Jérusalem secrète

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N u m é r o

d o u b l e

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Jérusalem secrete

secrete

Sur les traces du roi Hérode Les sept vies du Saint-Sépulcre L’esplanade de la discorde



Editorial

© BLANDINE TOP.

par Michel De Jaeghere

Devant la haute muraille de pierre, luisante, patinée par les siècles, les silhouettes noires se balancent de concert avec les châles blanc et bleu au rythme des prières, des psaumes et des lamentations sur le Temple détruit, le peuple dispersé, le culte interrompu. « Voici, derrière le mur, mon bien-aimé », chante le Cantique des Cantiques. L’ancien quartier juif de la Vieille Ville, avec ses murs de chaux bleutés, ses venelles cascadant sur les pentes, a été presque entièrement détruit lors de l’occupation jordanienne. Il a été rebâti en pierres blondes. De jeunes juifs en caftan noir, chapeau à large bord, y promènent leurs enfants, pistolet-mitrailleur, parfois, à la bretelle, dans des rues d’une propreté irréprochable. A quelques centaines de mètres, au-delà des remparts de Soliman, Jérusalem-Ouest le dispute par son confort, sa modernité, à une métropole américaine. Mais sur la vaste esplanade aménagée en synagogue en plein air, le temps semble s’être arrêté devant ce mur nu, ces blocs de pierre dorée qui témoignent de la grande espérance d’Israël, autant que de sa singularité. Dans le souk des Cotonniers, tous les parfums de l’Arabie se sont donné rendez-voussouslesogivesd’unecathédralegothique.Entredeuxbarrages de police, les djellabas, les keffiehs croisent les regards charbonneux des jeunes filles. Les femmes voilées affichent une modestie ostentatoire, sous les fils tendus où s’exposent les mille et une tenues multicolores que Shéhérazade revêtira ce soir. Les vendeurs d’orangeade pressent leurs fruits devant les façades à damiers d’un palais mamelouk. Les bateleurs apostrophent le passant en l’assurant que tout leur stock partira, aujourd’hui, à vil prix. Sur l’esplanade des Mosquées, les anciens regardent tomber le jour parmi les kiosques, les tombeaux, les fontaines. Le Dôme du Rocher chatoie comme un coffre à bijoux gainé de turquoise, d’aigue-marine, d’améthyste. Il proclame que la vie n’est pas forcément unevalléedelarmes:qu’ellepeutêtreaussiunjardindedélices.Lesdisciples du Prophète y prient le Miséricordieux sous une palmeraie de mosaïques, dans un palais qu’on dirait bruissant d’oiseaux exotiques. LeSaint-Sépulcreestunebouched’ombre.Aucœurd’unebasiliquedont les piliers semblent s’enfoncer dans la nuit, d’un dédale de couloirs, d’escaliers, de voûtes, de murs verdis, dans l’odeur de cave, d’encens et de cire, les dalmatiques aux couleurs vives des diacres arméniens croisent les bures franciscaines et les tarbouchs des coptes ; les Grecs orthodoxes affichent leurs barbes souveraines et leur morgue en caressant leurs croix pectorales en pierreries. Le portier musulman fait le compte de ses bakchichs devant des touristes américains ahuris. Le rocher du Golgotha s’élève dans une atmosphère de bazar, une semi-pénombre qu’animent le vacillement des flammes, l’ondulation de la foule, la rumeur ininterrompue. Le tombeau où le corps de l’homme-Dieu fut déposé, au soir du vendredi saint, est recouvert, non loin de là, par un kiosque de marbre rose, encombré de lampes, d’ex-voto, d’icônes. La lumière grise fuse en rayons depuis l’oculus de la voûte. Les fenêtres aveugles,l’humiditéquisourddesmurs,lalueurintermittentedescierges donnent le sentiment d’être emmuré dans une immense crypte, d’avoir quitté la lumière éclatante du jour pour descendre au fond d’un puits. Jérusalem est un palimpseste. Le temps ne s’est pas contenté d’y laisser les traces d’une longue histoire. Il y a superposé les vestiges des civilisations qui sont venues battre ses remparts tour à tour. Chacun de ses monuments, de ses paysages, recouvre le souvenir d’anciennes images

