Confiscations mon amour

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Faculté d’Economie et de Gestion & Faculté de Droit Centre d’Etudes des Techniques Financières et d’Ingénierie - CETFI Centre de Recherche en Matière Pénale Fernand Boulan Groupe Européen de Recherche sur la Délinquance Financière et la Criminalité Organisée

Mémoire présenté pour l’obtention du Master professionnel, Droit Privé & Sciences Criminelles (Faculté de Droit) Comptabilité, Finance, Fiscalité et Patrimoine (Faculté d’Economie et de Gestion) Spécialité :

« Lutte contre la criminalité financière et organisée »

Essor des instruments de saisie et confiscation face à l’extension des mafias italiennes en France

Présenté et soutenu par :

Sébastien STELLA Sous la direction de : Dottore Alberto Ernesto PERDUCA

Octobre 2013



Faculté d’Economie et de Gestion & Faculté de Droit Centre d’Etudes des Techniques Financières et d’Ingénierie - CETFI Centre de Recherche en Matière Pénale Fernand Boulan Groupe Européen de Recherche sur la Délinquance Financière et la Criminalité Organisée

Mémoire présenté pour l’obtention du Master professionnel, Droit Privé & Sciences Criminelles (Faculté de Droit) Comptabilité, Finance, Fiscalité et Patrimoine (Faculté d’Economie et de Gestion) Spécialité :

« Lutte contre la criminalité financière et organisée »

Essor des instruments de saisie et confiscation face à l’extension des mafias italiennes en France

Présenté et soutenu par :

Sébastien STELLA Sous la direction de : Dottore Alberto Ernesto PERDUCA

Octobre 2013


Le Groupe Européen de Recherche sur la Délinquance Financière et la Criminalité Organisée (DELFICO) est une entité du Centre d’Etudes des Techniques Financières et d’Ingénierie (CETFI) de la Faculté d’Economie et de Gestion qui travaille en collaboration avec le Centre de recherche en matière pénale Fernand BOULAN de la Faculté de Droit (Aix-Marseille Université) et l’Institut de Police Scientifique de l’Ecole de Sciences Criminelles de l’Université de Lausanne. Sa mission est de fournir les supports d’analyse et d’ « information » destinés à lutter contre les organisations criminelles transnationales, le blanchiment, l’ « escroquerie » financière, la corruption et, d’une manière plus générale, l’utilisation détournée de techniques de gestion, juridiques, économiques ou financières en vue de commettre un crime ou un délit. Il vise également à définir les outils permettant une analyse stratégique prospective dans ces domaines, afin d’identifier et d’élaborer de nouvelles méthodes adaptées à cette « lutte ».


La faculté n’entend donner aucune approbation ni improbation aux opinions émises dans ce mémoire. Ces opinions doivent être considérées comme propres à ses auteurs.


REMERCIEMENTS Je remercie le procureur de la République adjoint Alberto PERDUCA pour avoir accepté de diriger ce mémoire ainsi que pour le stage passionant, à ses côtés au

parquet de Turin, dans le cadre du Master 2 « Lutte contre la criminalité financière et organisée ».

Je remercie mesdames Anna CANEPA, substitut au procureur à la Direzione

Nazionale Antimafia ; le professeur Claude DUCOULOUX-FAVARD, directrice du Cercle des Comparatistes Droit et Finance ; Daniela POLIDORI, secrétaire au Consiglio Superiore della Magistratura ; Maria Chiara PRODI de l’association Libera.

Je remercie messieurs Federico ALAGNA ; Ferdinando BRIZZI, vice-procureur

honoraire au parquet de Turin ; Eric CAMOUS, vice-procureur de la République de Nice ; Roberto CAVALLONE procureur de la République à San Remo ; Francesco CIRILLO, vice-directeur général de la Polizia di Stato et directeur de la Polizia

Criminale ; Mauro DEL ROSARIO, capitaine de la Guardia di Finanza à Turin ; Giuseppe MUTI ; Valentino NEVOSI officier de liaison de la Polizia di Stato à

l’Ambassade d’Italie ; Paolo PALAZZO, capitaine des Carabinieri à Turin ; Fabrice RIZZOLI docteur en Sciences politiques à l’université de Paris I (Panthéon-

Sorbonne) ; Francesco SACCOMANNO, substitut du commissaire à la Polizia di Stato de Turin ; Adriano VARRICA assistant à la commission antimafia du Parlement européen.

Un remerciement sincère est adressé à toutes les autres personnes qui m’ont aidé dans la rédaction de ce mémoire.

Enfin, je remercie les professeurs Gilles DUTEIL et Marc SEGONDS, pour m’avoir admis au Master 2 « Lutte contre la criminalité financière et organisée », dont ils sont les co-directeurs.


Ă€ mon cher ami, Vittorio.


SOMMAIRE

INTRODUCTION ....................................................................................................................... 1

PARTIE 1 – LUTTE PATRIMONIALE FACE AUX MAFIAS ITALIENNES .... 10

CHAPITRE 1 – Enjeux patrimoniaux .............................................. 11 Section 1 Présence progressive des mafias italiennes en France ............................ 11 Section 2 Identification du patrimoine mafieux par la coopération ......................29

CHAPITRE 2 – Appréhension du patrimoine des mafias ......................... 45 Section 1 Phase en amont de la confiscation du patrimoine .....................................45 Section 2 Phase en aval de la confiscation du patrimoine ......................................... 61

PARTIE 2– RÉPRESSION PATRIMONIALE DES MAFIAS ITALIENNES ..... 73

CHAPITRE 1 - Instruments de confiscation communs .......................... 74 Section 1 Confiscation du patrimoine mafieux .............................................................74 Section 2 Confiscation du patrimoine du mafieux ...................................................... 91

CHAPITRE 2 – Mesures de prévention patrimoniales.......................... 110 Section 1 Application des mesures de prévention en Italie.................................... 110 Section 2 Exécution des mesures de prévention en France ................................... 126

CONCLUSION ........................................................................................................................ 139

ANNEXES................................................................................................................................ 142

BIBLIOGRAPHIE ................................................................................................................... 187

TABLE DES MATIÈRES ..................................................................................................... 200


ACRONYMES

FRANCE

ITALIE

AGRASC

Agence de Gestion et de Recouvrement des Avoirs Saisis et Confisqués

ANBSC

CPP

Code de procédure pénale

CPP

Agenzia Nazionale dei Beni Sequestrati e Confiscati alla criminalità organizzata Codice di procedura penale

Cass. pen

Cour de cassation, chambre criminelle

Cass. Sez. U.

Corte di cassazione, Sezione unite

CCnel

Conseil Constitutionnel

C. Cost.

Corte Costituzionale

CCPD

DDA

Direzione Distrettuale Antimafia

CP

Centre de Coopération Policière et Douanière Code pénal

CP

Codice penale

FIBEN

FIchier BAncaire des ENtreprises

DIA

Direzione Investigativa Antimafia

FICOBA

Fichier central des comptes bancaires et assimilés Fichier national des données patrimoniales Fichier des objets et véhicules signalés Groupements d’Intervention Régionaux

DNA

Direzione Nazionale Antimafia

GIP

Giudice delle Indagini Preliminari

GUP

Giudice delle Udienze Preliminari

GIANOS

Juridictions Inter-Régionales Spécialisées système judiciaire de documentation et d’exploitation Mission interministérielle de lutte contre les drogues et la toxicomanie Officier de Police Judiciaire

GICO GIIRL

Generatore di Indici di Anomalia per Operazioni Sospette. Gruppi d’investigazione sulla criminalità organizzata Gruppo Integrato Interforze

PG

Polizia Giudiziaria

ROS

Reparto Operativo Speciale

Office central pour la répression de la Grande Délinquance financière de la Direction Centrale de la Police Judiciaire Police Judiciaire

SCICO

Servizio centrale di investigazione sulla criminalità organizzata

SCO

Servizio centrale operativo

Plateforme d’Identification des Avoirs Criminels Section Centrale de Coopération Opérationnelle de la Police Section de Recherche de la Police Judiciaire système de traitement des infractions constatées système de traitement des images des véhicules volés Service de renseignement et d'analyse sur la criminalité organisée

SDI

Sistema Di Indagine

SICRA

l’anagrafe dei rapporti finanziari

SIDDA/ SIDDNA

Sistema informativo Direzione Distrettuale/Nazionale Antimafia

FNDP FOVeS GIR JIRS JUDEX MILDT OPJ OCRGDF

PJ PIAC SCCOPOL SRPJ STIC STIVV SIRASCO


« Il est donc devenu obligatoire – et non plus seulement facultatif, comme dans le passé à la discrétion du juge d’instruction – d’exploiter les enquêtes bancaires et patrimoniales aux fins de mettre en œuvre des mesures – comme la saisie et la confiscation – qui à tort négligées dans le passé, constituent aujourd’hui un instrument extrêmement efficace de lutte contre la criminalité mafieuse ».1

Giovanni FALCONE

1

« E divenuto quindi obbligatorio – e non più riservato, come nel passato, alla discrezionalità dell’istruttore – l’espletamento di indagini bancarie e patrimoniali al fine della adozione di misure – come il sequestro e la confisca – che, a torto neglette nel passato, costituiscono invece un efficacissimo strumento di lotta contro la criminalità mafiosa ». In FALCONE G., L’acquisizione delle prove nei procedimenti penali concernenti associazioni mafiose, Atti del seminario di studi « Difesa della convivenza civile dalla mafia », Venezia, 1985.


INTRODUCTION

1.

Des propos alarmants. Depuis environ deux ans, d’importants personnages

de la lutte antimafia italienne alertent nos autorités de l’intérêt grandissant des organisations criminelles de type mafieux pour la France. Roberto SAVIANO2 consacre la préface de son ouvrage « Le combat continue » à la présence mafieuse dans notre pays. Ses propos sont particulièrement forts : « la France a toujours porté, sur les histoires de mafia, un regard profondément différent de celui de la tradition antimafia italienne. La criminalité organisée y est considérée en quelque sorte, comme une activité antibourgeoise, une alternative possible à la société civile et ordinaire. Un monde dans lequel des hommes marginalisés, ou insatisfaits parviennent à se réaliser. À cela, s’ajoute une propension à considérer cette criminalité comme un problème qui lui est étranger ».3 Les propos du journaliste sont d’autant plus alarmants qu’ils trouvent un écho auprès des autorités italiennes ; Pietro GRASSO, procureur national antimafia de l’époque est interrogé par le journal Le Figaro en 2011 à propos des investissements des mafias en France. Malgré la réalité du phénomène, il demeure optimiste contrairement au journaliste sur l’engagement de notre pays, se félicitant de la récente création d’une agence de gestion des biens confisqués. En effet, la France se dote progressivement d’instruments redoutables pour améliorer sa lutte contre le crime organisé, notamment de nature patrimoniale : « rappelons juste qu'amasser des fortunes est la finalité ultime des mafieux et qu'il leur est plus difficile de trouver des biens de substitution que des hommes de rechange. En confisquant leurs avoirs criminels, nous affaiblissons leur influence, leur capacité à employer des familles entières et leur pouvoir de corruption ».4 2.

Perception française du phénomène mafieux. Si la perception du

phénomène est légitimement différente entre les deux pays, parce que la mafia est avant tout une particularité italienne, peuvent également être dénombrées en France des victimes du « Milieu ». Les assassinats du juge RENAUD, du juge MICHEL ou du préfet ÉRIGNAC, bien que survenus à des périodes et dans des

2

Auteur du célèbre Gomorra, Roberto SAVIANO est un journaliste engagé contre la Camorra vivant aujourd’hui sous protection policière permanente. 3 SAVIANO R., Le combat continue : résister à la Mafia et à la corruption (Vieni via con me), édition Robert Laffont, 2012, p. 9. 4 « Pietro Grasso : ‘’La France, cible de la Mafia’’ », Le Figaro, 16 novembre 2011.

1


contextes différents, ne peuvent que rappeler ceux de leurs homologues italiens : les juges FALCONE, BORSELLINO ou encore le préfet DALLA CHIESA. En France, la mafia n’est pas perçue de la même manière qu’en Italie, le droit français n’ayant pas été confronté à la même histoire criminelle. Néanmoins, parallèlement à l’essor d’instruments de lutte patrimoniaux, une prise de conscience semble avoir lieu au plus haut niveau de l’Etat : alors qu’en 1999 le ministre de l’Intérieur dénonçait le caractère « semi-mafieux » de l’assassinat du préfet ÉRIGNAC5, son successeur a déclaré il y a quelques mois seulement que « le mot ‘’mafia’’ désigne le stade ultime du crime organisé. En Corse, il y a bien une criminalité organisée qui cherche, par l’intimidation et la violence, à s’accaparer des richesses. Elle n’hésite pas à pénétrer

certaines

institutions

et

les

secteurs

économiques

en

plein

développement. Il faut donc parler de mafia. » 6 La prise de conscience est néanmoins rendue difficile par une connaissance stéréotypée du phénomène. Le terme mafia n’est pas reconnu juridiquement dans tous les Etats européens. Tel est certes le cas en Italie, mais il n’est employé en France que dans un cadre journalistique. Si la potentielle existence d’une mafia française semble aujourd’hui au cœur de l’actualité, il ne faut pas exclure l’enracinement de réseaux mafieux étrangers, italiens ou non, sur notre territoire. 3.

Les mafias implantées en France. Lors de son interview, l’ancien procureur

national antimafia italien ne se réfère pas seulement aux mafias italiennes. Il parle plus globalement d’organisations criminelles européennes mais aussi internationales. Ainsi, « Cosa Nostra, hélas, n'est pas seule dans le paysage. Outre la Camorra napolitaine, la Ndrangheta calabraise et la Sacra corona unita des Pouilles, l'Europe est devenue le berceau d'organisations redoutables venant de Chine ou du Nigeria ». S’il est vrai que ce phénomène attire particulièrement l’attention des journalistes7, les autorités françaises prennent conscience de ce phénomène. Dans ses derniers rapports, le SIRASCO 8 fait état de la présence de ces mafias étrangères sur notre territoire. La première partie est consacrée « aux organisations criminelles qui impactent la France ». Il se réfère aux organisations françaises, balkaniques, turcophones, russophones, italiennes, les groupes criminels issus de la communauté des « gens du voyage », la criminalité organisée africaine, 5

« Des truands peu mafieux et très corses. L'île reste sous la coupe de voyous locaux et de bandes nationalistes », Libération, 10 février 1998. http://www.liberation.fr/evenement/0101238704-des-truands-peu-mafieux-et-tres-corses-l-ilereste-sous-la-coupe-de-voyous-locaux-et-de-bandes-nationalistes 6 Propos tenus par Manuel Valls, Ministre de l’intérieur. « Les mafias françaises : Trafics – Corruption – Blanchiment », L’Express, n°3227 semaine du 8 au 14 mai 2013, p. 76. 7 « Enquête sur la mafia en France », Le Point, hebdomadaire d’information du jeudi 21 juillet 2011, n°2027, p. 39. 8 Service de renseignement et d'analyse sur la criminalité organisée également appelé service de lutte anti-mafia.

2


les organisations criminelles asiatiques ainsi qu’aux gangs de motards. Nous ne nous intéresserons pas à l’ensemble des organisations actives en France, pas même à l’existence d’une « mafia française ». Notre propos sera plutôt de nous concentrer sur l’extension des mafias italiennes en France. En effet, à en croire les journalistes, le rapport du SIRASCO de 2012 est partiellement consacré aux

mafias italiennes « dans les énergies vertes ».9 Bien que paraissant minime par rapport aux autres organisations s’implantant en France, l’extension des mafias italiennes au-delà des Alpes est une réalité. Elle fait d’ailleurs l’objet d’un intérêt aux yeux des institutions européennes : l’agence Europol prouve dans un récent rapport qu’elle ne sous-estime pas le phénomène : « Mafia-type Italian organised

crime is a clear and present threat to the European Union (EU). The basis of the power of the Italian Mafias resides in their control and exploitation of the territory and of the community ».10 4.

Origine des mafias italiennes. L’origine du phénomène est incertaine,

autant que l’étymologie du terme « mafia »11 à propos de laquelle les historiens ont émis de nombreuses hypothèses. Soulignons à titre anecdotique que certains vont jusqu’à estimer qu’il s’agit de l’acronyme « Morte Alla Francia Italia Anela ».12 Il daterait des Vêpres siciliennes, révolte contre la domination normande de l’île au XIIIème siècle.13 5.

Les mafias italiennes actuelles. En Italie, les organisations de type

mafieux sont au moins quatre. « L’utilisation du pluriel n’est pas le fruit d’une simple habitude mais une nécessité dictée par la complexité des phénomènes criminels de ce début de millénaire ».

14

Le dernier rapport de la Direzione

Nazionale Antimafia (D.N.A.) considère comme des mafias les organisations suivantes : Cosa Nostra sicilienne, la Camorra napolitaine, la ‘Ndrangheta

9

« Cinq organisations criminelles sous surveillance », Le Figaro, 21 octobre 2012. http://www.lefigaro.fr/actualite-france/2012/10/21/01016-20121021ARTFIG00170-cinqorganisations-criminelles-etrangeres-sous-surveillance.php 10 « Le crime organisé de type mafieux italien est une menace réelle et actuelle pour l’Union Européenne. Les bases du pouvoir des mafias italiennes résident dans leur contrôle et l’exploitation du territoire ainsi que de la population ». Europol, EU serious and organized crime threat assessment, SOCTA, 2013, p. 1. 11 Voir DUCOULOUX-FAVARD C., La mafia italienne : des vergers d’agrumes aux marchés globalisés, Afarnaud Franel éditions, 2008, p. 24. 12 « L’Italie souhaite la mort de la France ». 13 Pour approfondir la question de l’étymologie, se reporter à LUPO S., Storia della mafia : la criminalità organizzata in Sicilia dalle origini ai giorni nostri, Donzelli editore, 2004, p. 20-24. Concernant plus généralement l’invasion normande en Sicile, consulter FRÉTIGNÉ J-Y., Histoire de la Sicile, édition Fayard, 2009. 14 « L’uso del plurale non è un vezzo ma una necessità dettata dalla complessità dei fenomeni criminali di questo inizio di millennio ». In PEPINO L., VARESO M., et al., Dizionario enciclopedico di mafie e antimafie, , edizioni GruppoAbele, 2013, p. 344.

3


calabraise, ainsi que la Sacra corona unita des pouilles. 15 Ces organisations mafieuses constituent un phénomène complexe ; certains auteurs vont jusqu’à réserver le terme « mafia » aux seules organisations italiennes, parce que « la vulgarisation médiatique du mot mafia empêche l’approche scientifique d’un phénomène recouvrant des réalités très hétérogènes et représentant un paradigme de la complexité ».16

6.

Cosa Nostra sicilienne. L’origine de Cosa Nostra, dans sa forme actuelle,

remonte au débarquement des américains sur les plages siciliennes lors de l’opération Husky du 10 juillet 1943.17 En collaborant avec les boss mafieux locaux, les américains ont ainsi participé à renforcer la domination mafieuse sur l’île.18 Alors que l’organisation se restreint à quelques quartiers palermitains au temps de NAVARRA19, elle acquiert de l’importance dans le domaine politique en dominant progressivement toute la Sicile, certaines régions du Nord de l’Italie ainsi que des Etats étrangers. Au cours des cinquante dernières années, Cosa Nostra n’a cessé d’entamer des relations avec des représentants des pouvoirs publics (cf. figure 1). Dans les années ’90, les chefs de la mafia sicilienne auraient réclamé une levée du régime dérogatoire de détention duquel ils faisaient objet, en s’engageant en échange à mettre un terme aux attentats. Ces faits sont actuellement jugés dans le cadre de l’affaireTrattativa Stato-Mafia. L’organisation de la mafia sicilienne est particulièrement hiérarchique : la cellule de base est la « famiglia », rassemblant en moyenne une cinquantaine d’affiliés, composée de « soldati ». Ces derniers sont groupés par dizaine et agissent sous l’autorité du « capo decina ». L’élection du chef de la famille se déroule par scrutin et le vote est anonyme. A leur tour, les chefs de plusieurs familles élisent un chef régional, le « capo mandamento », qui siège dans une des « cupole ». Cette dernière institution désigne un haut représentant qui intégrera le plus haut degré de l’organisation : la « commissione regionale ».

15

Les basilischi luciani des pouilles, la Mala del Brenta de Vénétie, la Banda della Magliana romaine ainsi que la Stidda sicilienne ne sont pas juridiquement des mafias en raison de leur instabilité. 16 RIZZOLI F., Petit dictionnaire énervé de la Mafia, Les éditions de l’Opportun, 2012, p. 123. 17 « Credo che Cosa Nostra sia coinvolta in tutti gli avvenimenti importanti della vita siciliana, a cominciare dallo sbarco alleato in Sicilia durante la seconda guerra mondiale e dalla nomina di sindaci mafiosi dopo la Liberazione ». In FALCONE G., Cose di Cosa Nostra, p. 69. 18 « Si incontrarono parecchie volte con esponenti di spicco dellamalavita organizzata siciliana non solo per ricevere notizie sull isola ma, (…) per sfruttare il loro potere locale in chiave anticomunista ». In COSTANZO E., Mafia e Alleati : servizi segreti americani e sbarco in Sicilia, da Lucky Luciano ai sindaci « uomini d’onore », le Nove Muse editrici, Catania, 2006, p. 33. 19 Michele NAVARRA fut le dernier chef de la commune de Corleone (PA) avant que le clan ne soit repris par Luciano LEGGIO puis rapidement par Salvatore RIINA, qui réussira à dominer Palerme, puis la Sicile toute entière.

4


Figure 1 : Lien entre mafia et politique20

Ce schéma établit par Paolo BORSELLINO, magistrat antimafia, est révélateur de l’exploitation du système politique par la mafia : 1) Elle insère ses hommes dans la sphère politique, comme cela fut le cas pour Vito CIANCIMINO, à une époque maire de Palerme. 2) Elle conditionne les décisions par la corruption et l’intimidation. 3) Elle exploite enfin la ‘’tentation de la cohabitation – avec le pouvoir mafieux - c’est-à-dire la tolérance de ce contre-pouvoir.

7.

Camorra napolitaine. Cette mafia ne dispose pas de la même organisation

que Cosa Nostra. Moins hiérarchisée, elle correspond davantage à une multitude de clans indépendants, dont le plus important est probablement celui des Casalesi, implanté à Casal di Principe. En effet, la tentative de mettre en place une véritable organisation par Raffaele CUTOLO est un véritable échec dans les années 1980. Les derniers évènements marquants remontent à 2010 et concernent « le massacre de Castelvolturno ». Les piliers de l’organisation sont par la suite arrêtés dans divers Etats dont la France (cf. infra). 8.

‘Ndrangheta calabraise. Longtemps considérée comme une organisation

secondaire en raison de son fort caractère archaïque 21 , la mafia calabraise pourrait être comparée, d’un point de vue organisationnel, à une fédération : la « ‘ndrina », constitue la famille à laquelle se rattache le membre du « locale » et peut être qualifiée de « ‘ndrina distaccata » dans les cas où elle serait rattachée à un « locale » implanté ailleurs qu’en Calabre. Plusieurs familles peuvent composer un même « locale » : il peut être ouvert, fermé ou suspendu. Le « crimine » est la force armée du locale. A la variété des structures correspond une hiérarchie bien établie. Dans la « Società Minore », le « Sgarro »

est le supérieur du chef du

locale, assisté par le chef de la section « crimine ». Leurs soldats, dits « Picciotti » 20

BORSELLINO P., Oltre il muro dell’omertà, BUR Rizzoli, Milano, p. 124. Pour approfondir, se rapporter à ROUX F., « Entre tradition et modernité, la ‘Ndrangheta au cœur de la criminalité organisée et financière. », mémoire universitaire, dir. PERDUCA A., Centre d’Etudes des Techniques Financières et d’Ingénierie – CETFI, Aix-Marseille Université, 2012. 21

5


connaissent la même dénomination que dans Cosa Nostra. La société mineure est elle même subordonnée à une société majeure composée par les « Sgarristi » des sociétés mineurs, chargés de prendre les décisions importantes. Le lien entre les deux sociétés est assuré par le « Mastro di Giornata », ayant pour fonction d’informer les membres des convocations aux réunions. 9.

Sacra corona unita des pouilles. Fréquemment dénommée « la quatrième

mafia », cette organisation criminelle est essentiellement présente dans le Sud de l’Italie (à Bari, Foggia, Lecce, Brindisi, Taranto notamment) et principalement orientée

vers

l’Est

de

l’Europe

(notamment

l’Albanie).

Bari

est

la

ville

géographiquement située le plus au Nord, sur laquelle l’organisation est étendue. Celle-ci est donc peu présente au Nord de l’Italie et n’entrera pas, dès lors, dans le cadre de notre analyse. 10.

Les prémices de l’extension en France : affaire dite de la « French

connection ». En France, le dossier de la « French connection » est l’un des premiers à marquer l’intérêt des mafias italiennes en France. Historiquement, Cosa Nostra est la première à étendre ses centres d’intérêts en France : les mafias italiennes sont alors en proie de chimistes français capables de raffiner leur marchandise, tels que André BUSQUET22 (pour Cosa Nostra) ou Charles ALTIERI (pour la ‘Ndrangheta), étant rappelé que ce dernier a été condamné pour l’assassinat du juge Pierre MICHEL.23 Sa collaboration avec les juges palermitains Giovanni BARRILLE, Giusto SCIACCHITANO ainsi qu’avec Giovanni FALCONE fait foi de l’intérêt de ces mafias en France déjà dans les années 1980. 11.

Des mafias italiennes « en col blanc »24. L’implantation en dehors des

territoires d’origine s’opère par le biais d’activités criminelles plus évoluées, caractérisées notamment par l’infiltration de divers secteurs de l’économie et des institutions publiques. Elle est de ce fait moins violente. 25 Tout en continuant à mettre en pratique des rites ancestraux

et en respectant des règles

particulièrement strictes, les hommes d’honneur se sont déployés sur la scène internationale dans le but de gangrener l’économie. D’après le sociologue Pino ARLACCHI, ils ne cessent de développer leur activité en matière de criminalité

22

MUTI G., « La criminalità ambientale : analisi geoeconomica e geopolitica territoriale nella regione europea », tesi di dottorato, (rel. SOPPELSA J.), Università degli studi la Sapienza, Roma, 2005, p. 301. 23 GRATTERI N., La malapianta, Mondadori editori, 2009, p. 108. 24 Expression de Edwin H. Sutherland (1949). 25 DUCOULOUX-FAVARD C., op. cit., p. 151.

6


astucieuse dans le Nord de l’Italie comme en France.26 Pour décrire cette évolution, le sociologue n’hésite pas à distinguer deux formes d’infiltration de l’économie. D’une part, « l’entreprise mafieuse » met en pratique la violence pour s’affirmer sur un plan économique.27 Cette forme de criminalité mafieuse n’a pas disparu. D’autre part, la « mafia-impresa » ne suscite aucun acte de violence. Elle concerne davantage les agissement mafieux considérés comme une combinaison de moyens économiques aux fins d’enrichissement.28 Or, les mafias s’activent à pratiquer des activités licites dans les autres Etats grâce à l’argent accumulé par les infractions commises en Italie. Ces activités, d’apparence légitimes,

ne donnent pas lieu à

l’emploi de la violence et ne soulèvent pas, de ce fait, des problèmes d’ordre public ou de sécurité. Le phénomène est dès lors moins visible. 12.

Orientation du droit italien vers l’ « ablation » du patrimoine mafieux.

L’existence et la puissance de la mafia en Italie a été reconnue tardivement par les autorités italiennes. Preuve en est l’adoption de la loi d’association de type mafieux dans le code pénal italien seulement en 1982. 29 Depuis cette époque, le droit pénal italien développe des instruments de lutte voués à confisquer le patrimoine des organisations mafieuses. En France comme en Italie, la confiscation «

se

caractérise par un transfert de propriété forcé au bénéfice de l'État. Les délinquants concernés se trouvent ainsi dépossédés de leurs biens sans pouvoir obtenir la moindre compensation. Il en résulte un appauvrissement dont les conséquences sont réellement préjudiciables à l'activité criminelle ».30 Cependant, la terminologie utilisée chez les transalpins est révélatrice de cette politique criminelle radicale : l’ablation (ablazione) entre dans le vocabulaire juridique alors qu’il s’agit initialement d’un terme médical. Pour en comprendre le sens, il faut se reporter plus généralement à l’étymologique latine ablatio se traduisant par « l’action d’enlever ».31 13.

Les

autres

instruments

de

lutte

contre

les

mafias. Pour lutter

efficacement contre la criminalité organisée, les enquêtes ne peuvent pas porter uniquement sur les aspects patrimoniaux. Il faut d’abord être en mesure de 26

ARLACCHI P., La mafia imprenditrice : dalla Calabria al centro dell’inferno, Il Saggiatore, Milano, 2007, p. 109. 27 Pour approfondir, se reporter à MUGELLINI G., CANEPPELE S., (coord. SAVONA E.), Le imprese vittime di criminalità in Italia, Transcrime report n. 16, Università degli Studi di Trento, 2012. 28 « Un’ estensione delle attività lecite di mercato in aree proscritte e in risposta a una domanda di beni e servizi illeciti ». In SANTINO U., Dalla Mafia alle Mafie : scienze sociali e crimine organizzato, Rubbertino editore, 2006, pp 19-26. 29 Loi du 13 septembre 1982, n. 646 dite Rognoni-La Torre. 30 CAMOUS E., Les saisies en procédure pénale : un régime juridique modernisé . - Commentaire des dispositions pénales de droit interne de la loi n° 2010-768 du 9 juillet 2010 visant à faciliter la saisie et la confiscation en matière pénale, Droit pénal n° 1, Janvier 2011, étude 1. 31 Dictionnaire Latin-Français, Félix Gaffiot, édition Hachette, 2010.

7


monter des dossiers solides à l’encontre de ceux qui sont soupçonnés de faire partie des groups mafieux. Cette phase, qui ne fera pas l’objet de notre propos, concerne les autres instruments procéduraux existants et traditionnellement exploités par les enquêteurs. Par exemple, les repentis

32

jouent un rôle

fondamental en matière de lutte antimafia : le maxi-procès de 1986 ayant frappé de plein fouet Cosa Nostra et celui mené actuellement à Turin à l’encontre de la ‘Ndrangheta (cf. infra) n’auraient pas pu se réaliser sans les précieuses déclarations de collaborateurs de justice.33 Ainsi, il est nécessaire avant de songer à confisquer le patrimoine mafieux, de prouver l’appartenance à l’organisation, dont l’existence doit elle même être démontrée. La confiscation en matière mafieuse découle donc d’un travail de longue haleine, fondé sur des instruments pénaux existant tant en Italie qu’en France : la surveillance, les infiltrations, les interceptions de correspondances par la voie des télécommunications, les sonorisations ou captations d’images.34 En matière de collaboration entre les deux pays, la prévision de régimes procéduraux différents concernant ces instruments influe sur le résultat des enquêtes, donnant ainsi lieu à des difficultés : à titre d’exemple, en matière d’infiltration, il n’existe pas d’agent coordonnateur en Italie, tel que celui qui est prévu par notre code de procédure pénale.35 14.

Volonté du législateur français de « frapper au portefeuille ». Il y a

encore quelques années, certains auteurs dénonçaient le retard du droit français par rapport à d’autres Etats, « décalage qui semble suggérer que la confiscation ne fait pas partie de la ‘’culture’’ judiciaire des magistrats français ». 36 Le législateur a récemment amélioré l’intégralité de l’arsenal juridique en matière de saisie et confiscation pénale, afin de « frapper les délinquants au portefeuille ».37 La loi n. 2007-297 du 5 mars 2007 en constitue le premier jalon et vient refondre l’article 131-21 du code pénal visant la peine complémentaire de confiscation. Pour 32

Les repentis font actuellement l’objet de l’intérêt du législateur en France. Pour approfondir sur leur statut en droit italien, se reporter à DUCOULOUX-FAVARD C., Réflexions sur les repentis et les collaborateurs de justice au regard du droit italien, journal spécial des sociétés françaises par action, Gazette du Palais, 123ème année, n. 183 à 184, juillet 2003. 33 Citons par exemple Tommaso BUSCETTA pour le maxi-procès de Palerme ou Rocco VARACALLI pour le maxi-procès MINOTAURO. 34 Pour approfondir, se reporter à GIUDICELLI-DELAGE G., « Les transformations de l'administration de la preuve pénale » Perspectives comparées : Allemagne, Belgique, Canada, Espagne, Etats-Unis, France, Italie, Portugal, Royaume-Uni, Archives de politique criminelle, 2004/1 n° 26, p. 139-188. 35 L’article 706-86 fait référence à « l'officier de police judiciaire sous la responsabilité duquel se déroule l'opération d'infiltration ». 36 DUCOULOUX-FAVARD C., La confiscation des biens illicites : peine ou mesure de prévention, Programme GROTIUS de l’Union européenne, Palerme, les 16 et 17 novembre 2001, avant-propos, Les Petites Affiches, 31 octobre 2002, n°218. 37 Communiqué de Jean-Luc WARSMANN, « Frapper au portefeuille des délinquants : une sanction convaincante et incontournable face au sentiment d’impunité ». Adoptée à l’unanimité le jeudi 4 juin 2009, Assemblée Nationale.

8


que cette dernière soit pleinement effective, est adoptée la loi du 9 juillet 201038, proposée par le député Jean-Luc WARSMANN.

15.

Problématique. La portée des nouvelles dispositions françaises en matière

de confiscation élargit considérablement le champ des instruments de saisie et confiscation du patrimoine dans le cadre pénal. Si le retard en la matière semble avoir été largement rattrapé, le législateur italien s’est doté d’un instrument de lutte redoutable contre les organisations mafieuses : les mesures de prévention, permettent depuis la loi Rognoni - La Torre de 1982 de procéder à la confiscation du patrimoine mafieux ante-delictum, c’est-à-dire en dehors de la commission d’une infraction, dès lors que la personne en faisant l’objet est considérée comme socialement dangereuse et que ses avoirs, d’origine illicite, ont une valeur disproportionnée par rapport à ses revenus. De telles mesures n’ont pas d’équivalent dans notre système pénal. Il convient dès lors de se demander si le processus

de

confiscation,

tel

qu’envisagé

par

notre

droit

pénal,

est

suffisamment ample pour faire face à une éventuelle extension des mafias italiennes sur le territoire français, sans qu’il soit nécessaire de se doter, comme en Italie, d’instruments similaires aux mesures de prévention ?

16.

Méthodologie de recherche. Pour que notre étude prenne tout son sens,

l’analyse de la présence des mafias italiennes sur le territoire français met en exergue l’intérêt de comparer notre droit positif à la législation antimafia, en raison de l’expérience italienne face à ce phénomène. L’efficacité des dispositions découlant des lois du 5 mars 2007 et du 9 juillet 2010 ne peut pas être mesurée par la seule étude des instruments de saisie et confiscation, mais doit s’élargir à l’ensemble du processus confiscatoire, c’est-à-dire dès la phase de la mise en état patrimoniale, jusqu’à la phase de réintégration des biens confisqués en France comme en Italie (Partie 1). Une fois établie la portée des confiscations dans les deux pays, il sera question d’analyser si la répression par les confiscations en France permet de faire face à la mafia, sans qu’il n’y ait lieu de transposer les mesures de prévention dans notre système pénal (Partie 2).

38

Loi n. 2010-768 du 9 juillet 2010, dite Loi WARSMANN, visant à faciliter la saisie et la confiscation en matière pénale.

9


PARTIE 1 – LUTTE PATRIMONIALE FACE AUX MAFIAS ITALIENNES

17.

Intérêt de la mondialisation pour les mafias. « Les mafias italiennes –

‘Ndrangheta, Cosa Nostra et Camorra – au travers d’un réseau d’entreprises, de la coparticipation actionnariale, sociétale et des établissements de crédit, ainsi qu’une extraordinaire capacité de faire transiter des fonds d’un point à l’autre du monde, ont conquis une place de protagonistes dans la mondialisation et non seulement dans sa dimension criminelle ».39 La mondialisation de l’économie est une aubaine pour les mafias, parce qu’elle représente une opportunité nouvelle de réaliser des infractions toujours aussi profitables, permettant par ailleurs de limiter les risques de répression. Ces constats valent également pour la France, où il semblerait qu’il soit question d’infiltrations mafieuses (Chapitre 1). Ce phénomène conduit à s’interroger sur l’efficacité du processus d’appréhension de leur patrimoine, de parts et d’autres des Alpes (Chapitre 2).

39

« Le mafie italiane – ‘Ndrangheta, Cosa Nostra e Camorra – attraverso il loro sistema di imprese, la compartecipazione azionaria a società e istituti di credito e una straordinaria capacità di movimentazione finanziaria da un capo all’altro del mondo, hanno conquistato un posto da protagoniste nella globalizzazione e non solo nella sua dimensione criminale ». In FORGIONE F., Mafia Export, BCD editori, 2009, pp. 21-22.

10


Partie 1 - Chapitre 1 – Enjeux patrimoniaux

CHAPITRE 1 – Enjeux patrimoniaux 18.

Réalité du phénomène. « Beaucoup d’observateurs peu attentifs parlent de

‘’ disparition des mafias ’’, de la fin des ‘’ derniers parrains ‘’ ... Il faut se convaincre que c’est exactement l’inverse qui est en train de se produire. Selon Europol, actuellement, ce sont 4 000 organisations criminelles fortes de 40 000 membres qui sont présentes en Europe occidentale ! » 40 Pour mesurer l’efficacité des instruments de saisie et confiscation dans le droit positif italien et français, il est nécessaire au préalable de comprendre la réalité de l’extension mafieuse concernant la France (Section 1), pour que la lutte soit efficace, doit être mise en œuvre une coopération transfrontalière, policière et judiciaire (Section 2).

Section 1 Présence progressive des mafias italiennes en France 19.

Extension, expansion, migration. L’analyse de l’évolution des mafias

italiennes est fondamentale pour comprendre les raisons de leur présence actuelle dans de nombreux Etats. Elles n’ont pas initialement vocation à se déplacer de territoire en territoire, mais demeurent bien implantées au Sud de l’Italie. Il ne s’agit donc pas d’une migration mais d’une véritable expansion41, puisqu’elles ont d’abord développé leur toile sur l’ensemble du territoire italien. Ce phénomène, particulièrement marquée dans les années 1990, se poursuit aujourd’hui (§1) en allant de pair avec une extension42 sur le territoire d’autres Etats européens, dont la France (§2).

§1 Mafia : un phénomène d’origine italienne 20.

Perception divergente. Le phénomène mafieux est connu de longue date en

Italie. L’extension de ces réseaux donne lieu à des perceptions divergentes selon que l’on soit en Italie ou en France (A). Il s’agit pourtant des mêmes organisations mafieuses de parts et d’autres des Alpes (B).

40

RODIER A., La criminalité organisée transnationale, Note d’actualité n°234, CF2R, 2008. Mouvement de ce qui s’accroît, se développe. In Le Petit Larousse, 2013. 42 Action de reculer les limites de quelque chose, d’agrandir, d’accroître l’étendue de quelque chose. In Le Petit Larousse, 2013. 41

11


Partie 1 - Chapitre 1 – Enjeux patrimoniaux

A. Recherche d’un langage juridique commun 21.

Subtilité de la définition. « Toute association de malfaiteurs n’est pas une

mafia ».43 Les 3.600 groupes criminels actifs en Europe dénombrés par Europol44, ne sont pas nécessairement des groupes mafieux malgré leur structure organisée et un déploiement international. La distinction des deux notions est d’autant plus subtile que les droits français et italien ont une approche très différente du phénomène. 22.

Limites de la définition supranationale de la criminalité organisée. « Il

est nécessaire que tous les Etats membres parlent la même langue dans la lutte contre le crime. L’Europe a perdu du temps pour en prendre conscience alors que les mafias non jamais vu les frontières comme un obstacle ».

45

La notion de

criminalité organisée est particulièrement sensible. Elle a fait l’objet de définitions hétérogènes au niveau européen et est encore sujette à des perceptions variables entres les Etats. Avant d’être définie dans la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale et organisée (dite de Palerme), elle a fait l’objet de nombreuses réflexions, notamment dans le cadre du groupe TREVI III.46 En 2000, la Convention de Palerme47 donne pour la première fois une définition européenne de la criminalité organisée. Cette définition n’est pas la seule, puisque la Commission Européenne a proposé le 29 mars 2004 une décision cadre venant modifier ainsi les dispositions de l’Action Commune du 21 décembre 1998 (désormais abrogée) parce que « plusieurs Etats membres ne connaissent pas

la notion d’organisation criminelle dans leur législation pénale ». 48 La définition est alors sensiblement modifiée par l’adoption de la décision cadre 2008/841/JAI du

43

CRETIN T., Qu’est-ce qu’une mafia ? Revue de Science criminelle, 1995, p. 281. Europol, op. cit., SOCTA, 2013, p. 6. 45 « Bisogna che dentro tutti gli Stati membri si parli la stessa lingua nella lotta al crimine. L’Europa ha perso tempo nel prendere coscienza, mentre la mafia non ha mai considerato un problema i confini geografici ». In CAVALLARO F., « Sonia Alfano, prima presidente della commissione europea antimafia », Corriere della Sera, 19 aprile 2012. http://www.soniaalfano.it/2012/04/19/lintervista-al-corriere-it-sonia-alfano-prima-presidentedella-commissione-europea-antimafia/ 46 Créé le 21 juin 1985 à propos du trafic de stupéfiants. 47 Au sens de la Convention, une organisation criminelle serait un « groupe structuré de trois personnes ou plus existant depuis un certain temps et agissant de concert dans le but de commettre une ou plusieurs infractions graves ou infractions établies conformément à la présente Convention, pour en tirer, directement ou indirectement, un avantage financier ou un autre avantage matériel ». In Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale et organisée, résolution 55/25 de l’Assemblée Générale du 15 novembre 2000. Elle est ratifiée par la France le 29 octobre 2002 et en Italie par l’article 3 de la loi du 16 mars 2006, n. 146. 48 Mémo 05/25, Bruxelles, le 27 janvier 2005. http://europa.eu/rapid/press-release_MEMO-05-25_fr.htm?locale=FR 44

12


Partie 1 - Chapitre 1 – Enjeux patrimoniaux

Conseil qui ajoute à la définition la notion d’ « association structurée ». 49 Il convient de préciser qu’avant que la Convention de Palerme n’ait été ratifiée, des accords bilatéraux ont été signés entre la France et l’Italie concernant la lutte contre la criminalité organisée.50

Figure 2 : Peines prévues pour la participation à une organisation criminelle51

Cette cartographie met en relief la divergence des peines prévues dans les Etats européens et révèle le défaut d’une perception commune de la criminalité organisée (mafieuse et non mafieuse). Issue des travaux de la commission antimafia européenne, elle démontre une différence de répression significative entre l’Italie et la France en la matière.

23.

La bande organisée – premier degré d’organisation. Le droit français

prend en compte un premier degré d’organisation, inconnu du droit italien. Bien qu’il ne s’agisse pas à proprement parler de criminalité organisée, la bande organisée

49

L’article 1 de la décision-cadre définit la criminalité organisée comme « une association structurée, établie dans le temps, de plus de deux personnes agissant de façon concertée en vue de commettre des infractions punissables d’une peine privative de liberté ou d’une mesure de sûreté privative de liberté d’un maximum d’au moins quatre ans ou d’une peine plus grave, pour en tirer, directement ou indirectement, un avantage financier ou un autre avantage matériel ». 50 Il existe l’accord sur le terrorisme, la criminalité et le trafic de drogue signé à Paris le 13 octobre 1986, l’accord de Rome portant sur la prise en charge des personnes à la frontière du 6 décembre 1990 et l’accord de Chambéry sur la coopération transfrontalière en matière policière et douanière du 3 octobre 1997. Pour consulter la liste intégrale des accords signés par l’Italie, se reporter à : http://www.osce.org/it/fsc/91303 51 ALFANO S., VARRICA A., Per un contrasto europeo al crimine organizzato e alle mafie : la risoluzione del Parlamento Europeo e l’impegno dell’Unione Europea, Franco Angeli editore, 2012, p. 30.

13


Partie 1 - Chapitre 1 – Enjeux patrimoniaux

est le dénominateur commun de nombreuses infractions énumérées à l’article 70673 du code de procédure pénale. La circonstance aggravante de l’article 132-71 du code pénal est utilisée au quotidien par les praticiens et considérée comme suffisamment précise par le Conseil Constitutionnel.52 En Italie il n’existe pas de circonstance aggravante équivalente. La seule référence possible serait celle de l’article 110 du codice penale, qui n’est pas une circonstance aggravante mais prévoit la responsabilité pour tous les participants à une même infraction. Elle se rapproche donc davantage de la notion de complicité. 24.

L’organisation criminelle – deuxième degré d’organisation. Malgré les

efforts des institutions européennes, il n’y a pas encore en Europe de définition homogène de la criminalité organisée. Cette notion n’est pas même véritablement définie par le droit français. Dans le Code pénal de 1810, l’association de malfaiteurs bénéficiait d’une définition précise visée aux articles 265 53 et suivants.54 Aujourd’hui, le législateur français a choisi de ne pas reprendre la définition de la criminalité organisée figurant dans la Convention de Palerme, car considérée comme laissant une trop grande marge d’appréciation aux magistrats.55 Cela n’empêche pas qu’une procédure pénale dérogatoire soit consacrée à une liste limitée d’infractions depuis la loi du 9 mars 200456 et marque « les prémisses d’une remobilisation face au crime organisé corse, lorsque la loi PERBEN II est votée au Parlement ».57 Certains auteurs relèvent néanmoins que « le législateur ne s’est pas livré à une approche méthodique du phénomène de la criminalité organisée avant de s’engager dans l’exercice périlleux de l’énumération ».58 Une définition n’est appréhendée que par les dispositions du délit d’association de malfaiteur (article 450-1 du Code pénal). En Italie, il en va autrement : la notion de criminalité organisée (associazione per delinquere) apparaît pour la première fois dans le Code Sarde-italien de 185959, qui soulignons le, est inspiré du Code Napoléonien de 1810. 52

Les cahiers du Conseil Constitutionnel, Cahier n°16, Commentaire de la décision n°2004-492, DC du 2 mars 2004. 53 « Toute association de malfaiteurs envers les personnes ou les propriétés, est un crime contre la paix publique. Ce crime existe par le seul fait d'organisation de bandes ou de correspondance entre elles et leurs chefs ou commandants, ou de conventions tendant à rendre compte ou à faire distribution ou partage du produit des méfaits. Quand ce crime n'aurait été accompagné ni suivi d'aucun autre, les auteurs, directeurs de l'association, et les commandants en chef ou en sous-ordre de ces bandes, seront punis des travaux forcés à temps. Seront punis de la réclusion tous autres individus chargés d'un service quelconque dans ces bandes, et ceux qui auront sciemment et volontairement fourni aux bandes ou à leurs divisions, des armes, munitions, instruments de crime, logement, retraite ou lieu de réunion. » 54 Pour approfondir, se reporter à PRADEL J., Les règles de fond sur la lutte contre la criminalité organisée, Revue pénitentiaire et de droit pénal, n°3, pp. 517-535. 55 RODIER A., La criminalité organisée transnationale, Note d’actualité n°234, CF2R, 2008. 56 Loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité. 57 FOLLOROU J., La guerre des parrains corses : au cœur du système mafieux, Flamarion, 2013. 58 VERGES E., La notion de criminalité organisée après la loi du 9 mars 2004, AJ Pénal 2004, p. 181. 59 http://www.giustizia.it/giustizia/it/mg_7_4_10.wp#3a

14


Partie 1 - Chapitre 1 – Enjeux patrimoniaux

Aujourd’hui, la notion de criminalité organisée (associazione per delinquere) est prévue par l’article 416 du code pénal et reprend les termes de la Convention de Palerme. Il s’agit des cas où « au moins trois personnes s’associent dans le but de commettre des infractions, ceux qui promeuvent ou constituent ou organisent l’association sont punis, sans que d’autres conditions doivent être réunies, de trois à sept ans de réclusion ».60 Le législateur italien énumère dans le même article de nombreuses hypothèses et circonstances aggravantes. 61 Certaines similitudes apparaissent entre les deux législations : en effet, l’association de malfaiteur et

l’associazione per delinquere sont toutes deux des infractions obstacle. 25.

L’association de type mafieux – troisième degré d’organisation. L’article

416 bis est l’une des dispositions les plus connues du codice penale italien, elle n’a pas d’équivalent en droit français. Cet article définit l’association de type mafieux de la manière suivante : « Quiconque fait partie d’une association de type mafieux formée d’au moins trois personnes est punie d’une peine d’emprisonnement allant de sept à douze ans. Ceux qui promeuvent, dirigent ou organisent l’association sont punis, pour cela seulement, d’une peine allant de neuf à quatorze ans d’emprisonnement. L’association est de type mafieux quand ceux qui la composent en exploitent la force d’intimidation ainsi que des conditions d’assujettissement et d’omertà62 qui en découlent pour commettre des infractions, acquérir directement ou indirectement la gestion ou au moins le contrôle d’activités économiques, de concessions, d’autorisations, de marchés ou de services publics pour en tirer des profits, des avantages indus, pour eux-mêmes ou pour autrui, aux fins d’empêcher ou de faire obstacle au libre exercice du droit de vote, ou de donner des votes à soi-même ou autrui à l’occasion d’élections ».63 L’existence de cette disposition

60

« Tre o più persone si associano allo scopo di commettere più delitti, coloro che promuovono o costituiscono o organizzano l’associazione sono puniti, per cio’ solo, con la reclusione da tre a sette anni ». 61 « Pour le seul fait de participer à l’association (270, 305, 306, 309), la peine prévue est la réclusion de trois à sept ans (32 quater 405). Les chefs encourent la même peine que les promoteurs. Si les associés emploient des armes, dans les campagnes ou sur la voie publique, s’applique la réclusion de cinq à quinze ans (270, 305, 306). La peine est augmentée (64) si le nombre des associés est de dix personnes ou plus (417). Si l’association a pour but de commettre l’une des infractions visées aux articles 600, 601 et 602, ainsi qu’à l’article 12 alinéa 3 bis du Texte Unique concernant la discipline de l’immigration et les normes sur les conditions des étrangers visées dans le décret législatif du 25 juillet 1998, n° 286, s’applique la réclusion allant de cinq à quinze ans dans les cas prévus au premier alinéa, et de quatre à neuf ans dans les cas prévus au deuxième alinéa. » 62 Terme renvoyant à la loi du silence imposée par les associations de type mafieux. 63 « Chiunque fa parte di un'associazione di tipo mafioso formata da tre o più persone, è punito con la reclusione da sette a dodici anni. Coloro che promuovono, dirigono o organizzano l'associazione sono puniti, per ciò solo, con la reclusione da nove a quattordici anni. L'associazione è di tipo mafioso quando coloro che ne fanno parte si avvalgano della forza di intimidazione del vincolo associativo e della condizione di assoggettamento e di omertà che ne deriva per commettere delitti, per acquisire in modo diretto o indiretto la gestione o comunque il controllo di attività economiche, di concessioni, di autorizzazioni, appalti e servizi pubblici o per realizzare profitti o vantaggi ingiusti per sé o per

15


Partie 1 - Chapitre 1 – Enjeux patrimoniaux

particulière invite nécessairement à s’interroger sur son utilité, alors qu’est déjà prévue l’associazione per delinquere. Datant seulement de la loi du 13 septembre 1982, n. 64664, cette infraction existe en raison du fait que « la jurisprudence a été confrontée pendant longtemps au problème de l’applicabilité à la mafia des dispositions de l’article 416, alors uniquement appréhendée par les mesures de prévention spéciales » (cf. infra).65 A ce jour, la doctrine italienne est unanime sur la question, l’article 416 bis réprime un degré supérieur d’organisation. Trois conditions doivent être remplies : la force de cohésion du groupe assurée par la force d’intimidation (1), l’omertà (2) et l’assujettissement des affiliés (3). En effet, pour que l’infraction visée par l’article 416 bis soit caractérisée, il faut démontrer une capacité concrète de provoquer la peur de personnes tierces à l’association. Les seules violences ou menaces commises par les membres ne suffisent pas à consommer l’infraction ; ce qui importe est de prouver la force d’intimidation qui découle de l’existence de l’association. Applicable à toutes les associazioni di tipo

mafioso, même étrangères 66, elle se distingue de l’article 416 en ce que les objectif poursuivis seraient en soi licites (obtention d’un marché public, d’une autorisation quelconque) et pas nécessairement criminels.67 Finalement, c’est la méthode mafieuse (basée sur la force d’intimidation vers l’extérieur et sur

l’omertà à l’interieur) aux fins d’exercer l’influence sur les institutions publiques ainsi que sur l’économie, qui caractérise l’association mafieuse.

