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Table des matières PREFACE ...................................................................................................................................................... 4 INTERVENTION INAUGURALE – Giuseppe Pagano ........................................................................................... 5 CONFERENCE PLENIERE - DE LA PAROLE AUX ACTES : DURABLE – Jean
LA RECHERCHE AU SERVICE DU DEVELOPPEMENT
Hugé .................................................................................................................................. 8
ALIMENTATION ET PRATIQUES DURABLES ..................................................................................................... 13 VERS DES PRATIQUES DE CONSOMMATION PLUS « DURABLES » ? UNE APPROCHE SOCIO-HISTORIQUE EN BELGIQUE FRANCOPHONE – Amélie Anciaux............................................................................................... 14 TRANSDISCIPLINARY RESEARCH FOR SUSTAINABILITY TRANSITIONS - FROM FOOD WASTE TO FOOD AID: AN OPTIMAL MATCH OR A SYSTEM IN NEED OF TRANSFORMATION ? – Agathe
Osinski ......................................... 18
INTEGRATION DES ENJEUX ENVIRONNEMENTAUX ET NUTRITIONNELS POUR UN DEVELOPPEMENT PLUS DURABLE DE LA FILIERE LAITIERE – Michel
Focant, Eric Froidmont, Guynh Chau Dang Van, Yvan Larondelle ........... 24
ARCHITECTURE ET AMENAGEMENT DU TERRITOIRE ...................................................................................... 30 OUTIL D’EVALUATION DES POTENTIALITES DE RESILIENCE
DES TERRITOIRES INDUSTRIELS EN MUTATION –
Jérémy Censi ............................................................................................................................................. 31 ÉLABORATION D’UN OUTIL D’EVALUATION ET D’ACCOMPAGNEMENT A LA CONCEPTION D’ILOTS COMPACTS DE LOGEMENTS SUIVANT UNE DENSITE DE POPULATION CIBLE – Isabelle
De Smet, David Laplume ................... 34
TVBUONAIR TRAME VERTE ET BLEUE EN MILIEU URBANISE – Martin Grandjean, Yves Hanin, Alexandre Leclercq, Fiorella Quadu ............................................................................................................................ 39 INTRODUCTION A LA QUESTION DU VIEILLISSEMENT A DOMICILE :
SENIORS ET HABITATS EN TRANSITION –
Gwendoline Schaff, Fabienne Courtejoie, Catherine Elsen, Jan Vanrie, Ann Petermans............................... 44 LES TYPOLOGIES DU LOGEMENT ACTUEL
ET LES ENJEUX DU CHANGEMENT DE LA SOCIETE.
ÉMERGENCE DES
FORMES ALTERNATIVES D’HABITAT REVELATRICE DES VERITABLES ATTENTES CITOYENNES RECHERCHESACTIONS SUR LE LOGEMENT ATYPIQUE EN WALLONIE – Ornella
Vanzande, Jean-Alexandre Pouleur ............. 48
APPROCHES SOUTENABLES DES ET PAR LES NOUVELLES TECHNOLOGIES...................................................... 52 TECHNOLOGIES DURABLES POUR L’AIDE AU DIAGNOSTIC PRECOCE
DE TROUBLES MENTAUX CHEZ L’ ENFANT –
Sarah Itani, Mandy Rossignol, Fabian Lecron, Philippe Fortemps ............................................................... 53 NO DIGITAL SOCIETY WITHOUT SUSTAINABLE INFORMATION TECHNOLOGY – Jean-Pierre Raskin................... 56 ÉCONOMIE ET FINANCE ................................................................................................................................. 61 EXPLORING THE TRANSFORMATIVE CAPACITIES OF FOOD COOPERATIVES A SUSTAINABLE ECONOMY – Julien
BY INVESTIGATING THEIR VISIONS OF
Vastenaekels ......................................................................................... 62
SOLUTIONS INNOVANTES EN FAVEUR DE LA MOBILITE DURABLE SOUS L’ANGLE DU DROIT FISCAL : CONTRAINTES LIMITES ET POSSIBILITES – Fanny
Vanrykel............................................................................ 66
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Préface La vision que porte la Fondation pour les Générations Futures est celle d'une société durable, qui persiste et prospère en offrant une grande qualité de vie pour tous ses habitants, de manière juste et équitable. Une société où les besoins de tous sont satisfaits – maintenant et demain, ici et ailleurs – en respectant les limites des écosystèmes et ressources naturelles, dont toute vie dépend. Une société où les citoyens acquièrent la maîtrise démocratique du choix de leurs modes de développement. Cette vision fait émerger des enjeux multiples et complexes auxquelles les générations actuelles et futures devront faire face pour assurer la transition vers des modes de développement soutenable. Pour appréhender ces enjeux, identifier les problématiques sous-jacentes et faire émerger des réponses innovantes et soutenables, la recherche occupe une place fondamentale. Dans ce contexte, le symposium HERA souhaite mettre en lumière ce que chaque recherche apporte comme nouvel éclairage de ces problématiques sociétales dans les domaines couverts par les Objectifs de Développement Durable, et favoriser les échanges entre les chercheurs. Le symposium HERA a donc accueilli 17 travaux innovants adoptant une approche systémique (à 360°) pour proposer des réponses soutenables à ces grands enjeux de société actuels. Une grande partie de ces interventions sont publiées dans les présents actes. Le Symposium HERA s’est clôturé sur une intervention de Jean Hugé. L’article issu de cette conférence plénière inaugure les actes. L’intervention de Jean Hugé s’est intéressée à la problématique de la recherche soutenable. Dans son article, Jean Hugé nous éclaire sur les façons de porter un regard scientifique sur un enjeu de développement soutenable, sur la posture du chercheur dans la société et sur les freins et leviers auxquels sont confrontés les chercheurs à différents niveaux. L’ensemble des articles qui suivent nous donnent à voir des illustrations concrètes de recherches en, sur et autour d’un développement soutenable. Les actes de la première édition du Symposium HERA offrent donc un panorama de recherche très diversifiées, sur les plans thématique et méthodologique. Les articles sont regroupés sous quatre catégories : alimentation et pratiques durables, architecture et aménagement du territoire, approches soutenables des et par les nouvelles technologies et économie et finance. Enfin, le Symposium HERA s’est clôturé par un échange autour de la conférence plénière de Jean Hugé. Le panel de discutants était composé de Monsieur Giuseppe Pagano – Vice-Recteur à la recherche et Président du Conseil Développement Durable de l’Université de Mons et de Madame Agathe Osinski – chercheuse à la Louvain Partnership Research on Ecological and Social Transition de l’Université Catholique de Louvain. Ce moment d’échange a conduit les participants à aborder notamment les questions de la spécialisation de la formation scientifique et de la liberté académique ainsi qu’à questionner la position du chercheur face à des enjeux sociétaux et dans le cadre de la recherche sur le développement soutenable.
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Intervention inaugurale Giuseppe PAGANO Vice-Recteur au Développement institutionnel et régional Président du Conseil du Développement durable de l’UMONS Monsieur le Directeur de la Fondation pour les Générations futures, Cher Benoît, Mesdames et Messieurs les Professeurs, et les Chercheurs, Chères Collègues, Chers Collègues, Chères Étudiantes, Chers Étudiants, Mesdames et Messieurs, Chères Amies, Chers Amis, Avant toute autre considération, laissez-moi vous dire combien c’est un réel plaisir pour moi de vous souhaiter la bienvenue, au nom de l’Université de Mons, de son Conseil d’Administration et du Recteur, Calogero Conti, ainsi, bien sûr, qu’en mon nom personnel, à ce Symposium et, d’une façon plus générale, à cette journée de remise des HERA Awards, avec la cérémonie qui suivra le Symposium. En particulier, je souhaite remercier très cordialement, la Fondation pour les Générations Futures, singulièrement son Directeur, pour avoir retenu l’UMONS pour cette cérémonie. Je remercie aussi Madame Alice Bardiaux, pour la qualité remarquable de sa collaboration et le travail d’organisation qu’elle a parfaitement réalisé, avec les équipes de l’UMONS. Nous appartenons à la génération, ou, plus précisément, aux générations, car je crains que ma génération ne soit pas exactement la même que celle des plus jeunes parmi vous... Bref, nous appartenons à une génération qui n’a connu ni la guerre, ni la dictature, ni la pauvreté extrême. En soi, c’est déjà un progrès remarquable. A ce titre, nous pouvons certainement considérer que nous avons constitué une génération dorée, bénie par les fées. Mais cela ne veut évidemment pas dire que la génération actuelle n’est pas, elle aussi, confrontée à un défi de taille. En l’occurrence, il s’agit de concilier des objectifs qui, au départ, s’opposent, en partie, mutuellement. Ainsi, il ne s’agit plus seulement d’assurer, en moyenne, une certaine prospérité à une population donnée, mais de rendre cette prospérité compatible, au moins, avec quatre phénomènes marquants. Premièrement, la croissance de la population, que ce soit globalement dans le monde, ou en Belgique, qui pose la question de soutenabilité en des termes plus pressants. Deuxièmement, la réduction des inégalités, qui va plus loin que la seule éradication de la pauvreté. En troisième lieu, le sauvegarde de l’environnement, dans ces multiples aspects, et, enfin, en quatrième lieu, le maintien du fonctionnement démocratique. Encore faut-il noter que je n’ai pris là que des objectifs globaux et fédérateurs qui englobent, eux-mêmes, d’autres objectifs plus détaillés. Ainsi, il faut rappeler que les Nations Unies ont retenu, en 2015, 17 objectifs pour le développement durable, qui, en 2017 ont été déclinés en 169 cibles mesurées à travers 244 indicateurs. Le défi n’est pas d’en atteindre l’un ou l’autre, mais de les atteindre tous en même temps. Ce défi est de nature économique. Les Nations Unies estiment à 2 500 milliards de dollars, soit environ 5 fois le PIB de la Belgique, le montant nécessaire à la poursuite de ces 5
objectifs pour les 15 prochaines années. Mais il faudra probablement plus que simplement, beaucoup d’argent, et le défi est donc aussi sociologique. La réalisation de ces objectifs requerra des modes de production, de consommation et d’organisation de nos sociétés différents de ceux que nous connaissons aujourd’hui. Le défi est aussi scientifique et technologique. Face à une tâche de cette ampleur, que pouvons-nous faire ? Chacun, probablement, là où il vit et est actif, prendra les dispositions qui lui paraissent opportunes. L’Université de Mons est un acteur du développement durable. D’abord, comme toute université, elle est un lieu, par excellence, de la création scientifique, de diffusion de la connaissance, et de participation au débat de la société. Ainsi, les équipes de recherche de l’UMONS sont actives dans les domaines liés au développement durable que ce soit dans les Facultés de Sciences et de Sciences appliquées, notamment dans le domaine de l’énergie, ou dans les facultés de Sciences humaines, avec leur contribution à la réflexion dans les domaines économique et social. L’UMONS contribue aussi à la réflexion sur le développement durable et à la diffusion des connaissances qui y sont liées par ses enseignements. Ainsi, nous avons répertorié pas moins de 100 cours présents dans les programmes de 2017 qui sont liés au développement durable. De plus, nous avons voulu créer un lieu particulier où les propositions concrètes relatives au développement durable peuvent émerger, de façon structurée, afin de conduire des actions plus concrètes dont les effets attendus peuvent être immédiats ou à plus long terme. C’est le rôle du Conseil du Développement Durable, créé en 2014, à la suggestion expresse du Recteur, et que j’ai le plaisir de présider. Il existait, dès avant 2014, un Cercle du Développement Durable qui était une initiative des plusieurs collègues, notamment Frank Venmans, et des étudiants et qui s’était donné spontanément pour mission de faire des propositions destinées à faire de l’Université un acteur plus économe des ressources naturelles et davantage attentif à la démarche générale du développement durable. En transformant ce Cercle en Conseil l’Université de Mons a voulu en faire un organe officiel de sa gouvernance, faisant directement rapport au Recteur, à l’Administrateur et au Conseil d’administration, au même titre que les autres grands organes de proposition, qu’il s’agisse du Conseil de recherche ou du Conseil de l’enseignement. En désignant le ViceRecteur en charge du Développement régional comme Président de ce Conseil, l’UMONS a voulu indiquer qu’il n’y a, pour elle, deux types de développement : l’un traditionnel et donc peu soucieux des réalités environnementales ou sociales et l’autre plus moderne ; il n’y a qu’un seul développement et il ne peut être que durable. L’engouement pour ce Conseil est vaste, au point qu’il a rapidement été décidé d’accepter que toute personne qui souhaite participer à ses travaux peut le faire, sur simple demande, au-delà des représentants des Facultés ou des administrations explicitement prévus par le règlement organique. Le Cercle puis le Conseil du Développement Durable ont toujours reçu un soutien explicite et actif des organes de décision de l’Université. Dès le début, il a entrepris une série d’actions concrètes, liées à des campagnes d’information, visant à réduire, la consommation d’eau, de papier, ou d’électricité, ou à favoriser le développement et la mise en valeur de notre flore remarquable. Avec des résultats de plus en plus significatifs. Ainsi, la consommation de papier a baissé de 40 %, et le monitoring systématique de la consommation d’eau dans les différents bâtiments de l’Université a permis de mettre en évidence les situations anormales auxquelles il a, ainsi, pu être remédié.
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Plus récemment, le Conseil a créé cinq groupes de travail, chargés, cette fois d’acheminer vers le Conseil d’administration des propositions ambitieuses pour le futur à long terme. Ces groupes ont été constitués autour des thèmes suivants : la mobilité durable, la gestion des bâtiments, le projet 0-carbone, l’énergie et l’eau, et le bien-être de la communauté universitaire. Les efforts inspirés par le Conseil du Développement Durable ont déjà retenu l’attention dans un contexte plus large, puisque l’ARES (Académique de Recherche et d’Enseignement Supérieur) vient de lui attribuer un budget pour mettre en évidence et mieux faire connaître ses actions. C’est donc avec beaucoup d’intérêt que j’écouterai les présentations qui vont suivre, dans lesquelles, je l’espère, nous pourrons puiser de nouvelles idées pour alimenter notre réflexion. Je vous remercie et vous souhaite un Symposium agréable et particulièrement instructif.