qui parlent à nos imaginations autant et plus que celles qui s’offrent à nos yeux. Un jardin enchanté, un paradis persan dont les cyprès élèvent leurs flèches vers le ciel, répand ses parfums entêtants sur le lieu même où les grands prêtres d’Israël faisaient monter la fumée de leurs sacrifices et couler le sang des brebis. Les juifs qui viennent y exprimer leur nostalgie du Temple par leurs pèlerinages et par leurs chants sont aussitôt environnés par des femmes en hijab, qui les escortent en scandant « Allahou akbar ! », comme pour leur rappeler que leur lieu saint leur reste inaccessible. On ne parcourt pas la plus sublime des terrasses comme on flâne dans les jardins de l’Alhambra. Parce qu’ici, le rocher d’où les musulmans veulent croire que Mahomet a fait un voyage nocturne vers le ciel est aussi celui où la Bible raconte qu’Abraham a levé son couteau sur son fils ; où Salomon a construit la plus somptueuse des demeures à l’Eternel. Là, Jésus a été présenté au vieillard Siméon par la Sainte Famille. Ici, il a chassé du Temple les vendeurs de colombes et les changeurs de monnaie. Au Cénacle, une salle gothique a été bâtie au XIVe siècle sur le site où le Christ institua la Cène. A l’étage inférieur, des juifs pieux psalmodient devant la tombe où repose, selon eux, le roi David. Un mihrab rappelle que le bâtiment avait été transformé en mosquée par les musulmans jusqu’à la guerre des Six-Jours. Au sommet du mont des Oliviers, les croisés avaient construit une chapelle octogonale à ciel ouvert sur le lieu de l’Ascension. Saladin la fit recouvrir d’un dôme pour proclamer que son Dieu, seul, était grand. Au nord, des basiliques néoromanes et néobyzantines commémorent sur le flanc de la colline les larmes de Jésus sur Jérusalem ou l’agonie du Christ au jardin de Gethsémani. Au sud, le paysage se fait minéral comme une immense carrière : c’est le cimetière où reposent les juifs qui y attendent la résurrection des morts à l’occasion de la venue du Messie et de son entrée triomphale dans sa ville pour y rebâtir le Temple. Il n’est pas vrai que Jérusalem soit le lieu de la rencontre des trois monothéismes. Nulle part il n’est plus évident au contraire que leurs parentés ne les rendent en rien complémentaires. Qu’elles condamnent leurs fidèles à choisir entre des définitions de Dieu qui s’excluent. Judaïsme, christianisme et islam n’y dialoguent pas : ils s’y concurrencent pour revendiquer le privilège du dernier mot sur le sens de l’existence. Mais la magie de la ville tient, peut-être, à ce qu’elle reste un signe de contradiction pour la modernité triomphante. Nulle part ne se manifeste avec plus de force la limite de la conception marxiste de l’histoire, la paresse de l’individualisme hédoniste qui lui a succédé à l’horizon de la pensée dominante. Non, l’histoire humaine n’est pas dictée tout entière par la lutte des classes. Non, elle ne trouvera pas son terme dans la seule saturation de nos sens par l’abondance des biens de consommation. Par ses beautés, ses monuments, ses souvenirs, par la profondeur historique que lui procurent les découvertes de l’archéologie, par l’ardeur inextinguible de ceux qui y scrutent, depuis plus de deux mille ans, l’Ecriture, par les attentes et les désirs fous qu’elle suscite, par ses passions et jusque par ses crimes, Jérusalem vient rappeler que l’homme ne vit pas seulement de pain, mais qu’il est, depuis toujours, en quête d’une réalité qui dépasse la tyrannie de nos désirs instables pour donner une signification à nos vies. On s’y affronte et on s’y tue. Mais on y tutoie, comme nulle part ailleurs, l’invisible.