B. Expansion du Sud de l’Italie vers les régions limitrophes à la France 26.

Cosa Nostra sicilienne. La présence mafieuse dans le Nord de l’Italie fait

encore l’objet de vives contestations. Il n’y a que quelques années, l’ancien presidente del Consiglio Silvio BERLUSCONI déclarait que « la mafia est un phénomène lointain : 90% des mafieux sont en prison, la criminalité organisée est donc sous contrôle ».68 Pourtant, le rapport de la Direzione Nazionale Antimafia de

altri, ovvero al fine di impedire od ostacolare il libero esercizio del voto o di procurare voti a sé o ad altri in occasione di consultazioni elettorali. » 64 Dite loi ROGNONI – LA TORRE. L’adoption de la loi de 1982 est due aux efforts de Pio LA TORRE, assassiné quatre mois avant l’adoption de sa loi, finalement votée immédiatement après le meurtre du Préfet DALLA CHIESA. 65 « La giurisprudenza si è confrontata per lungo tempo con il problema dell’applicabilità alla mafia della disposizione di cui al articolo 416, vuoi nel settore delle misure di prevenzione speciale ». In RONCO M., ARDIZZONE S., Codice penale ipertestuale, 2a edizione, 2007, Torino, p. 2071. 66 Depuis la réforme introduite par l’article 1, alinéa 1 bis du Décret Législatif du 23 mars 2008 n. 92. 67 NANULA G., La lotta alla mafia : strumentigiuridici, strutture di coordinamento, legislazionevigente, 5a edizione, Giuffrèeditore, p. 11. 68 « Hanno parlato di mafia ma per noi del Nord la mafia è un fenomeno lontano. Senza contare che il 90% dei mafiosi è in carcere e quindi la criminalità organizzata è sotto controllo ». Réponse donnée

16


Partie 1 - Chapitre 1 – Enjeux patrimoniaux

2012 relève la présence de la mafia sicilienne en Ligure et en Lombardie. Pour la première fois, le Tribunal de Gênes confirme la présence d’une fraction de Cosa Nostra dirigée par Giuseppe ‘’Piddu’’ MADONIA, dont les activités étaient le trafic de stupéfiants et les jeux de hasard. Cette décision vient frapper de plein fouet l’idée que la mafia limiterait son activité au Sud du pays.69 Le développement de l’activité quand le contrôle du territoire reste incertain est particulièrement facilité dans des secteurs d’activité tels que le traitement des déchets. En effet,

« crime organisé et mafias sont d'un total opportunisme dans le choix de leurs activités illégales ».70 Ainsi, a récemment été saisi un patrimoine de 22 millions d’euros au boss palermitain Luigi ABBATE, qui avait crée plusieurs sociétés en Ligure et en Lombardie, ayant obtenu dans des temps très brefs plus de 40 marchés publics.71 27.

‘Ndrangheta calabraise. Le rapport de la Direzione Nazionale Antimafia ne

s’intéresse que très succinctement à l’expansion de Cosa Nostra, préférant s’étendre sur d’autres organisations criminelles comme la ‘Ndrangheta ou la Camorra. L’idée selon laquelle la mafia sicilienne, mais surtout la ‘Ndrangheta sont implantées en Lombardie et en Ligure est désormais une certitude. L’influence de l’organisation dans le Piémont se traduit par l’affaire MINOTAURO72, concernant plus de 150 prévenus73, en cours de jugement dans la salle d’audience-bunker de la prison de « Le Vallette » à Turin. L’affaire est de taille puisqu’il s’agit du plus important maxi-procès mené dans le Piémont contre une organisation mafieuse. Les membres du Ministère Public, dont le travail est coordonné par le Procureur de la République

Gian

Carlo

CASELLI,

requièrent

un

total

de

733

années

d’emprisonnement. En Ligure, l’organisation est également bien présente : « si la ‘Ndrangheta,

en exploitant le potentiel offert par le casino de Sanremo, a

historiquement mis en oeuvre des activités d’usure et extorsion, et au travers des profits tirés de ces infractions a également développé une imposante activité de

par Silvio Berlusconi au journal allemand « Der Spiegel » à l’occasion d’une publication intitulée « Der Pate » (Le Parrain) du 30 juin 2003. http://www.spiegel.de/spiegel/print/d-27497115.html 69 « Tribunale di Genova del 19 luglio 2002, con la quale è stata riconosciuta l’esistenza e l’operatività nel territorio genovese di un sodalizio armato di tipo mafioso, diretta emanazione di Cosa Nostra », Relazione annuale Direzione Nazionale Antimafia, 2012, p. 67. 70 RAUFER X., QUERÉ S., Le crime organisé, édition Que sais-je ?, p. 27. 71 « Cosa Nostra investiva al Nord sullo smaltimento dei rifiuti », la Repubblica, Palermo, 29 luglio 2013. http://palermo.repubblica.it/cronaca/2011/04/29/news/cosa_nostra_investiva_al_nord_sullo_smalt imento_dei_rifiuti-15511980/ 72 Relazione annuale, Direzione Nazionale Antimafia, op. cit., p. 98-101. 73 Le terme « imputati » se traduit littéralement par inculpés mais correspond en France juridiquement au terme « prévenu ».

17


Partie 1 - Chapitre 1 – Enjeux patrimoniaux

blanchiment, a considéré stratégique une installation en Ligure, car facilitant l’accès à la France ».74 28.

Camorra de Campanie. Sa présence est marquée par une violence allant de

pair avec la pénétration de l’économie de nombreuses régions du Nord 75 la distinguant ainsi des autres organisations criminelles, plus discrètes. Le 30 mai 2013, l’opération RONZINANTE menée par la Guardia di Finanza a permis la confiscation de biens pour une valeur de 14 millions d’euros à Prato (Toscane). Cette somme comprend 17 sociétés (notamment dans les secteurs de la restauration et de l’immobilier), véhicules de haute gamme ainsi qu’une écurie du clan TERRACCIANO.76

Figure 3 : Implantation mafieuse en Italie du Nord77

Cette cartographie est représentative de la forte implantation de la ‘Ndrangheta, de Cosa Nostra et de la Camorra à l’Ouest de l’Italie, jusqu’aux zones limitrophes à la France comme Vintimille, Bardonecchia ou Aoste.

74

« E così se la ‘ndrangheta, sfruttando le potenzialità offerte dal casinò di Sanremo, ha storicamente svolto attività di usura ed estorsione e attraverso i relativi profitti, ha, anche, sviluppato una imponente attività di riciclaggio, ha considerato strategico l’insediamento ligure in quanto agevole passaggio per accedere in Francia ». Relazione annuale, Direzione Nazionale Antimafia, 2012, op. cit. p. 114. 75 Lazio, Lombardie, Piémont, Vénetie, Emilie-Romagne, Toscane. 76 « Camorra, confiscati beni per 14 milioni di euro, Il Tirreno – Prato, 30 maggio 2013. http://iltirreno.gelocal.it/prato/cronaca/2013/05/30/news/camorra-confiscati-beni-per-14-milionidi-euro-1.7163442 77 MUTI G., La criminalità ambientale : analisi geoeconomica e geopolitica territoriale nella regione europea, tesi di dottorato (rel. SOPPELSA J.), Università degli studi la Sapienza, Roma, 2005, p. 299. Cité dans RIZZOLI F., Les mafias italiennes et la fin du monde bipolaire : relations politicomafieuses et activités criminelles à l’épreuve des relations internationales, 2009, p. 309.

18


Partie 1 - Chapitre 1 – Enjeux patrimoniaux

§2 Intérêt de la « pieuvre italienne » pour le territoire français 29.

Tentacules sur la France. Les mafias italiennes ne se sont pas contentées

d’étendre leurs « tentacules » sur l’ensemble du territoire italien, particulièrement dans les régions du Nord. Tandis que la Sacra corona unita s’étend au-delà de la l’Adriatique, Cosa Nostra, la Camorra et particulièrement la ‘Ndrangheta sont désormais présentes dans de nombreux Etats d’Europe occidentale, dont la France (A). Le développement de leur activité sur notre territoire est motivé par une opportunité de blanchiment/investissement du produit des infractions commises en Italie (B).

A. Extension des mafias italiennes en France 30.

Implantation sicilienne dans les années 1990. La présence de uomini

d’onore de gros calibre en France remonte déjà à l’année 1983. Cela fut le cas pour Antonino CALDERONE, célèbre repenti du clan de Catane (Cosa Nostra). Sa décision de s’installer en Côte d’Azur s’explique simplement par le fait que sa femme y connaissait la sœur de l’un de ses collègues.78 Cette motivation prouve à quel point les raisons d’une cavale en France peuvent être diverses. Le célèbre Bernardo PROVENZANO, à la tête de Cosa Nostra depuis l’arrestation de Salvatore RIINA en 1993 se rend à la clinique de La Ciotat à deux occasions pour une opération de la prostate, en usurpant l’identité d’un boulanger.79 Un autre membre de Cosa Nostra, Giuseppe FALSONE est arrêté le 25 juin 201080 alors qu’il était en cavale à Marseille. Il est recherché en Italie dans le cadre de l’affaire MAGINOT, continuant à distance d’être à la tête de la famille d’Agrigento (Cosa Nostra). La Cour d’Appel de Palerme a récemment annulé sa condamnation à 18 ans d’emprisonnement parce que « pour les juges, la défense, ainsi que pour le ministère public, il n’était pas prouvé que depuis Marseille, Falsone soit à la tête de la famille d’Agrigento ».81 Alors que l’opération était coordonnée par la D.D.A. de Palerme, il est arrêté par les forces de l’ordre françaises et 78

ARLACCHI P., Gli uomini del disonore : La mafia siciliana nella vita del grande pentito Antonino Calderone, Il Saggiatore, 2010, p. 247. 79 « Le parrain de la Mafia opéré à Marseille », Le Figaro, 15 octobre 2007. http://www.lefigaro.fr/international/2006/04/11/01003-20060411ARTWWW90237le_parrain_de_la_mafia_opere_a_marseille.php 80 « Le capo de Cosa Nostra se planquait à Marseille », L’Express, 19 août 2010. http://www.lexpress.fr/actualite/monde/le-capo-de-cosa-nostra-se-planquait-amarseille_913312.html 81 « Per i giudici, la difesa ma anche per il pm non c’era prova che, da Marsiglia, Falsone dirigesse l’organizzazione mafiosa agrigentina ». In « Processo ‘’Maginot’’ in Appello, assolto Giuseppe Falsone », Agrigento notizie, 15 luglio 2013. http://www.agrigentonotizie.it/cronaca/mafia/processo-maginot-appello-assolto-giuseppe-falsoneagrigento.html

19


Partie 1 - Chapitre 1 – Enjeux patrimoniaux

incarcéré à la maison d’arrêt de Luynes, jusqu’à son transfert à Vintimille le 11 août 2010.82

Figure 4 : Projections de Cosa Nostra dans le cœur de l’Europe83

D’après cette cartographie datant de 2009, la ville de Grenoble ne serait qu’un lieu de cavale pour les mafieux en fuite. L’organisation paraît plus active en Côte d’Azur : Menton, Nice, et Toulon sont concernées par des activités de blanchiment. Est relevée à Marseille l’existence de coopérations avec les organisations locales. Seraient enfin, actuellement menées des enquêtes sur des infiltrations mafieuses à Perpignan.

Figure 5 : Société S.F.G. dirigée par Giuseppe FALSONE84

82

« Il boss viveur di Cosa Nostra dalla Francia al carcere 41 bis », La Repubblica, 11 agosto 2010. http://palermo.repubblica.it/cronaca/2010/08/11/news/il_boss_viveur_di_cosa_nostra_estradato_ dalla_francia-6214973/ 83 LIMES 02/2005. In MUTI G., La criminalità ambientale, Ibid, p. 307. 84 http://www.societe.com/societe/sanfilippo-frittola-giuseppe-515313666.html

20


Partie 1 - Chapitre 1 – Enjeux patrimoniaux

Alors qu’en Italie le mafieux Giuseppe FALSONE s’était vu saisir les biens de cinq sociétés auxquelles il était directement lié dans le cadre de l’opération APOCALISSE, pour une valeur de 30 millions d’euros85 ; sous une fausse identité, il venait de créer en France la société S.F.G., dans le secteur de l’immobilier.86

31.

Présence résiduelle de la Camorra. Si Roberto SAVIANO, spécialiste de

la Camorra, alerte aujourd’hui les autorités françaises en constatant que « la

France joue un rôle crucial dans la géographie du narco-trafic » 87, il ne fait que confirmer les propos d’Alexandre Dumas, datant déjà de deux siècles88, quant aux dangers que peut représenter l’organisation pour la France. Une identification dans notre pays advient dans le début des années 1980 avec l’arrestation de Rolando TORTORA89, membre de la Nuova Camorra Organizzata à Cap d’Antibes le 9 septembre 1988. Les membres du clan des Casalesi90 ont particulièrement profité de la frontière alpine pour se soustraire aux forces de l’ordre. Cela fut le cas de Mario IOVINE, à la tête du clan pendant une durée très brève. Cela fut encore le cas pour Francesco SCHIAVONE, l’un des plus puissants chefs de la Camorra, arrêté à Lyon en 1989 dans le cadre de l’opération SPARTACUS.91 Depuis sa cellule, 85

« Mafia, catturato in Francia Falsone è il capo della mafia di Agrigento », La Repubblica, 25 giugno 2010. http://palermo.repubblica.it/cronaca/2010/06/25/news/mafia_catturato_in_francia_falsone_il_cap o_della_mafia_di_agrigento-5160130/ 86 « Quelques mois avant son interpellation, le fugitif avait endossé le costume du chef d'entreprise. Après avoir utilisé sa boîte aux lettres pour son courrier personnel, Falsone avait créé son entreprise, la SFG, les initiales de son faux nom Sanfilipo Frittola Giuseppe. Sa raison sociale : vente et location de matériel pour le bâtiment. ‘’Ça commençait à marcher, témoigne un homme qui a pu avoir accès aux comptes de l'entreprise. Il était en train de devenir courtier dans le bâtiment.’’ ». In « La vie tranquille à Marseille du parrain de Cosa Nostra », Le Parisien, 26 septembre 2010. http://www.leparisien.fr/faits-divers/la-vie-tranquille-a-marseille-du-parrain-de-cosa-nostra-26-092010-1082917.php 87 « La mafia est aussi en France », Interview à Roberto SAVIANO, France Info, 8 mars 2012. http://www.franceinfo.fr/economie/les-choix-de-france-info-matin/roberto-saviano-la-mafia-estaussi-en-france-550233-2012-03-08 88 « Cari lettori, Chi sono i camorristi? mi domanderete. I membri della camorra. Cos'è la camorra? Se foste a Napoli, vi risponderei semplicemente: la camorra è la camorra. Ma siete in Francia, e devo cercare di dirvi cosa essa sia.... » (Traduction : Chers lecteurs, qui sont les camorristes me demanderez vous. Les membres de la camorra. Qu’est ce que la camorra ? Si vous étiez à Naples, je vous répondrais tout simplement : la camorra c’est la camorra. Mais vous êtes en France et je dois chercher à vous dire ce qu’elle est…) In DUMAS A., La Camorra et autres histoires de brigandages, 14 mars 1862, p. 9. 89 « Il superboss Rolando Tortora catturato in Costa Azzurra », La Repubblica, 10 settembre 1988. http://ricerca.repubblica.it/repubblica/archivio/repubblica/1988/09/10/il-superboss-rolandotortora-catturato-in-costa.html 90 Pour approfondir, se reporter aux travaux de la Commissione parlamentare d’inchiesta sul fenomeno della mafia e sulle altre associazioni criminali similari, Doc. XXIII, n. 9, X legislatura. http://www.senato.it/documenti/repository/relazioni/archiviostorico/commissioni/X%20LEG_ANTI MAFIA_DOC_RELAZ/X_%20LEG_ANTIMAFIA_DOC%20XXIII_9_14.7.89.pdf 91 « Storia di Ferrandella ». In CAPACCHIONE R., L’oro della camorra : come i boss casalesi sono diventati ricchi e potenti manager. Che influenzano e controllano tutta l’economia della penisola, da Casal di Principe al centro di Milano, BUR Rizzoli, 2008.

21


Partie 1 - Chapitre 1 – Enjeux patrimoniaux

ce dernier participe à la prise de décision d’assassiner Enzo DE FALCO, autre affilié qui, quant à lui, se trouvait en France pour rendre visite à son amante et à ses deux enfants en 1991.92 Au début des années 1990 sont arrêtes 16 personnes en France dont Antonio SARNATARO 94

NAVIGLIA , Giuseppe TAGLIAMENTO

93

95

, Nunzio BARBAROSSA, Umberto

ainsi que Michele ZAZA 96 , pilier de

l’organisation. En effet, « dans les années 1970-1980 on redécouvre l’intérêt de la Camorra et de Cosa Nostra pour ces ‘’blanchisseuses naturelles’’ que sont nos casinos nationaux (Chamonix, Nice, Beaulieu-sur-Mer, La Rochelle, Vichy, Menton, Cannes). La tentative de reprise à la fin des années 1980 du casino de Menton est l’exemple le plus patent des ambitions de la Camorra (Michele Zaza) alliée à des représentants du banditisme corse (Jean-Claude Orsoni, Julien Tramini) ». 97 L’objectif était de blanchir l’argent provenant du narcotrafic. Pour cela, les hommes du boss avaient constitué des sociétés dirigées par des prête nom et organisées en toile d’araignée, entre Paris, Nice, Monaco, Gênes, Imperia, Florence, Asti, Turin, Milan. Mais le cœur du clan était implanté à Naples, origine des ordres et de l’argent ».98 Enfin, en 2004 dans le cadre d’un mandat d’arrêt européen est arrêté à Paris Vincenzo MAZZARELLA, poursuivi pour blanchiment, extorsion et trafic de stupéfiants. Il est transféré en Italie le 25 mai 2005.99 En matière de faux monnayage, « des liens, notamment entre la Camorra napolitaine et les organisations criminelles françaises des régions PACA et lyonnaise, ont été à plusieurs reprises constatés ».100

92

« Uccidete il ‘’fuggiasco’’ ». In DI FIORE G., L’impero dei casalesi : Traffici, storie e segreti della potente e occulta mafia dei casalesi, BUR Rizzoli, 2008. 93 « Alberghi e treni proprietà della mafia », Il Corriere della Sera, 13 maggio 1993. http://archiviostorico.corriere.it/1993/maggio/13/alberghi_treni_proprieta_della_mafia_co_0_930 5134800.shtml 94 « Un membre présumé de la Camorra jugé à Paris », L’Express, 14 mars 2011. http://www.lexpress.fr/actualite/societe/justice/un-membre-presume-de-la-camorra-juge-aparis_971886.html 95 « Un maire de la Côte-d’Azur et un ancien de la Camorra interpellés », Le Monde, 24 novembre 2009. http://www.lemonde.fr/societe/article/2009/11/24/un-maire-de-la-cote-d-azur-et-un-ancien-de-lacamorra-interpelles_1271608_3224.html 96 Pour approfondir, se reporter au chapitre « Les hommes d’honneur de l’Elysée Palace ». In CALVI F., L’Europe des parrains : la mafia à l’assaut de l’Europe, éditions Grasset et Fasquelle, 1993. 97 GAYRAUD J-F., Le monde des mafias, géopolitique du crime organisé, Odile Jacob, 2005, p. 128. 98 « Per questo gli uomini del boss avevano messo su una capillare organizzazione di società e prestanome che agivano tra Parigi, Nizza, Montecarlo, Genova, Imperia, Firenze, Asti, Torino, Milano. Ma il cuore del clan era a Napoli, da dove partivano ordini e denaro ». « Gli incassi della Camorra sul tavolo verde dei casino’ », La Repubblica, 16 aprile 1991. http://ricerca.repubblica.it/repubblica/archivio/repubblica/1991/04/16/gli-incassi-della-camorrasul-tavolo-verde.html 99 « Camorra, arrestato a Parigi il boss Mazzarella », Corriere della Sera, 17 dicembre 2004. http://www.corriere.it/Primo_Piano/Cronache/2004/12_Dicembre/17/camorra_mazzarella.shtml 100 BAUER A., SOULLEZ C., La criminalité en France, Rapport de l’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales, 2012, p. 234.

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Partie 1 - Chapitre 1 – Enjeux patrimoniaux

32.

Présence croissante de la ‘Ndrangheta. « The ‘Ndrangheta is trying to

colonise new territories and attempts to exert its influence over Calabrese migrant communities ».101 Le massacre de Duisburg advenu le 15 août 2007 dévoile pour la première fois, la présence de l’organisation au-delà des frontières italiennes. Elle est pourtant bien présente en France d’après le procureur adjoint de Reggio Calabria, Nicola GRATTERI : « aujourd’hui les ‘ndrine adoptent de plus en plus le modèle entrepreneurial des groupes mondialisés, au grand dam de ceux qui, il n’y a pas si longtemps, soutenaient que la mafia calabraise était très arriérée. En réalité les ‘ndranghetistes ont été les premiers à comprendre l’importance des stratégies

économiques

mondiales

alors

qu’on

ne

parlait

pas

encore

de

‘’globalisation’’ des marchés, et il y a longtemps qu’ils sont implantés en Allemagne, en Belgique, en France, au Royaume-Uni, au Canada, aux Etats-Unis, en Argentine, en Venezuela et en Australie ».102 La première identification sur le sol français semble dater du 10 novembre 1982, date à laquelle est arrêté le chef du clan DE STEFANO à Antibes, déjà implanté depuis dix ans en Ligure.103 Dans les années 1990, il en fut de même pour Antonio CONO, arrêté dans la même commune alors qu’il échappait à une condamnation de seize ans d’emprisonnement prononcée par contumace en Italie, alors qu’il profitait de son yacht.104 Comme pour les membres d’autres associations mafieuses, il a déjà été question d’extrader des boss ‘ndranghethistes en cavale en France. Cela fut le cas pour Domenico LIBRI, arrêté à l’aéroport de Marseille, alors que ses biens avaient été saisis dans le cadre d’une mesure de prévention par le tribunal de Reggio Calabria.105 Dans les années 2000, les arrestations se poursuivent, notamment avec Natale ROSMINI condamné pour le meurtre de l’ancien président des Ferrovie dello Stato (équivalent de la S.N.C.F.), Ludovico LIGATO. Furent encore arrêtés le boss Luigi FACCHINERI (avec Roberto PEREGALLI recherché pour trafic de stupéfiants) dans un 101

« La ‘Ndrangheta essaye de coloniser de nouveaux territoires en cherchant à exercer son influence par le biais des communautés calabraises ». In Italian Organized Crime, Threat assessment, op. cit., p. 3. 102 « Oggi le ‘ndrine seguono sempre di più i modelli imprenditoriali della globalizzazzione a dispetto di chi, ancora fino a poco tempo fa, riteneva la mafia calabrese metafora dell’arretratezza. Gli uomini della ‘ndrangheta sono infatti i primi a comprendere l’importanza di strategie economiche globali, quando ancora nessuno parla di internazionalizzazione dei mercati. Hanno da tempo messo radici in Germania, Belgio, Olanda, Francia, Inghilterra, Canada, Stati Uniti, Argentina, Colombia, Venezuela, Australia ». In GRATTERI N ., NICASO A., I dieci comandamenti della ‘ndrangheta nelle parole degli affiliati : dire e non dire, Milano, Mondadori editori, 2012. 103 Pour approfondir : « ‘Ndrangheta come Cosa Nostra ? », antimafiaduemila. http://www.antimafiaduemila.com/200805216610/articoli-arretrati/ndrangheta-come-cosanostra.html 104 « Boss su panfilo in Costa Azzurra », Corriere della Sera, 11 agosto 1994. http://archiviostorico.corriere.it/1994/agosto/11/Boss_panfilo_Costa_Azzurra_co_0_9408115533. shtml 105 « Preso il numero uno della ‘Ndrangheta », 17 settembre 1992. http://ricerca.repubblica.it/repubblica/archivio/repubblica/1992/09/17/preso-il-numero-uno-dellandrangheta.html

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Partie 1 - Chapitre 1 – Enjeux patrimoniaux

appartement situé près du casino Palm Beach de Cannes106, Antonio MOLLICA du clan IAMONTE et Carmelo GULLACE, l’une des figures les plus représentatives du clan RASO – GULLACE – ALBANESE.107 Il en fut de même pour Antonio CALABRO’, Arcangelo D’AGOSTINO, Pasquale NUCERA, Marcello GIOVINAZZO, figures importantes de l’organisation.108 Le 25 septembre 2011 est arrêté Roberto CIMA à Vallauris, l’un des fugitifs (latitante) les plus dangereux d’Italie, affilié du clan PALAMARA de Vintimille et étroitement lié à la célèbre ‘ndrina calabraise PIROMALLI.109 Le collaborateur de justice Giovanni GULLÀ (Camorra) a déclaré que « tous les centres de Côte-d’Azur ont un locale de ‘Ndrangheta, tous étroitement reliés avec des ‘ndrine implantées en Ligure ».110 Un autre repenti du clan de Siderno, Francesco FONTE, déclare que « des locali de ‘ndrangheta

existent en France à Toulon (nombreux), à Clermont-Ferrand (lié au clan Platì). Les marseillais ont aidé ces derniers à implanter des raffineries d’héroine à Marseille et

à

Indianapolis

‘ndrangheta ».

(Australie).

Sur

la

Côte-d’Azur,

œuvre

la

puissante

111

B. Raisons de l’extension en France 33.

Potentiel d’extension des mafias. Si historiquement les mafias ont leur

berceau dans le Mezzogiorno, « cela ne signifie pas que le rayon d’action des clans soit limité à leur territoire d’origine. Au contraire, l’une des particularités est leur capacité d’expansion territoriale, cumulée à une expansion économique et financière ». 112 Ainsi, les raisons de l’expansion sont aujourd’hui avant tout

106

« Arrestato il latitante Facchineri considerato il nuovo capo del clan di Taurianova », Ministero dell’Interno, 24 agosto 2010. http://www.interno.gov.it/mininterno/export/sites/default/it/sezioni/sala_stampa/notizie/sicurezz a/00832_2010_08_24_facchineri.html_1299271496.html 107 FULCO G., Da ‘’armonia’’ a ‘’crimine’’ : l’evoluzione della ‘Ndrangheta dalla Santa ad oggi, Università di Reggio Calabria (Relatore : Nicola GRATTERI), 2011, p. 69. 108 Pour approfondir se reporter à l’article de CANEPA A., La mafia in Liguria, 15 giugno 2008. http://www.omicronweb.it/2008/06/15/anna-canepa-la-mafia-in-liguria/ 109 « ‘Ndrangheta : arrestato in Francia Roberto Cima », ANSA, 26 septembre 2011. http://www.ansa.it/web/notizie/rubriche/cronaca/2010/09/26/visualizza_new.html_1759407856.ht ml 110 « Tutti i centri della Costa Azzurra hanno un locale di ‘ndrangheta e sono tutti strettamenti collegati con le ‘ndrine della Liguria ». 111 « Locali di ‘ndrangheta in Francia esistono a Tolone (molto numeroso), a Clermont-Ferrand (facente capo ai clan di Platì) e a Marsiglia (Platì). I marsigliesi hanno aiutato i platioti a impiantare delle raffinerie di eroina a Marsiglia e a Indianapolis (Australia). Sulla Costa Azzurra invece opera la ‘Ndrangheta reggina ». In GRATTERI N., NICASO A., Fratelli di sangue : storie, boss e affari della ‘ndrangheta, la mafia più potente del mondo, Mondadori editore, 2009, p. 248. 112 « Non significa che il raggio di azione delle cosche sia ristretto alle aree originarie : anzi, uno dei tratti peculiari delle mafie è la loro capacità di espansione territoriale oltre che economica e finanziaria ». SCIARRONE R « Mafie, espansione in aree non tradizionali ». In PEPINO L., MARESO M., op. cit., p. 354.

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Partie 1 - Chapitre 1 – Enjeux patrimoniaux

économiques. Un rapport de la Commission parlementaire antimafia italienne énumère les causes de ce phénomène : l’une des principales est le séjour obligatoire dans le Nord de l’Italie à titre de sanction, qui concerne 1079 personnes entre 1987 et 1994, dans le cadre de mesures de prévention personnelles. Or, « personne ne conteste l’opportunité et la nécessité des mesures de prévention personnelles, mais il est indispensable d’éviter le déplacement de sujets dangereux dans des zones encore non touchées ou même seulement exposées à risques ».113 La deuxième cause énoncée est le départ volontaire des sujets mafieux de leur territoire d’origine pour fuir à des vengeances de groupes rivaux, ou pour éviter des contrôles trop rigoureux de la part des autorités.114 Encore, le phénomène migratoire des italiens en France du XXème siècle pourrait être une cause importante du phénomène115 dans la mesure où les organisations s’appuient sur la solidarité avec le noyau familial des italiens établis à l’étranger. 34.

D’un mouvement de personnes à un mouvement de capitaux. La présence

de mafieux depuis les années 1980 en France116 a donné lieu à de nombreuses arrestations et extraditions vers l’Italie. Il a par ailleurs déjà été question de juger les mafieux sur le territoire français.117 Or, s’il est vrai que les activités menées ne sont pas intrinsèquement illicites, cela s’explique par le fait qu’ils s’abstiennent de soulever la clameur publique afin de ne pas attirer l’attention des autorités, préférant blanchir en toute discrétion les biens découlant d’infractions commises en Italie. Il ne peut s’agir d’un simple mouvement individuel de personnes, parce que chacun des affiliés obéit à une structure unique, obéissant à des règles strictes. Pour développer une activité quelconque, il est nécessaire d’obtenir l’aval de l’organisation, même lorsque cela concernerait un Etat étranger comme la France. Il semblerait que ce soit principalement la ‘Ndrangheta qui ait vocation à s’implanter en France, à la lecture du dernier rapport de la Direzione Nazionale 113

« Nessuno contesta l’opportunità e la necessità di misura di prevenzione personale, ma è indispensabile evitare lo spostamento di soggetti pericolosi verso zone non ancora inquinate o anche soltanto esposte a rischio ». 114 Commissione parlamentare d’inchiesta sul fenomeno della mafia e sulle altre associazioni criminali similari : SMURAGLIA C., « Relazione sulle risultanze dell’attività del gruppo di lavoro incaricato di svolgere accertamenti su insediamenti e infiltrazioni di soggetti ed organizzazioni di tipo mafioso, in aree non tradizionali », approvata dalla Commissione in data 13 gennaio 1994, Doc. XXIII, n. 11, XI legislatura, p. 20. 115 CASABURI M., Borghesia mafiosa : la ‘ndrangheta dalle origini ai nostri giorni, Dedalo editore, 2010, p. 220. 116 Notamment Bastia, Lyon, Menton, Millery, Nice, Paris, Strasbourg, Cannes, Grenoble, Marseille, Toulouse. FORGIONE F., Mafia export, op. cit. 241-243. 117 Pour un exemple relativement récent, le 25 mars 2011, le tribunal de Toulon aurait jugé plusieurs camorristes pour détention d’armes (découverts enterrées dans un jardin de La Seyne-sur-Mer) et de trafic de véhicules en bande organisée entre Toulon et l’Italie. Le chef serait un Italien de 30 ans, condamné à 8 ans de prison et sous le coup d’un mandat d’arrêt européen de la part de l’Italie pour association mafieuse, détention d’armes et extorsion qui agissait au sein d'un réseau de complicité (compagnes, parents... eux aussi condamnés).

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Partie 1 - Chapitre 1 – Enjeux patrimoniaux

Antimafia (D.N.A). En effet, outre les déclarations de plusieurs collaborateurs de justice (cf. supra) l’inquiétude est portée sur l’existence d’une chambre de contrôle (camera di controllo) de l’organisation mafieuse à Vintimille, à la frontière française. La camera di controllo est une « structure de mise en contact dont le but est d’assurer la stabilité des rapports, synergies logistiques et opérationnelles, soutenir des activités variables allant du trafic de stupéfiants aux activités d’usure (dans le cadre des casinos) au blanchiment de patrimoine d’origine criminelle dans des activités commerciales, dans l’achat de biens immeubles et enfin dans la cavale paisible de fugitifs de haut rang ».

118

L’existence de cette

institution mafieuse, si toutefois elle pouvait être démontrée, prouverait l’unicité de l’organisation contrôlant119 la région transfrontalière franco-italienne. 35.

Le trafic de stupéfiants. Au regard des statistiques des Centres de

Coopération Policière et Douanière, ainsi que des J.I.R.S. en matière de collaboration avec les autorités italiennes, les mafias italiennes semblent mener sur notre territoire également des activités de trafic de stupéfiants (cf. infra). D’après le procureur de Sanremo Roberto CAVALLONE : « les Calabrais opèrent à cheval sur ces territoires dans le trafic des stupéfiants, le terrassement, les armes et les extorsions. Le blanchiment d'argent sale se fait à travers des entreprises légales. S'il y a une grosse cargaison de drogue en transit entre la France et l'Italie, la mafia le sait et fait payer au préalable une sorte de péage. Une cargaison de 300 kilos de cocaïne, par exemple, a une valeur immense. Le trafiquant doit être certain qu'il n'arrive rien... ».120 Ces déclarations s’appuient notamment sur le résultat de l’opération MATO GROSSO par laquelle ont été saisis 70 kilos de cocaïne partant de Nice pour Milan121, mais également sur les déclarations de plusieurs collaborateurs de justice (cf. supra).

118

« Sorte di struttura di collegamento in grado di assicurare stabilità di rapporti, sinergie logistiche ed operative, strutture integrate, a sostegno di una serie di attività di vario tipo, che vanno dal traffico di sostanze stupefacenti, alle attività di usura che si muovono abitualmente intorno alle case da gioco, al riciclaggio di proventi illeciti in attività commerciali e nell’acquisto di beni immobili, e infine al dorato rifugio di latitanti eccellenti ». CANEPA A., La mafia in Liguria, op. cit. 119 « Les enquêtes menées dans les 15 dernières années démontrent que la ‘ndrangheta est organisée sur une base territoriale transnationale, dans le sens que les intérêts économiques de certaines familles mafieuses s’étendent de la Côte-d’Azur à la Ligure et au bas Piémont. Pour une telle raison, à certaines occasions les Carabinieri ont surpris des mafieux calabrais assis autour d’une même table et normalement résident dans les divers territoires que je cite plus haut » (traduction par l’auteur), Echange de mail avec Monsieur le procureur de la République de Sanremo (Italie) Roberto CAVALLONE, 6 août 2013. 120 « La mafia calabraise ‘’chez elle’’ en Côte-d’Azur », Interview à Roberto CAVALONE, procureur de la République à Sanremo. Le Point, 24 février 2012. 121 Citons notamment les arrestations de Vittorio CERETTA, Italo Stefano FASANOTTI, Rosario DIOGUARDI, Renato MACRI’. « I pendolari della cocaina », Corriere della Sera, 29 febbraio 1992. http://archiviostorico.corriere.it/1992/febbraio/29/pendolari_della_cocaina_co_7_9202291698.sh tml

26


Partie 1 - Chapitre 1 – Enjeux patrimoniaux

36.

Le blanchiment. Pour les mafias, l’un des principaux avantages de l’Italie

nord-occidentale est sa contiguïté avec la frontière française. L’histoire récente démontre que, « la France est un des pays de fin de cycle des opérations de blanchiment et donc d’investissement final de l’argent provenant du crime ». Cela concerne notamment les secteurs où beaucoup d’espèces sont manipulées comme la restauration ou les jeux.122 Le blanchiment mafieux date des années 1980 en France : « fin 1980, la tentative de prise de contrôle du casino de Menton a bien démontré et prouvé l'intervention de la Camorra ; tout y était, à commencer par une Société écran (la Sofextour), dont les actionnaires étaient tous des prêtenoms, contrôlée de fait par des intérêts italiens (Mr Gianni Tagliamento, collaborateur de Michel Zaza), des résidents monégasques et des représentants du milieu corse, dont J. C. Orsini et Jules Tramoni ».123 Aujourd’hui, le phénomène ne semble pas s’être estompé malgré une répression française du blanchiment toujours plus autonome et efficace.124 Figure 6 : Déclarations de soupçon d’opérations aurifères125 avec contreparties étrangères126

122

DUCOULOUX-FAVARD C., La confiscation des biens illicites : peine ou mesure de prévention, programme GROTIUS de l’Union européenne, Avant-propos, Les Petites Affiches, 31 octobre 2002, n°218. 123 TRUCY F., Rapport d’information fait au nom de la commission des Finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation sur la mission sur les jeux de hasard et d’argent en France , n. 223, Sénat, 13 février 2002, p.119. 124 Pour approfondir sur le délit de blanchiment, se reporter à SEGONDS M., Les délits de blanchiment, Rép. Pén. Dalloz, janvier 2013. 125 Pour approfondir sur ce point, se reporter à SAVERY J., « L’utilisation des systèmes internationaux d’échange d’or par le crime organisé à des fins de blanchiment et de financement du terrorisme », mémoire universitaire, dir. HOLSTEYN M., HULOT Y., Centre d’Etudes des Techniques Financières et d’Ingénierie – CETFI, Aix-Marseille Université, 2013. 126 Rapporto annuale, 2011, Unita d’informazione Finanziaria, Banca d’Italia eurosistema, Roma, maggio 2012, pp. 69-74.

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Partie 1 - Chapitre 1 – Enjeux patrimoniaux

La Banca d’Italia, a relevé dans son dernier rapport plusieurs statistiques concernant notre pays. 11,3% des transferts d’argent ayant fait l’objet d’une déclaration de soupçon étaient effectués vers la France. De même, entre 2010 et 2011 les transactions en or ayant fait l’objet d’une déclaration sont passées de 9,3 à 16,9%, faisant de la France le deuxième pays concerné par ces transactions après la Suisse. Soulignons que l’agence française TRACFIN figure parmi les Unités d’Information Financières sollicitant le plus la Banca d’Italia en matière d’échange d’informations.

37.

Les investissements immobiliers. Au-delà des marchés publics, les mafieux

italiens ciblent la Côte d’Azur pour blanchir les fonds d’origine criminelle par des investissements immobiliers. Auditionné par l’assemblée nationale, Jean-Paul DECORPS, à l’époque président du Conseil supérieur du Notariat, fait état de l’évolution de ce phénomène : « à l’époque de la mafia italienne, jusque dans les années quatre-vingt-dix, on avait localisé les investissement des organisations criminelles dans les constructions neuves. Ensuite les propriétés dites de caractère furent très prisées, notamment sur la Côte-d’Azur. Aujourd’hui on y trouve toutes les formes d’investissement : des appartements anciens, des appartements neufs, des propriétés luxueuses, que l’emballement immobilier depuis dix ans, n’a fait qu’accentuer ». 127 L’obligation de déclaration de soupçon des notaires a été renforcée par l’ordonnance du 30 janvier 2009. 128 Aujourd’hui, certains auteurs continuent néanmoins à s’interroger sur les raison de l’extension : « l’attractivité naturelle de l’environnement de la Riviera ne peut être la seule explication ». 129 Figure 7 : Répartition régionale des déclarations de soupçons émises par les notaires en 2008130

127

Audition de Jean Paul DECORPS, président du Conseil supérieur du Notariat, devant la Mission, le 27 octobre 1999. Rapport d’information par la Mission d’information commune sur les obstacles au contrôle et à la répression de la délinquance financière et du blanchiment des capitaux en Europe, (Rapporteur : A. Montebourg) Tome II, Volume I, (2ème partie), 30 mars 2000, p. 3. Cité dans VERNIER E., op.cit., Dunod, 3ème ed, 2013, p. 227. http://www.assemblee-nationale.fr/rap-info/i2311-612.asp 128 Pour approfondir, l’interview de Monsieur Jean-Baptiste CARPENTIER, directeur de TRACFIN par la brochure Notaire Vie Professionnelle : « Tracfin : favoriser l’activité », Notaires Vie Professionnelle, n. 276, juillet-août 2009. 129 VERNIER E., Techniques de blanchiment et moyens de lutte, Dunod, 3ème ed, 2013, p. 226. 130 Rapport annuel d’analyse et d’activité, TRACFIN, Ministère de l’économie et des finances, 2008, p. 13.

28


Partie 1 - Chapitre 1 – Enjeux patrimoniaux

Ce diagramme semble confirmer les inquiétudes de Jean-Paul DECORPS émises dans le rapport parlementaire sur le blanchiment datant des années 2000. Face à la position délicate131 des notaires en Côte d’Azur constatée en 2008. Il est notamment question de la déclarations de soupçons de notaires car « le corrompu ou ses proches peuvent notamment utiliser les fonds versés lors d’acquisitions immobilières en France ou à l’étranger, ce qui doit conduire les notaires et les agents immobiliers à être particulièrement vigilants à l’occasion de tels investissements immobiliers ».132

Section 2 Identification coopération 38.

du

patrimoine

mafieux

par

la

Réaction face à l’extension. Il semblerait que la présence mafieuse en

France soit surtout motivée par la volonté de dissimuler le patrimoine d’origine criminelle, constitué par la consommation d’infractions sur le territoire italien. Il est dès lors nécessaire que soit efficace et rapide la coopération transfrontalière policière (§1) et judiciaire (§2) pour connaître la dangerosité de sujets agissant apparemment en toute légalité, mais également de pouvoir éviter la dissimulation du patrimoine en jouant sur les frontières.

§1 Coopération policière aux fins d’identification du patrimoine 39.

Nécessité de la coopération. Pour que puisse être appréhendé le

patrimoine mafieux situé en France ou en Italie, il est nécessaire que la coopération en matière d’identification (A) par des acteurs tournés vers l’Europe (B) soit plus ample qu’une simple collaboration.

A. Instruments d’identification du patrimoine 40.

Finalité des enquêtes patrimoniales. L’identification du patrimoine mafieux

est nécessaire pour aboutir à la confiscation de ce dernier. Elle est également fondamentale pour retracer les liens entre des sujets soupçonnés au cours de l’enquête et d’autres qui ne le seraient pas encore. Ces enquêtes « se construisent d’abord et avant tout, par des constatations de terrain, des échanges de renseignements entre les services opérationnels, renforcés par des constatations administratives ».133 Connaître l’identité du bénéficiaire effectif d’une opération 131

V. Annexe 1 : notaire et mafias italiennes. Rapport annuel d’analyse et d’activité, TRACFIN, Ministère de l’économie et des finances, 2012, p. 17. 133 BOLLÉ A., Le produit de la délinquance de proximité : l’économie criminelle souterraine, L’Harmattan, 2004, p. 91. 132

29


Partie 1 - Chapitre 1 – Enjeux patrimoniaux

monétaire par l’étude des flux d’argent est une priorité des services d’enquête. En Italie, la méthode scientifique 134 de l’enquête patrimoniale fut promue et développée par le juge d’instruction Giovanni FALCONE. En Italie comme en France, elle permet de connaître la consistance du patrimoine de la personne visée par l’enquête et de recueillir des indices d’appartenance à l’association de type mafieux. En effet « cette dernière, de vitale importance aux fins de prouver l’appartenance du sujet à l’association mafieuse, est prioritairement mise en œuvre par les services de police ».135 Le juge d’instruction n’existant pas en Italie, c’est en droit général le procureur de la République qui est systématiquement en charge de coordonner les enquêtes menées par la Polizia Giudiziaria. Le contrôle de l’opération est alors assuré par le Giudice delle Indagini Patrimoniali (G.I.P).136 Néanmoins, dans le cadre des enquêtes concernant la criminalité organisée, elles sont dirigées par la Direzione Distrettuale Antimafia, qui opère au sein des 26 parquets italiens (cf. infra). Le contrôle de la légalité de certaines enquêtes est assuré par le G.I.P qui est un magistrat du tribunal du chef-lieu dans le ressort de la Cour d’Appel. En France, le rôle des enquêtes patrimoniales était initialement sous-évalué : « plusieurs raisons expliquaient cette situation, au premier rang desquelles figurait une certaine appréhension face à l'enquête financière, jugée souvent trop lourde, trop longue et trop complexe ». Néanmoins, l’importance qui leur a été accordée n’a cessé d’augmenter puisqu’aujourd’hui « c'est un fait avéré, la question de la situation patrimoniale des délinquants est entrée dans les moeurs judiciaires ».137 41.

Les bases de données françaises. Pour une stratégie de lutte contre le

phénomène mafieux, le patrimoine doit d’abord être identifié pour être saisi puis confisqué. Cette évidence nécessite la mise en commun des bases de données dans chaque Etat et entre les Etats. Dans ce domaine, les polices jouent un rôle fondamental.138 En France ainsi qu’en Italie, il existe de nombreuses bases de données accessibles aux forces de l’ordre.

134

COLOMBO G., Il vizio della memoria, 6a edizione, Feltrinelli editore, Milano, 1998, p. 72. « Quest’ultima, di essenziale importanza ai fini di provare l’appartenza del soggetto all’associazione mafiosa, prevalentemente svolta dai predetti organi di polizia ordinaria ». In NANULA G., La lotta alla mafia : strumenti giuridici, strutture di coordinamento, legislazione vigente, 5a edizione, Giuffrè editore, 2009, p. 50. 136 L’article 328 du codice di procedura penale dispose : « nei casi previsti dalla legge, sulle richieste del pubblico ministero, delle parti private e della persona offesa dal reato, provvede il giudice per le indagini preliminari ». (Dans les cas prévus par la loi, sur requête du ministère public, des parties privées et de la victime, intervient le juge des enquêtes préliminaires). 137 CAMOUS E., COTELLE G., La mise en état patrimoniale des affaires pénales, Droit pénal n° 6, Juin 2013, étude 12. 138 Pour approfondir, se reporter à SAVONA E., LEWIS C., VETTORI B., Developping an EU STatistical apparatus for measuring Organised Crime, assessing its risk and evaluating organised crime policies, AGIS 2003, Transcrime, Università degli studi di Trento, 2005, p. 63. 135

30


Partie 1 - Chapitre 1 – Enjeux patrimoniaux

En France les principales sont sans doutes les fichiers d’antécédents judiciaires : la gendarmerie a accès au système judiciaire de documentation et d'exploitation (J.U.D.E.X.). La Police Nationale consulte quant à elle le Système de traitement des infractions constatées (S.T.I.C.)139, Plus précisément, des fichiers contenant des

informations

sur

la

consistance

du

patrimoine

peuvent

permettre

l’identification d’éventuels mafieux en cavale.140 Surtout, les bases de données peuvent tout simplement permettre de connaître le niveau de vie des personnes faisant l’objet de l’enquête, pour identifier le patrimoine confiscable : le fichier national des comptes bancaires et assimilés (FICOBA) 141 permet de connaître l’ensemble des comptes bancaires détenus par une personne en France. Le cadastre, quant à lui, peut être utile pour évaluer le niveau de vie d’une personne propriétaire d’un immeuble. Le fichier regroupant les comptes bancaires des personnes morales (FIBEN) peut également s’avérer particulièrement utile : il fait état des « personnes physiques qui exercent ou ont exercé une fonction de dirigeant d’entreprise, soit au titre de représentant légal ou d’associé d’une personne morale soit en qualité d’entrepreneur individuel ». 142 Nous citerons encore le registre du commerce et des sociétés, le fichier de conservation des hypothèques, les fichiers relatifs aux moyens de paiement143, le fichier national des données patrimoniales (FNDP), le fichier immobilier, les fichiers concernant les véhicules144 et encore les fichiers de la batellerie .145 Certains professionnels ont pu regretter l’inexistence d’un fichier d’assurance-vie en France, qui n’existe pas non plus en Italie 146 : « sur le modèle du fichier recensant les comptes 139

Pour approfondir sur le fonctionnement du J.U.D.E.X et du S.T.I.C. se reporter au Bulletin officiel du 28 février 2007 – Justice 2007/1 intitulé Circulaire de la DACG n° 2006-21 du 26 décembre 2006 présentant les dispositions du décret n° 2001-583 du 5 juillet 2001 modifié portant création du système de traitement des infractions constatées (STIC) et du décret n° 2006-1411 du 20 novembre 2006 portant création du système judiciaire de documentation et d’exploitation dénommé JUDEX 140 Fichier des personnes nées à l’étranger de la gendarmerie nationale (FPNE), fichier national transfrontières (FNT), fichier automatisé des empreintes digitales (FAED), fichier national des empreintes génétiques (FNAEG), fichier des personnes recherchées (FPR), lecture automatisée des plaques d’immatriculation (LAPI). 141 Pour approfondir, se reporter à ROBERT H., « Le FICOBA (Fichier national des comptes bancaires et assimilés français). Un instrument d’identification indispensable ». In CUTAJAR C., Garantir que le crime ne paie pas Stratégie pour enrayer le développement des marchés criminels, Collections de l'Université de Strasbourg - Centre du droit de l'entreprise, 2010. 142 http://www.banque_france.fr/fileadmin/user_upload/banque_de_france/Information_diverses/in foetlib/fiben.pdf 143 Fichier national des chèques irréguliers (FNCI), fichier central des chèques (FCC), fichier national des incidents de remboursement des crédits aux particuliers. 144 Fichier des véhicules volés, fichier des objets et véhicules signalés (FOVeS), système de traitement des images des véhicules volés (STIVV), 145 Pour approfondir se reporter aux travaux du groupe de travail sur le contrôle des fichiers de police et de gendarmerie, La Documentation française, Collection des Rapports Officiels, Décembre 2008. http://www.ladocumentationfrancaise.fr/rapports-publics/084000748/index.shtml 146 Entretien avec le capitaine des Carabinieri Paolo PALAZZO, Turin, août 2013.