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Conférence plénière De la parole aux actes : la recherche au service du développement durable Jean HUGÉ Vrije Universiteit Brussel – Dept. de Biologie, Université Libre de Bruxelles – Dept. de Biologie des Organismes, Université de Gand – Centre pour un développement durable (CDO), Université de Hasselt, Centre des Sciences Environnementales Réorienter la recherche vers un développement durable demande une approche innovante et intégrée, combinant une réflexion sur la façon de produire des connaissances rigoureuses, robustes et pertinentes pour aborder les grand défis sociétaux ; avec des actions concrètes allant du financement de la recherche à son organisation, en passant par la réforme de l’évaluation des chercheurs et une formation adaptée des chercheurs ‘durables’ de demain. Mots-clés : recherche, science pour un développement durable, sustainability science, actions Re-orienting research towards sustainable development requires an innovative and integrated approach which ideally combines a deep reflection on how to produce rigorous, robust and relevant knowledge to address societal challenges; and a set of tangible actions ranging from adapted funding schemes to a re-organization of research, reforming research(er) evaluation criteria and ensuring better training for tomorrow’s sustainability scientists. Keywords: research, sustainability science, actions Le développement durable est présenté comme une idée, un processus et un objectif qui permet d’aborder la situation de crise écologique, sociale et économique mondiale de façon constructive et intégrée. Ayant été défini politiquement par le rapport Brundtland il y a plus de trente ans, le développement durable (DD) a été initialement intégré comme objectif commun dans les organisations dépendant de l’ONU. Depuis lors, de très nombreux acteurs se sont appropriés le concept, ce qui a à son tour généré bien des interprétations différentes, allant de visions réformistes à révolutionnaires du DD, sans oublier l’usage symbolique ou abusif du DD par certains pour masquer leur attachement au statu quo (Hopwood et al., 2005). Les « objectifs de développement durable » (ODD) ont marqué un retour en force du DD sur la scène internationale, et ont permis à une nouvelle génération d’acteurs de s’engager ou à d’autres d’être redynamisés. Mais en même temps, une certaine fragmentation et une trivialisation du concept apparaît. Le DD risque en effet de se transformer en phénomène de mode, en correctif, en outil de marketing, en terme passe-partout qui fait le ‘buzz’. Même en se référant aux principes fondateurs tels les principes de Rio (1992) et à la déclinaison actuelle portée par les ODD, l’ambiguïté constructive (Robinson, 2004) du DD demande une réflexion collective adaptée au contexte de prise de décision. Le monde de la recherche et de l’enseignement supérieur s’est enthousiasmé rapidement pour le DD, ce qui a donné lieu à une multitude d’initiatives souvent bien intentionnées mais très fragmentées, allant de déclarations internationales (Sylvestre et al., 2013) à des actions de 8
verdissement des campus, en passant par des collaborations interdisciplinaires et des programmes d’enseignement axés sur certains aspects particuliers de la durabilité (Lozano et al., 2014). Récemment, la dynamique d’appropriation et d’engagement des institutions d’enseignement supérieur s’est décuplée grâce, entre autres, aux efforts de réinvention et de recadrage du DD entrepris par des auteurs tels Griggs (2013) et Folke et al. (2016), et portés par des initiatives comme Future Earth. Les universités et hautes écoles ont un rôle majeur à jouer dans la transition vers un développement durable, s’en rendent compte et agissent de plus en plus souvent en ce sens (Waas et al., 2010 ; Lozano et al., 2014). Cependant, les balises nécessaires à des actions efficaces, à des synergies entre enseignement, recherche et service à la société, ne sont pas faciles à identifier ou à créer. Nous nous concentrons ici sur le pilier ‘recherche’. Comment utiliser le développement durable dans la recherche ? Comment façonner le concept de manière inclusive ? Comment même, construire un monde meilleur (c’est-à-dire plus durable) à l’aide de la recherche scientifique ? Comment se projeter dans un futur plus ou moins proche et imaginer et appuyer la transition en intégrant les nouvelles connaissances scientifiques ? Il existe bien sûr bien des équipes et des projets qui mènent de longue date des recherches essentielles pour un développement durable, et ce toutes disciplines confondues. Mais il est nécessaire de mener le « combat » scientifique pour le DD sur plusieurs fronts : une nouvelle approche, systémique et transformative, est indispensable pour parer à des défis sociétaux d’un genre nouveau. Cette approche est complémentaire aux perspectives spécialisées apportées par chaque discipline. Afin de s’attaquer aux grands défis sociétaux d’aujourd’hui, une approche définie par les problèmes est également nécessaire (problem-driven research). On ne peut en effet se contenter d’une approche purement disciplinaire de problèmes hautement complexes – problèmes vicieux ou wicked problems qui sont caractérisés par des incertitudes plurielles et par des conflits de valeurs. Tout en gardant l’esprit ouvert aux interprétations plurielles de la science du développement durable, qui est un concept large englobant une grande diversité de sujets et d’approches méthodologiques, la sustainability science a les caractéristiques suivantes : elle se traduit par une co-construction des nouvelles connaissances ; elle est exploratoire ; elle englobe des perspectives académiques et non-académiques (et est donc de nature transdisciplinaire) ; elle s’adapte au contexte et reconnait et intègre les dimensions normatives de la production de nouvelles connaissances. Des auteurs tels Funtowicz & Ravetz (1993) ont été parmi les premiers à définir et adapter ce concept de sustainability science – une synthèse est proposée par Hugé et al. (2016). Mettre en œuvre la science pour un développement durable n’est pas toujours évident, des obstacles en tous genres peuvent entraver la progression vers ce nouveau paradigme (Verhulst & Lambrechts, 2015) et le processus d’intégration du DD dans le fonctionnement d’une université et de ses équipes de recherche peut prendre du temps (Hugé et al., 2018). Certains éléments essentiels à la réussite d’une stratégie d’appui à la science pour un DD sont la formation des chercheurs (dès leur trajet doctoral) à l’interdisciplinarité, l’encouragement de l’expérimentation intellectuelle et scientifique, afin d’éviter le confinement de certains chercheurs dans leurs silos mono-disciplinaires ; informer et convaincre, tout en respectant la liberté de chercher, et préparer les chercheurs à ces approches en favorisant l’apprentissage de compétences pour le DD (telles définies par Wiek et al., 2011). 9
Il n’y bien évidemment pas de solution miracle pour stimuler la recherche pour un DD. Nous proposons cependant une série de mesures, définies collectivement lors d’un atelier réunissant des experts en recherche et enseignement supérieur (voir Hugé et al., 2016 pour un compterendu complet). Ces mesures sont une responsabilité partagée entre les universités/hautes écoles, le(s) gouvernement(s) et d’autres bailleurs de fonds de la recherche scientifique. Certains leviers peuvent également être actionnés par d’autres acteurs (politiques, ONG...) situés hors du monde de la recherche stricto sensu. Type d’actions
Actions • • •
Financement de la recherche
• • • • •
Évaluation de la recherche et des chercheurs
• • • • • • •
Organisation de la recherche
• • • •
Capacity building
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Valorisation des axes DD dans les propositions de projet ; Financement de plateformes de recherche interdisciplinaires ; Financement de projets-pilotes (par ex. des scenarios concernant les défis sociétaux (Horizon 2020)) ; Financement de doctorats interdisciplinaires ; Financement de professeurs (tenure track) en sustainability science ; Ajustement des critères d’allocation des fonds de recherche ; Incitants financiers inter-facultaires (par ex. en appui aux projets interdisciplinaires) ; Modification des critères d’évaluation de la carrière de chercheurs, en incluant par ex. les initiatives interet transdisciplinaires ; Développer des critères pour l’évaluation et le rapportage d’éléments inter- et transdisciplinaires dans les propositions de projet ; Comité de DD/soutenabilité à côté de / intégré au comité d’éthique ; Développement d’indicateurs communs permettant d’évaluer la pertinence de la recherche pour le DD ; Prix en appui à la recherche pour le DD ; Inclusion d’acteurs non-académiques (secteur privé, ONG, villes...) dans l’évaluation des activités et propositions de recherche ; Soutenir la mise en place et les activités de plateformes de recherche interdisciplinaires ; Organisation d’appels à projet commun au sein de ces plateformes ; Mise en place d’une chaire en sustainability science ; Soutenir les mémoires de fin d’études interdisciplinaires (identification commune du problème ; Master Thesis Awards) Inventaire des activités de recherche pour le DD déjà en cours dans l’institution ; Recrutement de logisticiens de recherche (research managers) afin d’écrire et de gérer les équipes travaillant à des projets inter- en transdisciplinaires ; Échange de bonnes pratiques par le biais de consultations interinstitutionnelles régulières ; 10
•
• • • • • Visions & politiques
• • • •
Mettre l’accent sur l’enseignement axé sur les défis sociétaux, afin d’être préparé à de futures carrières de recherche (par ex. Masterclass Sustainability Science pour les doctorants et post doctorants) ; Opérationnalisation du DD pour différents chercheurs et équipes de recherche ; Promotion & reconnaissance du leadership académique en matière d’une approche inter- et transdisciplinaire des wicked problems ; Inclusion d’un engagement pour la recherche pour le DD dans la vision et la mission des institutions d’enseignement supérieur ; Intégration d’un engagement de recherche pour le DD dans un code de conduite / de déontologie pour les chercheurs ; Reconnaître les mérites des chercheurs en/pour le DD (par ex. doctor honoris causa) ; Modifier la communication des universités, par ex. Réorienter les communiqués de presse vers une communication axée sur les défis sociétaux ; Renforcer les liens entre la recherche pour le DD et les actions de verdissement/DD sur les campus et dans les enseignements ; Inclure des critères de durabilité dans les appels d’offres ; Soutenir le changement culturel et organisationnel vers la recherché pour le DD ;
Tableau 1 : Liste d’actions potentielles d’appui à la recherche pour un développement durable (Hugé et al., 2016)
Bibliographie Folke, C., Biggs, R., Norström, A.V., Reyers, B. & Rockström, J. 2016. Social-ecological resilience and biosphere-based sustainability science. Ecology & Society 21 (3): 41 Funtowicz, S. & Ravetz, J. 1993. The Emergence of Post-Normal Science. In: von Schomberg (ed.): Science, Politics and Morality. Kluwer Academic Publishing. London. United Kingdom Griggs, R. 2013. Sustainable Development Goals for people and planet. Nature 495: 305-307 Hopwood, W. Mellor, M. & O’Brien, G., 2005. Sustainable development: mapping different approaches. Sustainable Development 13: 38-52 Hugé, J., Block, T., Wright, T. & Dahdouh-Guebas, F. 2016. How to walk the talk? Developing actions for sustainability in academic research. Journal of Cleaner Production 137: 83-92 Hugé, J., Mac-Lean, C. & Vargas, L. 2018. Maturation of sustainability in engineering faculties – from emerging issue to strategy? Journal of Cleaner Production 172: 4277-4285 Lozano, R., Ceulemans, K., Alonso-Almeida, M., Huisingh, D., Lozano, F.J., Waas, T., Lambrechts, W., Lukman, R. & Hugé, J. 2015. A review of commitment and implementation of sustainable
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development in higher education: results from a worldwide survey. Journal of Cleaner Production 108: 1-18 Robinson, J. 2004. Squaring the circle? Some thoughts on the idea of sustainable development. Ecological Economics 48: 369-384 Sylvestre, P., McNeil, R. & Wright, T. 2013. From Talloires to Turin: a critical discourse analysis of declarations for sustainability in higher education. Sustainability 5: 1356-1371 Verhulst, E. & Lambrechts, W. 2015. Fostering the incorporation of sustainable development in higher education. Lessons learned from a change management perspective. Journal of Cleaner Production 106: 189-204 Waas, T., Verbruggen, A. & Wright, T. 2010. University research for sustainable development: definition and characteristics. Journal of Cleaner Production 18: 629-636 Wiek, A., Withycombe, L. & Redman, C.L. 2011. Key competencies in sustainability: a reference framework for academic program development. Sustainability Science 6: 203-218
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Alimentation et Pratiques durables
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Vers des pratiques de consommation plus « durables » ? Une approche socio-historique en Belgique francophone Amélie ANCIAUX Aspirante FRS-F.N.R.S Université catholique de Louvain, CriDIS, SMAG Ce projet de recherche propose de mieux comprendre les différents facteurs et contextes encourageant (ou non) l’adoption d’une ou plusieurs pratiques d'éco-consommation par des jeunes adultes (de 25 à 35 ans) en Belgique francophone. À partir de récits de vie, l’originalité de cette thèse est d’observer la cohabitation entre pratiques « vertes » et moins « vertes » au sein des routines de consommation. Mots clés : éco-consommation, jeunes adultes, sociologie This research project intends to better understand the different factors and contexts favouring or hindering the adoption of one (or several) “green” practice(s) by young adults (25 to 35 years old) in French-speaking Belgium areas. Based on biographical in-depth interviews, the originality of this thesis is to observe the cohabitation between "green" and less "green" practices within consumption routines. Keywords: eco-consumption, young adults, sociology
1. Objectifs de la recherche Les questions de recherches de ce projet sont les suivantes : pourquoi certaines pratiques plus « vertes » apparaissent-elles dans les routines quotidiennes de jeunes adultes en Belgique francophone ? Dans quel(s) domaine(s) les pratiques sont-elles modifiées et jusqu’à quel point ? Comment les pratiques « vertes » et moins « vertes » coexistent-elles au quotidien ? Les événements de l’époque, « l’air du temps », ont-ils eu une influence sur l’adoption de pratiques plus « vertes » ? Quel est le rôle des proches dans le maintien ou le changement de pratiques liées à la consommation ?
2. Cadre théorique 2.1. Les théories des pratiques sociales La structure théorique de ce projet de thèse est issue des théories des pratiques sociales, un courant d’analyses ayant vu le jour dans les pays anglo-saxons et scandinaves au début des années 2000. Initialement inspiré des théories de Bourdieu, Giddens et Latour, l’objectif principal de ce courant est de dépasser le dualisme traditionnel opposant structure (vision holiste) et acteur (vision individualiste) (Warde, 2005). La singularité de ce cadre théorique est que la pratique se substitue à l’individu comme unité d’analyse. Une pratique sociale est définie par Schatzki (1996) comme un ensemble de dires et de faires organisé par des routines, des règles et des structures téléoaffectives. Ainsi, une pratique est une action intégrée et cautionnée au sein de la société alors qu’un comportement relève plus d’une action ponctuelle.
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2.2. Effet d’âge, effet de génération, effet de période Concernant l’effet d’âge, Galland (2011) souligne qu’au sein de notre société, chaque étape du parcours de vie correspond à un ensemble de statuts et rôles sociaux déterminés. En ce qui concerne l’adoption de pratiques avec un moindre impact sur l’environnement, il semble intéressant de travailler sur les jeunes adultes puisque c’est justement à cette étape que la plupart des choix de consommation émergent. Galland définit ensuite la cohorte (ou la génération) comme un « ensemble d'individus qui ont vécu un évènement semblable durant la même période de temps » (2011, p.108). Ainsi, la génération étudiée est née avec l’émergence des questions environnementales. Enfin, Attias-Donfut (1988) détermine une période comme « un contexte historique dont l’influence s’exerce sur les différentes générations en présence » (p.154). Ainsi, il est probable que les différentes marées noires de la fin des années 1990 ou, plus récemment, les différents scandales alimentaires aient influencé l’adoption de certaines pratiques de consommation.
3. Méthodologie Le récit de vie se définit comme « l’exposition orale d’une vie ou d’un segment de celle-ci par la personne concernée, dans une situation d’interaction avec un chercheur » (Bertaux, 1997). L’objectif des récits de vie est donc de réaliser un entretien où l’informateur raconte spontanément son histoire ou une partie de celle-ci, le tout orienté vers des descriptions pertinentes en fonction d’un axe de questionnements défini préalablement. Paddock (2015) soutient que les récits de vie sont la meilleure méthode pour observer le changement ou le maintien de pratiques de consommation car les récits de vie permettent d’observer les « complex dynamics between social meanings, competencies and material culture through narratives that highlight both the fixity and interconnectedness of daily routines as well as accounts of changed practices hinged upon shifts in the life course. » (p.5-6).
4. Premiers résultats 4.1. Différentes formes de compartimentalisation 4.1.1. Inter-thématique Halkier réutilise le concept de compartimentalisation d’Iversen (1996) pour expliquer la manière dont certaines pratiques résonnées et réfléchies peuvent être dissoutes par la routinisation et les habitudes quotidiennes (2001). Ce concept est par la suite réinvesti par Bartiaux (2008) pour exprimer l’idée que certaines pratiques « vertes » peuvent être adoptées dans certains domaines de consommation (par exemple, l’alimentation) et pas dans d’autres (par exemple, la mobilité). Ainsi, dans les premiers entretiens de ce projet, on remarque très clairement l’existence du processus de compartimentalisation au sein des différentes pratiques adoptées par les informateurs. En effet, les considérations écologiques se situent, dans certains cas, au niveau de l’alimentation, pour d’autres, au niveau de la mobilité, ou pour d’autres encore, dans le domaine vestimentaire. Par ailleurs, aucune régularité ne peut, à ce stade, être observée.
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4.1.2. Intra-thématique Plus précisément encore, il semble que la compartimentalisation puisse s’observer entre deux pratiques appartenant à un même domaine de consommation : « À force de faire des brocantes et aux "Petits Riens", je me suis rendue compte qu’il y avait pleins de fringues que j’aimais bien et que je pouvais acheter pour rien du tout, et qu’en plus c’était réutiliser donc parfait. Après, ça m’arrive, comme tout le monde, d’aller chez H&M m’acheter un truc, quoi. » Alice Ici, on remarque le grand écart entre deux pratiques issues d’un même domaine de consommation. L’adoption de pratiques d’éco-consommation ne se ferait donc pas de manière homogène, même au sein d’une même thématique. Au contraire, les pratiques durables semblent apparaître éparpillées au travers différents domaines de consommation. 4.1.3. Périodique Enfin, il est possible d’observer une dernière forme de compartimentalisation qui n’aurait lieu qu’à certaines périodes ou que lors de certains évènements : « Depuis décembre, j’ai mangé une fois du saumon fumé…C’était à Noël, parce que je ne voulais pas faire ennuyer mes parents… Puis c’était une bonne excuse pour manger une fois du saumon ! » Zoé Cet extrait manifeste le fait que certaines périodes ou certains évènements (une fête entre amis, Noël ou les vacances…) engendrerait de la compartimentalisation. Ainsi, la fête de Noël semble être une bonne excuse pour manger de la viande selon Alice qui est habituellement végétarienne. 4.2. La « database » familiale L’apport de la sociologie de la famille au sein de ce projet permet de comprendre les différentes transmissions qui peuvent s’opérer d’une génération à une autre. Grâce à une meilleure compréhension des phénomènes de transmission, il est plus facile de replacer la pratique dans le contexte et dans l’époque qui lui sont propres, et ainsi, en comprendre ses évolutions avec plus de précisions. L’hypothèse de base adoptée dans le cadre de ce travail est de considérer que la socialisation primaire, définie par Durkheim (1922) comme la « socialisation méthodique de la jeune génération par les générations précédentes », pourrait avoir une influence sur l’adoption (ou non) de pratiques « vertes ». Cette dimension fait partie des enjeux constituants la seconde partie de mon projet de thèse. Pour travailler ces questions, des entretiens avec les parents des jeunes adultes préalablement auditionnés seront réalisés dans le but d’observer les points communs et les différences de pratiques entre générations.
