Histoire27

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LA RECHERCHE DE

NÉFERTITI

À

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AOÛT-SEPTEMBRE 2016 - LES NOUVEAUX MYSTÈRES DE L’ÉGYPTE

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H NUMÉRO 27

AOÛT-SEPTEMBRE 2016 – BIMESTRIEL – NUMÉRO 27

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de l’Egypte LES NOUVEAUX MYSTÈRES

LE SECRET DE LA GRANDE PYRAMIDE L’ÉNIGME TOUTANKHAMON



É

DITORIAL

© VICTORE PASTOP

Par Michel De Jaeghere

LA BELLE EST VENUE

L

es inscriptions ont magnifié à l’infini, de son vivant, son visage. On en a conservé, miraculeusement l’effigie. Elle fut l’épouse du pharaon qui répudia, soudain, le polythéisme millénaire, en même temps que l’espérance d’une vie surnaturelle outre-tombe, pourtant constitutive de la civilisation égyptienne. Ses représentations témoignent de la virtuosité d’un art parvenu à son apogée. Elles l’ont immortalisée comme l’archétype de la beauté même. Célébrée comme l’incarnation de l’élégance, l’éternel féminin. C’est ce que signifiait son nom, « la belle est venue » : Néfertiti. Sa naissance avait, peut-être, répondu à une prière fervente à la déesse Hathor. Son mariage avec Akhenaton avait été tenu pour un titre de gloire par le pharaon. Elle ne fut pas l’une de ses épouses ordinaires, moins encore l’une des concubines de son harem, mais bien la grande épouse royale, partageant les honneurs dus au souverain. « Grande dans le palais, celle au beau visage, lit-on sur les stèles monumentales taillées dans la falaise qui tiennent lieu de bornes frontières à la ville nouvelle qu’il avait fait surgir du désert, jolie avec la double plume, maîtresse de joie, d’entendre la voix de laquelle on se réjouit, maîtresse de grâce, dont l’amour est grand, qui a une manière d’être dont se complaît le maître des deux pays. » On a douté de la fidélité de ses portraits, tant ils nous paraissaient d’une perfection irréelle. On dispute du nom de ses parents, de l’identification de sa momie, de la localisation de sa tombe. Certains égyptologues la cherchent. D’autres affirment que cette quête est vaine : la reine morte ne serait autre que la Young Lady retrouvée en 1898 dans la Vallée des Rois. Néfertiti est au cœur d’un impénétrable entrelacement d’énigmes, en même temps que l’objet de controverses archéologiques qui ont la saveur d’enquêtes policières. Le buste qui l’a rendue célèbre et qui fait aujourd’hui la gloire du musée de Berlin a été enlevé par l’Allemagne dans des conditions discutées, discutables. Son inventeur, l’archéologue Ludwig Borchardt, ne s’est jamais expliqué clairement sur les circonstances de sa découverte à Tell el-Amarna, en 1912. Il avait obtenu l’autorisation de l’exporter en l’absence de Gaston Maspero qui dirigeait alors le service des Antiquités égyptiennes. On n’avait pas retiré la pellicule de saleté dont la statue était recouverte, et on l’avait présentée dans une caisse au milieu d’une série d’ébauches de plâtre sans relief. Les autorités égyptiennes l’ont réclamée en vain depuis 1925. Hitler comptait en faire la Joconde du musée qu’il avait chargé Albert Speer d’édifier au cœur de Berlin. Le portrait a au contraire été dénoncé récemment (sans convaincre) par un historien d’art comme une contrefaçon moderne.

Néfertiti est aujourd’hui au cœur d’une enquête spectaculaire, par quoi l’archéologue Nicholas Reeves espère trouver sa dépouille dans une chambre inconnue du plus célèbre des tombeaux de la nécropole de Thèbes : celui de son fils, Toutankhamon. Comme s’il était écrit qu’elle était vouée au mythe, à la légende. Aux mystères qui font pour nous de l’Egypte ancienne un constant objet de fascination. Le paradoxe est qu’elle est aussi l’un des personnages qui nous rend proche ce monde étrange et parfois aussi indéchiffrable que ses hiéroglyphes au profane. Sa beauté nous est familière. Sublimée par l’esthétique amarnienne, avec son cou gracile, ses yeux immenses, en amande, son sourire retenu par un pli souverain, elle a inspiré Liz Taylor et Audrey Hepburn. La fresque où elle apparaît, main dans la main avec Akhenaton, pleurant devant le lit funéraire où gît le corps sans vie de leur fille, nous touche par l’abandon inattendu de tout hiératisme. Elle exprime une sensibilité dont on douterait, sans elle, qu’elle ait pu dominer des personnages qui nous semblent, à l’accoutumée, éternellement sereins. Elle manifeste la permanence des émotions qui étreignent le cœur humain. Le baiser passionné qu’échangent, ailleurs, les époux royaux sur un char anticipe, à nos yeux, l’émancipation provocante des First Ladies contemporaines. Sans doute y a-t-il quelque anachronisme à céder à ces sentiments. N’empêche : ces scènes attestent que Néfertiti fut, pour ce singulier pharaon, plus que l’épouse conventionnelle dont l’histoire de l’Egypte avait offert, avant elle, tant d’exemples. Plus qu’une promesse de plaisir, un gage de fécondité et l’agent de la continuité dynastique du maître. On sait, par les inscriptions de Tell el-Amarna, qu’elle participait au gouvernement. Qu’elle en était partie prenante. Elle est parfois montrée sacrifiant seule au dieu Aton, sur un pied d’égalité presque parfaite avec Akhenaton. Il arriva même qu’on la représente avec la couronne bleue des pharaons. Qu’on la désigne dans un double cartouche, à quoi avait seul droit le souverain. « Nulle reine, remarque Pascal Vernus dans son formidable Dictionnaire amoureux de l’Egypte pharaonique (Plon), ne s’est vu attribuer un rôle aussi éminent. » Un détail dit tout ce qui fait d’elle une reine à nulle autre pareille. Il se trouve sur les restes du sarcophage d’Akhenaton, découvert, fracturé, dans son tombeau de Tell el-Amarna. Elle y apparaît aux quatre angles, là où figuraient d’ordinaire les divinités protectrices du défunt. C’était dire qu’elle n’avait pas été, à ses yeux, seulement souveraine. Plus que cela : sa Providence, son ange gardien.