31


Partie 1 - Chapitre 1 – Enjeux patrimoniaux

bancaires en France, le FICOBA, il serait opportun qu'un fichier recensant les assurances-vie soit créé, afin de faciliter leur identification au cours des enquêtes. Ce point est actuellement débattu dans le cadre des travaux du G8 ».147 42.

Les bases de données italiennes. En Italie, l’existence de trois forces

distinctes : la Polizia di Stato, les Carabinieri et la Guarda di Finanza, implique une articulation élaborée de l’accès aux banques de données. Il existe de nombreux fichiers équivalent à ceux existant en France : le Sistema InterScambio

TERritorio (SISTER) regroupant les informations cadastrales et immobilières, pubblico registro automobilistico (PRA) concerne les véhicules. En matière fiscale, il y a l’anagrafe tributaria ainsi que le SIATEL v. 2.0 Punto fisco (impôts), l’anagrafe bancaria (banque), le Telemaco équivalant du R.C.S., l’anagrafe dei

rapporti finanziari148 équivalant au fichier FICOBA mais englobant les personnes physiques et morales. Comme en France, un outil très important et souvent utilisé est le Sistema Di Indagine (S.D.I.) : ouvert à toutes les forces de police, il concerne les antécédents judiciaires, mais aussi les plaintes et les contrôles auxquels ont été soumises les personnes enregistrées. Il faut surtout remarquer que d’autres fichiers constituent une véritable originalité, car n’ayant pas d’équivalent dans notre système pénal : la banque de donnée nationale de documentation antimafia149 qui regroupe entre autre les certificats antimafia (cf.

supra) et plus généralement toute la documentation ayant attrait aux tentatives d’infiltration mafieuse dans l’économie légale.150 Nous citerons encore le Sistema

informativo Direzione Distrettuale/Nazionale Antimafia (SIDDA/SIDNA) qui liste les informations relatives aux poursuites pénales et de prévention, à l’encontre des personnes soupçonnées d’être mafieuses, ouvert à la police judiciaire ainsi qu’aux magistrats.151

147

PETIT B., Une nouvelle approche de la lutte contre la criminalité organisée : la prise en compte du volet financier des enquêtes, AJ Pénal, 2012, p. 151. 148 Egalement dénommé SICRA dans la pratique. 149 Decreto Legislativo 15 novembre 2012, n. 218. 150 DELLE FAVE C., Manuale di polizia giudiziaria, procedure, atti da redigere, modalità operatorie, Maggioli editore, 2009, p. 71. 151 BRIZZI F., PALAZZO P., PERDUCA A., Le nuove misure di prevenzione personali e patrimoniali dopo il codice antimafia (D. Lgs n. 159/2011), Maggioli editore, 2012, pp. 122-124.

32


Partie 1 - Chapitre 1 – Enjeux patrimoniaux

Figure 8 : Synthèse des principaux fichiers en matière patrimoniale en France et en Italie152 CATÉGORIE DE FICHIER Antécédents Banque Impôts

FRANCE

ITALIE

JUDEX/STIC

SDI

FICOBA/FIBEN

SICRA

ADONIS

SIATEL v. 2.0 Punto FISCO, Anagrafe tributaria

Véhicules Cadastre Immeuble

FOVeS, STIVV

PRA

Cadastre

SISTER

Fichier immobilier

SISTER SIDDA/SIDNA

Mafia Assurance-vie

43.

Enquêtes communes sur la criminalité organisée. Le perfectionnement de

la « Méthode Falcone » par le développement de nouvelles méthodes d’enquête patrimoniale est rendu nécessaire parce que « l’enquête bancaire traditionnelle, maintes fois utilisée par Giovanni Falcone dans les années 1980 est désormais dépassée par la potentialité des transferts financiers virtuels d’un point à l’autre du globe. Face à cette économie criminelle, de plus en plus globalisée, les instruments

fournis

par

le

droit

transnationaux, sont inappropriés ».

153

pénal inévitablement

nationaux

et

non

En Europe, les enquêtes aujourd’hui à mener

à un niveau transnational découlent directement de la coopération entre Etats dans le cadre des accords de Schengen. Au niveau européen, le Système d’Information Schengen (S.I.S.) est d’une grande utilité. Il semblerait qu’il soit plus difficile d’accès pour les forces de l’ordre italiennes. Si il fallait jusqu’en 2004 s’adresser au Ministero dell’Interno (Ministère de l’intérieur), l’accès continue à être indirect : « la demande (est) adressée à l'autorité nationale de contrôle, qui répond sur la base des vérifications effectuées directement ou par l'intermédiaire du département de la sécurité publique du ministère de l'intérieur.154 Aujourd’hui l’Italie participe au projet pilote initié par la France et 152

Source : auteur. « L’indagine bancaria di tipo tradizionale, fruttuosamente utilizzata da Giovanni Falcone negli anni Ottanta, è ormai superata dalla potenzialità dei trasferimenti finanziari virtuali, da una parte all’altra del mondo. Rispetto a questa dimenzione dell’economia criminale, sempre più globalizzata, gli strumenti forniti dal diritto penale, inevitabilmente nazionale e non transnazionale, sono inadeguati ». INGROIA A., Tecniche di indagine. In Dizionario enciclopedico di mafie e antimafia, op. cit., p. 48. 154 Mémento sur le Système d’Information Schengen : guide pour l’exercice du droit d’accès, p. 36. http://www.cnil.fr/fileadmin/documents/approfondir/dossier/international/shengen/guiderightsfr.pdf 153

33


Partie 1 - Chapitre 1 – Enjeux patrimoniaux

l’Allemagne en 2003 par lequel « les autorités judiciaires bénéficient d’une information rapide, complète et immédiatement compréhensible de l’ensemble des antécédents judiciaires d’une personne ».155

B. Acteurs de l’identification du patrimoine 44.

Une collaboration policière fructueuse : l’affaire GRAVIANO. Giuseppe

et Filippo GRAVIANO, membres de Cosa Nostra implantés à Brancaccio, se voient confisquer l’intégralité de leur patrimoine par la justice italienne. Quelque temps avant leur arrestation survenue en 1994, ils avaient commencé à organiser une dissimulation de leur gigantesque patrimoine (composé notamment de parcs, piscines, hôtels, villas, discothèques) par des investissements en Côte d’Azur, facilités par leur sœur agissant sur les conseils de leur avocat.156 Cette affaire impliqua une coopération étroite entre les polices italiennes et françaises, qui en a permis l’aboutissement. Il est dès lors nécessaire, dans le cadre de la mise en œuvre d’une confiscation à l’échelle européenne d’en faciliter le fonctionnement.157

45.

Les groupes inter-forces nationaux. En matière de criminalité organisée,

l’Italie comme la France ont prévu l’existence de groupes inter-forces, regroupant des membres des diverses forces de l’ordre compétentes sur le territoire national. En France, il existe le service d'information, de renseignement et d'analyse stratégique sur la criminalité organisée (SIRASCO) 158 depuis 2009. Au niveau opérationnel, interviennent les Groupements d’Intervention Régionaux. « La dimension interministérielle des G.I.R favorise l'action pluridisciplinaire et

155

GEOFFROY G., KARAMANLI M., Rapport d’information n°3608 sur la création du Parquet européen, enregistré à la présidence de l’Assemblée Nationale le 29 juin 2011, p. 66. 156 « Fondi all’estero : cemento ed estorsioni Spatuzza : ‘’ecco l’impero dei Graviano’’, La Repubblica, Palermo, 10 dicembre 2009. http://palermo.repubblica.it/dettaglio/fondi-allestero-cemento-ed-estorsioni-spatuzza:-eccolimpero-dei-graviano/1800874/1 157 Interview à Gian Carlo CASELLI, procureur de la République du parquet de Turin, « Commissione antimafia in UE. Gian Carlo Caselli a Eurnoews, ‘’essenziale la superprocura’’ », Euronews, 15 agosto 2007. http://www.youtube.com/watch?v=K3vkpluFDOI 158 Sur le SIRASCO, se reporter à l’interview de Bernard PETIT, Sous-directeur de la Lutte contre la criminalité organisée et la délinquance financière, Direction centrale de la Police judiciaire et Fabrice RIZZOLI, spécialiste de la criminalité organisée et des mafias, premier réseau associatif contre le crime organisé et Secrétaire général de l'Observatoire Géopolitique des Criminalités. Europe 1, 10 août 2013. http://www.europe1.fr/MediaCenter/Emissions/C-est-arrive-cette-semaine/Sons/C-est-l-economiecette-semaine-10-08-13-1607097/

34


Partie 1 - Chapitre 1 – Enjeux patrimoniaux

l'échange de renseignements entre administrations, constituant ainsi une valeur ajoutée réelle à l'action répressive traditionnelle ».159 En Italie, s’il existe de nombreux groupes spécialisés en matière de criminalité organisée de type mafieux, tant au niveau stratégique qu’opérationnel, chacune de ces entités ne concerne qu’une seule force de police. En effet, le Gruppo Integrato

Interforze (G.I.I.R.L) s’emploie, au niveau stratégique, à dresser la liste des fugitifs les plus dangereux et relève exclusivement de la Polizia di Stato, précisément du Servizio Centrale Operativo (S.C.O.), compétent en matière de criminalité organisée et infiltration mafieuse dans l’économie. Indépendamment, la

Guardia di Finanza160 est composée du Servizio Centrale di Investigazione sulla Criminalità Organizzata (S.C.I.C.O.) se subdivisant en Gruppi d’Investigazione sulla Criminalità Organizzata (G.I.C.O.). Ces derniers sont particulièrement compétents en matière de blanchiment d’argent. Leur compétence territoriale correspond à celle des Direzioni Distrettuali Antimafia (cf. infra). Enfin, le Raggrupamento

Operativo Speciale (R.O.S.) est le service des Carabinieri compétent en matière de criminalité

organisée.

161

la

Direzione Investigativa Antimafia (D.I.A.) est

probablement la structure se rapprochant le plus à nos G.I.R. La D.I.A est un service de police à niveau national, spécialisé dans le cadre des enquêtes sur les associations de type mafieux. En France, les Groupements d’Intervention Régionaux sont originaux en ce sens qu’ils n’ont pas à proprement parler d’institution équivalente au plan opérationnel en Italie : en effet, en raison de l’important travail préventif et analytique mené par les D.I.A quant à l’évolution des associations de type mafieux et leurs liens, il convient plutôt de les retenir comme des structures hybrides, ayant des points de convergence avec les G.I.R et le SIRASCO. En Italie, c’est le procureur de la République qui décidera à quel service confier les enquêtes. Dans la pratique, elles sont le plus souvent effectuées par les forces de police qui ont constaté l’événement infractionnel.

159

PETIT B., Une nouvelle approche de la lutte contre la criminalité organisée : la prise en compte du volet financier des enquêtes, op. cit., p. 150. 160 Pour appronfondir, se reporter à Guardia di Finanza, Scuola di polizia Tributaria, Lavori monografici del 35° corso superiore di Polizia Tributaria, Le investigazioni transnazionali : un nuovo modello di investigazioni che nasce del nostro ordinamento a seguito della legge 146/2006 di ratifica della Convenzione TOC di Palermo 2000, Lido di Ostia, aprile 2008, p. 60. 161 MICELI A., Strutture di polizia. In Dizionario enciclopedico di mafie e antimafia, Ibid, p. 43.

35


Partie 1 - Chapitre 1 – Enjeux patrimoniaux

Figure 9 : Groupes spécialisés en matière de criminalité en Italie162

Organe centraux Organes territoriaux Compétence matérielle

Compétence territoriale

46.

Polizia di Stato

Guardia di Finanza

Carabinieri

SCO Serv. Inter.Prov. 26 sections

SCICO GICO 26 sections

PALIDORO ROS 26 sections

Infiltration mafieuse dans l’économie nationale et européenne.

Criminalité organisée de type mafieux. Recherche de fugitifs.

Infiltration mafieuse dans l’économie.

Blanchiment.

Trafic d’armes. Trafic de stupéfiants.

Cour d’Appel

Financement international du terrorisme. Cour d’Appel

Enlèvements. Crimes violents. Cour d’Appel

Centres de Coopération Policière et Douanière. Bien qu’ils ne soient pas

spécialisés en matière de lutte contre la criminalité organisée163, il faut noter l’existence des Centres de Coopération Policière et Douanière (C.C.P.D). Ils découlent de l’accord de Schengen et constituent pour les polices des Etats parties une véritable coopération opérationnelle, plus étendue que celle prévue par le Traité de Prüm (dont l’Italie n’est d’ailleurs pas signataire, contrairement à la France) puisqu’il ne limite pas l’intervention au-delà des frontières de l’Etat d’appartenance aux situations d’urgence, depuis l’échange de lettres entre les ministres de l’intérieur français et italien en 2006. Institués par l’accord de Chambéry du 3 octobre 1997164 à Vintimille (Italie) et à Modane (France), les C.C.P.D. franco-italiens sont compétents essentiellement en matière d’échange d’informations. Ils peuvent, dans le cadre de leur mission, jouer un rôle déterminant lors de l’identification d’un individu ou d’un mouvement anormal de patrimoine. En effet, certains « domaines de saisine concernent les infractions à la police des étrangers, les faux documents, les infractions contre les personnes et les biens, les infractions routières et les stupéfiants. On constate en revanche relativement peu de saisines relatives à l’ordre public. » 165 162

Source : auteur. Nota del Segretario generale alle delegazioni, Linee guida europee sulle buone pratiche relative ai centri di cooperazione di polizia e di dogana, 9105/11, Bruxelles, 15 aprile 2011. 164 Décret n° 2000-652 du 4 juillet 2000 portant publication de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République italienne relatif à la réadmission des personnes en situation irrégulière signé à Chambéry le 3 octobre 1997. 165 GUIBAL J-C., Rapport fait au nom de la Commission des affaires étrangères sur le projet de loi, 163

36


Partie 1 - Chapitre 1 – Enjeux patrimoniaux

47.

Les officiers de liaison. L’action des C.C.P.D se cumule avec d’autres

organes. D’une part, les officiers de liaison, « s’occupent essentiellement de maintenir les rapports entre les forces de police des deux pays et de suivre les dossiers les plus importants ».166 En 2003 a été affecté un officier de liaison italien à l’antenne de Nice du S.R.P.J. de Marseille.167

48.

Section Centrale de Coopération Opérationnelle de la Police. Intervient

d’autre part dans le cadre de la coopération, la Section Centrale de Coopération Opérationnelle de la Police (SCCOPOL). Composée de policiers, gendarmes, magistrats et douaniers, elle constitue un point de contact unique entre les services répressifs français et leurs partenaires étrangers. Cette entité regroupe plusieurs banques de données.168 Sa compétence s’articule avec celle des C.C.P.D. en ce sens que « lorsque le traitement d’une affaire a trait à la criminalité organisée ou au terrorisme, le service français compétent saisit le C.C.P.D. et/ou la SCCOPOL. Lorsqu’il s’agit d’un service d’un autre Etat membre qui avise le C.C.P.D., celui-ci saisit immédiatement la SCCOPOL ».169

49.

Patrouilles mixtes. Les patrouilles mixtes ont pu, dans les dernières années,

donner des résultats positifs en matière de lutte contre la contrefaçon et le trafic de stupéfiants : en 2007, « la mise en commun de renseignements a permis à une patrouille mixte, constituée d’agents de la brigade de surveillance intérieure de Menton et de militaires de la garde des finances italienne, de réaliser une saisie de près de 13 kg de cocaïne à bord d’un véhicule circulant sur le territoire italien ».170 50.

Coopération

européenne

et

internationale.

L’efficacité

de

l’agence

européenne Europol ne se limite pas à l’émission de rapports, bien que son analyse adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de l'accord sous forme d'échange de lettres entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République italienne visant à compléter l'accord relatif à la coopération transfrontalière en matière policière et douanière, n° 1928, enregistré à lé présidence de l’Assemblée Nationale le 23 septembre 2009, p. 8. 166 Echange de mails avec le capitaine Valentino NEVOSI, officier de liaison de la Police italienne auprès de l'Ambassade d'Italie à Paris, 19 août 2013. 167 GUIBAL J-C, Rapprt n°1928, op. cit., p. 8. 168 La plateforme est en lien avec les Unités Nationales Europol (U.N.E.), l’Unité Centrale de Coopération Policière Internationale (U.C.C.P.I.), les Bureaux Centraux Nationaux d’Interpol (B.C.N.) et les bureaux de Supplément d'Information Requis à l'Entrée NationalE installés dans tous les Etats Schengen (SIRENE). 169 BERTHELET P., Le paysage européen de la sécurité intérieure, P.I.E. Peterlang, 2009, p. 147. 170 « Coopération douanière transfrontalière : les patrouilles mixtes franco-italiennes », 29 novembre 2007. http://www.douane.gouv.fr/page.asp?id=3488

37


Partie 1 - Chapitre 1 – Enjeux patrimoniaux

de l’état de la criminalité organisée sur le territoire européen soit vitale pour déceler les mouvements géographiques des groupes concernés. La possibilité d’une proximité des officiers de police des Etats membres a donné lieu à des résultats concrets en lutte contre les associations mafieuses : par exemple, en 2009, la codirection

franco-italienne

du

projet

concernant

le

fichier

d’analyse

« contrefaçon » à Europol débouche sur la découverte d’un réseau de contrefaçon de matériel électronique contrôlé par la Camorra. 171 La coopération policière internationale s’est déjà démontrée fondamentale : « par le canal Interpol, des commissions rogatoires internationales sont régulièrement exécutées par l’antenne de Nice du SRPJ de Marseille : 15 en 2001, 15 en 2002, 4 jusqu’en mai 2003 ».172

51.

Groupe

Egmont.

Il

faut

souligner

la

participation

des

Financial

Investigation Units (F.I.U.) française et italienne (respectivement l’agence TRACFIN et la Banca d’Italia), dans le groupe Egmont en matière de blanchiment d’argent. Le groupe joue un rôle fondamental en matière d’identification du patrimoine mafieux. Il est crée en 1995 à l’Egmont Aremberg Palace de Bruxelles, et permet la coopération, l’échange d’information et d’expériences des F.I.U. sur un plan international.173 Son intérêt principal est de « communiquer sur les modes opératoires variables et les conditions dans lesquelles ls opérations suspectes peuvent faire l’objet d’une déclaration de manière variable dans chaque Etat ».174

52.

Les résultats. La coopération semble être efficace déjà en 2003 : « la

coopération transfrontalière porte sur toutes les matières qui relèvent de la compétence de la police judiciaire, en particulier la recherche et l’interpellation des fugitifs appartenant au grand banditisme ou au crime organisé italien (une cinquantaine d’arrestations en quatre ans). L'interpellation de malfaiteurs italiens en France a, en outre, permis de résoudre des enquêtes concernant notre territoire ».175

171

« Un outil européen face à une délinquance sans frontière », Gend-info, n. 327, p. 17-18. http://www.defense.gouv.fr/gendarmerie/gend-info/gendinfo-327 172

GUIBAL J-C., Rapport fait au nom de la Commission des affaires étrangères sur le projet de loi (n°757), op. cit. 173

www.egmontgroup.org « La natura delle Fiu, i loro modi operativi e le condizioni con cui le operazioni sospette possono essere oggetto di segnalazione o di sospensione variano considerevolmente tra Stato e Stato ». In Guardia di Finanza, Nucleo Speciale Polizia Valutaria, Il contrasto al reato di Riciclaggio ed al Finanziamento al terrorismo internazionale, 2011, p. 121. 175 GUIBAL J-C., Rapport fait au nom de la Commission des affaires étrangères sur le projet de loi (n°757), autorisant l’approbation d’un accord sous forme d’échange de lettres complétant l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République italienne relatif à la coopération transfrontalière en matière policière et douanière du 3 octobre 1997 signées 174

38


Partie 1 - Chapitre 1 – Enjeux patrimoniaux

Il convient de mentionner, à titre indicatif, les derniers résultats des Centres de Coopération Policière et Douanière de Vintimille et Modane :

Figure 10.1 : CCPD de Ponte S. Luigi (Ventimiglia, ITALIE)176

Affaires traitées Année 2012

Affaires italiennes

1.963

Affaires françaises

14.145

Total des affaires traitées

16.108

Année 2013

Affaires italiennes

1.244

(jusqu’au 12 août 2013)

Affaires françaises

9.113

Total des affaires traitées

10.357

Figure 10.2 : CCPD de Le Freney (Modane, FRANCE)177

Affaires traitées Année 2012

Affaires italiennes

1.573

Affaires françaises

8.916

Total des affaires traitées

10.489

Année 2013

Affaires italiennes

332

(jusqu’au 12 août 2013)

Affaires françaises

6.438

Total des affaires traitées

6.770

L’efficacité des CCPD franco-italiens semble extrêmement difficile à évaluer par la seule étude du nombre d’affaires traitées, les résultats étant extrêmement variables d’une année à l’autre. Soulignons tout de même à titre anecdotique que dès les dix premiers mois d’activité du CCPD, des résultats positifs ont immédiatement été enregistrés. Le rapport de Jean-Claude GUIBAL se félicitait d’une augmentation de 43% des échanges entre les deux pays par rapport à l’ancien commissariat commun. En 2003, « les échanges d’information se sont élevés au total à 18 367 demandes, dont 12 628 demandes françaises et 5 739 demandes italiennes ».178 Ainsi, il semble que la première année d’activité ait été plus productive que 2012. Une forte réduction a néanmoins été enregistrée en 2013, à Modane comme à Vintimille. Le seul constat qui peut ressortir de ces statistiques est que les affaires italiennes sont largement inférieures que les affaires françaises traitées, cela valant pour les deux centres de coopération.

à Paris et Imperia le 1er juillet 2002, n. 952, enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 18 juin 2003. 176 Source : échange de mails avec le capitaine Valentino NEVOSI, officier de liaison de la Police italienne auprès de l'Ambassade d'Italie à Paris, 21 août 2013. 177 Idem. 178 GUIBAL J-C., Rapport fait au nom de la Commission des affaires étrangères sur le projet de loi (n°757), Ibid.

39


Partie 1 - Chapitre 1 – Enjeux patrimoniaux

§2 Coopération judiciaire aux fins de poursuites 53.

Complémentarité de la coopération policière et judiciaire. Afin que la

coopération puisse être efficace tout au cours de la procédure (en matière d’enquête, mais également de poursuite, d’instruction et de jugement) existent des acteurs de droit commun, permettant au quotidien la mise en œuvre de la coopération pénale aux fins de confiscation (A) ainsi que des acteurs spécialisés dans la lutte antimafia en France comme en Italie (B).

A. Coopération de droit commun 54.

Coopération par le Mandat d’Arrêt Européen. Le mandat d’arrêt européen

est un instrument incontournable dans la lutte contre l’extension des mafias italiennes en France : cela peut concerner l’hypothèse d’un individu présent dans un Etat étranger dans lequel il agirait en parfaite légalité, malgré des poursuites pour association de type mafieux dans son pays d’origine.179 Un certain Nevio CORAL, maire de Leinì (commune située aux environs de Turin) et entrepreneur, est confronté en 2011 à une telle situation. Poursuivi pour concours externe à une association de type mafieux en Italie, il est interpellé sur commission rogatoire internationale alors qu’il se trouve à Villefontaine (entre Lyon et Grenoble) ; plus de 150 individus sont arrêtés dans le même temps en Italie, dans le cadre du maxiprocès MINOTAURO. Il ne consommait en France aucune infraction180 s’y trouvant que dans ses fonctions d’administrateur de la filiale française de la société Coral S.p.a. 181 Il sera finalement remis sans difficultés aux autorités italiennes en quelques jours, par le biais d’un mandat d’arrêt européen parce que « les faits pour lesquels les poursuites étaient engagées (participation à une association de malfaiteurs de type mafia) entraient dans l’une des catégories visées à l’article 695-23 du même code (code de procédure pénale) dispensant l’Etat requis du contrôle de la double incrimination des faits et qu’en toute hypothèse ils étaient constitutifs d’une incrimination pénale en France sous la qualification de participation à une association de malfaiteurs (art. 450-1 et suivants du code pénal) ».182

179

V. ABBATECOLA M., ARNALDI di BALME., CASTELLANI S., TIBONE D., RICCABONI G., SPARAGNA R., Memoria ex. art. 121 c.p.p. su posizione Nevio CORAL, capo 49, R.G.N.R, D.D.A, 6191/07. 180 Entretien téléphonique avec Monsieur le substitut au procureur de la République Giuseppe RICCABONI au parquet de Turin, 9 août 2013. 181 http://www.aspiration-filtration-industrielle.fr/ 182 V. Annexe 2 : Procès verbal de remise de Nevio CORAL aux autorités italiennes.

40


Partie 1 - Chapitre 1 – Enjeux patrimoniaux

55.

Magistrats de liaison. « La mise en place de structures judiciaires a pour

objet de passer outre les difficultés rencontrées par les procureurs et les juges alors qu’ils doivent étendre leur action au-delà de leurs frontières ». 183 Les magistrats de liaison français sont parmi les premiers à s’être déplacés et l’un d’eux est aujourd’hui présent en Italie.184 Ils facilitent la coopération judiciaire par leur présence constante dans l’Etat d’envoi. Ils sont également chargés, en matière civile et pénale de procéder ou de participer à des études de droit comparé. 185 Ils facilitent la coopération, surtout en établissant des contacts directs avec les autorités judiciaires de leur pays d’accueil.186 Leur rôle peut-être fondamental, même en matière de lutte contre la criminalité organisée, car ils sont susceptibles d’être sollicités dans la pratique par des magistrats confrontés à un potentiel fait de criminalité transnationale. Il semblerait que cela a déjà pu être le cas en matière mafieuse : par exemple, Philippe LABRÉGÈRE, ancien magistrat de liaison français en Italie a permis en 1998, l’expulsion d’un individu détenant de faux papiers d’identité en réalité membre de la Camorra, information obtenue de par ses fonctions, en raison de ses liens avec la Direzione Nazionale Antimafia.187 56.

Eurojust. Cette autre institution de la coopération judiciaire intégrée met

en lien les représentants de procureurs, magistrats ou officiers de police nationaux de chaque Etat membre. Cette agence européenne coordonne la coopération entre les autorités judiciaires nationales et peut être à l’initiative d’enquêtes. A titre d’exemple, « le bureau italien a invité les autorités judiciaires italiennes à envisager l’ouverture d’une enquête, dans le cadre d’une affaire de TEH à des fins d’exploitation sexuelle, des investigations ayant été initialement menées en France ».188 Néanmoins, il convient de remarquer que l’Italie n’a pas transposé la décision-cadre concernant la constitution d’équipes communes d’enquête que ette institution met en place et coordonne189 et n’a pas ratifié l’acte du conseil du 29 mai 2000 sur l’entraide judiciaire pénale (2000/C197/01).190 Le 183

« L’istituzione delle strutture di giustizia intende sopperire alle difficoltà che i procuratori e i giudici non di rado incontrano allorché debbono estendere la loro azione oltre i confini nationali ». In PERDUCA A., Organismi sovranazionali. In Dizionario enciclopedico di mafie e antimafia, Ibid, p. 29. 184 AUBERT B., Entraide judiciaire pénale, Rép. Internat., Dalloz, janvier 2005, p. 22. 185 Nous noterons la présence des deux magistrats de liaison franco-italiens (Teresa Angela CAMELIO magistrat de liaison italien en France, et Françoise TRAVAILLOT magistrat de liaison français en Italie) au séminaire organisé par le conseil supérieur de la magistrature italien (cf. infra). 186 PERDUCA A., Organismi sovranazionali. In Dizionario enciclopedico di mafie e antimafia, Ibid, p. 29. 187 « Magistrats sans frontière », L’Express, 13 janvier 2000. http://www.lexpress.fr/informations/magistrats-sans-frontieres_636349.html 188 Eurojust, Rapport annuel 2011, p. 18. 189 Note du Secrétariat général au conseil, Manuel sur les équipes communes d’enquête, 15790/1/11, 4 novembre 2011, p. 5. 190 Contrairement à ce qui est allégé dans la note du secrétariat général du Conseil, Manuel sur les équipes communes d’enquête, 4 novembre 2011, 15790/1/11, p. 5.

41


Partie 1 - Chapitre 1 – Enjeux patrimoniaux

constat de l’inexistence d’équipes communes d’enquête entre la France et l’Italie est d’autant plus regrettable que les 24 équipes communes d’enquêtes mises en place par la France ont « donné lieu à des résultats très intéressants permettant ainsi, en matière de criminalité organisée, des saisies importantes de stupéfiants et le démantèlement de réseaux dans les pays signataires ».191

B. Coopération antimafia 57.

Équivalence de la D.N.A italienne et des J.I.R.S françaises. La

Direzione Nazionale Antimafia192 est née de l’initiative de Giovanni FALCONE et du ministre de la Justice Claudio MARTELLI. Dans son rapport, l’institution italienne se compare aux Juridiction Inter-Régionales Spécialisées (J.I.R.S.), spécialisées en matière de criminalité organisée, délinquance financière et pour les affaires de grande complexité justifiant des investigations importantes. En effet, « ces dernières ont été créées sur l’exemple des D.D.A., donc le dialogue s’est développé en partant d’une structure juridique en quelques sortes homogène ».193 Elle a pour fonction de solliciter et coordonner le travail des directions départementales (Direzioni Distrettuali Antimafia), spécialisées en matière d’enquête de criminalité organisée. 58.

Coopération de la D.N.A. et des J.I.R.S. La structure des 8 J.I.R.S194

se distingue en réalité de celle des 26 directions départementales qui sont coordonnées par la D.N.A. italienne.195 Les J.I.R.S, sont réparties sur le territoire français et sont compétentes en matière d’enquête, mais également de jugement contrairement aux homologues italiens. Malgré un premier bilan considéré mitigé196 sur la mise en œuvre du protocole de bonnes pratiques en vue d’une coopération informelle signé entre les J.I.R.S françaises et la D.N.A italienne en 2005, il 191

SIMIER B ., BRELURUT V., Direction des affaires criminelles et des grâces, bureau de la lutte contre la criminalité organisée, le blanchiment et le terrorisme, Equipes communes d’enquête – Italie et la pratique des équipes communes d’enquête, Incontro tra magistrati della Procura Nazionale Antimafia, delle Direzioni Distrettuali Antimafia, e magistrati francesi della Direzione Affari Penali del Ministero della giustizia e delle Giurisdizioni interregionali specializzate nella lotta al traffico di stupefacenti e dei servizi investigativi dei due paesi, Roma, 26-27 novembre 2009. 192 C’est une articulation du Parquet général près la Cour de cassation – article 6 du décret législatif n. 367 de 1991. 193 « Queste ultime (le Giurisdizioni specializzate) sono state create sull’esempio delle nostre D.D.A. e quindi il dialogo è stato sviluppato partendo da una struttura giudiziaria in qualche modo omogenea ». Relazione annuale, Direzione Nazionale Antimafia, op. cit., p. 29. 194 http://www.justice.gouv.fr/organisation-de-la-justice-10031/lordre-judiciaire-10033/lesjuridictions-interregionales-specialisees-13836.html 195 BRANCACCIO M., Uffici giudiziari, In MARESO M., PEPINO L., Dizionario enciclopedico di mafie e antimafia, op. cit., p. 48. 196 Protocole des bonnes pratiques du 22 juin 2005, en vue d’une coopération dite informelle. Propos tenus par Michel RAFFIN, Procureur adjoint à la JIRS de Marseille

42


Partie 1 - Chapitre 1 – Enjeux patrimoniaux

convient de se féliciter de l’existence d’une telle collaboration. Elle se traduit par des échanges spontanés d’informations pour obtenir tous renseignements utiles dans le cadre des enquêtes menées, ou pour définir des stratégies communes d’évolution,

pour

engager

des

enquêtes

distinctes,

connexes,

menées

en

coordination entre une D.D.A et une J.I.R.S. Le rôle assumé par les magistrats de liaison est fondamental dans le cadre de cette collaboration dès lors que les institutions françaises et italiennes nécessitent une mise en contact.197

Figure 11 : Répartition des procédures suivies par les JIRS en matière de criminalité organisée selon la catégorie d’infraction concernée sur la totalité des procédures dont les JIRS se sont saisies au 31 déc. 2009198

Le diagramme représenté ci-dessus permet d’observer l’importance des affaires concernant les stupéfiants, traitées par les JIRS. Or, en 2009 ont été recensées par les juridictions spécialisées 104 procédures en lien avec l’Italie dont 58 concernant les stupéfiants. Ces constats peuvent venir appuyer les propos du procureur CAVALLONE (cf. supra), selon lesquels les mafias italiennes participeraient à des trafics de stupéfiants entre l’Italie et la France.

59.

Commission

antimafia

européenne.

européenne antimafia en mars 2012

La

création

d’une

commission

199

, présidée par Sonia ALFANO traduit la

volonté de lutter contre la criminalité organisée au niveau européen. Elle a lieu après l’adoption de la résolution du parlement européen sur le crime organisé.200 L’objectif est d’enquêter sur l’impact de l’économie mafieuse sur le plan européen et s’interroger sur la proposition d’une directive permettant la confiscation des avoirs criminels à l’échelle européenne. Cette commission a été créée, pour un

197

V. Annexe 3 : Séminaire franco-italien organisé par le Conseil Supérieur de la Magistrature italien à Rome, les 26-27 novembre 2009 : Intervention du directeur, protocole des bonnes pratiques conclu en 2005, accord DNA-JIRS, rapport sur les dossiers suivis par les JIRS en lien avec l’Italie. 198 CAILLIBOTTE M., Bilan des juridictions inter régionales spécialisées, AJ Pénal 2010 p. 110. 199 http://www.europarl.europa.eu/committees/it/crim/home.html 200 ALFANO S., Rapport sur la criminalité organisée dans l’Union Européenne, 2010/2309 (INI).

43


Partie 1 - Chapitre 1 – Enjeux patrimoniaux

mandat de un an, renouvelable une fois pour une durée de six mois, à l’image des commissions parlementaires antimafia existant en Italie.

60.

De la coopération franco-italienne à l’appréhension du patrimoine des

mafias. La coopération policière et douanière est fondamentale, parce qu’elle constitue le préalable nécessaire, non seulement pour détecter des phénomène de criminalité concernant l’Italie et la France ou des modes opératoires inconnus, mais encore d’échanger des informations précieuses en matière patrimoniale. Pour que la confiscation du patrimoine mafieux puisse être mise en œuvre, il faux que la coopération des acteurs franco-italiens de la lutte contre la criminalité organisée porte sur l’ensemble du processus confiscatoire.

44


Partie 1 - Chapitre 2 – Appréhension du patrimoine des mafias

CHAPITRE 2 – Appréhension du patrimoine des mafias 61.

Processus confiscatoire. La première motivation énoncée par le Conseil de

l’Union européenne concernant la mise en place d’un bureau de recouvrement des avoirs dans chaque Etat membre est que la motivation principale « de la criminalité organisée transfrontière est l’appât du gain. Elle pousse les délinquants à commettre toujours plus d’infractions pour s’enrichir encore davantage. »201 Le dépassement des frontières par les criminels, dans le but d’échapper à des sanctions judiciaires ne doit pas être facilitée par le droit. Il convient dès lors de comparer les deux systèmes juridiques, afin d’évaluer si la sanction de confiscation est aussi efficace de parts et d’autres des Alpes. Comme nous avons pu déjà le souligner, la finalité de l’identification au-delà des frontières n’est pas seulement probatoire, mais permet d’arriver à la saisie et la gestion du patrimoine mafieux (Section 1) en vue de sa confiscation dans le cadre du procès pénal (Section 2).

Section 1 Phase en amont de la confiscation du patrimoine 62.

Appréhension

patrimoniale

en

amont

de

la

procédure.

Après

l’identification du patrimoine mafieux par delà les frontières, il est nécessaire de déterminer les modalités de perquisition permettant de connaître sa consistance, qui sont aujourd’hui équivalentes en Italie et en France (§1), tout comme les diverses formes de saisies existant en France et en Italie (§2).

§1 Perquisitions en vue de la saisie du patrimoine mafieux 63.

Alignement franco-italien. Le régime des perquisitions est désormais

aligné sur celui prévu pour de telles mesures en Italie. Les finalités ont été élargies (A) et permettent une appréhension du patrimoine mafieux (B).

A. Finalités étendues des perquisitions 64.

Alignement des perquisitions françaises et italiennes. Les perquisitions

sont en Italie comme en France des actes d’enquête ayant plusieurs finalités 201

Rapport de la Commission au Parlement européen et au Conseil fondé sur l'article 8 de la décision 2007/845/JAI, op. cit.

45


Partie 1 - Chapitre 2 – Appréhension du patrimoine des mafias

possibles. Définie comme étant « une opération d'investigation qui permet aux officiers de police judiciaire de pénétrer à l'intérieur du domicile de la personne ou tout lieu dans lequel elle peut se dire chez elle »202, elle peut consister à trouver des preuves relatives à la commission d’une infraction, mais également à découvrir l’existence de biens, ou de traces en lien avec cette dernière. La détermination de leur finalité est importante parce qu’elle permet d’en définir le champ d’application. Or, si en Italie le régime des perquisitions est prévu au livre III intitulé « PROVE » (preuves) du code de procédure pénale, celles-ci peuvent également avoir pour finalité la recherche du patrimoine du criminel à des fins conservatoires. L’article 253 alinéa 2203 du codice di procedura penale prévoit l’application des perquisitions aux fins de saisie du « corps de l’infraction », qui inclut le produit, le profit ou le prix découlant de cette dernière (corpo del reato). Depuis la loi n° 2010-768 du 9 juillet 2010, le droit français a lui aussi, considérablement augmenté le champ d’application en la matière, puisque désormais « l'officier de police judiciaire peut également se transporter en tous lieux dans lesquels sont susceptibles de se trouver des biens dont la confiscation est prévue à l'article 131-21 du code pénal (cf. infra), pour y procéder à une perquisition aux fins de saisie de ces biens ».204 L’objet des perquisitions est étendu, sous réserve de l’autorisation du procureur de la République, pour les crimes et délits punis d’au moins cinq ans d’emprisonnement, « cette opération d'investigation se trouve coupée du cordon ombilical qui la liait à la manifestation de la vérité. Elle peut être exclusivement justifiée par la recherche d'un bien confiscable ».205

65.

Régime des perquisitions.

206

De parts et d’autres des Alpes, les

perquisitions sont soumises à des régimes juridiques variables. Le droit italien distingue les perquisitions sur la personne de celle effectuées dans un lieu déterminé, quand il est retenu que des biens, ou la personne poursuivie s’y trouvent : il s’agit dans ce cas, des perquisitions domiciliaires. Notons qu’elles se distinguent de l’inspection (ispezione) 207 , en partie assimilable à la visite domiciliaire, menée dans le simple but de faire des observations.208 En France, la 202

CAMOUS E., Les saisies en procédure pénale : un régime juridique modernisé. - Commentaire des dispositions pénales de droit interne de la loi n° 2010-768 du 9 juillet 2010 visant à faciliter la saisie et la confiscation en matière pénale, Droit pénal n° 1, janvier 2011, étude 1, p. 3. 203 Datant du D.P.R. 22.09.1988, n.447. 204 Article 56 du code de procédure pénale français. 205 CAMOUS E., Les saisies en procédure pénale, op. cit. 206 Pour approfondir en matière de perquisition, se reporter à Vlamynck H., Le policier et le principe de l'inviolabilité du domicile, AJ Pénal 2011 p. 352. 207 L’article 354 alinéa 3 du codice di procedura penale dispose qu’elles « consistent à relever les traces d’infraction et d’autres effets matériels sur les personnes, sur le lieu et sur les choses ». 208 Cette dernière est plus étendue en Italie, où l’on distingue l’inspection locale et l’inspection réelle, sur les biens donc.

46


Partie 1 - Chapitre 2 – Appréhension du patrimoine des mafias

loi du 9 juillet 2010 a étendu le champ des perquisitions aux biens confiscables dans l’enquête de flagrance (articles 54 et 76 du code de procédure pénale) et en cas d’information judiciaire (article 94 du même code). Dans leurs grandes lignes, les perquisitions italiennes et françaises sont sensiblement divergentes. En France, les officiers de police judiciaire doivent dans l’enquête préliminaire (se distinguant de l’enquête de flagrance) recueillir l’assentiment de la personne chez laquelle l’opération à lieu, à moins d’obtenir l’accord du juge des libertés et de la détention sur requête du procureur de la République, pour les crimes ou délits punis d’une peine supérieur ou égale à cinq ans d’emprisonnement.209 La terminologie variable entre le droit français et italien peut prêter à confusion : en Italie, il n’existe qu’un seul type d’enquête, dite préliminaire, dans laquelle interviennent d’éventuelles arrestations de flagrance (notons que le juge d’instruction a été supprimé en Italie en 1990210). Or, l’article 352 alinéa 2 du

codice di procedura penale ne prévoit aucune formalité particulière en cas d’arrestation (arresto in flagranza), mais rend nécessaire l’obtention d’une ordonnance de perquisition (decreto di perquisizione) dans les autres cas, sauf certaines exceptions. Des divergences minimes peuvent être remarquées quant aux limitations temporelles de mise en œuvre de ces mesures. En effet, contrairement au droit français qui limite les perquisitions de droit commun entre 6h et 21h, le cadre légal italien diffère légèrement, en ce sens que « la perquisition dans une habitation ou dans les lieux fermés contigus à celle-ci, ne peut débuter avant sept heures, ni après vingt heures » (article 251 du code italien). Finalement, la perquisition « doit être réalisée le plus tôt possible et ne doit pas constituer « le dernier wagon d'une enquête ». En effet, un grand nombre d'éléments patrimoniaux peuvent être découverts lors des perquisitions ou décelés à l'occasion des auditions et ces opérations sont généralement diligentées dans la première phase d'enquête ».211

B. Mise en œuvre des perquisitions du patrimoine mafieux 66.

Perquisitions et criminalité organisée. La prévision d’un régime dérogatoire

en matière de criminalité organisée n’est pas commune à tous les Etats européens. Elle peut donner lieu à des différences procédurales importantes, comme la 209

V. article 76 alinéa 4 du code de procédure pénale. Pour approfondir, se reporter à DELMAS-MARTY M., LASVIGNES S., et al., La Mise en état des affaires pénales : rapports / Ministère de la justice, Commission justice pénale et droits de l'homme, La Documentation Française, Paris, 1991. 211 SOUVIRA J-M., MATHYS P., La plate-forme d’identification des avoirs criminels (PIAC), op. cit., p. 3. 210

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Partie 1 - Chapitre 2 – Appréhension du patrimoine des mafias

possibilité de perquisitionner en dehors des heures légales, ce qui est impossible en Espagne par exemple. 212 En France, la loi du 9 mars 2004 introduit une procédure dérogatoire pour une liste d’infractions déterminées à l’article 706-73 du code de procédure pénale. Elles peuvent alors se dérouler en dehors des heures légales, avec l’accord une fois de plus du juge de la liberté et de la détention.213 La seule limite est que « ces actes ne peuvent pas concerner les locaux d’habitation ».214 En Italie, l’article 251 du codice di procedura penale permet facilement de déroger aux horaires légaux. En effet, l’alinéa 2 prévoit que : « toutefois, dans les cas urgents l’autorité judiciaire peut décider, par écrit, que la perquisition soit effectuée au-delà de ces limites temporelles » lorsque l’application du principe pourrait préjudicier l’enquête.215 Le droit italien prévoit une forme particulière de perquisition pour la production et le trafic de stupéfiants, l’association de type mafieux, blanchiment, recel, par laquelle il n’est pas nécessaire d’obtenir une quelconque autorisation, mais qui nécessite simplement une validation par le procureur de la République dans les 48 heures suivant les faits.216 67.

Perquisitions franco-italiennes. Il est possible qu’un officier de police

judiciaire puisse participer activement aux perquisitions dans un autre Etat membre, conformément aux dispositions de la Convention européenne d’entraide judiciaire en matière pénale.217 La cour de cassation a eu occasion de se prononcer sur

une

affaire

concernant

trois

ressortissants

italiens, poursuivis

pour

« association de malfaiteurs en Italie », ayant fait l’objet d’une perquisition dans

212

VARRICA A., ALFANO S., Per un contrasto europeo al crimine organizzato e alle mafie, op. cit., p. 232. 213 V. article 706-89 du code de procédure pénale. 214 SEGONDS M., Fascicule : Enquêtes de police, 25 mars 2012, Institut National de Formation de la Police Nationale. 215 Article 352 alinéa 3 du codice di procedura penale. 216 L’article 27 alinéa 1 de la Legge del 19 marzo 1990, n. 55 dispose : « Oltre a quanto previsto dall'articolo 4 della legge 22 maggio 1975, n. 152, e dalle disposizioni in materia di produzione e traffico illecito degli stupefacenti e delle sostanze psicotrope, gli ufficiali ed agenti di polizia giudiziaria, nel corso di operazioni di polizia per la prevenzione e la repressione del delitto previsto dall'articolo 416-bis del codice penale e di quelli commessi in relazione ad esso, nonche' dei delitti previsti dagli articoli 648-bis e 648-ter dello stesso codice e di quelli indicati nei medesimi articoli, possono procedere in ogni luogo al controllo e all'ispezione dei mezzi di trasporto, dei bagagli e degli effetti personali quando hanno fondato motivo di ritenere che possono essere rinvenuti denaro o valori costituenti il prezzo della liberazione della persona sequestrata, o provenienti dai delitti predetti, nonche' armi, munizioni o esplosivi. Dell'esito dei controlli e delle ispezioni e' redatto processo verbale in appositi moduli, trasmessi entro quarantotto ore al procuratore della Repubblica, il quale, se ne ricorrono i presupposti, li convalida entro le successive quarantotto ore ». 217 « Si la partie requérante le demande expressément, la partie requise l'informera de la date et du lieu d'exécution de la commission rogatoire. Les autorités et personnes en cause pourront assister à cette exécution si la partie requise y consent ». Article 4 de la Convention européenne d’entraide judiciaire en matière pénale, Strasbourg, 20 avril 1959.

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Partie 1 - Chapitre 2 – Appréhension du patrimoine des mafias

leur immeuble en France, à laquelle a participé sur commission rogatoire un capitaine des Carabinieri.218

§2 Saisies en vue de confiscation du patrimoine mafieux 68.

Alignement franco-italien. De la même manière que pour les perquisitions,

le régime des saisies a été élargi par la loi WARSMANN (A) permettant de les mettre en œuvre aux fins de confiscation du patrimoine mafieux (B).

A. Finalités étendues des saisies 69.

Finalité des saisies. La saisie des biens de l’auteur d’une infraction, dans

l’attente de son jugement, peut être motivée par trois finalités variables. Leur vocation initiale est de prouver la participation à l’infraction ou même seulement à en déterminer le déroulement. Une telle saisie probatoire peut avoir un intérêt à des fins patrimoniales : la simple saisie des comptes bancaires, ou de la documentation afférente peut permettre de découvrir des flux financiers menant au tiers bénéficiaire de l’infraction financière en question. La saisie est alors un instrument redoutable pour les enquêteurs. Elle permet ensuite d’empêcher que l’auteur de l’infraction ne continue à consommer l’infraction, ou à en tirer profit. Une fois de plus l’intérêt patrimonial des saisies demeure entier, parce que le risque de voir se dissiper les biens liés à l’infraction avant le jugement définitif est réel. Enfin, la saisie peut avoir une finalité conservatoire, permettant dans ce cas de garantir la solvabilité du prévenu, afin qu’il puisse payer le prix de l’amende éventuellement prononcée à son encontre, ou pour dédommager une éventuelle victime. 70.

Terminologie. Les finalités probatoire, préventive et conservatoire des

saisies sont reprises dans les systèmes pénaux français et italien. Il semble néanmoins que la signification attribuée à ces termes ait une portée différente. La saisie probatoire ne fait pas l’objet d’interprétations divergentes : dans les deux systèmes, elle correspond bien à la recherche de la manifestation de la vérité. En revanche, le droit français ne semble connaître qu’une autre terminologie, pour deux objectifs distincts : la saisie conservatoire permettrait ainsi de garantir le paiement des amendes encourues (article 706-66 du code de procédure pénale) et « a pour effet de rendre une chose indisponible et de paralyser l'exercice de la 218

Crim, 30 novembre 1999, n°99-81.172.

49


Partie 1 - Chapitre 2 – Appréhension du patrimoine des mafias

plupart des droits susceptibles de lui être attachés ». 219 Or, le droit italien distingue la garantie du paiement d’une peine pécuniaire (saisie conservatoire) d’une saisie préventive, consistant à éviter la dissipation du patrimoine criminel avant le prononcé du jugement.

Figure 12 : Terminologie du droit des saisies pénales en France et en Italie220

SAISIE FRANCE

ITALIE

Probatoire

Conservatoire

Manifestation de la vérité

Garantie paiement amende

Préventive

Dissipation patrimoine Manifestation de la vérité

Garantie paiement amende

Dissipation patrimoine

Ce tableau permet de relever les différences terminologiques franco-italiennes en matière de saisie. En France, les saisies peuvent avoir une finalité probatoire ou conservatoire. Cette dernière permet tout à la fois de garantir le paiement de l’amende ou d’éviter la dissipation du patrimoine avant le prononcé du jugement définitif. L’Italie intègre une notion de plus : la saisie conservatoire est réservée à la seule garantie du paiement de l’éventuelle amende alors que la saisie préventive ne sert qu’à éviter la dissipation du patrimoine.

71.

Nature des biens saisissables. Tout en ayant des finalités semblables, les

saisies en Italie et en France seront soumises à des conditions plus ou moins exigeantes. Le choix du législateur français a été d’articuler le droit pénal des saisies en fonction du lien de l’objet avec l’infraction. Il convient de se reporter à l’article 131-21 du code de procédure pénale, dans la mesure où tout ce qui est confiscable peut être saisi. La saisie concerne les « les biens ayant servi à commettre l’infraction ou qui étaient destinés à commettre l’infraction » 221 , cela correspond à la saisie probatoire italienne. Les biens qui « sont l’objet ou le produit direct ou indirect de l’infraction »222, relèveraient plutôt des saisies préventive et conservatoire. Le droit français vise encore une autre nature de bien saisissable : le profit de l’infraction, saisissable dès lors que l’infraction fait encourir à son auteur au moins cinq ans d’emprisonnement.223 En Italie, le critère de distinction choisi par le législateur est la finalité de la saisie et non l’étroitesse du lien du bien avec l’infraction commise. En faisant le

219

CAMOUS E., Les saisies en procédure pénale, Ibid. Source : auteur. 221 Article 131-21 alinéa 2 du code de procédure pénale. 222 Article 131-21 alinéa 3 du code de procédure pénale. 223 Article 131-21 alinéa 5 du code de procédure pénale. 220

50


Partie 1 - Chapitre 2 – Appréhension du patrimoine des mafias

parallèle avec le droit français, deux groupes de biens sont distingués en termes de saisie : -Les choses liées à l’infraction (cose pertinenti al reato) peuvent être rapprochées de l’objet. -Le corps de l’infraction (corpo del reato) « est la chose sur laquelle ou par le biais de laquelle l’infraction a été mise en oeuvre, ainsi que la chose qui en constitue le produit le profit ou le prix ». 224 Le produit (prodotto) de l’infraction se définit comme la chose créée ou transformée lors de la réalisation de l’infraction. Il peut s’agir par exemple de billets de banque issus d’un vol. Dès lors que ces fonds sont placés, transformés ou convertis, il s’agira du profit (profitto) tiré de l’infraction. Cela sera le cas par exemple de l’achat de titres, ou du placement sur un compte bancaire. Enfin, le prix (prezzo) est la valeur d’échange du bien découlant de l’infraction, c’est-à-dire l’avantage reçu pour commettre l’infraction. 225 Figure 13 : Nature des biens saisissables en France et en Italie226

Nature des biens saisissables FRANCE

ITALIE

C.P.