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Transdisciplinary research for sustainability transitions From food waste to food aid: an optimal match or a system in need of transformation? Agathe OSINSKI Louvain Partnership Research on Ecological and Social Transition, Université Catholique de Louvain Cet article présente une méthodologie transdisciplinaire prévue pour un projet de recherche autour de deux questions fondamentales liées aux systèmes alimentaires durables : l’accessibilité et le gaspillage alimentaire. Mots clés: Transdisciplinarité ; systèmes alimentaires durables ; aide alimentaire Keywords: Transdisciplinarity; sustainable food systems; food aid
1. Introduction Faced with increasingly urgent and complex societal and environmental issues, transition theories have looked towards transdisciplinarity as a promising approach for conducting scientifically robust and socially relevant research. An essential advance of transdisciplinary research lies in its ambition of adapting the generation of academic knowledge to societal needs, and doing so by acknowledging and attempting to grasp the diversity of perceptions and knowledge of a given problem (Hirsch-Hadorn et al. 2010). This implies the integration of knowledge from two or more disciplines (i.e. interdisciplinarity), but also the involvement of extra-scientific actors, who collaborate with academics with the objective of solving a particular problem to strive towards the common good (Ibid, p. 38). Through its focus on promoting a “knowledge democracy” (int’ Veld 2010 in Hirsch-Hadorn et al. 2010), transdisciplinary research is particularly well-suited for problems in which “facts are uncertain, values in dispute, stakes high and decisions urgent” (Funtowicz and Ravetz 2008 in Hirsch-Hadorn et al. 2010). Accordingly, a large number of transdisciplinary research initiatives focus on solving problems and advancing knowledge related to environmental problems (e.g. climate change, biodiversity, land use and energy consumption), and a growing body of literature documents the use of transdisciplinary approaches for studying the social aspects of sustainable development: promoting equitable public health (Hudon et al. 2016), alleviating poverty, and promoting social inclusion and resilience in communities affected by climate change (e.g. Litre and Bursztyn 2015).
2. Food waste, food aid 2.1. Food production and waste The sustainability of food – related to both its production and consumption – has emerged as a key challenge for the transition to a more ecological and equitable society. In the past decades, agricultural systems have evolved towards greater efficiency (with total output per hectare of agricultural land steadily increasing) to meet the increased demands for foodstuffs due to the population growth that followed World War II. Meanwhile, the Food and Agriculture Organisation (FAO) estimates that approximately one-third of the edible parts of food produced 18
for human consumption is lost or wasted globally (FAO 2011). The volume of food lost or wasted is greatest in high-income countries (North America, Oceania and Europe), with per capita food loss reaching 280-300 kg per year1. At the same time, the increased efficiency and output in agro-food production over the past decades has not succeeded in eradicating hunger. In wealthy countries alone, an estimated 60 million people turn to food aid annually, a number that is likely to have increased in the aftermath of the financial and economic crisis (Gentilini 2013) 2. 2.2. Traditional and socially innovative food aid To some policymakers, matching food waste and food aid seems to be a plausible way of solving this apparent paradox, and has been indicated by many as a political priority (De Pieri et al.). For nearly three decades, a response to food insecurity in middle and high income countries has matched food surplus and waste to food aid through the financing and support of food banks, which collect donations and unsold food items from manufacturers and retailers, distributing them directly to citizens or via front-line food aid organisations. Since their establishment, food banks have demonstrated their logistical capacity to massively recover food and raise donations while feeding millions of families annually. However, the food banking model raises a number of questions. Firstly, some literature has questioned the effectiveness of food aid in reaching the most food insecure households (Lambie-Mumford et al. 2015); others have pointed to the stigma and shame that beneficiaries of food banks and traditional food aid organisations face (Caplan 2016) and to the inadequacy of the nutritional quality of the food distributed. On a policy level, authors have questioned the entrenchment of food banks (initially conceived as a form of emergency aid) as a substitute to the welfare system, arguing that the rise of institutionalised food aid contributes to a depoliticisation of hunger (Riches 2011). Beyond the centralised efforts by state and traditionally state-supported structures to reduce food waste and provide food aid, local and non-governmental actors have initiated projects that also address both issues, often in innovative ways. These innovations may be viewed as part of the recent surge in collaborative consumption, sometimes facilitated and empowered through the use of digital platforms.
3. Transdisciplinary research The proposed research aims to identify existing emergent initiatives and the factors by which they differ from traditional actors of the food aid system. We consider a transdisciplinary methodology to be appropriate for this type of research due to its overarching aim of “bringing about change in the private and public sectors as well as civil society by developing and experimentally implementing better practices, products, and policies” (van Daele and Krohn 1998 in Hirsch-Hadorn et al. 2010) and its focus on integrating different perspectives and types of knowledge. In light of this, we have partnered with ATD Quart Monde, a non-governmental
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In sub-Saharan African and South/Southeast Asia, this figure is 6-11 kg/year. These statistics tend to underestimate the number of people affected by ‘hidden hunger’, i.e. malnutrition caused by deficiencies in vitamins and minerals.
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organisation that works with individuals and institutions around the world to combat poverty and social exclusion. Based on an approach developed by ATD – Merging of Knowledge – we plan to conduct a research process consisting of five workshops bringing together food aid beneficiaries (persons with the experience of poverty), food aid professionals (from traditional food aid and socially innovative organisations) and academics from various disciplinary fields. As illustrated in the diagram below, the process will begin with the co-construction of a research question, followed by the co-production of knowledge by the three ‘peer groups’ and will conclude with the formulation of findings and the recommendations resulting from the research. The process is designed to include a ‘Workshop Zero’ (preparation for persons experiencing poverty), as well as feedback loops to allow for verification and confirmation of the findings gathered from previous workshops.
Figure 1. Merging of Knowledge process
The intended contribution of the research is twofold. The first is to improve the way in which issues related to food waste and food aid are addressed by public policy and in various (traditional or socially innovative) organisations by giving a voice to food aid users. The second intended contribution is methodological. While recent years have seen increasing institutional support for transdisciplinary research, uncertainties remain in making the appropriate choices for governing these partnerships in practice (Dedeurwaerdere 2017). The Merging of Knowledge process will be analysed with respect to the governance features mobilised, including the approach to co-construction, the power asymmetries present and the role of the facilitators in attenuating these.
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Intégration des enjeux environnementaux et nutritionnels pour un développement plus durable de la filière laitière Michel FOCANT*, Eric FROIDMONT**, Quynh Chau DANG VAN*, Yvan LARONDELLE* *Université catholique de Louvain, Louvain Institute of Biomolecular Science and Technology **Centre wallon de Recherches Agronomiques, Département productions et filières Par des modifications mineures de l’alimentation (respect des besoins et complément de graines de lin) des vaches laitières, nous avons montré qu’il est possible d’améliorer la qualité nutritionnelle du lait (hausse de 34% des acides gras insaturés, de 106% des CLA et de 120% des oméga-3) et, simultanément, de réduire l’impact environnemental de la production (diminution de 12% du méthane émis et de 38% de l’azote urinaire), par rapport aux rations utilisées dans les fermes laitières en hiver. Mots clés : qualité nutritionnelle du lait, environnement, gaz à effet de serre, méthane entérique, rejets d’azote By minor changes in the diet (respect of the needs and linseed supplement) distributed to dairy cows, we have shown that it is possible to improve the nutritional quality of milk (increase of 34% unsaturated fatty acids, 106% CLA and 120% omega-3), and to reduce the environmental impact of the milk production (20% less methane emitted and 23% less nitrogen released), in comparison to rations commonly used on dairy farms in winter. Keywords: milk quality, environment, greenhouse gas, methane, nitrogen rejection
1. Introduction Les productions bovines sont souvent remises en question à cause de leur faible efficience, de leur production de méthane (CH4) entérique et des rejets d’azote. Ces derniers sont, en effet, en partie transformés en émissions d’ammoniac (NH3) atmosphérique et de protoxyde d’azote (N2O). Si le NH3 contribue aux pluies acides, N2O et CH4 interviennent dans le réchauffement climatique. De plus, la pertinence nutritionnelle du lait de vache donne lieu à un discours médical souvent négatif. La matière grasse du lait, trop saturée, pose notamment question. Certains acides gras (AG) saturés peuvent favoriser les maladies cardio-vasculaires lorsqu’ils sont consommés en excès (Parodi, 2005). D’autres AG du lait ont, en revanche, des effets potentiellement positifs et protecteurs pour la santé humaine. C’est le cas de l’acide alphalinolénique (oméga-3) et de l’acide ruménique (CLA) (Shingfield et al., 2008). L’alimentation de la vache influence la qualité nutritionnelle du lait et l’impact environnemental de sa production. Elle est un levier d’action pour réduire les émissions de CH4, limiter les rejets d’azote et faire varier la composition en AG du lait (Dollé et al., 2011). Notamment, l’enrichissement de la ration des vaches en lipides insaturés, et en particulier en graines de lin, est efficace pour diminuer les émissions de CH4 (Doreau et al., 2011) et pour
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augmenter les teneurs en AG insaturés, en CLA et en oméga-3 dans le lait (Dang Van et al., 2008). Par ailleurs, l’alimentation protéique des vaches laitières a pour objectif principal d’assurer une production maximale de lait. Cependant il est aussi essentiel d’optimiser les apports protéiques pour limiter les rejets d’azote. Selon Kebreab et al. (2001), la réduction des pertes d’azote fécales et urinaires représente la première piste pour limiter les émissions de NH3 et, indirectement, de N2O. En pratique, la teneur en protéines des rations destinées aux vaches laitières est comprise entre 17 et 19% de la matière sèche (MS). La diminuer à 14 % diminuerait les rejets d’azote et le coût de la ration sans influencer la production laitière (Olmos Colmenero et Broderick, 2006). Les moyens pour réduire l’impact environnemental et améliorer la composition nutritionnelle du lait sont donc bien étayés. L’originalité de notre démarche réside dans le fait que nous avons testé tous ces leviers d’action ensemble à l’échelle d’un troupeau de vaches laitières.
Figure 1. Les vaches se posent des questions sur leur durabilité !
2. Méthodologie Deux groupes équivalents de 10 vaches laitières Holstein, issus du troupeau du Centre wallon de Recherches Agronomiques, ont été utilisés pour comparer les effets d’une ration durable à ceux d’une ration contrôle, sur les émissions de méthane, les rejets d’azote et la qualité nutritionnelle de la matière grasse du lait. La ration contrôle (CTL) avait une composition proche de celles en usage dans les fermes laitières belges, avec une teneur en protéines de 16,4 % de la MS. La ration durable (DUR), qui ne différait qu’au niveau des compléments achetés par les éleveurs, était formulée sans tourteau de soja et avec 9% d’un concentré à base de graines de lin afin de réduire la teneur en protéines (13,5% de la MS) et d’apporter davantage de lipides (4,4% de la MS au lieu de 2,2) et d’oméga-3 (37% des acides gras au lieu de 12) (Tableau 1). Les émissions de méthane ont été estimées à partir du spectre moyen infra-rouge du lait (Vanlierde et al., 2016). Un bilan des flux d’azote a été établi à partir du contrôle de l’azote alimentaire consommé par les vaches, de l’azote excrété dans le lait, et de l’estimation des rejets d’azote dans les fèces (Huhtanen et al., 2008). Les aliments et le lait ont été analysés par les
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techniques officielles de laboratoire (AOAC, 1995). Les spectres en acides gras des aliments et du lait ont été déterminés par chromatographie gazeuse. Ingrédients (% de la matière sèche) Ensilage de Maïs Herbe (ensilage et foin) Tourteau de soja Tourteau de colza Pulpes de betterave Grains de céréales Concentré à base de graines de lin Composition Protéines (% de la matière sèche) Amidon (% de la matière sèche) Lipides (% de la matière sèche) Energie Nette (Kcal/kg mat. sèche) Acides gras (g/100g d’acides gras totaux) Acides gras saturés Oméga-6 Oméga-3
Ration contrôle
Ration durable
40 33 14 6 5 2 0
40 33 0 8 0 10 9
16,4 15,1 2,2 1513
13,5 21,4 4,4 1547
20 45 12
14 28 37
Tableau 1. Composition des rations contrôle et durable distribuées aux vaches laitières
3. Résultats 3.1. Production et composition du lait Malgré la plus faible teneur en protéines dans la ration DUR, la production journalière de lait et sa composition en protéines et en lipides sont restées proches de celles de la ration CTL (Tableau 2). Par ailleurs, l’apport de graines de lin dans la ration DUR a largement modifié la composition de la matière grasse du lait (Tableau 2). En effet, la teneur en AG insaturés a été augmentée de 34%, celle des oméga-3 de 125% et celle des CLA de 120% ! Dans le même temps, les concentrations des AG susceptibles de favoriser les maladies cardio-vasculaires (acides laurique, myristique et palmitique) étaient respectivement réduites de 23%, 17% et 18%.
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Ration contrôle Production de lait (kg/jour) Composition du lait (g/100g de lait) Protéines Lipides Acides gras (g/100g d’acides gras totaux) Acide laurique Acide myristique Acide palmitique Acides gras insaturés Oméga-3 CLA
Différence
30,7
Ration durable 30,0
3,4 4,0
3,3 3,7
-3% -7%
4,3 14,3 37,3 26,8 0,4 0,5
3,3 11,8 30,4 35,9 0,9 1,1
-23% -17% -18% +34% +125% +120%
-2%
Tableau 2. Production journalière et composition du lait pour les rations contrôle et durable distribuées aux vaches laitières
3.2. Impact environnemental des vaches laitières 3.2.1. Émissions de méthane par les vaches Comme le montre le Tableau 3, la ration DUR, plus riche en amidon et en lipides, a permis de réduire les émissions journalières de méthane par les vaches, de l’ordre de 12%. 3.2.2. Rejets d’azote par les vaches Le fait que la ration DUR ait une teneur en protéines de 13,5% de la MS (ce qui correspond aux besoins théoriques), au lieu de 16,4% pour la ration CTL (teneur moyenne des rations dans les fermes belges), a eu pour conséquence de réduire de 6% la sécrétion d’azote dans le lait (correspondant à la plus faible teneur en protéines du lait), mais a surtout permis de réduire l’excrétion d’azote urinaire de 38 % (148 g par jour au lieu de 240). 3.2.3. Empreinte carbone de la production laitière L’empreinte carbone du lait a été calculée selon la méthodologie développée par Delforge (2017). Elle ne prend en compte que l’empreinte carbone de la production des aliments, des émissions de méthane entérique par les vaches et des rejets d’azote. Elle ne tient pas compte des autres activités réalisées dans les fermes laitières (traites, réfrigération du lait, etc.) que nous n’avons pas pu mesurer mais qui sont identiques quelle que soit l’alimentation des vaches. Sur base de ces données, la ration DUR a eu pour effet de réduire l’empreinte carbone du lait de 21%.
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Ration contrôle Emissions de méthane (g/jour) Bilan des flux d’azote (g/jour) Azote ingéré Sécrétion d’azote dans le lait Azote fécal Azote urinaire Empreinte carbone (kg-équivalent CO2/kg de lait)
Différence
484
Ration durable 426
590 161 187 240
481 152 180 148
-18% -6% -4% -38%
0,98
0,77
-21%
-12%
Tableau 3. Impact environnemental des vaches laitières en fonction de la ration : contrôle ou durable
4. Conclusion Cette étude a démontré que plusieurs facteurs de durabilité peuvent être améliorés simultanément grâce à l’ajustement de l’alimentation distribuée aux vaches laitières. Le concept développé repose sur la valorisation de fourrages (ensilages de maïs et d’herbe préfanée) et de concentrés (tourteau de colza, céréales) produits localement, sur une alimentation de précision au regard des besoins protéiques des animaux et sur la fourniture d’un supplément de graines de lin. L’optimisation de la ration a permis, non seulement d’améliorer la qualité nutritionnelle du lait, mais a aussi réduit, de manière très significative, les rejets d’azote et les émissions de méthane entérique, en comparaison avec une ration classique, et cela sans altérer le niveau de production, avec pour effet une diminution significative de l’empreinte carbone du lait.