© TOBY MELVILLE/REUTERS. © HELENE BAMBERGER/LE FIGARO MAGAZINE.

ACTUALITÉ DE L’HISTOIRE

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OMMENT L’ANGLETERRE C EST DEVENUE UNE ÎLE ET SI LE BREXIT N’AVAIT RIEN D’ÉTONNANT ? POUR QUI SE PENCHE SUR L’HISTOIRE DE LA GRANDE-BRETAGNE, IL N’EST AU FOND QUE LE DERNIER AVATAR D’UNE TRADITION MILLÉNAIRE DE FAROUCHE INDÉPENDANCE ET D’ORGUEIL NATIONAL.

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L E FIN MOT DE L’HISTOIRE « OÙ VA L’HISTOIRE ? » SE DEMANDE EN PHILOSOPHE RÉMI BRAGUE, DANS UN LIVRE PASSIONNANT. EN RENONÇANT À EN TIRER AUCUNE LEÇON POUR LE PRÉSENT, LA MODERNITÉ FAIT LE LIT D’UNE MÉMOIRE DU PASSÉ, GLISSANTE ET INSTRUMENTALISABLE.


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EXPOSITIONS

ET AUSSI LE PSF EN APPEL

L’ISLAM À LA LETTRE CÔTÉ LIVRES LE DÉMIURGE ET LE JARDINIER LE ROULEAU D’ARENBERG ARCHÉOLOGIE À LA TABLE DE L’HISTOIRE

© MUSÉE LORRAIN, NANCY/PHOTO M. BOURGUET. © FONDATION D’ARENBERG.

LE FIGARO HISTOIRE A SÉLECTIONNÉ LES EXPOSITIONS D’ÉTÉ QUI, AUX QUATRE COINS DE LA FRANCE, FONT REVIVRE L’HISTOIRE ET SES SECRETS : DU PALAIS DES DUCS DE LORRAINE À NANCY AUX SOUVENIRS DU MARIAGE DE LOUIS XIV AU MUSÉE BASQUE ET DE L’HISTOIRE DE BAYONNE.


À

L’A F F I C H E Par Jean-Louis Thiériot

8 h

l’Angleterre est devenue une île

Pour beaucoup, le Brexit a été une surprise immense. Toute l’histoire britannique se confond pourtant avec la recherche d’une voie propre, entre indépendance de principe, méfiance vis-à-vis du continent et patriotisme venu du fond des âges.

O

n a tellement pris l’habitude de voir l’Union Jack flotter devant le parlement européen de Strasbourg ou le Berlaymont de Bruxelles que le Brexit fait figure de surprise inouïe. Depuis 1973, le Royaume-Uni faisait partie de la CEE, ancêtre de l’Union européenne. Une éternité ! A l’échelle d’une vie d’homme, quarante-trois ans c’est long. Mais à l’échelle millénaire d’une nation, c’est court, très court. Car, observée à la lumière de la longue durée, l’histoire britannique révèle en réalité une voie singulière, caractérisée par l’indépendance, la recherche de l’intérêt national à tout prix, le culte du grand large, l’esprit entreprenant, la vocation impériale, la réserve vis-à-vis du continent et surtout un orgueil serein qui retentit dans les ombrageux échos de l’hymne, Rule, Britannia ! (« Que règne la Grande-Bretagne ! »). L’étranger qui séjourne à Londres est frappé de stupeur lorsque, chaque année, la foule l’entonne en chœur lors de la soirée de clôture des Proms, le festival de musique classique de la BBC. Un patriotisme qu’on dirait venu du fond des âges ! Douze dates symboliques jalonnent l’histoire du Rule, Britannia. En comprendre l’esprit ôte beaucoup au mystère du Brexit.

© EMMERSON/RHPL/ANDIA. © STEFAN WERMUTH/REUTERS.

ACTUALITÉ DE L'HISTOIRE

Comment


409 : LA BRETAGNE SORT DE L’OIKOUMENÉ ROMAINE

Cette année-là, la Bretagne sort de l’Empire romain. Depuis qu’en 55 av. J.-C., Jules César avait franchi la Manche à la tête de ses légions, l’île avait progressivement rejoint l’oikoumené romaine. Elle avait été militairement conquise, à partir de 43 apr. J.-C., à l’initiative de l’empereur Claude. La conquête s’était achevée quarante ans plus tard, sous l’empereur Domitien. La Bretagne était longtemps restée une province turbulente, régulièrement secouée par les révoltes des Brigantes et confrontée aux attaques des tribus calédoniennes. C’est un constant souci pour Rome au point qu’Hadrien fait construire le fameux mur qui porte son nom et marque la frontière entre les provinces romaines et le Nord, l’actuelle Ecosse. Au IVe siècle, elle est pourtant devenue une province prospère, dont la population s’est multipliée par quatre (peut-être 4 millions d’habitants). Au Ve siècle, comme le reste de l’empire, la Bretagne est soumise aux coups de boutoir des invasions barbares : Angles, Jutes, Pictes, Scots et Saxons. En 407, le commandant des légions romaines se proclame empereur