131-21 alinéa 2

Lien avec

Bien ayant

l’infraction

servi/destiné

C.P.P

Lien avec l’infraction

131-21 alinéa 3

Objet

Produit

131-21 alinéa 5

Profit

255

255 et 355

Chose en lien avec

Corps de l’infraction: produit, profit,

l’infraction

prix

Ce tableau nous permet de rapprocher la nature de biens saisissables dans les systèmes pénaux français et italien. En France, l’article 131-21 du code pénal distingue quatre sortes de biens : les biens ayant servi ou destinés à commettre l’infraction, l’objet et le produit de cette dernière et in fine le profit qui en est tiré. En Italie, la nature des biens saisissables figures dans plusieurs articles du codice di procedura : par comparaison, les choses en lien avec l’infraction » doivent être rapprochées aux deux premières catégories françaises. Le corps de l’infraction correspond aux deux dernières.

B. Mise en œuvre des saisies du patrimoine mafieux 72.

Formes divergentes des saisies. En France, tout ce qui est confiscable

peut être saisi. « L'esprit de la loi est clair : il importe lors de l'enquête de 224

IZZO F., Compendio di diritto processuale penale, XXIIIed, Simone edizioni, 2012, p. 268. TARTAGLIA R., Codice delle confische e dei sequestri : illeciti penali e amministrativi, Martano editore, 2012, p. 1333. 226 Source : auteur. 225

51


Partie 1 - Chapitre 2 – Appréhension du patrimoine des mafias

rechercher les éléments de preuve mais aussi de garantir par des saisies aussi exhaustives

que

possible,

assises

sur

des

investigations

patrimoniales

précises ».227 L’article 131-21 prévoit donc une saisie obligatoire pour les biens liés à la commission de l’infraction, punie d’un an. Le droit français prévoit le régime des saisies probatoires et confiscatoires aux articles 56, 67, 97 du code de procédure pénale, en accordant un régime spécial à certaines formes de saisies au titre XXIX du même code intitulé « des saisies spéciales » : il s’agit des saisies de patrimoine, des saisies immobilières et celles portant sur certains biens ou droits mobiliers incorporels. Existe encore un titre XXXI relatif aux mesures conservatoires dans le code de procédure pénale. Notons d’ores et déjà qu’il convient de distinguer les saisies pénales des procédures civiles d’exécution, bien que les textes renvoient à ces dernières dans des cas limitatifs, en France comme en Italie (cf. infra). Néanmoins, en principe « la décision de saisie pénale suspend ou interdit toute procédure civile d'exécution portant sur le bien saisi à compter de la date à laquelle elle devient opposable jusqu'à ce que soit prononcée une décision de mainlevée ou de confiscation ».228 Le droit pénal italien, quant à lui, a préféré se référer aux trois finalités des saisies citées plus haut. Elles constituent trois modes de saisie distincts dans le droit positif: il existe la saisie probatoire, la saisie préventive et la saisie conservatoire. Figure 14 : Processus de saisie en France et en Italie229

FRANCE

SAISIE

ITALIE

Nature du bien

Modalité de saisie

Objectif de la saisie

En France, la nature du bien détermine les modalités de saisie, l’objectif n’étant précisé que postérieurement. En Italie, l’objectif de la saisie permettra d’en définir les modalités, la nature du bien étant le dernier élément précisé avant que la saisie ne puisse être exécutée.

227

ROBERT H., Une importante réforme de procédure pénale inachevée. - À propos de la loi du 9 juillet 2010, La Semaine Juridique Edition Générale n° 43, 25 Octobre 2010, doctr. 1067. 228 CUTAJAR C., Le nouveau droit des saisies pénales, AJ Pénal 2012 p. 124. 229 Source : auteur.

52


Partie 1 - Chapitre 2 – Appréhension du patrimoine des mafias

73.

Saisie probatoire. C’est celle qui est le plus fréquemment mise en œuvre à

l’issue des perquisitions (cf. supra). En France, « les règles techniques qui gouvernent le régime juridique des saisies ont longtemps été éclairées par la seule recherche de la vérité. Un bien n'était appréhendable qu'autant qu'il pouvait constituer un moyen de preuve. Une caractéristique que peut évidemment avoir le produit direct ou indirect d'une infraction ».230 Aujourd’hui, la recherche de la preuve est calquée sur le régime des perquisitions. Il faut distinguer en fonction du type d’enquête : l’enquête de flagrance, répond aux dispositions de l’article 56 du code de procédure pénale « si la nature du crime est telle que la preuve en puisse être acquise par la saisie des papiers, documents, données informatiques ou autres objets en la possession des personnes qui paraissent avoir participé au crime ou détenir des pièces, informations ou objets relatifs aux faits incriminés, l'officier de police judiciaire se transporte sans désemparer au domicile de ces derniers pour y procéder à une perquisition dont il dresse procès-verbal », (contrairement aux perquisitions, cf. supra).231 En enquête préliminaire, la saisie « des pièces à conviction » est soumise au mêmes conditions que celles des biens confiscables, de sorte qu’il soit nécessaire d’obtenir l’assentiment de la personne en faisant l’objet (ou pour déroger à cette condition, avoir l’aval du juge des libertés et de la détention sur requête du procureur de la République).232 Dans le cadre de l’instruction, l’article 97 du code de procédure pénale dispose que l’officier de police judiciaire est commis par le juge d’instruction pour procéder à la saisie « lorsqu'il y a lieu, en cours d'information, de rechercher des documents ou des données informatiques ». En Italie, peuvent être saisis à des fins probatoires le corps de l’infraction ainsi que les biens liés à l’infraction.233 La portée paraît plus ample qu’en France. La procédure d’enquête est unique, dès lors qu’il n’existe pas de distinction entre l’enquête de flagrance, préliminaire ou instruction. L’autorité judiciaire peut librement procéder à la saisie234, ou l’officier de police judiciaire, délégué par le ministère public.235 La police judiciaire peut saisir sur sa propre initiative dans les cas d’urgence.236 Elle est alors validée a posteriori par le ministère public.

237

En conclusion il semblerait que la police

230

CAMOUS E., Les saisies, Ibid. Article 56 du code de procédure pénale. 232 « Les perquisitions, visites domiciliaires et saisies de pièces à conviction ou de biens dont la confiscation est prévue à l'article 131-21 du code pénal ne peuvent être effectuées sans l'assentiment exprès de la personne chez laquelle l'opération a lieu ». Article 76 alinéa 1 du code de procédure pénale. 233 Article 253 alinéa 1 du codice di procedura penale. 234 Article 253 alinéa 1, op. cit. 235 Articles 253 alinéa 3 et 370 du codice di procedura penale. 236 Article 354 alinéa 2 du codice di procedura penale. 237 Article 355 du codice di procedura penale. 231

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Partie 1 - Chapitre 2 – Appréhension du patrimoine des mafias

judiciaire française dispose globalement de plus de liberté que ses homologues italiens, mais que la nature des biens saisissables soit plus limitée en France qu’en Italie.

Figure 15.1 : Pouvoirs des acteurs de la saisie probatoire en France et en Italie238 FRANCE Flagrance : O.P.J.

ITALIE O.P.J. si urgence puis validation a posteriori M.P.

Préliminaire : O.P.J. Si pas assentiment : aval J.L.D. et M.P.

Autorité judiciaire par ordonnance

Instruction : O.P.J commis par J.I.

O.P.J. commis par le M.P.

Le droit italien ne distingue pas selon le type d’enquête. L’O.P.J. italien peut prendre l’initiative en cas d’urgence tandis que son homologue français le pourra en cas de flagrance. En Italie il n’y a pas lieu à recueillir l’assentiment de la personne faisant l’objet de la mesure mais il est nécessaire dans certains cas d’obtenir une ordonnance. Enfin, l’O.P.J. peut être commis par l’autorité dirigeant l’enquête : le ministère public en Italie (pas d’instruction) et le juge d’instruction en France.

Figure 15.2 : Biens saisissables à des fins probatoires en France et en Italie239 FRANCE Flagrance : papiers, documents, données

ITALIE Corps de l’infraction : produit, profit, prix

informatiques ou autres objets en la possession d’auteurs potentiels Préliminaire : pièces à conviction

Lien avec l’infraction : interprétation jurisprudentielle : « toute chose permettant de

Instruction : Documents ou données

conduire à la détermination des faits »240

informatiques

La saisie à des fins probatoires est limitée à certains types de biens en France comme en Italie. La France distingue selon le type d’enquête alors que l’Italie permet l’appréhension du corps de l’infraction et des biens en lien avec l’infraction.

74.

Saisie bancaire. La saisie de documentation bancaire, mais également des

fonds, ou de toute autre valeur monétaire peut avoir une finalité probatoire. Giovanni FALCONE (cf. supra), alors qu’il enquêtait dans le cadre de l’affaire SPATOLA-SINDONA, alignait pendant des heures des chèques sur une table afin d’en tirer des conclusions. « En comprenant que le fil conducteur de ce réseau 238

Source : auteur. Source : auteur. 240 « La dottrina a immediatamente evidenzaiato che, ai fini di sequestro probatorio, la nozione di cosa pertinente al reato è dotata di una maggiore ampiezza, in quanto essa comprende qualunque cosa utile a condurre all’accertamento del reato e della sua commissione, anche in riferimento alla personalità del reo ». In TARTAGLIA R., op. cit., p. 1380. 239

54


Partie 1 - Chapitre 2 – Appréhension du patrimoine des mafias

international de malversations se trouvait sous les comptes bancaires, Giovanni Falcone traça le premier volet de sa méthode. Et il alla perquisitionner dans une banque de Palerme et saisir des documents jusqu’ici séculairement couverts par le secret bancaire et « l’omertà ». Le juge Falcone savait bien que le nerf de la guerre, pour Cosa Nostra, était l’argent ».241 La saisie bancaire fait l’objet de dispositions particulières en Italie : « l’autorité judiciaire peut procéder à la saisie auprès des banques de documents, titres, valeurs, sommes déposées sur un compte courant ainsi que de toute autre chose déposée, y compris dans un coffre-fort, dès lors qu’il existe des raisons de penser qu’elles soient en lien avec l’infraction et ce, même si le prévenu n’en est pas le propriétaire ou qu’elles ne sont pas enregistrées à son nom ». 242 La saisie probatoire en matière bancaire paraît étendue en Italie : tout est potentiellement saisissable à la seule condition qu’il existe un lien avec l’infraction. Cette forme de saisie probatoire n’est pas soumise à la seule initiative du simple officier de police judiciaire, mais dépend de l’autorité judiciaire. En France, on distingue la saisie de documentation et la saisie de ce qui est déposé à la banque. La saisie de documentation relève de dispositions spécifiques, indépendamment du fait qu’il s’agisse d’un établissement bancaire ou non. La saisie des sommes d’argent est prévue à l’article 706-154243 du code de procédure pénale. Les enjeux ont été perçus depuis la loi du 9 juillet 2010, « les nouvelles règles n'en ont pas moins le mérite d'offrir un cadre légal à des pratiques qui sont appelées à se développer. C'est ce qui explique les précisions apportées concernant certaines saisies. Ainsi, l'appréhension d'une somme d'argent versée sur un compte bancaire s'applique à l'ensemble des fonds inscrits au crédit du compte concerné à concurrence du montant indiqué si celui-ci est précisé dans l'ordonnance ».244 La saisie est facilitée, en ce sens qu’il n’est pas nécessaire d’obtenir une ordonnance du juge des libertés et de la détention, l’autorisation du 241

DUCOULOUX-FAVARD C., La mafia italienne, op. cit., p. 128. Article 255 du codice di procedura penale. 243 « Par dérogation aux dispositions de l'article 706-153, l'officier de police judiciaire peut être autorisé, par tout moyen, par le procureur de la République ou le juge d'instruction à procéder, aux frais avancés du Trésor, à la saisie d'une somme d'argent versée sur un compte ouvert auprès d'un établissement habilité par la loi à tenir des comptes de dépôts. Le juge des libertés et de la détention, saisi par le procureur de la République, ou le juge d'instruction se prononce par ordonnance motivée sur le maintien ou la mainlevée de la saisie dans un délai de dix jours à compter de sa réalisation. L'ordonnance prise en application du premier alinéa est notifiée au ministère public, au titulaire du compte et, s'ils sont connus, aux tiers ayant des droits sur ce compte, qui peuvent la déférer à la chambre de l'instruction par déclaration au greffe du tribunal dans un délai de dix jours à compter de la notification de l'ordonnance. Cet appel n'est pas suspensif. Le titulaire du compte et les tiers peuvent être entendus par la chambre de l'instruction. Les tiers ne peuvent pas prétendre à la mise à disposition de la procédure. Lorsque la saisie porte sur une somme d'argent versée sur un compte ouvert auprès d'un établissement habilité par la loi à tenir des comptes de dépôts, elle s'applique indifféremment à l'ensemble des sommes inscrites au crédit de ce compte au moment de la saisie et à concurrence, le cas échéant, du montant indiqué dans la décision de saisie. » 244 CAMOUS E., Les saisies en procédure pénale, Ibid. 242

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Partie 1 - Chapitre 2 – Appréhension du patrimoine des mafias

procureur de la République (ou du juge d’instruction en cas d’information) suffit pour saisir les sommes d’argent y figurant, ensuite versées sur le compte de l’A.G.R.A.S.C. (cf. infra). Figure 16 : Saisie de documentation et des choses déposées auprès des établissements bancaires en France et en Italie245 Saisie

Documents bancaires

Sommes sur les comptes

FRANCE

Articles 56, 76, 97 du code de procédure pénale, selon le type d’enquête. (cf. supra)

Article 706-154 du code de procédure pénale .

ITALIE

Article 255 du codice di procedura penale Documents, titres, valeurs, sommes déposées. Seule condition : lien avec l’infraction.

Le droit français opère une distinction de plus que le système italien. En France, les documents bancaires sont saisis en fonction du cadre de l’enquête. La saisie des sommes figurant sur le compte fera en tous les cas l’objet d’un régime distinct. En Italie, à l’inverse, l’article 255 permet la saisie des documents comme des sommes dans l’article 255 du codice di procedura penale à la seule condition que soit prouvé un lien avec l’infraction.

75.

Saisie préventive. La saisie préventive n’a pas d’équivalent terminologique

en France.246 Elle constitue en Italie, avec la mesure conservatoire, une mesure de sûreté réelle (misura cautelare reale).247 Or, en France, « le titre XXIX intitulé

"des saisies spéciales" ne fait aucune référence à l'existence d'éventuelles sûretés pénales qui viendraient compléter le dispositif ».248 Cette forme de saisie, datant des années 1970 249 , permet aux enquêteurs transalpins d’appréhender certains biens en dehors de toute finalité probatoire. Il est nécessaire que le juge, sur requête du parquet, décide de saisir par voie d’ordonnance. En cas d’urgence250 l’initiative peut être prise par le parquet et la police judiciaire, décision soumise à validation dans les 48 heures par le juge. L’alinéa 2 de l’article 321 du codice di

245

Source : auteur. Il ne faut pas confondre cette forme de saisie avec la saisie anticipée, qui est réservée à la législation antimafia italienne, et plus précisément aux mesures de prévention (misure di prevenzione) que nous analyserons postérieurement. « Il confine trà misura cautelare post o praeter delictum, da un lato, e misura di prevenzione post delictum dall’altro, è molto labile ed il timore che si concretizzi una violazione del principio di colpevolezza è davvero realistico ed attendibile ». In TARTAGLIA R., Ibid, p. 1379. 247 La cautela est le fait « d’agir avec prudence ». Dizionario Francese, Garzanti linguistica, 2013. Nous choisirons de parler de mesure de sûreté réelle, se distinguant de la mesure de sûreté personnelle prévue au code de procédure pénale aux articles 706-53-13 et suivants. Il ne s’agit pas d’une sûreté 248 CAMOUS E., Des saisies pénales spéciales.- Régimes général, Fasc. 20, JurisClasseur, 2013. 249 TARTAGLIA R., op. cit., p. 1377. 250 Il s’agit des cas où il est impossible, sans causer un préjudice à l’intérêt de la justice, suivre la voie ordinaire. Article 321 alinéa 3 bis du codice di procedura penale. 246

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Partie 1 - Chapitre 2 – Appréhension du patrimoine des mafias

procedura penale prévoit que « le juge peut ordonner la saisie des choses dont est consentie la confiscation », qui sont les choses en lien avec l’infraction.251 En France, le régime des saisies a été amplifié avec la loi du 9 juillet 2010. Il faut se reporter aux dispositions de l’article 131-21 du code de procédure pénale, qui régit les confiscations pour déterminer les modalités de leur saisie. Pour les crimes et délits punis d’au moins un an d’emprisonnement, il est possible de saisir les biens qui constituent l’instrument ou le produit direct ou indirect de l’infraction à l’initiative de l’officier de police judiciaire.252 Dès lors qu’il s’agit d’une infraction punie d’une peine d’au moins cinq ans d’emprisonnement et ayant procuré un profit direct ou indirect253, « il en résulte une présomption simple d'illégalité dont le champ n'est pas limité à quelques infractions déterminées. Elle s'applique à tous les crimes ou délits punis de cinq ans d'emprisonnement ».254 La réforme instituée par la loi WARSMANN a clairement aligné, volontairement ou incidemment, les saisies françaises sur celles italiennes. On observe de nombreuses convergences entre les saisies dites spéciales (titre XXIX du code de procédure pénale) et les saisies préventives italiennes. La différence réside en ce que le droit italien se réfère aux procédures civiles d’exécution (concernant les créances) alors que le législateur français a limité le renvoi à ces dernières, dans un objectif de simplification.255 Au but des saisies, d’éviter l’aggravation des conséquences de l’infraction réalisée ou la commission d’autres infractions, s’ajoute celui de prévenir l’organisation de l’insolvabilité, ou tout du moins, la dissimulation d’une partie du patrimoine afin d’en éviter la confiscation.

251

Les biens saisissables sont énumérés dans la loi dite « pacchetto di sicurezza » : Legge del 15 luglio 1994, n. 94, art. 104. 252 « La confiscation porte sur tous les biens meubles ou immeubles, quelle qu'en soit la nature, divis ou indivis, ayant servi à commettre l'infraction ou qui étaient destinés à la commettre, et dont le condamné est propriétaire ou, sous réserve des droits du propriétaire de bonne foi, dont il a la libre disposition. Elle porte également sur tous les biens qui sont l'objet ou le produit direct ou indirect de l'infraction, à l'exception des biens susceptibles de restitution à la victime. Si le produit de l'infraction a été mêlé à des fonds d'origine licite pour l'acquisition d'un ou plusieurs biens, la confiscation peut ne porter sur ces biens qu'à concurrence de la valeur estimée de ce produit ». Article 131-21 alinéas 2 et 3 du code pénal ». 253 « S'il s'agit d'un crime ou d'un délit puni d'au moins cinq ans d'emprisonnement et ayant procuré un profit direct ou indirect, la confiscation porte également sur les biens meubles ou immeubles, quelle qu'en soit la nature, divis ou indivis, appartenant au condamné lorsque celui-ci, mis en mesure de s'expliquer sur les biens dont la confiscation est envisagée, n'a pu en justifier l'origine. Lorsque la loi qui réprime le crime ou le délit le prévoit, la confiscation peut aussi porter sur tout ou partie des biens appartenant au condamné, quelle qu'en soit la nature, meubles ou immeubles, divis ou indivis ». Article 131-21 alinéas 5 et 6 du code pénal. 254 CAMOUS E., Les saisies en procédure pénale, Ibid. 255 GEOFFROY G., Rapport (n°1255) visant à faciliter la saisie et la confiscation en matière pénale, op. cit., p. 8.

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Partie 1 - Chapitre 2 – Appréhension du patrimoine des mafias

Nous regretterons l’impossibilité d’une saisie d’urgence en France étendue à tous les types de biens, comme cela est le cas en droit italien, et non aux seules sommes d’argent.

Figure 17 : Remarques comparatives sur la saisie à finalité confiscatoire en France et en Italie256 SAISIE

FRANCE Modalités

ITALIE Acteurs

Modalités

Sommes

706-154 c.p.p.

O.P.J.

321 c.p.p.

d’argent

Notification aux tiers

autorisé par

Interprétation

M.P. ou J.I.

jurisprudentielle large de la

Acteurs

chose liée à l’infraction Créance

706-155 c.p.p.

255 c.p.p.

Principe :

Banque : dépôt C.D.C.

Sommes, titres, valeurs.

Juge sur

Assurance vie :

Auteur : 513 c.p.c.

requête du

suspension Actions et

706-156 c.p.p.

parts

Notification à

sociales

personne émettrice ou intermédiaire financier.

Immeuble

J.L.D.

Tiers : 543 c.p.c. Annotation sur le titre de

sur requête

706-150 c.p.p.

la société et inscription de la saisie dans le registre des sociétés, notification à intermédiaire financier Auteur et tiers

Auteur et tiers Certains

706-153 c.p.p.

biens ou

Auteur et tiers

M.P.

du M.P.

Inscription de la saisie dans le registre des

droits

sociétés et communication

mobiliers

à l’administrateur

Urgence : M.P. ou O.P.J., validation a posteriori

incorporels Sans

706-158 c.p.p.

dépossession

A distinguer du gel

76.

V. saisie bancaire

Introduction des saisies conservatoires en France. Alors que le droit

italien prend en compte la triple finalité des saisies depuis le nouveau code de procédure pénale ; le droit français se limitait initialement, dans le cadre des perquisitions, à rechercher la manifestation de la vérité. Un caractère conservatoire n’était reconnu à ces dernières que par des dispositions spécifiques, comme l’ancien article 706-30 du code de procédure pénale, limité au trafic de stupéfiants et prévoyant une procédure particulièrement lourde : « les mesures

256

Source : auteur.

58


Partie 1 - Chapitre 2 – Appréhension du patrimoine des mafias

conservatoires sont prises au stade de l’instruction : il appartient au président du tribunal, sur requête du procureur de la République de statuer ».257 Figure 18 : Exemple de mise en oeuvre de l’ancien article 706-30 du code de procédure pénale258 « À titre d’exemple, le procureur du Tribunal de grande instance de Grasse a saisi le président de ce même Tribunal en 1999, d’une requête aux fins d’inscription provisoire d’hypothèque sur une villa acquise en France par des ressortissants italiens à l’aide de fonds provenant de comptes bancaires ouverts en Suisse par deux autres ressortissants italiens soupçonnés d’être mes prête nom des premiers, et alimentés par le paiement, selon les enquêteurs d’une livraison de cocaïne. Cette mesure était requise dans le cadre d’une instruction alors en cours au Tribunal de Nice du chef de blanchiment de capitaux provenant de trafic de stupéfiants à la suite du démantèlement d’un réseau international de narco-trafiquants par les autorités judiciaires italiennes, suisses et françaises grâce à la coopération des USA, du Canada, des Pays-Bas, de la Colombie, du Brésil, de l’Espagne et du Mexique. Cette mesure faisait suite à une commission rogatoire des autorités judiciaires italiennes demandant la saisie de cette villa en vertu d’une décisions précédemment rendue par la chambre autonome des mesures de prévention du Tribunal de Milan. »

77.

Elargissement des saisies conservatoires. Un premier élargissement de la

portée de ce type de saisies intervient avec la loi du 9 mars 2004 en matière de criminalité organisée et de délinquance financière, pour les infractions énumérées aux articles 706-73 et 706-74 du code de procédure pénale. De la même manière, « l'article 706-103 du Code de procédure pénale en autorisait à l'époque la mise en oeuvre par le seul recours aux procédures civiles d'exécution. C'est dans ce contexte que la deuxième chambre civile s'est prononcée sur le sujet par un arrêt en date du 4 juin 2009 ».259 Par cette jurisprudence, elle a validé l’inscription d’une hypothèque concernant une villa détenue, par le biais d’un jeu de sociétés, par l’affilié d’une mafia italienne poursuivi pour blanchiment en Italie en considérant « qu'il est satisfait aux exigences de l'article 70 de la loi du 9 juillet 1991 et de l'article 215 du décret du 31 juillet 1992, pris pour son application ; que l'article 15260 de la loi n°96-392 du 13 mai 1996 énonce que l'exécution sur le territoire français d'une mesure conservatoire présentée par une autorité étrangère est ordonnée dès lors que le propriétaire des biens ne pouvait ignorer l'origine ou l'utilisation frauduleuse », ce qui est le cas en l’espèce.261

257

VICHNIEVSKY L., La saisie en droit français (au stade de l’enquête, de l’instruction), Les Petites Affiches, 31 octobre 2002, n°218, p. 5. 258 Idem. 259 CAMOUS E., Des saisies pénales spéciales, op. cit. 260 Aujourd’hui abrogé. 261 Cass. Civ. 2ème, 4 juin 2009, n°08-16.142.

59


Partie 1 - Chapitre 2 – Appréhension du patrimoine des mafias

78.

Droit positif des saisies conservatoires. La loi du 9 juillet 2010 élargit262

ces saisies conservatoires à la procédure de droit commun. « Celle-ci a pour effet de rendre une chose indisponible et de paralyser l'exercice de la plupart des droits susceptibles de lui être attachés. Le temps juridique se trouve ainsi figé jusqu'à ce que la juridiction compétente se soit prononcée ».263 La mise en œuvre de la procédure civile en France, dans le cadre des saisies conservatoires a néanmoins été réduite, faute d’une trop grande complexité. « Il est vrai que la procédure civile mise en oeuvre par le président du tribunal de grande instance, saisi par le procureur de la République, est périlleuse à mettre en oeuvre par des habitués de la procédure pénale ».264 En Italie, la saisie conservatoire (conservativa) a pour finalité d’empêcher la disparition ou la dissimulation des choses garantissant le paiement de la peine pécuniaire postérieurement prononcée ainsi que des frais de justice. La saisie conservatoire est décidée par le juge sur requête du parquet qui ne pourra engager des poursuites que s’il y a un periculum in mora, c’est-à-dire un risque de dissipation avant le prononcé du jugement : le ministère public pourra alors se constituer partie civile en cas de risque concernant le paiement des dommages et intérêts. La mise en oeuvre de l’ordonnance du juge est régie par le droit des procédures civiles d’exécution.265 En France, le champ de l’article 706-103 est limité.266 Cependant l’introduction d’un titre XXXI « des mesures conservatoires » permettant la saisie punie d'une peine égale ou supérieure à trois ans d'emprisonnement, pour les infractions d’appropriation frauduleuse267 est regrettée par les pénalistes.268 Aujourd’hui, « la ‘’saisie de patrimoine’’ constitue la mesure conservatoire pénale la plus large

262

« L’article 706-103 précise que ces saisies sont réalisées « afin de garantir le paiement des amendes encourues ainsi que, le cas échéant, l’indemnisation des victimes et l’exécution de la confiscation ». Votre rapporteur estime que de tels objectifs devraient concerner tous les délits et non uniquement les affaires de criminalité ou de délinquance organisées. » In GEOFFROY G., Rapport fait au nom de la Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la république sur la proposition de loi de MM. Jean-Luc Warsmann et Guy Geoffroy (n°1255) visant à faciliter la saisie et la confiscation en matière pénale, enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le mercredi 20 mai 2009. p. 13 263 CAMOUS E., Les saisies en procédure pénale, op. cit. 264 CUTAJAR C., La saisie du produit du blanchiment sur le territoire français, Recueil Dalloz 2009 p. 2250. 265 Article 316 du codice di procedura penale. 266 « En cas d'information ouverte pour l'une des infractions entrant dans le champ d'application des articles 706-73 et 706-74 et afin de garantir le paiement des amendes encourues ainsi que, le cas échéant, l'indemnisation des victimes, le juge des libertés et de la détention, sur requête du procureur de la République, peut ordonner, aux frais avancés du Trésor et selon les modalités prévues par les procédures civiles d'exécution, des mesures conservatoires sur les biens, meubles ou immeubles, divis ou indivis, de la personne mise en examen. » 267 Article 706-166 du code de procédure pénale. 268 Rapport annuel de l’AGRASC, 2011, p. 25.

60


Partie 1 - Chapitre 2 – Appréhension du patrimoine des mafias

puisqu'elle porte sur des avoirs qui ne constituent pas le produit direct ou indirect de l'activité illégale ».269

Section 2 Phase en aval de la confiscation du patrimoine 79.

Après la saisie, après la confiscation. Le patrimoine visé par les mesures

de saisie, en France et en Italie, ont pour la plupart vocation à transférer la possession de la chose dont à la libre disposition l’auteur, vers l’Etat, qui en assurera la gestion, en vue d’une éventuelle confiscation (A). Une fois le bien définitivement confisqué, il est la propriété de l’Etat. Il est alors intéressant de s’interroger sur la destination lui étant assurée dans les deux Etats (B).

§1 Gestion du patrimoine mafieux en vue de confiscation 80.

Des

Bureaux

de

Recouvrement

des

Avoirs

(B.R.A)

partiellement

équivalents. Les systèmes pénaux italien et français se sont tous deux dotés récemment de plusieurs bureaux de recouvrement des avoirs (A) dont il convient de comparer le fonctionnement, de ceux accomplissant des missions semblables dans les deux Etats (B).

A. Divergence des bureaux de recouvrement des avoirs nationaux 81.

Evolution du cadre normatif. L’initiative de créer de nouvelles institutions

spécialement conçues pour améliorer les saisies et confiscations pénales va de pair avec la législation européenne orientée vers la transformation de la matière en nouvel instrument de répression contre la criminalité organisée. La politique pénale menée

par

les

institutions

européennes

va

clairement

dans

le

sens

de

l’amplification de la peine de confiscation : décision-cadre 2003/577/JAI sur l’exécution des décisions de gel, suivie par la décision-cadre 2006/960/JAI relative à la simplification de l'échange d'informations et de renseignements entre les services répressifs des États membres de l'Union européenne. La dernière décision 2007/845/JAI impose la création de Bureaux de Recouvrement des Avoirs

(B.R.A).

270

En

France,

on

dénombre

deux

B.R.A. :

la

Plateforme

269

ROBERT H., Une importante réforme de procédure pénale inachevée. - À propos de la loi du 9 juillet 2010, La Semaine Juridique Edition Générale n° 43, 25 Octobre 2010, doctr. 1067. 270 Fréquemment désignées comme Assets Recovery Agencies (A.R.O.).

61


Partie 1 - Chapitre 2 – Appréhension du patrimoine des mafias

d’Identification des Avoirs Criminels (P.I.A.C.) et la récente Agence de Gestion et de Recouvrement des Avoirs Saisis et Confisqués (A.G.R.A.S.C.).

82.

Désignation des Bureaux de Recouvrement des Avoirs. La P.I.A.C. et

l’A.G.R.A.S.C. ont été désignées le 8 avril 2009 et 25 février 2011 comme bureaux de récupération des avoirs (A.R.O.).271 Les Bureaux de Recouvrement des Avoirs sont crées « aux fins de faciliter le dépistage et l’identification des produits du crime et des autres biens en rapport avec le crime qui sont susceptibles de faire l’objet d’un gel, d’une saisie ou d’une confiscation (…) ».272 Dans le dernier rapport de la Commission portant sur les B.R.A., « l'Italie a indiqué qu'elle envisageait d'établir un BRA placé sous la responsabilité du ministère de l'intérieur. Les dispositions pertinentes régissant la désignation interne sont en cours de rédaction ».273 L’Italie a finalement déclaré trois B.R.A.274 Outre l’A.N.B.S.C., elle désigne le Servizio per la Cooperazione Internazionale di Polizia (S.C.I.P.)275, dont l’objet est de faciliter les enquêtes menées en collaboration avec les polices de pays tiers à l’Union européenne. Enfin, la Direzione Centrale della Polizia Criminale, se charge de coordonner les enquêtes nationales et coopérer avec les services de police d’autres Etats membres dans le cadre d’enquêtes relatives à la criminalité organisée de type mafieux. 276 Soulignons que les deux B.R.A. français sont également parties au réseau CARIN (Camden Assets Recovery Inter-Agency Network) 277 , regroupant les autorités compétentes en matière de saisie et confiscation, à un niveau international et non seulement européen. « Ils élaborent

271

PETIT B., Une nouvelle approche de la lutte contre la criminalité organisée, op. cit. L’article 1 de la Décision 2007/845/JAI du Conseil du 6 décembre 2007 relative à la coopération entre les bureaux de recouvrement des avoirs des États membres en matière de dépistage et d’identification des produits du crime ou des autres biens en rapport avec le crime dispose que « Chaque État membre met en place ou désigne un bureau national de recouvrement des avoirs aux fins de faciliter le dépistage et l’identification des produits du crime et des autres biens en rapport avec le crime qui sont susceptibles de faire l’objet d’un gel, d’une saisie ou d’une confiscation ordonnés par une autorité judiciaire compétente dans le cadre de poursuites pénales ou, dans la mesure où le droit interne de l’État membre concerné le permet, dans le cadre de poursuites civiles ». J.O. n. L.332 du 18 décembre 2007, p. 103-105. 273 Rapport de la Commission au Parlement européen et au Conseil fondé sur l'article 8 de la décision 2007/845/JAI du Conseil du 6 décembre 2007 relative à la coopération entre les bureaux de recouvrement des avoirs des États membres en matière de dépistage et d'identification des produits du crime ou des autres biens en rapport avec le crime, 12 avril 2011, COM(2011) 176 final, p. 5. 274 Directorate-general for internal policies, Policy department citizen’s rights and constitutional affairs, The need for new EU legislation allowing the assets confiscated from criminal organisations to be used for civil society and in particular for social purposes, PE 462.437, 2012, p. 40. 275 http://www.interno.gov.it/mininterno/export/sites/default/it/sezioni/ministero/dipartimenti/dip _pubblica_sicurezza/direzione_centrale_della_polizia_criminale/scheda_15772.html 276 http://www.interno.gov.it/mininterno/export/sites/default/it/sezioni/ministero/dipartimenti/dip _pubblica_sicurezza/direzione_centrale_della_polizia_criminale/ 277 Pour approfondir sur le réseau CARIN, se reporter à Camden Asset Recovery Inter-Agency Network (CARIN), CARIN Manual, The History, Statement of Intent, Membership and Functioning of CARIN, European Police Office, 2012. 272

62


Partie 1 - Chapitre 2 – Appréhension du patrimoine des mafias

des bonnes pratiques dans le domaine de la saisie et de la confiscation des avoirs et abordent des thèmes spécifiques tel celui de « la richesse inexpliquée » correspondant en France à l’infraction de non justification de ressources, afin de faire progresser les législations des différents pays ».278

83.

Plate forme d’Identification des Avoirs Criminels sans équivalent italien.

La P.I.A.C intervient au stade de l’enquête aux fins d’identifier le patrimoine saisissable et à terme confiscable. En effet, les saisies et les confiscations ne pourront être mises en œuvre efficacement que si l’on aura pu identifier de manière exhaustive son patrimoine. La P.I.A.C. a ainsi pour but de « centraliser, recouper et restituer l’information relative aux avoirs, patrimoines ou flux financiers

illégaux,

mutualiser

les

capacités

d’enquêtes,

coordonner

les

recherches ».279 Tout en étant inspirée de la méthode de travail des G.I.R280 (notamment parce que composée de membres issus de toutes les forces de l’ordre : cf. supra), elle permet de recouper les informations recensées avec les fichiers de l’O.C.R.G.D.F auquel elle est intégrée. La Plate-forme d’Identification des Avoirs Criminels ne peut vraisemblablement être rapprochée à aucune structure d’enquête italienne : en effet, il n’existe pas en Italie de structure mêlant les différentes forces de police dans l’objectif d’améliorer la performance des enquêtes en matière patrimoniale. Soulignons qu’est en train d’être développée un logiciel par la Guardia di Finanza : le programme « MOLECOLA » permet de rechercher et regrouper les données d’une personne existant dans les différentes bases. Sa vocation est de faciliter l’identification des biens pouvant faire l’objet d’une saisie.281 Dans le cadre du délit de blanchiment (riciclaggio), joue un rôle fondamental le programme informatique GIANOS 282 en Italie. Il permet la dénonciation d’opérations suspectes au sein de toutes les banques italiennes (Archivio Unico Informatico).283

278

Rapport annuel de l’AGRASC, op. cit., 2011. Circulaire du 15 mai 2007 portant création d’une plateforme d’identification des avoirs criminels (PIAC) chargée de l’identification des avoirs financiers et des biens patrimoniaux des délinquants, en vue de leur saisie ou de leur confiscation, et de la centralisation des informations relatives à la détection d’avoirs illégaux en tous points du territoire national. NOR INT/C/07/00065/C, p. 3. 280 Pour approfondir sur le fonctionnement de la P.I.A.C, se reporter à SOUVIRA J-M., MATHYS P., La plate-forme d’identification des avoirs criminels (PIAC) outil à disposition des enquêteurs et des magistrats, AJ Pénal, 2012, p. 134. 281 Correspondance avec le capitaine de la Guardia di Finanza DEL ROSARIO Mauro : « Breve descrizione del programma MOLECOLA », 28 mars 2013. 282 Generatore di Indici di ANomalia per Operazioni Sospette. 283 Associazione Italiana Responsabili Antiriciclaggio (A.I.R.A.), Il libro bianco sulla normativa antiriciclaggio, Roma, febbraio 2010, p. 35. 279

63


Partie 1 - Chapitre 2 – Appréhension du patrimoine des mafias

84.

Agences nationales de recouvrement des avoirs. En France, la loi du 9

juillet 2010 « crée une agence dédiée à la gestion des biens saisis ou confisqués, à l'instar d'autres pays qui ont mis en place des structures leur permettant de gérer les biens des délinquants ».284 Il est alors intéressant de se demander si les agences mises en place en Italie et en France ont un champ d’action équivalent, ou si au contraire l’homologue italien de l’A.G.R.A.S.C. se limite à gérer les biens des délinquants. L’introduction de l’A.G.R.A.S.C. 285 par la loi du 9 juillet 2010, est presque concomittante avec celle de son homologue italien. L’Agenzia Nazionale per

l’amministrazione e la destinazione dei Beni Sequestrati e Confiscati alla Criminalità organizzata (A.N.B.S.C.)286 est mise en place une agence nationale en Italie en février 2010.287 S’est déroulée une rencontre entre les directeurs des deux agences le 9 novembre 2011 à Rome, au cours de laquelle ont été comparées les deux structures en termes organisationnels et statistiques. La réunion s’est conclue par un souhait de mettre en place une collaboration des deux structures dans la lutte contre la criminalité organisée.288

B. Convergence des agences de gestion des biens saisis et confisqués 85.

Nature des agences. L’agence française est un établissement public à

caractère administratif placé sous la tutelle du Ministère de la Justice et du Budget.289 Les règles la concernant sont contenues dans le titre XXX du code de procédure pénale. Les dispositions concernant l’agence italienne figurent dans le « codice antimafia » aux articles 110 et suivants. Créée par la loi n. 50/2010, il s’agit d’une personne morale de droit public dotée d’une autonomie organisationnelle et budgétaire. Elle dépend hiérarchiquement du Ministère de l’Intérieur. D’un point de vue organisationnel, l’A.G.R.A.S.C. est administrée par un conseil d'administration dont le président est un magistrat de l'ordre judiciaire nommé par décret (Monsieur Jean-Marie HUET)290 alors que l’A.N.B.S.C. est dirigée par un préfet nommé pour quatre ans (Dottore Giuseppe CARUSO). Si leur organigrammes ne laissent pas

284

BOLLÉ A., Une loi pour « frapper les délinquants au portefeuille », Gazette du Palais, 19 août 2010 n° 231, p. 12. 285 Circulaires du 3 février et du 22 décembre 2010. 286 www.benisequestraticonfiscati.it 287 Decreto legge 4 febbraio 2010 n. 4, convertito in Legge del 31 marzo 2010, n. 50. 288 http://www.benisequestraticonfiscati.it/Joomla/index.php?option=com_content&view=article&id= 568&catid=1&Itemid=11 289 Article 706-159 du code de procédure pénale. 290 Article 706-162 du code de procédure pénale.

64


Partie 1 - Chapitre 2 – Appréhension du patrimoine des mafias

apparaître de divergences fondamentales291, il faut noter en revanche que l’agence italienne est caractérisée par une décomposition territoriale : le bureau central situé à Reggio Calabria est assisté de services territoriaux (à Rome, Palerme, Milan, Naples). L’A.G.R.A.S.C. est pour partie financée par les sommes confisquées gérées par l’agence ainsi que par le produit des ventes de biens. 292 L’autonomie organisationnelle et comptable293 de l’A.N.B.S.C. se traduit également par un autofinancement faisant néanmoins l’objet de critiques, car limité aux biens immeubles et excluant les biens des personnes morales.294 L’AN.B.S.C. fait en Italie l’objet de vives critiques en raison d’un nombre d’agents extrêmement limité, préjudiciant à l’efficacité de l’agence.295 Figure 19.1 : Organigramme de l’A.G.R.A.S.C.296

Figure 19.2 : Organigramme de l’A.N.B.S.C.297

291

L’agence comptable de l’AGRASC est l’équivalent du « collegio dei revisori ». La direction centrale est composée de six bureaux : la direction pour la planification stratégique et les ressources humaines, le bureau des biens saisis et confisqués, service d’administration et d’information générale, service économico-financier, service pour les relations internationales et institutionnelles. 292 Article 706-163 du code de procédure pénale. 293 Article 110 du « codice antimafia », D. Lgs 159/2011. 294 Seconda Relazione dell’A.N.B.S.C., 2011, p. 20. 295 La récente loi 228/112 vient remédier à ces inconvénients. 296 Rapport annuel de l’AGRASC, 2011, p. 6. 297 www.benisequestraticonfiscati.it

65


Partie 1 - Chapitre 2 – Appréhension du patrimoine des mafias

86.

Missions des agences avant le prononcé d’une décision. En ayant toutes

deux pour rôle de rendre plus efficace le traitement des saisies et confiscations pénales, les missions leur ayant été attribuées ne sont pas précisément identiques. La première différence est contenue dans leurs intitulés: alors que l’A.G.R.A.S.C.298 semble être compétente pour toutes les formes de criminalité299, son homologue italien est spécifiquement voué à la confiscation des biens « de la criminalité organisée ». L’A.N.B.S.C. est compétente autant dans le cadre des poursuites pénales que des mesures de prévention (cf. Partie II)300, elle ne procède pas à la destruction de certains biens saisis ou confisqués, contrairement à l’A.G.R.A.S.C.301 Par ailleurs, elle n’a pas vocation, comme l’agence française à « améliorer la situation des victimes ». Les deux agences partagent la fonction d’assurer la coopération internationale302 et bilatérale avec les autres agences. Elles acquièrent des données relatives aux biens saisis et confisqués à la criminalité organisée dans le cadre de poursuites pénales (et de prévention pour l’agence italienne), vérifient l’état des biens au cours des procédures, certification de la consistance, de la destination et de l’utilisation des biens, se chargent de la destination des biens confisqués, analysent les données acquises. Elles jouent également un rôle d’assistance aux autorités judiciaires et administrations. 87.

Mission des agences après le prononcé d’une décision. L’A.N.B.S.C. est

compétente au cours de la phase judiciaire (de la saisie à la confiscation) et de la phase administrative, c’est-à-dire concernant la destination du bien au sein de la collectivité (cf. schéma). Elle partage cette seconde compétence avec l’agence du domaine (Agenzia del demanio) ainsi que les services territoriaux du gouvernement

Uffici territoriali del governo) depuis 2009. L’A.G.R.A.S.C. intervient également en 298

Les missions de l’AGRASC sont détaillées dans la circulaire du 22 décembre 2010 relative à la présentation des dispositions résultant de la loi n° 2010-768 du 9 juillet 2010 visant à faciliter la saisie et la confiscation en matière pénale, NOR : JUSD1033251C, BOMJL n° 2011-01 du 31 janvier 2011. 299 « Il faut bien souligner que l'AGRASC est confrontée, dans le cadre de ses saisines à tous types de délinquance, qu'elle soit de proximité, c'est-à-dire de quartiers, de banlieues ou de type criminalité organisée avec des ramifications internationales et des montages financiers très astucieux ». PELSEZ E., L'agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués – AGRASC, AJ Pénal 2012 p. 139. 300 Pour approfondir, sur la gestion des biens dans le cadre des mesures de prévention avant la création de l’agence italienne, se reporter aux écrits de NICASTRO G., « Novità in tema di gestione e destinazione dei beni sequestrati e confiscati nel procedimento di prevenzione ». In BALSAMO A., CONTRAFATTO V., NICASTRO G., Le misure patrimoniali contro la criminalità organizzata, Giuffrè editore, 2010, pp. 510-622. 301 Aliénation et la destruction des biens saisis et confisqués par les tribunaux correctionnels (article 484-1 du code de procédure pénale) et les cours d'assises (article 373-1 du code de procédure pénale). 302 Article 706-160 alinéa 6 du code de procédure pénale pour l’agence française et article 110 du « codice antimafia » pour l’agence italienne.

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Partie 1 - Chapitre 2 – Appréhension du patrimoine des mafias

aval de la décision de confiscation303, ne se limitant pas à une simple activité de gestion. Elle se charge de la gestion des biens confisqués, « les juridictions peuvent dans leur décision confier les biens meubles saisis et confisqués à l'Agence en vue de leur aliénation, dès lors qu'ils ne sont plus nécessaires à la manifestation de la vérité et que leur conservation serait de nature à en entraîner la dépréciation ».304 Le produit de la vente sera alors restitué en cas de relaxe. Elle se charge encore d’indemniser les parties civiles 305 , elle informe les administrations et les victimes en cas de restitution de biens saisis 306 , et transfère les produits issus des infractions relatives aux stupéfiants au budget général de l'État et au fonds de concours « Stupéfiants » géré par la MILDT.

§2 Devenir des biens confisqués aux mafias 88.

Destination ou finalité. Le devenir des biens confisqués est une phase

importante, en ce qu’elle permet de redonner vie aux biens confisqués aux mafias, notamment à des fins sociales. Pour cela, il convient postérieurement à la confiscation d’assurer la destination (A) ainsi que la réintégration dans l’économie saine des biens confisqués aux mafias (B).

A. Destination des biens confisqués 89.

Destination et assignation des biens. La réintégration des biens dans la

collectivité assurée par l’A.G.R.A.S.C. n’intervient que par la vente. Cela est le cas avant une décision de confiscation (vente avant jugement pour laquelle l’agence peut s’adresser au service des domaines ou à un prestataire privé). Prenons l’exemple de la confiscation des immeubles : une fois procédé aux formalités de publication de la confiscation, « l'agence, en lien avec le Domaine, va donner une destination à l'immeuble, en faisant notamment procéder à sa vente. Le produit net de cette cession sera ensuite affecté, selon des dispositifs différents. »307 L’A.N.B.S.C. italienne est compétente au cours de la phase judiciaire (de la saisie à la confiscation) et de la phase administrative, c’est-à-dire concernant la

303

Pour approfondir sur l’AGRASC, se reporter à PELSEZ E., ROBERT H., Pour une meilleure appréhension des patrimoines frauduleux. - À propos de l'Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués (AGRASC), La Semaine Juridique Edition Générale n° 26, 27 Juin 2011, doctr., 769. 304 PELSEZ E., ROBERT H., Pour une meilleure appréhension des patrimoines frauduleux, op. cit. 305 Article 706-164. 306 Article 706-161 alinéa 4. 307 STIFFEL R., L'activité de l'AGRASC en matière de saisie pénale immobilière et de confiscations immobilières, AJ Pénal 2012 p. 142.

67


Partie 1 - Chapitre 2 – Appréhension du patrimoine des mafias

destination du bien au sein de la collectivité (cf. schéma). Elle partage cette seconde compétence avec l’agence du domaine (Agenzia del demanio) ainsi que les services territoriaux du gouvernement Uffici territoriali del governo) depuis 2009. Figure 20 : Phases d’intervention de la A.N.B.S.C. en Italie308

Le schéma ci-dessus permet d’observer de manière synthétique les différentes phases d’intervention de l’A.N.B.S.C. La phase judiciaire est celle qui précède la confiscation du bien (en vert). Elle concerne la phase préalable au prononcé de la confiscation, tandis que postérieurement la phase administrative ne s’achève que par le retour du bien dans la collectivité (en violet).

B. Réintégration des biens confisqués dans l’économie saine 90.

Finalité des biens confisqués. L’A.G.RA.S.C. fait état dans son rapport de

2012 de sa participation aux groupes de travail du réseau européen A.R.O : « les travaux menés au nom de la Commission européenne ont permis de démontrer la très grande variété des pratiques des Etats dans ce domaine. En Italie par exemple, les biens confisqués sont attribués aux collectivités locales, tandis qu’en Grande-Bretagne ils sont attribués aux forces de l’ordre pour leur permettre d’intensifier la lutte contre la délinquance. Il serait certainement utile de mener une réflexion à ce sujet en France avec les différents ministères concernés (Justice, Intérieur, Budget) ».309 L’A.N.B.S.C., quant à elle, prévoit en plus de la destination des biens, une mission d’assignation de ces derniers par la loi du 7 mars 1996, n. 109. C’est-à-dire qu’en dehors de toute vente elle collabore avec des associations ayant pour finalité de redonner vie aux biens confisqués.310

308

Relazione, ANBSC, 2012, p. 25. Rapport AGRASC, 2012, p. 21. 310 BALSAMO A., La istituzione dell’Agenzia Nazionale per l’Amministrazione e la destinazione dei beni sequestrato e confiscati alla criminalità organizzata, Cass. pen. 2010, 06, 2095. 309

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Partie 1 - Chapitre 2 – Appréhension du patrimoine des mafias

Figure 21 : Réintégration des biens assignés par l’A.N.B.S.C. en 2012311

Le tableau reporté ci-dessus donne une idée de la finalité des biens confisqués, après qu’ils aient été destinés par l’A.N.B.S.C. En 2012, dans le cadre de la destination des biens, environ 5.700 immeubles ont été assignés aux communes, départements et régions, services de sécurité ou aux ministères. 33, 3% de ces biens ont postérieurement été destinés à des fins sociales et 16% à des associations telles que Libera (cf. infra).