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Architecture et AmĂŠnagement du territoire
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Outil d’évaluation des potentialités de résilience des territoires industriels en mutation Jérémy CENCI Service Projets, Ville et Territoire, Faculté d’Architecture et d’Urbanisme, Université de Mons Les crises économiques de ces dernières décennies entraînent l’apparition sur le territoire de nombreuses friches industrielles. Sa résilience implique notamment, dans un objectif de reconquête urbaine, des choix stratégiques en matière de conservation, de reconversion ou de destruction de vestiges industriels. Faut-il tout détruire en faisant ainsi abstraction des potentialités patrimoniales et identitaires que représentent ces friches industrielles ? Dans le but de répondre à cette problématique, une grille d’évaluation permettant de déterminer les sites industriels désaffectés à haute valeur patrimoniale est construite en mobilisant la notion de résilience territoriale. Mots clés : Friche industrielle, patrimoine, résilience urbaine, reconversion Keywords: brownfields site, heritage status, urban resilience, reconversion
1. Contexte de la recherche Réemployer le foncier délaissé est une manière de lutter contre l’étalement urbain. De manière générale, ce processus de réappropriation des espaces abandonnés répond à de nombreux enjeux environnementaux (Bergel, 2002; Dor, 2006; Lafeuille, 2013; SPAQuE, 2014), sociaux (Klein, Fontan, Tremblay, & Bordeleau, 2000), économiques (Ingallina & Park, 2005) et culturels (Andres & Ambrosino, 2008; Bianchini & Parkinson, 1993; Lusso B. , 2013) de nos sociétés. Pour les sites d’activités économiques désaffectés, la réalisation d’un projet de reconquête territoriale nécessite de multiples connaissances issues de plusieurs champs de recherche : l’économie, le droit, la pollution des sols, l’aménagement du territoire, l’histoire, etc. D’ailleurs, la communauté scientifique s’y intéresse et développe de nombreuses recherches dans tous ces domaines. Il existe de nombreuses méthodes ex-post3 pour expertiser ces projets de renouvellement. Cependant, ils manquent des outils d’évaluation ex-ante4. Dans notre recherche, les friches industrielles sont un état de fait. Elles sont défavorables pour le cadre de vie, l’économie et l’environnement. Une démolition complète et un verdissement du terrain répond au besoin de supprimer les vulnérabilités induites par les friches. Néanmoins, les propos de C. Aschan-Leygonie (1998) démontrent de manière théorique la nécessité pour un territoire de résister pour enclencher la résilience de celui-ci. Nous pouvons ici appliquer la notion de résistance d’une friche à la capacité de celle-ci de résister face à un tabula rasa. Mais cette résistance ne peut pas être totale. Un équilibre entre démolition et conservation doit donc
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Afin d’expertiser un projet déjà réalisé, une évaluation ex-post permet de mesurer les impacts positifs ou négatifs de la réalisation. Tel un diagnostic, l’évaluation ex-ante est identifiée comme une évaluation préalable nécessaire à réaliser avant la conception de tout type de projet. Elle permet d’orienter les lignes directrices des projets de territoire.
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être trouvé. Suivant cette théorie, les traces d’une friche industrielle ne doivent pas disparaître totalement pour que sa réhabilitation puisse être résiliente.
2. Vulnérabilité et signes de résilience territoriale Nous avons donc orienté notre travail de recherche sur la problématique liée au choix de conserver et de reconvertir ou de démolir des vestiges industriels abandonnés lors de la reconversion d’une friche industrielle, et ce, dans un objectif de résilience. Pour ce faire, nous nous sommes interrogés sur les indicateurs favorables à la résilience des territoires de tradition industrielle en mutation. Nous avons dans un premier temps distingué quatre signes propices à enclencher ce processus, cela de manière théorique : la gouvernance, la résistance (Roy, 2007), la bifurcation et l’héritage. Dans un second temps et afin de valider l’idée que la conservation et la reconversion de sites industriels peuvent enclencher le processus de résilience, nous nous sommes attardés à l’analyse de plusieurs exemples concrets. Les territoires de tradition industrielle italien et anglais et l’Emscher Park en Allemagne, archétype de la reconversion industrielle, sont analysés de manière précise. De ces modèles, nous identifions que la conservation et la reconversion d’anciennes installations de production permettent de retrouver une attractivité territoriale perdue. L’histoire des lieux, et plus globalement des territoires, représente donc un héritage qui devient un levier nécessaire pour rebondir suite au déclin industriel. Les critères répondant aux capacités de résistance et de bifurcation sont également esquissés. Si la conservation et la reconversion des sites d’activités économiques semblent parfaitement répondre à la résilience des territoires de tradition industrielle, d’autres questions émergent. Quels sont les sites les plus pertinents pour enclencher ce processus ? Quelles sont les friches dont les infrastructures industrielles sont à conserver et lesquelles doivent être détruites pour laisser place à une nouvelle expression architecturale ? L’analyse de ces sites, via une vision globale des territoires, semblent donc un préalable indispensable à l’étude de projets de réhabilitation afin d’enclencher correctement la résilience territoriale. Répondre à ce manque méthodologique constitue un des apports de notre recherche.
3. Proposition d’une grille d’évaluation en vue d’évaluer la résilience des territoires industriels en mutation Nous avons orienté notre recherche vers la construction d’une grille d’évaluation des friches industrielles. Pour ce faire, nous avons entre autres mobilisé les notions d’héritage, d’identité et de symbole vécu (Verschambre, 2004) afin d’explorer le processus de patrimonialisation. Cette grille a pour finalité l’identification des sites qui possèdent les capacités nécessaires pour faire l’objet d’un projet de conservation et/ou de reconversion, et ce dans un objectif d’évaluation des potentialités de résilience. La friche industrielle à haute potentialité de résilience doit combiner d’une part, une haute capacité de résistance qui est la somme d’identité territoriale et architecturale ; et d’autre part, une haute capacité de bifurcation qui répond à une flexibilité et une accessibilité. Notre travail a également tenté de démontrer que certaines contraintes des territoires peuvent se révéler être de réels atouts sur lesquels s’appuyer dans un objectif de résilience. Néanmoins, nous sommes conscients qu’une conservation intégrale de ces symboles passés est utopique.
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Une sélection d’éléments à haute valeur patrimoniale est donc essentielle pour laisser place à de nouvelles formes et conceptions architecturales futures. Si notre travail de recherche tend à la valorisation du patrimoine, il amène également à se positionner sur la conservation de l’authenticité, de la diversité, de la typicité et de la singularité des territoires, cela dans un objectif identitaire.
Bibliographie Andres, L., & Ambrosino, C. (2008). « Friches en ville : du temps de veille aux politiques de l’espace ». Espaces et Société, numéro : Repenser l’espace et la politique (n° 134). Aschan-Leygonie, C. (1998). La résilience d'un système spatial : l'exemple du Comtat - thèse de doctorat. Paris. Bergel, P. (2002). Quand la ville se refait. Renouvellement urbain et grandes emprises foncières. Étude de cas en France métropolitaine et dans deux agglomérations de province : Caen et Angers, Thèse de doctorat. Caen. Bianchini, F., & Parkinson, M. (1993). Culltural policy and urbain regeneration: the West European experience. Manchester : Manchester University Press. Dor, F. (2006, 01). Pollution des sols et santé publique. Archives des Maladies Professionnelles et de l'Environnement, 67(1), pp. 40-48. Ingallina, P., & Park, J. (2005). Les nouveaux enjeux de l'attractivité urbaine. Urbanisme (344), pp. 6668. Klein, J.-L., Fontan, J.-M., Tremblay, D.-G., & Bordeleau, D. (2000). La saga du technopôle Angus : reconversion productive et reconversion sociale. Dans G. Sénécal, & D. Saint-Laurent, Les Espaces Dégradés : Contraintes et Conquêtes (pp. 219-236). Québec : Presses de l'Université du Québec Géographie Contemporaine. Lafeuille, C. (2013). La prise en compte de la pollution des sols dans le renouvellement urbain des friches industrielles en France - thèse de doctorat. Lille. Lusso, B. (2013, 12 25). Patrimonialisation et greffes culturelles sur des friches issues de l'industrie minière. Regards croisés sur l'ancien bassin minier du Nord-Pas de Calais (France) et la vallée de l'Emscher (Allemagne). EchoGeo (26), p. 25. Roy, B. (2007). La robustesse en recherche opérationnelle et aide à la décision : une préoccupation multi facettes. Annales du LAMSADE - Numéro 7, pp. 209-235. Récupéré sur http://hal.archivesouvertes.fr/docs/00/18/05/49/PDF/AN7LAMSADE_209-235.pdf. SPAQuE. (2014, 02 28). Guide des institutions - Société publique d'aide à la qualité de l'environnement (SPAQuE). Récupéré sur www.wallonie.be : http://www.wallonie.be/fr/guide/guide-services/1544 Van der Borg, J., Costa, P., & Gotti, G. (1996). Tourism in European heritage cities. Annals of Tourism Research, 23, pp. 306-321. Verschambre, V. (2004). Appropriation et marquage symbolique de l'espace : quelques éléments de réflexions. Rennes : ESO : travaux et documents de l'UMR 6590.
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Élaboration d’un outil d’évaluation et d’accompagnement à la conception d’ilots compacts de logements suivant une densité de population cible Isabelle DE SMET, David LAPLUME Faculté d'Architecture et d'Urbanisme, Université de Mons Au regard des problèmes écologiques actuels, consommer moins semble aujourd'hui une nécessité. L'accroissement démographique, les modalités de la croissance économique, les modes de vie et de consommation entraînent des formes de développement urbain peu durables, nécessitant des ressources en foncier, en matériaux et en énergie toujours grandissants. Face à ces constats, comment la recherche en architecture peut-elle contribuer à modérer le phénomène tout en répondant aux besoins de la population ? Mots clés : Densification durable, ilot, compacité, densité de population, typo-morphologie Keywords: Sustainable densification, block scale, compactness, population density, typomorphologies
1. Contexte régional Un phénomène de surconsommation du foncier est observé aux quatre coins du monde. Entre 1950 et 2010, l’accroissement de la population mondiale a été de 142% pour une augmentation des superficies bâties de 171% (OCDE, 2012). Plus localement, en Région Wallonne, entre 1986 et 2004, la superficie urbanisée a augmenté de plus de 11,5%, pour un accroissement de la population de seulement 5,4%. L’habitat, à lui seul, est responsable de 26,5% de la croissance des superficies artificialisées (Grandjean, Hanin, & Rousseaux, 2006). « L’augmentation de la superficie urbanisée n’est donc pas uniquement liée à la croissance de la population mais également à une plus grande consommation d’espace par personne, que ce soit pour le logement, le travail, les déplacements, les loisirs, etc. » (2006, p. 6). La superficie de terrain résidentiel par habitant est passée de 234m2 à 297m2 entre 1986 et 2017, soit une augmentation de 26,9% (IWEPS, 2018). Même si le phénomène est en légère régression ces dernières années (Halleux & Strée, 2011-2012), la situation reste préoccupante dans un contexte d’accroissement de population non négligeable. En effet, les villes de la Région Wallonne doivent faire face à un accroissement démographique notable. Entre 2016 et 2060, une hausse de 14,2% de la population est prévue avec 4.100.000 habitants à l’horizon 2060 (Plan, 2017). Un nombre conséquent de logements est donc à prévoir, à court et moyen terme. La Région Wallonne estime le besoin à « 13 000 logements par an en Wallonie jusqu’à l’horizon 2020, 11 000 logements par an de 2020 à 2030, 10 000
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logements par an de 2030 à 2040 et 7 000 logements par an de 2040 à 2050 » (SPW DG04, 2017). Parallèlement, la surconsommation du foncier entraîne une surconsommation de matériaux (tant pour le bâti, les voiries, les aménagements publics que pour les équipements, etc.) et d’énergie (énergie grise des matériaux et énergie de fonctionnement). Dès lors, dans ce contexte, quel rôle peut avoir l’architecte sur une potentielle diminution des dépenses en ressources ? Comment répondre à l’accroissement de population et au besoin de logements annoncés d’ici 2050 tout en consommant moins ?
2. Concevoir plus compact Concevoir de nouveaux logements tout en consommant moins implique de réduire les dépenses en ressources par habitant. Pour ce faire, la densité de population est un indicateur clé mettant en relation population et consommation foncière. Il en découle, en architecture, des indicateurs de densité du bâti qui, exploités judicieusement, peuvent permettre d’avoir un impact positif sur les dépenses en foncier, en matériaux et énergie (Brunet, 2001; Berghauser Pont & Haupt, 2009; Le Fort, Hanin, & Vanderstraeten, 2015). L’application de la densité à l’échelle de l’ilot permettrait de caractériser les typo-morphologies des ilots et du bâti (Le Fort, Léonard, Meuris, Hanin, & Vanderstraeten, 2012). Néanmoins, une même densité de bâti peut mener à des formes bien différentes (Fouchier, 1997). Ce manque de lien bijectif entre typo-morphologie et densité empêche d’évaluer facilement l’impact des typo-morphologies en termes de densité, sur le bâti et le non bâti (Berghauser Pont & Haupt, 2009; Fouchier, 1997; Marry & Arrantes, 2013). Dès lors, nous proposons d’associer à la densité, la compacité reconnue tant pour son efficience en termes d’économies de ressources à l’échelle de la ville (Bonin & Tomasoni, 2013; Dantzig & Saaty, 1973; Halleux J.-M. , 2012; Jenks, Burton, & Williams, 1996; Maignant, 2005; Pouyanne, 2004) et à l’échelle du bâti (Pupille, 2013; Arantes, Marry, Baverel, & Quenard, 2016; Gonzalo R., 2008; Marique, 2013) que pour son lien avec les formes. En effet, il serait possible d’ « établir un lien systémique entre densité, compacité des formes urbaines et impact environnemental (consommation de sol, d’énergie, de matière, etc.) » (Da Cunha, 2015, p. s.p.). Mais c’est à l’échelle de l’ilot que la compacité nous semble la plus susceptible de fournir un lien probant entre typo-morphologie, utilisation de ressources et densité. En effet, l’application de la compacité sur les différentes formes de bâti et de non bâti à l’échelle de l’ilot et de son contexte proche, permettrait d’évaluer les conséquences spatiales néfastes d’une densité excessive et donc d’en appréhender la perception. Nous avons donc fait le choix d’étudier l’impact de la compacité sur les ilots de logements, et plus particulièrement de logements regroupés. Dans cette démarche, nous recourons à différents indicateurs de compacité (surfaciques et volumiques). Cependant, ces indicateurs sont construits exclusivement sur base de volumes et surfaces, sans lien direct avec la population logée. Il nous a donc semblé nécessaire d’intégrer à notre démarche la définition d’indicateurs qui établissent ce lien. L’objectif poursuivi est de pouvoir exprimer de manière claire l’impact par habitant d’un projet sur la consommation de ressources, au sens large du terme, qui en résulte. Cette perspective étant en prise directe avec
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les concepts du développement durable, nous nommerons les indicateurs en question indicateurs de durabilité : -
l’indicateur d’urbanisation IU [m2/hab] représentant la superficie de sol urbanisée par habitant de l’ilot. Remarquons qu’il s’agit simplement de l’inverse de la DP exprimé sur base d’unités qui nous semblent mieux adaptées à l’échelle de l’être humain ; l’indicateur de déperdition ID [m2/hab] qui est la superficie d’enveloppe de déperdition du bâti par habitant.
Ces indicateurs nous permettent d’augmenter la compacité du bâti, du non-bâti et de l’ensemble résultant d’un ilot compact de logements. Mais la compacité doit être appliquée de manière raisonnée. En effet, une compacité excessive peut mener notamment à des problèmes d’inconfort, voire d’insalubrité. Nous avons dès lors déterminé un ensemble de contraintes relatives : -
à la superficie minimale de logements types ; à la luminosité dans les logements, sur les façades et dans les espaces extérieurs ; à une distance minimale entre façades ; à une superficie minimale d’espaces extérieurs verts et de repos.
Nous avons également souhaité favoriser la privatisation et l’appropriation des espaces extérieurs semi-privés, en appliquant la théorie de la détermination spatiale (Doulliez, 1983; Doulliez, 1993).
3. Un outil d’évaluation et d’accompagnement à la conception d’ilots compacts de logements suivant une densité de population cible Viser la compacité spatiale implique un arbitrage complexe entre divers paramètres, tant quantitatifs que qualitatifs. Dès lors, l’ensemble de ces indicateurs, contraintes, choix et observations nous a permis de construire l’outil d’évaluation et d’aide à la conception. Celui-ci peut être utilisé comme phase d’optimisation morphologique complémentaire à la conception d’un projet, ou lors de l’évaluation de projets par les gouvernances, dans le cadre de concours par exemple.
