N°9/10, 20. DÉCEMBRE 2013
ÉDITION FR ANÇAISE
Fédération Internationale de Football Association – depuis 1904
2013 Instants magiques
QU S O B L E D E T V IC E N ËL O N E D E V Ê R LA T AO B L I B C I T E L H L’AT
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W W W.FIFA.COM/ THEWEEKLY
DANS CE NUMÉRO
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Un décollage à la soviétique Le football russe a le vent en poupe. Les clubs russes ont de l’argent et des ambitions sportives. Ils veulent maintenant conquérir l’Europe. Pourtant, les modèles de financement semblent dater de l’époque soviétique.
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Entretien avec del Bosque Il est l’un des entraîneurs les plus titrés du monde et il veut faire de l’Espagne le premier pays européen à s’imposer en Amérique du Sud. Vicente del Bosque évoque ses objectifs, ses ambitions et ses soucis.
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L’expert Le professeur Jiri Dvorak, Médecin en chef de la FIFA, revient sur la pratique du football après une blessure à la tête et nous explique pourquoi, en cas de doute, un joueur devrait toujours rester en dehors du terrain.
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G ardiens du temple Lev Yashin, Gordon Banks, Dino Zoff. Les grands gardiens ont écrit l’histoire du football. Notre Top 11 de la semaine fait la part belle aux portiers les plus impressionnants.
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Amérique du Nord et centrale 35 membres www.concacaf.com
2013, une année de football, des moments magiques. Tahiti a triomphé en Coupe des Nations de l’OFC. L’emblématique Sir Alex Ferguson a tiré sa révérence. Le “sexe faible” a intégré le Comité Exécutif de la FIFA. Le Bayern Munich et le Borussia Dortmund ont bouleversé les hiérarchies du football européen. Un passage à San Siro s’est transformé en voyage dans le temps. The FIFA Weekly fait le point sur une année de football mouvementée. Nos reporters et chroniqueurs reviennent sur quelques moments magiques d’un point de vue personnel.
Indépendant, unique, compétitif Véritable anachronisme dans un football mondialisé, l’Athletic Bilbao n’aligne que des joueurs d’origine basque. Ce choix n’empêche pas le club de compter parmi les habitués de l’élite espagnole.
B latter : “La Coupe du Monde des Clubs est un jalon important” La Coupe du Monde des Clubs a trouvé sa place dans le calendrier international. Pourtant, la compétition ne rencontre pas le même succès sur tous les continents. Le Président Blatter intervient dans ce débat.
Amérique du Sud 10 membres www.conmebol.com
Wagner Ferreira dos Santos échappe à la relégation avec Fluminense
Premier League 23.12.2013
26.12.2013
Arsenal – Chelsea
Hull City – Manchester United Aston Villa – Crystal Palace Cardiff City – Southampton
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Le tournant Hannu Tihinen a pris de nombreux de coups sur la tête tout au long de sa carrière. Ces chocs l’ont contraint à porter une protection, ce qui ne l’a malheureusement pas empêché de mettre prématurément un terme à sa carrière en 2010.
Chelsea – Swansea City Everton – FC Sunderland Newcastle – Stoke City Norwich City – Fulham Tottenham – West Bromwich West Ham – Arsenal Manchester City – Liverpool
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L A SEMAINE DANS LE MONDE DU FOOTBALL
Europe 53 membres www.uefa.com
Hannu Tihinen freiné par des blessures à la tête
Afrique 54 membres www.cafonline.com
Asie 46 membres www.the-afc.com
Océanie 11 membres www.oceaniafootball.com
Alex Ferguson Une légende tire sa révérence
N°9/10, 20. DÉCEMBRE 2013
ÉDITION FR ANÇAISE
Fédération Internationale de Football Association – depuis 1904
2013 Instants magiques
Marcello Lippi En Coupe du Monde des Clubs avec Guangzhou Evergrande
Vicente del Bosque L’interview
BOSQUE VICENTE DEL NOËL LA TRÊVE DE AO L’ATHLETIC BILB W W W.FIFA.COM/ THEWEEKLY
Une note de couleur En Coupe des Confédérations, le capitaine tahitien Nicolas Vallar et son équipe ont apporté la preuve que les “petites” nations du football ont leur place sur la scène mondiale. L’image de couverture le montre – dessiné dans le style du peintre Paul Gauguin, qui s’était installé à Tahiti – en train d’échanger son maillot contre celui du meneur de jeu espagnol Cesc Fabregas.
Cover: Jon Berkeley Inhalt: Getty Images
Premier League 28.12.2013
29.12.2013
01.01.2014
West Ham – West Bromwich
Everton – Southampton
Swansea City – Manchester City
Aston Villa – Swansea City
Newcastle – Arsenal
Arsenal – Cardiff City
Hull City – Fulham
Chelsea – Liverpool
Crystal Palace – Norwich City
Manchester City – Crystal Palace
Tottenham – Stoke City
Fulham – West Ham
Norwich City – Manchester United
Liverpool – Hull City
Cardiff City – FC Sunderland
Southampton – Chelsea Stoke City – Everton FC Sunderland – Aston Villa West Bromwich – Newcastle Manchester United – Tottenham
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EVERY GASP EVERY SCREAM EVERY ROAR EVERY DIVE EVERY BALL E V E RY PAS S EVERY CHANCE EVERY STRIKE E V E R Y B E AU T I F U L D E TA I L SHALL BE SEEN SHALL BE HEARD S H A L L B E FE LT
Feel the Beauty
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À DÉCOUVERT
Un parfait outsider défie le champion du monde. L'un des plus grands entraîneurs de tous les temps tire sa révérence. Le beau sexe s'invite dans l'exécutif de la FIFA. Une visite de San Siro se transforme en voyage dans le temps. The FIFA-Weekly revient sur une année de football et vous propose un regard personnel sur des instants magiques.
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Les Tahitiens Lorenzo Tehau, Ricky Aitamai, Samuel Hnanyine et Vincent Simon (de g. à d.) avant le match contre l’Uruguay en Coupe des Confédérations (23 juin 2013).
TAHITI : AVEC DIGNITÉ ET FIERTÉ Sven Goldmann
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tahitien Mikaël Roche. Ce joueur de l’AS Dragon, le club de la capitale Papeete, s’était jeté si courageusement sur chaque tir espagnol que les spectateurs brésiliens voulaient le proclamer Homme du Match. Mais cet honneur est revenu à Fernando Torres. Lorsque, après un face-à-face avec le gardien à quelques minutes de la fin, le tir de la star mondiale avait heurté la barre transversale, Roche avait sauté de joie, comme si c’était lui qui avait ensorcelé le ballon d’un simple regard. Quand les manifestations populaires ont enflammé la nuit de Rio de Janeiro, le sport ne jouait plus qu’un rôle secondaire. C’était pourtant un moment fort du football qui venait de se dérouler. Dans le stade brésilien, 75 000 spectateurs ont entonné les chants habituellement réservés aux équipes de Flamengo, Fluminense ou Botafogo, en changeant légèrement les paroles pour les adapter aux nouveaux héros du Pacifique Sud. Nous ne sommes pas près de revoir un tel match dans le cadre d’une compétition officielle de la FIFA. Au Brésil, David a assumé pleinement son statut et Goliath n’a pas misé sur des cafouillages, des buts contre son camp ou d’autres coups de chance, mais plutôt sur la précision technique. T H E F I FA W E E K LY
Pour le bien du jeu. À première vue, la Coupe des Confédérations a permis au Brésil de faire son grand retour parmi les géants du football mondial, en terminant en apothéose avec un 3:0 en finale face à l’Espagne. Mais est-ce cela que l’on retiendra ? Dans quelques années, nous ne parlerons peut-être plus que de cette rencontre EspagneTahiti dans les rétrospectives du tournoi, de deux adversaires inégaux qui avaient néanmoins les mêmes intentions. Les Tahitiens, pointant à la 139ème place du classement mondial, sont venus au tournoi pour jouer. Les Espagnols ont en effet affronté une équipe très offensive, dont la ligne de défense était exceptionnellement haute. Pas de fautes, pas de gain de temps, pas d’actes antisportifs. Les Tahitiens ont affronté l’inévitable avec dignité et fierté. “Aujourd’hui, c’est une belle journée pour le football”, a déclaré l’entraîneur espagnol Vicente del Bosque. “Aujourd’hui, le football a triomphé.”
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Alex Livesey
Le soir du 20 juin 2013, Fernando Torres est tombé amoureux. Ce sont des choses qui arrivent, mais plutôt rarement dans le football, où l’on se respecte dans le meilleur des cas. Ce soir-là, tout était différent. Les quatre buts inscrits par Torres au Maracanã, le plus célèbre des stades de football, n’y étaient pour rien. Après la rencontre, l’attaquant espagnol a déclaré : “Nous sommes tous fans de Tahiti !” Cette sympathique phrase s’adressait à l’équipe que ses coéquipiers et lui venaient d’étriller dans les règles de l’art, au Maracanã. Pourtant, la victoire écrasante de l’Espagne contre Tahiti (10:0) au premier tour de la Coupe des Confédérations restera un moment fort du football. C’est avec les yeux brillants que le champion du monde et d’Europe et vainqueur de la Ligue des Champions a commenté par la suite les photos souvenirs sur lesquelles il posait aux côtés des Tahitiens. Il s’est souvenu de leurs sourires et a souligné leur esprit sportif, un esprit qui semblait avoir disparu depuis longtemps dans le monde du football moderne, axé sur les résultats. C’est aussi pour cette raison que le joueur de Chelsea avait étreint si chaleureusement le gardien
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Dernier hommage : Stefano Borgonovo est mis en terre à Giussano (Lombardie).
STEFANO BORGONOVO EST TOUJOURS PARMI NOUS
Imago
Luigi Garlando
Que retenir de l’année 2013 ? Avant toute chose, les yeux de Stefano Borgonovo. L’ancien attaquant de l’AC Milan, de la Fiorentina et de l’équipe d’Italie les a définitivement fermés le 27 juin, après un long combat de huit ans contre une maladie neuro-dégénérative incurable, la sclérose latérale amyotrophique. Son souvenir, lui, ne nous a pas quittés. Chaque jour, la maladie attaquait son corps sans relâche. En bon attaquant, Stefano a compris qu’il faut parfois savoir tenir le ballon. Il a défendu courageusement la vie qui restait dans ses yeux. Malgré le mal qui le rongeait, il a toujours gardé les yeux ouverts. Stefano communiquait grâce à ses yeux. Il riait et il vivait. Pendant des années, ses yeux ont été un phare qui le guidait et lui donnait la force de poursuivre la lutte. Son grand ami Roberto Baggio a su trouver les mots justes pour décrire cette situation : “Cher Stefano, ton plus grand triomphe aura été de faire de ta maladie un remède pour les autres.” Son extraordinaire résistance restera comme une leçon pour le monde du sport. Borgonovo s’est battu comme un avant-centre
qui se jette sur chaque ballon alors que son équipe compte trois buts de retard et que la partie est déjà perdue. Au pire de la maladie, Stefano disait : “Moi, j’ai appris à apprécier ce qui me reste. Je pense à mes amis, aux sentiments positifs, aux rares mouvements qui me sont permis. Je vois la vie du bon côté et je ne me plains pas, car je sais qu’il existe des gens encore plus malheureux que moi. C’est ce qui me donne la force de rire encore.” Jusqu’au bout, il s’est nourri de ce formidable espoir et de sa faculté à apprécier la vie, même si celle-ci se résumait à un souffle. Il aurait eu 50 ans le 17 mars 2014. Nous fêterons quand même cet anniversaire car, pour nous, il est toujours là. Son souvenir et son exemple vivent toujours à travers nous.
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Q U ' E S T- C E Q U E L A “S L A”? La sclérose latérale amyotrophique, égale ment appelée maladie de Charcot ou maladie de Lou Gehrig, est une maladie dégénérative des motoneu rones. Ses causes sont encore méconnues. La dégé nérescence provoque un affaiblissement (parésie) puis une paralysie de la musculature. Ce processus entraîne des troubles du déplacement, du langage et de la déglutition, ainsi que des difficultés de coordina tion et une défaillance des muscles du bras et de la main. La SLA est incurable. Le temps de survie après le début de la maladie est en moyenne de trois à cinq ans. Le décès fait souvent suite à une pneumonie pro voquée par l’augmentation des troubles de dégluti tion et la paralysie des muscles respiratoires. www.fondazionestefanoborgonovo.it
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UNE FEMME AU COMITÉ EXÉCUTIF DE LA FIFA Tatjana Haenni
Une nouvelle étape a été franchie en 1990. Cette année-là, Hannelore Ratzeburg est devenue la première et, à l’époque, la seule femme à siéger au sein de la Commission du Football Féminin nouvellement créée par la FIFA. Par la suite, plusieurs femmes ont eu l’occasion de s’investir dans les différents organes de la FIFA, qu’il s’agisse de commissions techniques ou directement centrées sur le football. Il faudra cependant attendre l’année 2012 pour que le Président de la FIFA Sepp Blatter propose aux participants du Congrès de Zurich d’intégrer un membre supplémentaire au
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Première femme membre du Comité Exécutif de la FIFA : Les débuts de Lydia Nsekera (Burundi). 8
sein du Comité Exécutif de la FIFA. Il suggère de désigner une femme sur invitation et par élection de l’ensemble des membres du Congrès, ce qui constitue une première dans l’histoire de la FIFA. Ancienne présidente de la Fédération burundaise de football et membre du CIO, Lydia Nsekera est choisie par le Congrès. Elle devient la première femme à rejoindre le Comité Exécutif de la FIFA par cooptation. Les statuts et les règlements sont alors modifiés, de façon à permettre l’élection de Nsekera l’année suivante. Trois femmes ont porté leur candidature. À l’issue du scrutin, Lydia Nsekera s’est vu confirmer dans ses fonctions au sein du Comité Exécutif. Ses deux concurrentes malheureuses, Sonia Bien-Aime (Turks-et-Caïcos) et Moya Dodd (Australie), ont obtenu le statut de membres cooptés sur décision du Congrès. Cette décision s’explique par le fait que les statuts, pour l’heure, ne prévoient l’élection que d’une seule femme. En agissant de la sorte, le Congrès a permis l’intégration de deux femmes supplémentaires. Les instances dirigeantes du football mondial ont également décidé que les femmes devraient être représentées dans toutes les commissions. Cette décision concerne notamment la Commission d’Arbitrage qui, comme d’autres, était jusqu’ici strictement masculine. La présence de ces trois représentantes est extrêmement importante pour l’avenir des femmes dans le football, mais aussi pour l’avenir du football féminin. Cet événement constitue à la fois un progrès et un signal fort adressé à toutes les fédérations de football et à toutes les organisations. En effet, les femmes représentent la moitié des effectifs dans le football. Une étude de McKinsey parue en 2007 (Women Matter) précise : “Les entreprises qui comptent au moins trois femmes à des postes de direction obtiennent de meilleurs résultats que les autres dans tous les critères d’évaluation.” 2013 restera donc comme une année décisive pour les femmes dans le football. La FIFA a passé un cap important et, ce faisant, elle a souhaité envoyer un message à l’ensemble de ses associations membres, en les invitant à suivre son exemple. Les femmes doivent être représentées dans les plus hautes instances dirigeantes du football et le football féminin doit bénéficier de structures propres dans toutes les fédérations. Si ces conditions sont réunies, la discipline pourra enfin donner sa pleine mesure.