RETRANCHEMENT Ci-dessus : la statue de Winston Churchill devant le parlement du Royaume-Uni à Westminster, à l’aube du 24 juin 2016. A la surprise générale, les citoyens britanniques ont voté la veille pour la sortie de leur pays de l’Union européenne. Le Royaume-Uni avait adhéré à la Communauté économique européenne (CEE) en 1973. Page de gauche : le mur d’Hadrien dans le nord de l’Angleterre. Construit à partir de 122 apr. J.-C. par l’empereur Hadrien, ce mur de défense devait servir à protéger la Bretagne romaine des irrédentistes calédoniens. sous le nom de Constantin III et s’en va participer aux combats continentaux. Abandonnées par l’usurpateur, les élites locales lancent un appel au secours à l’empereur Honorius en 409. Affaibli, le gouvernement de Ravenne ne peut que leur recommander de pourvoir elles-mêmes aux nécessités de leur défense. Les Bretons tentent de faire face avec des milices locales. Mais l’Etat romain se désagrège. Au milieu du siècle, le conseil des cités de Bretagne croit bon de recruter des mercenaires saxons qui finissent par se retourner contre leurs maîtres. En 446, les élites bretonnes tentent une ultime fois de se tourner vers Rome. En vain. A défaut de leur donner une victoire décisive qui rétablirait l’ordre, l’un de leurs chefs, Ambrosius Aurelianus remporte, au moins, au mont Badon une victoire symbolique. Il inspirera la légende du roi Arthur. La Bretagne gallo-romaine a cessé de vivre ; elle

tourne le dos au continent et entre dans des siècles de fer, qui vont la ramener à un niveau de vie proche de celui de la préhistoire, voir l’éclatement du pays en principautés menées par des chefs de bandes itinérantes. Reste une figure mythique qui nourrira la mémoire britannique. 14 OCTOBRE 1066 :

LA BATAILLE D’HASTINGS

C’est la bataille fondatrice qui décide du destin occidental, davantage que nordique de l’Angleterre. En janvier 1066, Edouard le Confesseur, souverain de la dynastie anglo-saxonne, meurt sans héritier direct. Pour lui succéder, le puissant comte de Wessex, Harold Godwinson, est choisi par la noblesse saxonne. Mais le roi de Norvège, Harald, et le duc de Normandie, Guillaume le Conquérant, prétendent avoir l’un et l’autre des droits sur la

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ACTUALITÉ DE L'HISTOIRE

CAP AU SUD A gauche : détail de la tapisserie de Bayeux relatant la bataille d’Hastings, en 1066, lors de la conquête normande par Guillaume le Conquérant. Cette bataille est un tournant dans l’histoire de l’Angleterre qui par son union personnelle avec le duché de Normandie se détourne du Nord pour développer commerce et diplomatie avec le continent. (Bayeux, musée de la Tapisserie).

© GIANNI DAGLI ORTI/AURIMAGES. © PHOTOSHOT/AURIMAGES. © DEAGOSTINI/LEEMAGE.

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couronne. Harald est battu par Harold à la bataille de Stamford Bridge, le 25 septembre. Le 14 octobre, à Hastings, a lieu l e c h o c d é c is i f av e c l e s tro u p e s d e Guillaume. Les forces sont à peu près équilibrées. Les Saxons alignent une puissante infanterie. Mais la cavalerie des barons normands, lourdement cuirassée, fait la différence. Au soir de la bataille, Harold est tué et les élites saxonnes décimées. L’union personnelle de la couronne d’Angleterre et du duché de Normandie commence. Le visage du pays est bouleversé. La noblesse normande s’empare des grands domaines saxons et assume la plus grande part du pouvoir. Commercialement et géopolitiquement, l’Angleterre se tourne vers le sud et renoue avec le continent. La proximité avec les royaumes du Nord s’étiole. L’Angleterre devient une puissance occidentale. Hastings est désormais la bataille fondatrice de l’identité britannique. Elle a d’autant plus de force qu’elle se nourrit d’une puissante iconographie inscrite dans la soie : la célèbre tapisserie de Bayeux. 15 JUIN 1215 : ADOPTION

DE LA GRANDE CHARTE

Ce jour-là, l’Angleterre scelle dans une charte les principes politiques qui donneront naissance au parlementarisme. En 1215, les grands féodaux britanniques se révoltent contre le roi Jean sans Terre. Onze ans plus tôt, en 1204, Philippe Auguste s’est emparé, avec la Normandie, du cœur des possessions anglaises sur le continent. En 1214, les défaites de Bouvines et de la