Si je t’oublie, Jérusalem


LA PROMESSE DE L’AUBE

© DAVID MOR.

Un Palestinien descend la rue David, la principale artère commerçante de la Vieille Ville qui, de la porte de Jaffa, mène à l’esplanade des Mosquées, pour se rendre à al-Aqsa et participer à la prière, un vendredi matin du mois de ramadan.

Elle a été désirée, fortifiée, embellie. On l’a châtiée, délaissée et détruite. Reconquise, délivrée, reprise, Jérusalem a vu s’affronter pour elle le glaive des Romains et le couteau des sicaires, la Croix et le Croissant. Ville à nulle autre pareille, la trois fois sainte fascine et subjugue, de tous les sortilèges de sa beauté.


© NOAM CHEN.

AUX PREMIÈRES LOGES

A l’est de la ville, cette nécropole, initiée dans la vallée du Cédron au IIIe millénaire avant J.-C., a peu à peu couvert les pentes du mont des Oliviers. Elle est devenue le plus ancien et le plus vaste cimetière juif. Selon la tradition, lorsque le Messie viendra sur Terre, le jour du jugement dernier, il apparaîtra au mont des Oliviers, et les personnes enterrées là auront la chance d’être les premières à ressusciter. La coutume médiévale de placer une pierre (even, (even, en hébreu, qui réunit les mots de « père » et « fils ») sur les tombes signifie la continuité entre les générations et le passage de la mort.




© PEROUSSE BRUNO/HEMIS.FR.

AU PIED DU MUR

Lieu le plus saint du judaïsme, le mur des Lamentations correspond à une partie du mur de soutènement de l’esplanade édifiée par Hérode lors de la reconstruction du second Temple. Selon la tradition juive, l’esprit de Dieu n’a jamais quitté le mur occidental, qui était le plus proche du Saint des Saints. C’est la raison pour laquelle les pèlerins du monde entier viennent s’y recueillir, et glisser entre ses pierres leurs prières au Dieu d’Abraham.


© NOAM CHEN.

JÉRUSALEM, LA SAINTE

Au milieu des collines sèches de Judée, à l’abri de ses remparts crénelés, se dresse la ville trois fois sainte. Sur l’esplanade du Temple, les Omeyyades bâtirent, à la fin du VIIe siècle, le Dôme du Rocher sur le modèle des rotondes tardo-antiques, au-dessus du rocher où Abraham est réputé avoir levé son couteau sur Isaac. La tradition musulmane y a situé, depuis, le voyage nocturne de Mahomet au ciel. On aperçoit, derrière, les coupoles du Saint-Sépulcre.



© GALI TIBBON.N

FEU DE DIEU Des pèlerins éthiopiens se regroupent, bougie à la main, lors de la cérémonie orthodoxe du Feu sacré, dans le monastère Deir elSultan, situé sur le toit du Saint-Sépulcre. Chaque année, le samedi saint, les patriarches entrent dans l’édicule abritant le tombeau du Christ, d’où jaillit, comme par miracle, une flamme mystérieuse. Symbole de la résurrection du Christ, le feu sacré se propage et embrase les cierges de la foule de fidèles, en liesse.



© MARIE-ARMELLE BEAULIEU/CTS.

TOUT EST ACCOMPLI

Le soir du vendredi saint, dans la basilique de la Résurrection, les franciscains de la custodie de Terre sainte célèbrent l’office des funérailles du Christ. Une foule compacte se presse chaque année au Saint-Sépulcre pour y assister : Jésus est décloué de la Croix au Calvaire, il est oint sur la pierre d’onction avant d’être porté au tombeau. Un office saisissant, qui se déroule sur les lieux mêmes de la crucifixion du Christ, de son embaumement et de sa sépulture.