91.

Libera,

associazioni,

nomi

e

numeri

contro

le

mafie

312

.

Cette

association 313 n’a pas d’équivalent en France. 314 Elle promulgue l’importance de lutter contre les mafias en redonnant vie aux biens confisqués aux organisations mafieuses par la vente de produits agricoles cultivés sur les terrains confisqués.315 L’association milite dès sa création aux côtés d’autres organismes pour une loi de réutilisation à des fins sociales des biens confisqués aux mafias. Est ainsi adoptée un an plus tard la loi n. 109/1996 avec l’objectif « non seulement d’exproprier les biens illicitement accumulés par les organisations criminelles, mais également de restituer à la collectivité ceux qui lui ont illégalement été soustraits ».316 Cette loi vient augmenter la célérité de l’assignation en réduisant le nombre d’intervenants administratifs au cours de la phase suivant la confiscation et précédent l’assignation. Cette loi sera suivie postérieurement par la création d’un Commissaire pour la gestion des biens confisqués (Ufficio del Commissario straordinario del Governo per la gestione e la destinazione dei beni confiscati a organizzazioni criminali), prédécesseur de l’A.N.B.S.C., dont la mission était de « promouvoir les ententes avec

311

Seconda Relazione dell’A.N.B.S.C., op. cit, 2012, p. 51. « Libera, association, noms et chiffres contre les mafias ». 313 Fondée le 25 mars 1995, par Don Luigi CIOTTI, prêtre de l’église catholique. 314 Echange de mails avec Elisabeth PELSEZ, directrice générale de l’AGRASC, 2 septembre 2013. 315 V. Annexe 4 : prospectus Libera. 316 « L’obbietivo, non solo di espropiare i beni illecitamente accumulati dalle organizzazioni criminali, ma anche di restituirli alla collettività cui sono stati illegalmente sottratti ». MENDITTO F., Confisca e beni confiscati. In Dizionario enciclopedico di mafie e antimafia, Ibid, p. 170. 312

69


Partie 1 - Chapitre 2 – Appréhension du patrimoine des mafias

l’autorité judiciaire afin de raccorder les procédures administratives de destination avec les procédures judiciaires afin de contribuer à une meilleure gestion ».317

92.

Libera Terra. Nous signalerons qu’en 2001 est mis en place le projet Libera

Terra318 permettant la dévolution de terrains agricoles aux fins de vente des produits récoltés en grande surface ainsi que dans des épiceries spécialisées (le

botteghe della legalità). L’objectif n’est pas lucratif mais « le meilleur moyen pour restituer la valeur et la dignité à partir du bien confisqué

est de créer des

organisations crédibles et autonomes »319 dans des territoriales où sont ancrées les mafias (cf. graphique).320 Figure 22.1 : Bénéfices tirés du projet Libera Terra dans la production alimentaire321

Figure 22.2 : Provenance des financements de l’association322

317

« Promuovere le intese con le Autorità giudiziarie, al fine di raccordare i procedimenti amministrativi di destinazione con i procedimenti giudiziari e contribuire, così, ad una gestione organica ». GIANNONE T., Dal bene confiscato al bene comune, Quaderni della fondazione, Tertio Millennio Onlus, ECRA, 2012, p. 24. 318 Pour approfondir sur les coopératives, se reporter au travail universitaire suivant : LIMONTA V., « Nuove forme di imprenditorialita’. Il caso delle cooperative Libera Terra », Università degli studi di Milano, 2010. En France, FAMELLI F., « Coopérer sur les terrains confisqués aux mafias en Italie : le modèle Libera Terra », Master professionnel Innovation pour l’Economie Sociale, Université Toulouse Le Mirail, 2010. 319 « La maniera migliore per restituire valore e dignità a partire dal bene confiscato è quello di creare organizzazioni credibili e auto sostenibili ». In Bilancio sociale, Associazione Libera, 2012, p. 43. 320 Il existe ainsi des coopératives agricoles Libera dans diverses communes, connues pour être les berceaux des mafias : Corleone, Lentini (Sicile), Gioia Tauro (Calabre), etc. 321 Bilancio sociale, Libera Terra, op. cit, p. 44. 322 Idem.

70


Partie 1 - Chapitre 2 – Appréhension du patrimoine des mafias

Le premier graphique permet de prendre conscience de l’intérêt non seulement symbolique, pour l’économie locale du projet Libera Terra. Les profits ne financent pas l’association, qui par définition n’a pas de but lucratif. Le second diagramme illustre ainsi la provenance des financements de cette dernière. Elle est principalement financées par les entreprises (Coop, Enel, IBM, Telecom Italia, Vodafone, Unicredit, etc).

93.

Quelques exemples. Libera coordonne plus de 1.500 associations aux

objets variés323, répondant à leurs besoins par l’attribution d’un local, ou d’un terrain confisqué. A titre d’exemple, l’association s’est vue attribuer en 2011 la villa-bunker du clan GRAZIANO (Camorra, province d’Avellino). De même, en collaborant avec une commune de la province d’Agrigento, Libera a permis l’attribution de terrains à une coopérative agricole. Toujours en Sicile, un terrain de 150 hectares appartenant à l’un des hauts représentants de Cosa Nostra, Michele GRECO, a été destiné à la Région Sicile (Regione Sicilia) qui l’a postérieurement assigné à l’association « Consorzio, sviluppo e legalità ».324 Nous citerons également la récente réouverture du Bar Italia par Libera, où se réunissaient régulièrement les principaux membres de la ‘Ndrangheta implantée à Turin. 325 L’attribution de biens, à des fins sociales alors qu’ils appartenaient auparavant à des associations mafieuses solidement implantées est un message fort adressé à la société civile.

94.

Libera en France. Aujourd’hui une branche de l’association « Libera

Francia » existe depuis le mois de juin 2013. Elle naît de l’initiative de Don Tonio Dell’Olio en 2007 pour explorer la possibilité de créer une activité similaire à celle de Libera en France.326 Elle s’est rapprochée du projet FLARE France, dont l’un des objectifs est également de collaborer avec d’autres associations et de promouvoir la confiscation des biens aux organisations mafieuses. La branche française de l’association était jusqu’à récemment impliquée dans les projets de la

323

Pour approfondir, se reporter à PARENTE G ., IOPPOLO L., Beni confiscati alle mafie: il potere dei segni, Viaggio nel paese reale tra riutilizzo sociale, impegno e responsabilita, 2009. Ce rapport fait état de l’attribution de biens confisqués à la mafia italienne à des associations aux objets variés. Nous citerons par exemple l’association A.MI.C.A. Associazione di Volontariato per il Miglioramento delle Condizioni Ambientali (Basilicata), Al di là dei sogni dont l’objet est l’assistance aux personnes (Campania), l’Istituto tecnico commerciale e turistico « Galileo Galilei » assurant des formations en économie d’entreprise et en droit (Calabria)… 324 Interview à Giovanni FALCONE par Ennio REMONDINO, Rai tre, 30 agosto 1991. http://www.rainews24.it/it/video-gallery.php?newsid=165467&videoid=28077 325 « Libera riapre il bar della ’ndrangheta. Festa con don Ciotti e Caselli », Osservatorio provinciale sulle mafie Novara, 3 mai 2013. http://osservatorionovara.liberapiemonte.it/2013/05/03/libera-riapre-il-bar-della-ndranghetafesta-con-don-ciotti-e-caselli/ 326 Echange de mails avec Maria Chiara PRODI, coordinatrice de Libera France, 24 août 2013.

71


Partie 1 - Chapitre 2 – Appréhension du patrimoine des mafias

boutique Ethicando327 située à Paris. Les produits issus de Libera Terra étaient également vendus dans le bar-restaurant Ethicando, jusqu’à sa fermeture advenue récemment.

95.

De la lutte à la répression patrimoniale contre le phénomène mafieux.

Par la loi du 9 juillet 2010, l’appréhension du patrimoine mafieux s’est fortement rapprochée de celle du système italien. Une véritable emprise sur le patrimoine mafieux en amont, comme en aval de la confiscation permet de réaliser que « la

mafia n’est pas un phénomène invincible, il s’agit d’un phénomène humain et comme tous les phénomènes humains elle a eu un début et elle aura une fin ».328 Il s’agit alors d’analyser si la lutte contre le phénomène mafieux est rendue efficace par des instruments de confiscation suffisamment répressifs.

327 328

http://www.ethicando.com/ Giovanni FALCONE.

72


PARTIE 2– RÉPRESSION PATRIMONIALE DES MAFIAS ITALIENNES

96.

Effet dissuasif de la confiscation. Déjà en 1764 le criminologue Cesare

BECCARIA, dans son ouvrage des délits et des peines percevait la sévérité de la peine de confiscation pour la personne qui en faisait l’objet : « la perte des biens est une peine plus grande que celle du bannissement. Il doit donc y avoir des cas où pour proportionner la peine au crime on confisquera tous les biens du banni ».329 L’objectif de la loi WARSMANN de « frapper au portefeuille » (cf. supra) se fonde sur l’effet dissuasif majeur de la peine de confiscation par rapport à la peine d’emprisonnement. Un tel constat vaut pour la France comme pour l’Italie (Chapitre 1). L’Italie prévoit un instrument de plus, à la limite de la « proportion » à laquelle se réfère le criminologue BECCARIA : les mesures de prévention patrimoniales méritent notre attention, en ce qu’elles ne relèvent pas du procès pénal (Chapitre 2).

329

BECCARIA C., Des délits et des peines, 1764.

73


Partie 2 - Chapitre 1 – Instruments de confiscation communs

CHAPITRE 1 - Instruments de confiscation communs 97.

Patrimoine criminel et du criminel. La confiscation peut porter, en France

comme en Italie, sur le patrimoine criminel, c’est-à-dire celui qui est en lien avec l’infraction (Section 1), et le patrimoine du criminel, soit plus globalement l’auteur de cette dernière (Section 2).

Section 1 Confiscation du patrimoine mafieux 98.

La confiscation « spéciale » de l’Ancien Droit. Les systèmes italien et

français prévoient deux régimes confiscatoires articulés sur deux types de dispositions : les instruments de droit commun, c’est-à-dire ceux s’appliquant à défaut de disposition spécifique (§1) et le droit spécial de la confiscation, qui concerne les dispositions prévues dans des textes spécifiques (§2).

§1 Droit commun de la confiscation 99.

Formes

de

la

confiscation.

Aujourd’hui,

les

confiscations

peuvent

intervenir sous deux formes en France et en Italie. En nature, c’est-à-dire par la confiscation d’un bien déterminé (A) ou en valeur à défaut de l’appréhender (B).

A. Confiscation en nature 100.

Articulation identique des droits français et italien. Aujourd’hui, l’article

131-21 du code pénal français ainsi que l’article 240 du codice penale italien sont des dispositions prévoyant un régime commun de la confiscation. En parallèle, il existe dans les deux systèmes juridiques des dispositions spécifiques relevant de la confiscation. Pour connaître le régime qui leur est assigné, il faut se reporter aux dispositions concernant les infractions. En droit français, c’est l’article 131-21 alinéa 1 qui prévoit l’existence d’un dispositif ainsi articulé : « la peine complémentaire de confiscation est encourue dans les cas prévus par la loi ou le règlement. Elle est également encourue de plein droit pour les crimes et pour les délits punis d'une peine d'emprisonnement d'une durée supérieure à un an ». En droit spécial de la confiscation français, l’infraction prévoit un régime spécifique pour la confiscation du patrimoine criminel, sans pour autant altérer les règles relevant de la charge de la preuve qui incombe toujours sur le ministère public quant au lien entre le bien et l’infraction commise. 74


Partie 2 - Chapitre 1 – Instruments de confiscation communs

En Italie, le raisonnement du législateur a été le même : l’article 240 du codice

penale permet la confiscation obligatoire ou facultative de certains biens et en détermine les conditions. Néanmoins, les dispositions relatives à certaines infractions prévoient un régime particulier. Le droit spécial de la confiscation sera étudié postérieurement.

101.

Confiscation et mesure de sécurité patrimoniale. En Italie, l’article 236

du codice penale intègre la confiscation classique (de droit commun) dans la partie concernant les mesures de sécurité patrimoniales. La confiscation classique est considérée comme une mesure de sécurité patrimoniale (misura di sicurezza patrimoniale). 330 Les misure di sicurezza se subdivisent en mesures de sécurité personnelle ou patrimoniale. Or, notre droit pénal ne connaît pas les mesures de sécurité réelles mais seulement les mesures de sécurité personnelles qui ont « pour objet de s'assurer que la personne gardée à vue ne détient aucun objet dangereux pour elle-même ou pour autrui ».331 En France, le régime des confiscations de droit commun ne relève que de la seule disposition figurant à l’article 131-21 du code pénal. Notons à titre indicatif que lorsqu’il s’agit de certaines infractions, la « confiscation spéciale présente les caractères d’une mesure de sûreté, lorsqu’elle porte sur des objets dangereux, nuisibles ou dont la possession est illicite et qu’il faut retirer de la circulation ».332 102.

Obligations européennes. L’article 2 de la décision cadre 2005/212/JAI

dispose que « chaque État membre adopte au minimum les mesures nécessaires pour permettre, dans les conditions prévues au paragraphe 2, la confiscation de tout ou partie des biens détenus par une personne reconnue coupable dʼune infraction ». La décision cadre définit certains groupes de biens pouvant faires l’objet d’une confiscation et que l’on retrouve dans les droits italien et français : cela est le cas pour l’instrument de l’infraction et le produit. Néanmoins, les Etats membres emploient des terminologies supplémentaires, qui n’entrent pas dans le champ de la décision cadre. 103.

Nature des biens confiscables. Chaque type de bien se voit attribuer un

régime juridique différent, qui influera notamment sur le caractère obligatoire ou facultatif de la confiscation.

330

Il faut impérativement les distinguer des mesures de sûreté réelles (misure cautelari reali), qui concernent la catégorie des saisies (cf. supra). Ces dernières figurent d’ailleurs dans le codice di procedura et non dans le codice penale. 331 Article 63-6 du code de procédure pénale. 332 BEZIZ-AYACHE A., Confiscation, Rép. Pen. Dalloz, janvier 2012, p. 5.

75


Partie 2 - Chapitre 1 – Instruments de confiscation communs

Le droit italien vise ainsi dans un seul article toutes les formes de biens confiscables : les biens qui ont servi ou qui était destinés à commettre l’infraction (les choses en lien avec l’infraction), le produit ou le profit (les choses qui découlent de la commission de l’infraction), puis le prix, les choses dont la détention constitue à elle seule une infraction. En France, l’article 131-21 du code pénal cite les biens « ayant servi à commettre l'infraction ou qui étaient destinés à la commettre », « les biens qui sont l'objet ou le produit direct ou indirect de l'infraction », « les objets qualifiés de dangereux ou nuisibles par la loi ou le règlement, ou dont la détention est illicite ».

Figure 23 : Référence textuelle à la nature des biens confiscables en France et en Italie333 Nature des biens confiscables

FRANCE

ITALIE

Code pénal et codice penale

Article 131-21

Article 240

Biens ayant servi ou qui étaient destinés à

Alinéa 2

commettre l’infraction

Alinéa 1 240-1 bis

Objet

Alinéa 3

240-1 (prezzo)

Produit

Alinéa 3

240 alinéa 1

Objets qualifiés de dangereux ou nuisibles, ou

Alinéa 7

240-2

dont la détention est illicite

104.

Les choses en lien avec la commission de l’infraction. A propos de

l’instrument334, on constate que les droits italien et français utilisent précisément la même terminologie : les biens ayant servi ou qui étaient destinés à commettre l’infraction correspondent aux « cose che servirono o furono destinate a

commettere il reato ». L’article 240 alinéa 1 du codice penale correspond à l’alinéa 2 de notre article 13121 qui dispose que « la confiscation porte sur tous les biens meubles ou immeubles, quelle qu'en soit la nature, divis ou indivis, ayant servi à commettre l'infraction ou qui étaient destinés à la commettre ». La détermination du régime juridique d’un bien doit avant tout permettre en matière de confiscation de déterminer si la confiscation est obligatoire ou facultative. En droit italien, la confiscation de l’instrument de l’infraction est facultative à l’exception des biens énumérés à l’article 240-1 bis335 : il s’agit des « instruments informatiques ou télématiques qui ont été utilisés en tout ou partie lors de la

333

Source : auteur. La décision cadre de 2005 les définis comme « tous objets employés ou destinés à être employés, de quelque façon que ce soit, en tout ou partie, pour commettre une ou des infractions pénales ». 335 La confiscation est obligatoire également pour quelques autres biens prévus à l’article 240 alinéa 2, cf. supra. 334

76


Partie 2 - Chapitre 1 – Instruments de confiscation communs

réalisation de l’infraction ». Cette forme de confiscation obligatoire concerne la commission d’un nombre limité d’infraction.336 La confiscation classique suppose que soit relevée, non pas la dangerosité sociale du prévenu, mais celle des biens faisant l’objet de la confiscation parce que « le res alimenterait le caractère attractif et donc la volonté de consommer l’infraction ».337 En France, pour déterminer si la peine complémentaire de confiscation est obligatoire ou facultative, il faut se reporter au texte infractionnel. La confiscation peut être prononcée même si le texte ne prévoit pas la confiscation, dès lors que l’auteur encours plus d’un an d’emprisonnement. La modification introduite par la loi du 5 mars 2007 a limité la confiscation aux biens dont l’auteur est le propriétaire « sous réserve des droits du propriétaire de bonne foi dont il a la libre disposition ». Il était déjà possible, avant cette date d’étendre la confiscation aux biens destinés à servir à commettre l’infraction, c’est-à-dire dans le cadre de la tentative.

105.

Les choses découlant de la commission de l’infraction. Le produit est

aujourd’hui défini par la décision cadre 2005/212 comme « tout avantage économique tiré d’infractions pénales. Cet avantage peut consister en tout type de bien ». Si le droit italien ne reprend plus, comme en matière de saisie, les notions de corpo del reato et de cose pertinenti al reato étudiées en matière de saisie, l’article 240 du codice penale renvoie une nouvelle fois aux notions de produit et de profit de l’infraction. Le régime est alors le même que pour les biens liés à la commission de l’infraction, c’est-à-dire que la confiscation de ces biens sera facultative. La possibilité de confisquer le produit en France existait déjà avant 2007. Ce dernier terme « est toutefois apparu trop général et insuffisamment précis »338, si bien que les nouvelles dispositions distinguent désormais le produit direct et le produit indirect de l’infraction. Par comparaison, le produit direct339 se rapproche du prodotto tandis que le produit indirect340 correspondrait au profitto. En effet, « le prodotto est le résultat, c’est-à-dire le fruit que le coupable obtient directement de son activité illicite, tandis que le profitto est le bénéfice, c’est-à-

336

Cela concerne des infractions relevant de la cybercriminalité : articles 615 ter, 615 quater, 615 quinques, 617 bis, 617 ter, 617 quater, 617 quinquies, 617 sexies, 635 bis, 635 ter, 635 quater, 635 quinquies, 640 ter et 640 quinquies du codice penale. 337 « Le res oggetto di confisca sarebbero di per sé pericolose in quanto la loro disponibilità da parte del reo ‘’manterebbe viva l’idea e l’attrattiva del reato’’ ». In NOCETI A., PIERSIMONI M., Confisca e altre misure ablatorie patrimoniali , op. cit. 338 CAMOUS E., Les saisies en procédure pénale, Ibid. 339 « Le produit direct de l'infraction renvoie à l'existence d'un lien de causalité linéaire entre la commission de l'acte et le profit que le délinquant en a retiré ». In CAMOUS E., Fasc. 20. Ibid. 340 « Il embrasse toutes les formes d'enrichissement susceptibles d'avoir un lien avec la commission des faits ». Idem.

77


Partie 2 - Chapitre 1 – Instruments de confiscation communs

dire l’avantage économique tiré de la commission de l’infraction ».341 L’article 13121 dispose que « si le produit de l'infraction a été mêlé à des fonds d'origine licite pour l'acquisition d'un ou plusieurs biens, la confiscation peut ne porter sur ces biens qu'à concurrence de la valeur estimée de ce produit ». Cela est également le cas en droit italien qui prévoit plus généralement que la confiscation n’est pas possible « si la chose appartient à une personne tierce à l’infraction ».342

106.

Une catégorie particulière : l’objet. L’objet de l’infraction n’entre pas

dans les définitions données par la décision-cadre de 2005 et constitue en ce sens une notion purement nationale. « Il renvoie à une appréciation casuelle que constitue l'identification de ce sur quoi porte l'acte illicite. À ce titre, il entretient des liens étroits avec le mobile, c'est-à-dire l'objectif que poursuit le délinquant dans la réalisation de son acte. Ainsi entendu, l'objet de l'infraction conduit à s'intéresser au résultat obtenu ou recherché ».343 Une difficulté demeure concernant le prezzo de l’infraction dont la confiscation est également obligatoire étudié cette notion en matière de saisie (cf.

supra). Le prezzo (la valeur d’échange du bien) doit être rapproché de l’objet de l’infraction en France en raison de la ratio legis commune des deux notions comparées : il est obligatoirement confisqué parce qu’il est « reçu pour déterminer ou provoquer une personne à commettre l’infraction ».344

107.

Les

objets

dangereux

ou

nuisibles. Est

obligatoire

en

France

la

confiscation des « objets dangereux ou nuisibles » 345 et remonte à la période précédant la loi du 5 mars 2007. Cela est également le cas en droit italien qui prévoit un régime tout aussi étendu pour : « les choses dont la fabrication, l‘utilisation, la possession, la détention ou l’aliénation constitue une infraction »346 sans qu’il ne soit nécessaire pour que la confiscation ait lieu, qu’une condamnation ait été prononcée. En France, il en va de même par les dispositions de l’article 13121 qui vise les biens pouvant « notamment » (et pas seulement) constituer l’instrument de l’infraction. Soulignons que dans les deux Etats, il n’importe pas, par exception au règles régissant la propriété, que les objets dangereux ou nuisibles appartiennent à l’auteur de l’infraction : la confiscation est possible dès

341

« Il prodotto rappresenta il risultato, cioè il frutto che il colpevole ottiene direttamente dalla sua attività illecita, mentre il profitto a sua volta, e costituito dal lucro, e cioè dal vantaggio economico che si ricava per effetto della commissione del reato ». Cass. Sez. Un., 17 ottobre 1996, n. 9149. 342 Article 240 du codice penale in fine. 343 CAMOUS E., Fasc. 20, Ibid. 344 TARTAGLIA R., Codice delle confische e dei sequestri, op. cit., p. 66. 345 Article 131-21 alinéa 7. 346 Article 240-2 du codice penale.

78


Partie 2 - Chapitre 1 – Instruments de confiscation communs

lors qu’il en est le simple possesseur. Remarquons que le droit italien ne se fonde pas explicitement sur le critère de dangerosité mais sur l’essence infractionnelle du bien en question. La jurisprudence italienne a pu l’appliquer notamment pour les faux, la fausse monnaie, les armes, les aliments nocifs ou encore la contrefaçon de jouets. L’interprétation de la dangerosité ou du caractère nuisible en France de l’objet, n’en est pas moins objective car celui-ci est déterminé par la loi ou le règlement. « En conséquence, il n’appartient pas au juge d’apprécier la dangerosité ou le caractère nuisible de l’objet, dès lors que celui-ci a cette qualification légale ». Il est ainsi possible de saisir sans difficultés en France les stupéfiants, les produits dangereux pour la santé.347 Le champ d’application est tout aussi étendu qu’en droit italien puisque « dans un certain nombre d’hypothèses, la confiscation des biens est prévue, bien que les textes ne mentionnent pas expressément qu’il s’agit d’objets dangereux ou nuisibles ».348 La confiscation est possible par exemple pour la falsification des titres ou autres valeurs fiduciaires émises par l’autorité publique alors que ni leur caractère dangereux ou nuisible, ni le caractère obligatoire de leur confiscation n’est précisé par l’article 443-6 du code pénal.

B. Confiscation en valeur 108.

Ratio legis. La confiscation du patrimoine criminel peut avoir lieu

autrement qu’en nature. C’est là une autre priorité européenne qui découle de la décision-cadre 2005/212/JAI349 précisant en son article 2 que les Etats membres doivent prévoir la confiscation, entre autre, « de biens dont la valeur correspond à ces produits ».350 Les hypothèses où cette modalité de confiscation peut avoir un intérêt sont nombreuses : lorsque l’appréhension du bien est impossible, la confiscation en valeur de ce dernier peut avoir un intérêt certain. Cela peut encore être le cas lorsque certains biens n’ont pu être saisis. L’intérêt de la confiscation en valeur est démontré par la réaction de certains prévenus : il est fréquent de voir en Italie des mafieux sujets à confiscation qui préfèrent détruire leur patrimoine plutôt que de le voir bénéficier à d’autres.351 Néanmoins la situation inverse est également envisageable : certains prévenus font des confiscations en valeur une véritable stratégie de défense pour continuer à bénéficier des biens

347

L. 3421-2 du code de la santé publique BEZIZ-AYACHE A., op. cit., p. 6. 349 Qui vient compenser ceraines lacunes de la décision cadre du 22 juillet 2003. 350 Article 2 de la décision-cadre 2005/212/JAI du Conseil du 24 février 2005 relative à la confiscation des produits, des instruments et des biens en rapport avec le crime, op. cit. 351 SAVIANO R., Gomorra : viaggio nell’impero economico e nel sogno di dominio della camorra, Oscar Mondadori editore, 2011, p. 265. 348

79


Partie 2 - Chapitre 1 – Instruments de confiscation communs

sujets à éventuelle confiscation. En effet, « l'intérêt de la confiscation en valeur est souvent flagrant : elle permet de ne pas être privé de l'usage de son bien lorsque la confiscation expose à des dommages collatéraux éventuels pour des raisons professionnelles ou familiales justifiées (ex. : impossibilité pour le client, compte tenu de ses ressources, de pouvoir racheter un autre véhicule, alors même qu'il ne dispose d'aucun autre moyen – pas de transport en commun – pour se rendre à son travail) ».352 La ratio legis de la confiscation en valeur est la même en France et en Italie. Elle vise à empêcher l’auteur de profiter des biens qui découlent de l’infraction autrement que dans leur forme initiale permettant d’appréhender ce qui a été déjà consommé par ce dernier. La confiscation en valeur découle ainsi directement de l’objectif de « garantir que le crime ne paie pas » (il crimine non paga).353 109.

Champ d’application étendu. En Italie, la confiscation en valeur est prévue

à l’article 322 ter du codice penale : « “Est toujours ordonnée la confiscation des biens qui en constituent le profit ou le produit, sauf s’ils appartiennent à une personne tierce à l’infraction, quand néanmoins l’ordonnance ne peut pas toucher le profit ou le prix de l’infraction, le juge peut ordonner la confiscation des biens dont l’auteur dispose pour une valeur équivalente ».354 En France, la modification de l’article 131-21 par la loi du 27 mars 2012355 sur l’exécution des peines a augmenté le champ d’application de cette modalité de confiscation de sorte qu’il soit désormais possible de parler, comme en Italie, de confiscation « par équivalent » (per equivalente). En France, « il s’agit en effet d’une confiscation qui s’exerce sur des biens appartenant au condamné, qui n’ont pas de relation avec l’infraction, mais qui correspondent par leur valeur au montant du profit qui a été généré par cette infraction ».356 La confiscation en valeur est applicable en France comme en Italie, indistinctement aux biens sujets à confiscation classique ou élargie (cf. infra).

110.

Mise en œuvre. La confiscation en valeur doit être distinguée des autres

formes de confiscation qui sont susceptibles de permettre la confiscation de 352

BÉTEMPS J., WAGNER M., Peine complémentaire de confiscation : bien (mal) acquis ne profite jamais ? Droit pénal n° 3, LexisNexis, Mars 2013, 1. 353 Communication de la Commission au Parlement européen et au conseil, Produits du crime organisé Garantir que « le crime ne paie pas », Bruxelles, le 20 novembre 2008, COM(2008) 766. 354 « E sempre ordinata la confisca dei beni che ne costituiscono il profitto o il prezzo, salvo che appartengano a persona estranea al reato; quando però il provvedimento ablatorio non possa colpire il profitto o il prezzo del crimine, il giudice può ordinare la confisca di beni, di cui il reo ha la disponibilità, per un valore corrispondente a tale prezzo ». 355 Loi n° 2012-409 du 27 mars 2012 de programmation relative à l'exécution des peines, JORF n°0075 du 28 mars 2012 page 5592. 356 Rapport annuel de l’AGRASC, 2012, Ibid, p. 29.

80


Partie 2 - Chapitre 1 – Instruments de confiscation communs

fonds ou valeurs. En effet, rappelons que la confiscation classique de l’article 240 du codice penale permet de viser des biens de nature variée, allant du produit, au profit et au prix de l’infraction. Or, la confiscation en valeur permet une saisie ne se limitant pas au patrimoine criminel, c’est-à-dire celui qui est en lien avec l’infraction mais s’élargit également au patrimoine du criminel. C’est là son atout principal puisqu’il est possible de confisquer les fonds du mafieux qui aurait détruit sa villa de peur qu’on la lui la confisque. La confiscation par équivalence est, comme les autres formes de confiscation, motivée par le critère de dangerosité des fonds confisqués. La dangerosité ne découle plus du caractère attractif de la commission de l’infraction, mais de la « quelconque dangerosité qui peut découler de la chose ou de son utilisation ». 357 Le droit français prévoit désormais également une confiscation en valeur pouvant « porter sur tout bien du condamné, quelle que soit son origine licite ou illicite et quelle que soit sa date d’acquisition par rapport à la date de commission de l’infraction ».358

111.

Les conditions. En France, l’article 131-21 alinéa 9 du code pénal dispose

que la confiscation en valeur est prononcée « lorsque la chose confisquée n'a pas été saisie ou ne peut être représentée ». En Italie, c’est la jurisprudence qui vient en limiter le champ d’application : « une caractéristique commune de la confiscation en valeur dans les différentes hypothèses dans lesquelles elle est applicable est qu’elle peut être mise en œuvre pour n’importe quel motif seulement si les fonds, dont l’origine illicite est certifiée, ne se trouvent plus dans la sphère juridico-patrimoniale de l’auteur de l’infraction parce que consommés, mélangés ou transformés ». 359 Cela signifie que la confiscation est prononcée pour la valeur de l’objet illicite dont la confiscation n’est plus possible. Il faudra alors distinguer les fonds d’origine licite et d’origine illicite dans les deux Etats. En France, la mise en œuvre des confiscations est semblable : « la juridiction de jugement peut ainsi, après avoir évalué le produit de l’infraction d’après les éléments du dossier, prononcer la confiscation de tout bien du condamné dont la valeur équivaut, en tout ou partie à la valeur du produit généré par l’infraction, 357

« La confisca per equivalente pertantop, trova il suo fondamento e il suo unico limite nel profitto derivato dal reato e prescinde dalla pericolosità che in qualsiasi modo possa derivare dalla cosa o dal proprio uso ». In NOCETI A., PIERSIMONI M., Confisca e altre misure ablatorie patrimoniali, op. cit., p. 115. 358 Circulaire du 16 juillet 2012 relative à la présentation des dispositions relatives à l'exécution des peines de confiscation de la loi n°2012-409 du 27 mars 2012 de programmation relative à l'exécution des peines, NOR : JUSD1229412C. 359 « Caratteristica comune della confisca per equivalente, nelle varie ipotesi previste, è che ‘può’ essere adottata solo se, per una qualsivoglia ragione, i proventi dell’attività illecita, di cui pure sia certa l’esistenza, non siano rinvenuti nella sfera giuridico-patrimoniale dell’autore del reato, perché consumati, confusi o trasformati ». Cass. Sez. Un. 2 maggio 2013, n. 19051.

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Partie 2 - Chapitre 1 – Instruments de confiscation communs

identifié au cours de la procédure, que ce bien ait été préalablement saisi ou non ».360

112.

Limites de la confiscation en valeur. La confiscation en valeur peut être

limitée par certaines dispositions. D’abord, la confiscation obligatoire de certains biens n’est pas soumise à exception de sorte qu’il ne soit pas possible de mettre en œuvre dans ce cas la confiscation en valeur. 361 Soulignons que cette limite existait déjà avant la modification de 2007 de l’article 131-21 du code pénal. « La raison en est que la dépossession du produit ajoutée à la confiscation en valeur conduit à cumuler les deux peines, ce qui est interdit ».362 Le caractère obligatoire de la confiscation de certains objets vient limiter de la même manière la confisca per

equivalente italienne. Enfin, la confiscation en valeur est limitée en France ainsi qu’en Italie aux biens appartenant à l’auteur de l’infraction, sous réserve des droits du propriétaire de bonne foi.

§2 Droit spécial de la confiscation 113.

Les dispositions spéciales. Certains textes spécifiques permettent en

France et en Italie de confisquer des biens précisément déterminés. Le nombre d’infractions prévoyant des dispositions spéciales est important. Il convient d’analyser

successivement

la

confiscation

faisant

l’objet

de

dispositions

spécifiques en France ainsi qu’en Italie (A) et la confiscation spéciale pour une infraction particulière inconnue en France : l’association de type mafieux (B).

A. Dispositions spécifiques prévues en France et en Italie 114.

Finalité de la confiscation spéciale. Dans la perception française, la

confiscation spéciale « peut porter sur un objet déterminé par le texte qui réprime l'infraction ».363 Une confiscation spéciale est également envisagée en droit pénal italien. Les hypothèses particulières de confiscation (ipotesi particolari

di confisca) sont distinguées de la confiscation classique de l’article 240 du codice penale. Il faut préciser que les finalités des dispositions spéciales sont multiples. Il peut s’agir non seulement de viser un bien qui ne pourrait pas forcément être confisqué dans le cadre du droit commun, mais également de rendre la confiscation 360

Circulaire du 16 juillet 2012 relative à la présentation des dispositions relatives à l'exécution des peines de confiscation, op. cit. 361 BOULOC B., Confiscation des produits dangereux, RSC 1998, p. 98. 362 CAMOUS E., Fasc. 20., Ibid. 363 CAMOUS E., Peines criminelles et correctionnelles -. Confiscation., n° 120, op. cit.

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Partie 2 - Chapitre 1 – Instruments de confiscation communs

obligatoire et non plus simplement facultative pour des biens déterminés, dans le cadre de certaines infractions, il peut enfin s’agir de faciliter la confiscation par l’établissement d’un lien présumé entre le bien et l’infraction (cf. infra). En droit français, la confiscation dite spéciale permet de viser certains biens comme « les produits stupéfiants, du véhicule automobile appartenant au condamné, des armes utilisées. Dans d'autres cas de figure, l'objet de la confiscation renvoie au caractère illicite de son mode d'acquisition ou de détention ».364 Il en va de même en Italie. 115.

Limites de la comparaison. La difficulté de la comparaison réside en ce

qu’un système juridique est susceptible de prévoir des dispositions spéciales pour une infraction contrairement à l’autre, ou vice-versa. La confiscation spéciale est prévue par des dispositions éparses dans plusieurs codes en France ou plusieurs textes spéciaux en Italie. Par ailleurs, certaines infractions peuvent ne pas se limiter à la confiscation spéciale de certains biens mais étendre leur portée par la possibilité d’une confiscation élargie du patrimoine du criminel (cf. infra). 116.

Lien avec l’infraction et enlèvement. L’infraction de sequestro di persona

(article 605 du codice penale) ne fait pas l’objet de dispositions spécifiques en Italie. En France, l’article 221-14 renvoie simplement aux dispositions de l’article 131-21 en matière de confiscation pour le délit de disparition forcée. L’article 313-7 du code pénal français n’aggrave pas la portée de la peine confiscatoire en visant « la chose qui a servi ou était destinée à commettre l'infraction ou de la chose qui en est le produit, à l'exception des objets susceptibles de restitution ». De même, le législateur italien se contente de préciser l’applicabilité de la confiscation en valeur à cette infraction à l’article 640 quater du codice penale « dans l’hypothèse où la confiscation directe du prix ou du profit tiré des infractions soit empêchée par un événement en ayant provoqué la perte ou un transfert de propriété définitif ».365 117.

Lien avec l’infraction et trafic de stupéfiants. Ce fait infractionnel fait

l’objet d’une confiscation spéciale en France ainsi qu’en Italie. L’article 85 du D.P.R.

364

Idem. « La confisca diretta del prezzo o del profitto dei reati in esso considerati sia impedita da un gatto sopravvenuto che ne abbia determibato la perdita o il trasferimento irrecuperabile ». Cass. Pen. Sez. V, 1 ottobre 2002, n. 32797. In DI CAMILLO F., « Reati di truffa : è ammessa la confisca ‘’per equivalente’’ », www.altalex.com 365

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Partie 2 - Chapitre 1 – Instruments de confiscation communs

n. 309/1990366 prévoit la confiscation sur la base de l’article 240 du codice penale en prévoyant tout particulièrement la confiscation des biens ayant servi ou destinés à commettre l’infraction, mais également les moyens de transport. L’article 100 du même texte prévoit encore la confiscation des navires servant d’instruments lors desdits trafics. En France, le trafic de stupéfiants fait l’objet de dispositions plus sévères en matière de confiscation : L’article 222-44 du code pénal prévoit la confiscation de véhicules (5°), armes (6°), chose qui a servi ou était destinée à commettre l'infraction ou de la chose qui en est le produit (7°). L’article 222-49 prévoit encore la confiscation des « installations, matériels et de tout bien ayant servi, directement ou indirectement, à la commission de l'infraction, ainsi que tout produit provenant de celle-ci, à quelque personne qu'ils appartiennent et en quelque lieu qu'ils se trouvent, dès lors que leur propriétaire ne pouvait en ignorer l'origine ou l'utilisation frauduleuse ». En la matière, une divergence peut être soulevée par rapport au droit italien. Ce dernier étend la répression en cas de connexité avec d’autres poursuites des chefs de contrebande, ou d’organisation vouée au trafic de stupéfiants (article 73 du D.P.R) ; ouvrant ainsi le champ de répression à l’article 12 sexies de la loi n. 356/1992, qui permet la confiscation du patrimoine d’autres personnes que l’auteur ne pouvant justifier de leur revenu.367 118.

Lien avec l’infraction et Ecomafia. L’article L. 596-28 du Code de

l’environnement fait encourir la peine complémentaire de confiscation pour « la chose qui a servi ou était destinée à commettre l’infraction ou de la chose qui en est le produit » à propos notamment du transport de substances radioactives sans autorisation ou agrément.368 Soulignons encore que la personne qui procède ou fait procéder de manière illicite au transfert de déchets369 encoure 75.000 euros d’amende et une peine d’emprisonnement de plus d’un an et qu’à ce titre elle encourt la confiscation de l’instrument, par exemple de son entreprise.370 Il existe en Italie un texte spécifique en matière environnementale : à propos du décret législatif du 3 avril 2006, n. 152, la jurisprudence impose la confiscation

366

D.P.R du 9 octobre 1990 n. 309 : « Testo unico delle leggi in materia di disciplina degli stupefacenti e sostanze psicotrope, prevenzione, cura e riabilitazione dei relativi stati di tossicodipendenza ». 367 NOCETI A., PIERSIMONI M., Confisca e altre misure ablatorie patrimoniali, Ibid, p. 44. 368 Article L. 596-27 du Code de l’environnement. 369 Article L. 541-46 du Code de l’environnement. 370 ROBERT J-H., Une QPC sur la confiscation en matière pénale, La Semaine Juridique Edition Générale n° 1, 10 Janvier 2011, 15

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Partie 2 - Chapitre 1 – Instruments de confiscation communs

obligatoire des moyens de transport. 371 Le phénomène des ecomafie concerne l’intérêt mafieux

non seulement dans le trafic de déchets, mais aussi dans

l’ « archeomafia » (vols sur les sites archéologiques), « agromafia » (vol de bestiaux et incendies dans les campagnes).372 En 2012 a été relevé pour les mafias un bénéfice de 16,7 milliards d’euros pour plus de 34.120 infractions constituées. Le phénomène concerne également les régions limitrophes à la France : sont touchées de manière minime la Vallée d’Aoste, mais de manière plus conséquence la Ligure ou la Lombardie et le Piémont.373 Le phénomène des ecomafie semble ne pas épargner la France d’après le Sirasco. Les mafias italiennes s’infiltreraient « ‘’au sein des administrations décentralisées’’ pour ‘’influer sur la désignation des zones retenues pour l’implantation de parcs d’éoliennes ».374 119.

Lien avec l’infraction et immigration clandestine. Comme en matière de

trafic de stupéfiants, les infractions en matière d’immigration dans leur forme plus grave (organisation de l’immigration de plus de cinq personnes) sont prévues dans le décret législatif n. 286/1998, à l’article 12 en Italie. Il permet la confiscation obligatoire des moyens de transport ainsi que des immeubles servant d’instruments. En France, le délit d’aide à l’entrée et au séjour irrégulier d’un étranger en France donne lieu à la peine complémentaire de confiscation pour « la chose qui a servi ou était destinée à commettre l’infraction, notamment tout moyen de transport ou équipement terrestre, fluvial, aérien, ou de la chose qui en est le produit (…) ».375 120.

Lien avec l’infraction et atteinte à la probité. Les infractions d’atteinte à

la probité de notre code pénal correspondent à celle commises à l’encontre de la « pubblica amministrazione » visées au titre II du livre II du codice penale. Il s’agit du détournement de biens publics (peculato), détournement de fonds au préjudice de l’Etat (malversazione a danno dello Stato), perception indue de subventions au préjudice de l’Etat (indebita percezione di erogazioni a danno dello

Stato), concussion (concussione), ou corruption. Or en Italie, l’article 322 ter du codice penale prévoit que pour les infractions visées aux articles 314 et suivants (du titre II, livre II cité plus haut) du codice

penale est obligatoirement prononcée la confiscation des biens qui en constituent

371

Cass. Sez. III, n. 35879 del 19 settembre 2008. PERGOLIZZI A., « Ecomafia : un crimine globale » In VARRICA A., ALFANO S., Per un contrasto europeo al crimine organizzato e alle mafie, Ibid, p. 184. 373 Rapporto annuale Ecomafia, nomi e numeri dell’illegalità ambientale, Osservatorio Ambiente e Legalità di Legambiente, Annuari edizione, 2013. www.legambiente.it 374 « Cinq organisations criminelles étrangères sous surveillance », Le Figaro, op. cit. 375 Article L 622-3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA). 372

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Partie 2 - Chapitre 1 – Instruments de confiscation communs

le profit sous réserve de ceux appartenant à une personne tierce à l’infraction ou à défaut de pouvoir les appréhender une confiscation par équivalent. Soulignons que la répression de la corruption est différemment articulée en France et en Italie : alors qu’en France la lutte contre la corruption a fait l’objet d’avancées indéniables376, les dispositions sont organisées selon qu’il s’agit de la corruption d’une personne publique ou privée, étrangère ou nationale, active ou passive. En revanche, la répression des délits de corruption n’est pas aussi efficace en Italie, où la corruption privée est rendue impossible en pratique par les dispositions limitées de l’article 2635 du codice civile.377 En France, la corruption fait l’objet de plusieurs dispositions en termes de confiscation pénale : l’article 433-23 prévoit « la confiscation des sommes ou objets irrégulièrement reçus par l'auteur de l'infraction, à l'exception des objets susceptibles de restitution » à propos de la corruption active commise par les particuliers. Pour les faits de corruption afférents aux fonctions juridictionnelles, les articles 434-44 et 434-47 prévoient la peine de confiscation « de la chose qui a servi ou était destinée à commettre l'infraction » et renvoient aux dispositions de l’article 131-21 du code pénal. Les articles 435-14 (personnes physiques) et 435-15 (personnes morales) visent « la confiscation, suivant les modalités prévues par l'article 131-21, de la chose qui a servi ou était destinée à commettre l'infraction ou de la chose qui en est le produit » pour les faits de corruption commis avec un élément d’extranéité. Enfin, les articles 445-3 (personnes physiques) et 445-4 (personnes morales) prévoient des dispositions équivalentes pour la corruption active et passive des personnes n’exercant pas une fonction publique. 121.

Fausse monnaie. En Italie, la production de fausse monnaie relève en

matière de confiscation de l’article 474-bis du codice penale. La confiscation concerne les « choses qui ont servi ou qui étaient destinées à commettre l’infraction et des choses qui en sont l’objet, le produit, le prix ou le profit, quel qu’en soit le propriétaire ». Un renvoi est effectué à l’article 240 du codice penale, permettant la restitution de ces biens s’il s’avère que le tiers propriétaire « démontre qu’il ne pouvait prévoir l’utilisation illicite de ses biens et qu’il n’a pas manqué à son obligation de vigilance ». Le droit français prévoit également à l’article 442-13 du code pénal la confiscation des choses qui ont servi ou qui étaient destinées à commettre l’infraction. Plutôt que d’étendre à d’autres 376

Pour approfondir, se reporter à SEGONDS M., A propos de la onzième réecriture des délits de corruption, Recueil Dalloz 2008, p. 1068. 377 Pour approfondir sur ces dispositions, nous renvoyons à l’article écrit par l’auteur de ce mémoire : « Limites de la protection du patrimoine social en Italie », dans le cadre du Master 2 « Lutte contre la criminalité financière et organisée, Centre d’Etudes des Techniques Financières et d’Ingénierie – CETFI, avril 2013.

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Partie 2 - Chapitre 1 – Instruments de confiscation communs

propriétaires que l’auteur de l’infraction comme en Italie, le texte dispose en outre la confiscation obligatoire des « pièces de monnaie et des billets de banque contrefaisants ou falsifiés ainsi que des matières et instruments destinés à servir à leur fabrication ainsi que les objets, imprimés ou formules ». Le phénomène n’est pas de faible ampleur : en 2012 les Centres nationaux d’analyse ont reçu 531.000 billets en euros contrefaits d’après la banque centrale européenne.378 Néanmoins, « faire une interprétation de ces résultats est difficile car soit il y a moins de faux billets en circulation, soit ils sont de meilleure qualité et donc moins détectables ». La production de faux billets « est réalisée à 70% en Italie, près de Naples » d’après Corinne BERTOUX, directrice de l’O.C.R.F.M. 379 Elle provient aussi bien d’organisations de faussaires débutants que des plus spécialisées : « pour les organisations criminelles, c’est un véritable métier. Elles produisent des quantités bien plus importantes et de meilleure qualité (…) ».380 122.

Usure. Le codice penale réprime en son article 644 le délit d’usure. Les

dispositions équivalentes en droit français sont situées aux articles L. 313 et suivants du code de commerce. Or, l’article L. 313-5 énumérant les peines complémentaires relatives à cette infraction ne fait pas allusion à la confiscation qui relèvera donc du « droit commun » étudié plus haut. Le droit italien quant à lui dispose que « la confiscation est obligatoire pour les biens qui constituent le prix ou le profit de l’infraction, c’est-à-dire des sommes d’argent, biens ou utilités dont l’auteur à la libre disposition, même par personne interposée pour un montant équivalent à la valeur des intérêts ou d’autres avantages ou compensations usuraires. L’article ne déroge pas aux droits de la victime qui peut demander la restitution ainsi que des dommages et intérêts ».381

378

Banque Centrale Européenne, Rapport Annuel, 2012, p. 104. Office central pour la répression du faux-monnayage. 380 Interview par le journal Le Monde à Gilles DUTEIL et à Corinne BERTOUX, « Faux billets : comment la lutte anti-fraude s’organise ? », Le Monde, 16 juin 2012. 381 « Nel caso di condanna o di applicazione di pena ai sensi dell’articolo 444 del codice di procedura penale, per uno dei delitti di cui al presente articolo, è sempre ordinata la confisca dei beni che costituiscono il prezzo o profitto del reato ovvero somme di denaro, beni e utilità di cui il reo ha la disponibilità anche per interposta persona per un importo pari al valore degli interessi o degli altri vantaggi o compensi usurari, salvi i diritti della persona offesa dal reato alle restituzioni e al risarcimento dei danni ». 379

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Partie 2 - Chapitre 1 – Instruments de confiscation communs

Figure 24 : Usure et ‘Ndrangheta382 Soulignons que l’intérêt de prévoir des dispositions en matière d’usure est d’autant plus important que cette infraction semble souvent mise en oeuvre par les mafias italiennes. Par exemple, cela semble avoir été le cas dans le cadre du procès MINOTAURO se déroulant actuellement à Turin à l’encontre de la ‘Ndrangheta (cf. supra). En effet, le caposocietà d’un des « locali » réutilisait les bénéfices issus du trafic de stupéfiants pour concéder des prêts allant de 1000 à 10.000 euros par un taux d’intérêt mensuel de 10%. Les débiteurs acceptaient les conditions usuraires dans la mesure où un prêt à la banque leur aurait été refusé ; il s’agissait souvent de personnes au revenu précaire, dépendantes aux jeux de hasard. Très rapidement insolvables les débiteurs subissaient les menaces et les violences de la ‘Ndrangheta (notamment la veste de l’un d’entre eux à été découpée au couteau, quelques-uns ont été menacés par l’exhibition d’une arme, et ont subi des violences). Pour assurer le remboursement, le caposocietà bénéficiait de la collaboration du serveur qui recevait l’argent dans des enveloppes et élargissait le réseau des nouveaux emprunteurs potentiels ou proposait la mise en place de nouveaux prêts à ceux déjà endettés. Une complice, travaillant dans le secteur bancaire, accordait des prêts aux débiteurs une fois devenus insolvables.

B. Confiscation spéciale italienne pour les associations de type mafieux 123.

Qualification juridique de la mafia. Comme nous avons pu le remarquer

plus haut, la qualification juridique découlant de l’article 416 bis est une originalité du système italien. D’après le projet de rapport

de Salvatore IACOLINO383,

l’hétérogénéité des législations européennes conduit à « passer d'une absence totale de dispositions pénales axées sur les organisations criminelles (comme c'est par exemple le cas au Danemark et en Suède) à l'existence de dispositions qui définissent de façon détaillée (ou punissent) les organisations criminelles de type mafieux ».384 La criminalité organisée de type mafieux est caractérisée par une hiérarchie rigoureuse, un contrôle durable du territoire sur lequel elle est implantée, un pouvoir d’intimidation (interne à l’association et externe à l’encontre des tiers), l’exploitation de la loi du silence et, en vue d’atteindre ce contrôle, l’entretien de relations avec les institutions étatiques. Si d’importants personnages, tels que le magistrat Giovanni FALCONE ont pu émettre quelques réticences, l’infraction de l’article 416 bis est rapidement devenue le pilier de la lutte

antimafia parce qu’elle « peut revêtir une grande utilité (la loi LA TORRE) dans toutes les enquêtes patrimoniales à charge des présumés mafieux en ce qu’elle

382

V. ABBATECOLA M., ARNALDI di BALME., CASTELLANI S., TIBONE D., RICCABONI G., SPARAGNA R., proc. n. 6161/2007 RGNR DDA p. 953. (Accessible sur : www.stopndrangheta.it). 383 IACOLINO S., Projet de rapport sur la criminalité organisée, la corruption et le blanchiment de capitaux : recommandations sur des actions et des initiatives à entreprendre (rapport à mis parcours), 2012/2117 (INI), p. 10. http://www.europarl.europa.eu/meetdocs/2009_2014/documents/crim/pr/927/927877/927877fr.p df 384 Pour approfondir sur la répression dans les autres Etats européens, se reporter à ALAGNA F., Il reato di associazione mafiosa e la confisca di prevenzione : cooperazione giudiziaria per la lotta alla mafia in Europa, Alma Master Studiorum, Università di Bologna, 2011, pp. 32-44.