Roche-aux-Moines ont achevé de ruiner le prestige du roi. Des grands seigneurs refusent désormais de consentir à l’impôt et, le 17 mai 1215, s’emparent de Londres. Impuissant à les contrer militairement, le roi doit transiger. Le 15 juin 1215, sur la prairie de Runnymede, en présence des barons en armes, Jean sans Terre leur octroie une grande charte en soixantetrois articles, la Magna Carta libertatum, la Grande Charte des libertés qui établit le droit à la liberté individuelle, restreint le cadre du bon plaisir royal et fonde le principe de l’habeas corpus, l’interdiction des emprisonnements arbitraires. La charte garantit les droits féodaux et l’autonomie politique des villes. Elle soumet la collecte de l’impôt à l’accord du Grand Conseil du royaume et instaure, en son article 61, un conseil de vingt-cinq barons qui peuvent se réunir et casser de leur propre autorité toute décision du roi qui ne respecterait

pas les dispositions de la Grande Charte. Ce dernier est tenu de prêter serment de fidélité au Conseil. Ce Conseil est l’ébauche du Parlement qui fera la fierté des Britanniques et la réputation de l’Angleterre d’être la mère des libertés publiques. Les MPs (Members of Parliament) qui siègent aujourd’hui sous les ogives néogothiques de Westminster se vivent encore comme les héritiers des hommes de Runnymede. 1429 : JEANNE D’ARC

LIBÈRE ORLÉANS

Commencée en 1337 par une banale rivalité féodale entre Plantagenêts et Capétiens pour le contrôle du fief de Gascogne, la guerre de Cent Ans est peu à peu devenue un conflit national et dynastique. Profitant de la guerre civile entre Armagnacs et Bourguignons et de la folie du roi Charles VI, Henri V d’Angleterre occupe la moitié de la France, prend Paris en 1419 et, allié aux Bourguignons, obtient, en 1420, au traité de Troyes, la couronne de France pour son fils Henri VI qui régnera sous le


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titre de roi de France et d’Angleterre. Les élites parisiennes, Sorbonne en tête, applaudissent à ce traité scélérat. Réfugié à Bourges, le Dauphin, le futur Charles VII, subit les événements et doute même de sa légitimité. L’irruption de la pucelle de Lorraine change la donne. La chute d’Orléans, la victoire de Patay et le sacre de Reims raniment la ferveur dynastique. Elle donne le signal du reflux de l’influence anglaise sur le continent. La mort de Jeanne sur le bûcher à Rouen en 1431 n’y change rien. Progressivement, les Anglais perdent toutes leurs possessions. Les Bourguignons viennent à résipiscence au traité d’Arras en 1435. En 1450, la Normandie est libérée après la victoire de Formigny. En 1453, c’est au tour de la Guyenne après Castillon. En 1475, la paix est formellement signée au traité de Picquigny. En dehors de Calais, l’Angleterre n’a plus de possessions en France. Elle est définitivement redevenue une île.

LUTTES D’INFLUENCE Ci-dessus : Jeanne d’Arc arrive au château de Loches pour annoncer au roi Charles VII la libération d’Orléans, en mai 1429, anonyme, XVe siècle (Orléans, Centre Jeanne-d’Arc). Avec Jeanne d’Arc et la ferveur dynastique qu’elle ranime en France, les Anglais perdront progressivement leurs possessions et leur influence sur le continent. Page de gauche, en bas : la Magna Carta libertatum (Grande Charte des libertés), adoptée le 15 juin 1215 après une révolte des grands seigneurs, est l’acte qui donnera naissance au parlementarisme britannique en limitant l’arbitraire du roi (Londres, British Library). 1533-1534 : LE DIVORCE D’HENRI VIII En ce premier tiers du XVIe siècle, la couronne d’Angleterre change de nature. Prince temporel, le roi devient chef spirituel. Marié à Catherine d’Aragon, Henri VIII désespère d’avoir un héritier mâle. Son épouse ne lui donne que des filles ou des garçons mort-nés. En 1528, il décide de mettre un terme à cette union afin d’épouser sa maîtresse, Anne Boleyn. Le pape Clément VII refuse de constater la nullité du mariage. Dans une Europe déchirée par la Réforme, il ne souhaite pas mécontenter le plus puissant souverain catholique, Charles Quint, apparenté à la

maison d’Aragon. Henri VIII passe outre. Il convoque une cour spéciale qui, le 23 mai 1533, proclame la nullité du mariage, permettant l’officialisation du mariage secrètement contracté quelques semaines plus tôt. Ce ne sera pas une réussite. Anne Boleyn finit décapitée avant que quatre autres épouses ne lui succèdent… Mais la rupture avec Rome est consommée. Le roi est excommunié. Les évêques sont désormais nommés par le souverain. L’Acte de suprématie fait du roi « l’unique et suprême chef de l’Eglise d’Angleterre ». Théologiquement, l’évolution n’est pas considérable. En dehors de la primauté du siège de Rome,


l’essentiel de la doctrine catholique est réaffirmé dans les « Six Articles », notamment la transsubstantiation eucharistique. Mais politiquement, c’est une révolution. Les conseillers du prince restés fidèles à Rome, tel Thomas More, sont écartés ou exécutés. Les ordres religieux sont interdits, leurs biens saisis et redistribués à la noblesse pour s’acheter des fidélités. Avec le Book of Common Prayer (Livre de la prière commune), le peuple anglais est sommé d’adopter (il ne le fera pas sans résistance) une nouvelle liturgie qui va peu à peu le protestantiser. C’est une rupture de plus avec une Europe elle-même divisée entre catholiques et réformés.

© COLLECTION DAGLI ORTI/AURIMAGES. © AKG-IMAGES/PAUL D STEWART/SCIE. © CARLEVARIJS, LUCA/LA COLLECTION.