Bibliographie Arantes, L., Marry, S., Baverel, O., & Quenard, D. (2016). Efficacité énergétique et formes urbaines : élaboration d'un outil d'optimisation morpho-énergétique. Cybergeo : European Journal of Geography [En ligne] , 777, p. 29. Berghauser Pont, M., & Haupt, P. (2009). Space, Density and Urban Form. Delft : Technische Universiteit Delft. Bonin, O., & Tomasoni, L. (2013). Rendre la ville plus compacte : réflexion autour d'un scénario alternatif à l'augmentation des densités. Colloque International Futurs Urbains : Enjeux
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TVBuONAIR Trame Verte et Bleue en milieu urbanisé Martin GRANDJEAN, Yves HANIN, Alexandre LECLERCQ, Fiorella QUADU Centre de Recherches et d’Etudes pour l’Action Territoriale Université catholique de Louvain La recherche-action TVBuONAIR vise à répondre aux enjeux territoriaux de remise en état des corridors écologiques de part et d’autre de la frontière franco-belge sur le bassin de la Sambre. Elle cible les milieux urbanisés et s’inscrit dans une démarche d’aide à la décision et de coconstruction en vue de préserver, développer, restaurer et valoriser la « nature en ville ». Elle croise les approches environnementale, urbanistique et sociologique pour créer une cohérence transfrontalière de la TVBu. Mots clés : nature en ville, co-construction, cohérence transfrontalière, restauration, amélioration TVBuONAIR action research aims to respond to the territorial challenges of restoring ecological corridors on both sides of the Franco-Belgian border in the Sambre watershed. It targets urban areas and is part of a decision-making and co-construction approach to preserve, develop, restore and enhance "nature in the city". It crosses environmental, urbanistic and sociological approaches to create a cross-border coherence of a green and blue grid (“TVBu”). Keywords: nature in the city, co-construction, cross-border coherence, restoration, improvement
1. Un territoire transfrontalier fragmenté La fragmentation des habitats et ses conséquences sur la biodiversité sont reconnues comme des enjeux majeurs à l'échelle internationale. Si cette problématique fait l'objet d'outils spécifiques permettant de mieux l'appréhender et y apporter des solutions, force est de constater que la démarche est souvent exploratoire lorsqu'il s'agit de fédérer un territoire transfrontalier autour d'un projet global de maintien ou de restauration des continuités écologiques. Le réseau écologique du bassin de la Sambre transfrontalière apparaît comme un espace fortement fragmenté où se dégage un enjeu de remise en état des corridors écologiques à une échelle transfrontalière. La recherche TVBuONAIR aborde plus particulièrement la problématique de la fragmentation dans les milieux urbanisés. Elle construit des projets de cohérence écologique urbaine dans un contexte transfrontalier et permet en réintroduisant la nature en ville de requalifier le paysage urbain, marqué par le contexte sidérurgique historique du bassin de la Sambre. La pérennité du réseau écologique transfrontalier nécessite une coordination des actions individuelles entreprises sur l'ensemble du territoire en évitant l'apparition de points de rupture sur le réseau écologique et ainsi la mise en péril des autres actions menées par ailleurs sur le territoire. Au-delà de l'enjeu lié au maintien et à la restauration de la biodiversité, il s'agit aussi pour ce territoire d'inscrire ce projet dans une ambition globale de requalification de son image. Le bassin de la Sambre transfrontalière (figure 1) garde encore en effet une image
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fortement liée à son passé sidérurgique et il s'agit pour lui aujourd'hui de poser les balises d'une nouvelle identité davantage liée à la mise en valeur de ses aménités paysagères et écologiques.
Typologie des espaces verts urbains
Figure 1 : Vallée de la Sambre transfrontalière et typologie des espaces verts urbains. Sources : IGN, CREATUCL, OSM, 2018. Réalisation : CREAT-UCL, 2018.
2. Quatre objectifs majeurs et une approche à 360° La recherche-action TVBuONAIR se structure autour de quatre objectifs majeurs. La mutualisation des connaissances des différents acteurs du territoire, du patrimoine et de l’environnement de la vallée de la Sambre transfrontalière et de ses principaux affluents vise à asseoir les bases de l'élaboration d'un projet territorial partagé et co-construit avec les acteurs. Elle se concrétise dans la réalisation d’un diagnostic partagé et une cartographie de la TVBu et des principaux enjeux écologiques en milieu urbanisé, un protocole transfrontalier d’acquisition et de suivi des données ainsi qu’une plateforme de données écologiques et socio-économiques Ceux-ci étant au cœur de la recherche, il s’agit de créer des outils de gestion et d’aide à la décision intégrés à l’échelle d’un bassin versant transfrontalier permettant d’introduire la TVBu dans les projets de développement : outil dynamique d’évaluation d’impacts sur les connectivités écologiques en milieu urbanisé (figure 2), vade-mecum transfrontalier d’intégration de la TVBu dans les outils de planification, d’urbanisme et d’aménagement du territoire.
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Figure 2 : Extrait de l’outil dynamique d’évaluation d’impacts sur la TVBu. Sources : IGN, CREAT-UCL, OSM, 2018. Réalisation : CREAT/UCL, 2018.
La recherche consiste aussi à investiguer et appliquer des méthodes de sensibilisation de la population et de formations des techniciens et élus à la fragmentation des habitats naturels et aux meilleures pratiques de gestion écologique (figure 3).
Figure 3 : Diagnostic en marchant, enquête, sensibilisation des écoles, formation des élus à la TVBu. Sources : CREAT/UCL, Espace environnement, ADUS, 2017, 2018.
La mise en place d’actions locales (chantiers participatifs, renaturation de sites, réalisation de lieux vitrine, création d’un circuit transfrontalier de promenade verte) poursuit plusieurs 41
objectifs : l’implication concrète des habitants dans l’amélioration de leur cadre de vie, la démonstration des possibilités d’aménagements favorables à la biodiversité et l’examen de la pertinence des outils de gestion proposés. Finalement, il s’agit de fédérer les acteurs autour de la co-construction d’un schéma d’orientations générales de la trame verte et bleue en milieu urbain constituant un document de référence essentiel du territoire de la Sambre transfrontalière. Pour lever le clivage « ville/nature », prendre davantage en compte les notions liées aux usages et usagers et assurer une véritable cohérence transfrontalière à l’échelle du bassin de la Sambre, la recherche croise trois approches environnementale, urbanistique et sociologique. Elle analyse les fonctions sociales des espaces verts urbains permettant de saisir les interfaces entre aspirations des habitants, pressions urbanistiques et opportunités environnementales dans une dynamique participative de co-construction. Cette recherche-action s’inscrit donc pleinement dans une approche systémique à 360° liée au développement soutenable des territoires et aborde les dimensions de l’humain, de l’environnement, de la gouvernance participative et de la prospérité.
3. Les résultats attendus L’innovation de cette recherche-action réside dans son approche transfrontalière liée à la problématique de maillage écologique en milieu urbanisé. Cette recherche devra permettre à terme de : -
Renforcer les échanges transfrontaliers sur l’évaluation, la conservation et la gestion des habitats en milieu urbanisé ; Comprendre la vitesse à laquelle les habitats naturels changent en milieu urbain et améliorer la connaissance des milieux naturels transfrontaliers ; Développer une méthodologie commune et durable pour évaluer la fragmentation des habitats et prendre en compte ces données dans les programmes d’aménagement ; Développer une méthode durable à un niveau transfrontalier pour évaluer l’état des habitats naturels et semi-naturels en milieu urbanisé ; Mettre en réseau les acteurs et ainsi améliorer l’accès à l’information du patrimoine naturel transfrontalier des utilisateurs concernés, autorités de planification, propriétaires, promoteurs, etc. ; Encourager les mécanismes de prise de décision à intégrer davantage la biodiversité et les habitats naturels lors de projets d’aménagement du territoire ; Sensibiliser des publics très variés à l’importance de l’environnement naturel en milieu urbain et diffuser les résultats du projet sur des territoires urbanisés transfrontaliers ; Créer des projets communs de valorisation à des échelles variées (la rue, l’ilot, le quartier, la ville…).
Bibliographie AGGERI, G. 2010. Inventer les villes-natures de demain : gestion différenciée, gestion durable des espaces verts. Educagri, Paris, 199 p. CERTU. 2009. Composer avec la nature en ville. Lyon. Collection du CERTU (Centre d’Etudes sur les Réseaux, les Transports, l’Urbanisme et les Constructions Publiques, 1er ed., 375 p.
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BARTHELEMY, C., CONSALES, J.-N., GOIFFON, M. 2012. Entre aménagement du paysage et ménagement de la nature à Marseille: la trame verte à l’épreuve du local. Développement durable et territoires [En ligne], Vol. 3, n° 2 | Juillet 2012, mis en ligne le 06 juillet 2012, consulté le 6 aout 2017. URL : http://journals.openedition.org/developpementdurable/9268 ; DOI : 10.4000/developpementdurable.9268 LOTFI, M. et al. 2012. Évolution de la place du végétal dans la ville, de l’espace vert a la trame verte. [VertigO] La revue électronique en sciences de l’environnement, volume 12, number 2 BLANC, N., GLATRON, S., GRESILLON, E., 2012. Les trames vertes pour les citadins : une appropriation contrastée à Marseille, Paris, Strasbourg. Développement durable et territoires [En ligne], Vol. 3, n° 2 | Juillet 2012, mis en ligne le 12 juillet 2012, consulté le 10 septembre 2017. URL : http://journals.openedition.org/developpementdurable/9297 ; DOI : 10.4000/developpementdurable.9297 ARRIF, T., BLANC, N., CLERGEAU, Ph. 2011. Trame verte urbaine, un rapport Nature – Urbain entre géographie et écologie. Cybergeo : European Journal of Geography [En ligne], Environnement, Nature, Paysage, document 574, mis en ligne le 08 décembre 2011, consulté le 10 septembre 2017. URL : http://journals.openedition.org/cybergeo/24862 ; DOI : 10.4000/cybergeo.24862
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Introduction à la question du vieillissement à domicile : seniors et habitats en transition Gwendoline SCHAFF*, Fabienne COURTEJOIE*, Catherine ELSEN**, Jan VANRIE***, Ann PETERMANS*** * TEAM 11 – Faculté d’Architecture – Université de Liège, **LUCID – Faculté des Sciences Appliquées – Université de Liège, ***ArcK – Faculty of Architecture and Arts – Hasselt University Dans cet article, nous verrons qu’à l’heure d’une société confrontée au vieillissement démographique, il est indispensable de (re)penser dès aujourd’hui notre environnement de demain ; et ce, afin d’assurer le bien-être des générations futures. Ces transitions générationnelles et résidentielles nous guident, par la suite, vers un modèle théorique tridimensionnel ainsi que vers la mise en place d’une étude qualitative interrogeant le vieillissement à domicile. Mots clés : vieillissement, habitat, architecture, bien-être In this article, we’ll see that, as a society facing demographic aging, it’s essential to (re)design today our housing of tomorrow to ensure the well-being of future generations. These generational and residential transitions guide us, thereafter, towards a three-dimensional theoretical model and towards the establishment of a qualitative study questioning aging in place. Keywords: aging, home, architecture, well-being
1. Une société en évolution 1.1. Vieillissement Le vieillissement démographique est un défi considérable du 21e siècle. D’ici 2050, le nombre mondial d’individus de plus de 80 ans aura triplé (United Nations, 2015a). En Belgique, 32,6% de personnes auront plus de 60 ans, alors que ce nombre était de 24,1% en 2015 et seulement 15,6% en 1980 (United Nations, 2015a). Un important nombre de nouveau-nés de la fin de la Seconde Guerre Mondiale (Baby-Boom) a, en effet, aujourd’hui atteint l’âge de la retraite (Papy-Boom). Ces personnes ont vécu dans un contexte social, politique et historique très différent de leurs aînés (Auger, 2016) et sont, en outre, susceptibles d’atteindre des âges plus avancés (United Nations, 2015b). Cette différenciation entre les générations pré- et post-guerre est analogue à celle qui s’établira progressivement entre les générations actuelles et futures : mieux formées, plus autonomes, plus actives, avec des ressources technologiques renouvelées et un capital santé qui s’accroit (Beyeler, 2014). On constate donc, au cours de ces dernières années, une nette évolution des attentes des générations, notamment au niveau du confort, du développement personnel, de la santé, des technologies, des services (externalisation de tâches (Kaufmann, 1995)) et de la mobilité (Auger, 2016). Cette évolution est également marquée par la question de l’âge. Aujourd’hui, la communauté scientifique s’accorde sur le caractère diffus de la notion de vieillissement : il s’agit d’un
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processus se traduisant par une apparition progressive de fragilités sans pour autant faire passer brusquement l’individu d’un état de non-dépendant à dépendant (Auger, 2016). On distingue d’ailleurs généralement trois temps de vieillissement : la première partie du 3e âge (avec des capacités préservées, un nouveau départ sans les contraintes liées à l’emploi), la deuxième partie du 3e âge (avec des problèmes de santé de plus en plus fréquents) et le 4e âge (où l’état de dépendance se manifeste) (Masson et al., 2015). Plusieurs dimensions y sont associées ; on parle d’âge chronologique, légal, biologique et cognitif (Bastiani Guthleber, 2010). 1.2. Environnement Ces constats sur l’espérance de vie et l’évolution des attentes des générations suggèrent d’étudier le bien vieillir de manière nuancée et contextualisée. Les évolutions générationnelles auront, en effet, des répercussions particulières sur la manière d’envisager l’environnement des personnes âgées5, poussant d’ailleurs nos sociétés à interroger la viabilité des actuels systèmes d’hébergement pour seniors. La pertinence du modèle hospitalo-centriste est ainsi questionnée (Beyeler, 2014), le premier centre de santé d’une personne n’étant pas le milieu hospitalier, mais son lieu de vie quotidien, qui lui permet de préserver autonomie et vie privée. Cette vision est désormais également adoptée par le Gouvernement wallon (2014) : constatant le souhait d’une grande majorité d’aînés de vivre le plus longtemps possible chez eux, il entend favoriser un maintien prolongé à domicile et réserver les maisons de repos/soins aux individus les plus dépendants. Le vieillissement à domicile est donc adopté comme stratégie clé pour faire face aux défis de la longévité. Cependant, en Europe, peu d’études liant les domaines de la gérontologie et de l’architecture ont été menées (Andersson, 2011). La recherche sur l’environnement construit est en effet généralement sous-développée (Burton, Mitchell, & Stride, 2011). Pourtant, le quotidien de tout un chacun est étroitement lié à l’espace architectural (Andersson, 2011) : les interactions homme-espace donnent un sens tout particulier au processus du vieillissement, tant l’architecture peut être source d’environnements (dé)favorables pour les seniors (Cutchin, 2003). Le modèle écologique du vieillissement de Lawton met l’accent sur cette interaction avec le milieu physique (Andersson, 2011) : l’adéquation personne-environnement constitue, d’après lui, un équilibre entre compétence individuelle et influence du milieu. 1.3. Bien-être Selon Burton, Mitchell et Stride (2011), il est dès lors nécessaire d’entreprendre une analyse fine des caractéristiques des environnements résidentiels des seniors qui contribuent effectivement à leur bien-être. Bien que plusieurs recherches se soient intéressées à la notion de bien-être – dont Diener qui, dès les années 80, définit le bien-être subjectif comme l’expérience et le ressenti d’une personne en regard de sa propre vie – la principale lacune à ce jour consiste en la difficulté de traduire ces études dans la pratique architecturale, et donc de saisir comment modifier/concevoir l’environnement bâti pour optimiser le bien-être des usagers (Burton et al., 2011).
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Par personne âgée, senior ou ainé, nous entendons toute personne âgée de 60 ans et plus (Belgian Ageing Studies).
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2. Une nécessité de repenser les pratiques 2.1. Tridimensionnalité de la question Constatant l’enjeu de cette articulation entre la gérontologie et l’architecture de l’habitat, nous interrogeons, dans ce projet de recherche, le logement des seniors sous trois dimensions complémentaires : la fonctionnalité, la socialité et l’affectivité de l’habitat. Cette approche, issue de la littérature anglophone sur le vieillissement à domicile (Cutchin, 2003), lie intrinsèquement les dimensions physiques (logement et voisinage), sociales (relations et liens avec autrui) et émotionnelles/psychologiques (sentiment d’appartenance et d’attachement). Elle rejoint les propos de Thomas, Pattaroni et Kaufmann (2011) sur les modes de vie des familles. Chaque logique d’action est alors liée à une sphère d’activité du quotidien et à un mode d’évaluation de l’environnement construit : il s’agit de pouvoir utiliser, rencontrer et habiter. Dimension FONCTIONNELLE de l’habitat
BIEN VIEILLIR A DOMICILE
Dimension AFFECTIVE de l’habitat
Dimension SOCIALE de l’habitat
Figure 1. Modèle théorique tridimensionnel
2.2. Concrétisation du projet En lien avec ce modèle, nous proposons, dans cette étude, (i) d’identifier les facteurs de bienêtre des seniors en regard de leur habitat ; (ii) d’identifier les dispositifs architecturaux permettant de créer/renforcer un sentiment de chez-soi pour ces aînés ; et (iii) d’outiller les concepteurs dans leurs interventions sur l’habitats des seniors, afin de favoriser la qualité du cadre de vie. L’objectif principal vise à la mise au point de dispositifs méthodologiques et spatiaux (concrets techniquement et économiquement), en lien avec le bien-être subjectif, pour un environnement adapté et apprécié par les actuels et futurs seniors. Trois phases seront ainsi investiguées. Un diagnostic théorique de la situation wallonne relative au vieillissement à domicile sera avant tout établi. Ensuite, des entretiens compréhensifs avec des seniors ainsi que des observations in situ menées au sein de leurs logements seront réalisés. Enfin, nous procéderons à des ateliers de co-design (avec seniors et architectes) afin d’établir
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itérativement des dispositifs spatiaux et méthodologiques adaptés tant aux besoins des usagers que des concepteurs.
