Actu
10
N° 3 • Mars 2021
Livre
La bête a-t-elle mué ? L’extrême droite soigne particulièrement son image et sa présence sur les réseaux sociaux. Ses méthodes évoluent, tentent de montrer une figure adoucie et moins virulente. La bête a-t-elle pour autant mué ? Dans sa communication, oui. Dans le fond, non. Deux auteurs issus de la FGTB, Julien Dohet et Olivier Starquit, co-signent un ouvrage sur le sujet, paru aux éditions « Liberté j’écris ton nom », du Centre d’Action Laïque.
E
n de nombreux endroits du monde, l’extrême droite trouve son public. Dans une société où grandissent les inégalités et la défiance vis-à-vis des politiques traditionnelles, certaines théories font recette, et les mouvements les plus infréquentables prennent le pouvoir, ou s’en approchent. « Avec les réseaux sociaux, le discours d’extrême droite a gagné du terrain. Loin du fantasme du ‘on ne peut plus rien dire’, la parole raciste, homophobe, sexiste… se répand sans vergogne. Dans un contexte d’augmentation des inégalités sociales et d’une prédation des richesses produites par un nombre toujours plus restreint de personnes, les succès de l’extrême droite ne sont une surprise que pour celles et ceux qui ne connaissent ni leur histoire ni ce qu’est vraiment cette tendance politique. » C’est par ces mots que débute le livre de Julien Dohet et Olivier Starquit.
Toutes ces mouvances, malgré des changements de nom et parfois de ton, gardent bien une épine dorsale idéologique basée sur une société qui doit être inégalitaire, hiérarchisée, fondée sur des traditions remontant à avant les Lumières et la Révolution française et dont les ennemis principaux sont la gauche et les étrangers.
Une histoire continue L’ouvrage offre dans sa première partie un historique très documenté du mouvement d’extrême droite qui, contrairement aux idées reçues, n’est pas né dans les années 1920-30, et ne s’est pas tu au lendemain de la seconde guerre mondiale, bien au contraire. L’extrême droite se distingue par une continuité, une permanence historique, de sa naissance au lendemain de la Révolution française, à nos jours. C’est vers la fin des années ‘60, époque d’une jeune génération qui n’a pas « connu la guerre », que naîtra en France une « Nouvelle Droite », et des concepts cruellement modernes : la dédiabolisation de thèmes d’extrême droite, la mise sur un pied d’égalité des différents « extrêmes »… Le racisme ethnique devient culturel, et cette nouvelle droite infiltrera peu à peu la droite traditionnelle. La Belgique n’est pas en reste. En 1978, la création du Vlaams Blok marque évidemment un tournant, tandis que côté francophone, des groupes se font et se défont, sans pour autant devenir significatifs. L’ouvrage décrit largement l’émergence, les succès et la débâcle de ces groupuscules.
Elle peut avoir mué sur certains aspects, sur une certaine enveloppe, mais fondamentalement elle n’a pas mué. L’histoire ancienne mais aussi récente nous montre que les droits démocratiques sont très vite supprimés quand l’extrême droite arrive au pouvoir. Julien Dohet