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Partie 2 - Chapitre 1 – Instruments de confiscation communs

autorise la confiscation des biens acquis illicitement, en frappant les mafieux à leur point faible : richesse et profit ».385

124.

Points de convergence. Il convient, afin d’établir si la confiscation des

biens liés à l’infraction est possible en matière mafieuse en Italie comme en France de faire abstraction dans cette partie de l’hétérogénéité des législations française et italienne en la matière (cf. supra). En Italie comme en France une forme de confiscation toute particulière est réservée à la criminalité de type mafieux en droit italien. L’association de malfaiteurs pour le droit français constitue le plus haut degré d’organisation criminelle et prévoit également des dispositions confiscatoires spécifiques.

Il

s’agit respectivement des articles 416 alinéa 7 du codice penale et de l’article 4505 du code pénal. Concernant les biens en lien avec l’infraction, le délit français dispose qu’ « à l’égard du condamné est toujours obligatoirement prononcée la confiscation des choses qui ont servi ou étaient destinées à commettre l’infraction et des choses qui en sont le prix, le produit et le prix ou qui ont été utilisées aux fins de l’infraction ».386 Est ainsi étendue en France la confiscation obligatoire par rapport à la confiscation classique. En Italie, il en va de même : le caractère obligatoire de la confiscation s’étend aux instruments liés à l’infraction, c’est-à-dire le produit, le profit ou la valeur d’échange du bien (la rémunération tirée de ce dernier donc), alors que ces derniers ne sont soumis qu’à une confiscation facultative sous l’égide de l’article 240 du codice penale. 125.

Points de divergence. Les dispositions confiscatoires concernant les

organisations de type mafieuses387 se distinguent encore sur un point par rapport à celles de la confiscation de droit commun : l’article 416 bis alinéa 7 permet la confiscation de ce qui constitue l’utilisation (impiego) du produit, du profit et du prix ce qui donne lieu à la naissance d’une catégorie de bien supplémentaire à celles que nous avons pu rencontrer jusqu’ici en droit italien. Par la notion d’impiego, le législateur a souhaité englober dans le champ de la répression le blanchiment du 385

« Puo’ rivestire grandissima utilità in tutte le indagini patrimoniali a carico di pregiudicati mafiosi, in quanto autorizza la confisca dei beni acquisiti illecitamente colpendo i mafiosi nel loro punto debole : ricchezza e guadagni ». In FALCONE G., Cose di Cosa Nostra, BUR Rizzoli, 11a edizione, 2010, pp. 152-153. 386 « Nei confronti del condannato è sempre obbligatoria la confisca delle cose che servirono o furono destinate a commettere il reato e delle cose che ne sono il prezzo, il prodotto, il profitto o che ne costituiscono l’impiego ». 387 Pour approfondir, se reporter à CAMELIO T-A., « La confiscation des avoirs mafieux dans la législation italienne ». In CUTAJAR C., Garantir que le crime ne paie pas : Stratégie pour enrayer le développement des marchés criminels, Collections de l'Université de Strasbourg - Centre du droit de l'entreprise, 2010.

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Partie 2 - Chapitre 1 – Instruments de confiscation communs

patrimoine découlant de la commission de l’infraction dans le but d’éviter le réinvestissement des fonds d’origine illicite dans des activités légales, faisant écran dans le lien entre les fonds et l’infraction de sorte à en empêcher la confiscation. « Ainsi, la formule légale de choses qui en constituent l’emploi (cose

che ne costituiscono l’impiego), est plus ample que le terme ‘’profit’’. Peuvent donc être confisqués les réinvestissements des produits des crimes perpétrés pour les associations de type mafieux ».388 Pourtant si le champ d’application de la confiscation de l’article 416 bis alinéa 7 est plus large en Italie, cette confiscation spéciale ne fait que compenser les limites du délit de blanchiment. Or, il faut remarquer dans le cadre de notre comparaison que le droit français permet une confiscation tout aussi étendue, à défaut de dispositions semblables à l’article 416 bis alinéa 7, en matière de blanchiment : le délit général de blanchiment prévu à l’article 324-1 du code pénal englobe également la répression de l’auto-blanchiment contrairement à la disposition italienne équivalente (l’article 648 bis du codice penale). Précisément, l’alinéa 2 du délit français vise le « placement », la « conversion » et la « dissimulation » du patrimoine criminel : la Cour de cassation en a reconnu l’applicabilité à l’auteur de l’infraction.389 126.

Portée amplifiée de la confiscation. La confiscation italienne est

obligatoirement prononcée en Italie. Il ne s’agit donc plus ici d’une mesure de sécurité (cf. supra) mais d’une peine principale. La confiscation prévue pour l’article 416 bis alinéa 7 du codice penale voit sa portée amplifiée en ce qu’elle n’est plus soumise à l’appréciation souveraine du juge concernant la dangerosité des biens. En France, en revanche, les dispositions de l’article 450-5 du code pénal demeurent certes une peine complémentaire, mais « la peine complémentaire de confiscation (…) est également encourue de plein droit pour les crimes et pour les délits punis d'une peine d'emprisonnement d'une durée supérieure à un an, à l'exception des délits de presse ».390 La confiscation de l’article 416 bis n’est cependant pas la plus efficace dans le cadre de la lutte contre le phénomène mafieux. Elle est conditionnée par la condamnation de la personne menacée par la confiscation et ne concerne que les biens en lien avec la commission de l’infraction. Ce lien devra être démontré sans qu’il soit possible de le présumer.

388

FIANDACA G., VISCONTI C., Les nouvelles formes de confiscation italienne dans la lutte contre le crime organisé : mesures patrimoniales à titre de prévention », Les Petites Affiches, 31 octobre 2002, n°218, p. 60. 389 V. SEGONDS M., Les délits de blanchiment, Ibid, à propos de l’arrêt Crim. 14 janv. 2004, n. 0381.165. 390 Article 131-21 alinéa 1 du code pénal.

90


Partie 2 - Chapitre 1 – Instruments de confiscation communs

Il existe de nombreuses redondances avec d’autres dispositions : cela est le cas avec le blanchiment, la confiscation élargie, ou la confiscation de prévention (cf.

infra).391

Section 2 Confiscation du patrimoine du mafieux 127.

Loi n. 356/1992. Parfois, les mêmes infractions, lorsqu’elles sont

particulièrement graves, peuvent s’étendre en France à « tout ou partie des biens appartenant à l’auteur de l’infraction ». Cette dernière forme de confiscation, n’est pas la seule à viser le patrimoine du criminel. Il est possible de confisquer les biens de l’auteur de l’infraction en présumant le lien entre les biens et l’infraction.392 Or, en Italie, la confiscation du patrimoine de l’auteur de l’infraction est régie par la loi n. 356/1992 intitulée « modifications urgentes au nouveau code de procédure pénale et instruments de contraste à la criminalité mafieuse ».393 Deux dispositions sont utilisées au quotidien à cette fin : l’article 12 quinquies intitulé « transfert frauduleux des valeurs »394 qui sanctionne l’auteur mettant en œuvre des manœuvres pour éviter la confiscation de ses biens (§1), et l’article 12 sexies prévoyant un instrument de confiscation élargie au effets redoutables (§2).

§1 Dissimulation du patrimoine confiscable : 12 quinquies 128.

Infractions de dissimulation de patrimoine. Les auteurs d’infractions

profitables, mafieux ou non, n’hésitent pas aujourd’hui à employer des méthodes juridiques aux fins de profiter de leur patrimoine en toute impunité grâce à la dissimulation juridique de leur propriété. Cela ne les empêche pas de jouir en

391

ALFONSO R., La confisca penale fra disposizioni codicistiche e leggi speciali : esigenze di coordinamento normativo e prospettive di riforma. In Convegno di studio sul tema : le sanzioni patrimoniali come moderno strumento di lotta contro il crimine : il reciproco riconoscimento e prospettive di armonizzazione, Facoltà di giurisprudenza, Villa Cerami, 19-20 gennaio 2007. 392 Dans le seul code pénal, nous excluerons du champ de notre analyse la confiscation de nombreuses infractions telles que les condition de travail et d’hébergement contraire à la dignité de la personne, le travail forcé, et la la réduction en servitude (article 225-19 du code pénal) ; la corruption de mineur en bande organisée, la production d’images pornographiques d’une personne dont les caractéristiques physiques sont celles d’un mineur (article 227-33 du code pénal). Seront traitées successivement la non justification de ressource (article 321-10-1 du code pénal) ; l’association de malfaiteur (article 450-5 du code pénal). 393 D.L. 8 giugno 1992 n. 306 pubblicato nella Gazz. Uff. 8 giugno 1992, n. 133 e convertito in legge, con modificazioni, dalla L. 7 agosto 1992, n. 356 – Gazz. Uff. 7 agosto 1992, n. 185 « Modifiche urgenti al nuovo codice di procedura penale e provvedimenti di contrasto alla criminalità mafiosa ». 394 « Trasferimento fraudolento dei valori ».

91


Partie 2 - Chapitre 1 – Instruments de confiscation communs

possesseurs des biens d’origine illicite aux fins d’en éviter la confiscation.395 La répression de cette dissimulation patrimoniale est nécessaire en matière de confiscation. L’article 12 quinquies de la loi n. 356/1992 se distingue de l’infraction prévue à l’article 321-6 du code pénal (A). Il réprime deux objectifs variables poursuivis par l’auteur de l’infraction : éluder les dispositions en matière de prévention et de contrebande ou faciliter la commission des articles 648, 648 bis, 648 ter (B).

A. Transferts frauduleux de valeurs et non justification de ressources 129.

Droit positif. L’article 12 quinquies de la loi n. 356/1992 comportait deux

alinéas jusqu’en 1994. Le second alinéa était particulièrement répressif et visait les personnes faisant l’objet de poursuites pour avoir favorisé une association de type mafieux disposant d’argent, d’un bien ou de tout autre avantage, même par personne interposée, ou d’un train de vie disproportionné par rapport au revenu déclaré

dont

elles

ne

pouvaient

justifier

l’origine.

L’alinéa

est

déclaré

inconstitutionnel396 pour diverses raisons, la principale étant car il violait l’article 27 de la Costituzione397 dans la mesure où la qualité de la personne faisant l’objet de poursuites à un caractère non définitif, portant ainsi atteinte à la présomption d’innocence. 130.

Un fait infractionnel existant en France et en Italie. L’article 12

quinquies alinéa 1 ne prévoit pas une peine complémentaire de confiscation applicable aux cas d’attribution fictive de la propriété d’un bien. Il s’agit d’un texte infractionnel introduit « à la suite de la recrudescence du phénomène mafieux, qui dans les mois précédent son approbation (et par la suite) se concrétisa par de graves massacres et attentats ».398 Il dispose que « à moins que les faits ne constituent une infraction plus grave, quiconque attribue fictivement à d’autres la

395

Pour approfondir, se reporter à GROSLAMBERT H., « Dépossession pénale du patrimoine mis en mécanismes fiduciaires », mémoire universitaire, dir., CAMOUS E., Centre d’Etudes des Techniques Financières et d’Ingénierie – CETFI, Aix-Marseille Université, 2012. 396 « Non in contrasto con i principi costituzionali una norma che, al limitato fine di attivare misure di tipo preventivo, desume dalla qualità di indiziato per taluni reati il sospetto che la sproporzione tra beni posseduti e reddito dichiarato possa esser frutto di illecita attività, altrettanto non puo’ dirsi ove l’analoga situazione venga ricondotta all’interno di una previsione incriminatrice, giacch é la legittimità di una simile fattispecie rinverrebbe un insormontabile ostacolo proprio nel principio di presunzione di non colpevolezza ». C. Cost. 9-17.2.1994, n. 48. 397 « La responsabilité pénale est personnelle. Le prévenu n’est pas considéré coupable avant sa condamnation définitive. Les peines ne peuvent consister en traitements contraires à la dignité humaine et doivent tendre à la réhabilitation du condamné. N’est pas admise la peine de mort ». 398 RONCO M., ARDIZZONE S., Codice penale ipertestuale. Leggi complementari, 2a edizione, Milano, 2007, p. 159.

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Partie 2 - Chapitre 1 – Instruments de confiscation communs

propriété ou la disponibilité d’argent, de biens ou de tout autre avantage aux fins d’éviter l’application des dispositions de la loi en matière de prévention patrimoniale ou de contrebande, ou encore de faciliter la commission d’une des infractions citées aux articles 648, 648 bis et 648 ter du codice penale, est puni d’une peine allant de deux à six ans d’emprisonnement ».399 131.

Divergence avec le délit général de non justification de ressources. Le

délit français de non justification de ressources permet d’étendre la répression au patrimoine d’autres personnes que l’auteur de l’infraction en visant « la personne étant en relations habituelles » avec ce dernier. Il faut souligner que l’article 12

quinquies limite le champ de la répression à l’auteur de l’infraction et non à la personne vers laquelle est effectué le transfert fictif de propriété : la corte di

cassazione retient une lecture littérale de l’article en considérant qu’il n’est pas nécessaire de caractériser comme pour le délit de corruption le pacte criminel.400 Ainsi, l’infraction réprime seulement l’auteur du transfert fictif de propriété et non le propriétaire fictif, qui ne sera pas retenu comme un co-auteur et devra être poursuivi, notamment pour complicité (article 110 du codice penale, cf. supra). 401 Les systèmes pénaux italien et français ont fait des choix de politique criminelle divergents. Le droit français réprime la personne qui reçoit les fonds d’origine illicite tandis que le droit italien réprime plutôt l’auteur qui a procédé à la dissimulation. La finalité est néanmoins identique de parts et d’autres des Alpes : dissuader, l’auteur de l’infraction initiale ou le tiers, de permettre la disparition du patrimoine susceptible de faire l’objet d’une confiscation.

399

« Salvo che il fatto costituisca più grave reato, chiunque attribuisce fittiziamente ad altri la titolarità o disponibilità di denaro, beni o altre utilità al fine di eludere le disposizioni di legge in materia di prevenzione patrimoniali o di contrabbando, ovvero di agevolare la commissione di uno dei delitti di cui agli articoli 648, 648 bis e 648 ter del codice penale, è punito con la reclusione da due a sei anni ». 400 Cass. pen., sez. II, n.28942/2009. 401 DELLA CASA L., Intestazione fittizia? L'intestatario non risponde di trasferimento fraudolento di valori, Diritto e Giustizia, 2012, p. 117

93


Partie 2 - Chapitre 1 – Instruments de confiscation communs

Figure 25 : Divergence des infractions de dissimulation de patrimoine en France et en Italie402 FRANCE Disposition Peine Confiscation du patrimoine criminel

ITALIE

321-6 du code pénal

12 quinquies loi 356/1992

3 ans et 75.000 euros

2 à 6 ans

Chose qui a servi ou en lien

Confiscation élargie (12 sexies

avec l’infraction

loi 356/1992)

Les armes (321-9) Confiscation élargie (12 sexies

Confiscation du patrimoine de

loi 356/1992)

l’auteur de l’infraction initiale Patrimoine de tiers à l’infraction

« Tout ou partie » (321-10)

initiale

132.

Le(s) délit(s) de non justification de ressources français. Le droit positif

français a étendu le délit de « non justification de ressources », qui était initialement limité à la répression des personnes en relation habituelle avec des mineurs, à toute personne en relation avec l’auteur d’un crime ou délit. Soulignons que notre droit pénal prévoit plusieurs dispositions réprimant un comportement semblable : s’il existe aujourd’hui un délit général dit de « non justification de ressources » de l’article 321-6 du code pénal, il faut également signaler l’existence de l’article 225-6 spécifique au proxénétisme, ou l’article 421-2-3 relatif aux actes de terrorisme. Le délit de « non justification de ressources » est une infraction générale, située dans le chapitre I, Titre II, Livre III du code pénal intitulé « Du recel et des infractions assimilées ou voisines ». En Italie, l’article 12 quinquies vise quant à lui uniquement le patrimoine de l’auteur de l’infraction.403 Les délits de non justification de ressources ne peuvent donc pas être considérés comme des équivalents de l’article 12 quinquies, dans le cadre du procès pénal. Si les mesures de prévention patrimoniales permettent de viser le patrimoine d’autres personnes que la personne en faisant l’objet, elles ne peuvent être considérées comme des équivalents dans la mesure où elles n’interviennent pas à la suite de la commission d’un crime ou d’un délit (cf. infra). 133.

Complémentarité des articles 12 quinquies et sexies. L’article 12 sexies

(cf. infra) permet une confiscation « élargie » (allargata) au patrimoine de l’auteur de certaines infractions graves.

402 403

Source : auteur. En effet, l’alinéa 2 de l’article 12 quinquies a été déclaré inconstitutionnel (cf. supra).

94


Partie 2 - Chapitre 1 – Instruments de confiscation communs

La ratio legis est la même que celle de

l’article 12 quinquies : elle est

complémentaire en ce qu’elle facilite la confiscation du patrimoine de l’auteur de l’infraction initiale, qui sera sanctionné en cas de dissimulation de ce dernier. La divergence des articles 321-6 du délit de « non justification de ressources » français et de l’article 12 quinquies s’explique par la complémentarité de ce dernier avec l’article 12 sexies. En effet, l’article 12 sexies permet une confiscation facilitée parce qu’il ne s’agit plus comme dans la confiscation classique d’établir le lien entre le bien confisqué et la commission de l’infraction, mais de viser n’importe quel bien dès lors qu’est prouvée la disproportion entre la propriété dudit bien et le revenu déclaré. Le droit français est également articulé de sorte à assurer une complémentarité des dispositions, qui diffère des choix de politique criminelle italienne. Le législateur français confisque par des dispositions spécifiques le patrimoine de l’auteur de l’infraction et réprime la personne qui vit en relation habituelle avec ce dernier. 134.

Portée extensive de l’élément matériel de l’article 12 quinquies. La corte

di cassazione a reconnu à l’infraction le caractère de « forme libre » (forma libera) par laquelle l’infraction est caractérisée englobant ainsi tous les modes opératoires possibles pour la commission de l’infraction : soit par la déclaration fictive de propriété, soit par la mise à disposition d’apparence licite au destinataire du bien.404 En effet, l’article vise des formes de transfert élargies n’étant pas limitées au seul transfert de propriété, mais étendues à la possession. Ces dispositions sont à rapprocher au caractère extensif de l’article 131-21 du code pénal français qui prévoit une formule équivalente visant les biens « dont le condamné est propriétaire ou, sous réserve des droits du propriétaire de bonne foi, dont il a la libre disposition ». L’article voit également son champ d’application étendu en visant les sommes d’argent, les biens ou tout autre avantage.

135.

Portée limitative de l’élément moral de l’article 12 quinquies. L’alinéa

premier de l’article 12 quinquies à une portée limitée par l’élément moral. L’objectif de l’auteur est d’agir aux fins de transférer la propriété du bien vers un tiers à l’infraction, contrairement à la réalité. Cela vise deux hypothèses possibles : soit l’auteur d’une infraction déjà consommée cherche à éviter l’application de certaines mesures confiscatoires à son encontre, soit il cherche à faciliter la commission de certaines infractions spécifiquement visées par le texte.

404

cit.

Cass. Sez. II., 9 luglio 2004, n. 38733. In RONCO M., ARDIZZONE S., Codice ipertestuale, op.

95


Partie 2 - Chapitre 1 – Instruments de confiscation communs

B. Portée de la répression 136.

Première hypothèse. Le champ d’application des délits français recoupe au

moins partiellement celui de l’article 12 quinquies. En effet, l’article 12 quinquies vise l’hypothèse dans laquelle l’auteur de l’infraction cherche à éviter l’application à son encontre des mesures de prévention patrimoniales (cf. infra) et des délits de contrebande. Or, si les mesures de prévention n’existent pas en France, il existe bien un délit de contrebande dans le Code des douanes qui fait l’objet de dispositions confiscatoires spécifiques. Il faut alors analyser si elles suffisent à recouvrir le champ d’application de l’article 12 quinquies, puisqu’il existe également en Italie des dispositions confiscatoires spécifiques en matière de contrebande. L’article 301 du D.P.R du 23 janvier 1973 n. 43

405

en Italie aggrave

particulièrement la répression par rapport à l’article 240 du codice penale406 : la confiscation est obligatoirement prononcée pour les sommes soustraites au paiement des droits de douane. L’article 293 de ce texte vise par ailleurs les choses qui en constituent le produit, le profit ainsi que les moyens de transport utilisés pour réaliser l’infraction. En France, l’infraction de contrebande fait l’objet de mesures confiscatoires par les articles 414 et 430 du code des douanes. Le premier dispose la confiscation de l’objet de la fraude, des moyens de transport, des objets servant à masquer la fraude, des biens et avoirs qui sont le produit direct ou indirect de l’infraction. Le second prévoit la confiscation des marchandises qui ont été ou devaient être substituées (1°), les marchandises présentées au départ (2°), les moyens de transport lorsque le conducteur refuse d’obéir aux injonctions (3°).

Figure 26 : Contrebande de tabac produit à l’étranger en Italie407

405 406 407

Testo Unico delle Leggi Doganali (T.U.L.D.). NOCETI A., PIERSIMONI M., Confisca e altre misure ablatorie patrimoniali, Ibid, p. 41. Idem.

96


Partie 2 - Chapitre 1 – Instruments de confiscation communs

Notons qu’aujourd’hui, le délit de contrebande est commis en Italie notamment dans le cadre du tabac. Il s’agit principalement du phénomène dit de cheap white : les cigarettes légalement produites dans des Etats étrangers ne répondant pas aux normes européennes sont introduites sur le marché italien. Deux tiers des 300.000 saisies effectuées en 2012 par la Guardia di Finanza, concernaient ce phénomène.

137.

Deuxième hypothèse. L’article 12 quinquies vise un second objectif

poursuivi par l’auteur : faciliter la commission de trois infractions que sont le recel (ricettazione, art. 648), blanchiment (riciclaggio, art. 648 bis), l’utilisation de fonds, d’argent ou de tout autre avantage d’origine illicite (648 ter) :

138.

Recel – 648. Le délit de recel408 ne fait l’objet de dispositions spécifiques

en matière de confiscation, ni en France, ni en Italie. Il s’agit dans les deux cas d’infractions de conséquence, constituées par la commission de tout crime ou délit préalable (qualsiasi delitto). La portée semble équivalente dans les deux systèmes pénaux : en effet, l’article 648 du codice penale comme son équivalent français se distingue de la complicité, et vise le recel-profit (pour l’auteur lui même ou pour autrui) ainsi qu’une forme de recel plus large visant « l’intromission » de l’auteur dans le recel, englobant la simple détention des biens sans qu’il en soit tiré un profit quelconque. Les termes utilisés sont encore très proches puisque le droit italien vise les comportements

matériels

d’ « acquisition »,

de

« réception »,

et

de

« dissimulation » puisque le droit français considère qu’il peut s’agir de « dissimuler », de « détenir », de « transmettre ». Dans la mesure où notre propos est la facilitation de la commission du recel, il faut relever que l’article 321-1 du code pénal précise par ailleurs « de transmettre ou faire office d’intermédiaire aux fins de la transmettre ». Cette dernière expression permet de poursuivre un objectif équivalent à celui poursuivi dans le cadre de l’article 12 quinquies. En effet, si l’article italien vise simplement l’objectif de faciliter le délit de recel, les termes employés ne renvoient pas à la transmission du bien mais à la simple disposition de ce dernier. Or, la « transmission » de notre article 321-1 « peut donc s’opérer par le déplacement géographique de la chose, par tradition réelle (de

408

« En dehors des cas de complicité, celui-qui, aux fins de procurer à lui même ou à autrui un profit acquiert, recoit ou dissimule de l’argent ou des choses provenant d’une infraction quelconque, ou dans tous les cas en favorise l’acquisition, la réception ou la dissimulation est puni d’une peine de deux à huit ans d’emprisonnement et d’une amende allant de 516 euros à 10.329 euros. La peine d’emprisonnement maximale est de six ans et la peine d’amende jusqu’à 516 euros si le fait est de moindre importance. Les dispositions de cet article s’appliquent même quand l’auteur du délit ne peut être poursuivi ou même condamné, soit quand il manque un élément constitutif à son encontre ».

97


Partie 2 - Chapitre 1 – Instruments de confiscation communs

la main à la main), aussi bien que par acte juridique (la vente de la chose par exemple) ».409

139.

Blanchiment – 648 bis. En Italie, le blanchiment est prévu par l’article 648

bis du codice penale. 410 S’agissant d’une infraction de conséquence caractérisée donc par la commission d’une infraction principale,

n’est pas réprimé l’auto-

411

blanchiment contrairement.

Le droit français contrairement au droit italien prévoit plusieurs délits de blanchiment : « l’infraction générale de blanchiment doit ainsi être qualifiée en raison de l’indifférence de la nature du crime ou du délit à la suite de laquelle elle est susceptible de se réaliser, tandis que les infractions spéciales de blanchiment se situent, elles, dans le prolongement d’un crime ou d’un délit dont la nature est spécifiée par la loi ».412 Il existe ainsi des peines complémentaires de confiscation aux articles 324-7, 222-44 (cf. infra à propos du trafic de stupéfiants), 422-3 (à propos du terrorisme qui ne fait pas l’objet de notre étude) du code pénal. En matière de blanchiment transfrontalier est encore prévue la « confiscation des sommes en infraction ou d’une somme tenant lieu lorsque la saisie n’a pas pu être prononcée » et la « confiscation des biens et avoirs qui sont le produit direct ou indirect de l’infraction » à l’article 415 du Code des douanes. Il est possible de confisquer dans le cadre de l’article 324-7 du code pénal relatif à l’infraction générale de blanchiment les véhicules appartenant au condamné (6°), une ou plusieurs armes dont le condamné est le propriétaire ou dont il a la libre disposition (7°), ainsi que la chose qui a servi ou était destinée à commettre l'infraction ou de la chose qui en est le produit, à l'exception des objets susceptibles de restitution (8°). En Italie, l’article 648 quater du codice penale impose pour les délits de blanchiment une confiscation obligatoire des biens qui en constituent le produit ou le prix (alors que celle-ci est facultative dans le cadre de l’article 240 du codice

409

DAURY-FAUVEAU M., Fasc. 20 : Recel.- Eléments constitutifs du recel, JurisClasseur Pénal, côte 04, 2012. 410 « En dehors des cas de complicité, quiconque substitue ou transfert de l’argent, des biens ou tout autre avantage provenant d’une infraction involontaire (équivalent de notre ancien délit contraventionnel), c’est-à-dire accomplit en lien avec ces derniers d’autres opérations, de sorte à faire obstacle à l’identification de leur provenance délictueuse, est puni d’une peine d’emprisonnement allant de quatre à douze ans et d’une amende de 1.032 euros à 15.493 euros. La peine est augmentée quand le fait est commis dans le cadre de l’exercice d’une activité professionnelle. La peine est diminuée si l’argent, les biens ou les avantages proviennent d’un délit pour lequel est établie une peine d’emprisonnement inférieure au à cinq ans. Est applicable le dernier alinéa de l’article 648 ». 411 Pour approfondir, se reporter à ROSI E., Ora basta: chi ricicla per sé va punito. No all’immunità patrimoniale del reoSelf laundering e sequestro preventivo: un caso riapre il dibattito, D&G 2006, 21, 48. 412 SEGONDS M., Les délits de blanchiment, Ibid.

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Partie 2 - Chapitre 1 – Instruments de confiscation communs

penale) et à défaut de leur appréhension, la confiscation des sommes d’argent dont l’auteur de l’infraction à la libre disposition, même par personne interposée, pour une valeur équivalente au produit, profit ou prix en découlant.

In fine, la norme italienne vient augmenter pour ce type d’infraction les pouvoirs du ministère public qui peut alors mener « toute activité d’enquête rendue nécessaire sur les biens, les fonds ou les autres utilités sujettes à confiscation », conformément aux dispositions de l’article 430 du codice di procedura penale.413 Il faut souligner que les dispositions françaises doivent être mises en rapport avec l’article 131-21 alinéa 5 du code pénal. Or en Italie, le blanchiment figure parmi les infractions pour lesquelles est applicable l’article 12 sexies. On constate dès lors que dans les systèmes pénaux et français, plusieurs degrés de répression patrimoniale sont accordés au délit de blanchiment.

140.

Investissement dans des activités économiques et financières - 648 ter.

Le droit italien prévoit à l’article 648 ter une hypothèse de blanchiment414 qu’il distingue de l’article 648 bis. Cet article visé par l’article 12 quinquies concerne le blanchiment immédiat du produit de l’infraction. Ce fait infractionnel est réprimé en France par le délit de blanchiment général, à l’article 324-1 alinéa 2 du code pénal et vise les faits de « placement », « dissimulation », « conversion ». Précisément, la notion de « placement » semble la plus proche des faits d’investissement réprimés par le texte italien car dans son sens financier, « l’opération de placement est alors synonyme d’investissement... et se confond alors avec l’opération d’intégration qui consiste en ‘’l’utilisation ou placement des produits d’apparence légitime sous forme d’investissements dans l’activité économique, ou de dépenses’’ ».415

413

L’article 430 du codice di procedura penale italien dispose en son premier alinéa que « successivement à l’oronnance de lieu à poursuivre, le ministère public et la défense peuvent, dans leurs intérêts respectifs en phase décisionnelle, accomplir des activités complémentaires d’enquête à l’exception des actes pour lesquels est prévue la participation du prévenu et de son dégenseur. 414 « Quiconque, en dehors des cas de complicité et des cas prévus aux articles 648 et 648 bis, investit dans des activités économiques ou financières de l’argent, des biens ou des avantages provenant d’un délit, est puni d’une peine d’emprisonnement allant de quatre à douze ans et d’une peine d’amende de 1.032 euros à 15.493 euros. La peine est augmentée quand le fait est cpùùos da,s le cadre de l’exercice d’une activité professionnelle. La peine est diminuée dans l’hypothèse prévue au deuxième alinéa de l’article 648. Est applicable le dernier alinéa de l’article 648 ». 415 THONY J-F, Les politiques législatives de lutte contre le blanchiment en Europe, RPDP 1997. 307. In SEGONDS M., Blanchiment, Ibid.

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Partie 2 - Chapitre 1 – Instruments de confiscation communs

§2 La confiscation élargie : 12 sexies 141.

Droit positif. Longtemps absente de notre droit positif416, la confiscation

élargie est désormais intégrée dans l’article 131-21 du code pénal et dans d’autres dispositions spéciales tandis qu’en droit italien elle ne fait l’objet que des dispositions de l’article 12 sexies. Elle est remise au goût du jour par la décision cadre 2005/212/JAI : les Etats membres adoptent les mesures nécessaires pour permettre « la confiscation de tout ou partie des biens détenus par une personne reconnue coupable d’une infraction ».417 Ainsi, cette disposition a été traduite de manière divergente entre la France et l’Italie : le droit français prévoit un régime binaire pour la confiscation concernant certaines infractions sur lequel il convient de superposer les dispositions de l’article 12 sexies. Nous distinguerons ainsi, les biens dont le lien avec l’infraction est présumé (A), des biens sans aucun lien avec cette dernière (B). Cela n’est pas le cas pour l’Italie qui ne prévoit par l’article 12 sexies418 que la première hypothèse.419

A. Présomption de lien entre le bien et l’infraction 142.

Finalité de la confiscation élargie. D’après les institutions européennes, la

confiscation élargie permet l’appréhension des biens présumés d’origine criminelle. Si la décision cadre 2006/783/JAI est un premier pas vers la reconnaissance mutuelle en matière de confiscation, certains auteurs ne manquent pas d’en relever l’ambiguïté.420 C’est la proposition de directive de 2012421 qui aujourd’hui la définit comme « la confiscation d'avoirs au-delà des produits directs d'une infraction, si bien qu'il est

416

V. à ce propos DUCOULOUX-FAVARD C., GUÉRIN D., La confiscation en droit pénal français, Petites affiches, 31 octobre 2002 n° 218, p. 9. 417 Article 3 de la décision cadre 2005/212/JAI du 24 février 2005, relative à la confiscation des produits, des instruments et des biens en rapport avec le crime. 418 V. Annexe 5 : traduction française de l’article 12 sexies. 419 Soulignons seulement à titre indicatif que les praticiens italiens parlent à propos de l’article 12 sexies de la confiscation spéciale, pour la distinguer, notamment en matière de charge de la preuve de la confiscation classique de l’article 240 du codice penale. L’article 12 sexies ne doit pas être assimilée à la confiscation de droit spécial, qui concerne certaines les dispositions prévues dans le cadre d’infractions spécifiques. Il convient plus simplement de retenir que l’article 12 sexies prévoit une possibilité de confiscation élargie en Italie. 420 V. en ce sens, DUCOULOUX-FAVARD C., Au 24 novembre 2008, confiscation «élargie» des biens illicites dans l'union européenne : (À propos de la décision-cadre du Conseil du 6 octobre 2006), Les Petites affiches, 22 juin 2007 n° 125, p. 6. 421 Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil concernant le gel et la confiscation des produits du crime dans l’Union européenne, Bruxelles, 12 mars 2012, COM(2012) 85 final, p. 5.

100


Partie 2 - Chapitre 1 – Instruments de confiscation communs

inutile d'établir une relation entre les avoirs présumés d'origine criminelle et une infraction précise ». En Italie, l’objectif de la confiscation élargie n’est pas uniquement de viser le patrimoine dont le lien avec l’infraction est démontré, comme pour l’article 240 du

codice penale, mais d’étendre la peine de confiscation au patrimoine dont la constitution a été permise par la commission de l’infraction. Par la jurisprudence de la Corte di cassazione et plus précisément du célèbre arrêt « MONTELLA » 422, il a été affirmé que l’article 12 sexies repose ainsi sur la présomption que le patrimoine de l’auteur a été accumulé par la réalisation de faits infractionnels. La

confisca allargata permet une répression homogène par la confiscation du patrimoine

de

l’auteur

de

certaines

infractions

graves.

Elle

intervient

postérieurement à la condamnation et permet la confiscation sur la base de la disproportion entre le revenu déclaré et la possession/propriété de certains biens. 143.

Constitutionnalité de la confiscation élargie. Le législateur italien a

remédié à la lacune répressive découlant de l’inconstitutionnalité de l’article 12

quinquies alinéa 2, par le vote de la loi n. 501/1994 qui reformule l’article 12 quinquies alinéa 1 et introduit l’article 12 sexies. Soulignons que de la même manière, le Conseil constitutionnel français a reconnu la conformité à la Constitution de l’article 131-21423 et donc également de son cinquième alinéa.424 La confiscation élargie ne viole pas les principes régis par les Constitutions, son développement en tant qu’instrument de lutte contre la criminalité organisée est promu par les institutions européennes. Preuve en sont les propos tenus dans la proposition de directive concernant le gel et la confiscation des produits du crime dans l’Union européenne. La confiscation élargie est également reconnue par la Cour européenne des droits de l’homme.425 C’est justement là, la finalité de l’article 12 sexies dont les dispositions ont été reconnues conformes à la Costituzione.426 144.

Liste limitative des infractions concernées par la confiscation élargie.

L’article 12 sexies permet la confiscation élargie du patrimoine de l’auteur de certaines infractions uniquement, considérées comme graves. Les infractions préalables à la mise en œuvre de la confiscation élargie de l’article 12 sexies font 422 423

cit.

Cass. Pen. Sez. U. 19 gennaio 2004, n. 920. Pour approfondir, se reporter à ROBERT J-H., Une QPC sur la confiscation en matière pénale, op.

424

Décision du 26 novembre 2010, n°2010-66 QPC. Cour européenne des droits de l’homme, Salabiaku v. France, in Publications de la Cour Europenne des Droits de l'Homme 1988, Série A, vol. 141, 10, 15 – 17. Cour européenne des droits de l’homme, 25 septembre 1992, Pham Hoang v. France, ivi 1992, vol. 243, 21 – 22. In MAUGERI A-M., I modelli di sanzione patrimoniale nel diritto comparato, 90. www.dirittopenalecontemporaneo.it. 426 Corte Cost. Ord. n. 18/96. 425

101


Partie 2 - Chapitre 1 – Instruments de confiscation communs

pour la plus grande partie l’objet de dispositions spécifiques en droit français. Lorsque cela n’est pas le cas, c’est les dispositions de l’article 131-21 du code pénal qui sont applicables. Si l’infraction est punie d’au moins cinq ans d’emprisonnement l’article 131-21 alinéa 5 est applicable. Concernant les infractions faisant l’objet de dispositions spéciales, il faut noter qu’elles correspondent pour la plupart avec les infractions visées par l’article 12 sexies. Notons à titre anecdotique qu’il s’agit pour la plupart des infractions visées par l’article 706-73 du code de procédure pénale disposant une procédure dérogatoire applicable en matière de criminalité organisée. Figure 27 : Dispositions faisant l’objet d’un traitement spécifique en France par rapport à l’article 12 sexies427

FRANCE 428

ITALIE

Traite d’êtres humains

225-22 et 225-24

Réduction en esclavage

225-16

600, 601, 602

Association de type mafieux

450-5

416 bis

Extorsion

312-13

629

Enlèvement

221-14

630

Usure

416 alinéa 6

644

Recel

324-9

648

Blanchiment

324-7

648 bis

Non justification de

321-10-1

12 quinquies loi 356/1992

222-44, 222-49

D.P.R. 309/1990

ressources/transfert frauduleux de valeurs Trafic de stupéfiants Contrebande Contrefaçon

145.

(Aggravée) D.P.R. n. 43/1973 415 code des douanes

473, 474, 517 ter et quater

Rapprochement avec l’article 131-21 alinéa 5. En Italie, « avec la

confiscation élargie, le législateur a voulu poursuivre de manière plus incisive son objectif de faire face au phénomène de la criminalité organisée avec une lutte patrimoniale pénale vouée à appréhender les richesses illicitement accumulées ».429

427

Source : auteur. A l’exception du racolage de l’article 225-10-1 du code pénal. 429 « Con la c.d. confisca allargata, il legislatore ha voluto perseguire, ancora più incisivamente, l’obiettivo strategico di fronteggiare il fenomeno della criminalità organizzata anche col contrasto patrimoniale penale diretto ad aggredire le ricchezze illecitamente accumulate ». In MENDITTO F., Le misure di prevenzione personali e patrimoniali : la confisca ex. art. 12 sexies l. n. 356/1992, Diritto e procedura penale oggi, Giuffrè editore, 2012, p. 650. 428

102


Partie 2 - Chapitre 1 – Instruments de confiscation communs

La confisca allargata de l’article 12 sexies est soumise à deux conditions : 146.

Première condition de l’article 12 sexies. La confiscation est possible dès

lors que l’auteur de l’infraction ne peut justifier l’origine de son patrimoine. Il faut rapprocher ces dispositions de l’article 131-21 alinéa 5 du code pénal.430 A défaut de disposition spéciales, il est possible pour les crimes ou délits punis d’au moins cinq ans d’emprisonnement de confisquer le patrimoine de l’auteur qui « mis en mesure de s'expliquer sur les biens dont la confiscation est envisagée, n'a pu en justifier l'origine ». Découle de ces dispositions un renversement de la charge de la preuve en France et en Italie : L’article 131-21 alinéa 5 du code pénal opère un renversement de la charge de la preuve, qui pèse alors sur la personne faisant l’objet de la condamnation. L’article impose que le condamné soit « mis en mesure de s'expliquer sur les biens dont la confiscation est envisagée, n'a pu en justifier l'origine ». Il en va de même pour l’article 12 sexies, qui fait peser également la charge de la preuve sur la personne menacée par la confiscation élargie de son patrimoine. Le droit italien n’impose pas néanmoins une justification de l’origine licite des biens, mais allège la charge de la preuve en requérant431 « une explication crédible de la provenance au travers de documentation, qui sans avoir nécessairement une valeur probante en droit civil, puisse permettre de vaincre la présomption établie par la norme ».432 Or en France, l’alinéa 5 de l’article 131-21 « n'exige pas que soit établi un lien de causalité entre l'enrichissement illicite du délinquant et les biens dont la confiscation est prononcée. C'est en amont que la preuve doit être apportée entre la commission d'une infraction et l'enrichissement ».433 147.

Deuxième condition de l’article 12 sexies. La confiscation élargie italienne

peut être mise en œuvre lorsque l’auteur « même par personne interposée physique ou morale, desquels il résulte être titulaire, ou a la disponibilité à n’importe quel titre, de manière disproportionnée par rapport au revenu déclaré aux fins

430

« S'il s'agit d'un crime ou d'un délit puni d'au moins cinq ans d'emprisonnement et ayant procuré un profit direct ou indirect, la confiscation porte également sur les biens meubles ou immeubles, quelle qu'en soit la nature, divis ou indivis, appartenant au condamné ou, sous réserve des droits du propriétaire de bonne foi, dont il a la libre disposition, lorsque ni le condamné, ni le propriétaire, mis en mesure de s'expliquer sur les biens dont la confiscation est envisagée, n'ont pu en justifier l'origine ». 431

Cass., I, 18 febbraio 2009, n. 10756. « Bensì in una attendibile spiegazione della loro provenienza attraverso l'allegazione di elementi che, pur senza avere la valenza probatoria civilistica, siano idonei a vincere la presunzione relativa introdotta dalla norma ». A propos de la décision Sez. VI, 3 aprile 2003, Prudentino, in C.E.D. Cass., n. 225930. In VERGINE F., La componente temporale della sproporzione quale fattore riequilibratore del sequestro finalizzato alla confisca ex. art. 12-sexies D.L. n. 306 del 1992, Cass. pen. 2011, p. 619. 433 CAMOUS E., Peines criminelles et correctionnelles, Ibid. 432

103


Partie 2 - Chapitre 1 – Instruments de confiscation communs

d’imposition à titre de salaire, ou dans le cadre d’une activité indépendante ».434 La condition de « disproportion » est employée en droit italien également pour les mesures de prévention (cf. infra) mais la signification est différente : La disproportion est évaluée entre le revenu déclaré et la valeur du patrimoine visé, au moment de leur acquisition.

435

Cette condition de l’article 12 sexies permet de

le distinguer de l’article 131-21 alinéa 5 qui à aucun moment ne fait référence à la disproportion mais uniquement à la première condition (cf. supra). Cette disposition française prévoit une deuxième condition différente : il faut établir que l’infraction

consommée

par

l’auteur

soit

punie

d'au

moins

cinq

ans

d'emprisonnement et ait procuré un profit direct ou indirect. Malgré les divergences, il est certain que par ces dispositions, l’enquête/mise en état patrimoniale joue un rôle fondamental en France436 comme en Italie. Il convient ainsi de procéder à « une reconstruction historique de la situation des revenus et des activités économiques du condamné au moment des acquisitions suspectes ».437 Cette reconstruction met la personne sujette à la confiscation dans la condition d’exposer

les

faits

et

circonstances

précises

en

donnant

ses

propres

justifications ».438 Ces dispositions ne sont pas sans rappeler celles de l’article 131-21 alinéa 5 du code pénal français puisque l’auteur doit avoir été « mis en mesure de s’expliquer » sur l’origine. 148.

Biens sujets à confiscation par les infractions spéciales. L’article 12

sexies de la loi n. 356/1992 dispose la confiscation obligatoire de « l’argent, des biens ou de tout autre avantage » dont la personne condamnée ne peut justifier l’origine. Les biens susceptibles d’une confiscation élargie en France sont de deux types. Il peut s’agir de « tout ou partie du patrimoine » de l’auteur (cf. infra) ou de biens précisément déterminés par les dispositions spéciales : dans ce dernier cas, il peut s’agir « d'un ou plusieurs véhicules appartenant au condamné », « d'une ou plusieurs armes dont le condamné est propriétaire ou dont il a la libre disposition » sans qu’il ne soit précisé qu’ils aient été utilisés dans le cadre de l’infraction. 434

« (…) di cui, anche per interposta persona fisica o giuridica, risulta essere titolare o avere la disponibilità a qualsiasi titolo in balore sproporzionato al proprio reddito, dichiarato ai fini delle imposte sul reddito, o allla propria attività economica ». 435 « La sproporzione non si riferisce al patrimonio come complesso unitario, ma alla somma dei singoli beni, con la conseguenza che i termini di raffronto dello squilibrio, che deve formare oggetto di rigoroso accertamento estimativo, non vanno fissati nel reddito dicchiarato o nelle attività al momento della misura rispetto a tutti i beni presenti, ma nel reddito e nelle attività nei momenti di singoli acquisti, rispetto al valore che i beni avevano al momento dell’acquisto ». TARTAGLIA R., Codice dei sequestri e delle confische, Ibid, p. 397. 436 Pour approfondir, se reporter à CAMOUS E., COTELLE G., La mise en état patrimoniale des affaires pénales, Droit pénal n° 6, Juin 2013, étude 12. 437 TARTAGLIA R., Codice dei sequestri e delle confische, Ibid, p. 398. 438 Cass, II, 26 febbraio – 10 marzo 2009, n. 10549.

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Partie 2 - Chapitre 1 – Instruments de confiscation communs

Cela concerne notamment, pour ne donner que quelques exemples, les atteintes involontaires à la vie (221-8), la disparition forcée (221-14), le trafic de stupéfiants (222-44), de la mise en danger de la personne (223-18), le recel (3249), l’installation en réunion sur un terrain (322-15-1), le délit de blanchiment (art. 324-7 du code pénal), l’attroupement en étant porteur d’une arme (431-7), manifestation avec arme (431-11). Peuvent encore être confisqués les biens les « installations,

matériels

et

de

tout

bien

ayant

servi,

directement

ou

indirectement, à la commission de l'infraction, ainsi que tout produit provenant de celle-ci, à quelque personne qu'ils appartiennent et en quelque lieu qu'ils se trouvent ».439 Les installations et fonds de commerce sont confisqués entre autre pour le trafic de stupéfiants (222-49), les conditions de travail et d'hébergement contraires à la dignité de la personne, du travail forcé et de la réduction en servitude (225-16), la traite des êtres humains et le proxénetisme (225-22 et 225-24).

B. Confiscation de « tout ou partie du patrimoine » 149.

Histoire de la confiscation générale du patrimoine. En Italie, la première

forme de confiscation élargie apparaît à la suite de l’assassinat du juge Giovanni FALCONE, de son épouse Francesca MORVILLO et de leurs gardes du corps.440 En droit français, il existait déjà autrefois une peine de confiscation générale, portant sur l’ensemble du patrimoine du « condamné » ainsi que celui de sa famille qui disparut à la suite de nombreuses critiques émises par les praticiens du droit. Le duc Albert DE BROGLIE relevait à son propos qu’ « elle a pour effet à peu près inévitable, d’enflammer la rapacité, l’esprit de partie et de corrompre ainsi ce qui, par soi-même n’est déjà que trop corrupteur ou trop corrompu ».441 150.

Portée de la présomption d’illicéité des biens sujets à confiscation.

L’article 12 sexies n’est pas le « fruit d’une culture de la suspicion »442 (comme cela a pu être le cas pour l’article 12 quinquies alinéa 2 avant qu’il ne soit déclaré inconstitutionnel), mais une disposition qui permet de viser un patrimoine dont l’origine illicite est présumée en raison de la gravité de l’infraction pour laquelle l’auteur a été condamné. En droit pénal français, la confiscation élargie se 439

Article 222-49 du code pénal. Massacre (strage) de Capaci, dans la province de Palerme, le 23 mai 1992. Les gardes du corps étaient Rocco DI CILLO, Vito SCHIFANI, Antonio MONTINARO. 441 BOYER E., « La confiscation spéciale en droit français », thèse pour le doctorat, Faculté de droit de Paris, Arthur Rousseau éditeur, 1896, p. 3. 442 « La confisca allargata non è frutto di una cultura del sospetto ». In MENDITTO F., Le misure di prevenzione personali e patrimoniali, op. cit., p. 650. 440

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Partie 2 - Chapitre 1 – Instruments de confiscation communs

matérialise certes par « certaines hypothèses dans lesquelles la loi a créé une véritable présomption d'acquisition illégale »443 mais également par la confiscation de « tout ou partie » du patrimoine de l’auteur de l’infraction, conformément à la décision cadre 2005/212/JAI. Cette forme de confiscation, que l’on peut qualifier de générale 444 a déjà fait l’objet de l’intérêt de la doctrine italienne, qui la compare à l’article 12 sexies.445 La confiscation générale française dépend aujourd’hui de l’article 131-21 du code pénal qui dispose que « lorsque la loi qui réprime le crime ou le délit le prévoit, la confiscation peut aussi porter sur tout ou partie des biens appartenant au condamné ou, sous réserve des droits du propriétaire de bonne foi, dont il a la libre disposition, quelle qu'en soit la nature, meubles ou immeubles, divis ou indivis ». Ces dispositions doivent être rapprochées de l’article 12 sexies en ce qu’il prévoit le plus haut degré de confiscation dans le cadre du procès pénal italien.446 « La confiscation ‘’élargie’’, dont la finalité première est la mise hors d’atteinte de l’activité criminelle des richesses illicitement accumulées, ne se mesure pas à la culpabilité ; elle repose et se justifie sur le fait que la provenance des biens de toute nature est criminelle ».447 Il convient dès lors de constater que pour certaines infractions pour lesquelles le droit français dispose la confiscation de tout ou partie du patrimoine du criminel, est applicable en Italie l’article 12

sexies.

Figure 28 : Dispositions sujettes à la confiscation élargie des biens sans lien avec l’infraction en France par rapport à l’article 12 sexies (loi 356/1992) italien448 INFRACTIONS Traite d’être humain Blanchiment Association de malfaiteurs/association de type mafieux Non justification de ressources/Transfert fictif de propriété Stupéfiants

151.