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Markus Ulmer
L’année 2013 a marqué un tournant historique : pour la première fois, une femme a intégré le Comité Exécutif de la FIFA. Cet événement constitue un tournant important dans le développement du football féminin. La discipline a connu son premier bouleversement en 1986, lorsque la déléguée norvégienne Ellen Wille a pris la parole au Congrès de Mexico pour attirer l’attention des dirigeants du football mondial sur la version féminine du beau jeu. Une première compétition test a été organisée en 1988, suivie de la première Coupe du Monde Féminine trois ans plus tard.
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Des titres comme s’il en pleuvait : Les joueurs du Bayern et leur entraîneur Jupp Heynckes célèbrent une nouvelle victoire.
TOUTES LES ÉQUIPES HEUREUSES...
Laurence Griffiths/Getty Images
Jordí Punti
Toutes les équipes heureuses se ressemblent, mais les équipes tristes le sont chacune à leur façon. Comme nous avons à nouveau pu le constater en 2013, le football est un sport fait de hauts et de bas, qui se renouvelle chaque semaine et dans lequel seuls les bons matches permettent d’oublier les mauvais. Quand je réfléchis à une image capable de résumer l’année, je me dis qu’il faut nécessairement penser à un but. C’est alors celui inscrit par Ibrahimovic face à Bastia qui me vient à l’esprit : cerné par plusieurs défenseurs, le joueur du PSG récupère un ballon en cloche et marque d’une aile de pigeon qui n’est pas sans rappeler une prise de taekwondo. Le style d’Ibra est à ce point atypique que les buts qu’il inscrit nous font uniquement penser à d’autres de ses réalisations. Nous ne parlerons pas ici des équipes malchanceuses, car elles le sont souvent pour le plus grand bonheur d’une autre. En l’occurrence, la formation la plus heureuse de l’année est certainement le Bayern Munich. En état de grâce en Bundesliga comme en Ligue des Champions, les Bavarois ont particulièrement brillé lors de la double confrontation face au FC Barcelone qui leur a ouvert les portes de la finale européenne. Le jeu des hommes de Heynckes était réglé comme du papier à musique, et Pep Guardiola semble avoir lui aussi trouvé la bonne formule ces derniers mois. Pour tout dire, l’arrivée de l’ancien Barcelonais au Bayern est l’un des faits marquants de ces douze derniers mois, car il met en lumière la grande liberté qui se cache derrière cette décision. Parmi la valse des entraîneurs, seul le départ à la
retraite de Sir Alex Ferguson mérite qu’on s’y attarde davantage, ne serait-ce que pour rendre hommage à ses 26 ans de carrière sur le banc de Manchester United. Au rang des équipes heureuses, je dois dire que j’ai également été fasciné par le Borussia Dortmund de Jürgen Klopp, par son mélange de technique et d’abnégation, doublé d’une capacité à s’arracher collectivement. Chacun de ses joueurs représente à sa façon cette vision du football, mais celui qui m’a le plus impressionné est peut-être bien Ilkay Gündogan. La sérénité de ce jeune joueur technique dans la transmission du ballon me fait penser à Xavi dans ses meilleurs jours. Le football a beau être un sport collectif, ce sont surtout les joueurs qui marquent le passage des années. À 40 ans, Ryan Giggs évoluait toujours à Manchester United en 2013. Pendant ce temps-là, Ronaldo, âgé de 37 ans, participait (avec succès !) à une émission de téléréalité brésilienne en vue de perdre du poids. Cette année sera aussi celle de deux Gallois promis à un brillant avenir : Gareth Bale, recruté pour un montant record par le Real Madrid et Aaron Ramsay (Arsenal) qui, aux côtés de Mesut Özil (acheté au rabais au Real), peut lui aussi faire des ravages. Dans la catégorie des révélations de l’année, on peut également citer Isco (Real Madrid), Lorenzo Insigne (Naples), Eden Hazard (Chelsea) et Gerard Deulofeu (Everton). Du côté des injustices, comment ne pas évoquer le cas d’Iker Casillas à Madrid ? Pour une raison que l’on a encore du mal à décrypter, le gardien de but de la sélection espagnole chamT H E F I FA W E E K LY
pionne du monde s’est retrouvé sur le banc durant le mandat de José Mourinho et continue à jouer les doublures avec l’arrivée de Carlo Ancelotti. Pour ce qui est des phénomènes paranormaux, Éric Abidal constitue un cas d’étude. Remis d’une greffe du foie, l’international tricolore a repris la compétition avec Barcelone, mais le club catalan n’a pas souhaité renouveler son contrat, estimant que le défenseur n’était plus apte à jouer au plus haut niveau. Depuis, Abidal a rejoint Monaco, où il évolue chaque dimanche dans l’élite française. Tout laisse à penser qu’il participera à la prochaine Coupe du Monde au Brésil. Cette situation a de quoi faire rougir les dirigeants blaugranas, qui l’ont laissé partir trop tôt de Barcelone. Malgré tout, je souhaite terminer sur une image joyeuse, immortalisée au-delà des frontières européennes. La scène se déroule dans un aéroport. Partie disputer son match de barrage face à la Nouvelle-Zélande, la sélection mexicaine est reçue par un groupe de Maoris qui se mettent à danser le Haka en guise de message de bienvenue. Pour les remercier, les Mexicains entonnent alors une de leurs chansons : “Ay, ay, ay, ay, canta y no llores, porque cantando se alegran cielito lindo los corazones...”. (“Ay, ay, ay, ay, chante et ne pleure pas, car quand on chante, ma jolie, les cœurs sourient…”)
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Victoire à l’arraché : Lukasz Piszczek, Mats Hummels et Nuri Sahin (de gauche à droite, Borussia Dortmund) fêtent leur qualification pour les demi-finales de la Ligue des Champions.
UNE DOUBLE ERREUR Roland Zorn
Tout a semblé naturel. Pourtant, si un tel déroulement des événements a été possible, c’est uniquement parce le regard des participants était brouillé par les émotions. Le 9 avril 2013, même le corps arbitral, dirigé par l’expérimenté Craig Thomson, s’est laissé envahir par l’atmosphère bruyante qui régnait au Signal Iduna Park à l’occasion du quart de finale retour de la Ligue des Champions entre le Borussia Dortmund et Malaga. La rencontre a tourné au drame et la folie s’est emparée du stade. Après le 0:0 du match aller, les Andalous ont d’abord mené 2:1 grâce au but inscrit par Eliseus à la 82ème minute. Les images des caméras de télévision montrent pourtant que le footballeur était hors-jeu. Thomson et ses assistants ne l’ont pas remarqué, ce qui arrive à peu près toutes les semaines dans de nombreux stades de première division. Mais ici, il ne 10
s’agissait que du début d’un crescendo final aux allures d’anarchie, dans un stade en délire. Le Borussia, qui était à deux doigts de mettre un terme à une saison de Ligue des Champions jusque-là fabuleuse, a égalisé à la première minute du temps additionnel par le biais de Reus. Une consolation ? Certainement pas. Il n’a fallu attendre que quatre minutes pour que les joueurs de Dortmund réalisent l’exploit attendu depuis si longtemps. Un exploit qui ne s’est cependant produit que parce que l’état d’urgence était proclamé. Celui-ci s’était même emparé des arbitres depuis un certain temps déjà. Submergés par le bonheur allemand, Thomson et ses assistants n’ont pas vu que, sur le centre de Lewandowski précédant le but de Santanas, quatre joueurs du Borussia étaient horsjeu et que le buteur lui aussi avait tiré en position de hors-jeu. Une double erreur survenue T H E F I FA W E E K LY
lors d’une rencontre passionnante et totalement imprévisible, où les règles ne semblaient plus s’appliquer. Ceux qui y étaient l’ont très bien compris. Mais ceux qui ont vu les images après coup ont trouvé cela inconcevable et incompréhensible. Tout est question de perception. Comme souvent dans le football.
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LE GÉNIE DE MANNARI RESSUSCITÉ David Winner
J’aime à me souvenir des gloires passées, même lorsqu’elles ne sont pas de mon fait. En mai, je me suis rendu à San Siro pour la première fois. L’AC Milan y affrontait l’AS Rome. Connaissant la légende du Milan d’Arrigo Sacchi dans les années 1980, je m’attendais à un festin footballistique. Avec ses tours et son toit gigantesque, ce vaisseau aux proportions déséquilibrées est très impressionnant, même à moitié plein. Quant aux les tifosi de la Curva Sud, ils ont quelque chose d’intimidant avec leurs chants et leurs drapeaux rossoneri. Pourtant, le match a été une douche froide : football de mauvaise qualité, deux cartons rouges et zéro but. La rencontre a dû être interrompue quelques instants à cause de chants racistes proférés par les supporters de la Roma. Et je n’ai même pas eu le loisir de voir la célèbre tunique rayée rouge et noire de l’AC Milan, dont les joueurs étaient vêtus d’une tenue alternative de mauvais goût. Le lendemain, je suis revenu. Virtuellement j’entends. En quête d’une étincelle de cette gloire passée, j’ai fait appel à Google et j’ai trouvé un trésor. Sur YouTube, un utilisateur a publié dans son intégralité un match disputé à San Siro en 1989. À cette époque, le Milan de Sacchi, avec les Gullit, Van Batsen, Rijkaard et autres Baresi, était au sommet de son art. Face à la Juventus, dans un stade à guichets fermés et devant un public en transe, les Rossoneri jouèrent comme des dieux et s’imposèrent 4:0. Les caméras braquaient le toit en cours de construction dans l’optique de la Coupe du Monde 1990. Dans ma tête, je visualisais tout depuis la place que j’occupais la veille. Le troisième but est magique. Chaque joueur milanais semble avoir apporté sa touche à l’action, qui a balayé tout le terrain. Au bout de ce mouvement, un centre est enroulé et Graziano Mannari, remplaçant alors âgé de 20 ans, réussit une extraordinaire tête plongeante qui passe au-dessus du gardien et va se loger dans la lucarne opposée.
Petite lucarne : “Buuuut ! Buuuut ! But de Mannari ! Il n’y qu'un joueur comme Mannari pour marquer comme ça !” (commentateur italien)
Mannari, qui signera également le quatrième but, avait tout pour devenir une star. Pourquoi alors n’ai-je jamais entendu parler de lui ? J’ai vite trouvé la réponse à ma question : genoux récalcitrants. Ce match face à la Juve semble avoir marqué le summum de sa carrière. En tant que membre du groupe milanais, il a remporté le Scudetto 1988 et la Coupe d’Europe 1989. Mais au milieu des années 1990, sa carrière piétinait dans des clubs de seconde zone comme Pistoiese et Pontedera. Plus tard, il deviendra entraîneur de jeunes pour l’AC Milan en Toscane. T H E F I FA W E E K LY
Le temps n’est peut-être pas aussi linéaire qu’on peut l’imaginer. En tout cas, comme dans un Doctor Who, passé et présent se sont entre mêlés pour créer un étrange cocktail. Toujours est-il que grâce à la magie de la technologie, c’est cette année que le génie ignoré de Mannari a ressuscité à mes yeux.
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Une légende inusable : Sir Alex Ferguson.
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SIR ALEX FERGUSON, UNE CARRIÈRE EXCEPTIONNELLE Thomas Renggli
Vingt-sept ans passés à la tête de Manchester United, 2 153 matches, 49 titres dont 13 en Premier League et deux Ligue des Champions, anobli en 1999… L’Écossais Alex Ferguson, 71 ans, est une légende vivante du football mondial. L’annonce de son départ en mai dernier a même relégué au second plan l’apparition de la Reine Elizabeth II devant le Parlement anglais. Ferguson a transformé une simple équipe de milieu de tableau en une véritable machine à gagner. Il a fait de Manchester United l’une des enseignes les plus célèbres de la planète football. Il a aussi, par la même occasion, surclassé le grand Matt Busby lui-même. Il serait aujourd’hui le technicien le plus riche du pays, avec un patrimoine estimé à 34 millions de livres. Pourtant, ce fils d’ouvrier des chantiers navals conservera toujours l’image d’un représentant de la classe populaire. On raconte qu’il a jeté une chaussure au visage de David Beckham, qu’il espionnait ses joueurs depuis une limousine noire ou qu’il interrompait les fêtes sauvages organisées par ses protégés dans les chambres d’hôtel, comme un professeur pendant une sortie scolaire. Il jurait en public, insultait les journalistes mais défendait toujours ses hommes. Dans une interview, Ferguson avait attribué ce trait de caractère à son enfance dans les quartiers ouvriers de Glasgow, qui lui avait appris la solidarité. Surtout, il n’a jamais mâché ses mots. C’est pourquoi nous vous proposons un florilège de onze déclarations qui ont marqué son exceptionnelle carrière.
“Je ne suis pas Bobby Robson et, pourtant, je suis encore entraîneur à 70 ans. L’important, c’est de savoir quand s’arrêter.”
“J’ai un plan pour l’arrêter : une machette. Si ça ne marche pas, il reste toujours la tronçonneuse.” Ferguson livre ses secrets pour contrer Christiano Ronaldo.
“Si un Italien me dit que je me trouve devant une assiette de pâtes, je regarde sous la sauce, juste pour être sûr. Ces gens-là sont les inventeurs de l'enfumage.” Ferguson a des idées bien arrêtées sur les Italiens.
“Je veux déloger Liverpool de son maudit perchoir.” Ferguson annonce la couleur dès sa prise de fonctions en 1986.
“Vous me dites qu’il est intelligent parce qu’il parle cinq langues. Dans mon équipe, il y a un jeune de 15 ans qui parle aussi cinq langues.” Ferguson à propos de son ami Arsène Wenger.
“Je n’arrive pas à y croire ! Je n’arrive pas à y croire ! Le football, quel satané jeu !” Ferguson n’arrive pas à se remettre du succès arraché à la dernière minute contre le Bayern en finale de la Ligue des Champions 1999.
“Parfois, on se retrouve avec un voisin bruyant. Il faut apprendre à vivre avec.” “Remets-le en état !”
Ferguson évoque ses rapports avec Manchester City.
Ferguson, s’adressant à un médecin du club après avoir jeté une chaussure à la tête de David Beckham.
Ferguson parle de son avenir, en octobre 2008.
"Ce garçon est né hors-jeu." Ferguson ne compte pas parmi les fans de Filippo Inzaghi
“Ça ne sert à rien d’essayer d’analyser le cerveau d’un fou.” Regard sans complaisance de Ferguson sur lui-même.
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“Nous sommes allés boire un verre après le match et il m’a appelé boss et ’le grand homme’. Quel dommage qu’il n’ait pas accompagné ses compliments d’un verre de bon vin. Ce qu’il m’a servi ressemblait à de l’antigel.” Ferguson à propos de son autre ami José Mourinho. 13
LE S CHAMPIONN AT S À L A LOUPE
VU DES TRIBUNES Russie : Primjer-Liga
Avec les millions de l’État Thomas Renggli est le rédacteur en chef de The FIFA Weekly.
Faut-il se tourner vers l’ouest, ou vers l’est ? Cette question, qui préoccupe actuellement toute l’Ukraine, le football russe y a déjà répondu il y a quelques années. La PremjerLiga a choisi de prendre exemple sur les principaux championnats européens, que ce soit au niveau des salaires ou du calendrier. La saison se déroulait de mars à novembre jusqu’en 2010, puis le système a été modifié. Depuis la saison dernière, le vainqueur est désormais couronné au mois de mai. Les raisons de cette stratégie sont simples. C’est le seul moyen pour les clubs russes de concurrencer leurs adversaires anglais, espagnols ou allemands en Coupe d’Europe. La Russie n’a également pas d’autre choix si elle veut s’élever au niveau des nations occidentales avant la Coupe du Monde 2018, organisée sur son sol.