12 journÊes de la vie d’une ville


LÈVE-TÔT

© DAVID MOR.

Dans le quartier chrétien de la Vieille Ville, rue Sainte-Hélène qui mène à la basilique du SaintSépulcre et à la mosquée d’Omar, un marchand matinal attend que les autres commerçants ouvrent leurs échoppes.

David y jouait de la lyre, Salomon l’a couronnée d’un sanctuaire, Titus n’y a pas laissé pierre sur pierre. De la destruction du Temple à la fondation de l’Etat d’Israël, Jérusalem est passée aux mains des Byzantins, des Omeyyades, des croisés, des Mamelouks, des Ottomans et des Anglais. Par Irina de Chikoff


970 avant J.-C. Un cœur intelligent

Sur son lit de mort, le vieux roi David demande à son fils de bâtir la maison de l’Eternel. Salomon respectera sa dernière volonté.

© ELECTA/LEEMAGE. © DEAGOSTINI/LEEMAGE.

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e roi se meurt. Plus rien, pas même Abishag la jeune vierge sunamite, ne peut réchauffer son corps. Il frissonne sur sa couche. Comme il est loin le temps où David relevait crânement le défi du Philistin Goliath ! Il a tué le géant d’un seul jet de pierre. Saül, le premier roi que l’Eternel avait accordé aux tribus d’Israël, lui avait donné sa fille Michal pour épouse. Mais le cœur du souverain était rongé de jalousie. David avait dû prendre la fuite. Il n’avait pu revenir à Hébron qu’après la mort de son beau-père. La tribu de Juda l’avait reconnu pour roi. Il lui avait fallu sept longues années de combat pour amener celles d’Israël à se soumettre. Que de guerres il a menées contre les peuples voisins avant de s’emparer de la forteresse cananéenne où vivaient les Jébuséens ! Dans les temps anciens, Urusalem aurait été créée par le dieu de la paix, Salem. David en a fait sa cité. Il y a transporté l’Arche d’alliance qui contient les Tables de la Loi et y a construit un autel. David aurait voulu édifier un temple sur le mont Moriah, où Abraham avait résolu de sacrifier son fils Isaac quand un ange avait retenu sa main, mais l’Eternel ne l’a pas permis. Parce que David avait fait couler trop de sang. C’est son fils Salomon qui le bâtira. Afin que l’Esprit de Dieu y demeure à jamais. Le roi s’est soulevé de sa couche quand le prophète Nathan, auquel il a confié l’éducation de Salomon, est entré dans sa chambre. Il lui apprend qu’un autre de ses fils, Adonija, s’est déjà proclamé souverain et festoie au milieu de ses partisans. David ordonne aussitôt à Nathan et au sacrificateur Sadoq d’aller quérir Salomon et de procéder à son sacre tandis que les trompettes retentiront pour que tout Jérusalem reconnaisse son nouveau monarque. Lorsque le jeune homme paraît, son père lui prend les mains : « Je m’en vais, dit-il, par le chemin de tout le monde. Sois fort et montretoi un homme ! » Avant de rendre le dernier soupir, le vieux roi l’adjure de construire la maison de l’Eternel. Durant les premières années de son règne, Salomon sera loué par toutes les tribus d’Israël car il montrera une sagesse qui ne pouvait être inspirée que par Dieu. On vient de loin pour consulter son « cœur intelligent ». Salomon n’en tire aucune vanité. Le royaume est en paix. La justice est rendue à chacun et Jérusalem prospère. Bientôt le roi se sent assez sûr de lui, assez digne aussi pour bâtir le sanctuaire de Celui qui est. Salomon fait appel au roi Hiram de Tyr, dont le père était l’ami de David, afin qu’il lui fournisse du bois de cèdre et de genévrier, des charpentiers, des menuisiers, des tailleurs de pierre, des orfèvres et ses meilleurs architectes. Hiram accède de bonne grâce à toutes ses demandes, en échange de quoi Salomon s’engage à l’approvisionner en blé et en huile durant de nombreuses saisons.

