont en commun un désir d’action face à de nombreux défis sur le plan environnemental, social, économique et financier. Ces actions concourent silencieusement à l’émergence d’une société plus responsable, collaborative, écologique et équitable. Pour résumé, l’auto-construction, dans le cas d’un chantier participatif, est réalisée par des personnes qui partagent les mêmes valeurs et la même vision respectueuse de leur environnement, ils aiment apprendre par la pratique, en expérimentant et en testant la matière. La structure d’un chantier participatif est organique, fonctionne comme un réseau et n’a pas de système de hiérarchie. Les participants sont d’origines différentes, ont des compétences et des formations diverses, certains sont des spécialistes, d’autres des débutants. Tout le monde est sur le même pied d’égalité, chacun essaie de transmettre ses savoirs, qu’ils soient techniques ou relationnelles. Ils s’organisent souvent sous forme de collectif, groupe de personne d’origine différentes et multidisciplinaires qui se réunissent pour un but commun. Ceci valorise le travail de chacun et génère une énergie positive grâce au travail en équipe. Les chantiers participatifs ont l’ambition de former et transmettre leurs expériences et savoir-faire. Les partisans de la pédagogie par la pratique sont convaincus que c’est une méthode à développer car elle vient compléter une formation théorique. Le principe même d’un chantier participatif est de partager ses savoir-faire avec les autres, c’est une méthode très enrichissante qui permet de rendre autonome chaque participant. 98
Ils participent à une économie locale en utilisant des matériaux de proximité, les moins transformés possibles et en évitant le plus possible d’utiliser des matériaux étrangers. Ils utilisent souvent et de plus en plus des matériaux et techniques naturels, innovantes permettant d’associer nature et technologie. Les chantiers participatifs utilisent beaucoup le réemploi de matériaux, il permet de faire des économies mais c’est aussi un acte militant. En réemployant les déchets, ils critiquent le système actuel de consommation sans limites et le gaspillage face à la pénurie de matière première auquelle nous faisons face. Plusieurs choses viennent perturber l’équilibre de cet écosystème, d’abord nous pouvons nous demander si ces chantiers peuvent être pensés à grande échelle, à l’échelle du territoire. Aujourd’hui ce n’est pas le cas et cela demanderait de changer tout le système d’organisation d’un chantier. En effet, elle est principalement basée sur une participation volontaire, si vous ne voulez pas travailler personne ne vous en tiendra rigueur.
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Nous pouvons également nous demander si ces projets sont viables à long terme. Certains sont volontairement spontanés et temporaires, ils n’ont pas vocation à rester dans le temps. Il est néanmoins nécessaire de penser leur durée de vie afin d’organiser le démontage, le recyclage ou le réemploi des éléments. Pour les projets pensés durablement dans le temps, il est nécessaire de prévoir un suivi et un contrôle régulier. Ce sont des critères à ne pas négliger, un nombre certain de projets qui avaient une ambition forte au début sont laissés à l’abandon et se détériorent, devenant inutilisables pour les usagers. Par conséquent, ces projets sont dénaturés et deviennent nuisibles. Ils produisent l’effet inverse de l’idée initiale.
Finalement, dans ce type de chantier le processus est plus valorisé que le but final. Ils mettent en place une démarche complète et très riche mais le résultat n’est pas prioritaire. Il arrive que les usagers soient déçus de l’esthétique du résultat final. Il ne faut pas nier l’impact d’un projet considéré comme inesthétique, dans l’imaginaire collectif. Par exemple, prenons le cas des palettes81, matériaux utilisés fréquemment par de nombreux collectifs car c’est une matière abondante et facile à se procurer. Aujourd’hui elle se généralise et représente une caricature du « do it yourself »82, souvent mal réalisé, brut et avec peu de recherche. Les chantiers participatifs n’empêchent pas des projets architecturés et esthétiques. Le chantier participatif comme réponse à toutes les crises de notre siècle ? Cette solution tient compte des évolutions et des contraintes réelles. C’est un modèle qui en se développant, peut bouleverser le monde de la construction. Cette recherche démontre que ces projets collectifs révèlent toutes leurs pertinences et ont une démarche globale et durable. Nous pouvons conclure que les chantiers participatifs sont des expériences politiques totales. Les acteurs en sortent totalement changés, avec une autre vision de la vie collective et d’appropriation du territoire.
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81. La tendance actuelle est de fabriquer son mobilier avec des palettes. Néanmoins, l’usage de ces matériaux n’est pas si intelligente, difficiles à démonter et à réutiliser, ils limitent les possibilités. 82. Littéralement « Faites-le vous-même » concerne des activités visant à créer des objets de façon artisanale.
Quelle est le rôle d’un architecte dans cette démarche? Historiquement, l’architecture a toujours était réservé à une élite, expression de puissance et inaccessible à des néophytes. C’est les mouvements participatifs des années 1970 qui ont remis en cause le modèle de l’architecture de pouvoir et ont prônés l’architecture pour les citoyens. Aujourd’hui, les différents enjeux auxquels nous devons faire face ont démultipliés les rôles de l’architecte. L’architecte passe d’un représentant du pouvoir à un acteur de terrain. Nicolas Delon compare un architecte à « Un guide de haute montagne », il doit accompagner, guider le chemin mais ne pas faire à la place. Jérome Mallon dans son mémoire décrit l’architecte comme médiateur, catalyseur, coproducteur et diffuseur. Dans le cadre de chantier collectif, l’architecte se positionne comme intermédiaire entre les différents intervenants, il prend donc le rôle de médiateur. Il est en mesure d’organiser des rassemblements citoyens et de synthétiser les demandes et envies de chacun. Il est néanmoins nécessaire qu’il se place d’égal à égal. C’est aussi lui qui aura le plus de facilités à s’adresser aux autorités publiques. Il est à même de gérer les négociations avec les autorités publiques concernant les autorisations et procédures à mettre en place. L’architecte est aussi en contact permanent avec des professions diverses, il co-produit. La multidisciplinarité très enrichissante permet de créer des projets avec des visions multiples, qui s’adaptent au plus grand nombre. Ces architectes sont aussi adeptes des publications en open-source qui permettent de partager et échanger ses connaissances. 101
L’architecte canalise les énergies en un même point. Il doit avoir un bon esprit de synthèse et une écoute attentive des demandes de chacun. Finalement, il est aussi diffuseur. Sa formation et son bagage professionnel lui facilite l’accès et la compréhension des phases techniques et de mise en œuvre. Pour conclure, l’architecte doit être polyvalent, un excellent synthétiseur et un intermédiaire essentiel entre les différents protagonistes. Il serait intéressant de réintroduire la pédagogie par la pratique dans l’enseignement de l’architecture. Et d’intégrer dans le cursus de l’architecte des cours lui apprenant à gérer un chantier participatif et y trouver sa place aussi, en tant que pédagogue.
Le collectif BAYA pendant le festival Bellastock Bruxelles © Collectif BAYA
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