Vasily Maximov/AFP
Les changements ont été nombreux, mais l’équilibre des forces ressemble toujours à s’y méprendre à celui de l’Union soviétique. Les cinq premières places de la Premjer-Liga sont ainsi occupées aujourd’hui par le vieil establishment : le Lokomotiv Moscou, le Zénith Saint-Pétersbourg, le Spartak Moscou, le Dynamo Moscou et le CSKA Moscou. Les modèles financiers sont également semblables à ceux d’antan et ces clubs sont soutenus par de grandes entreprises publiques : la société de chemins de fer Rossijskie (RZD) pour le Lokomotiv, Gazprom pour le Zénith, le groupe pétrolier Lukoil pour le Spartak ou encore la VTB, une banque proche du Kremlin, pour le Dynamo. La situation est en revanche en peu moins claire du côté du CSKA, l’ancien club de l’Armée rouge. Roman Abramovitch, propriétaire de Chelsea, en a d’abord pris les rênes. L’entreprise d’hydrocarbures Bashneft, originaire de Bachkirie, a ensuite fait couler à flots les millions. Depuis cette année, le CSKA s’autofinance, du moins officiellement. Mais est-ce bien la vérité ? Le président actuel, Eugeny Giner, est en effet un proche d’Abramovitch.
Chantier du futur stade du Dynamo : le football russe doit rénover ses infrastructures avant d’accueillir la Coupe du Monde 2018.
néanmoins constante. D’après le coefficient UEFA actuel, le championnat russe se trouve à la septième place et l’écart avec ses devanciers portugais ou français se réduit encore et toujours. Trois équipes russes sont encore engagées en Coupe d’Europe : le Zénit Saint-Pétersbourg en Ligue des Champions, le Rubin Kazan et l’Anzhi Makhatchkala en Europa Ligue. L’exemple du FK Rubin Kazan, qui a marqué les esprits il y a quatre ans avec une victoire sur la pelouse du FC Barcelone en Ligue des Champions, reflète parfaitement les relations du football russe avec le monde de la finance et de la politique. Le club de la province du Tatarstan profite en effet d’énormes gisements pétroliers. Une habile manœuvre politique lui a en outre permis d’assurer son existence. Son principal bienfaiteur, Mintimer
Chaïmiev, était jusqu’en janvier dernier à la fois le président du Tatarstan et le viceprésident du Rubin Kazan. Mais dans les années 1990, lorsque le club se portait mal, Chaïmiev avait fait du maire de la ville le président du club, qui était ainsi passé dans le domaine public. Au printemps prochain, Kazan espère faire aussi bien que le CSKA Moscou en 2005 et le Zénit Saint-Pétersbourg en 2008 en remportant l’Europa Ligue. Mais pour le football russe, ce ne sera qu’une étape intermédiaire. Avec son énorme puissance financière et ses immenses ressources humaines, le plus vaste pays du monde ne peut avoir qu’un seul objectif : remporter la Ligue des Champions. Å
“L’équilibre des forces n’est pas sans rappeler l’époque soviétique.”
Quoi qu’il en soit, les roubles ne manquent pas et les clubs russes rattrapent leur retard sur la scène européenne. Peut-être pas à la vitesse espérée, mais la progression demeure T H E F I FA W E E K LY
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Angleterre : Premier League
La dévotion à un club David Winner est un écrivain et journaliste basé à Londres. Sa bibliographie dans le football comprend notamment Brilliant Orange et Dennis Bergkamp: Stillness and Speed.
Au cours d’une libre antenne à la radio, un supporter de Hull City du nom d’Ian s’est vu proposer ce qui pourrait ressembler, de l’extérieur, à un alléchant pacte avec le Diable. Au cours de ses 109 ans d’histoire, le club fétiche d’Ian n’a gagné aucun titre majeur et il a rarement évolué dans l’élite. Il y a trois ans, le magnat local Assem Allam l’a sauvé de l’oubli en mettant 70 millions de livres sterling sur la table. Cette intervention a permis au club du nord-est de l’Angleterre de retrouver la Premier League. Aujourd’hui, le propriétaire veut rebaptiser l’équipe les “Hull Tigers” afin, selon ses dires, de dégager une image plus conquérante et d’attirer davantage de capitaux, en provenance d’Asie notamment. Dans leur immense majorité, les supporters inconditionnels – dont Ian fait partie – sont résolument opposés à ce projet. Si les dirigeants d’Allam ont commencé à utiliser l’étiquette mixte “Hull City Tigers”, les traditionnalistes n’en démordent pas : c’est “Hull City AFC” et rien d’autre. C’est ainsi qu’à chaque match, lorsque l’horloge affiche 19 minutes et quatre secondes (le club a été fondé sous ce nom en 1904), ils manifestent leur mécontentement au stade.
“Gagner la Ligue des Champions ne suffit plus.” En direct sur la station Talksport la semaine dernière, il a été demandé à Ian s’il changerait d’avis si Hull devenait l’une des plus grosses cylindrées d’Europe grâce à ce changement de nom. La réponse a fusé, sans appel : “non”. Et pourquoi pas ? “Parce que ce ne serait plus mon club. Ce ne serait plus le club que mon père supportait, que les gens supportent de génération en génération.” Même la perspective de remporter une Ligue des Champions ne l’a pas appâté. “Mais quel nom veut-on voir gravé sur ce trophée ?”, a demandé Ian. “Veut-on que ce soit Hull City, le nom que nous portons depuis 109 ans, dont nous sommes fiers ? Ou voulons-nous que ce soit Hull … (pause) Tigers ? (le mot est davantage craché que prononcé). Je ne veux pas d’un trophée avec la gravure Hull Tigers !” Ne jamais sous-estimer la force du culte ancestral dans le football anglais… La plupart des fans anglais partagent la position d’Ian. La proposition d’Assem Allam a d’ailleurs déclenché une vague de protestation à travers la Grande-Bretagne, où les supporters des autres clubs ont manifesté leur soutien aux plaintes de leurs homologues de Hull. Aux prémices du football professionnel, les clubs se rebaptisaient régulièrement et ils adoptaient une approche assez souple s’agissant des couleurs, des stades et des noms. Chelsea a commencé à jouer en vert. Arsenal a tour à tour été appelé Dial Square, Royal
Arsenal et Woolwich Arsenal. Manchester United a d’abord été connu sous le nom de Newton Heath. Everton était à l’origine un club paroissial nommé St Domingo’s. Puis les signes distinctifs se sont ancrés et les clubs tels que nous les connaissons aujourd’hui sont devenus de puissants vecteurs identitaires. Là où les propriétaires considèrent les clubs comme des entreprises, les fans y voient des objets de culte. Aux yeux de la plupart d’entre eux, ces changements, comme les nouvelles couleurs et le nouvel écusson imposés à Cardiff City par son propriétaire malaisien Vincent Tan, sont autant de preuves qu’on leur vole le football. Assem Allam est manifestement agacé par autant de résistance. Il s’est tiré une balle dans le pied en qualifiant de “hooligans” les opposants au changement de nom ou bien en disant des fans traditionnalistes de City Till I Die qu’ils “(pouvaient) mourir quand ils (voulaient)”. Mais l’homme d’affaires campe sur ses positions et le conflit a atteint son paroxysme. Le manager de Hull Steve Bruce a déclaré qu’au vu de ses investissements, le propriétaire devrait être autorisé à changer son nom s’il le souhaite. Allam a menacé de plier bagages s’il est contrarié dans ses plans et il a passé la vitesse supérieure en demandant officiellement à la Football Association (FA) de valider l’appellation “Tigers” à partir de la saison prochaine. La FA a annoncé qu’elle allait consulter les supporters avant de trancher. Å
Argentine : Primera Division
Une équipe divine Jordi PuntÍ est écrivain et auteur de nombreux articles sur le football dans les médias
Le Tigre sur le banc des accusés : les supporters de Hull ne veulent pas de référence animale dans le nom de leur club. 16
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Dieu est argentin. Il n’y a aucun doute là-dessus. Si on lançait une enquête dans les stades argentins, les fans en seraient beaucoup plus convaincus que nulle part ailleurs. Leurs preuves sportives s’appellent Maradona et Messi, mais ils ont
Matthew Lewis/Getty Images
espagnols.
depuis un an un argument spirituel en la personne du Pape François, sorte de manager de Dieu sur Terre. Ce week-end, son influence a commencé à se faire sentir avec le sacre national obtenu dans le Tournoi Initial par San Lorenzo de Almagro, le club du saint Pontife. Cela faisait six ans que ce titre lui échappait et les soubresauts de la dernière journée ont parfois laissé penser qu’El Ciclón bénéficiait d’une intervention divine. Les caprices du calendrier ont voulu que les quatre premiers du championnat d’Argentine s’affrontent lors de l’ultime journée. Vélez Sarsfield recevait San Lorenzo, tandis que Newell’s était opposé à Lanús. Ces dernières semaines, tous les membres de ce quatuor avaient donné des signes certains d’instabilité. Même si les combinaisons étaient multiples, c’est San Lorenzo qui partait avec un avantage. Cependant, un match nul entre Lanús et Newell’s pouvait permettre à Vélez de s’adjuger le championnat à condition de prendre le meilleur sur les hommes de Juan Antonio Pizzi. Les deux matches sont arrivés à la 85e minute avec un score de parité. 2:2 du côté de Newell’s – Lanús ; 0:0 entre Vélez et San Lorenzo. D’un coup, tout semblait possible. Tétanisé par la proximité du titre, San Lorenzo s’est mis à reculer et Vélez a cru au miracle. Les deux formations avaient passé le plus clair du temps à proposer le strict nécessaire, tombant dans une abondance de passes longues et de centres sans destinataire. Lassé par la piètre qualité du spectacle, le commentateur qui officiait sur la télévision argentine a même demandé aux protagonistes de mettre le ballon à terre et de commencer enfin à jouer. Ragaillardi par la soudaine timidité de ses adversaires, Vélez a pris d’assaut la surface adverse, mais c’était sans compter sur la solidité du gardien de San Lorenzo, Torrico. Sur une frappe d’Allione qui prenait le chemin des filets, le portier s’est interposé à la faveur d’un réflexe surhumain. Le tableau d’affichage n’a pas bougé et San Lorenzo a conquis le titre tant espéré. Cette rencontre très équilibrée est symptomatique du profil bas qui a dominé l’épreuve. San Lorenzo s’est imposé avec 33 points, total le plus bas de l’histoire du championnat, mais ce détail n’enlève aucun mérite à son parcours. Avec l’arrivée de Juan Antonio Pizzi sur le banc, la formation de Buenos Aires a retrouvé une sensibilité pour le jeu de passes et les contre-attaques. Comme l’indiquait le joueur Mercier le soir de la victoire, “Pizzi a donné à
San Lorenzo une identité de jeu”. De quoi s’agit-il ? D’une équipe sûre de ses choix tactiques, constituée d’éléments expérimentés, à l’instar de Mercier, Romagnoli ou le buteur Piatti, et pariant sur la jeunesse, comme avec le prometteur Correa. Ce titre permet à San Lorenzo de disputer la Copa Libertadores et de retrouver une place dans l’élite du football sud-américain. Il légitime aussi l’une des principales aspirations extra-sportives du club : le retour à Boedo, quartier de Buenos Aires qui l’a vu naître. C’est là-bas que se trouvait le Viejo Gasómetro, stade nationalisé en 1979 par la junte militaire du général Videla et vendu ultérieurement pour la construction d’un centre commercial. Même si en 1993, San Lorenzo a enfin hérité d’un nouveau stade, situé dans un autre quartier, les supporters ont lancé ces dernières années une campagne pour le rachat des terrains accueillant leur ancien fief. En 2012, le gouvernement de Buenos Aires a validé le projet dit de Restitution historique, octroyant au club santo la propriété d’une partie des terres et le droit de négocier l’acquisition du reste. Le retour à Boedo semble de plus en plus possible aujourd’hui. Lundi dernier, une délégation composée de joueurs et de dirigeants de San Lorenzo s’est déplacée jusqu’au Vatican pour offrir le titre au Pape François (et le remercier peut-être pour les services spirituels rendus). Il n’est pas exclu que, dans ses prières, le saint Pontife évoque le projet de l’ancien futur stade… Å
Brésil : Série A
Fluminense sauvé Sven Goldmann est spécialiste du
Deux jours plus tard, la planète football s’est à nouveau tournée vers la Cité Merveilleuse, mais ses attentes ont été déçues. Deux clubs historiques de Rio ont été incapables d’assurer leur maintien lors de la dernière journée du championnat brésilien. Vasco da Gama s’est incliné 1:5 face à l’Atlético Paranaense et a livré une prestation aussi déplorable que le comportement des supporters des deux camps. Le match a dû être interrompu pendant 70 minutes pour que la police intervienne et qu’un hélicoptère évacue les blessés. De son côté, c’est avec beaucoup de chance et avec l’aide des tribunaux que Fluminense a évité une chute encore plus dramatique : devenir le premier champion en titre à être relégué en Série B. Sur le plan sportif, la courte victoire (2:1) sur l’EC Bahia lors de la dernière journée de championnat n’était pas suffisante pour sauver les Tricolores, ceux-là mêmes qui, il y a un an à peine, avaient organisé une fête en vert, blanc et rouge dans le stade Engenhao de Rio pour fêter leur titre. L’équipe a déménagé pendant l’été et joue à nouveau dans le Maracanã rénové. Mais elle ne semble pas avoir emporté le succès dans ses valises. Ce que Fluminense a raté sur la pelouse, il l’a cependant réussi grâce à la justice. L’affaire concernait le Portuguesa de Sao Paulo, son concurrent direct dans la lutte pour le maintien. La justice devait décider si le milieu de terrain Heverton avait le droit de disputer la dernière rencontre face au Grêmio Porto Alegre, qui s’est soldée par un nul 0:0. Les juges du tribunal arbitral du sport brésilien (STJD) ont tranché lundi dernier : le joueur n’aurait pas dû jouer. Portuguesa a donc perdu le point pris contre le Grêmio et s’est vu infliger une pénalité supplémentaire de trois points. Il est passé à la 17ème place du classement, derrière Fluminense, et devra jouer en Série B l’année prochaine.
football au quotidien Tagesspiegel de Berlin
Ces derniers jours ont été pénibles pour Rio de Janeiro. La Cidade Maravilhosa a l’habitude d’être au centre de toutes les attentions. Dernièrement, le monde entier a eu les yeux rivés sur le Brésil, mais il ne regardait ni le Pain de Sucre, ni le Maracanã. Il était tourné vers le nord du pays, vers Costa do Sauípe, une cité balnéaire de l’État de Bahia, où s’est déroulé le tirage au sort des groupes de la Coupe du Monde. T H E F I FA W E E K LY
Si Portuguesa n’avait pas aligné Heverton et avait perdu contre le Grêmio, les Tricolores seraient descendus en deuxième division. Aujourd’hui, les caricaturistes mais aussi les fans de tout le pays se moquent, à juste titre, de la manière dont le champion en titre a échappé à la relégation. Å
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Nom : Vicente del Bosque González Date et lieu de naissance : 23 décembre 1950, Salamanque (Espagne) Carrière de footballeur : 1969–1970 AD Plus Ultra 1970–1984 Real Madrid 1970–1971 CD Castellón (prêté) 1971–1972 Córdoba CF (prêté) 1972–1973 CD Castellón (prêté) Carrière d’entraîneur :
JerÓnimo Álvarez
1985–1990 Real Madrid Castilla 1994 Real Madrid 1996 Real Madrid 1999–2003 Real Madrid 2004–2005 Besiktas Istanbul Depuis 2008 Équipe d’Espagne
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L’ I N T E R V I E W
“Une finale espagnole pour la Ligue des Champions” Champion du monde, champion d’Europe, vainqueur de la Ligue des Champions, l’Espagnol Vincente del Bosque (62 ans) possède un palmarès enviable. Aujourd’hui, il espère devenir le premier Européen à remporter une Coupe du Monde en Amérique du Sud. Pour nous, del Bosque évoque ses adversaires les plus difficiles, le climat du Brésil, Messi et Ronaldo. L’Espagne est championne du monde, championne d’Europe et numéro un du Classement mondial FIFA. Est-ce la meilleure équipe du moment ? Vincente del Bosque : Ces résultats et ce classement ne sont évidemment pas le fruit du hasard. Ils reflètent nos prestations de ces dernières années et de ces derniers mois. En même temps, le Brésil, par exemple, est défavorisé au classement mondial, parce qu’il n’a pas disputé de match vraiment difficile pendant la phase de qualification. L’Espagne est la meilleure équipe du moment, mais nous ne devons pas pour autant perdre notre humilité et cesser de respecter nos adversaires. En phase finale de la Coupe du Monde, ce ne sont pas nos prestations passées qui nous permettront de gagner.