Bibliographie Andersson, Jonas E (2011). Architecture for the Silver Generation: Exploring the Meaning of Appropriate Space for Ageing in a Swedish Municipality, dans Health and Place, Elsevier, 17/2, p. 572– 587. Auger, Fanny (2016). L’aménagement de l’habitat chez des couples de nouveaux retraités BabyBoomers : vivre le présent, anticiper l’avenir ? Université Charles de Gaulle, Lille III. Bastiani Guthleber, Emilie (2010). Passage : Un abécédaire de la gestion des âges. AFMD & Université de Strasbourg. Beyeler, Mariette (2014). Métamorphouse : transformer sa maison au fil de la vie. Lausanne, Presses polytechniques et universitaires romandes. Burton, Elizabeth J, Mitchell, Lynne, & Stride, Chris B (2011). Good places for ageing in place: Development of objective built environment measures for investigating links with older people’s wellbeing, dans BMC Public Health, 11/839. Cutchin, Malcom P (2003). The process of mediated aging-in-place: a theoretically and empirically based model, dans Social Science & Medicine, 57, USA Galveston, University of Texas Medical Branch, p. 1077–1090. Gouvernement Wallon (2014). Déclaration de politique régionale 2014-2019 - Oser, Innover, Rassembler. Wallonie. Kaufmann, Jean-Claude (1995). Faire ou faire-faire ? France, Presses universitaires de Rennes. Masson, Olivier, Vanneste, Damien, Baës-Cantillon, Nathanëlle, & Grabczan, Robert (2015). Habitat et vieillissement. Inventaire des formes de logements qui supportent l’interdépendance et l’autonomie des seniors. Université catholique de Louvain. Thomas, Marie-Paule, Pattaroni, Lucas, & Kaufmann, Vincent (2011). Modes de vie, mobilité et organisation quotidienne des familles : quelles relations avec les choix résidentiels ? dans Gerber, Philippe, & Carpentier, Samuel (dir.), Les interactions entre mobilités quotidienne et résidentielle à l’épreuve des nouvelles pratiques sociales, France, Presses universitaires de Rennes. United Nations (2015a). Interactive Data – Profiles of Ageing https://esa.un.org/unpd/popdev/Profilesofageing2015/index.html (06/05/2018).
2015,
New-York.
United Nations (2015b). World Population Prospects: The 2015 Revision. Key Findings and Advance Tables, Department of Economic and Social Affairs - Population Division, New York.
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Les typologies du logement actuel et les enjeux du changement de la société. Émergence des formes alternatives d’habitat révélatrice des véritables attentes citoyennes. Recherches-actions sur le logement atypique en Wallonie Ornella VANZANDE, Jean-Alexandre POULEUR Faculté d’architecture et d’urbanisme, Service « Architecture et Sociétés », Université de Mons Si la majorité des Belges optent pour une maison « traditionnelle » (basée sur les modèles des années 50’, abritant une cellule familiale et bien souvent construite en matériaux lourds), d’autres sautent le pas et innovent en matière de logement : maison modulable, maisoncontainer, habitat kangourou, habitat groupé, tinyhouse, yourte, construction légère en bois, caravane... on constate l’émergence progressive d'habitats «atypiques» et au plus proche des besoins de plus en plus complexes d’une partie de la population. Mots clés : analyse systémique, typologie architecturale, évolution sociétale, architecture participative, initiative citoyenne, enracinement dans le terrain
1. Les nouveaux besoins de la société. Regard sur la société d’aujourd’hui et ses enjeux La population a progressivement évolué ces trente dernières années, devenant de plus en plus éclectique6. Les transformations sociales peuvent ainsi se lire spatialement, en influençant les modes de vie au sein de l’habitat, en modifiant notre manière d’habiter. Pour exemple les modifications du groupe domestique (apparition en grand nombre de familles monoparentales, recomposées, personne vivant seule...) qui influencent la taille et la gestion d’un logement, l’évolution démographique à laquelle nous sommes confrontés qui impacte la gestion du territoire, le vieillissement de la population qui nécessite des adaptations dans l’habitat, la précarisation grandissante au sein de la société (près d’un cinquième de celle-ci est sous le seuil de pauvreté), les pouvoirs sociaux de plus en plus sollicités pour la construction de logements à bas prix… En parallèle, un manque criant de ces logements sociaux qui pousse la population à trouver des solutions autres pour se loger, une complexification des règlementations urbanistiques menaçant le droit au logement, une augmentation du coût de l’immobilier rendant difficile l’acquisition du statut de propriétaire… Le centre d’étude Itinera a montré que l’augmentation du coût du logement de 10% (par exemple en imposant les normes d’isolation passive) fait passer le logement accessible aux ménages avec enfants de 70% à 35%7. On constate par ailleurs, dans notre recherche sur la diversification des typologies que celles-ci restent très marginales alors que ces formes de logement alternatif (1% des relevés)8 correspondent mieux au mode de vie actuel que celles qui dominent (99%). Ces typologies dominantes répondent, elles, aux besoins de la société d’il y a 6 7 8
Yvonne Bernard identifiera clairement dès les années 90, ces grands changements bouleversant le monde et la société, à partir des données de l’enquête INSEE. Site Itinera [en ligne] http://www.itinerainstitute.org (consulté le 11/01/2018) Analyse personnelle basée au regard du "Guide d'architecture moderne et contemporaine de Mons et Cœur du Hainaut", (Edition Mardaga et Cellule Architecture FWB, De Smet Isabelle, Ben Djaffar Lamya)
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50 ans… Le constat est donc alarmant ; depuis ces 50 dernières années l’évolution de la société est importante et celle du parc du logement est faible et est loin d’être satisfaisant selon nos enquêtes réalisées.
2. L’habitat léger… une solution pour l’homme d’aujourd’hui ? Émergence d’alternatives innovantes De nos jours on peut voir fleurir de nouvelles alternatives aux logements traditionnels. Non seulement pour répondre à la demande croissante en terme de logement, mais également pour offrir plus d’alternatives à la manière de « se loger » traditionnelle. Le réseau Brabançon du droit au logement (RBDL) qui milite pour faire reconnaitre l’habitat léger définit celui-ci comme « une construction de légère emprise au sol, destiné à la résidence, facilement et parfois démontable, toujours aisément réversible. Ses formes et ses matériaux sont diversifiés : roulottes, caravanes (résidentielles ou non), yourte, chalet et autres constructions légères en bois, paille et terre crue, etc… »9. Cette solution est utilisée tantôt comme transitoire, tantôt comme l’occasion de changer son mode de vie, ses habitudes ou encore son mode de consommation.
3. Une approche systémique pour un monde durable10. Recherche-action en Wallonie Les habitants de ces nouvelles formes alternatives de logements et en marge de la société justifient leurs choix en mettant en avant de nombreux avantages. La question financière étant cruciale à notre époque, ces logements permettent une accessibilité financière plus facile; des habitations moins lourdes financièrement (de 1000€ à 50000€ pour l’acquisition, la rénovation ou la construction d’un habitat léger) ce qui dégage du pouvoir d’achat11. Selon nos enquêtes une absence d’endettement auprès des banques est souvent mise en avant : de nombreuses personnes prônent ne pas vouloir s’endetter pour 30 ans. Ces habitats alternatifs sont viables économiquement puisque, mise à part l’investissement initial pour l’achat du logement et/ou des matériaux pour le construire et le rénover, le coût d’entretien est peu élevé. La nature compacte de ces logements permet une économie en termes de coût, notamment en énergie. Certains sont même autonomes. Ces habitats nécessitent également peu d’entretien ; la toile d’une yourte a notamment une durée de vie d’une trentaine d’années. Cette diminution du temps d’entretien mêlée au faible coût du logement a un effet plus large : le gain de temps et d’argent permettront une éventuelle diminution du temps de travail, temps pouvant être réinvesti dans des activités sociales et culturelles. Ces habitants revendiquent la sauvegarde et le maintien de la nature ; une faible emprise au sol et de manière temporaire, qui réduit la consommation d’espace territorial et ainsi réduit l’imperméabilisation des sols ; un habitat aux surfaces réduites au stricte nécessaire, des matériaux locaux, écologique et/ou de récupération; Cultiver sa terre, consommer moins et
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RBDL, Pour une reconnaissance sociale et règlementaire de l’habitat léger Site de la Fondation pour les Générations Futures, Symposium HERA. http://hera.foundationfuturegenerations.org/fr/content/symposium-hera (consulté le 09/01/2018) RBDL, Pour une reconnaissance sociale et règlementaire de l’habitat léger
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[en
ligne]
consommer sain. Des liens sociaux dynamisés, une convivialité assurée, à travers une solidarité chaude.
Figure 4: liens systémiques autour de l'habitat léger
Au regard de la vision développé par HERA12, l’arrivée de ces nouveaux habitats à l’initiative citoyenne permettrait alors un développement soutenable et durable, en tendant vers « une société durable, qui persiste et prospère en offrant une grande qualité de vie pour tous ses habitants, de manière juste et équitable. Une société où les besoins de tous sont satisfaits – maintenant et demain, ici et ailleurs. Une société où les citoyens gardent la maîtrise démocratique du choix de leurs modes de développement ». La prise en compte des besoins et aspirations de ces habitants, en marge de la société est un des points noirs de l’habitat léger. Ces logements atypiques ne sont pas reconnus, parfois tolérés, mais souvent refusés voir même dénoncés par le voisinage… Ce climat de tension pousse la majorité des habitants faisant ce choix de vie de vivre caché. Nos dernières enquêtes réalisées sur le terrain (recherche empirique, méthodologie d’enquête qualitative) montrent les très grandes difficultés rencontrées par les initiateurs de ces nouveaux logements: leur précarisation liée à leur nouveau mode de vie, l’impact négatif des normes sur la possibilité d’accéder à un logement atypique. Les normes cadenassent le système. Notre analyse démontre les liens systémiques existants notamment entre les typologies architecturales (leurs coûts, les normes liées), l'impact social et la précarité. Nos travaux actuels montrent que « la liberté de
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Site de la Fondation pour les Générations Futures, Symposium HERA : https://hera.foundationfuturegenerations.org
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construire » brimée selon John Turner par la plupart des systèmes politico-légaux dans le monde des années 70, l’est toujours voire encore plus à notre époque.
Figure 5: Systèmes de gestion Centro-administré / Auto-administré
Et si l’habitat léger, construit, pensé et mis en œuvre par les habitants eux-mêmes, répondait mieux aux besoins nouveaux, d’une société nouvelle, plutôt que la conservation d’une architecture traditionnelle, d’économie et de masse ?
Bibliographie Ben Djaffar Lamya, De Smet Isabelle (2015). Guide d'architecture moderne et contemporaine de Mons et Cœur du Hainaut, Bruxelles, Edition Mardaga et Cellule Architecture Fédération Wallonie-Bruxelles Bernard, Yvonne (1992). L’habitat à l’épreuve de la réalité pratique. Quelques hypothèses prospectives, dans DRIANT J-C., Habitat et villes : l’avenir en jeu, Paris, édition L’Harmattan Hera, Site internet de la Fondation pour les Générations Futures, Symposium HERA. [En ligne] https://hera.foundationfuturegenerations.org (consulté le 7/05/2018) Itinera, Site internet Itinera [en ligne] http://www.itinerainstitute.org (consulté le 11/01/2018) Réseau Brabançon du Droit au Logement (RBDL), (2017 ?) Pour une reconnaissance sociale et règlementaire de l'habitat léger, Court-Saint-Etienne, Editrice : Edith Grandjean Turner, John F. C. (1979). Le logement est votre affaire, Paris, édition Seuil
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Approches soutenables des et par les nouvelles technologies
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Technologies durables pour l’aide au diagnostic précoce de troubles mentaux chez l’enfant Sarah ITANI*/**, Mandy ROSSIGNOL***, Fabian LECRON**, Philippe FORTEMPS** *Fonds National de la Recherche Scientifique (F.R.S.-FNRS) **Université de Mons, Faculté Polytechnique *** Université de Mons, Faculté de Psychologie et Sciences de l’Éducation Les fondements physiologiques des troubles mentaux de l’enfant n’ont pas encore été clairement identifiés à ce jour, alors que leur prévalence mondiale augmente. Notre projet de recherche porte sur le développement de technologies durables de détection précoce de ces troubles. À cet égard, c’est un objectif double de compréhension et de prédiction des neuropathologies que nous devons viser. Pour ce faire, nous avons recours à l’intelligence artificielle, et au machine learning en particulier. Mots clés : Machine learning, Informatique, Neurosciences, Diagnostic, Enfance Keywords: Machine learning, Computer science, Neuroscience, Diagnosis, Childhood
1. Introduction En moyenne, on estime qu’un diagnostic médical sur dix est erroné (Graber et al. 2013). Par ailleurs, des désaccords peuvent exister entre cliniciens sur le diagnostic d’un patient donné. Ce désaccord est encore plus probable lorsqu’il est question de pathologies dont les bases physiologiques n’ont pas encore été clairement identifiées. De fait, le diagnostic médical est une des tâches intellectuelles les plus complexes qu’un praticien ait à accomplir. En ces dernières années, nous observons l’essor considérable du Machine Learning (ML), un domaine des sciences de données qui se veut très prometteur. Les méthodes associées permettent d’extraire des généralisations à partir d’un jeu de données (Giudici 2005). Nous pouvons donc aspirer à réduire le taux d’erreurs, voire à rendre les diagnostics plus objectifs par l’implémentation de modèles prédictifs d’une pathologie donnée. Ces modèles reçoivent en entrée les données d’un patient (e.g. âge, sexe, quotient intellectuel, images/scanners) et proposent un diagnostic en sortie. Certes, il s’agit là d’un objectif ambitieux car il est difficile de reproduire l’intuition qu’un clinicien acquiert au terme de nombreuses années d’expérience. Mais le ML peut concilier une quantité élevée d’informations diversifiées, alors qu’à ce niveau, le cerveau humain reste limité dans ses capacités (Donner-Banzhoff et al. 2017). Il convient de tirer profit de ce point fort pour suggérer une recommandation de diagnostic au clinicien, qui reste bien entendu le seul maître de ses décisions. Le développement de modèles d’aide au diagnostic par le machine learning requiert la collecte d’une grande quantité de mesures corporelles. L’évolution des technologies permet de prendre ces mesures avec davantage de précision, par le biais de dispositifs toujours plus ergonomiques et moins énergivores. Cela étant, quels que soient les objectifs escomptés, l’exploitation des données ainsi relevées pose des enjeux éthiques et techniques, car il s’agit d’utiliser ces données de manière avisée pour répondre à un besoin réel. Notre projet de recherche est relatif au traitement et à la modélisation de données médicales afin de prédire un diagnostic objectif et fiable. Si nous veillons à mener une réflexion générale
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à ce sujet, nous visons en particulier le Trouble du Déficit de l’Attention avec ou sans Hyperactivité (TDAH) et le Trouble du Spectre Autistique (TSA) chez l’enfant.
2. État de l’art Malgré l’évolution de la recherche médicale, le diagnostic précoce des troubles mentaux chez les jeunes reste un enjeu sociétal majeur. Ce diagnostic se base sur les plaintes rapportées par l’entourage de l’enfant concerné, étayées par l’anamnèse et par des mesures comportementales ou auto-rapportées. De fait, il est parfois difficile pour le clinicien de parvenir à un diagnostic univoque. À ce jour, les neurosciences n’ont pu mettre en évidence les bases physiologiques des troubles mentaux infantiles. Cette situation amène à la remise en question de l’approche méthodologique communément adoptée par les études (Woo et al. 2017). En effet, la démarche préconisée vise la détection de différences entre sujets sains et pathologiques par la comparaison de leurs données cérébrales. Cependant, si cette approche permet de vérifier une hypothèse portant sur des anomalies fonctionnelles ou structurelles isolées, elle ne permet pas d’aboutir à une description complète de la neuropathologie. En ces dernières années, six et huit pourcents de la recherche en neurosciences translationnelles ayant recours aux techniques de ML ont été consacrés respectivement à l’étude du TDAH et du TSA contre, par exemple, 42% pour la maladie d’Alzheimer (Woo et al. 2017). En moyenne, les taux de prédiction des modèles développés ne dépassent pas la barrière des 80%. S’il existe une marge de progression à franchir en termes de performances prédictives, d’autres exigences restent à satisfaire (Miotto et al. 2017, Orru et al. 2012). Les modèles proposés doivent en particulier être lisibles, et faire place à l’interprétabilité. Or, les modèles privilégiés actuellement pour leur performance, tels que le Séparateur à Vaste Marge (SVM) et les réseaux de neurones artificiels, manquent de lisibilité.