FRANCE (code pénal) 225-25 324-7-12° 450-5 321-10-1

ITALIE

Infractions préalables à la mise en œuvre de l’article 12 sexies de la loi 356/1992

222-49 alinéa 2

Portée équivalente à propos des biens confiscables. A priori, par une

lecture littérale de l’article 12 sexies italien, la confiscation de « tout ou partie du 443

CAMOUS E., Peines criminelles et correctionnelles.- Confiscation, Ibid. BEZIZ AYACHE A., Confiscation, Ibid. 445 MAUGERI A-M., Proposta di direttiva in materia di congelamento e confisca dei proventi del reato : prime riflessioni, Milano, 2010, p. 49. www.dirittopenalecontemporaneo.it. 446 A l’excusion des mesures de prévention qui ne concernent pas le « procès pénal ». 447 FIANDACA G., VISCONTI C., Les nouvelles formes de confiscation, op. cit., p. 62. 448 Source : auteur. 444

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Partie 2 - Chapitre 1 – Instruments de confiscation communs

patrimoine » donne à la confiscation française une portée beaucoup plus ample qu’en droit italien, puisque n’importe quel bien peut être saisi. En France, « les juges n'ont pas à faire état de ce que le bien a été acquis illégalement ou de ce qu'il constitue le produit direct ou indirect de l'infraction. Le seul fait qu'il appartienne au condamné suffit à la confiscation ».449 « L’argent, les biens ou tout autre avantage », recouvrent un patrimoine particulièrement ample, ils visent indistinctement tous les fonds, les biens mobiliers et immobiliers, du condamné.450 Depuis l’arrêt « MONTELLA » (cf. supra), a été validée la confiscation de biens sans qu’il ne soit tenu compte de la chronologie : il est ainsi possible d’appréhender les biens obtenus avant et après la commission de l’infraction. Ainsi, le législateur italien « ne requiert aucun lien, direct ou indirect des biens confiscables ex. art. 12 sexies, avec le fait infractionnel mais lie la confiscation à l’auteur qui dispose de ces biens (…). Le juge, une fois la condamnation prononcée et la disproportion démontrée, n’aura nullement besoin de rechercher un lien de causalité entre les biens confiscables et l’activité criminelle de l’auteur de l’infraction ».451

152.

Portée extensive de l’article 12 sexies. En Italie, s’il est vrai que la

confisca allargata est caractérisée par la possibilité de ne pas démontrer le lien entre les biens confiscables et l’infraction en raison de la présomption d’illégalité de ces derniers, il faut noter que la lecture de l’article 12 sexies est particulièrement extensive : la disposition se distingue en effet des mesures de sécurité (misure di sicurezza, cf. supra) parce que elle ne se fonde pas sur la dangerosité du patrimoine mais sur celle de l’auteur de l’infraction. La confisca

allargata est particulièrement répressive en Italie, notamment parce que « le tribunal peut décider de cette mesure avant la condamnation définitive et donc sans passer par une mesure de saisie provisoire ».452 153.

Absence de lien avec l’infraction et confiscation élargie commune. Pour

de nombreuses infractions, il est possible en France de confisquer tout ou partie du patrimoine du criminel. Certaines infractions sont également visées par l’article 449

CAMOUS E., Peines criminelles et correctionnelles, Ibid. CURIONE S., Confische penali e tutela dei terzi : aggiornato alla legge 31 marzo 2010, n. 50 e alla legge 29 luglio 2010, n. 120, Giuridica editrice, Collana Scie di Diritto e Procedura Penale, 2011, p. 46. 451 « Il legislatore non richiede alcuna derivazione – ne diretta, ne mediata – dei beni confiscabili ex. art. 12 sexies dall’episodio criminoso singolo per cui la condanna intervenuta, ma ha correlato la confisca alla sola condanna del soggetto che di quei beni dispone (…). Il giudice, una volta pronunciata la condanna e verificata la sproporzione, non dovrà neppur ricercare un nesso di derivazione tra i beni confiscabili e l’attività criminosa del condannato ». In TARTAGLIA R., Codice dei sequestri e delle confische, Ibid, p. 397. 452 DUCOULOUX-FAVARD C., Au 24 novembre 2008, confiscation «élargie» des biens illicites dans l'union européenne : (À propos de la décision-cadre du Conseil du 6 octobre 2006), Les Petites Affiches, 22 juin 2007 n° 125, p. 6 450

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Partie 2 - Chapitre 1 – Instruments de confiscation communs

12 sexies en Italie : il s’agit de la traite des êtres humains, le blanchiment, l’association de type mafieux/malfaiteur, la non justification de ressources/12

quinquies et le trafic de stupéfiants. -Pour la traite d’être humains, l’article 12 sexies n’est applicable qu’aux organisations criminelles de l’article 416 du codice penale. En France, l’article 22525 du code pénal vise tout ou partie du patrimoine de l’auteur, sans exclue l’application de l’article 225-4-3 (concernant la circonstance aggravante de bande organisée). -Pour le blanchiment, nous savons que l’article 648 bis du codice penale a une portée moindre que l’article 324-1 du codice penale. Or, l’article 12 sexies ne vise que l’article 648 bis, à l’exclusion de l’article 648 ter, dont le champ d’application relève de notre délit général de blanchiment. -Concernant les associations de type mafieux, il convient de rapprocher le délit d’association de malfaiteurs français dans le cadre de cette comparaison, malgré la divergence conséquente (cf. supra). L’article 450-5 du code pénal prévoit que « les personnes physiques et morales reconnues coupables des infractions prévues au deuxième alinéa de l'article 450-1 et à l'article 321-6-1 encourent également la peine complémentaire de confiscation de tout ou partie des biens leur appartenant ou, sous réserve des droits du propriétaire de bonne foi, dont elles ont la libre disposition, quelle qu'en soit la nature, meubles ou immeubles, divis ou indivis ». -Il n’y a pas de difficultés à propos du délit de non justification de ressources et de l’article 12 quinquies, malgré leur divergence. Ils font tous deux l’objet d’une confiscation élargie.

-Concernant le trafic de stupéfiants, le droit français étend à l’alinéa 2 de l’article 222-49 « la confiscation de tout ou partie des biens du condamné ou, sous réserve des droits du propriétaire de bonne foi, dont il a la libre disposition, quelle qu'en soit la nature, meubles ou immeubles, divis ou indivis ». Presque un tiers des ressortissants italiens incarcérés en France l’est pour trafic de stupéfiants, pour lesquels est relevée une certaine proximité avec le « milieu » français.453 Il en va de même pour le droit italien qui vise le trafic de stupéfiants comme étant une infraction préalable à la mise en œuvre de l’article 12 sexies. Néanmoins, l’article 12 sexies a exclu l’application pour l’article 73 alinéas 5 (caso di lieve entità454) du D.P.R. n. 309/1990. 154.

Absence de lien avec l’infraction et confiscation élargie non commune.

Le droit italien vise des infractions préalables à l’article 12 sexies qui ne font pas

453 454

D’après le rapport du Sirasco de 2010. Circonstances atténuantes.

108


Partie 2 - Chapitre 1 – Instruments de confiscation communs

l’objet de dispositions spécifiques en droit français. Quand tel est le cas, il faut alors distinguer deux hypothèses : -soit l’infraction répond aux conditions de l’article 131-21 alinéa 5, auquel cas la confiscation du patrimoine du criminel sera tout de même possible. -soit l’infraction répond au moins aux dispositions du premier alinéa, permettant alors la mise en œuvre du « droit commun de la confiscation », limitée au patrimoine criminel. L’infraction d’immigration clandestine est concernée par cette première hypothèse. Elle est étendue aux dispositions de l’article 12 sexies de la loi n. 356/1992, permettant la confiscation facilitée du patrimoine de l’auteur de certaines infractions graves. Soulignons que l’article L. 622-1 du CESEDA prévoit une peine de cinq ans d’emprisonnement pour cette infraction, ce qui ouvre la répression aux dispositions de l’article 131-21 alinéa 5. Il n’est néanmoins pas possible par cette disposition de confisquer tout ou partie du patrimoine. La seconde hypothèse concerne le délit de contrebande, qui fait également l’objet d’une confiscation élargie uniquement en Italie. Or, il est réprimé d’une peine maximale de cinq ans d’emprisonnement seulement lorsque les faits de contrebande portent sur les biens à usage civil et militaire. Dans les autres cas, la mise en œuvre de l’article 131-21 alinéa 5 ne sera pas possible.

Figure 29 : Infractions pour lesquelles il y a une confiscation élargie en France ou en Italie455 FRANCE Proxénétisme Corruption de mineur Diffusion d’images pédopornographiques Fausse monnaie

155.

ITALIE Esclavage Extorsion Usure Recel Contrebande aggravée Contrefaçon

De la confiscation pénale à la confiscation de prévention. Malgré les

différences entre les instruments de confiscation italiens et français, il semble que les deux systèmes comparés dans le cadre de ce mémoirepermettent aux autorités judiciaires de bénéficier d’instruments confiscatoires équivalents en termes de répression. Il est néanmoins possible de parler d’équivalence seulement dans le cadre du procès pénal, car il existe en Italie des instruments originaux, qui permettent de confisquer le patrimoine mafieux, sans qu’une infraction n’ait forcément été commise.

455

Source : auteur.

109


Partie 2 - Chapitre 2 – Mesures de prévention patrimoniales

CHAPITRE 2 – Mesures de prévention patrimoniales 156.

« Agression patrimoniale ». Les mesures de prévention (misure di

prevenzione) se déclinent en mesures personnelles ou patrimoniales.456 Dans le premier cas, elles peuvent se matérialiser par la limitation de la liberté d’aller et venir de la personne qui en fait l’objet (sans pour autant aller jusqu’à l’emprisonnement de cette dernière).457 Si les mesures de prévention personnelle peuvent être particulièrement répressives, la sévérité des mesures patrimoniales ne doit pas être sous-estimée. Etant donné la gravité de ces mesures, il est nécessaire d’en analyser la mise en œuvre en Italie (Section 1) dans la mesure où il a déjà été question de leur applicabilité en France (section 2).

Section 1 Application des mesures de prévention en Italie 157.

Nouvelle clé de voûte de la lutte antimafia. Le droit italien des

confiscations est finalement articulé sur une approche par trois degrés de la confiscation : « a traditional conviction-based confiscation of assets derived from

the offence, a system of confiscation based on the alleviation of the burden of proof for convicted persons who cannot justify the origin of their assets and a preventive system of confiscation for assets in possession of persons belonging to mafia-type organizations, the latter being in force since the 1960’s ». 458 Les mesures de prévention constituent des instruments originaux en ce qu’elles n’ont pas d’équivalent en droit français.459 Elles sont articulées sur des conditions de fond (§1) et de forme (§2) particulières qu’il convient d’analyser, dans la mesure où elles semblent devenir la nouvelle clé de voûte de la lutte antimafia italienne.

456

Soulignons à titre anecdotique qu’il existe des mesures de prévention prévues par des lois spéciales, comme les mesures de prévention anti-violence lors des évènements sportifs, celles découlant de la consommation de stupéfiants, celle concernant les violences au sein du couple conjugal et celles relatives à l’expulsion/éloignement des étrangers considérés « dangereux ». Avec les mesures de prévention personnelles, elles ne feront pas l’objet de notre attention, dans la mesure où celles qui sont le plus utilisées en pratique et qui sont principalement appliquées dans le cadre de la lutte antimafia sont les seules mesures de prévention patrimoniales. 457 Pour approfondir, se reporter à VIGANO’ F., La neutralizazzione del delinquente pericoloso nell’ordinamento italiano, Rivista italiana di Diritto e Procedura Penale, Fasc. 4, ottobre-dicembre 2012, Giuffrè editore, p. 1348. 458 FATF-GAFI., Mutual evaluation report on anti-money laundering and combating the financing of terrorism : ITALY, 28 February 2006, p. 4. 459 MOGINI S., L'affaire Crisafulli : les mesures de confiscation préventives antimafia à l'épreuve des mécanismes de la coopération judiciaire internationale, Les Petites Affiches, 19 novembre 2004 n° 232, p. 6.

110


Partie 2 - Chapitre 2 – Mesures de prévention patrimoniales

§1 Originalité des mesures de prévention 158.

Intérêt des mesures de prévention. L’étude de leur mise en place permet

de comprendre les raisons de leur existence en droit italien (A) et de la particularité des conditions de mise en œuvre (B).

A. Raisons de l’existence des mesures de prévention 159.

Définition. Aujourd’hui, le régime des mesures de prévention patrimoniales

relève du décret législatif n. 159/2011.460 Les mesures de prévention patrimoniales figurent précisément aux articles 16 et suivants, dans le Titre II du Livre I du « codice antimafia », dont la réforme de 2011 est le pilier. 461 A défaut d’une définition législative, la doctrine considère que ce sont des « instruments limitatifs de la liberté ou des droits de propriété, que les autorités de police ou de justice, en dehors du cadre du procès pénal, appliquent par la mise en œuvre des conditions et procédures prévues par le droit positif. La fonction typique des mesures de prévention est de protéger la société des (et donc prévenir) risques d’atteinte à la sécurité commune par certaines personnes en raison de leurs modes de vie déviants et de leur patrimoine d’origine suspecte ». 462 Les mesures de prévention se distinguent ainsi des mesures de sûreté

463

parce qu’elles

n’interviennent pas dans le cadre du procès pénal, mais ante ou praeter delictum, c’est-à-dire en dehors de la détection d’un fait infractionnel. 160.

Origine contestable des mesures de prévention personnelles. Le décret

législatif de 2011 constitue une importante réforme du droit pénal italien. Outre la modification des mesures de prévention, il apporte d’importantes précisions quant au fonctionnement de l’Agenzia Nazionale des Beni Sequestrati e Confiscati, des

460

V. Annexe 6 : traduction du D. Lgs. 6 settembre 2011, n. 159.- Codice delle leggi antimafia e delle misure di prevenzione, nonché nuove disposizioni in materia di documentazione antimafia, a norma degli articoli 1 e 2 della legge 13 agosto 2010, n. 136 (G.U. n. 226 del 28 settembre 2011, Suppl. Ordinario, n. 214). 461 Pour approfondir, se reporter à MENDITTO F., Le luci e (molte) ombre del c.d. codice antimafia, Cass. pen. 2012, 03, p. 792. 462 « Le misure di prevenzione sono provvedimenti limitativi dei diritti di liberta e/o di patrimonio che le autorità di polizia e giudiziaria, al di fuori del procedimento penale, applicano sussistendo le condizioni e secondo le procedure stabilite dall’ordinamento. La funzione tipica delle misure di prevenzione è di tutelare la collettività dai (e quindi di prevenire i) rischi alla sicurezza comune che talune persone possono probocare in ragione delle loro condotte di vita devianti ed anche dei loro patrimoni di dubbia origine ». In BRIZZI F., PALAZZO P., PERDUCA A., Le nuove misure di prevenzione personali e patrimoniali dopo il codice antimafia (D. Lgs n. 159/2011), Maggioli editore, LegalePenale, 2012, p. 7. 463 L’article 202 du codice penale prévoit que les mesures de sécurité sont applicables, certes aux personnes socialement dangereuses, mais qui ont commis une infraction. Cela ne concerne dont pas les mesures de prévention patrimoniales.

111


Partie 2 - Chapitre 2 – Mesures de prévention patrimoniales

D.D.A. et D.I.A. (cf. supra). En ce sens, le décret législatif apporte des nouveautés de même ampleur que la loi du 9 juillet 2010 en France, en matière de confiscation, bien que les mesures de prévention ne puissent être rapprochées à aucune forme de confiscation de notre droit pénal. L’origine des mesures de prévention est néanmoins bien plus ancienne et remonte au XIXème siècle464 : il s’agit initialement de mesures uniquement personnelles permettant la punition, la surveillance spéciale de certains individus par les seules autorités de police. Elles visent à réguler le brigandage ainsi que la criminalité des vagabonds récidivistes.465 Soulignons à titre anecdotique que ces mesures encadraient les infractions sur lesquels portèrent les travaux de Cesare LOMBROSO, alors officier-médecin dans l’armée piémontaise466 sur la population calabraise à propos de « l’homme délinquant ».467 L’objectif des mesures personnelles est aujourd’hui de « limiter la liberté des personnes retenues dangereuses aux fins d’en faciliter la surveillance par les autorités publiques ».

468

Les

mesures

de

prévention

font

encore

l’objet

de

vives

contestations en raison de leurs effets redoutables : « il s’agit d’un instrument dans lequel les garanties pour la personne en faisant l’objet, sont réduites au minimum. C’est là le vrai visage des ‘’mesures de police’’ dans le droit positif italien, dont le lien très étroit avec le système pénal stricto sensu fait que les personnes dont la dangerosité est suspectée peuvent être soumises avec très peu de droits de défense à des mesures privatives ou drastiquement limitatives des droits fondamentaux.469 Cette référence à la dangerosité pour appliquer des mesures aussi sévères en dehors de la commission d’une infraction n’a pas d’équivalent en France : pour preuve l’article 131-36-12-1 de notre code pénal se réfère à cette notion pour mettre en œuvre la surveillance électronique d’une personne ayant été condamnée. Soulignons en ce sens que la notion de dangerosité sociale sur laquelle reposent les mesures de prévention découle des écrits de Enrico FERRI.470

464

Pour approfondir, se reporter à MOGINI S., L'affaire Crisafulli : les mesures de confiscation préventives antimafia à l'épreuve des mécanismes de la coopération judiciaire internationale, op. cit. 465 La loi dite « Pica » n. 1409/1863 introduit dans le droit pénal italien les délits de camorrismo, brigantaggio et de domicilio coatto. 466 De 1859 à 1865. 467 PALANO D., Il potere della moltitudine : l’invenzione dell’inconscio collettivo nella teoria politica e nelle scienze sociali italiane tra Otto e Novecento, Via e Pensiero, Milano, 2002, p. 74. 468 « Le misure di prevenzione nascono con l’obiettivo di limitare la libertà delle persone ritenute pericolose al fine di renderne più agevole la vigilanza da parte d’allautorità di pubblica sicurezza ». In MENDITTO F., Le misure di prevenzione personali e patrimoniali, op. cit., p. 280. 469 « Un procedimento, insomma, nel quale le garanzie per la persona proposta (e per i terzi eventualmente coinvolti) sono davvero ridotte al minimo. Questo è il volto reale del ‘’diritto di polizia’’ vigente nell’ordinamento italiano, i cui strettissimi legami con il sistema penale stricto sensu fanno sì che soggetti di cui si sospetta la pericolosità possano essere sottoposti, con pochissime garanzie di difesa, a misure privative o drasticamente limitative di diritti fondamentali ». VIGANO’ F., La neutralizazzione del delinquente pericoloso nell’ordinamento italiano, op. cit, p. 1351. 470 CIMINO G., LOMBARDO G-P., Sante de Sanctis tra psicologia generale e psicologia applicata, Collana di Storia della Psicologia, FrancoAngeli editore, 2004, Milano, p. 172.

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Partie 2 - Chapitre 2 – Mesures de prévention patrimoniales

161.

Droit positif. Ainsi, initialement les mesures de prévention sont uniquement

personnelles471 et ne concernent encore nullement le phénomène mafieux en 1956. Les mesures à portée patrimoniale apparaissent pour la première fois dans la loi n. 575/65 et visent pour la première fois le phénomène de la criminalité organisée.472 Il ne s’agit alors que d’une caution payée par les personnes suspectées d’appartenir à une organisation mafieuse473, intervenant toujours dans le cadre de la mesure personnelle. L’apparition des mesures de prévention patrimoniales est plus tardive, elles ne découlent que de l’importante loi ROGNONI – LA TORRE.474 Par l’adoption de cette loi historique (epocale)475, le législateur italien transforme la prevenzione en instrument de lutte contre le phénomène mafieux : « le contrôle de l’Etat ne porte donc plus uniquement sur la personne faisant l’objet de la mesure, mais sur le patrimoine de ce dernier, via l’attribution aux organes judiciaires d’un instrument d’investigation particulièrement pénétrant ».476 162.

Distinction avec les autres formes de confiscation. Ces mesures

confiscatoires sont particulières car elles ont pour finalité de décourager, rendre plus difficile la commission d’infractions. Elles n’ont pas une nature pénale mais la finalité de « neutraliser » la dangerosité sociale des personnes en faisant l’objet. Par rapport à la confiscation classique, la différence est évidente : rappelons qu’il est nécessaire que l’auteur ait été condamné pour la commission d’une infraction. Sont alors confiscables les biens en lien avec l’infraction. La confiscation élargie est « élargie » en ce sens qu’il s’agit d’une présomption d’origine illicite des biens visés. Elle se rapproche des mesures de prévention en ce qu’elles sont articulées sur la disproportion entre la disponibilité des biens par rapport au revenu déclaré (sproporzione, cf. infra). Néanmoins, les mesures de prévention n’interviennent pas nécessairement après la commission d’un fait infractionnel. Une autre différence est révélée par l’utilisation d’une terminologie différente pour qualifier le prévenu : il ne s’agira plus de l’inculpé (imputato) 477 mais du proposto, c’est-à-dire 471

Loi du 27 décembre 1956, n. 1423, intitulée « Misure di prevenzione nei confronti delle persone pericolose e per la moralità pubblica ». 472 Loi du 31 mai 1965, n. 575 sur les « Disposizioni contro la mafia ». 473 Remarquons qu’à cette époque le délit d’association de type mafieux n’existe pas encore. 474 Il s’agit de la célèbre loi du 13 septembre 1982, n. 646 introduisant l’article 416 bis dans le codice penale, intitulée « Disposizioni in materia di misure di prevenzione di carattere patrimoniale ». Cf. supra. 475 Expression utilisée à propos de la loi ROGNONI – LA TORRE par divers ouvrages : BRIZZI F., PALAZZO P., PERDUCA A., Le nuove misure di prevenzione personali e patrimoniali dopo il codice antimafia (D. Lgs n. 159/2011), Maggioli editore, 2012, p 9. CURIONE S., Confische penali e tutela dei terzi : aggiornato alla legge 31 marzo 2010, n. 50 e alla legge 29 luglio 2010, n. 120, Giuridica editrice, Collana Scie di Diritto e Procedura Penale, 2011, p. 115. 476 « Il controllo dello Stato si dipana non più soltanto sulla persona dell’indiziato bensì anche sul suo patrimonio, mediante l’attribuzione agli organi giudiziari di un notevole e particolarmente penetrante strumento investigativo ». In CURIONE S., Confische penali e tutela dei terzi, Ibid., p. 114. 477 Notion qui par ailleurs n’est pas employée par le droit français.

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Partie 2 - Chapitre 2 – Mesures de prévention patrimoniales

de la personne pour laquelle est proposée l’application de la mesure de prévention patrimoniale. « Finalement, l’objet, la finalité et la structure convergent, dans le sens que cet instrument est modulé en fonction d’un niveau probatoire plus bas par rapport au niveau probatoire requis pour engager la responsabilité pénale. Se dégage ainsi un choix de politique criminelle prévoyant deux rails dans la lutte à la criminalité organisée (…) ».478

Figure 30 : Double-rail dans le cadre du procès pénal et de la prevenzione en Italie479 Procès pénal Confiscation classique : biens qui ont servi/destinés à commettre l’infraction Confiscation élargie : présomption de lien entre le bien et l’infraction

Procès de prevenzione Aucun lien avec la commission d’une éventuelle infraction mais fondement sur la dangerosité sociale du proposto (cf. infra)

B. Conditions de mise en oeuvre 163.

Les conditions posées par l’article 24480 du décret législatif. Pour que

soient mises en œuvre les mesures de prévention patrimoniales, bien qu’il ne soit pas nécessaire qu’une infraction ait été commise par le proposto, certaines conditions doivent être remplies. L’alinéa 1 dispose que « le tribunal décide la confiscation des biens saisis à la personne à l’encontre de laquelle est menée la procédure, dont elle résulte, même par personne interposée physique ou morale, être propriétaire ou avoir la disponibilité à quelque titre que ce soit ; et ne peut justifier l’origine licite de valeur disproportionnée par rapport aux revenus qu’elle a déclarés aux fins d’imposition ou à sa propre activité économique, mais encore des biens qui résultent être le fruit d’une activité illicite ou en constituent le réinvestissement (reimpiego) ».

Découlent de cet article des conditions objectives : - le proposto justifie l’origine licite des biens dont il est propriétaire ou a la disponibilité de valeurs disproportionnées par rapport à son revenu. 478

« In definitiva oggetto, finalità e struttura convergono nel senso che il sottosistema in esame è modulato in funzione di un livello probatorio più basso rispetto al livello probatorio richiesto per la affermazione di responsabilità in sede penale. Si delinea così una scelta di politica criminale che prevede due binari paralleli di contrasto nei confronti della criminalità organizzata. » In VINCENTI C., Relazione su standard probatori del sequestro e della confisca nel procedimento di prevenzione. Incontro di studio su ‘’i patrimoni illeciti : strumenti investigativi e processuali. Il coordinamento tra il processo penale e di prevenzione’’, Roma, 4-6 marzo 2009. 479 Source : auteur. 480 L’article 24 du décret législatif constitue la dernière des nombreuses modifications apportées aux articles 2-bis et 2-ter de la loi 575/1965.

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Partie 2 - Chapitre 2 – Mesures de prévention patrimoniales

- le proposto est propriétaire ou a la disponibilité de biens qui résultent être le fruit d’une activité illicite ou en constituent le réinvestissement.

A ces conditions objetives, s’ajoute une condition subjective : -il faut déterminer la dangerosité sociale du proposto.481

164.

Le proposto justifie l’origine licite des biens… Depuis la réforme de 2011,

les mesures de prévention patrimoniales opèrent un partagent la charge de la preuve entre le proposto et le parquet : sous l’égide des réformes précédentes, il s’agissait uniquement de la faculté donnée au proposto de fournir des documents dans le cadre de sa défense.482 Aujourd’hui, la preuve par le proposto de l’origine licite des biens est une condition capitale sur laquelle repose sa défense : elle empêche la confiscation de ces derniers et fait tomber toute la procédure de prévention. En raison de l’impact de cette condition sur la procédure,

la

jurisprudence de la corte di cassazione à « adopté jusqu’ici une interprétation sévère du fondement probatoire de l’origine licite ».483 La référence à l’origine illicite des biens distingue la disposition de celle de l’article 12 sexies : pour ce dernier, une telle prévision n’est pas nécessaire puisqu’il intervient en aval de la commission d’une infraction.

481

« Ainsi, la condition requise pour l’applicabilité d’une mesure de prévention est l’existence de la dangerosité sociale du proposto, prouvée de manière définitive par voie judiciaire (…) La probabilité de la future commission d’infraction est appréciée par des éléments objectivement vérifiables ». Cass. Pen. Sez. I, sent. 35651, 30 settembre 2011. In BRIZZI F., PALAZZO P., PERDUCA A., Le nuove misure di prevenzione personali e patrimoniali, Ibid, p. 23. 482 MENDITTO F., Le misure di prevenzione personali e patrimoniali, Ibid, p. 327. 483 BRIZZI F., PALAZZO P., PERDUCA A., Le nuove misure di prevenzione personali e patrimoniali, Ibid, p. 72.

115


Partie 2 - Chapitre 2 – Mesures de prévention patrimoniales

Figure 31 : Partage de la charge de la preuve entre le proposto et l’autorité poursuivante484

Origine licite du bien

Preuve par le proposto

Propriété, Disponibilité, Personne interposée

Dangerosité sociale

Disproportion

Activité illicite

Fruit

165.

Preuve par l’autorité poursuivante

Réinvestissement

…Dont il est propriétaire ou a la disponibilité... La confiscation dans le

cadre de la prévention est possible pour les biens dont le proposto est le propriétaire, ou dont il a la disponibilité. Cette dernière notion a une portée particulièrement large : elle renvoit aux biens dont il a la libre disposition. Or, la prise en compte de la disponibilité « à quelque titre que ce soit », même par « personne interposée » permet d’englober toutes les techniques visant à sortir les biens du patrimoine de la personne menacée par la confiscation préventive. Le droit italien permet ainsi de viser les biens dont le proposto a la disponibilité directe ou indirecte.485 166.

…De valeur disproportionnée par rapport à son revenu déclaré ou à sa

propre activité économique… L’autorité poursuivant doit prouver la disproportion entre la propriété, la disponibilité, même par personne interposée, des biens par rapport : - au salaire que le proposto a déclaré aux fins d’imposition. - la propre activité économique : soulignons que par cette formule, le législateur ne restreint pas l’analyse de la disproportion aux activités salariales mais englobe également les autres types de revenus découlant d’une activité professionnelle qui ne seraient pas soumis à imposition. 484 485

Source : auteur. Article 20 du décret législatif n. 159 de 2011.

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Partie 2 - Chapitre 2 – Mesures de prévention patrimoniales

Avant la réforme de 2011, la disproportion était établie entre le niveau de vie du

proposto et le revenu déclaré. L’une des nouveautés principales du décret législatif 159/2011 a justement été de ne plus prendre en considération le niveau de vie, notion globale, mais la disproportion de chaque bien, pris individuellement, par rapport au revenu du proposto.

486

La condition de disproportion de la

propriété/possession des biens, certifiés être d’origine illicite permet aux mesures de prévention de ne pas porter atteinte aux principes constitutionnels (cf.

infra). La disproportion ne concerne que le moment de l’acquisition desdits biens, c’est-à-dire la mise en parallèle entre le revenu gagné au moment de l’entrée en propriété/possession.487 167.

…Mais encore des biens qui résultent être le fruit d’une activité illicite

ou en constituent le réinvestissement (reimpiego). L’autorité poursuivante peut, plutôt que d’analyser la disproportion, prouver que le bien sujet à confiscation préventive est le fruit d’une activité illicite ou en constitue le réinvestissement (reimpiego). Cette disposition permet d’élargir le champ de la répression des délits de blanchiment italiens et de confisquer à titre préventif lesdits biens. Les fruits (frutti) de l’infraction découlent directement de l’infraction commise, c’est-à-dire les choses créées, transformées, ou acquises par le biais de l’infraction. Le réinvestissement (reimpiego) concerne les cas où le lien serait indirect entre les biens et l’infraction. Ainsi en Italie, « la prevenzione est aujourd’hui l’unique instrument juridiquement en mesure de réprimer le phénomène de l’autoblanchiment ne constituant pas encore une infraction autonome malgré les recommandations européennes et internationales ».488

168.

Dangerosité sociale du proposto. Cette condition relève de la dangerosité

sociale du proposto et non de son patrimoine.489 Pour être mises en œuvre, les mesures de prévention patrimoniales nécessitent que soit prouvée la dangerosité sociale de la personne qui en fait l’objet. La notion juridique de dangerosité sociale apparaît dans le titre relatif aux mesures de sécurité.490 Or, les mesures de

486

Cass. Pen. Sez. I., 5 luglio 2012, n. 26134. BRIZZI F., CAPECCHI G., FICHERA G., Misure di prevenzione patrimoniali e tutela dei terzi, G. Giappichelli editore, Diritto e professione, 2013, p. 77. 488 « Si badi, peraltro, che la prevenzione è l’unico strumento giuridico attualmente idoneo a colpire il fenomeno dell’autoriciclaggio, tuttora esente da autonoma incriminabilità nonostante le raccomandazioni europee ed internazionali in senso contrario ». In BRIZZI F., CAPECCHI G., FICHERA G., Misure di prevenzione patrimoniali e tutela dei terzi, Ibid, p. 80. 489 MONTARULI V., Dalla pericolosità sociale individuale alla pericolosità del patrimonio : i nuovi orizzonti nel contrasto al crimine organizzato dopo la stagione delle riforme sulla scienza pubblica », Seminario di Studio, Corte di Appello di Bari, 5-6 maggio 2011, U.D.A.I. 490 « Sanctions pénales qui s’appliquent à ceux qui ont commis une infraction quand la personne est socialement dangereuse au sens des articles 202 et 203 du codice penale, c’est-à-dire quand il est 487

117


Partie 2 - Chapitre 2 – Mesures de prévention patrimoniales

prévention ne sont ni des mesures de sûreté (misure cautelari, cf. supra), ni des mesures de sécurité (misure di sicurezza, cf. supra). Si cela est évident pour les premières, la réponse est sans équivoque pour les secondes en ce qu’il s’agit de prévenir l’infraction plutôt que de la réprimer dans le cadre des mesures de prévention. Il ne faut alors pas se méprendre : la notion de dangerosité sociale du

codice penale diverge de celle relevant de la prevenzione.491 Ainsi, la dangerosité sociale de la prevenzione peut être définie comme « la raisonnable probabilité que la personne accomplisse des activités illicites et/ou antisociales de sorte à rendre nécessaire une répression proportionnée par les autorités, aux fins d’empêcher ou au moins limiter les risques et préjudices causés à la collectivité ».492 Le décret législatif 159/2011 prend en compte divers degrés de dangerosité : générique et qualifiée ; c’est dans cette dernière que s’inscrit la dangerosité de type mafieux. Précisément, l’article 4 alinéa 1 a) du décret législatif 159/2011 envisage ce dernier cas.493

§2 Mise en œuvre des mesures de prévention : study case 169.

Originalité procédurale. Les mesures de prévention font l’objet d’une

procédure particulière donnant lieu à une portée patrimoniale plus étendue494 à disposition des enquêteurs par rapport au procedimento penale étudié plus haut (A). Cette portée amplifiée conduit à étudier leur mise en oeuvre (B).

A. Portée patrimoniale étendue 170.

Acteurs de la misura di prevenzione. Les autorités pouvant être à l’origine

de la mesure de la proposition de mise en œuvre d’une mesure de prévention sont énumérées par l’article 17 du décret législatif de 2011. Il s’agit du procureur de la probable qu’elle commette de nouvelles infractions ». In BRIZZI F., PALAZZO P., PERDUCA A., Le nuove misure di prevenzione personali e patrimoniali, Ibid, p. 24. 491 En effet, l’article 203 du codice penale, définissant la dangerosité sociale diverge de la dangerosité sociale relevant de la mesure de prévention en ce qu’il est applicable seulement dans les cas où « les personnes socialement dangereuses ont commis un fait prévu par la loi en tant qu’infraction ». 492 « La pericolosità richiesta per l’applicazione delle misure di prevenzione puo’ dunque essere definita come ragionevole probabilità che la persona compia attività illeite e/o antisociali sì da rendere necessaria una proporzionata risposta da parte delle autorità al fine di impedire o quantomeno limitare i rischi e danni alla colletività ». In BRIZZI F., PALAZZO P., PERDUCA A. Le nuove misure di prevenzione personali e patrimoniali, Ibid, p. 23. 493 GRANDE L., « Analisi del procedimento per l‟applicazione di misure di prevenzione agli indiziati d‟appartenere ad associazioni ex art. 416-bis c.p., con particolare attenzione alle misure di tipo patrimoniale », Tesi di Laurea (relatore : P. FERRUA), 2012, Università degli studi di Torino. 494 Mais pas forcément de pouvoirs plus amples puisque les enquêteurs ne peuvent pas, par exemple mettre en œuvre d’écoutes téléphoniques.

118


Partie 2 - Chapitre 2 – Mesures de prévention patrimoniales

République du chef-lieu où demeure la personne concernée. Sont encore compétents le procuratore distrettuale/circondariale antimafia, le questore495, le

direttore della Direzione Investigativa Antimafia.496 Les personnes qui peuvent faire l’objet des mesures de prévention patrimoniales sont celles dont la dangerosité sociale est notamment qualifiée pourdes faits de criminalité commune grave de type mafieux ou non mafieux.497 Soulignons que la mesure de prévention peut également s’appliquer au patrimoine des personnes décédées en cours de procédure, voir même avant que la procédure n’ait été initiée, ce qui n’est pas possible dans le cadre du procès pénal italien. Dans ce dernier cas, la procédure de confiscation sera menée à l’encontre des ayants-droit.498

171.

Enquête patrimoniale étendue. Pour aboutir à la confiscation préventive, il

est nécessaire d’adapter les enquêtes de police. Elles sont orientées vers la consistance du patrimoine du proposto et sont qualifiées à ce titre d’enquêtes économico-patrimoniales. Elles sont comparables dans une certaine mesure aux « mises en état patrimoniales » dites encore « côtes patrimoniales » qui nécessitent d’après les spécialistes « une réforme d’envergure » en France.499 Les dispositions de l’article 19 du décret législatif 159/2011 amplifient de manière conséquente les pouvoirs des autorités de poursuite : elles peuvent enquêter sur le « sur le mode de vie, sur les disponibilités financières et sur le patrimoine »500, mais encore sur l’existence « de licences, d’autorisations, de concessions, ou d’habilitations à l’exercice d’activités entreprenariales et commerciales, y compris les inscriptions à des registres professionnels, s’ils bénéficient de subventions, financements ou prêts à des taux préférentiels ou tout autre avantage en tous les cas concédé ou attribué par l’Etat, les collectivités publiques ou l’Union européenne ». 501 Les pouvoirs des enquêteurs sont amplifiés, en ce sens qu’ils « peuvent requêrir, directement ou par le biais d’officiers, ou agents de police judiciaire, à chaque bureau de l’administration publique, à chaque établissement bancaire, ainsi qu’aux entreprises, sociétés et instituts de n’importe quelle forme, des informations et copies de la documentation retenue utile aux fins de l’enquête ». 495

Le questore est un haut fonctionnaire de la Polizia di Stato, comparable dans une certaine mesure au préfet de police en France. 496 MAUGERI A-M., La riforma delle sanzioni patrimoniali : verso un action in rem ? www.lex.unict.it 497 Article 4.1. lettres a), b), h) du décret législatif 159/2011. 498 MENDITTO F., La confisca di prevenzione nei confronti del ‘morto’. Un non liquet della corte costituzionale, con rinvio a interpretazioni costituzionalmente orientate, commento a Corte. Cost. 9 febbraio 2012, n. 21, Pres. Quaranta Rel. Lattanzi, Milano, 2012. www.dirittopenaleconteporaneo.it 499 CAMOUS E., COTELLE G., La mise en état patrimoniale des affaires pénales La mise en état patrimoniale des affaires pénales, op. cit. 500 Article 19, alinéa 1 du décret législatif 159/2011. 501 Article 19, alinéa 2 du décret législatif 159/2011.

119


Partie 2 - Chapitre 2 – Mesures de prévention patrimoniales

Study case : Monsieur N502

Au début de janvier 2013, a été proposée à l’encontre de Monsieur N, peintre en bâtiment, la confiscation préventive de son patrimoine. Il convient d’analyser cette affaire dans la mesure où elle constitue un exemple typique de la mesure de prévention et a par ailleurs débouché sur la décision de confiscation en première instance le 22 mai 2013. Dans cette affaire, le parquet de Turin a demandé la mise en œuvre de la mesure de prévention personnelle pour une durée de cinq ans de Monsieur N, ainsi que la confiscation (dans le cadre de la mesure de prévention patrimoniale) des biens meubles et immeubles dont il a la propriété et la possession (certains étant la propriété de sa concubine ou de ses enfants). Le proposto, est le propriétaire et a la libre disposition d’un patrimoine particulièrement important, constitué de plus de 16 immeubles et de comptes en banque ouverts en Italie et en Suisse (environ 1 million d’euros). Il ne semble pas travailler autant qu’il le revendique, à la lueur des enquêtes menées par la Guardia di finanza et du ROS. Ses fonds proviennent principalement d’une escroquerie commise en 1992, d’un trafic de stupéfiants (pour lequel il est tout de même relaxé) puis pour un trafic de stupéfiants entre 2006 et 2009 depuis la Colombie, pour lequel il est actuellement détenu.

172.

Saisies amplifiées. Les dispositions des articles 20 et 22 du décret

législatif prévoient des systèmes de saisie du patrimoine du proposto qui n’existent pas dans le cadre du procès pénal. Il existe, dans le cadre des mesures de prévention, les saisies ordinaires, saisies anticipées (sequestro anticipato), ou dans des cas considérés d’urgence. La mise en œuvre de cet instrument est facultative.503 Il convient de ranger la saisie préventive dans la catégorie des mesures de sûreté (misure cautelari reali).504 D’après la doctrine, l’existence de trois formes de saisies préventives répond à la nécessité de prendre en compte trois degrés differents de risque de voir les biens dissipés avant le jugement. La saisie ordinaire couvre le risque de voir les biens dissipés par des tiers ayant connaissance de la mise en œuvre de la procédure de prévention. La saisie dite « anticipée » est celle qui est le plus fréquemment mise en œuvre : elle vise le risque « concret » de la dissipation découlant de circonstances de fait connues par l’autorité poursuivante. La saisie d’urgence, in fine, anticipe le risque de dissipation connu de l’autorité poursuivante postérieurement à la proposition de prévention.505 Quelque soit le type de saisie, dès lors que celle-ci est mise en œuvre par l’autorité de poursuite, la juridiction compétente se réunit pour valider ou non la saisie des biens.

502

Source : stage effectué au parquet de Turin, auprès du procureur de la République adjoint Alberto PERDUCA dans le cadre du Master 2 « Lutte contre la criminalité financière et organisée », janvier-mars 2013. 503 Le défaut de mise en œuvre ne préjudicie, juridiquement, en rien à la confiscation préventive. Cass. Sez. U. 13 dicembre 2000, n. 36. 504 Corte. Cost. Sent. 465/93, n. 41153/10. 505 MENDITTO F., Le misure di prevenzione personali e patrimoniali, Ibid, p. 405.

120


Partie 2 - Chapitre 2 – Mesures de prévention patrimoniales

A la suite d’enquêtes menées par le ROS506 et de la DDA507 de Turin, les Carabinieri procèdent à la saisie anticipée (sequestro anticipato) de plus de 16 immeuble : maisons, garages, situés en Calabre et dans la Vallée d’Aoste pour une valeur approximative de 700.000 euros, à laquelle s’ajoute celle de comptes courants (en Italie et en Suisse) d’une valeur d’environ 200.000 euros ; le tout appartenant à Monsieur N et aux membres de sa famille. La saisie anticipée des biens est validée par le Tribunal d’Aoste le 8 janvier 2013.

173.

Propriété ou disponibilité des biens. Les enquêtes sont étendues au

patrimoine des autres membres de la famille du proposto.508 Précisément, elles peuvent être menées « même à l’encontre du conjoint, des enfants et de ceux qui, dans les cinq dernières années ont cohabité avec le proposto (…), mais également à l’encontre des personnes physiques ou morales, sociétés, entreprises, ou associations dont le patrimoine est à disposition de ces mêmes sujets, en tout ou partie, directement ou indirectement. La confiscation découlant de la mesure de prévention peut s’étendre sur le patrimoine des autres membres de la famille du

proposto. La disponibilité directe renvoit aux cas où la propriété ainsi que la possession relèvent du proposto. La disponibilité indirecte concerne quant à elle les cas où le bien appartient juridiquement à autrui, en possession (au sens du droit civil) de la personne faisant l’objet de la procédure de prévention. La disponibilité, au sens du droit pénal italien recouvre ainsi un champ très ample, allant de la propriété du bien au transfert fictif de cette dernière en continuant à en être le possesseur.509 Dans la disponibilité indirecte, afin que le bien ne soit pas l’objet d’une confiscation, les tiers à la procédure510 de prevenzione doivent 1) apporter la preuve de leur droit de propriété 2) de leur bonne foi 3) la légitimité du transfert de propriété/possession.511 Parallèlement à la mesure de prévention, les membres de la famille de la personne poursuivie font l’objet de poursuites du chef de blanchiment. Ils ont la faculté d’être représentés par un avocat dans la procédure de prévention. En effet, cela leur est possible en vertu des dispositions de l’article 100 du codice di procedura penale. Malgré leur situation professionnelle précaire, les enfants du proposto sont propriétaires de plusieurs immeubles et de comptes en Suisse d’un montant non négligeable. Ils ont contracté divers prêts remboursés par le proposto.

174.

Présomption de transfert fictif de propriété. Il faut noter que l’article

26 du décret législatif 159/2011 pose une présomption simple de transfert fictif 506

Raggrupamento Operativo Speciale (cf. supra). Direzione Distrettuale Antimafia (cf. supra). 508 Article 19 alinéa 3 du décret législatif 159/2011. 509 MENDITTO F., Le misure di prevenzinoe personali e patrimoniali, Ibid, p. 310. 510 L’extension des mesures de prévention patrimoniales aux disponibilités indirectes se justifie par la volonté d’éviter que les tiers ne permettent une élusion du patrimoine, en se réclamant fictivement être créditeurs du proposto, par exemple. Pour approfondir, se reporter à MENDITTO F., Le nuove misure di prevenzione personali e patrimoniali, Ibid, p. 549. 511 BRIZZI F., CAPECCHI G., FICHERA G., Misure di prevenzione patrimoniali e tutela dei terzi, Ibid, p. 69. 507

121


Partie 2 - Chapitre 2 – Mesures de prévention patrimoniales

de propriété/possession dans le cercle familial, donc plus étendue que l’article 12

quinquies étudié plus haut. La présomption concerne : - Les transferts, même à titre onéreux, effectués dans les deux années précédant la proposition de prévention à l’encontre des ascendants ou descendants, de l’époux ou de la personne cohabitant de manière durable, les membres de la famille jusqu’au sixième degré et les cousins jusqu’au quatrième degré.

- Les transferts à titre gratuit ou fiduciaire, effectués dans les deux années précédent la proposition de la mesure de prévention. Figure 32 : Transfert fictif de propriété par Monsieur N512

Belle-soeur

104.000.000£

Centre de lavage auto

Tiers

Entrepôt

Proposto

Enfants du proposto

En 1999, il apparaît de la documentation recueillie par les enquêteurs que le proposto Monsieur N remet à sa belle-sœur 104.000.000 de lires italiennes en liquide (soit environ 53.000 euros), qu’elle utilise pour acquérir un centre de lavage d’automobiles. Quelques mois plus tard, elle échange ce bien avec l’entrepôt d’une autre personne dont elle fera don postérieurement aux enfants du proposto. Les dispositions de l’article 26 du décret législatif ont permis la confiscation de l’entrepôt, qui ne semble être que le résultat découlant d’une opération de blanchiment.

B. Preuve des conditions d’application 175.

Preuve de l’origine licite des biens. La défense du proposto est orientée à

prouver l’origine licite des biens, mais doit également dans un second temps tenter d’avancer des preuves contraires à celles avancées pour déterminer sa dangerosité sociale et même la disproportion de ses biens (cf. infra). Concernant la première condition, les avocats justifient dans leurs conclusions l’achat de tous les biens menacés par la confiscation. Monsieur N tente de prouver que la propriété/libre disposition du bien est acquise de manière exceptionnelle et que la preuve de cette dernière ne peut plus en être rapportée. D’après les conclusions des avocats, les achats immobiliers ainsi que les importantes sommes en banque seraient le fruit des « économies de toute une vie », du travail non déclaré ou des jeux de hasard.

512

Source : auteur.

122


Partie 2 - Chapitre 2 – Mesures de prévention patrimoniales

Soulignons que les quelques factures émises, rapportées par le proposto comme moyen de preuve semblent être fausses. Il est en mesure de produire seulement une dizaine de factures peu fiables ; dont le numéro d’immatriculation est parfois identique alors que le montant et la date varient… Le débat porte encore sur les factures reçues par le proposto ; les cadeaux de mariage reçus par sa fille avoisineraient les 40.000 euros (tradition calabraise d’offrir des enveloppes contenant de l’argent liquide, lors du mariage étaient présentes environ 300 personnes). Or, les seuls frais de célébration s’élèvent à environ 20.000 euro. L’ancien employeur du proposto a pourtant déclaré toute leur activité l’administration fiscale, la période de travail au noir ne s’étend ainsi que sur quelques années (il est devenu travailleur indépendant au début des années 2000).

Il se trouve néanmoins que la corte di cassazione est particulièrement sévère concernant les moyens de preuve513 : la jurisprudence est constante sur le rejet de la preuve de la perception d’un revenu issu d’une activité non déclarée, qui constitue « la solution de facilité, vouée à faire écran entre le bien et l’illicéité de son origine ».514 Concernant les jeux de hasard, elle rejette de la même manière un tel moyen de preuve dès lors qu’il s’agit d’un titre au porteur.515

176.

Preuve de la disproportion. La preuve de la disproportion est apportée par

l’autorité poursuivante et prévaut à défaut de l’origine licite du bien en question. Il est cependant courant que les avocats, s’appuient dans leurs conclusions sur la opeuve de la proportionnalité de la propriété/disponibilité. L’acquisition justifiée du bien par rapport au revenu du proposto se cumule renforce la preuve de l’origine licite de ce dernier. Une telle condition implique ainsi en pratique, par les autorités italiennes, une mise en état patrimoniale approfondie, notamment en se fondant par exemple sur des données statistiques données par l’ISTAT516, par une étroite collaboration avec les établissements bancaires ou encore l’Agenzia delle

Entrate.517 Dans l’affaire concernant Monsieur N, les tableaux représentés ci-dessous sont un exemple de la méthode d’analyse de la disproportion du revenu du proposto par rapport aux biens qu’il a acquis. Il découle des interceptions téléphoniques à disposition des enquêteurs que pendant quelques années, le proposto était sans activité. Quoi qu’il en soit, admettre qu’il « travaillait sans relâches », ne fait qu’augmenter l’évidente disproportion avec son train de vie : si l’on compare les revenus avec les données de l’ISTAT, il apparaît pour la plupart des années ayant fait l’objet d’une déclaration, 513

BRIZZI F., CAPECCHI G., FICHERA G., Misure di prevenzione patrimoniali e tutela dei terzi, op. cit., p. 79. 514 « Il giudice di legittimità non manifestava incertezza nel condividere quanto affermato dal giudice di merito che ha in particolare rilevato come l’ammissione fatta dal ricorrente di avere sottratto redditi all’imposizione fiscale rappresenti una soluzione di comodo, volta ad evitare il collegamento fra la disponibilità di ingenti somme di danaro e l’attività criminosa da lui svolta ». Commento di Cass. Pen. Sez. I, 26 aprile 2010, n. 16198. BRIZZI F., CAPECCHI G., FICHERA G., Misure di prevenzione patrimoniali e tutela dei terzi, op. cit., p. 74. 515 Cass. Pen. Sez. I, 29 settembre 2012, n. 10398. 516 Istituto Nazionale di Statistica, équivalent de l’INSEE en France. 517 Administration fiscale italienne.

123


Partie 2 - Chapitre 2 – Mesures de prévention patrimoniales

que la famille du proposto menait un train de vie largement disproportionné par rapport à ses moyens. La famille N disposait régulièrement d’importantes sommes d’argent en liquide, le proposto voyageait avec fréquence entre l’Italie, l’Espagne et la Colombie. Pour preuve, notamment le 23 août 2007 lui sont dérobés 60500 euros en liquide, certifiés provenir d’un trafic de stupéfiants, contenus dans une sacoche alors qu’il se trouve en Espagne. En 2009, lors d’une perquisition précédant son arrestation, son trouvés à son domicile 7000 euros en liquide.

Figure 33.1 : Méthode d’évaluation de la disproportion utilisée par les autorités italiennes518

Année

2005 2006 2007 2008 2009

A

B

C

D

Revenu - Charges familiales

Ventes et autres entrées dans le patrimoine

Achats et autres sorties du patrimoine

(A+B-C) = D

€ -31.170

€ 5.000 (Terrain)

€ -36.170

€ -9.846

€ 6.000 (Immeuble)

€ -15.846

€ 11.473,20

€ 107.500 (Immeuble) € 190.000 (Prêt)

€ -96.029,80

€ 244

€ 244

€ -6420

€ - 6.420

- La colonne A relève la différence entre le revenu et les charges familiales supportées au cours de l’année. - La colonne B l’entrée de fonds dans le patrimoine du proposto, ce qui n’est pas le cas dans les cinq dernières années pour le proposto. - La colonne C représente les sorties de fonds du patrimoine, aux fins d’investissement. Nous constatons dans l’exemple que le proposto à procédé à l’achat d’un terrain et de plusieurs autres immeubles. - La colonne D, relève une éventuelle disproportion dans les cas où le résultat est inférieur ou égal à zéro, en l’espèce en 2007 notamment.