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C’est dans la quatre cent quatre-vingtième année après la sortie d’Egypte du peuple hébreu que la maison de l’Eternel est consacrée. Les célébrations durent quatorze jours. Elles sont marquées par de nombreux sacrifices et le transfert, en grande procession, de l’Arche d’alliance depuis la cité de David jusqu’au Temple où le coffret est déposé dans le Saint des Saints, sous les ailes déployées de deux chérubins revêtus d’or. Ayant accompli son devoir le plus sacré, Salomon entreprend de se construire un palais somptueux et de ceindre Jérusalem de puissantes murailles. Jamais la cité n’a été aussi animée et admirée. Jamais souverain n’a été aussi puissant et fortuné. Mais les Hébreux murmurent contre leur roi. Pour satisfaire son goût croissant du faste, il a multiplié les impôts et les corvées. Les récalcitrants sont châtiés à coups de fouet. Oublieux des commandements, Salomon a érigé des autels aux divinités païennes que nombre de ses femmes et concubines vénèrent. La plupart sont des étrangères. La révolte couve. Elle est attisée par Jéroboam, un des généraux de Salomon, mais elle n’éclatera au grand jour qu’après la mort du fils de David en 931 avant J.-C. Les tribus d’Israël ayant fait sécession, son fils Roboam ne régnera plus que sur Juda. Affaiblie, Jérusalem suscitera toutes les convoitises. A cause du trésor de son temple. Et du Dieu sans nom qui y demeure. I. de C.

LE MAGNIFIQUE A droite : L’Eternel au-dessus de

prophètes et de sibylles (détail du roi Salomon), par Le Pérugin, 1497-1500 (Pérouse, Palazzo dei Priori, Collegio del Cambio). Ci-dessus : Histoire de la Vraie Croix (détail de La Visite de la reine de Saba au roi Salomon), par Piero della Francesca, 1452-1455 (Arezzo, Basilica di San Francesco, Cappella Maggiore).



Pour l’amour de Sion


JOUR DE DEUIL

© BAZ RATNER/REUTERS.

Des juifs ultra-orthodoxes au milieu des tombes du cimetière juif du mont des Oliviers, avant les funérailles de Rabbi Abraham Chaim Roth, admor (chef spirituel) de la dynastie hassidique des Shomrei Emunim (Gardiens de la foi), le 23 août 2012.

Yerushalayim, Sion, Ariel, ville de paix, ville de justice, ville de David… Six cent soixante-sept fois nommée dans la Bible, Jérusalem est la ville où Dieu a choisi d’« établir son nom ». Celle que le peuple élu a pleurée au long des siècles, après la destruction du Temple. Celle qu’il n’a eu de cesse de reconquérir, pour s’y réfugier, comme en une arche.


© MDJ.

CITERNE DE ROCHE Au XVIIIe siècle avant J.-C., Jérusalem était une cité cananéenne. En avant de ses remparts, ses habitants y aménagèrent une énorme citerne alimentée par une source fortifiée.


Jérusalem sous Jérusalem PAR HERVÉ BARBÉ

Au sud du mont du Temple, un éperon rocheux dissimule un formidable réseau hydraulique dont une partie remonte à l’âge du bronze. Non loin de là, en surface, une archéologue israélienne croit avoir découvert le palais du roi David.