3. Projet de recherche En exploitant les potentialités récentes du machine learning, notre recherche porte sur la détection de marqueurs cérébraux pour un diagnostic objectif des troubles. En particulier, l’analyse d’Images par Résonance Magnétique (IRM) permet d’identifier des régions cérébrales dont une irrégularité de fonctionnement et/ou de structure révèlerait un signe évident de pathologie. Nous envisageons de modéliser les interactions qui existent entre ces marqueurs pour proposer au clinicien un outil d’aide au diagnostic du trouble étudié. Les premiers résultats obtenus pour le TDAH sont prometteurs (Itani et al. 2018). L’interaction des sciences de données avec les neurosciences implique un certain nombre de défis. En particulier, afin de favoriser la gouvernance participative, il est crucial que les modèles d’aide au diagnostic proposés soient lisibles et interprétables. De la sorte, les cliniciens peuvent adhérer aux modèles et aux recommandations qu’ils proposent ; les patients peuvent également obtenir une justification complète et compréhensible de leur diagnostic. En outre, si dans un premier temps, l’IRM est une méthode que nous privilégions pour sa précision afin de mieux comprendre les troubles mentaux, il convient à terme de développer une technologie alternative de diagnostic. En effet, il faut actuellement compter de longs délais d’attente avant d’accéder à un examen IRM. Par ailleurs, bien que non invasif, l’équipement pose des désagréments pour les enfants examinés, éprouvant un certain malaise face à un 54
dispositif aussi imposant et bruyant. Une perspective de notre travail porte donc sur l’élaboration d’un équipement plus convivial pour le sujet, réduisant les effets négatifs sur l’humain avec un examen ciblé des zones cérébrales pertinentes directement sur la tête, voire à distance. Moins sophistiqué et précis que l’IRM, cet équipement procurerait néanmoins une information suffisante aux fins d’un diagnostic, tout en étant moins énergivore. C’est donc là une dimension environnementale importante que revêt notre projet. Nous espérons par ailleurs que viser une minimisation de la consommation de ressources pour l’examen favorisera la prospérité grâce à un équipement au coût abordable et de fait, à un accès démocratisé aux soins de santé.
4. Conclusion Notre projet porte sur la mise en œuvre d’outils d’aide au diagnostic de troubles mentaux chez l’enfant. Dans ce cadre, l’objectif poursuivi est de réduire le taux de faux positifs et développer un dispositif d’évaluation plus adapté. Nous espérons que procéder de la sorte permettra de promouvoir la santé mentale et le bien-être de l’enfant, en s’inscrivant ainsi dans la lignée des objectifs de développement durable établis par l’ONU.
Bibliographie Donner-Banzhoff, N., Seidel, J., Sikeler, A.M., Bösner, S., Vogelmeier, M., Westram, A., Feufel, M., Gaissmaier, W., Wegwarth, O. et Gigerenzer, G. (2017). The phenomenology of the diagnostic process: A primary care–based survey, dans Medical Decision Making, 37(1) :27–34. Giudici, P. (2005). Applied data mining: statistical methods for business and industry, John Wiley & Sons. Graber, M.L. (2013). The incidence of diagnostic error in medicine, dans BMJ Quality & Safety, 22 (Suppl.2): ii21–ii27. Itani, S., Lecron, F., et Fortemps, P. (2018). A multi-level classification framework for multi-site medical data: Application to the ADHD-200 collection dans Expert Systems with Applications, 91, 3645. Miotto, R., Wang, F., Wang, S., Jiang, X., et Dudley, J. T. (2017). Deep learning for healthcare: review, opportunities and challenges, dans Briefings in bioinformatics. Orru, G., Pettersson-Yeo, W., Marquand, A. F., Sartori, G., et Mechelli, A. (2012). Using support vector machine to identify imaging biomarkers of neurological and psychiatric disease: a critical review, dans Neuroscience & Biobehavioral Reviews, 36(4), 1140-1152. Woo, C. W., Chang, L. J., Lindquist, M. A., et Wager, T. D. (2017). Building better biomarkers: brain models in translational neuroimaging, dans Nature neuroscience, 20(3), 365.
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No digital society without sustainable information technology Jean-Pierre RASKIN Université catholique de Louvain, Institute of Information and Communication Technologies, Electronics and Applied Mathematics (ICTEAM) Conscient de l'obsolescence programmée des objets électroniques, de leur impact sur la pollution environnementale et de l'injustice sociale générée par leur production, notre groupe de recherche travaille depuis plus de 15 ans sur le remplacement des matériaux toxiques et rares dans la fabrication des dispositifs issus de la microélectronique. Nous développons des technologies sans fil qui doivent être accessibles à tous, consommer un minimum d'énergie et utiliser efficacement les ressources naturelles. Mots clés : électronique durable, approche systémique, microélectronique à base de silicium, faible consommation de puissance, communications sans fil. Being conscious of the planned obsolescence of consumable electronics, its impact on the environmental pollution and the generated social injustice with their production, our research group has been working for more than 15 years on the replacement of toxic and rare earth materials in the fabrication of microelectronics devices. We develop wireless technologies which must be affordable to everyone, consume a minimum of energy and use efficiently natural resources. Keywords: Sustainable electronics, systemic approach, silicon-based microelectronics, low power consumption, wireless communications.
1. Urgent need for more sustainable electronics The 21st century is the age of mobile communications and the conscious use of natural resources. Communication contributes to reduce distance between people. Smart objects communicate to each other to deploy an interactive environment (Internet of Things, IoT). People talk about the digital society. Everything seems to be fast, clean, reconfigurable, etc. but behind our screens there is an industry which requires, more than ever, space, energy and matter. Since tens of billions electronics objects are being disseminated all over the word in homes, buildings, cars, roads, etc., there is an urgent need to revisit the economic, technological, and societal models to develop a sustainable electronic industry that will care about its impact right from the design of these objects. Some key elements considered today in the emerging devices for IoT are rare or classified critical raw materials, they must be substituted or saved by orders of decade. In order to come up with efficient and sustainable solutions, scientists and engineers must embrace the complexity of the problems and adopt a systemic approach which favors an interdependent vision of the components of a problem.
2. Greener connectivity everywhere anytime Wireless Radio Frequency (RF) communication systems require high frequency electronics that have been based on materials such as Gallium, Arsenic, Indium, etc. which are today classified as toxic or critical mineral raw materials. We have always believed to the capability of silicon-based technologies to fulfill the specification requirements of advanced wireless and portable devices [1]. Knowing that silicon is the second most abundant element in the Earth's
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crust after oxygen, our motivation has been quite high to investigate and understand the bottlenecks of silicon-based technologies. Around ten years ago, we proposed a completely disruptive solution in demonstrating the interest of introducing defects at silicon (Si) - insulator (SiO2) interface in order to drastically improve the RF performance of Si-based substrates [2], while the microelectronics community was trying to fabricate high-quality interfaces. This discovery has led to two patents13. In 2011, UCL and SOITEC (a company) unveiled on the market the new flavor of High Resistivity Silicon-on-Insulator (SOI) substrate including traps below the buried oxide (BOX) called RF-eSITM-SOI, for enhanced Signal IntegrityTM substrate with a measured effective resistivity as high as 10 kW.cm. RF-eSI-SOI substrate can really be considered as a lossless Sibased substrate. Our findings deeply changed the landscape of our scientific domain and led to the emergence of a new technology (radio frequency silicon-on-insulator – RF SOI) which today impacts the industry of microelectronics all around the world [3]-[4]. All new smartphones have inside RF-SOI replacing then the critical III-V materials such as Ga, As, In, etc. used intensively this last decade (2017 Yole report). As pointed out by several press releases published these last five years, the demand for the newly developed SOI substrate has been booming and it has become very rapidly the major material for high-performance RF applications (Journalist Mark Lapedus wrote in May 2013: “New Foundry Gold Rush: RF SOI”). All major microelectronics foundries14 in the field of RF applications have adopted the newly developed RF SOI substrate. Dr. Peter Rabbeni, Senior Director of Business Development and Product Line Management RF Business Unit of GlobalFoundries, says that RF-SOI revolutionizes RF system design. Today, SOITEC scales up the wafer size from 200- to 300-mm to satisfy the huge demand for cheap SOI CMOS front-end module. RF-SOI with trap rich layer is now also a great competitor for the expanding millimeter-wave (mmW) market. Based on its 45 nm baseline SOI process, GlobalFoundries just released a RF-SOI mmW offering targeting applications like 5G, satellite communication, automotive radar, WiGig, backhaul. RF-SOI market has a 15% Compound Annual Growth Rate (CAGR) being in 2016 at one millions wafers 200 mm and moving to two millions wafers in 2022. It represents today a IC revenue for fabless far exceeding 1 $B. SOITEC estimates that they have shipped enough leading-edge RF-eSI-SOI wafers to fabricate more than 30 billions RF switches devices. It is really a success story starting from a fundamental breakthrough developed in the academic environment and transferred to the industry for serving great innovative products in the field of wireless communications which is one of the major technologies of the 21st century.
3. Collective research at the European level IoT is going to strongly and deeply transform our economy and way of living. Emerging technologies are used in new services’ platforms fed by large amount of data collected by 13
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J.-P. Raskin, D. Lederer and F. Brunier, “Process for manufacturing a multilayer structure made from semiconducting materials”, WO/2005/031853, PCT/IB2004/003340, Priority Data: 26.09.2003 & J.-P. Raskin and D. Lederer, “Method of manufacturing a multilayer semiconductor structure with reduced ohmic losses”, WO/2005/031842, PCT/BE2004/000137, Priority Data: 26.09.2003. 2017 Yole report: Avago, Qorvo, Skyworks, Broadcom, Qualcomm, Sony, Intel, TDK-Epcos, Murata, Peregrine Semiconductors, Triquint, Infineon, ST-Microelectronics, GlobalFoundries, TowerJazz, TSMC, etc.
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distributed sensors. The rise of the IoT enables products to be tracked for location, status and quality, and to be remotely controlled in unprecedented ways. For example, this interconnectedness of devices facilitates the predictive maintenance of products, the stock monitoring in companies, the energy efficiency and comfort in smart buildings, and so on. However, no clear methodology exists today to design, manufacture and deploy the IoT in a “sustainable way” that preserves enough resources to avoid political, economic, and environmental tensions in the next twenty years. European microelectronics industry depends on rare-earth materials and noble metals, so called blood metals in Africa. European technology supplies are very fragile, and economy, strategic independence, ethical and environmental considerations are converging into a common requirement: design differently our technologies at the early stage of the research process. Only a few initiatives have been launched in Europe15, 16 and around the world17, 18 to address the sustainable use of critical raw materials and none for developing sustainable wireless electronics devices which are going to be massively deployed within the digital society. At the beginning of 2017, the European Nanoelectronics consortium on sustainability named ENCOS was established. The members of the consortium are today the Institut National Polytechnique de Grenoble (France), Cambridge University (UK), Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne (EPFL, Switzerland), Université catholique de Louvain (Belgium), Atomic Energy Research Centre (CEA, France), Fraunhofer-Institut für Zuverlässigkeit und Mikrointegration (Germany), and PuzzlePhone (Finland). The consortium aims to develop methodologies applied to advanced research integrating the economic analysis, the geopolitics issues, the acceptability and the durability of new technological solutions. Concretely, the consortium aims to analyze and propose innovative solutions for the main topics shortly described hereafter. • Reduce the power consumption and industrial waste in manufacturing IoT and their components. Low temperature processes, reduction of heat dissipation, recycling of chemicals and water cleaning, etc. will be evaluated for each fabrication step of the microelectronics devices. Beyond resource efficiency and recycling waste, the transition towards a circular economy should be implemented with the industrial partners of the consortium. • Substitute or decrease the use of toxic, hazardous, and critical raw materials to greatly reduce the environmental degradation, health issues, geopolitical crises and avoid future supply disruption of key materials. More precisely, elements such as indium, ruthenium, platinum, gallium, arsenic, gold, are already identified as critical for disruptive devices yielding communicating objects. New technologies and materials are investigated to replace them or to limit drastically their amount in some critical devices (sensors, memories, optoelectronics and spintronics). Design methodologies of materials for sustainable development proposed by Prof. M. Ashby19 (Cambridge University, UK) who is partner of
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FP7, RESET: Sustainable substitution of rare earth elements in photodevices, 2014-04-01 to 2019-03-31. H2020, SCRREEN will contribute to improve the Critical Raw Materials strategy in Europe, 2016-11-01 to 2019-04-30. iNEMI, http://www.inemi.org/ The Sustainable Electronics Initiative (SEI) at the Illinois Sustainable Technology Center (ISTC) is dedicated to the development and implementation of a more sustainable system for designing, producing, using, and managing electronic devices. http://www.sustainelectronics.illinois.edu/ Michael F. Ashby, “Materials and Sustainable Development”, Butterworth-Heinemann, ISBN-13: 978-0081001769.
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the consortium and his spin-off company Granta20 will be revisited and adapted to the specific domain of microelectronics. • Extend the lifetime of electronics devices by design. Over the past decades, the development of high-tech devices has been associated with a scaling down of dimensions and the multiplication of materials in the components with for some of them in extremely small quantity of a few µg only21. This leads to new challenges in recycling, namely pay for the entropy of mixing, and for the entropy of dispersion. Modular design of electronic devices such as proposed by Fair Phone22 and PuzzlePhone23 paves the way to extend the lifetime of electronics components by either allowing the device repair, upgrade or reuse for another functionality. • Increase the transparency of the supply chain within the consumer electronics sector. The goal is to be able to trace every element in electronics devices, from the raw materials to the final parts. Nowadays, prime societal concerns require effective traceability, as illustrated by “ethical care” label given to laptop computers or smartphones produced by some European companies, Fair Phone for instance, with reduced consumption of those materials produced in non-ethical conditions. Creating a high-transparency supply chain in microelectronics industry calls for extensive critical analysis of current practices aiming to produce a guideline for the engineering design and a roadmap for new technological developments. More generally, a definitive method to integrate in the design of new IoT technologies, constraints associated with environmental, social and economic changes is missing for the stakeholders. • Develop new business models to fight the planned obsolescence. Enjoying a good without owning it. For a service provider (transport, home monitoring, health), the longer the lifetime is, the lower the cost of components is and the higher benefit you have. The microelectronics business has to move from the conventional manufacturing and sale product to the service-based model. • Make advocacy with the public authorities and governments. New laws, labels, norms, etc. must be defined for regulating the production of electronics goods, their sale on the market, their remanufacturing, reuse, or recycling, etc.
Bibliography [1] J.-P. Raskin, A. Viviani, D. Flandre and J.-P. Colinge, “Substrate Crosstalk reduction using SOI technology”, IEEE Transactions on Electron Devices, vol. 44, no. 12, pp. 2252-2261, December 1997. [2] D. Lederer and J.-P. Raskin, “New substrate passivation method dedicated to high resistivity SOI wafer fabrication with increase substrate resistivity”, IEEE Electron Device Letters, vol. 26, no. 11, pp. 805-807, November 2005.
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Cambridge University spin-off specialising in Materials information management: www.grantadesign.com The emergence of advanced products (smartphones, tablets, etc.) leads to the consumption of more than 40 elements of the Mendeleïev periodic table, including critical elements. As an example, the fabrication of a single smartphone various metals (16 g of Cu, 0.35 g of Ag, 0.035 g of Au, and 0.00015 g of Pt). These figures reach as much as 22,400 tons of Cu, 490 tons of Ag, 49 tons of Au and 0.2 ton of Pt when considering the estimated ~1.4 billion smartphones forecasted in 2017. This one (in several) example preludes the huge quantity of critical and/or costly elements dispersed in the tens of billions of connected objects expected in the next years. https://www.fairphone.com/en/our-goals/ http://www.puzzlephone.com/
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[3] P. A. Rabbeni, A. Joseph, T. Letavic and A. Bandyopadhyay, “RF SOI: Revolutionizing RF System Design”, Microwave Journal, vol. 58, no. 10, pp. 22-28, October 2015. [4] E. Desbonnets and C. Didier, “Engineered Substrates: The Foundation to Meet Current and Future RF Requirements”, Microwave Journal, vol. 58, no. 10, pp. 22-28, October 2015.