1588 : L’ÂGE D’OR ÉLISABÉTHAIN

Ce long règne de quarante-quatre ans, commencé en 1558, marque le début de la suprématie britannique sur les mers qui ne s’achèvera qu’en 1945. Fille d’Henri VIII et d’Anne Boleyn, Elizabeth Ire, la « reine vierge », jamais mariée, imprime à la politique britannique une marque qui durera des siècles. On parle d’un âge d’or élisabéthain. Economiquement et politiquement, l’Angleterre devient une grande puissance. Culturellement, elle entre dans la cour des grands, avec des auteurs comme Shakespeare ou Marlowe. Elizabeth ancre surtout définitivement l’Angleterre parmi les puissances protestantes. Elle défie Marie Stuart, reine catholique d’Ecosse qui fait valoir des prétentions sur la couronne britannique. Après de multiples péripéties, elle la fait décapiter en février 1587 au château de Fotheringhay. Elle soutient également, à partir de 1585, les ProvincesUnies hollandaises soulevées contre le très catholique Philippe II d’Espagne. En même temps, pour affaiblir l’Espagne, elle lance ses corsaires, tels Walter Raleigh ou Francis Drake, à l’assaut des possessions espagnoles d’Amérique latine et des Caraïbes dont les richesses approvisionnent le trésor de Madrid. L’affrontement avec l’Espagne durera jusqu’au traité de Londres de 1604. Entre-temps, le 6 août 1588, la flotte britannique aura remporté une victoire décisive sur la flotte espagnole, l’Invincible Armada, lancée à l’assaut de l’Angleterre. De l’avis général, les Espagnols avaient


MONTÉE EN PUISSANCE Page de gauche : Henri VIII, d’après Hans Holbein le Jeune, vers 1560 (Compton Verney Art Gallery). En 1533, l’annulation du mariage entre Henri VIII et Catherine d’Aragon entraîna la rupture de l’Eglise d’Angleterre avec le catholicisme romain. Ci-contre : Elizabeth Ire, gravure de William Holl le Jeune, d’après Isaac Oliver, XIXe siècle (Londres, St James’s Palace). Le règne de la fille d’Henri VIII et d’Anne Boleyn amorça le déclin de la puissance espagnole sur les mers au profit de l’Angleterre. En bas : L’Arrivée de deux ambassadeurs vénitiens devant la tour de Londres, par Luca Carlevarijs, 1707 (Munich, Alte Pinakothek). Devenue première puissance économique et maritime au début du XVIIIe siècle, l’Angleterre va peu à peu se constituer un empire colonial.

tous les atouts dans leur jeu. C’était la première puissance navale du continent et leurs navires, les galéasses, étaient sans rivaux. Mais brillamment commandée par Francis Drake, plus manœuvrante, disposant d’une artillerie plus rapide, la flotte anglaise a défait une partie de l’armada espagnole dans la baie de Gravelines. Quelques jours plus tard, victime d’une tempête en mer d’Irlande, ce qui reste des bâtiments espagnols sera jeté à la côte. C’en est fini de l’armada commandée par le fier duc de Medina dont les débris cinglent vers l’Espagne. La puissance espagnole amorce son déclin. L’ère de la thalassocratie britannique commence. 1707 : L’ACTE D’UNION

C’est l’acte fondateur qui crée le RoyaumeUni d’Angleterre et d’Ecosse. Les relations entre l’Angleterre et l’Ecosse ont toujours

été tumultueuses. L’union a déjà existé sous forme personnelle. A la mort de la grande Elizabeth en 1603, Jacques VI Stuart, roi d’Ecosse, est monté sur le trône d’Angleterre et d’Irlande sous le nom de Jacques Ier Stuart. Il s’est installé à Londres et a régné sur l’Ecosse, à titre personnel avec le titre de roi de Grande-Bretagne et d’Irlande. En 1688, la volonté de Jacques II d’imposer le retour du pays au catholicisme ouvre la voie à la « glorieuse révolution » qui conduit au trône la maison d’Orange, puis la maison de Hanovre. Désireuse d’en finir avec l’irrédentisme écossais et avec les tentatives de déstabilisation catholique, la reine Anne installe, en 1706, une commission mixte chargée de fixer les conditions d’union de l’Angleterre et de l’Ecosse. Si cette dernière conserve une partie de ses institutions, il est convenu que les parlementaires écossais siégeront à Westminster au Parlement anglais. Edimbourg cesse d’être une capitale politique. L’acte d’union entre en vigueur en 1707. Ce n’est pas la fin de l’indépendantisme écossais et du combat des Stuarts pour le trône.

Il ne s’achèvera qu’en 1746, lorsque le duc de Cumberland culbutera, à Culloden, les fiers Highlanders de Bonnie Prince Charlie. Mais depuis 1707, en droit, le royaume est celui de Grande-Bretagne. DES TRAITÉS D’UTRECHT (1713)

AU TRAITÉ DE PARIS (1763)

Ces traités font de la Grande-Bretagne la première puissance économique et maritime d’Occident. En 1713, les traités d’Utrecht mettent fin à la guerre de succession d’Espagne. Désireuse de contrebalancer la puissance française, et d’éviter toute hégémonie d’une puissance continentale, la Grande-Bretagne s’était opposée à l’avènement de Philippe V, le petit-fils de Louis XIV, sur le trône d’Espagne. Si le traité signé avec la France semble une victoire de Paris, Philippe V demeurant sur le trône, c’est aussi un vrai succès pour Londres. L’Angleterre obtient le contrôle de la baie d’Hudson, de l’Acadie et de Saint-Christophe aux Antilles. Les Iroquois sont placés sous protectorat britannique. Gibraltar et Minorque deviennent territoires de la