Qui considérez-vous actuellement comme vos plus sérieux concurrents dans la course au titre ? La liste est longue, car il y a de nombreuses équipes solides : l’Allemagne, les Pays-Bas, la Russie, la France, l’Italie, le Portugal, l’Angleterre, l’Uruguay, l’Argentine et bien sûr le Brésil. Mais même en dehors de ces pays, il y a de nombreuses sélections potentiellement dangereuses. Il ne faut négliger aucun adversaire, même les plus petits. La Belgique, par exemple, dispose d’une excellente génération de joueurs.
Nous disposons de la qualité et de l’expérience nécessaires pour remporter le titre. Nos joueurs évoluent en Espagne mais aussi dans d’autres grands clubs européens. Leurs prestations en championnat constituent la base pour leur recrutement en équipe nationale. Ce qui m’inquiète un peu, c’est le calendrier : la finale de la Ligue des Champions se déroulera le 24 mai à Lisbonne et la Coupe du Monde commencera le 12 juin. Ça ne laisse pas beaucoup de temps entre les deux.
Vous espérez donc que la finale de la Ligue des Champions se joue à nouveau entre deux équipes allemandes ? (Rires) J’espère deux choses : une finale 100 % espagnole et une période de préparation aussi longue que possible. Mais quoi qu’il en soit, nous sommes parés pour tous les scénarios et nous nous adapterons.
L’Espagne a connu un parcours qualificatif tranquille par rapport à d’autres pays. Est-ce un avantage pour aborder la phase finale ? Ou sont-ce au contraire les équipes qui ont eu des difficultés à surmonter, comme la France, qui seront avantagées sur le plan psychologique, parce qu’elles ont déjà relevé un premier défi ?
Jamais encore une équipe européenne n’a remporté le titre mondial en Amérique du Sud. Y a-t-il une raison particulière à cela, selon vous ?
Je ne suis pas d’accord avec vous. Notre qualification a été tout sauf facile, nous n’avons validé notre billet qu’à l’issue du dernier match. Si nous n’avions pas gagné en France au mois de mars, nous aurions peutêtre dû passer par les barrages. Il s’en est fallu de peu. La France peut être un adversaire redoutable, nous le savions bien avant son barrage retour contre l’Ukraine.
Le climat sud-américain rend la tâche difficile pour les Européens. La température et surtout l’humidité ambiante sont inhabituelles pour eux. Cela pourrait poser problème à certaines équipes l’été prochain. Les Anglais en particulier risquent de souffrir du climat tropical qui règne à Manaus.
Le tiki-taka ne remporte plus l’adhésion de tous. L’Espagne a même fait l’objet de critiques pendant l’Euro 2012. Pourtant, en finale, vous avez très nettement dominé l’Italie. Le jeu en passes courtes des Espagnols représente-t-il l’avenir du football
Comment comptez-vous vous y prendre pour écrire un nouveau chapitre avec l’Espagne ?
Ce sont les joueurs qui fixent le style de jeu. Quand vous avez des gens comme Xabi Alonso, Xavi Hernandes, Iniesta, Silva, Villa T H E F I FA W E E K LY
dans votre équipe, forcément, ça a un impact sur la manière de jouer. Les joueurs de l’équipe d’Espagne s’accordent parfaitement bien, sur le terrain comme en dehors. Les discussions sur la tactique deviennent alors inutiles. Notre façon de jouer est celle qui fonctionne le mieux. Nos succès nous donnent raison.
Le fait que vous ayez œuvré pour faire tomber les frontières entre Barcelone et le Real Madrid et pour réunir les deux camps a contribué à votre réussite. Comment vous y êtes-vous pris ? J’ai fait appel à l’intelligence des joueurs. Nous avons beaucoup parlé. Ma mission était de leur faire comprendre qu’en équipe nationale, ils n’évoluent pas sur la même scène qu’en club et que la sélection espagnole représente pour eux une chance unique de réaliser ensemble quelque chose de grand.
En politique, vous feriez un bon diplomate… (Rires) Je suis très heureux de mon statut d’entraîneur.
Revenons au Barça et au Real. Trois des plus grandes individualités du football mondial, Messi, Neymar et Ronaldo, évoluent dans ces deux clubs. Lequel d’entre eux est le meilleur, à vos yeux ? Tout le monde veut que l’on tranche entre Messi et Ronaldo. Tout ce que je peux vous dire, c’est que j’ai fait mon choix pour le Ballon d’Or, mais je n’entrerai pas dans le débat opposant Barcelone et le Real Madrid.
Ce qui veut dire que vous avez voté pour Ribéry ou Ibrahimovic ? (Il sourit et garde le silence.)
Que pouvons-nous vous souhaiter pour 2014 ? J’espère une belle année de football et une belle Coupe du Monde au Brésil, pour le monde et pour l’Espagne. Å Propos recueillis par Thomas Renggli 19
L’ E X P E R T
→ http://www.f-marc.com/concussoin2012
Commotion cérébrale : attention, danger !
Le gardien tchèque de Chelsea Petr Cech porte un casque suite à une blessure à la tête.
On enregistre en moyenne une commotion cérébrale tous les 25 matches sur les compétitions organisées par la FIFA. Une fois sur deux, le joueur concerné ne quitte pas le jeu. Pourtant, un suivi médical rigoureux s’impose. Jiri Dvorak
Sergio Perez/Reuters
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ur la base d’études scientifiques, l’International Football Association Board (IFAB) a décidé avant la Coupe du Monde 2006 de sanctionner d’un carton rouge les coups de coude portés au visage. Cette mesure a entraîné une réduction significative des blessures à la tête ainsi que des commotions cérébrales. Le cas récent d’Hugo Lloris a remis sur le devant de la scène le problème des joueurs revenant sur le terrain après avoir subi une commotion cérébrale. Car c’est bel et bien ce qu’a fait le gardien de l’équipe de France et de Tottenham. Le médecin des Spurs a recommandé de remplacer l’ancien Lyonnais, mais le coach a décidé de passer outre cet avis et Lloris a continué à jouer. Cette décision controversée n’a pas manqué de faire débat au sein du corps médical et dans la presse.
Le F-MARC (Centre d’Évaluation et de Recherche Médicale de la FIFA) a émis une recommandation très claire quant au retour en jeu d’un joueur suite à la suspicion ou à la constatation d’une commotion cérébrale. Un joueur victime d’une telle lésion ne doit pas revenir sur le terrain sauf accord du médecin. Dans la plupart des cas, une période d’au moins sept jours s’impose pour observer les symptômes classiques d’une commotion cérébrale. Un examen médical est donc nécessaire. Il est important que les entraîneurs réalisent, comprennent et acceptent que la santé du joueur passe avant tout, qu’elle est plus précieuse que tout. Cela vaut pour les professionnels mais aussi pour tous les footballeurs, quel que soit leur niveau. La FIFA, le CIO et la Fédération internationale des sports collectifs ont organisé des réunions de consensus sur cette question. Les résultats ont été largement acceptés par les communautés médicale et scientifique. Ils T H E F I FA W E E K LY
devraient également servir de cadre aux managers et entraîneurs du monde professionnel et amateur. La Compagnie d’Assurances Nationale Suisse a montré la voie de la collaboration entre les représentants du monde sportif, le corps médical et le secteur des assurances lors d’un symposium spécial organisé le 28 novembre 2013 à la Maison de la FIFA. Les textes correspondants sont disponibles sur FIFA.com. S’agissant de la gestion des cas de commotion cérébrale, la ligne directrice doit être la suivante : en cas de doute, le joueur doit sortir. Å
Le Professeur Jiri Dvorak est le médecin en chef de la FIFA. 21
LE MIROIR DU TEMPS
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Londres, Angleterre
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H. Allen/Topical Press Agency/Getty Images
Course d’entraînement en guêtres et chaussures basses. Les joueurs du Fulham Football Club se mettent en jambes. Sur son vélo, John Arnold rompt l’unité. Les conseillers médicaux du club lui ont recommandé d’éviter la course pour ménager son genou fragilisé.
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LE MIROIR DU TEMPS
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Tignes, France
Francois Mori/AP Photo
2010 Ce n’est ni l’Alpe d’Huez ni le Mont Ventoux, mais les internationaux français semblent rester collés à l’asphalte lors d’un entraînement en altitude au-dessus de Tignes. Même le groupe de tête composé de Thierry Henry, Franck Ribéry et William Gallas (devant, en partant de g.) peine à avancer. Ce n’est pourtant qu’un avant-goût de ce qui les attend en Afrique du Sud, où les Bleus s’enfonceront dans le marasme sportif.
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TRIBUNE
L E T O P 11 D E L A S E M A I N E
Les gardiens les plus impressionnants
Le temps des cadeaux Alan Schweingruber
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n ne peut pas dire que les représentants du football américain aient été gâtés pour Noël. Il y a deux semaines encore, on parlait dans la presse de leurs formidables visions. Il était question de qualité, d’enthousiasme, d’essor. Non sans raison, d’ailleurs : l’équipe nationale a brillé lors des qualifications pour la Coupe du Monde, tandis que le niveau de la Major Soccer League a énormément progressé au cours des dernières années. Mais à la veille des fêtes, la bonne humeur qui régnait semble partie en fumée. Tout a commencé avec le “choc de Bahia”, le tirage au sort final de la Coupe du Monde qui a voulu que les États-Unis se retrouvent dans le même groupe que l’Allemagne, le Ghana et le Portugal. “Bienvenue dans le groupe de la mort”, ont alors titré les médias américains. Et voilà qu’aujourd’hui, la NBA concurrente profite d’un énorme coup de publicité : un inconnu aurait acheté, pour la modique somme de 104 765 dollars, une paire de chaussures usagées ayant appartenu à Michael Jordan et datant de 1997. Le football ? Mais qui donc s’intéresse au football ? Enfin, force est de reconnaître que le basketball est un beau sport, lui aussi. Peutêtre que ces chaussures feront le bonheur d’un fan et se retrouveront au pied d’un sapin, embaumant de leur odeur la salle à manger. Un indice qui devrait permettre au bénéficiaire de deviner le contenu du paquet avant même de l’avoir ouvert. Et puis les curiosités sportives rencontrent en général un franc succès auprès des invités. Quoique même la plus célèbre des antisèches de l’histoire du football n’aurait peut-être pas fait un tel effet. D’une part en raison de l’absence d’odeur. D’autre part, parce qu’une enveloppe contenant un simple bout de papier est nettement moins spectaculaire.
La note rédigée au crayon par Jens Lehmann (Coupe du Monde 2006) a pourtant elle aussi été happée par la machinerie médiatique : un chef d’entreprise allemand a déboursé un millions d’euros pour acquérir les gribouillis. De quoi faire pâlir d’envie la NBA ! Noël est la fête de l’amour, c’est le temps des cadeaux, de la sérénité, de la réflexion et de la rétrospection. Mais on porte aussi un regard inquiet vers l’avenir. Plus d’une semaine sans football, comment espérer survivre jusqu’à l’année prochaine dans ces conditions ? Le repos a pourtant du bon. À en croire le plus grand registre européen recensant les infarctus du myocarde (données réunies par 398 hôpitaux de cardiologie), les chances d’avoir un infarctus deux jours avant le réveillon de Noël sont dix pour cent plus élevées que pendant les fêtes. Il est donc conseillé aux supporters de football qui fument, pratiquent une activité physique insuffisante et sont sujets à la surcharge pondérale de profiter au maximum de cette phase de répit, car ils sont les premières victimes d’infarctus. La preuve : on recense en moyenne trois fois plus d’infarctus qu’en temps normal chez les supporters (hommes) dont l’équipe favorite doit se soumettre à l’épreuve des tirs au but dans le cadre d’une coupe ou d’un tournoi. Petit conseil à l’attention des personnes à risques : essayez pendant six mois de manger équilibré, de courir une fois par jour et de ne pas fumer. Le 26 juin 2014, les États-Unis affronteront l’Allemagne en Coupe du Monde. Ce match, le dernier du Groupe G, sera peutêtre décisif en vue de la qualification pour les huitièmes de finale. D’ici là, les Américains devraient eux aussi avoir retrouvé leur sérénité. Qualité, enthousiasme et essor redeviendront peut-être les maîtres-mots. Å La rubrique hebdomadaire de la rédaction de The FIFA Weekly T H E F I FA W E E K LY
1
Lev Yashin (Union soviétique). Meilleur gardien du 20ème siècle. Le charisme d'une star de cinéma. 150 penalties arrêtés. Seul footballeur à avoir été décoré de l'Ordre de Lénine dans l'ancienne Union soviétique, en 1968.
2
Iker Casillas (Espagne). Rempart des temps modernes. Élu meilleur gardien du monde ces cinq dernières années. Vainqueur de l'Euro en 2008 et 2012 et de la Coupe du Monde en 2010.
3
Gianluigi Buffon (Italie). Transféré de Parme à la Juventus Turin pour la somme de 54,1 millions d'euros en 2001. 138 sélections pour l'Italie.
4
Gordon Banks (Angleterre). Champion du monde en 1966. Sacré cinq fois meilleur gardien de but de l'année. 628 matches de première division pour Chesterfield, Leicester City et Stoke City. Qui a dit que l'Angleterre n'avait jamais eu de bon gardien ?
5
Sepp Maier (Allemagne). 95 sélections, soit le total le plus élevé pour un gardien allemand. Un autre record : 442 matches disputés d'affilée. Champion du monde en 1974, fin de carrière cinq ans plus tard en raison d'un grave accident de voiture.
6
Petr Cech (République tchèque). Garde les cages de Chelsea depuis 2002. Grand gaillard d'1,96 m facilement reconnaissable au casque qu'il porte depuis une fracture du crâne.
7
Dino Zoff (Italie). 112 sélections. Un véritable héros. A remporté une Coupe du Monde à l'âge de 40 ans en 1982, une performance que personne n'a jamais égalé.
8
Jorge Campos (Mexique). Rendu célèbre par ses maillots multicolores, qu'il concevait lui-même. Listé à la fois dans les gardiens de but et les attaquants de sa sélection lors de la Coupe du Monde 1994.
9
Peter Schmeichel (Danemark). 392 matches joués pour Manchester United, dont 177 sans encaisser de but. A remporté la mémorable finale de Ligue des Champions contre le Bayern Munich (2:1).
10
José Luis Chilavert (Paraguay). Le gardien le plus dangereux de l'histoire face aux buts adverses. A trouvé le chemin des filets à 60 reprises au cours de sa carrière.