À LIVRE OUVERT Le Grand Rouleau d’Isaïe est le plus emblématique des manuscrits découverts à Qumrân, car le mieux conservé. Composé de dix-sept feuillets de cuir cousus ensemble, il mesure 7,34 mètres de long. Y est retranscrite en hébreu, sur cinquantequatre colonnes, l’intégralité des soixante-six chapitres du livre d’Isaïe. Copié vers 100 avant J.-C., il fait partie avec les autres manuscrits de la mer Morte des plus anciens textes de la Bible hébraïque connus à ce jour. 54

L nhors-série


© MORANDI TUUL ET BRUNO/HEMIS.FR. © G. HELLIER/JAI/CORBIS.

SAINT DES SAINTS Le sanctuaire du Livre abrite, au sein du musée d’Israël, les quelque neuf cents manuscrits mis au jour à Qumrân

entre 1947 et 1956. Son dôme en céramique blanche (ci-dessus, à gauche) rappelle le couvercle des jarres dans lesquelles les manuscrits furent découverts. Au centre de la salle, le fac-similé du Grand Rouleau d’Isaïe est déployé sur une reproduction géante du montant en bois autour duquel est traditionnellement enroulé le Sefer Torah (ci-dessus, à droite). En bas : Kando, cordonnier à Bethléem, mais aussi trafiquant d’antiquités, flairant la bonne affaire, acheta aux Bédouins les quatre premiers rouleaux qu’ils avaient découverts dans les grottes.

Le sanctuaire du Livre © JOHN C. TREVER, PHD, DIGITAL IMAGE BY JAMES E. TREVER.

© THE ISRAEL MUSEUM, BY ARDON BAR HAMA /BRIDGEMAN IMAGES.

Une aile souterraine du musée d’Israël conserve les plus précieux manuscrits de l’histoire juive. Ceux qui ont été découverts après-guerre à Qumrân. PAR MICHEL DE JAEGHERE

C’

estle trésord’unmuséequiconserve pourtant des richesses inouïes. Le saint des saints de ce temple de la culture. Sous un toit de céramique blanche qui reprend la forme des couvercles des jarres dans lesquelles ils ont traversé les siècles, une salle souterraine du musée d’Israël présente en grandeur réelle les fac-similés des plus précieux manuscrits de l’histoire juive. Ceux qui furent découverts, après-guerre, en centaines de fragments parfois minuscules, à Qumrân, sur les rives de la mer Morte au moment même de la fondation d’Israël. Cachés, au Ier siècle, sans doute pour échapper aux destructions qui suivraient la prise de Jérusalem par Titus, certains appartenaient aux archives du Temple. D’autres fixent les règles de vie d’une secte mal connue, contemporaine du Christ, et qui

fut probablement au cœur de leur dissimulation dans des grottes : celle des esséniens. Dominicains de l’Ecole biblique, chercheurs israéliens, exégètes catholiques : leur reconstitution et leur édition ont mobilisé une élite de scientifiques pendant plusieurs décennies. Leurinterprétationfaitencorel’objetdecontroverses et de polémiques, parfois même de fantasmes : et si l’on y trouvait des démentis à l’enseignement de l’Eglise sur le Christ ? Des contradictions avec les versions traditionnelles de la Bible hébraïque (on y compte, de fait, des extraits des livres de Baruch, de Judith, de Tobie, de la Sagesse, des Maccabées admis par les catholiques comme canoniques mais rejetés de la Bible par les protestants et les juifs) ? Une parenté entre la doctrine des esséniens et l’enseignement de Jésus ?

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Le signe de contradiction


LA VALLÉE DE LA MORT

© NOAM CHEN.

La vallée du Cédron, entre Jérusalem et le mont des Oliviers, abrite des tombes taillées dans le roc pendant la période du second Temple (539 avant J.-C.70 après J.-C.). A droite, la tombe dite de Zacharie. Selon le prophète Joël (4, 2), c’est dans cette vallée « de Josaphat » qu’aura lieu le Jugement dernier.

« Que peut-il sortir de bon de Nazareth ? » Dans la Palestine occupée par les Romains, un Galiléen est suivi par les foules, on l’acclame comme l’envoyé du Seigneur. Quand il dit être le Messie, le Fils de Dieu, il signe son arrêt de mort… La pierre de son tombeau est, depuis, le point d’achoppement qui sépare le monde entre un avant et un après.