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Couronne. Ce sont de nouvelles têtes de pont pour étendre la prédominance britannique sur les espaces maritimes. La guerre de Sept Ans, commencée en 1756, permet de parachever ce mouvement. Officiellement, la Grande-Bretagne s’allie à la Prusse menacée par l’Autriche alliée à la France pour protéger la couronne de Hanovre, dont la dynastie règne sur l’Angleterre. Mais en fait, il s’agit d’amoindrir la puissance française outre-mer. La Grande-Bretagne s’intéresse peu aux enjeux continentaux du conflit. Elle s’acharne surtout à l’emporter sur les troupes françaises du Nouveau Monde. En 1759, les Français de Montcalm sont défaits au Québec. Le 8 septembre 1760, c’est Montréal qui tombe. Dans les Caraïbes, la plupart des possessions françaises sont occupées. En Inde, les comptoirs français de Madras et de Pondichéry subissent le même sort. Le traité de Paris, signé en 1763, impose la Grande-Bretagne comme puissance mondiale dominante. En Amérique du Nord, elle se voit accorder le Canada et tous les territoires à l’est du Mississippi. En dehors de la Martinique, de la Guadeloupe, de Marie-Galante, et de Sainte-Lucie, toute la Caraïbe devient britannique ; quant aux comptoirs français d’Inde, ils sont restitués aux Français, mais avec interdiction d’y stationner une armée. Les bases de l’empire des Indes sont jetées. Même si l’indépendance américaine, proclamée vingt ans plus tard, en 1783, est un revers pour la puissance britannique, le dommage ne sera pas si grand. Au contrôle territorial succède la prédominance culturelle. L’anglais reste la langue du Nouveau Monde… 1815 : WATERLOO, LE DÉBUT DU SPLENDIDE ISOLEMENT

Dernière grande victoire continentale de la Grande-Bretagne, la bataille de Waterloo, remportée par Wellington en 1815,

© AKG-IMAGES. © RUE DES ARCHIVES/RDA.

ACTUALITÉ DE L'HISTOIRE 14 h

LA CHARGE VICTORIEUSE Scotland forever ! (l’Ecosse pour toujours), par Elizabeth Butler, 1881 (Leeds, Temple Newsam House). Après sa victoire à Waterloo, en 1815, le Royaume-Uni va peu à peu adopter, vis-à-vis du continent, une politique du « splendide isolement » qui caractérisera sa diplomatie jusqu’à la fin du XIXe siècle.

sera aussi le point de départ de la diplomatie du « splendide isolement » qui caractérisera notre voisin tout au long du XIXe siècle. Tout à ses ambitions marchandes, le Royaume-Uni ne manifeste guère de solidarité monarchique au début de la Révolution française. Il se contente d’accueillir les émigrés sur son sol, sans leur apporter de véritable soutien. Il faut le déséquilibre induit par les visées révolutionnaires sur l’Escaut, en 1793, puis l’hégémonie napoléonienne sur le continent pour forcer Londres à s’engager sérieusement. Elle participera désormais aux différentes coalitions pour éviter toute prédominance française et, surtout, pour empêcher Paris de mettre la main sur la Belgique et sur Anvers, port essentiel au commerce maritime et « pistolet braqué sur le cœur de l’Angleterre ». Mais là encore, elle privilégie les stratégies indirectes, blocus maritime ou corruption généralisée pour soudoyer princes et puissants, la fameuse « cavalerie de SaintGeorges ». En dehors des victoires navales, brillamment remportées à Aboukir et à Trafalgar, sa contribution militaire est limitée. Ce sont les Russes, les Prussiens et

les Autrichiens qui fournissent le principal effort de guerre. Il n’est qu’à Waterloo que les habits rouges britanniques font la différence. Mais une fois terrassé l’ogre corse, notre voisin se retire en son île. Après l’échec de la quadruple alliance envisagée au traité de Vienne, le Royaume-Uni s’en tient à l’isolement diplomatique dont le principal inspirateur est Lord Palmerston qui dirige le Foreign Office de 1830 à 1841 et de 1846 à 1851, suivi par les Premiers ministres Disraeli et Gladstone. Qu’il s’agisse du soulèvement de la Pologne en 1830, du printemps des peuples en 1848, de la victoire de la Prusse sur l’Autriche à Sadowa en 1866 ou de la défaite française contre la Prusse en 1871, l’Angleterre reste prudemment à l’écart. Elle intervient seulement lorsque les intérêts britanniques sont directement en cause. C’est le cas lors de la guerre de Crimée, de 1853 à 1856, lorsque l’avancée russe vers les mers chaudes menace la sécurité des détroits et donc la libre circulation sur les mers. Pour le reste, la Grande-Bretagne commerce tranquillement, championne du libreéchange et d’une première mondialisation qui ne dit pas encore son nom.


1876 : VICTORIA,

IMPÉRATRICE DES INDES C’est l’apogée de l’Empire britannique. A l’initiative du Premier ministre Disraeli, le 1er mai 1876, la reine Victoria est proclamée impératrice des Indes, devenues terres de la Couronne depuis la dissolution de la Compagnie des Indes orientales en 1858. Avec le Raj, la vocation coloniale de l’Empire britannique connaît son accomplissement. Il s’agit d’une question de prestige. La titulature du souverain du Royaume-Uni doit devenir impériale, lorsque ses homologues de Prusse et d’Autriche portent le titre d’empereur. Mais il s’agit surtout d’une philosophie de la colonisation. Alors qu’animée d’un esprit messianique la France républicaine privilégie l’administration directe, construit des écoles, perce des routes et bâtit des villes, le Royaume-Uni privilégie les Etats clients et l’administration déléguée. En Inde, la plus grande partie du territoire est constituée d’Etats princiers, administrés par les élites locales, sous la tutelle lointaine du vice-roi. Assurant la synthèse du particulier et du général sous une tête commune, l’empire est le mieux

EMPIRE Ci-contre : la reine Victoria, à la fin de sa vie, en compagnie de son secrétaire indien au château de Balmoral. Les souverains anglais porteront le titre impérial des Indes jusqu’à l’indépendance de l’Etat indien en 1947.