11
Fabien Barthez (France). Champion du monde et d'Europe avec la France (en 1998 et 2000). Avait pris l'habitude de laisser Laurent Blanc embrasser son crâne chauve avant chaque rencontre. 25
BILBAO
→ http://fifa.to/1hnNB0w
Un spécimen unique Pensionnaire de la Primera División, l’Athletic Bilbao n’accepte dans ses rangs que des joueurs originaires du Pays Basque espagnol, de la province de Navarre ou du Pays Basque français. Malgré cette contrainte, les Leones n’ont jamais connu les affres de la relégation.
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Jordí Punti, Bilbao (texte) et Xavier Cervera (photos)
orsque l’arbitre siffle la fin de la rencontre en ce 1er décembre, les joueurs de l’Athletic Bilbao tombent dans les bras les uns des autres, comme s’ils venaient de remporter le titre. Un tonnerre d’applaudissements descend des tribunes. Il faut dire que l’exploit est de taille : les Basques viennent de battre le FC Barcelone 1:0 et de lui infliger par la même occasion sa première défaite de la saison. L’histoire commence à s’écrire dans le nouveau stade San Mames. Fraîchement inauguré, ce petit bijou d’architecture doit s’imprégner de la même atmosphère que l’ancienne arène, tout en offrant davantage de confort aux spectateurs. À l’issue des travaux, l’enceinte pourra accueillir jusqu’à 54 000 spectateurs. Pour des raisons pratiques, le club a été contraint d’ouvrir les portes de son nouveau stade avec un peu d’avance. Une des tribunes manque encore, ce qui donne parfois l’impression de se trouver dans un stade de baseball. Curieusement, cette section est aussi une fenêtre sur le passé du club. Le nouveau stade San Mames a été construit à quelques mètres de l’ancien, de sorte que l’on peut encore apercevoir le terrain en friche où se dressait, il y a quelques mois encore, l’ancienne enceinte. Cette vision évoque sans doute de nombreux souvenirs chez les supporters qui, pendant près de cent ans, ont garni les travées de ce lieu “saint”, surnommé la Cathédrale. Il suffit de se pencher sur l’histoire du football espagnol pour se rendre compte que ce choc entre l’Athletic Bilbao et le FC Barcelone fait partie des classiques du championnat national. À l’instar du Real Madrid, Basques et Catalans fréquentent l’élite depuis ses débuts et n’ont jamais connu les affres de la relégation. Dans le cas de l’Athletic, cette longévité au plus haut niveau s’accompagne d’un choix inédit, 26
qui lui donne une identité unique : seuls les footballeurs originaires du Pays Basque espagnol, de la province de Navarre ou du Pays Basque français sont autorisés à porter le maillot du club. Les équipes qui ne comptent aucun étranger dans leurs rangs font figure d’exception sur la planète football. Une telle stratégie réduit grandement leurs chances d’attirer des joueurs de très haut niveau. Le Steaua Bucarest a longtemps pratiqué cette politique, tout comme la Real Sociedad. D’autres formations comme Chivas Guadalajara (Mexique), le Nacional Montevideo (Uruguay) ou Saprissa (Costa Rica) appliquent la même politique. Les raisons invoquées sont souvent les mêmes. Les fans de Chivas parlent de “fierté nationale” et ont le sentiment de soutenir un “vrai club mexicain”. Dans le cas de l’Athletic, les joueurs basques ont contribué à faire de ce club un cas unique, en lui donnant une plus-value sentimentale. Galder Reguera, responsable des activités de la Fundación Athletic (une institution créée par l’Athletic), se montre pourtant plus réservé sur le sujet. Pour lui, cette décision n’est pas uniquement une affaire d’éthique ou d’enracinement social. Ce choix s’explique davantage par des raisons historiques. La distinction est importante, surtout dans une région où le conflit entre le nationalisme basque et l’État espagnol reste présent dans tous les esprits. En 1911, l’Athletic participe à plusieurs rencontres de la Coupe d’Espagne. L’entraîneur de l’époque, M. Shepherd, aligne trois professionnels anglais. Les Basques remportent le titre, mais la Fédération espagnole de football réagit en interdisant à l’avenir la participation de footballeurs professionnels. De son côté, le club décide alors de ne plus faire appel à des étrangers. À ce jour, il n’est jamais revenu sur cette résolution. Le grand mérite de l’Athletic reste de s’être imposé durablement parmi l’élite, sans avoir dérogé à ses principes ni versé dans la tendance inflationniste du marché des transferts. T H E F I FA W E E K LY
Parallèlement, les Basques n’ont jamais mis en avant leur situation particulière lorsque les résultats n’étaient pas au rendez-vous. Comme le fait remarquer Galder Reguera, Bilbao n’est pas complètement fermé au monde extérieur : “Des milliers de passionnés suivent l’Athletic dans le monde entier et créent des associations de supporters.” De temps à autre, les dirigeants confient les rênes de l’équipe première à un technicien venu d’autres horizons, comme Jupp Heynckes ou Marcelo Bielsa. Depuis les années 80, des voix s’élèvent également pour réclamer un élargissement de la notion de joueur basque. Des cas de conscience ont été posés par Biurrún et, plus récemment, Amorebieta. Nés “par erreur” au Brésil et au Venezuela, tous deux ont grandi au Pays Basque et débuté leur carrière au centre de formation de l’Athletic. Héros et amis À Bilbao, on respecte les légendes, comme en témoigne le buste de Pichichi. Cette statue est l’un des rares éléments de l’ancien stade à avoir été conservé. Situé à la sortie des vestiaires, ce buste représente Rafael Moreno Aranzadi, plus connu sous le nom de Pichichi. Cet attaquant, qui a porté les couleurs de l’Athletic entre 1911 et 1921, était surtout connu pour sa redoutable efficacité. Il y a tout juste un siècle, il inscrivait le premier but à San Mames. Traditionnellement, les équipes effectuant leur première visite à la Cathédrale avaient coutume de déposer une gerbe de fleurs devant sa statue. Ce buteur hors normes a également donné son nom au trophée qui récompense chaque année le meilleur buteur du championnat d’Espagne. Pichichi, Zarra, Gaínza et beaucoup d’autres sont considérés avec un curieux mélange de vénération et de tendresse par les supporters de l’Athletic. Pour eux, ces joueurs n’étaient pas seulement leurs idoles, mais aussi leurs voisins. Ils arpentaient les mêmes rues. José Ángel Iribar figure aussi au nombre de ces légendes.
BILBAO
Xavier Cervera/Panos Pictures
À l’entraînement. L’Athletic possède également deux équipes féminines.
La fierté de Bilbao : Le virage sud du nouveau stade San Mames est encore en construction. T H E F I FA W E E K LY
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Le quotidien des supporters : Dans la vieille ville, on patiente jusqu’au prochain match en jouant aux cartes.
L’académie : Le terrain d’entraînement de l’Athletic se trouve à 14 kilomètres de Bilbao. 28
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“Une philosophie romantique”
Une longue attente. Le huitième et dernier titre de champion d’Espagne de Bilbao remonte à 1984.
El Txopo a fait ses débuts en 1962. Il a porté le maillot des Leones pendant 18 saisons (il a également été le gardien de l’équipe d’Espagne entre 1964 et 1976). Par la suite, il a occupé la fonction d’entraîneur pendant quelques années. En cette froide matinée de mardi, nous nous promenons près du centre d’entraînement de l’Athletic en compagnie d’Iribar. Les supporters qui l’aperçoivent le saluent comme une vieille connaissance. À 70 ans, l’ancien portier parle avec l’assurance de quelqu’un qui a presque tout connu et qui, malgré tout, reste une icône dans son club. Interrogé sur le choix de ne travailler qu’avec des joueurs basques, il répond sans détour : “Cette décision est si profondément ancrée dans l’histoire du club que personne ici ne se pose plus la question. Certains y voient un handicap ; pour nous, c’est un avantage, car les supporters sont fous de cette équipe et qu’ils s’identifient complètement aux joueurs. De plus, il y a beaucoup de gens en Espagne qui apprécient cette philosophie romantique.” Notre interlocuteur ne cache pas avoir reçu des offres de Barcelone, de Valence et du Real Madrid pendant sa carrière. Pourtant, il n’a jamais envisagé de partir. “C’était une autre époque”, note-t-il. “De toute façon, je n’aurais jamais été aussi heureux qu’ici.” En marchant dans le centre de Bilbao, il n’est pas rare de croiser d’anciennes gloires locales. Parfois, un visage rappelle soudainement une course folle ou un but d’anthologie. Qu’importe si les années ont passé depuis. Une
fois les crampons raccrochés, les joueurs restent dans la région et entretiennent souvent des liens étroits avec leur club. Les jours de match, les fans se pressent dans les bars et les bistrots aux alentours du stade, dans les rues Licenciado Poza et Sabino Arana. On se retrouve alors à boire une petite bière aux côtés d’un ancien joueur du club en pleine discussion avec ses amis, ou à déguster les fameux pintxos, ces délicieuses tapas basques. L’école de Lezama L’Athletic Bilbao est un peu comme une entreprise qui se soucierait de ses employés. Non content de s’appuyer sur des finances solides, le club n’hésite pas à confier des responsabilités importantes à ceux qui ont fait son succès. L’actuel président, Josu Urrutia, est un ancien milieu de terrain plutôt adroit, qui a disputé plus de 350 matches avec les Leones. Au sein de l’encadrement technique, l’ancien joueur Ernesto Valverde (entraîneur) travaille en collaboration avec Jon Aspiazu, Andoni Imaz et Aitor Iru. Miguel de Andrés et Antonio Karmona sont en charge des rapports techniques et de l’observation des futurs adversaires. Le centre de formation de Lezama se trouve sous la direction d’Aitor Larrazábal. Les jeunes Basques profitent des conseils avisés d’Estíbariz, Suances, Ziganda ou Joseba Etxeberria, autant de joueurs qui ont tenu des rôles majeurs ces dernières années dans les rangs de l’Athletic. T H E F I FA W E E K LY
Cette forme de promotion interne garantit une véritable continuité et une forte implication des joueurs. Le centre de formation de Lezama est au cœur de cette philosophie. Un club qui ne peut recruter de joueurs étrangers n’a d’autre choix que de miser sur la formation. L’Athletic regroupe douze équipes masculines (y compris les formations de jeunes) et deux équipes féminines. En tout, 250 footballeurs et footballeuses sont concernés chaque année. Les sélections commencent dès l’âge de onze ans. Aitor Larrazábal, directeur de Lezama, n’ignore pas l’importance du rôle qui lui a été confié : “Nous inculquons le sérieux, l’engagement et le sens du sacrifice, mais nous mettons également en avant la camaraderie. L’équipe progresse grâce aux efforts de chacun.” La transmission de ces principes est essentielle. Sans elle, “les jeunes joueurs pourraient se laisser séduire par les offres de clubs beaucoup plus riches”. En minant le pouvoir de l’argent dans le domaine du football de jeunes, l’Athletic renforce ses propres valeurs. C’est ce qu’affirme Koldo Asua, responsable des actions sociales de Lezama. Les jeunes joueurs et leurs parents doivent éprouver le sentiment d’avoir fait le meilleur choix. Le centre de formation dispose d’un espace d’enseignement et de deux professeurs qui aident les enfants à faire leurs devoirs avant l’entraînement. Lorsqu’on lui demande en quoi consistent ces valeurs, Asua récite un texte qui ressemble 29
BILBAO
Entraînement nocturne : Les jeunes de l’Athletic au centre de formation de Lezama.
“Les jeunes discutent de leurs lectures avec des membres de l’équipe première.” aux dix commandements de l’aspirant footballeur. On y retrouve des citations de Chesterton et de García Márquez. “La valeur d’une personne se mesure à la constance de son cœur et à la modestie de son âme.” Une fois par mois, le club met en avant l’aspect socio-culturel de son action : les enfants lisent une histoire (par exemple, Le petit Nicolas) et discutent de leur lecture l’après-midi même avec un joueur de l’équipe première. La proximité de grandes stars comme Iker Muniaín, Andoni Iraola ou Carlos Gurpegui est une source de motivation supplémentaire. Elle permet également à ces jeunes de mieux visualiser leur avenir. Il convient de noter, en outre, qu’il est strictement interdit de parler football pendant ces rencontres. L’Athletic possède également une façon bien à lui de fêter ses titres. Les joueurs et 30
l’entraîneur montent sur une longue barque et remontent l’estuaire du Nervion jusqu’au centre-ville. Les supporters se massent sur les bords du fleuve et saluent leurs héros, drapeau à la main. Les plus jeunes n’ont malheureusement pas eu l’occasion de découvrir ce rituel merveilleux. Le dernier sacre des Leones remonte au fameux doublé coupe-championnat de 1984. Depuis cette époque, le club court après sa gloire passé. En 2012, les Basques ont échoué en finale de la Coupe du Roi et de l’Europa League. Cette traversée du désert n’a pourtant en rien entamé la fierté des supporters de l’Athletic. Comme le dit si bien Larrazábal : “Nous sommes différents de tous les autres clubs.” Å
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BILBAO
Quatorze ans d’expérience : Depuis la fin de sa carrière, Aitor Larrazábal dirige le centre de formation de l’Athletic.
Le évolution du logo du club Fondation: 1898 Membres: 35 354 Titres: A partir de 1898
A partir de 1911
1970
1980
2013
8 fois champion d'Espagne (dernier titre en 1984) 23 Coupes d'Espagne (dernier titre en 1984) Budget 2013/14: 64 152 000 € Saisons en Primera División: Toutes
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LE DÉBAT
Des couleurs, des drapeaux et des chansons La Coupe du Monde des Clubs prend de l'importance. Les clubs, les joueurs et les supporters apprécient le tournoi. Il est grand temps de cesser de le comparer à d'autres compétitions. Alan Schweingruber, au Maroc
Coupe du Monde des Clubs, les six confédérations sont impliquées. Si l'enthousiasme suscité par la compétition au Maroc est si important, c'est parce que pour la première fois, la Coupe du Monde des Clubs se déroule sur le sol africain. Un père de famille brésilien qui vit en Afrique et porte depuis son enfance des maillots de l'Atlético Mineiro a fait le déplacement jusqu'à Marrakech avec toute sa famille pour assister aux matches. Il nous livre son témoignage: “Je suis un vrai passionné. L’Atlético a une grande place dans mon cœur. Ce que cette Coupe du Monde des Clubs me permet de vivre est tout bonnement fantastique.” Å
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Mohamed Hossam/Anadolu Agency/Getty Images
C'est probablement en Espagne que le trophée de la Ligue des Champions revêt le plus d'importance, car dans le championnat national, l'éternel duel entre le Real Madrid et Barcelone offre finalement peu de distraction. Au Brésil, en Argentine et au Chili, la Copa Libertadores occupe une grande place. En Italie, le Scudetto est considéré comme une récompense très prestigieuse. Le Romain Francesco Totti, ancien capitaine de l'équipe d'Italie, le place même au-dessus de la couronne mondiale. La Coupe du Monde des Clubs suit sa propre voie. Comparer ce tournoi à d'autres compétitions revient à peu près à comparer un vin de Rioja et un Bordeaux. Les deux ont de la saveur, chacun à sa manière. La Coupe du Monde des Clubs a pour particularité de réunir des formations des quatre coins du monde juste avant les fêtes de fin d'année.