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Économie et Finance
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Exploring the transformative capacities of food cooperatives by investigating their visions of a sustainable economy Julien VASTENAEKELS Centre d’études du développement durable, Université libre de Bruxelles En réponse aux excès du système alimentaire dominant, des alternatives alimentaires durables telles que des coopératives ont vu le jour. Cependant, il reste à savoir comment et dans quelles conditions elles peuvent transformer plus largement le système alimentaire vers une forme de durabilité. Ce papier donne un aperçu de comment cela peut être étudié en élaborant des liens entre les pratiques de ces initiatives et les transformations systémiques, à travers l’étude de leurs visions d'un système alimentaire durable. Mots clés : coopératives alimentaires ; transformations systémiques ; système alimentaire durable, micro-macro. In response to the excesses of the dominant food system, sustainable food alternatives such as cooperatives have emerged. However it remains unclear how and under which conditions they can transform more widely the food system towards sustainability. This paper provides an overview of how it can be explored by elaborating linkages between the practices of these initiatives and systemic transformations, through the investigation their visions of a sustainable food system. Keywords: food cooperatives; systemic transformations; sustainable food system; micromacro.
1. Introduction It is now widely acknowledged that the development of conventional industrial food systems has provoked multiple social, environmental and economic problems which are undermining the sustainability of food production and consumption (Blay-Palmer, 2008; Konefal et al., 2005; Oosterveer & Sonnenfeld, 2012). As a response to the prevailing capitalist systems, bottom-up initiatives that are structurally challenging producer-consumer relations and experimenting with alternative economic models have emerged (O’Hara & Stagl, 2001; Goodman, DuPuis, & Goodman, 2012). In particular cooperative initiatives have brought together consumers, producers, distributors and/or other actors of the food sector with the objective to reconfigure a set of more democratic and participatory governance schemes of alternative food systems (Berge, Caldwell, & Mount, 2016; Spaargaren, Oosterveer, & Loeber, 2012; Starr, 2010). These food cooperatives redefine a part of the economic system—the food system—following a more sustainable paradigm, driven by reasons and ends shaping their action orientated towards a desired future (Le Velly, 2017). Such small-scale experiments are sometimes assumed to provide guidance for the transitions of our whole economies towards sustainability (Gibson-Graham, 2008; Wright, 2013). However, without a more holistic vision of what they seek to achieve, it remains unclear how they can contribute to transforming more widely the food system towards sustainability. To explore the transformative capacities and contingencies of food cooperatives, it is needed to develop a bridge between micro-practices and macro-transformations. In this research, I address
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the question of what a sustainable food system might be by looking through the eyes of actors who are already striving to redefine it at their own level, in the field, with their values and ethics. In this way it is possible to craft visions of reconstructed, sustainable food systems, that can be further assessed as “provisional and reflexive models of possible futures, open to criticism and debate” (Levitas, 2013). In this paper I provide a broad overview of the main components of my approach for this research. Section 2 will present the practical articulations between practices, visions, and systemic transformations. Section 3, 4 et 5 will explain respectively these three aspects.
2. From practices to systemic transformations This research is developing linkages between micro and macro phenomena, to better understand the how and under which conditions the food system could be transformed by the many initiatives in the field. For this purpose, I am combining qualitative inquiries with computational simulation methods. I am building an agent-based ecological macroeconomic model that allows to simulate a reconstructed, sustainable food system. It draws on a qualitative investigation at the micro and meso-levels, of the practices and visions of sustainable food systems and related actors. Visions are imagined futures that set out the main objectives and principles under which a sustainable food system, based on cooperative principles, could function at a systemic level. How these systemic changes envisioned work at the micro level? Some lessons can be found in the practices of the initiatives that are currently changing the food system, at their own level, in the field. In this way visions are central to the research as they provide a link between the micro and macro levels of analysis.
3. Visions By exercising projective imagination to produce visions, it is possible to sketch components of transformed, sustainable economies and open them to scrutiny. A vision implies “ideational” change—i.e. a projection of what should be, notwithstanding what is—and “transformational” change—i.e substituting old structures by new ones (van der Helm, 2009). Any vision is inherently “pre-analytical”, it comes from the realm of imagination (Forstater, 2004). As such, it is naturally followed by analysis: “Analysis attempts to link the imagined future back to the present reality” (Forstater, 2004, p. 23). As Prugh et al. (2000) explain: “The rational process of figuring out how to achieve a sustainable world must begin with a non-rational act of imagination” (p. 41). From pre-analytical visions of sustainable economies by small-scale experiments, it is possible to contrast what is and what should be (in their view), allowing to analyse of the underlying transformations of the current economic system and identify what might be missing or inconsistent in these visions. Visions can be crafted by piecing together the ‘projects’ (Le Velly, 2017) of food cooperatives. Empirical material can be gathered from multiple sources, such as the promotional speeches and other documents setting out the essential principles and purposes of these initiatives, and extracts from interviews (Le Velly, 2017).
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4. Practices Studying practices is essential to understand how these initiatives may constitute concretely building blocks of a sustainable food system, how visions could be put in practice. It is possible to observe some pieces of future, sustainable food system in the present, in the practices of actors. It implies to study qualitatively at the micro level how food cooperatives play as economic actors. How do they set prices? How do they sell/buy their products? How do they produce? How do they mobilize capital? How do they grow? What do they do with their profits…
5. Systemic transformations Visions may act as “navigational compasses”, and even if unachievable may contribute to action (de Geus, 2009). However they may also be useless or even dangerous if they encourage “us to embark on trips that have no real destinations at all” (Wright, 2010, p. 21). It means that visions should be carefully assessed to be sure that the systemic transformations ambitioned would have the effect intended. The problem tackled is thus the “viability” problem, which is defined by Wright as “the design of institutions which, if created, would have the desired effects”. This problem will be tackled with the help of an agent-based macroeconomic model, which simulates the interactions of the food system entities and the economy as a whole. It will be therefore possible to identify internal and external conditions under which a sustainable food system based on cooperative principles is viable. Internal conditions refer to how food cooperatives behave, whereas as external conditions are related to the interdependence between the food system and other subsystems of the economy.
6. Conclusion Visions, as results of the projective imagination of food cooperatives, can provide a bridge between (i) the micro level, which includes their practices and principles of action, and (ii) transformations in the food system. When assessed, it is possible identify how and under which internal and external conditions the actions of these small-scale initiatives can lead to largescale, systemic change.
Bibliography Berge, Simon, Caldwell, Wayne, & Mount, Phil (2016). Governance of Nine Ontario Food Cooperatives. Annals of Public and Cooperative Economics, 87 (3), 457–474. https://doi.org/10.1111/apce.12134 Blay-Palmer, Alison (2008). Food fears: From industrial to sustainable food systems. Hampshire: Ashgate. de Geus, Marius (2009). Utopian sustainability: Ecological utopianism. In L. Leonard & J. Barry (Eds.), The Transition to Sustainable Living and Practice (pp. 77–100). Bingley, Practice Emerald Group Publishing Limited. https://doi.org/10.1108/S2041-806X (2009)0000004007
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Forstater, Mathew (2004). Visions and scenarios: Heilbroner’s worldly philosophy, Lowe’s political economics, and the methodology of ecological economics. Ecological Economics, 51 (1–2), 17–30. https://doi.org/10.1016/j.ecolecon.2004.07.015 Gibson-Graham, J. K. (2008). Diverse economies: performative practices for “other worlds”. Progress in Human Geography, 32 (5), 613–632. https://doi.org/10.1177/0309132508090821 Goodman, David, DuPuis, E. Melanie, & Goodman, Michael (2012). Alternative Food Networks: Knowledge, Practice, and Politics. Oxon, Routledge. Konefal, Jason, Mascarenhas, Michael, & Hatanaka, Maki (2005). Governance in the Global Agro-food System: Backlighting the Role of Transnational Supermarket Chains. Agriculture and Human Values, 22 (3), 291–302. https://doi.org/10.1007/s10460-005-6046-0 Le Velly, Ronan (2017). Sociologie des systèmes alimentaires alternatifs. Une promesse de différence. Paris, Presses des Mines. Levitas, Ruth (2013). Utopia as Method: The Imaginary Reconstitution of Society. Basingstoke: Palgrave Macmillan. https://doi.org/10.1057/9781137314253 O’Hara, Sabine U., & Stagl, Sigrid (2001). Global Food Markets and Their Local Alternatives: A SocioEcological Economic Perspective. Population and Environment, 22 (6), 533–554. https://doi.org/10.1023/A:1010795305097 Oosterveer, Peter, & Sonnenfeld, David A. (2012). Food, Globalization and Sustainability. London, Earthscan. Prugh, Thomas, Costanza, Robert, & Daly, Herman E. (2000). The Local Politics of Global Sustainability. Washington, DC, Island Press. Spaargaren, Gert, Oosterveer, Peter, & Loeber, Aanne (2012). Food practices in transition: changing food consumption, retail and production in the age of reflexive modernity. New York, London, Routledge. van der Helm, Ruud (2009). The vision phenomenon: Towards a theoretical underpinning of visions of the future and the process of envisioning. Futures, 41 (2), 96–104. https://doi.org/10.1016/j.futures.2008.07.036 Wright, Erik O. (2010). Envisioning Real Utopias. London, Verso. Wright, Erik O. (2013). Transforming Capitalism through Real Utopias. American Sociological Review, 78 (1), 1–25. https://doi.org/10.1177/0003122412468882
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Solutions innovantes en faveur de la mobilité durable sous l’angle du droit fiscal : contraintes limites et possibilités Fanny VANRYKEL Aspirante FRS-F.N.R.S. – Tax Institute de l’Université de Liège CEREC – Université Saint Louis Bruxelles Le présent projet de recherche interroge comment le recours à la fiscalité pourrait contribuer à la mobilité durable, partant de l’hypothèse que pour assurer une telle transition, une plus grande utilisation des taxes est nécessaire, plutôt que de recourir à des incitants. Il vise à participer à l’avancement de la science juridique selon une approche interdisciplinaire et s’oriente autour de plusieurs cas d’étude, représentant des solutions innovantes en faveur de la mobilité durable. Mots clés : mobilité durable ; droit fiscal ; innovation ; interdisciplinarité This research project addresses the question how taxation can support sustainable transports, departing from the hypothesis that in order to ensure such a transition, it is preferable to focus on taxes, instead of the use incentives. It aims to contribute to the advancement of legal science based on an interdisciplinary approach as well as on several case studies, which represent innovative solution in favor of sustainable mobility. Keywords: sustainable mobility; tax law; innovation; interdisciplinary approach Le présent projet de recherche étudie les solutions innovantes en faveur de la mobilité durable, selon l’angle du droit fiscal. Les propos qui suivent exposent les grandes lignes de la recherche, en s’attachant d’abord au contexte et objectifs de la recherche (1.), avant d’en présenter la méthodologie.
1. Contexte et objectifs de la recherche La mobilité constitue un défi majeur du 21e siècle. Elle est associée à des effets négatifs (externalités) considérables, qui rendent les modes de déplacement actuels peu durables. En particulier, l’utilisation intensive de la voiture engendre une augmentation de la congestion et des accidents, et entraine des coûts conséquents en termes d’infrastructure (Gibson & al. 2014). En outre, l’importation de pétrole pèse dans la balance commerciale et accroit la dépendance énergétique. Du point de vue environnemental, il contribue au réchauffement climatique, à la pollution de l’air et à la pollution sonore (EEA 2009). Ces externalités pèsent dans la formation et l’évolution des coûts externes par rapport au PIB (Shreyer & al. 2004 ; Litman 2009). Le droit belge n’est actuellement pas apte à soutenir la transition vers une mobilité durable. L’OCDE relève à ce titre que des progrès insuffisants ont été́ réalisés en Belgique dans le secteur du transport (OCDE 2015). Plusieurs raisons peuvent expliquer ce constat : le manque de cohérence des politiques publiques (Laine, B. & Van Steenbergen 2016 ; Harding 2014), la poursuite concomitante d’une pluralité d’objectifs dans un même instrument et une approche par incitants fiscaux et subsides, entrainant souvent un effet d’aubaine (Metcalf 2009) et encourageant des technologies inefficaces par rapport aux coûts (OCDE 2011). Ainsi, bien que la taxation du transport soit élevée, la fiscalité actuelle ne permet pas de traiter l’ensemble des
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externalités négatives liées au secteur du transport, et spécialement la congestion (Daubresse & al. 2015). Si les alternatives publiques à l’utilisation de la voiture, n’ont pu, jusqu’à présent occuper une part suffisante dans la répartition modale, la voiture présentant des avantages non négligeables pour le navetteur (flexibilité, confort et disponibilité), des solutions innovantes émergent du secteur privé. Celles-ci, basées sur les nouvelles technologies, comme les plateformes numériques, font écueil à l’économie de l’accès (Bardhi & Eckhardt 2012) et à l’économie collaborative (Botsman 2013). Ces nouveaux marchés, qu’ils soient proposés par des particuliers ou par des sociétés, tendent à proposer des solutions en faveur de la mobilité durable. La présente recherche les étudie sous l’angle du droit fiscal, afin d’envisager comment l’instrument fiscal pourrait assurer le développement de ces modèles. Notre hypothèse est que pour assurer une telle transition, un changement de paradigme est nécessaire vers une plus grande utilisation des taxes, plutôt que des subsides ou des incitants fiscaux.
2. Méthodologie Le présent projet de recherche suit une approche par cas d’études, analysés selon une méthodologie commune (2.1.). En outre, il s’engage dans une approche interdisciplinaire (2.2.). 2.1. Approche par cas d’études La recherche s’oriente autour de plusieurs cas d’étude, qui s’inscrivent dans la mobilité partagée, la multimodalité, ou encore dans la transition vers des véhicules propres. Leur sélection se justifie au regard de leur caractère innovant, et des perspectives que leur développement est susceptible d’apporter en termes de mobilité durable. Ainsi, les cas étudiés visent notamment les modèles suivants. Le premier cas d’étude concerne le partage de bornes de chargement pour véhicules électriques. Il s’agit d’un modèle dans lequel une plateforme permet à des opérateurs de bornes de chargement (particulier ou entreprise) d’en partager, moyennant compensation financière. Ce modèle est susceptible d’avoir des effets positifs pour le déploiement des véhicules électriques, en augmentant le nombre de bornes de chargements pour ce type de véhicules, ainsi que pour la production d’énergie décentralisée, par la vente d’électricité produite. Les modèles d’autopartage, sous la forme « business to consumer » (B2C), sont ensuite envisagés. Dans ce cadre, les utilisateurs bénéficient de l’utilisation d’un véhicule, sans supporter les coûts et responsabilités liés à la propriété (Shaheen & Cohen 2007). Les bénéfices en matière de mobilité durable sont multiples : une diminution du nombre de kilomètres parcourus (Martin & al. 2010, Lane 2005), l’utilisation de véhicules plus propres, ainsi qu’une diminution du volume, et donc de l’utilisation de l’espace public par les voitures (Franck & Mayeres 2016). Enfin, les plateformes de ridesourcing, telles Uber, et les plateformes multimodales, à l’instar de Whim, sont également analysées. Les cas d’étude présentés sont envisagés selon une méthodologie commune. Il s’agit d’abord de réaliser une analyse critique du système actuel, afin de décrire, comprendre et évaluer le droit actuellement en vigueur qui leur est applicable. La deuxième étape vise à identifier les instruments fiscaux nouveaux à mettre en place, ainsi que les modifications d’instruments 67
existants, en vue de soutenir les modèles étudiés. Enfin, est envisagée la question des limites juridiques, comme autant de contraintes à la mise en œuvre des instruments fiscaux identifiés dans la seconde partie. Celles-ci sont de trois ordres (matériel, institutionnel, budgétaire) et sont imposées à différents niveaux. Dès lors que les interventions peuvent avoir lieu à différents niveaux de pouvoir, une attention particulière est portée à la problématique de l’intégration des taxes, afin d’éviter les contradictions, duplications, lacunes et imperfections des mécanismes fiscaux (Chalifour & al. 2014). 2.2. Approche interdisciplinaire La fiscalité́ porte, de manière intrinsèque, sur plusieurs disciplines. La théorie économique pose les jalons sur lesquels les taxes se basent, l’économie politique traite de la question de leur acceptation et le droit et les finances publiques en façonnent les traits et organisent leur exécution (Milne 2015). Le présent projet est juridique mais il aborde la problématique de recherche selon une approche interdisciplinaire. Il vise à faire avancer la science du droit sur la question de la fiscalité́ des transports et de l’énergie, tout en enrichissant les propos de matériaux empruntés à des savoirs extérieurs au droit. Le droit est en effet poreux ; bien que distinct de son environnement, il est inextricablement lié à ce dernier (Bailleux & Ost 2013). Il apparait comme la résultante d’un aller-retour entre la généralité́ du propos législatif et la spécificité́ de la situation qui le mobilise. Dès lors, dans la mesure où cela est nécessaire, nous faisons dialoguer le droit avec d’autres disciplines, en vue d’améliorer notre travail en intégrant le droit dans le contexte dans lequel il s’inscrit (Dumont & Bailleux 2010).
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