15 h


1899 : FACHODA Commencé comme une rivalité coloniale à l’ancienne, l’incident de Fachoda ouvre finalement la voie à un rapprochement durable entre Londres et Paris qui sonnera le glas de l’isolationnisme britannique. Pourtant, les armes avaient failli parler. Parti à la recherche des sources du Nil, le commandant Marchand atteint Fachoda à 600 km de Khartoum, le 10 juillet 1898. Mais les Britanniques

16 h

ENTENTE CORDIALE Ci-dessus : le commandant Marchand dans Le Petit Journal du 4 juin 1899. La rivalité coloniale franco-anglaise atteignit son apogée en 1898 au Soudan avec la crise de Fachoda. L’affaire ouvrit pourtant la voie à un rapprochement entre les deux pays qui aboutit à l’Entente cordiale de 1904.

© ROGER-VIOLLET. © DEAGOSTINI/LEEMAGE/ ADAGP, PARIS, 2016 © AKG-IMAGES/TT NEWS AGENCY/SVT.

ACTUALITÉ DE L'HISTOIRE

à même de coller à cette réalité qui porte en germe la future évolution de l’Empire britannique, dominions, self-government puis décolonisation sans tragédie. L’héritage est si fort qu’aujourd’hui encore, la reine d’Angleterre est Head of the Commonwealth, chef du Commonwealth, qui réunit cinquante-trois Etats et plus de 2 milliards d’habitants.

ne sont pas loin. Exerçant depuis 1882 le protectorat de fait sur l’Egypte, ils considèrent le Soudan comme une chasse gardée, surtout depuis la victoire de Lord Kitchener sur les troupes révoltées du Mahdi. Le 18 septembre, Kitchener atteint Fachoda et exige le retrait des Français. Marchand refuse. La situation s’envenime. La Royal Navy fait des démonstrations de force devant Brest et Bizerte. Mais Delcassé, le ministre des Affaires étrangères français est conscient de l’impossibilité de soutenir un conflit aussi loin des bases françaises. Le 11 décembre, Marchand se retire. De premières négociations permettent de signer, en mars 1899, un traité fixant les zones d’influence dans la région du Nil. Ces pourparlers ouvrent, en fait, la porte à un rapprochement plus poussé. Inquiets de la volonté de Guillaume II de développer une Weltpolitik, une politique mondiale appuyée sur une puissance navale qui, à terme, pourrait menacer l’hégémonie de la Royal Navy, les Anglais sortent de

leur réserve. Incarnée par la visite du roi Edouard VII à Paris, en 1903, et du président Loubet à Londres, portée officiellement sur les fonts baptismaux par le traité du 8 avril 1904, l’Entente cordiale règle les contentieux pendants, et laisse le champ libre à l’Angleterre en Egypte et à la France au Maroc. La convention passée avec la Russie en 1907 jette les bases de ce qui sera la Triple Entente ; c’est une rupture. Mais elle n’est pas juridiquement contraignante et ne va pas sans tensions à Londres. En 1901, le Premier ministre Lord Salisbury disait encore : « Il ne serait guère avisé de notre part de nous attirer des obligations nouvelles et extrêmement lourdes dans le but de nous prévenir d’un danger dont nous n’avons aucune raison de croire par notre expérience historique qu’il existe. » Pour reprendre les mots de l’historien américain Paul Kennedy, le Royaume-Uni recherche « les avantages de l’amitié sans les risques de l’alliance ». Le 2 août 1914, à la veille de la guerre, Lord


INTÉRÊT NATIONAL Ci-dessus : l’évacuation des soldats anglais lors de l’opération « Dynamo » à Dunkerque, fin mai 1940. A gauche : La Bataille de Mers el-Kébir, le 3 juillet 1940, par Marin-Marie, XXe siècle (collection privée). Même dans sa lutte acharnée contre l’Allemagne nazie, la Grande-Bretagne a toujours fait prévaloir ses intérêts. A Dunkerque, elle sacrifia deux divisions françaises. A Mers el-Kébir, Churchill donna l’ordre d’ouvrir le feu sur la flotte de haute mer française, de crainte qu’elle ne rejoigne les forces de l’Axe : 1 297 marins français y périrent.