Elle représente pour ces clubs à la fois une découverte, un défi, une aventure et, pour le vainqueur, la fierté de ramener chez lui un trophée international. “Regardez, là-bas, ce sont les Brésiliens !”, a lancé un supporter du Bayern Munich sur le port de Marrakech, ravi de voir arriver les fans de l'Atlético Mineiro. Un peu plus loin, les supporters mexicains du CF Monterrey enchaînaient les photos souvenirs. Des couleurs, des drapeaux, des chansons et beaucoup d'émotions : voilà les ingrédients du tournoi qui se déroule actuellement au Maroc. La fascination pour ces joutes intercontinentales a débuté en 1951. À l'époque, la compétition intercontinentale s'appelait Copa Rio. Elle opposait seulement les meilleurs clubs d'Europe à ceux d'Amérique du Sud. Ses fondateurs ont refusé jusque dans les années 70 la proposition de la FIFA d'intégrer des équipes africaines. Depuis 2000, année où la FIFA a officiellement mis sur pied la
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LE DÉBAT
“Cette Coupe du Monde des Clubs est une très bonne idée, mais ce n’est qu’un premier pas dans la bonne direction. L’objectif devrait plutôt être la création d’une Ligue des Champions à l’échelle mondiale et se déroulant tout au long de la saison. Ce serait la seule façon de savoir pour de bon quel est le meilleur club du monde.”
LE BILLET DU PRÉSIDENT
“L’année prochaine, je vais aller au Brésil pour assister à la Coupe du Monde. Pour moi, le tournoi au Maroc en est un avant-goût. C’est aussi une belle occasion pour moi de voir jouer mon équipe, l’Atlético.” Antonio Apolinario, Moatize (Mozambique)
Markus Flach, Vienne (Autriche)
“C‘est un tournoi génial. Tout se déroule pour le mieux et nos supporters du Raja de Casablanca mettent une ambiance incroyable. Nous sommes très fiers d’accueillir chez nous tous ces gens venus du monde entier.” Said Maiza, Marrakech (Maroc)
“Je trouve que c’est une bonne idée d’organiser cette Coupe du Monde des Clubs. C’est plus juste que d’organiser, comme par le passé, des rencontres entre le champion européen et le champion sud-américain.”
“Une Ligue des Champions A mondiale”
Matthias Krobath, Zurich (Suisse)
“À mes yeux, la Coupe du Monde des Clubs est une compétition secondaire. Le choix des pays organisateurs montre bien que ce n’est pas un tournoi majeur. Depuis 2005, la Coupe s’est déroulée six fois au Japon et deux fois aux Émirats Arabes Unis. Cette année et l’année prochaine, c’est le tour du Maroc. Pour que je prenne cette compétition au sérieux, il faudrait qu’elle ait lieu dans l’une des grandes nations européennes du football, comme l’Espagne, l’Allemagne, l’Angleterre ou l‘Italie.” Paul Cooper, Sheffield (Angleterre)
“Je suis passionné de football et je ne rate quasiment jamais la retransmission des matches de mon club, Barcelone. J’imagine que je suivrais la Coupe du Monde des Clubs si le Barça y participait. Mais de manière générale, je considère cette compétition comme secondaire. Les grands clubs européens donnent la priorité à la Ligue des Champions et aux championnats nationaux, d’un point de vue sportif mais aussi économique. Le titre de champion du monde des clubs manque (encore) de prestige et de renommée.” Bernd Siegel, Berlin (Allemagne)
“On a besoin d’une Coupe du Monde des Clubs, aucun doute là-dessus. Mais il faudrait que l’événement fasse l’objet d’une plus grande promotion à l’échelle mondiale. On pourrait par exemple mettre en place une coopération avec un partenaire international. N’oublions pas qu’il s’agit de désigner le meilleur club de la planète. Les supporters du monde entier doivent être fiers de leur champion.” Fabio Lenzlinger, Saint-Gall (Suisse)
“La Coupe du Monde des Clubs est unique, il y règne toujours une ambiance incroyable. J’ai déjà assisté plusieurs fois à ce tournoi. Certes, ce titre est moins important pour mon équipe, le Bayern, que pour les autres clubs. Mais nous tenons malgré tout à remporter ce trophée.” Rüdiger Müller, Munich (Allemagne)
“Je me demande si la Coupe du Monde des Clubs est vraiment nécessaire, l’année est déjà tellement surchargée pour les grands clubs. Et comparée à la Ligue des Champions européenne, elle est loin de faire le poids sur le plan sportif.” Stefan Ilgner, Stuttgart (Allemagne)
“La Coupe du Monde des Clubs est secondaire”
Un jalon posé
-t-on besoin d'une Coupe du Monde des Clubs ? La question a fréquemment été posée lorsque la compétition a été lancée. Aujourd'hui, elle n'est plus d'actualité. Quand on voit le sérieux avec lequel les participants abordent le tournoi et le nombre de spectateurs dans les stades marocains, l'importance de cet événement ne fait plus aucun doute. Avec la Coupe du Monde des Clubs, la FIFA a offert au football de club intercontinental une vitrine très attractive. Avant la première édition organisée en 2000, les duels se déroulaient entre les représentants de deux confédérations seulement : la Coupe Intercontinentale opposait le champion de l'UEFA au vainqueur de la Copa Libertadores, la Coupe Afro-asiatique était disputée par les deux champions respectifs et la Copa Interamericana confrontait l'Amérique du Nord et l'Amérique du Sud. Le fait que Manchester United ait renoncé à la Coupe d'Angleterre pour prendre part à cette édition inaugurale prouve que les clubs ont perçu dès le début l'importance de cette compétition. Le tournoi au Maroc, qui constitue une première sur le continent africain, nous donne l'occasion de retrouver le football à son plus haut niveau et sous toutes ses facettes. Les matches, en particulier ceux du Raja Casablanca, le champion du pays hôte, se déroulent dans une ambiance extraordinaire. La compétition pourrait difficilement se dérouler dans un meilleur cadre. La première participation d'une équipe chinoise, Guangzhou Evergrande, avec son entraîneur champion du monde Marcello Lippi, représente un jalon dans l'histoire du football. Aucune autre compétition de clubs n'offre la possibilité d'une confrontation intercontinentale à ce niveau. La Coupe du Monde des Clubs constitue la base du football. Car c'est le football de club qui fournit les talents pour les tournois entre équipes nationales. Vue sous cet angle, la compétition au Maroc représente un bon prologue pour la Coupe du Monde 2014 au Brésil.
Votre Sepp Blatter T H E F I FA W E E K LY
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LE CL ASSEMENT FIFA
La France de retour dans le top 5
Alors que la France a atteint sa meilleure position, la Suède descend
L’édition de décembre du classement mondial féminin reflète, outre
au contraire à son niveau le plus bas depuis l'introduction du classe-
les nombreux matches amicaux impliquant surtout des équipes asia-
ment mondial féminin. Mais il convient surtout de noter, parmi les
tiques, les résultats des 71 matches de qualification disputés ces
dix premiers, la progression constante de la Norvège (8ème, plus 2) qui
quatre derniers mois en Europe en vue de la Coupe du Monde Fémi-
n’avait jamais été aussi bien classée depuis novembre 2010. La plus
nine 2015. Si les quatre premiers conservent leur place en tête de
grande progression du classement revient à Israël (55ème, plus 6), qui
classement, la France (plus 1) se retrouve pour sa part en cinquième
enregistre ainsi son meilleur classement grâce à ses deux victoires
position devant la Suède (6ème, moins 1). Ces deux équipes ne restent
face à Malte (87ème, plus 1) et à la Serbie (44ème, moins 1) dans le cadre
qu’à quelques points d’écart du Brésil, quatrième, et qui, pour la pre-
des qualifications. Quatre équipes, toutes d’Océanie, quittent en re-
mière fois depuis juin 2007, risque désormais sa place au sein des
vanche le classement en raison de leur inactivité, tandis que l’Indo-
cinq premiers.
nésie (68ème) et le Swaziland (112ème) y font leur réapparition.
Pos. Équipe
Évolution
Points
1 États-Unis
0 2228
2 Allemagne
0 2156
3 Japon
0 2071
4 Brésil
0 2031
5 France
1 2027
6 Suède
-1 2021
7 Canada
0 1978
8 Norvège
2 1973
9 Australie
-1 1957
10 RDP Corée
-2 1956
11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21 22 23 24 25 26 27 28 29 29 31 32 33 34 35 36 37 38 39 40 41 42 42 44 45 46 47 48 49 50 51 52 53 54 55 56 57 58
Angleterre Italie Danemark Pays-Bas Espagne Nouvelle-Zélande République de Corée RP Chine Islande Écosse Russie Suisse Finlande Ukraine Mexique République tchèque Belgique Vietnam Autriche Colombie Pologne Thaïlande République d'Irlande Nigeria Roumanie Pays de Galles Hongrie Belarus Chinese Taipei Costa Rica Portugal Myanmar Ouzbékistan Serbie Slovaquie Trinité-et-Tobago Cameroun Ghana Inde Afrique du Sud Guinée équatoriale Jordanie Iran Haïti Israël Bulgarie Irlande du Nord Slovénie
0 0 -1 0 2 3 0 -2 -4 0 0 3 -1 -1 -1 0 0 0 4 0 -1 -1 1 -2 0 1 -1 0 0 0 1 1 3 -1 -4 0 1 1 1 1 1 1 2 3 6 -1 -3 1
1942 1892 1872 1868 1849 1834 1829 1826 1822 1820 1806 1794 1786 1772 1760 1696 1680 1661 1650 1650 1647 1639 1633 1623 1606 1601 1576 1565 1564 1561 1550 1548 1548 1531 1524 1509 1467 1459 1431 1430 1429 1415 1412 1397 1394 1393 1391 1387
Pos. Équipe 59 60 61 61 63 63 65 66 67 68 68 68 71 72 73 74 75 76 77 78 79 80 81 82 83 84 85 86 87 88 89 90 91 92 93 94 94 96 97 98 99 100 101 102 103 104 105 106 107 108 109 110 111 112 113 114 115 116 117
Albanie Panamá Croatie Hong Kong Turquie Kazakhstan Grèce Côte d’Ivoire Îles Féroé Uruguay Indonésie Maroc Estonie Guatemala Bahreïn Bosnie-Herzégovine Philippines Guam Laos Malaisie Sénégal Monténégro Lituanie Zimbabwe Lettonie Palestine Singapour Salvador Malte Éthiopie Luxembourg Honduras Kirghizistan RD Congo Nicaragua Népal Arménie Géorgie Chypre ARY Macédoine Namibie Bangladesh Sri Lanka Liban Maldives Tanzanie Zambie Pakistan Dominique Afghanistan Mozambique Koweït Qatar Swaziland Lesotho Belize Bhoutan Antigua-et-Barbuda Botswana Argentine ** Chili ** Équateur ** Papouasie-Nouvelle-Guinée ** Pérou ** Paraguay ** Azerbaïdjan ** Jamaïque ** Venezuela **
T H E F I FA W E E K LY
Évolution 1 2 2 3 2 3 -7 2 0 1 1 3 -1 0 4 0 0 0 1 2 0 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 2 2 2 5 3 2 4 2 3 3 3 3 3 3 3 3 3 3 4 4 1 2 2 2 2 2
Points 1379 1364 1361 1361 1358 1358 1352 1344 1338 1330 1330 1330 1321 1318 1314 1312 1311 1294 1293 1266 1247 1242 1241 1224 1192 1182 1177 1175 1166 1163 1156 1153 1136 1132 1111 1104 1104 1100 1087 1073 1015 979 965 955 942 941 938 937 906 899 873 870 867 860 837 827 785 757 708 1609 1544 1484 1476 1450 1430 1341 1339 1338
Pos. Équipe Tunisie ** Algérie ** Tonga ** Fidji ** Égypte ** Guyana ** Congo ** Tahiti ** Bolivie ** Rép. dominicaine ** Mali ** Cuba ** Îles Salomon ** Nouvelle-Calédonie ** Bénin ** Moldavie ** Barbade ** Îles Cook ** Suriname ** Vanuatu ** Angola ** Sierra Leone ** Bahamas ** Samoa ** Porto Rico ** Samoa américaines ** Guinée ** Sainte-Lucie ** Érythrée ** Gabon ** Grenade ** St-Vincent-et-les-Grenadines ** Burkina Faso ** Saint-Kitts-et-Nevis ** Ouganda ** Îles Turks-et-Caicos ** Bermudes ** Guinée-Bissau ** Syrie ** Îles Vierges américaines ** Irak ** Liberia ** Îles Vierges britanniques ** Îles Caïmans ** Malawi ** Curaçao ** Aruba ** Comores ** Émirats arabes unis * Kenya *
Évolution
Points 1325 1320 1316 1306 1289 1256 1238 1238 1236 1226 1204 1201 1195 1188 1187 1177 1173 1170 1159 1139 1134 1132 1111 1110 1108 1075 1063 1061 1060 1031 1029 1008 1003 974 965 963 950 927 927 885 882 877 867 847 840 831 803 534 1665 816
** Les équipes n’ayant pas joué depuis plus d’un an et demi n’apparaissent pas dans le classement. * Équipes provisoirement déclassées pour ne pas avoir joué plus de cinq matches contre des équipes officiellement classées. Le Classement mondial féminin de la FIFA a été publié pour la première fois en juillet 2003. Quelque 150 associations membres de la FIFA sont évaluées d’apès plusieurs critères tels que le résultat, l’avantage du terrain, l’importance de la rencontre et la valeur des adversaires. Le classement paraît quatre fois par an. 35
LIVRES SUR LE FOOTBALL
Un petit Titanic Andrea Pirlo est imprévisible, à l’image de ses coups francs. Il raconte sa carrière avec un brin d’ironie, dans une langue élégante.
“Lorsque l’on s’attend à ce que son coup franc contourne le mur, Andrea envoie le ballon par-dessus, comme il a appris à le faire en observant Juninho Pernambucano. Lorsque l’on pense que le ballon va passer par-dessus, Andrea place sa frappe en dessous, au moment où tous les joueurs sautent.” Pirlo n'est pas différent dans la vie de tous les jours. Il a toujours l’air sérieux, avec ses yeux entrouverts. À première vue, il semble calme, voire ennuyeux. Pourtant, ses coéquipiers le décrivent comme un véritable boute-en-train, toujours prêt à faire une plaisanterie ou à raconter une blague. Sa biographie, parue au printemps dernier, a été écrite par le journaliste Alessandro Alciato. La préface, quant à elle, a été rédigée par le sélectionneur italien Cesare Prandelli. Dans cet ouvrage, Pirlo joue cartes sur table. Penso quindi gioco (“Je pense, donc je joue”), publié aux éditions Mandarori, est presque un ouvrage comique. En compagnie de Daniele De Rossi, le meneur de jeu a joué de nombreux tours pendables au pauvre Gennaro Gattuso pendant les mises au vert 36
de l’équipe d’Italie. Son autobiographie nous présente donc une facette inédite de sa personnalité : “Nous nous sommes qualifiés pour la Coupe du Monde 2010 en Afrique du Sud grâce à un nul face à l’Irlande. Le match suivant contre Chypre, qui avait lieu quatre jours plus tard à Parme, avait donc des allures de rencontre amicale. Lippi nous a accordés une soirée de libre à Florence. Nous sommes tous sortis dîner, sauf Gattuso, qui est resté à l’hôtel. Nous sommes rentrés un peu éméchés. Comme nous n’avions pas envie de dormir, nous avons décidé d’aller casser les pieds de Gennaro, qui dormait avec bonnet de nuit sur la tête. Alors que nous grimpions les escaliers, De Rossi s’est emparé d’un extincteur qu’il venait de trouver, avant de s’exclamer : ”Je vais aller refroidir un peu Gattuso.“ Andrea Pirlo nous raconte sa carrière avec un brin d’ironie et dans une langue élégante. Il évoque les larmes qu’il a versées lorsqu’il était enfant. Ses coéquipiers, jaloux de son talent, refusaient de lui passer le ballon. Andrea revient également sur le sacre mondial vécu avec l’Italie en 2006 et sur la Ligue des Champions 2007. Enfin, il aborde la fin dramatique de son aventure à l’AC Milan, après dix T H E F I FA W E E K LY
PIRLO, Andrea (biographie rédigée par Andrea Alciato) : Penso quindi gioco, éditions Mondadori, Milan 2013, 137 pages, 16 €.
années de bonheur et de triomphes. Le livre commence d’ailleurs par cet épisode. On peut y lire des mots surprenants de dureté. “Plaqué. Mis à la porte. Envoyé à la casse. Peut-être archivé, abandonné, enterré. Jeté. Si quelqu’un du Milan voulait se payer ma peau, c’est raté. C’est un naufrage, une sorte de petit Titanic.” En effet, Pirlo a ensuite rejoint la Juventus, une équipe avec laquelle il a gagné deux championnats et deux Super Coupes d’Italie. Le milieu de terrain a également reçu une véritable ovation sur la pelouse du Maracanã, à l’occasion de la Coupe des Confédérations 2013. Enfin, il est le seul Italien à figurer parmi les 23 candidats au Ballon d’Or. Andrea a pris sa revanche sur l’AC Milan.