© GALI TIBBON.

PÈLERINS DE LA CROIX

Depuis le IVe siècle, les chrétiens commémorent la Passion du Christ en suivant le parcours de Jésus depuis sa condamnation jusqu’au lieu de son supplice. Aujourd’hui, le chemin qui débute à la porte des Lions s’étend sur cinq cents mètres et comprend neuf stations sur quatorze, les cinq dernières se trouvant dans le Saint-Sépulcre.


Via Dolorosa, le chemin de la Passion PAR GUYLAIN PRINCE, OFM

Par où le Christ est-il passé pour monter au Calvaire ? L’itinéraire du chemin de Croix tel que nous le connaissons aujourd’hui a été fixé au début du XVIIIe siècle. Si l’archéologie moderne a révélé des erreurs dans la localisation des événements, le parcours des pèlerins est d’abord un cheminement intérieur.


La cité de Dieu

© JOHN STANMEYER/NATIONAL GEOGRAPHIC CREATIVE/CORBIS.


RECUEILLEMENT

L’office du vendredi saint célébré dans la cathédrale Saint-Jacques, siège du patriarcat arménien de Jérusalem, dans le quartier arménien de la Vieille Ville.

Conquise par les croisés en 1099, au terme de cinq semaines de siège, Jérusalem allait devenir pour un siècle la capitale d’un royaume chrétien. Ordres religieux et pèlerins n’ont cessé, depuis, d’y affluer pour vénérer les lieux de la mort et de la résurrection du Christ.


Les sept vies du Saint-Sépulcre PAR MARIE-ARMELLE BEAULIEU

Entre destructions, reconstructions et restaurations, le sanctuaire qui abrite le tombeau du Christ, à Jérusalem, témoigne de toute l’histoire mouvementée de la Terre sainte. Mais la basilique est aussi le reflet, fascinant et parfois insolite, de la diversité des communautés du monde chrétien.


© MARIE-ARMELLE BEAULIEU/CTS.

FEU SACRÉ

La rotonde ou Anastasis (Résurrection) avec, au centre, l’édicule qui abrite le tombeau du Christ. Ici, pendant la cérémonie du feu sacré, le samedi saint de la Pâque orthodoxe.


© MARJI LANG/LIGHTROCKET VI A GETTY IMAGES.

MILLE ET UN ÉCLATS

L’esplanade des Mosquées, à Jérusalem, abrite, depuis la fin du VIIe siècle, le Dôme du Rocher (photo) et la mosquée al-Aqsa qui lui fait face. Elle est le troisième lieu saint des musulmans après La Mecque et Médine.


L’esplanade de la discorde PAR MARISA BUENO

Emblème universel de Jérusalem, sur laquelle la coupole dorée du Dôme du Rocher semble veiller, l’esplanade des Mosquées cristallise les tensions religieuses, historiques et politiques. Affirmant que la mosquée al-Aqsa préexista à Mahomet, la tradition musulmane en est venue à contester que s’y soit jamais élevé un temple juif.


L’an prochain à Jérusalem


BALADE EN VILLE

© JUSTIN NATHANIEL KENDERES.

La rue Jaffa au crépuscule. Devenue piétonnière avec l’aménagement du tramway, cette artère est l’une des plus vieilles et des plus longues de Jérusalem. Elle relie la porte de Jaffa à l’entrée de la ville et suit l’ancienne ligne de démarcation entre Jérusalem-Est et Jérusalem-Ouest.

Son nom sonne comme une promesse, sa réalité a l’épaisseur du temps et la complexité de cinq mille ans d’histoire. Archéologues et historiens la racontent à travers une sélection d’ouvrages. Passé et présent se rejoignent entre les murs de quelques hôtels d’exception.


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