Asquith rappelle encore le caractère non contraignant des alliances : « Nous ne sommes en aucune manière tenus de prêter une assistance militaire ou navale à la France ou à la Russie. » 1940 : DUNKERQUE ET MERS EL-KÉBIR La contribution britannique à la lutte contre l’Allemagne nazie a été considérable. Elle a été fort loin. Le 16 juin 1940, sur une suggestion de Jean Monnet, le gouvernement britannique a même proposé l’union de la France et du RoyaumeUni en une seule nation avec un seul Parlement et une seule armée. La Chambre des communes en a accepté le principe. La démission de Paul Reynaud, le même jour, en a sonné le glas. Mais cette solidarité de principe n’a pas exclu, dans les faits, la défense des intérêts britanniques, stricto sensu. Dès le 23 mai, la bataille de France paraissant mal engagée, le chef du corps expéditionnaire britannique, Lord Gort, n’a eu comme priorité que de sauver les

troupes anglaises et les rembarquer dès que possible. Et ce sont les troupes britanniques qui sont embarquées en premier lors de l’opération « Dynamo », montée à partir du 26 mai 1940 pour assurer l’évacuation des troupes piégées dans la poche de Dunkerque. Sur 338 000 soldats sauvés, 200 000 sont britanniques, deux divisions françaises étant sacrifiées dans une bataille de retardement. Cela donne une couleur amère aux protestations britanniques devant la signature de l’armistice, trois semaines plus tard, le 17 juin. Le 3 juillet, craignant que la flotte de haute mer française réfugiée à Mers el-Kébir ne rejoigne des troupes de l’Axe, malgré les dispositions contraires de la convention d’armistice, Churchill ordonne en outre à l’amiral Somerville de la mettre en demeure soit de rejoindre le combat contre l’Allemagne, soit de se saborder, soit de se faire désarmer dans un port neutre. Face aux atermoiements de l’amiral Gensoul, ordre est donné d’ouvrir le feu.

1 297 marins français périssent dans une tragédie qui nourrira l’anglophobie alimentée en retour par le régime de Vichy, et contribuera puissamment à freiner le ralliement des Français à la Résistance. Churchill dira plus tard que ce fut une terrible erreur. A l’heure du grand péril, l’intérêt britannique avait seul compté. Le scrutin du 23 juin 2016 est le fruit de cette histoire. Lancé comme un coup politique par David Cameron pour assurer sa réélection en 2015, il a fini en coup de théâtre. Le lieu ici n’est pas d’en analyser les causes les plus actuelles. Mais ce qui est certain, c’est qu’il manifeste le désir d’une part grandissante de la population de renouer avec la voie singulière du passé britannique, un passé chatoyant que la prospérité flamboyante de Londres ne parvient pas à faire oublier et qui n’a pas grand-chose à voir avec les hommes gris de Bruxelles ou les charmes cosmopolites des « métropoles mondes ». Le Brexit est un vote culturel qui témoigne de la victoire de Downton Abbey sur Canary Wharf, le nouveau quartier ultra fashion des bords de la Tamise. 2

17 h


PHOTOS : © ARALDO DE LUCA. ALL RIGHTS RESERVED.

EN COUVERTURE

42

L’AFFAIRE TOUTANKHAMON

LA RECHERCHE DE CHAMBRES INCONNUES DANS LA TOMBE

LA PLUS CÉLÈBRE DU MONDE TIENT EN HALEINE L’ÉGYPTOLOGIE.

SPÉCIALISTE DE TOUTANKHAMON, MARC GABOLDE FAIT LE POINT SUR LE DOSSIER.

52

À LA RECHERCHE

DE NÉFERTITI

SON VISAGE EST LE PLUS FAMEUX DE L’ÉGYPTE ANTIQUE. LA RENOMMÉE DE SA BEAUTÉ A TRAVERSÉ LES SIÈCLES. MAIS QUE SAIT-ON AU JUSTE DE NÉFERTITI, DONT L’ARCHÉOLOGUE NICHOLAS REEVES ESPÈRE DÉCOUVRIR LA DÉPOUILLE DANS LA TOMBE DE TOUTANKHAMON ?


74

D ES HOMMES ET DES DIEUX R II C C H HÉOPS,

ATCHEPSOUT OU AMSÈS .

HAMPOLLION,

MASPERO OU CARTER. QU’ILS SOIENT PHARAONS OU ÉGYPTOLOGUES, ILS ONT, AU FIL DES SIÈCLES, FAÇONNÉ LE VISAGE DE L’ÉGYPTE ANTIQUE.

LES NOUVEAUX MYSTÈRES

ET AUSSI

MERVEILLES D’OUTRE-TOMBE LA POSSIBILITÉ DU NIL LES NOUVEAUX MYSTÈRES DE CHÉOPS CALAMES ET PAPYRUS PHARAON SUPERSTAR VIE ET MORT SUR LE NIL

ILLUSTRATION : © ISABELLE DETHAN POUR LE FIGARO HISTOIRE. © 2007 JOANOT/GETTY IMAGES.

de l’Egypte


BEN-HUR

RELANCE SON CHAR

SOIXANTE ANS APRÈS LE FILM AUX ONZE OSCARS, UN NOUVEAU BEN-HUR SORT SUR LES ÉCRANS LE 7 SEPTEMBRE.

LE FIGARO HISTOIRE VOUS DÉVOILE LES COULISSES DE SON TOURNAGE, AUX MYTHIQUES STUDIOS DE CINECITTÀ.

114

BRÉGANÇON, LE FORT DU POUVOIR

AUTREFOIS REPAIRE DE ROIS OU DE PIRATES, CE PITON ROCHEUX POSÉ SUR LA

MÉDITERRANÉE ACCUEILLE, DEPUIS 1968, LE PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE. VISITE À

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© J. BOUSSAROQUE/ONLYFRANCE.FR.

© PHILIPPE ANTONELLO-2016 PARAMOUNT PICTURES AND METRO-GOLDWYN-MAYER PICTURES INC. ALL RIGHTS RESERVED.

L’ESPRIT DES LIEUX

106 QUAND


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LA SÉMIRAMIS DU NORD

ÂME DE LA RUSSIE,

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© MILOCHAU.

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