Maki Galimberti/LUZphoto
Luigi Garlando
LIVRES SUR LE FOOTBALL
Invitation au voyage À l’approche de la Coupe du Monde 2014 au Brésil, les livres consacrés au football se bousculent sur les présentoirs. D’excellente facture, le premier que nous soumettons à votre attention vous propose de partir à la découverte du mythe du football brésilien, en paroles et en images, du Maracanã à Pelé. (mon) Coddou, Reinaldo H. : “O Jogo Bonito. Brasilien – eine fussballverrückte Nation in Bildern”, Spielmacher-Verlag, Mannheim 2013, 232 pages, 35 €.
Football amateur : Les équipes du Sheffield FC et du Stamford AFC s'affrontent sur le Coach and Horses Ground de Dronfield.
Géographie du football Un Néerlandais en Angleterre Dennis Bergkamp est considéré par de nombreux observateurs comme l’un des principaux acteurs de la renaissance de la Premier League. Ancien paradis des amateurs de kick and rush, l’élite anglaise abrite aujourd’hui quelques-unes des équipes les plus techniques au monde. À en croire David Winner, rien de toute cela n’aurait été possible sans l’apport de Bergkamp et d’Arsenal. (mon) Winner, David : “Dennis Bergkamp. Stillness and Speed: My Story”, Atria Books, Londres 2013, 272 pages, 20 £.
Xavier Cervera/Panos
Valeurs actuelles ? À travers l’exemple de Manchester City, cet ouvrage nous propose de mieux comprendre la transformation du football anglais traditionnel en une entreprise de divertissement financée par de puissants investisseurs. Que deviennent les supporters de longue date, lorsqu’un président richissime rachète leur club ? (mon) Conn, David : “Richer Than God”, Quercus Publishing Plc, Londres 2013, 432 pages, 17 £.
Daniel Gray part à la rencontre de l'Angleterre authentique. C'est dans les lieux où l'on joue au football que se révèle véritablement son pays natal, selon lui. Il n'a pas tout à fait tort. Perikles Monioudis Il est de plus en plus difficile d’écrire quelque chose de nouveau sur le football semble-t-il, ou du moins de le faire d'une manière un tant soit peu originale et inspirée. Malgré tout, les tentatives sont nombreuses. Il faut dire que le football est devenu un sujet littéraire à la mode. Si les cercles littéraires sont malheureusement sur le déclin, le football, lui, étend son emprise dans le monde entier. La Premier League vend ses droits télévisuels aux quatre coins du globe. Rien qu’en Birmanie, par exemple, elle touche 40 millions de dollars américains pour un contrat de trois ans. Dans la lutte entre les médias, la télévision a damé le pion aux livres et s'est véritablement emparée de la couverture médiatique du football. Mais ce n'est pas nouveau. Revenons aux livres. Le roman de Nick Hornby Fever Pitch (Carton jaune en français), récompensé par un prix et souvent considéré comme LE livre sur le ballon rond, décrit l’obsession personnelle d'un jeune supporter plus qu’il n’aborde le football comme un phénomène de société. David Peace, dans The Damned United et Red or Dead (voir p. 37) se concentre surtout sur le psychisme de son protagoniste (à travers une biographie romancée de l’entraîneur Brian Clough), ainsi que sur la langue et son rythme. Daniel Gray veut emprunter une nouvelle voie. Il choisit celle de l’expérience personnelle. À l’aube de son 30ème anniversaire, il parcourt l’Angleterre en fuyant les lieux les plus repréT H E F I FA W E E K LY
sentés dans les médias pour s’arrêter dans les petites villes de province. C’est là qu’il trouvera ce qui constitue l’essence du football et qu’il rencontrera des personnes qui, chacune à leur manière, font que ce sport est ce qu’il est : des joueurs de division inférieure qui subissent une défaite, des fanfares qui jouent sur des terrains rocailleux, des adolescents qui engloutissent des fish and chips sur le bord de la pelouse. Au cours de son périple, il verra aussi l’océan, une épaisse forêt, des collines, une autoroute, des vestiaires dans des préfabriqués délabrés et ornés de pancartes décrépies… Dans les petites villes anglaises, Gray exhume ce qu'on pourrait appeler “le football populaire”, par opposition au football fastueux et médiatisé. C’est là qu’il retrouvera sa chère et authentique Angleterre.
GRAY, Daniel : Hatters, Railwaymen and Knitters. Travels through England’s Football Provinces. Bloomsbur y, Londres 2013, 320 pages, 13 £. 37
The best footballer of 2035
was born today. But where?
The FIFA Ballon d’Or is the highest accolade any footballer can hope to receive, a prize to which players all over the world aspire. FIFA takes great pride in being able to offer guidance to thousands of young players around the world through its grassroots programmes. FIFA promotes football skills, equality and fair play and helps to develop the football stars of tomorrow. www.FIFA.com
LIVRES SUR LE FOOTBALL
David Peace : “Red or Dead”, Faber & Faber, Londres 2013, 736 pages, £ 20.–
Anfield Road, décembre 1964: Lˇentraîneur de Liverpool Bill Shankly aide à préparer le terrain avant un match contre Sunderland.
Les rituels profonds du football Cette année, aucun livre de football n’aura autant divisé les critiques que “Red or Dead”, le roman de David Peace sur le grand Bill Shankly, ancien entraîneur de Liverpool.
Bullspress/Mirrorpix
David Winner D’aucuns le considèrent comme un chef d’œuvre. Pour d’autres, l’hagiographie consacrée à l’homme qui a transformé l’une des plus mauvaises équipes de deuxième division anglaise en ogre planétaire relève tout juste du lisible. En fonction du point de vue, les deux interprétations sont légitimes. À une époque où les clichés font florès et où la capacité d’attention fait défaut, “Red or Dead” n’a rien d’un livre facile à lire. Mais il présente l’intérêt de repousser les limites du possible en matière de littérature sportive. Il y a dix ans, Peace était considéré comme l’un des romanciers les plus prometteurs de Grande-Bretagne et ses polars sombres se vendaient comme des petits pains. Il a ensuite fait le choix du football avec “The Damned United”, merveilleuse chronique retraçant les 44 jours passés par Brian Clough à Leeds United. Avec son récit où s’entrecroisaient le passé et le présent de Clough, l’ouvrage se présentait comme un grand ruban d’ADN. Mais ce qui était audacieux à l’époque relève aujourd’hui du banal
à l’aune des choix effectués pour narrer l’accession de Shankly au panthéon du football. Peace y décrit la poursuite obsessionnelle du succès du bonhomme tout au long des 730 pages, en revenant inlassablement sur certains points et en accumulant des futilités qui prennent progressivement toute leur importance. Pas un match, pas une plaisanterie, pas un geste bienveillant ne sont passés sous silence. Voici un exemple : “Bill attendait que le jour se lève, Bill attendait la lumière. Et Bill s’est levé de son lit. Bill s’est rasé, Bill s’est lavé. Bill a mis son costume, Bill a mis sa cravate. Et Bill a descendu les escaliers. Bill a pris son petitdéjeuner avec Ness et les filles. Bill les a embrassées. Bill est sorti de la maison, Bill est monté dans la voiture. Et Bill a traversé les Pennines. Il a dépassé Manchester. Jusqu’à Liverpool. À Anfield.” Au début, j’ai eu envie de jeter le livre en travers de la pièce. Mais progressivement, la magie a fait son œuvre. J’insiste sur le fait que ce n’est pas de la littérature footballistique classique, mais plutôt des incantations hypnotiques. C’est davantage de la musique que de la prose. (D’ailleurs, le livre marche mieux quand on lit à voix haute.) T H E F I FA W E E K LY
Plus tard, pour décrire la décision de Shankly de remplacer les culottes et les chaussettes blanches utilisées par Liverpool à l’époque, Peace utilise le mot “rouge” à 61 reprises en quelques pages. La phrase “in red, all in red” (en rouge, tout en rouge) revient treize fois dans un même paragraphe. Après le premier match dans la nouvelle tenue, Peace fait dire à Shankly : “Vous les avez engloutis comme un feu. Comme un feu tout rouge, les gars. Vous étiez rouges comme le feu. Rouges comme le feu, les gars. Tous. Chacun d’entre vous, les gars. Comme le feu de la révolution. C’est ce que vous étiez aujourd’hui, les gars. Vous étiez le feu rouge de la révolution….” L’attention qu’il accorde aux moindres détails de la vie quotidienne de Shankly facilite la transition vers les instants pathétiques qu’il vivra après son départ malavisé de ce club dont il a contribué à construire la légende. Page après page, il passe alors son temps à laver sa voiture. Là où les ouvrages classiques portant sur le football se centrent sur des faits, des événements et des opinions, Peace a préféré révéler les rythmes profonds et les rituels qui l’articulent. Dans les années 1960, pendant que Shankly refondait le jeu, le réalisateur Sergio Leone utilisait des codes similaires pour réinventer un autre art. Leone a ramené le western, genre à bout de souffle, à ses archétypes fondamentaux. Il a utilisé la puissance de l’image et de la musique pour donner à ses créations “spaghetti” le côté solennel d’un grand opéra. Peace en a fait de même avec ses mots. Et il y a fort à parier que personne ne parviendra à écrire sur le football comme il vient de le faire. 39
Reuters
First Love
Lieu : Shenyang, Chine Date : 20 décembre 2010 Heure : 9h40
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HISTORIQUE
Le football, ce n’est pas la guerre Durant les trêves qui rythmaient la guerre de positions de la Première Guerre mondiale, il n’était pas rare de voir les soldats anglais et allemands jouer ensemble au football. Il faut dire que le beau jeu est coutumier de ce genre de miracles.
Xavier Breuil
ball dans les tranchées, ils se rappelaient les temps paisibles Front des Flandres, 25 décembre d’avant-guerre comme le rappellera 1914. Près du village français de dans ses carnets de guerre le miliFrelinghien, à la frontière belge, les tant pacifiste et joueur de football français Henri Dispan de Floran. soldats allemands du 133ème régiment Royal Saxon entonnent des Ce refus de la guerre par le chants de Noël. Puis quatre d’entre monde du football s’observe aussi en Angleterre, seul pays où le footeux sortent de la tranchée totalement désarmés pour aller à la ball était déjà professionnel et forrencontre de leurs ennemis britantement développé avant 1914. Le gouvernement britannique organiques du 2e Scots Guards. Entre Près de Dale Barracks à Chester: Les soldats allemands et gallois célèbrent à les tranchées, dans le “No Man’s nisait des campagnes de recruteleur manière la trêve de Noël (non daté). Land”, soldats des deux camps ments pendant les mi-temps de matches de Premier League profraternisent : échange de souvenir, de tabac, de chocolat, de schnaps mais aussi de réunit des acteurs européens comme Diane fessionnel. Des affiches de propagande étaient aussi placardées autour des stades pour encouchants. Symbole de cette trêve de Noël : un Kruger, Guillaume Canet, Gary Lewis ou encore match de football. Un Ecossais apporte un balDaniel Brühl. rager les fans de football à s’engager. Aux alenL’attitude des soldats du Front faisait ainsi lon et des casquettes sont posées à terre pour tours de Stamford Bridge, le terrain de Chelsea, écho aux positions pacifistes qu’avait adopté la délimiter le terrain et les buts. Les témoignages on pouvait lire par exemple ceci : “Veux-tu FIFA depuis sa création ou presque. Entre 1908 publiés dans la presse britannique comme le devenir un dur à cuir de Chelsea? Si oui, rejoint et 1914, tous les rapports d’activité de l’organiDaily Telegraph ou l’Evening News divergent le 17e bataillon du Middlesex Regiment, ( …) et alors. Selon certain, il s’agissait d’une véritable sation rappelaient que le football était “un suis la direction indiquée par tes joueurs de rencontre remportée par trois buts à deux par faiseur de paix” pour reprendre les termes football préférés”. les Allemands. Pour d’autres, on assista plus à exacts employés par le secrétaire général de Mais la propagande auprès des joueurs et une rencontre sans enjeu et sans buts qui avait l’époque, le Néerlandais Hirschmann. Le 28 juin supporters de football n’a pas rencontré le pour objectif de renforcer la fraternisation 1914, soit le jour-même de l’assassinat de Fransuccès escompté car la plupart rechignèrent à entre les deux camps et de célébrer le court çois-Ferdinand à Sarajevo qui allait déclencher se rendre au front. Un refus de la guerre qui la Première guerre mondiale, le XIe congrès de vaut au monde du football d’être vivement moment de paix. Dans tous les cas, l’épisode rappelle la capala FIFA réunit à Oslo adoptait la déclaration critiqué par une partie de l’Angleterre. Le jourcité du football à réunir et faire dialoguer des pacifiste suivante : “Le Congrès se déclare désinal The Times sera l’un des plus virulents peuples et nations qu’à priori tout oppose. reux de soutenir toute action visant à rappropuisqu’il n’hésita pas à associer les footballeurs D’autres matches spontanés se déroulent le à des lâches. Finalement, le gouvernement bricher les nations les unes aux autres et à rempla25 décembre 1914 ailleurs sur le front des cer la violence par l’arbitrage dans le règlement tannique imposa en 1916 la circonscription ce Flandres, du côté belge cette fois. Des soldats de tous les conflits qui pourraient qui obligea tous les hommes du pays, y compris allemands qui auraient travaillé en Angleterre survenir entre elles”. les membres de la famille du football, à comet y auraient assisté à des rencontres de footUne volonté pacifique que l’on retrouve ausbattre un peu partout en Europe. ball, prennent l’initiative de proposer des parsi après la trêve de Noël 1914. Au sien de la Les matches de football de Noel 1914 ne grande famille du football d’alors, on trouve ties de football aux soldats britanniques, faisaient donc que valider ou annoncer la bien quelques personnes en Europe qui escomme à Saint-Yvon, sur la commune actuelle tendance des années de guerre : “le football, de Ploegsteert, en Wallonie, ou encore près de c’est la paix poursuivie par d’autre moyens”. sayent de démontrer l’importance du ballon C’est aussi pour cette raison que les gouverrond dans la préparation et la victoire miliMessines, village situé de l’autre côté de la fronnements actuels de Belgique, de France et du tière linguistique, en Flandres. Autant de taires. En agissant ainsi, ils souhaitaient profimatches de football qui furent immortalisés en ter de la guerre pour faire la promotion du footRoyaume-Uni souhaitent intégrer un match 2002 par le dessin animé anglais de Dave ball et son utilité auprès des pouvoirs publics. de football dans les commémorations du cenUnwin, War Game, réalisé d’après le roman Mais la majorité des joueurs, dirigeants et tenaire de la Grande guerre qui se dérouleéponyme de Michael Foreman. Ou encore par le supporters qui étaient au front utilisèrent leur ront en 2014, histoire de rappeler le rôle joué cinéaste français Christian Caron et son film sport favori pour échapper à l’univers de la par le ballon rond dans la pacification des “Joyeux Noël”, une production de 2005 qui guerre et de ses souffrances. En jouant au footsociétés européennes. Å 42
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HISTORIQUE
Getty Images
Tableau de Gilbert Holliday: Ami et ennemi reprennent leur souffle sur le front en 1915.
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THE SOUND OF FOOTBALL
L’ O B J E T
“Eisern Union” Hanspeter Kuenzler
Durant les fêtes de Noël, le Stadion an der alten Försterei de l'Union Berlin, un club de deuxième division allemande, devient un lieu unique en son genre. Onze ans sont passés depuis le premier concours de chants de Noël organisé par les supporters de l'Union. Le club traversait alors une période extrêmement difficile sur le plan sportif. À l'issue du dernier match avant la veillée de Noël, le moral des supporters était si bas que ceux-ci s'étaient séparés sans même échanger leurs vœux. Un certain Torsten Eisenbeiser s'est ému de cette situation. Il a donc appelé quelques amis pour leur proposer de se retrouver devant les portes du stade et de chanter quelques chansons de circonstance. Quatre-vingtneuf personnes ont répondu à l'appel. L'année suivante, le groupe était encore plus important. La troisième année, le 44
club, toujours aussi proche de ses supporters, s'est officiellement associé à cette initiative. Ce grand rendez-vous annuel réunit désormais plus de dix mille fans. Le spectacle dure toujours 90 minutes, sans compter le temps additionnel. Chaque participant reçoit un petit cierge et une brochure compilant les textes des chansons au programme. Cette année, l'événement a lieu le 23 décembre à 19h00 (ouverture des portes à 17h). Ces festivités correspondent parfaitement à l'image d'un club dont les supporters sont connus pour leur sens aigu de la solidarité. En 2004, l'Union était au bord de la faillite. Immédiatement, les fans ont organisé une action de don du sang. Les bénéfices ont été intégralement reversés au club. Quatre ans plus tard, il a fallu reconstruire une partie du stade. Cette fois, 2400 personnes ont travaillé bénévolement pendant 300 jours pour
réaliser ce projet. L'histoire de l'Union Berlin remonte à la guerre froide. Le club a été fondé en 1966, comme une alternative au Dynamo Berlin, dirigé par le chef de la police secrète. À chaque coup franc, les supporters criaient : “Faites tomber le mur !” Aujourd'hui, l'hymne officiel du club, “Eisern Union”, est interprété par la célèbre chanteuse punk allemande Nina Hagen. Æ
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L’être humain agence son univers de manière à ce qu’il ait un sens pour lui. À partir de fragments – ses propres expériences et idées, mais aussi celles des autres – il crée une image qui lui apporte satisfaction. Les puzzles sont l’expression la plus évidente de cette démarche constructiviste. Après avoir étalé les pièces sur la table, on commence par assembler les bords, avant de se rapprocher du centre. On devine à quoi ressemblera le résultat avant même d’avoir terminé, grâce au modèle sur la boîte. Dans le cas qui nous intéresse, l’image est celle du footballeur Tommy Lawton en pleine action. Lawton compte parmi les plus grands noms du football britannique. Même l’emblématique Stanley Matthews n’hésitait pas à dire qu’il était le meilleur. Après avoir grandi à Bolton au lendemain de la Première Guerre mondiale, l’avantcentre fait ses premiers pas dans l’élite anglaise à l’âge de 17 ans, sous les couleurs d’Everton. Un an plus tard, en 1938, il est sélectionné pour la première fois en équipe nationale. Son penalty inscrit face au Pays de Galles ne suffit pas : l’Angleterre s’incline 4:2. Son image de footballeur commence alors à prendre forme, mais la guerre éclate à nouveau. Lawton sert son pays en devenant entraîneur de sport dans l’armée et continue à jouer au football. Le 25 décembre 1940, il entre sur la pelouse d’Anfield Road pour défendre les couleurs d’Everton face à Liverpool, avant de rejoindre, l’aprèsmidi même, les rangs des Tranmere Rovers face à Crewe. “Dans les vestiaires, les membres de l’équipe de Tranmere ont demandé si quelqu’un voulait jouer pour eux. Il leur manquait deux joueurs. Je me suis manifesté”, explique alors Lawton. Par la suite, Lawton évolue sous les couleurs de Chelsea et d’Arsenal. Il termine sa carrière chez les Gunners en 1955, à 35 ans. Sélectionné à 46 reprises en équipe nationale, Lawton meurt à 77 ans des suites d’une pneumonie, en novembre 1996. Il a néanmoins pu vivre l'Euro 1996 sur le sol anglais et le sacre de l’Allemagne grâce au but en or d’Oliver Bierhoff. Ce moment est l’une des toutes dernières pièces du puzzle Tommy Lawton. La boîte qui va avec fait partie de la collection de la FIFA. Å
Sion Ap Tomos
Perikles Monioudis
LE TOURNANT
"J'ai vu des taches noires et des étoiles" Tout au long de sa carrière, Hannu Tihinen a encaissé un grand nombre de coups sur la tête. Mais il ne regrette pas une seule minute passée sur le terrain.
Melanie Duchene/EQ Images
J
'ai subi ma première commotion cérébrale à l'âge de 14 ans, alors que je jouais en salle, dans le nord de la Finlande. Ma tête a cogné le sol et j'ai immédiatement perdu connaissance. Ça a été le début d'une longue série. Au cours de ma carrière en Norvège, en Belgique et en Suisse, j'ai reçu de nombreux coups violents sur la tête et j'ai été transporté inconscient hors de la pelouse à plusieurs reprises. Évidemment, un défenseur aussi grand que moi et possédant mon style de jeu ne pouvait pas éviter ce genre de blessures, elles font tout simplement partie du football. Je me suis cassé deux fois le nez et deux fois la pommette. Certaines de ces blessures étaient dues à des coups de coude. Heureusement, en 2006, la FIFA a décidé de sanctionner ce type de fautes par un carton rouge. C'est une très bonne chose. Même s'il est difficile de connaître l'intention d'un joueur, son coude n'a rien à faire à proximité de la tête de son adversaire. Mais en fin de compte, ce ne sont pas ces coups qui m'ont causé le plus de blessures. Ce sont les situations de jeu tout à fait normales : les un contre un, les chocs tête contre tête. Il y a un moment en particulier que je n'oublierai pas. C'était en 2007, à Berne, alors que je jouais avec le FC Zurich contre les Young Boys. Lors d'un duel aérien dans la surface de réparation, mon adversaire m'a heurté violemment à l'arrière de la tête, ce qui m'a occasionné une blessure ouverte. Le gazon s'est couvert de sang. Pendant mon évacuation, j'avais l'impression que les doigts du médecin du club entraient dans ma tête. Je lui répétais sans cesse : "Je vais le faire moi-même, je vais le faire moi-même. Retire ta main de là." Un an plus tard, en Coupe d'Europe contre le Sturm Graz, j'ai à nouveau perdu connaissance à la suite d'un coup et je me suis dit que ça ne pouvait plus continuer. J'ai une famille et je voulais pouvoir passer du
Nom : Hannu Tihinen Date et lieu de naissance : 1er juillet 1976, Keminmaa (FIN) Poste : Défenseur central Clubs : 1993-1996 KePS 1997-2000 HJK Helsinki 2000-2002 Viking Stavanger (NOR) 2001 West Ham United 2002-2006 Anderlecht 2006-2010 FC Zurich Équipe de Finlande : 76 sélections, 5 buts
temps avec elle après ma carrière de joueur, discuter avec mes fils, jouer au football avec eux. Un médecin de Zurich m'a montré qu'il existait des protections pour la tête adaptées aux footballeurs. J'étais ravi ! En portant une telle protection, j'ai repris confiance en moi. Si seulement j'avais découvert ça plus tôt ! En 2010, j'ai dû me résoudre à raccrocher les crampons. Lors d'une rencontre contre le FC Aarau, j'ai fait une tête à la 75ème minute et j'ai vu tout à coup des étoiles et des taches noires. Il s'agissait d'une situation banale, mais je n'ai plus été capable de différencier mes coéquipiers de mes adversaires. Ça a été le quart d'heure le plus difficile de toute ma carrière. Là, j'ai compris : c'était terminé ! Avec ou sans protection pour la tête, je ne voulais plus prendre de risques. T H E F I FA W E E K LY
Malgré toutes ces lésions, je ne regrette rien. Pas une seule minute. J'ai vécu des moments incroyables, j'ai été champion de Finlande, de Belgique et de Suisse. J'ai marqué deux superbes buts en Ligue des Champions, dont un du talon contre Milan, à San Siro. Je suis très reconnaissant pour tout ce que le football m'a apporté. Cette partie de ma vie est un véritable cadeau. Å Propos recueillis par Sarah Steiner
Dans la rubrique “Le Tournant”, de grands noms du football reviennent sur les moments qui ont marqué leur vie. 45
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COUPE MYSTÈRE DE L A FIFA
The FIFA Weekly Revue hebdomadaire publiée par la Fédération Internationale de Football Association (FIFA)
Une rose pour Zizou ou pour le Texas ? Le rideau tombe sur notre dernier mystère de l’année !
Site Internet : www.FIFA.com/TheWeekly Éditeur : FIFA, FIFA-Strasse 20, Postfach, CH-8044 Zurich, Tél. : +41-(0)43-222 7777 Fax : +41-(0)43-222 7878
Quelle équipe nationale arbore une rose sur son maillot ?
1
D Russie N Mexique
Président : Joseph S. Blatter
H France R Angleterre
Secrétaire Général : Jérôme Valcke Directeur de la Communication et des Affaires publiques : Walter De Gregorio
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Il arrive que les patronymes de certains joueurs ne s’écrivent pas de la même manière à l’étranger. De qui s’agit-il ?
Rédacteur en chef : Thomas Renggli
A
I
O
U
Conception artistique : Markus Nowak Rédaction : Perikles Monioudis (rédacteur en chef adjoint), Alan Schweingruber, Sarah Steiner Collaborateurs réguliers : Jordi Punti (Barcelone), David Winner (Londres), Hanspeter Kuenzler (Londres), Roland Zorn (Francfort), Sven Goldmann (Berlin), Sérgio Xavier Filho (São Paulo), Luigi Garlando (Milan)
3
Le nom de ce pays est écrit en anglais sur le maillot de son équipe nationale. De quelle nation s’agit-il ?
Service photo : Peggy Knotz Production : Hans-Peter Frei (directeur), Richie Krönert, Philipp Mahrer, Marianne Crittin, Mirijam Ziegler, Peter Utz, Olivier Honauer Correction : Nena Morf Ont collaboré à la rédaction de ce numéro : Tatjana Haenni, Xavier Breuil Secrétaire de rédaction : Loraine Mcdouall Traduction : Sportstranslations.com
D Cameroun
4
F Italie
P Espagne
S Belgique
Le “Match du siècle” s’est disputé devant 135 000 spectateurs. Quel était le score final ? E K P T
Grande-Bretagne – Reste de l’Europe Rio de Janeiro – Amérique du Nord Taïwan – Texas URSS – Real Madrid
6:1 7:2 4:4 8:5
Responsables de projet : Bernd Fisa, Christian Schaub Impression : Zofinger Tagblatt AG www.ztonline.ch Contact : feedback-TheWeekly@fifa.org La reproduction des photos et des articles, y compris sous forme d’extraits, est interdite, sauf accord de la rédaction et sous réserve de la mention “© The FIFA Weekly, 2013”. La rédaction n’a aucune obligation de publier des textes ou des photos non sollicités. Le logo FIFA est une marque déposée. Produit et imprimé en Suisse.
Solution de l’énigme de la semaine précédente : CLUE (explications détaillées sur FIFA.com/theweekly). Inspiration et application : cus
Faites-nous parvenir vos réponses le 27 décembre 2013 au plus tard à feedbackTheWeekly@fifa.org. Les concurrents qui auront correctement répondu à toutes les questions jusqu’au 31 décembre 2013 participeront à un grand tirage au sort pour tenter de remporter deux billets pour assister au Gala FIFA Ballon d’Or 2013, qui aura lieu le 13 janvier 2014. Avant de participer, nous vous invitons à consulter les conditions générales, ainsi que le règlement de la compétition. Vous trouverez toutes les informations utiles à cette adresse : fr.fifa.com/aboutfifa/organisation/the-fifa-weekly/rules.pdf. T H E F I FA W E E K LY
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DEM ANDE Z À L A F IFA !
LE SONDAGE DE L A SEMAINE
Jouer à Noël, est-ce une bonne idée ?
Quel est le club qui compte le plus de membres ? Eric Bolliger, Küsnacht (Suisse)
POPULAIRE
La Premier League est le seul grand championnat européen qui ne connaît pas d'interruption entre Noël et le Nouvel An. Les championnats allemand, italien et espagnol devraient-ils également continuer à jouer pendant cette période ?
58+42
R É S U LTAT S D E L A S E M A I N E D E R N I È R E : Le Bayern Munich remportera-t-il la Coupe du Monde des Clubs 2013 ?
NON
OUI
42%
58%
VIRTUEL
43,113 35,2 millions de buts ont
LE NOUVE AU MAGA ZINE DE FOOTBALL The FIFA Weekly paraît tous les vendredis en version papier et électronique (www.Fifa.com/TheWeekly). En plus de proposer des informations sur les plus grandes stars et les plus beaux buts, le magazine ouvre le jeu vers les lecteurs. Envoyez vos réactions à : feedback-TheWeekly@fifa.org
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LUXUEUX
C'est la moyenne de specta-
déjà été inscrits par
teurs des matches des
Cristiano Ronaldo
Glasgow Rangers en
dans le jeu vidéo FIFA
troisième division écos-
14. Le Portugais
65 chambres réparties dans 13
saise. Ce club historique,
profite (également) du
bâtiments. Faute de trouver des
relégué au quatrième
fait qu'il joue dans
installations satisfaisantes, la
échelon il y a un an et demi
l'équipe la plus utilisée
Fédération allemande a décidé de
en raison de problèmes
virtuellement. Près
faire construire son propre "Camp
financiers, est en tête du
de 720 000 adeptes
Bahia" à 30 km au nord de Porto
classement après 15 journées,
ont ainsi fait du
Seguro. Rio de Janeiro, lieu de la
sans avoir perdu un seul
Real Madrid leur club
finale où l'Allemagne pourrait
point. (Photo : le meilleur
préféré.
décrocher sa quatrième couronne
buteur John Daly)
(Photo : Ronaldo)
mondiale, se trouve à 1100 km.
48
Le camp de base allemand pour la Coupe du Monde comprendra
T H E F I FA W E E K LY
Getty Images
Réponse de Thomas Renggli, rédacteur en chef : D'après les dernières enquêtes, il s'agit du Benfica Lisbonne, le club le plus titré du Portugal, avec 224 000 membres. En plus du football, ce club omnisport possède des sections basket, rink hockey, cyclisme, volley et handball. Le Bayern Munich termine de peu à la deuxième place, avec 223 985 membres. Le FC Barcelone en compte quant à lui 177 246.