Figure 33.2 : Revenu déclaré par le proposto et les membres de sa famille aux fins d’imposition519

2005 2006 2007 2008 2009

N.G. Proposto

M.F. Epouse

€0

520

N.A. Enfant 1

€ 5.996 € 8.423

€ 442

€ 308

N.K. Enfant 2

N.V. Enfant 3

N.F. Enfant 4

Total familial

€0

€0

€ 9.356

€0

€ 8.362

€ 23.714

€ 15.253

€0

€ 18.222

€ 43.648

€0

€ 5.395

€ 308

€ 5.557

€ 19.574

€ 30.834

€ 1.356

€ 308

€ 3.227

€ 19.965

€ 24.856

518

Source : Stage effectué au parquet de Turin de janvier à mars 2013 dans le cadre du Master 2 « Lutte contre la criminalité financière et organisée » (CETFI), auprès de BRIZZI Ferdinando, PALAZZO Paolo, PERDUCA Alberto. 519 Source : Idem. 520 Aucune déclaration présentée.

124


Partie 2 - Chapitre 2 – Mesures de prévention patrimoniales

Ce second tableau permet de synthétiser les déclarations de revenus par le proposto (N.G.) de son épouse (M.F.) ainsi que de leurs enfants (N.A., N.K., N.V., N.F.). À la lecture de ces deux tableaux, mis en parallèle avec les antécédents judiciaires et les interceptions téléphoniques concernant le proposto, il semble que les biens immobiliers acquis en 2007 par Monsieur N soient manifestement disproportionnés par rapport au revenu qu’il a déclaré. Il est probable que cet achat découle plutôt des infractions commises quelques années auparavant.

177.

Preuve de la dangerosité. Il est exclu que la dangerosité sociale soit

fondée sur « des suspicions, conjectures et ou fausses déductions, l’indice est toujours fondé sur des faits concrets ».521 Les effets sont très importants : la condition de dangerosité sociale « rend suffisante aux fins d’application de la mesure de prévention, l’existence de simples indices, sans qu’ils doivent nécessairement revêtir la gravité, la précision et la concordance que le codice rend indispensable pour prononcer la culpabilité ».522 Il n’est aujourd’hui nécessaire de prouver l’actualité de la dangerosité que dans le cadre des mesures de prévention personnelles.523 Pour les mesures patrimoniales, la dangerosité sociale de type qualifié est présumée à moins que le proposto ne réussisse à prouver qu’il n’est pas affilié à un clan mafieux. Dans les autres cas, l’actualité de la dangerosité implique que celle-ci doit reposer sur des faits récents ; faute de quoi la mesure de prévention perdrait tout son sens puisqu’il faut encore que cette dernière existe encore pour qu’elle soit neutralisée. Il n’est donc pas possible de se fonder sur des faits anciens « à moins qu’ils constituent un indice univoque de la persistence du comportement déviant ».524 Soulignons encore qu’il est possible de qualifier la dangerosité sociale du proposto en détention dès lors que les faits sont relativement récents.525 Dans l’exemple de Monsieur N, la dangerosité sociale du proposto était qualifiée de type mafieux. Elle est prouvée par les éléments de preuve recueillis à sa charge à l’occasion d’autres poursuites. La dangerosité apparaît des années 1980 jusqu’à l’arrestation du proposto, en contact constant avec des individus condamnés pour trafic de stupéfiant, co-auteurs d’escroqueries. Ressort des interceptions téléphoniques l’emploi de messages codés : ‘’manger/préparer le tiramisù’’ correspondait à la préparation des stupéfiants avant d’être vendus.

521

Cass. Sez. I, 22 giugno 1987 In PIGNATONE G., Il modello italiano di contrasto ai patrimoni illeciti : strumenti penali, strymenti di prevenzione, problematiche processuali. La recente riforma delle misure di prevenzione : criticità e prospettive di applicazione, Consiglio Superiore della Magistratura, Roma, 27 gennaio 2010. 522 « È sufficiente ai fini dell’applicazione della misura di prevenzione l’esistenza di meri indizi, senza che essi debbano necessariamente rivestire quella gravità, quella precisione e quella convergenza che il codice di rito richiede ai fini dell’affermazione di colpevolezza ». Cass. Sez. I, 21 ottobre 1999, n. 5876. 523 PEYRON G., La fase giurisdizionale del procedimento di prevenzione, Corte di Assisi di Torino, 2013. 524 Cass. Pen. Sez. V. n. 34150. In BRIZZI F., PALAZZO P., PERDUCA A., Le nuove misure di prevenzione personali e patrimoniali, Ibid, p. 30. 525 Cass. Pen. Sez. I, n. 23710, 22 giugno 2011. In BRIZZI F., PALAZZO P., PERDUCA A., Idem.

125


Partie 2 - Chapitre 2 – Mesures de prévention patrimoniales

Arrêté en 2009, Monsieur N purge actuellement une peine d’emprisonnement pour avoir promu, financé et/ou organisé un trafic de stupéfiants avec d’autres membres de sa famille depuis la Colombie et le Venezuela depuis 2006 Il est soupçonné d’appartenir à un locale de la ‘Ndrangheta en raison de ses relations étroites avec d’autres affiliés. Il a déjà fait l’objet de condamnations diverses (blanchiment, escroquerie entre 1980 et 2000).

Section 2 Exécution des mesures de prévention en France 178.

Mesures de prévention en France. Il existe des hypothèses où une mesure

de prévention appliquée en Italie concerne un patrimoine situé en France. Il convient dès lors de constater l’applicabilité des mesures de prévention italiennes sur le territoire français (§1) et d’en identifier les raisons et les conséquences (§2).

§1 Efficacité des mesures de prévention en France 179.

Mesures de prévention et extension des mafias en France. La question

de la mise en oeuvre des mesures de prévention pour un patrimoine situé en France a déjà été présentée devant la Cour de cassation française

526

(A). La

reconnaissance de leur applicabilité permet de poursuivre le phénomène mafieux qui s’étendrait en France (B).

A. Reconnaissance des mesures de prévention par l’arrêt CRISAFULLI 180.

Mesures de prévention, mesures de sûreté. Le droit français envisage

déjà des « mesures de prévention » aux articles L. 162-3 et suivants du code de l’environnement : il s’agit de mesures prises par l’exploitant afin d’empêcher la réalisation ou de limiter les effets d’un dommage, elles ne concernent nullement le domaine de la confiscation. Les mesures de prévention telles que connues en Italie, dont les effets sont particulièrement répressifs, n’ont pas d’équivalent en droit français. Certes, elles ont de nombreux points de convergence avec les mesures de sûreté qui, en France, se définissent comme des « sanctions à caractère préventif et dépourvues de but rétributif et de caractère afflictif et infamant, fondées sur la constation d’un état dangereux. Les mesures de sûreté peuvent consister en une neutralisation, un traitement thérapeutique, un traitement réeducatif ». 527 Bien que certains auteurs aient pu déjà effectuer ce rapprochement et parler de ce fait de « mesures préventives »528, les misure di prevenzione, que nous choisissons 526

V. Annexe 7 : Crim, 13 novembre 2003, n° 03-80.371, Bull. Crim., 2003 N° 213 p. 878. GUILLIEN R., VINCENT J., Lexique des termes juridiques, 16ème édition, Dalloz, 2007. 528 V. notamment les écrits de MOGINI S., « La confiscation comme mesure de sûreté préventive dans la législation antimafia (ou arrêt commenté) ». In DUCOULOUX-FAVARD C., LOPEZ C., La 527

126


Partie 2 - Chapitre 2 – Mesures de prévention patrimoniales

de traduire par « mesures de prévention » doivent être distinguées des mesures de sûreté préventives françaises, principalement parce que ces dernières interviennent dans le cadre du procès pénal c’est-à-dire postérieurement à la commission d’une infraction. Par ailleurs, elles n’ont aucun caractère patrimonial529, contrairement aux mesures de prévention patrimoniales.

181.

Biagio CRISAFULLI. Mieux connu sous le surnom de « Dentino » ou le « Roi

de Quarto Oggiaro », Biagio CRISAFULLI était à la tête d’un clan sicilien actif dans la province de Milan530 en lien étroit avec la ‘Ndrangheta.531 Ce « gros bonnet de la

‘’ndrangheta’’ calabraise ayant géré, pendant une décennie et en régime

presque de monopole, le marché de l'héroïne à Milan » 532 , fut concerné par d’importantes enquêtes italiennes sur les meurtres des magistrats de l’antimafia Alberto NOBILI, Armando SPATARO, Maurizio ROMANELLI.533 Alors qu’il est en cavale en France, il achèta une villa à Cap d’Antibes en utilisant des fonds provenant d’un trafic de stupéfiant et de blanchiment.534 182.

Procédure de prévention menée en Italie. Est mise en place à l’encontre

du boss mafieux une procédure de prévention proposée par le Direttore de la

Direzione Investigativa Antimafia de Milan, alors qu’il fait l’objet parallèlement d’une poursuite pénale dans le cadre de laquelle ses biens ont été l’objet d’un

sequestro preventivo (art. 321 du codice di procedura penale, cf. supra). Il s’agit notamment d’un immeuble, trois sociétés, et deux véhicules automobiles. 535 Concernant la villa située à Cap d’Antibes, « les autorités judiciaires milanaises requérirent de l'État français la saisie de cette propriété et le Tribunal de grande instance de Grasse y répondit en ordonnant une inscription hypothécaire de cinq ans, renouvelable ».536 Par ordonance, le tribunal de prévention de Milan du 17 décembre 1999 prononce la confiscation de la villa dans le cadre de la mesure de

Criminalité d'argent : quelle répression ? - Actes du colloque tenu à la Première Chambre de la Cour d'appel de Paris le 14 novembre 2003 , Montchrestien, 2004. 529 Il s’agit des articles 131-36-9 et suivants du code pénal. 530 Pour approfondir, se reporter à CARLUCCI D., CARUSO G., A Milano comanda la 'Ndrangheta: come e perché la criminalità organizzata ha conquistato la capitale morale d'Italia, Ponte alle Grazie, 2009, p. 175. 531 Osservatorio Milanese sulla Criminalità Organizata al Nord, OMICRON/37, gennaio/febbraio 2002, anno V, n. 1-2. 532 MOGINI S., L'affaire Crisafulli : les mesures de confiscation préventives antimafia à l'épreuve des mécanismes de la coopération judiciaire internationale, op. cit. 533 « Mafia, sequestrato il tesoro del boss di Quarto Oggiaro », Corriere della Sera, 17 novembre 2006. 534 V. Annexe 8 : villa de Biagio CRISAFULLI. 535 Senato della Republica e Camera dei deputati, Disegni di legge e relazioni, XIII legislatura, p. 76. http://www.camera.it/_dati/leg13/lavori/documentiparlamentari 536 DUCOULOUX-FAVARD C., Au 24 novembre 2008, confiscation «élargie» des biens illicites dans l'union européenne, op.cit.

127


Partie 2 - Chapitre 2 – Mesures de prévention patrimoniales

prévention patrimoniale, « confirmée par la Cour suprême de cassation italienne qui, par arrêt du 19 mars 2001 » puis « les autorités judiciaires italiennes ont saisi le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Grasse, d'une requête aux fins d'autoriser sur le territoire français l'exécution de la décision étrangère susvisée ».537 L’exécution est autorisée en première instance ainsi qu’en appel.538 183.

Moyens invoqués par les époux CRISAFULLI. Le pourvoi est voué à

contester la mise en œuvre des mesures de prévention patrimoniales pour le patrimoine qui serait situé à l’étranger, puisque celle-ci est prononcée sans que la Cour d’Appel n’ait vérifié si le Tribunal de prévention « offrait des garanties suffisantes »539, que par ailleurs « une telle mesure ne saurait en conséquence être prononcée indépendamment d'une déclaration de culpabilité au titre d’une infraction précise »

540

et qu’enfin, n’ayant pas le caractère d’une peine

complémentaire, elle ne pouvait être exécutée car non définitive au regard du droit français.541

184.

Problématique posée à la chambre criminelle. La question posée à la

chambre criminelle est celle à laquelle furent déjà confrontées les hautes juridictions d’autres Etats : la dernière décision en date approuvant l’application des mesures de prévention est le Tribunal pénal fédéral suisse. 542 L’affaire CRISAFULLI « constitue en effet le premier cas d'exécution en dehors du territoire italien d'une mesure préventive de confiscation antimafia et présente par là même des problèmes juridiques très intéressants ».543 Pour l’avocat général CHEMITHE, cette affaire « pose la question de la mise à exécution dans notre pays d'une décision pénale étrangère n'ayant pas précisément son homologue dans notre arsenal juridique ; parce qu'elle conduit donc à s'interroger sur l'interprétation qu'il convient de faire, tant de la loi interne (il s'agit de la loi de 1996 relative à la lutte contre le blanchiment et le trafic de stupéfiants et à la coopération internationale en matière de saisie et de confiscation), que de la convention de Strasbourg du 8 novembre 1990 (entrée en vigueur le 1er février 1997) ; parce qu'elle amène à s'interroger sur la nécessité ou non, d'un impératif catégorique d'identité entre une mesure pénale étrangère (qualifiée de mesure de 537

Crim, 13 novembre 2003, n° 03-80.371, Bull. Crim., 2003 N° 213 p. 878. Cour d'appel d’Aix-en-Provence, 5ème chambre, 19 décembre 2002. 539 Ancien article 10-4° de la loi n°96-392 du 13 mai 1996. 540 Ancien article 10-5° de la loi n°96-392 du 13 mai 1996. 541 Ancien article 10-2° de la loi n°96-392 du 13 mai 1996. 542 Tribunal Pénal Fédéral, Cour pénale, 21 janvier 2011, RR. 2010. 237. 543 MOGINI S., L'affaire Crisafulli : les mesures de confiscation préventives antimafia à l'épreuve des mécanismes de la coopération judiciaire internationale, Ibid. 538

128


Partie 2 - Chapitre 2 – Mesures de prévention patrimoniales

police préventive) et une mesure pénale interne (connue exclusivement en qualité de peine) ».544 Plus généralement, la question était donc de savoir si les mesures de prévention sont applicables en France malgré leur originalité au regard du système pénal français.

185.

Solution de l’affaire CRISAFULLI. Le 13 novembre 2003, le pourvoi formé

par Biagio CRISAFULLI et son épouse Lucia FRIOLO est rejeté par la Cour de cassation française qui, « en rejetant le pourvoi, eut la sagesse de ne pas se positionner sur ce terrain du droit substantiel non harmonisé, mais de se situer dans l'optique de la coopération judiciaire internationale ». 545 En effet, cette décision va dans le sens des dispositions de la Convention dite de Strasbourg de 1990546 qui dispose que « les Parties coopèrent dans la mesure la plus large possible les unes avec les autres aux fins d'investigations et de procédures visant à la confiscation des instruments et des produits » 547, dont les signataires étaient conscients de l’hétérogénéité des législations européennes.548 Ainsi, l’exécution des mesures de prévention est possible car reconnues comme définitives et exécutoires, conformément aux articles 12 à 14549 de la loi du 13 mai 1996550 et parce que « le bien confisqué est susceptible de l'être dans des circonstances analogues selon la loi française ».551 La Chambre criminelle approuve enfin les juridictions du fond sur le fait que « l'exécution de la décision précitée ne peut porter atteinte à l'ordre public dès lors que la requête tend à la confiscation d'un immeuble acquis par le blanchiment de sommes issues d'une organisation criminelle ».

544

« L'arrêt Crisafulli du 13 novembre 2003, une avancée pour l'Europe par la Cour de cassation française et les conclusions de l'avocat général Ph. CHEMITHE ». In DUCOULOUX-FAVARD C., LOPEZ C., La Criminalité d'argent : quelle répression ? - Actes du colloque tenu à la Première Chambre de la Cour d'appel de Paris le 14 novembre 2003, op. cit., p. 222. 545 DUCOULOUX-FAVARD C., Au 24 novembre 2008, confiscation «élargie» des biens illicites dans l'union européenne, Ibid. 546 Convention relative au blanchiment, au dépistage, à la saisie et à la confiscation des produits du crime, signée à Strasbourg le 8 novembre 1990, STCE no. : 141. 547 Article 7 de la convention relative au blanchiment, au dépistage, à la saisie et à la confiscation des produits du crime. 548 « Le comité restreint a jugé nécessaire que les Etats membres rapprochent leurs législations internes et adoptent des mesures efficaces pour dépister les infractions, prendre des mesures provisoires et confisquer les instruments et les produits des activités illégales. Cette démarche est indispensable, car, pour pouvoir coopérer au niveau international, les Etats devraient au moins avoir un niveau d'efficacité comparable. Il ne s'ensuit pas que les législations des Etats doivent nécessairement être harmonisées, mais que ceux-ci doivent à tout le moins trouver les moyens de coopérer plus efficacement ». In Rapport explicatif de la Convention relative au blanchiment, au dépistage, à la saisie et à la confiscation des produits du crime, 8 novembre 1990. 549 Aujourd’hui abrogées. 550 Loi n° 96-392 relative à la lutte contre le blanchiment et le trafic des stupéfiants et à la coopération internationale en matière de saisie et de confiscation des produits du crime. 551 Articles 131-21 et 324-7 du Code pénal.

129


Partie 2 - Chapitre 2 – Mesures de prévention patrimoniales

186.

Apport de l’affaire CRISAFULLI. L’arrêt rendu par la Chambre criminelle

a une portée considérable dans le cadre de la poursuites des membres des mafias italiennes qui viendraient investir leur patrimoine d’origine illicite en France pour échapper à la sévérité des mesures de prévention. L’interprétation donnée aux dispositions nationales et internationales est ample, alors que les juges de cassation auraient aussi bien pu avoir une lecture littérale des dispositions en se fondant sur l’ancien article 10 de la loi de 1996 et l’article 18 de la Convention de Strasbourg qui énumère différents types de refus qui auraient pu être justifiés à l’encontre de ces mesures, ou même l’article 18-4 qui autorise le refus lorsque « la législation de la Partie requise ne prévoit pas la confiscation pour le type d'infraction sur lequel porte la demande ». Outre le fait que les mesures de prévention soient pleinement applicables dans le cadre de la Convention de Strasbourg, il semble que leurs effets soient pleinement reconnus par les juridictions françaises, malgré leur originalité, dès lors que la mesure de prévention peut « s’analyser comme une décision pénale » d’après la Cour de cassation. En ce sens, il y a lieu pour certains auteurs italiens de « donner par cela même un avenir international

aux

mesures

préventives

italiennes

antimafia

à

caractère

patrimonial ».552 Ce point de vue est partagé avec d’autres spécialistes français, considérant qu’il s’agit de «

textes dont l'efficacité réclame une réelle

553

coordination internationale ».

B. Les suites de l’affaire CRISAFULLI 187.

Limites de l’affaire CRISAFULLI. Il convient de s’interroger sur les

limites de la portée générale des mesures de prévention en France. L’arrêt de la Cour de cassation ne précise pas si celle-ci est limitée ou non au contexte dans lequel la décision a été prononcée, c’est-à-dire seulement applicable dans le cadre de la Convention de Strasbourg. Il faut encore déterminer quelles en sont les conditions applicables puisque la loi du 9 juillet 2010 a abrogé le chapitre III de la loi du 13 mai 1996. Enfin, sans aller jusqu’à une interprétation a contrario de la jurisprudence étudiée, les interrogations portent sur les situations dans lesquelles les mesures de prévention porteraient atteinte à l’ordre public en France et ne seraient donc plus applicables. La décision ayant été rendue en 2003, avant donc les réformes qu’à connue le droit français en la matière avec la loi WARSMANN, ou même celle découlant du décret législatif de 2011 en Italie, il convient de se 552

MOGINI S., L'affaire Crisafulli : les mesures de confiscation préventives antimafia à l'épreuve des mécanismes de la coopération judiciaire internationale, Ibid. 553 CAMOUS E., Les saisies en procédure pénale : un régime juridique modernisé . - Commentaire des dispositions pénales de droit interne de la loi n° 2010-768 du 9 juillet 2010 visant à faciliter la saisie et la confiscation en matière pénale, Droit pénal n° 1, Janvier 2011, étude 1.

130


Partie 2 - Chapitre 2 – Mesures de prévention patrimoniales

référer aux exécutions postérieures des mesures de prévention par les juridictions françaises. 188.

Affaire

PELLEGRINO.

L’O.N.G

FLARE

FRANCE

554

s’est

intéressée

récemment à l’extension du clan ‘ndranghethiste PELLEGRINO à Menton.555 Basé à Imperia, il est lié au clan SANTAITI-GIUFFRÈ de Reggio Calabria, et poursuivi depuis 2011 par la justice italienne556 pour avoir notamment provoqué la dissolution des conseils municipaux de Bordighera et Vintimille557 sur la base des dispositions de l’article 143 du TUEL.558 Le clan a corrompu les membres du conseil municipal par l’attribution de votes, en échange de marchés publics en Italie ; au détriment, notamment, de l’obligation de disposer d’un certificat antimafia. 559

Ils sont

également connus en Italie pour des faits d’extorsion, menace, trafic de stupéfiants, trafic d’armes, proxénetisme. Les PELLEGRINO se sont vus confisquer par le Tribunal de Imperia, sur requête de la D.I.A de Gênes un patrimoine d’une valeur de 9 millions d’euros le 30 mai 2013 dans le cadre d’une mesure de prévention personnelle et patrimoniale.560

554

« Flare est un réseau constitué d’organisations issues de la société civile dont le but est de luter socialement contre le crime organisé transnational ». flarenetworkfrance.blogspot.fr 555 V. Annexe 9 : interception téléphoniques et photographies de chantiers des frères PELLEGRINO. 556 « Dopo un primo periodo in cui ha operato nel campo del traffico di stupefacenti, armi ed esplosivi, gli interessi della famiglia si sono concentrati sull'edilizia (movimento terra ed escavazioni). In brevissimo tempo i Pellegrino hanno costituito diverse società edili, partecipando a pubblici appalti. » (Après une première période au cours de laquelle il – clan PELLEGRINO – a exercé dans le trafic de stupéfiants, armes et explosifs, les intérêts de la famille se sont concenrtés sur le bâtiment (mouvement de terre et forage). En très peu de temps les Pellegrino ont constitué diverses sociétés participant à des marchés publics). In Relazione annuale, Direzione Nazionale Antimafia, 2010, p. 693. 557 Relazione annuale, Direzione Nazionale Antimafia, 2012, pp. 578-579. 558 L’article 143 du Testo Unico degli Enti Locali vise la « dissolution des conseils communaux et provinciaux découlant de phénomènes d’infiltration et de conditionnement de type mafieux ou similaire (…) ». 559 Il s’agit d’un certificat remis dans le cadre des marchés publics par la Chambre de commerce après un contrôle par la préfecture qui atteste de l’inexistence d’interdiction d’exercer l’activité concernée à la suite de poursuites pour tentative d’infiltration mafieuse. www.guidafisco.it 560 Ordinanza di prevenzione 13/11 MP nei confronti di PELLEGRINO Michele, Giovanni, Maurizio, Roberto, 13 marzo 2013, tribunale di Imperia. Echange de mails avec Monsieur le procureur de la République de Sanremo, Roberto CAVALLONE, 6 août 2013.

131


Partie 2 - Chapitre 2 – Mesures de prévention patrimoniales

Figure 34 : Société Pellegrino frères dirigée par Giovanni PELLEGRINO561

Figure 35 : Circuit de blanchiment organisé par les frères PELLEGRINO entre la France et l’Italie562 Infractions profitables

Sociétés fictives Fausses factures

Société italienne

Compte bancaire MONACO

Débite

Crédite

Société française

Factures Réalise

ITALIE

FRANCE

Marchés publics

Les PELLEGRINO ont créé une société dans le secteur du bâtiment en France. Par un jeu de fausses factures, ils ont blanchi les fonds provenant des infractions commises en Italie.563 La société PELLEGRINO frères SARL débute son activité en 2007. Au cours des deux premières années, les PELLEGRINO encaissent sur un compte bancaire ouvert à Monaco environ 2.300.000 euros qui ne figurent pas néanmoins dans la comptabilité de la société. La société PELLEGRINO « frères » dispose d’un site internet en France qui renvoie à l’une de leurs sociétés italiennes (Pellegrino Sas, dont le siège social était à Bordighera). La société française ne disposait d’aucun matériel, d’aucun employé et les factures reçues par la société provenaient de sociétés inexistantes.

561

http://www.societe.com/societe/pellegrino-freres-498788355.html Source : auteur. 563 Pour approfondir, « France 3 Côte d’Azur : ‘’le clan des calabrais’’ », 24 mai 2013. http://www.mafias.fr/2013/05/24/france-3-cote-dazur-2-doc-vendredi-24-mai-vers-23h10/ 562

132


Partie 2 - Chapitre 2 – Mesures de prévention patrimoniales

Sur la figure 35, les flèches en pointillés représentent le circuit suivi par l’argent sale qui est mêlé aux fonds d’origine non infractionnelle découlant des marchés publics exécutés à Menton.564 L’argent passe par Monaco pour ensuite arriver entre les mains de la société italienne.565

189.

Mesure

de

prévention

PELLEGRINO,

exécution

par

les

autorités

françaises non sollicitée. A la lecture de la décision confirmant en première instance la mesure de prévention personnelle et patrimoniale à l’encontre des frères PELLEGRINO, il s’avère que l’intégralité du patrimoine de ces derniers a été confisqué par l’Etat italien. La décision ne manque pas de faire allusion à la société implantée en France et aux activités menées dans notre pays par les

proposti. Néanmoins, il n’apparaît pas que les autorités italiennes aient demandé l’exécution de la mesure de prévention à la justice française. Cela n’apparaissait pas nécessaire en raison de l’activité fictive menée par la société française, qui ne servait qu’à blanchir les fonds d’origine illicite, par le jeu de fausses factures et déclarait une comptabilité intégralement fictive. Les travaux effectués par les frères

PELLEGRINO

à

Menton

intervenaient

avec

la

société

italienne

PELLEGRINO Sas, quant à elle titulaire du compte ouvert à Monaco. Elle perçevait donc effectivement les fonds blanchis. Cette dernière est confisquée dans le cadre de la prévention. Nous observons que la société PELLEGRINO frères ouverte en France a été mise en liquidation judiciaire en 2012. 190.

Exemple d’application d’une mesure de prévention en France. Maurizio

Vincenzo ERRERA est un affilié de Cosa Nostra, membre du clan de MARSALA. Le rapport de la Direzione Nazionale Antimafia de 2008 le décrit comme l’un des piliers de la famille mafieuse de Mazara del Vallo. Il a déjà été condamné pour association de type mafieux, ainsi que pour des faits de corruption et extorsion aggravés.566 En 2010 est ouverte à son encontre une procédure de prévention patrimoniale, visant en partie des biens sur le territoire français (à Paris et dans le département des Hauts-de-Seine). Le 20 avril 2011, la section de prévention du

564

Remarquons à titre anecdotique que les personnes publiques à l’origine des marchés ne semblent pas a priori avoir été au courant de l’illicéité des actes commis par les frères PELLEGRINO, il n’y a donc pas lieu de s’interroger sur une éventuelle corruption ou favoritisme. Néanmoins, la société française aurait pu faire l’objet de poursuites en France pour , recel (art. 321-1 du code pénal), blanchiment médiat (art. 324-1 alinéa 1 du code pénal), ainsi que pour faux et usage de faux (art. 441-1 et suivants du code pénal). Enfin, le fait de faire transiter les fonds découlant des marchés publics facturés par elle sur le compte de la société italienne est susceptible de constituer le délit d’abus de biens sociaux, si les conditions en sont réunies. 565 En Italie, soulignons que la Société PELLEGRINO Sas aurait pu, à défaut de confiscation dans le cadre de la mesure de prévention, pour déloyauté patrimoniale, équivalent de notre délit d’abus de biens sociaux. Nous renvoyons à l’article « Limites de la protection du patrimoine social », écrit dans le cadre du Master 2 « Lutte contre la criminalité financière et organisée », par l’auteur de ce mémoire. 566 Relazione annuale della Direzione Nazionale Antimafia, 2008, p. 682.

133


Partie 2 - Chapitre 2 – Mesures de prévention patrimoniales

Tribunal de Trapani demande par commission rogatoire internationale 567 au Tribunal de Grande Instance de Paris, mise en œuvre le 11 mai 2011 l’exécution d’une saisie dans le cadre de la mesure de prévention patrimoniale.568 Les autorités italiennes s’adressent à la justice française dans le but d’émettre précisément une saisie d’urgence, dans la mesure où Monsieur ERRERA a, dans des affaires précédentes, procédé à la vente à un prix nettement inférieur à leurs valeur, des biens de sa société, afin d’en éviter la confiscation. 191.

Limites de l’affaire ERRERA. Si cette affaire, constitue un exemple

d’application de mesure de prévention sur le territoire français, il ne convient pas néanmoins, d’en tirer des conséquences juridiques, car il ne s’agit que d’un jugement de première instance et de la seule saisie d’urgence et non du prononcé d’une confiscation des biens situés en France.

§2 Une nouvelle clé de voûte de la lutte antimafia italienne ? 192.

Les raisons de la rareté des exécutions à l’étranger. Les affaires

PELLEGRINO et ERRERA sont de rares exemples de l’exécution de mesures de prévention sur le territoire français, à la suite de l’affaire CRISAFULLI. Malgré leur reconnaissance sur un plan national et européen (A), la fréquence limitée de ces affaires s’explique par la faible légitimité accordée à ces mesures en Italie, (B).

A. Légitimité nationale et internationale des mesures de prévention 193.

Constitutionnalité des mesures de prévention. Dans le cadre de la lutte

contre la mafia, les mesures de prévention patrimoniales sont destinées à prendre une importance grandissante. Le souhait du législateur est d’en faire la nouvelle clé de voûte de la lutte antimafia italienne : « le décret législatif 159/2011 a refondu en un texte unique les normes éparses accumulées pendant près de cinquante ans, le nouveau Codice di prevenzione est destiné à une utilisation non marginale par les procureurs et forces de police dans la lutte de la légalité contre l’illégalité ».569 567

V. Annexe 10 : commission rogatoire internationale concernant l’affaire ERRERA. ALAGNA F., Il reato di associazione mafiosa e la confisca di prevenzione : cooperazione giudiziaria per la lotta alla mafia in Europa, Alma Master Studiorum, Università di Bologna, 2011, p. 84 569 « D. Lgs che ha ricomposto in unico testo la frammentaria normativa sovrappostasi in oltre mezzo secolo, puo’ infatti valere come richiamo a giudici, procuratori e forze di polizia perché del nuovo Codice di prevenzione sia fatto un uso non marginale nel contrasto della legalità contro l’illegalità ». CASELLI G-C., Prefazione. In BRIZZI F., PALAZZO P., PERDUCA A., Le nuove misure di prevenzione personali e patrimoniali dopo il codice antimafia, Ibid. 568

134


Partie 2 - Chapitre 2 – Mesures de prévention patrimoniales

Malgré leur originalité, les mesures de prévention ont été reconnues conformes à la Constitution italienne. Par sa décision n. 21 du 9 février 2012, la Corte

costituzionale a estimé que le récent décret législatif n. 159/2011 était conforme aux droits de la défense et au principe du contradictoire, des articles 24 et 111 de la Costituzione, notamment à propos de la possibilité de mettre en œuvre les mesures de prévention à l’encontre d’une personne décédée.570 Les mesures de prévention sont déclarées en conformité avec d’autres principes constitutionnels, à commencer par la présomption d’innocence, ou d’autres principes tels que la proportionnalité, ou le droit de propriété (articles 41 et 42 de la Costituzione). L’argument principal soulevé par la doctrine de l’inconstitutionnalité des mesures de prévention tient à la précision insuffisante du critère de dangerosité sociale.571 Pourtant ce critère a lui aussi fait l’objet d’une jurisprudence constitutionnelle importante : la Cour constitutionnelle italienne a exclu dès les années 1980 que la dangerosité

sociale

soit

fondée

sur

de

simples

suspicions.

572

La

Corte

costituzionale a réaffirmé à plusieurs reprises la constitutionnalité des mesures de prévention, personnelles comme patrimoniales. La légitimation des mesures de prévention au plan constitutionnel permet au législateur de poursuivre son objectif d’ériger ces instruments en clé de voûte de la lutte antimafia.

194.

Légitimité européenne des mesures de prévention. Outre les nombreuses

critiques émises pas la doctrine italienne, provenant également d’autres pays européens sur la compatibilité des mesures de prévention avec les textes supranationaux, leur conventionalité a été admise573 par rapport à la Convention européenne des droits de l’homme574 notamment dans l’affaire RAIMONDO contre Italie. Dans cette affaire, la Cour européenne des droits de l’homme considère qu’« en raison de la finalité qui leur est propre, les mesures de prévention ne se rapportent pas à l’accomplissement d’un acte illicite déterminé, mais à un ensemble de comportements constituant la conduite que la loi érige en signe d’un danger

570

« Mentre questo volume era già in corso di stampa, la Corte costituzionale ha ribadito la piena legittimità del procedimento di applicazione delle misure di prevenzione. Piùù precisamente, con la sentenza n. 21, (depositata) il 9 febbraio 2012, il giudice delle leggi ha ritenuto conforme al diritto di difesa ed al principio del contradittorio – garantiti rispettivalebte dagli artt. 24 e 111 Cost. – la disciplina sulla confisca dei beni appartenenti a persona deceduta nei cui confronti si era proceduto per associazione di tipo mafioso ». CASELLI G-C., Prefazione. In BRIZZI F., PALAZZO P., PERDUCA A., Le nuove misure di prevenzione personali e patrimoniali dopo il codice antimafia, Ibid. 571 MENDITTO F., Le misure di prevenzione personali e patrimoniali, Ibid, p. 286. 572 Corte Cost. sent. 177, 22 dicembre 1980. In BRIZZI F., PALAZZO P., PERDUCA A., Le nuove misure di prevenzione personali e patrimoniali dopo il codice antimafia, Ibid, p. 11. 573 Pour approfondir, se reporter à DOMENICI A., « An instrument against organized crime : confiscation as a preventative measure and related human rights issues, Master of laws », 20112012, International crime and justice, UNICRI, (supervisor : Michele PAPA), 2012. 574 Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales, Rome, 4 novembre 1950.

135


Partie 2 - Chapitre 2 – Mesures de prévention patrimoniales

social. (…) La différence de nature entre sanctions pénales et mesures de prévention a pour conséquence que les principes constitutionnels dont les premières doivent s’inspirer, ne s’appliquent pas forcément tous aux secondes ». 575

B. Limites pratiques des mesures de prévention 195.

Apport des mesures de prévention patrimoniales. « Outre les données

statistiques faisant état d’environ 12.000 biens immobiliers, 1700 entreprises définitivement confisqués, d’environ 60.000 immeubles et 6000 entreprises actuellement sous main de justice, il convient de rappeler que certaines écoutes téléphoniques ont révélé que les mafiosi craignent plus la confiscation que les peines d’emprisonnement car elles frappent de manière irréversible l’accumulation des patrimoines ». 576 La répression par la confiscation préventive vient donc fortement accroître les craintes des membres d’associations mafieuses de perdre le patrimoine constitué par la commission d’infractions ; en ce sens, son effet est beaucoup plus dissuasif que celui de la peine d’emprisonnement. Un exemple tragique mais révélateur en est le récent décès de Cosimo CATALANO, l’un des principaux prévenus du procès MINOTAURO (cf. supra). D’après son défenseur, l’avocat Carlo ROMEO, « il s’agit d’un suicide dû à l’agression du patrimoine familial ».577 Le boss présumé du locale de Siderno, dont le patrimoine a été « agressé », faisait l’objet d’une mesure de prévention patrimoniale. Figure 36.1 : Ratio entre le risque pénal et l’intérêt de commettre une infraction profitable pour le criminel578

EG > R × P L'activité criminelle est motivée par l'espérance de gains (EG). Cette espérance doit être largement supérieure au risque pénal (R, exprimé en années de prisons) par rapport à la probabilité de faire l’objet de poursuites (P).

196.

Limites de la mise en œuvre des mesures de prévention en Italie. Les

juridictions relèvent une augmentation progressive de la mise en œuvre des

575

Cour européenne des droits de l’homme, affaire RAIMONDO c. Italie, Requête no12954/87, 22 février 1994. 576 MENDITTO F., La confiscation antimafia et le sort des biens confisqués en Italie (Traduction par Carla Averso GIULIANE), La Revue du GRASCO, n. 6 juillet 2013, p. 123. 577 « ‘Ndranghera in Piemonte, imputato suicida. ‘’Colpa del sequestro dei beni’’, Il fatto quotidiano, 9 giugno 2013. http://www.ilfattoquotidiano.it/2013/06/09/ndrangheta-in-piemonte-imputato-suicida-protestacontro-sequestro-dei-beni/621151/ 578 DUTEIL G., Cours sur les techniques de blanchiment dans le cadre du Master 2 « Lutte contre la criminalité financière et organisée », novembre 2013.

136


Partie 2 - Chapitre 2 – Mesures de prévention patrimoniales

mesures de prévention. Par exemple, au Palais de Justice de Turin, les propositions de mise en œuvre sont passées de 4 à 46 de 2010 à 2012. Figure 36.2 : Nature des mesures de prévention mises en œuvre en Italie en 2012579

En pratique, les mesures de prévention principalement(48%) mises en œuvre de manière conjointe, c’est-à-dire à titre personnel et patrimonial dans les faits, bien qu’il soit possible de les mettre en œuvre distinctement. Les mesures de prévention de type patrimonial demeurent encore celles moins utilisées par les autorités de poursuite italiennes (20% contre 32% pour les mesures personnelles).

Malgré ces résultats en progression, les mesures de prévention ne sont pas encore véritablement entrées dans les mœurs judiciaires. Elles font l’objet de vives critiques au sein de la doctrine italienne : en prétextant d’une finalité préventive, elles auraient pour but de réprimer l’appartenance à une organisation de type mafieux qu’il n’est pas possible de prouver dans le cadre du procès pénal ou alors pour sanctionner deux fois l’affilié d’une organisation580 : dans le cadre du procès pénal et à titre de prevenzione.581 Bien qu’une augmentation des mises en œuvre ait été constatée, les mesures de prévention ne semblent pas faire l’unanimité. A titre d’exemple, au sein des juridictions turinoises582, est constatée une certaine réticence des juges du second degré, qui difficilement acceptent de maintenir les confiscations

préventives

prononcées

en

première

instance.

Il

s’agit

de

comprendre si les rejets quasi-systématiques en appel s’expliquent par la qualité des enquêtes menées, ou sur des éléments de droit. Ils sont , dans la plupart des cas, motivés par le défaut de dangerosité sociale de l’individu concerné, ou du défaut de preuve d’une disproportion entre les ressources et le train de vie de ce dernier. La réticence des juridictions d’appel est d’autant plus préjudiciable à

579

Source : Relazione annuale della Direzione Nazionale Antimafia, 2012, op. cit., p. 275. Soulignons néanmoins que dans le cadre de la lignée jurisprudentielle de la Corte costituzionale, les mesures de prévention ne constituent ni, une exception, ni une altération du principe du non bis in idem. 581 FILIPPI L., La confisca di prevenzione : un’anomalia tutta italiana, Dir. Pen. e Processo, 2005, 3, p. 269. 582 PERDUCA A., Riunione trimestriale sulle misure di prevenzione, sala Pietro Miletto, Palazzo di Giustizia Bruno Caccia, n°131 Corso Vittorio Emanuele, 5° piano, Scala D, Torino, 4 febbraio 2013. 580

137


Partie 2 - Chapitre 2 – Mesures de prévention patrimoniales

l’intérêt de la justice, qu’elle provoque la plupart du temps la disparition des biens confisqués avant que le recours en cassation n’ai pu avoir lieu.

197.

Le rôle des autorités de poursuite, l’exemple piémontais. Les autorités

de police (les Questori) de l’ensemble de la région piémontaise n’émettent pas de manière homogène des propositions de mise en œuvre des mesures. L’augmentation des procédures de prévention ne concerne que certains secteurs géographiques, au détriment d’autres villes plus reculées du Piémont. Il est par ailleurs souhaitable de développer la collaboration « interforze » pour améliorer l’efficacité des enquêtes, aujourd’hui n’ayant été mise en œuvre que pour l’affaire MINOTAURO (cf. supra). Il en va de même pour ministère public de certaines villes s’oriente davantage vers les infractions classiques, dont les résultats leur paraissent plus satisfaisants.583 Figure 37 : Mise en œuvre des mesures de prévention en 2012 par Cour d’Appel584

Les mesures de prévention ne font pas l’objet d’une application homogène sur le territoire italien. Selon que le ressort de la Cour d’Appel soit situé plutôt au Sud ou au Nord de l’Italie, les mesures de prévention sont plus ou moins mises en œuvre. Le diagramme produit par la Direzione Nazionale Antimafia représenté ci-dessus est révélateur de cette hétérogénéité : les mesures de prévention sont majoritairement proposées par les procureurs de la République et rarement par les autres autorités de poursuite. Les plus nombreuses sont recensées à Naples (NA), Palerme (PA), Reggio Calabria (RC), villes gangrenées par la Camorra, Cosa Nostra ou la ‘Ndrangheta. Nous avons observé que ces organisations sont étendues au nord de l’Italie, notamment à Milan (MI), Turin (TO) ou Gênes (GE), mais que ces mesures restent faiblement appliquées.

583

Riunione sull’applicazione delle misure di prevenzione sul territorio della Corte di Appello di Torino (presieduta dagli dottori Gian Carlo CASELLI e Marcello MADDALENA), Palazzo di Giustizia Bruno Caccia, n°131 Corso Vittorio Emanuele, 7° piano, Scala E, Torino, 1 marzo 2013. 584 Source : Idem.

138


CONCLUSION 198.

Efficacité des systèmes confiscatoires français et italien. Si le droit

français prévoyait déjà avant la loi WARSMANN, la possibilité de confisquer tout ou partie du patrimoine du criminel pour certaines infractions, les instruments d’appréhension et de répression, voués à frapper les criminels au portefeuille ont sans conteste connu une avancée majeure par la loi du 9 juillet 2010 : « ce texte offre pour la première fois la possibilité aux officiers et agents de police judiciaire de procéder à une perquisition uniquement dans le but de rechercher le patrimoine des délinquants. Par ailleurs, il énonce des règles relatives à la mise en œuvre des mesures conservatoires et des saisies spéciales. Mais surtout, il crée une agence dédiée à la gestion des biens saisis ou confisqués, à l'instar d'autres pays qui ont mis en place des structures leur permettant de gérer les biens des délinquants ».

585

Depuis la réforme de la loi WARSMANN, le droit des

confiscations français n’a rien à envier aux instruments de confiscation italiens, orientés depuis plus de trente ans vers la lutte contre la criminalité organisée de type mafieux. 199.

Originalité des mesures de prévention en Europe et dans le monde. Au

cours des années 1990 l’Union européenne avait « poussé les Etats membres à adopter des instruments analogues aux mesures de prévention patrimoniales (tout du moins en termes de charge de la preuve de la démonstration de l’origine licite des biens portant sur la personne faisant l’objet de la mesure) ».586 Aujourd’hui, une forme de confiscation comparable à celle des mesures de prévention italiennes existe dans d’autres systèmes que le droit pénal français : il en est ainsi en Suisse avec l’article 72 StGB587 ou en Autriche par l’article 20 b) du StGB qui visent

585

BOLLÉ A., Une loi pour « frapper les délinquants au portefeuille », À propos de la loi du 9 juillet 2010 visant à faciliter la saisie et la confiscationen matière pénale, Gazette du Palais, 19 août 2010 n° 231, p. 12. 586 « Nella stessa direzione della nostra Corte costituzionale si era in un certo modo mossa anche l’Unione europea che, fin dagli ultimi anni Novanta, aveva modificato il proprio orientamento contrario e sollecitato gli Stati membri all’adozione di strumenti analoghi alle misure di prevenzione patrimoniali (quanto menon el meccanismo di dimostrazione della legittima provenienza dei beni rimessa al destinatario della misura)… ». In MOTTA C., La confisca, moderna ed efficace misura patrimoniale di prevenzione e di sicurezza, Incontro di Studio organizzato dall’Ufficio dei Referenti del Consiglio Superiore della Magistraturaz, Lecce, 1 ottobre 2010. 587 « Le juge prononce la confiscation de toutes les valeurs patrimoniales sur lesquelles une organisation criminelle exerce un pouvoir de disposition. Les valeurs appartenant à une personne qui a participé ou apporté son soutien à une organisation criminelle (art. 260 ter) sont présumées soumises, jusqu’à preuve du contraire, au pouvoir de disposition de l’organisation ».

139


spécifiquement la criminalité organisée et le terrorisme et présument la destination illicite des biens pour en disposer de ce fait la confiscation.588 D’autres Etats ont fait un pas de plus par la mise en place d’instruments de confiscation plus poussés en matière de criminalité organisée. Aux Etats-Unis589 et en Australie, ils sont fondés sur la notion de proportion et sont en ce sens plus proches des mesures de prévention italiennes.590 Néanmoins, ces dispositions ne vont pas jusqu’à permettre la confiscation sur des critères tels que ceux des mesures de prévention patrimoniales. Il n’existe pas de dispositions véritablement équivalentes aux mesures de prévention italiennes. Une telle originalité justifie des difficultés de mise en œuvre dans la pratique.

200.

Les limites des mesures de prévention comme clé de voûte de la lutte

antimafia sur le plan transnational. L’affaire CRISAFULLI fait ressortir l’hétérogénéité des systèmes pénaux européens en termes de confiscation, au détriment des objectifs visés par la Convention de Strasbourg. Certains auteurs demeurent ainsi sceptiques à propos d’une exécution efficace des mesures de prévention sur un plan international : « il est difficile de ne pas avoir conscience que les bases normatives internationales, utilisables aux fins de la projection des mesures de prévention sont faibles et incertaines ».591 Les mesures de prévention ne semblent pas destinées à devenir la clé de voûte de la lutte contre la criminalité de type mafieux au niveau transnational : « face aux actuels défis de la criminalité transnationale, le système italien d’agression des patrimoines criminels est construit autour de figures intrinsèquement liées à la difficulté de s’imposer dans le circuit de la coopération judiciaire internationale ».592 Il faut approuver les propos du magistrat Giovanni MELILLO, si les mesures de prévention ont une légitimité tant italienne qu’européenne, cela ne signifie aucunement qu’elles

588

Pour approfondir, se reporter à MAUGERI A-M., I modelli di sanzione nel diritto comparato, op. cit., p. 66. 589 Le Money Laundering Control Act (MLCA) de 1986 introduit la possibilité de confisquer un bien indépendamment de la commission de la commission d’une infraction en matière de blanchiment de trafic de drogue au préjudice d’un Etat étranger 590 Pour approfondir, se reporter au Chapitre III « Il superamento del modello ‘’classico’’ : il ricorso alla confisca nelle legislazioni tese a contrastare la criminalità organizzata ». In FORNARI L., Criminalità del profitto e tecniche sanzionatorie, Collana degli studi penalistici, CEDAM, 1997. 591 « Pare difficile sottrarsi all’impresione che le basi normative internazionali utilizzabili al fine della proiezione internazionale delle misure di prevenzione siano complessivamente deboli ed incerte ». In MELILLO G., L’esecuzione all’estero delle misure di prevenzione patrimoniali, Questione Giustizia, 2004, fasc. 4, pp. 771-782. 592 « Di fronte alle attuali sfide della criminalità transnazionale, il sistema italiano di aggressione dei patrimoni criminali è costruito attorno a figure geneticamente connotate da una problematica capacità di imporsi nel circuito della cooperazione giudiziaria internazionale ». In MELILLO G., Accertamenti patrimoniali, sequestro e confisca di beni all’estero : incontro di studio ‘’Rosario Livatino’’ sul tema : le misure di prevenzione patrimoniali, Roma, 24-26 novembre 2003.

140


n’iraient

pas

à

l’encontre

des

dispositions

figurant

dans

le

bloc

de

constitutionnalité français ou d’autres Etats. 201.

Vers une lutte européenne du phénomène mafieux italien. Le premier pas

vers l’harmonisation des législations européennes est la reconnaissance mutuelle des décisions judiciaires ; il n’est donc pas question de transposer les mesures de prévention en droit français, mais permettre leur exécution pour le patrimoine situé sur le territoire français est nécessaire pour éviter que les sujets mafieux puissent se dérober à leur sévérité. Finalement, « le problème n'est pas de savoir

si l'unification internationale du droit se fera, il est de savoir comment elle se fera »593 : or, en France, l’introduction des articles 694-10 et suivants dans le code de procédure pénale est susceptible de se traduire par une amplification de la portée de l’affaire CRISAFULLI qui reconnaît l’exécution des mesures de prévention sur le patrimoine en France.594 En effet, la loi du 9 juillet 2010 est venue modifier le chapitre III de la loi n° 96-392 du 13 mai 1996, sur laquelle se fonde cette jurisprudence. Néanmoins, ces dispositions ne semblent pas encore à la hauteur des attentes des praticiens, car encore limitatives.595 202.

La tendance européenne de fond. La proposition de directive du 13 mars

2012 constitue une tentative d’harmoniser les législations nationales en matière de saisie et confiscation afin de garantir une répression équivalente entre les Etats membres. Le souhait du législateur européen n’est pas de s’orienter vers un système de prévention. L’article 5 de la proposition de directive propose, certes, un instrument de confiscation en l’absence de condamnation pénale, mais il se garde bien de permettre la confiscation en dehors du cadre du procès pénal. 596

593

René DAVID, Economica 1982. In DELMAS-MARTY M., Le rôle du droit comparé dans l'émergence d'un droit commun, Recueil Dalloz 2001 p. 1326. 594 Ces dispositions se trouvent dans une section 3 intitulée « de l'entraide aux fins de saisie des produits d'une infraction en vue de leur confiscation ultérieure ». 595 D’après l’AGRASC, « le texte limite donc l’exécution de saisies faites, à la demande d’autorités étrangères, aux saisies du produit de l’infraction et à la saisie en valeur, excluant ainsi à la fois la saisie de l’instrument ou de l’objet de l’infraction et les saisies élargies ». Rapport annuel de 2012, p. 27. 596 Proposition de directive du parlement européen et du conseil concernant le gel et la confiscation des produits du crime dans l’Union européenne, COM(2012) 85 final, 12 mars 2012.

141


ANNEXES

ANNEXE 1 : Notaire et mafias italiennes597

597

Source : Rapport d’information par la Mission d’information commune sur les obstacles au contrôle et à la répression de la délinquance financière et du blanchiment des capitaux en Europe, 1ère partie , (Rapporteur : A. Montebourg), 30 mars 2000, p. 20.

142


ANNEXE 2 : Procès verbal de remise de Nevio CORAL aux autorités italiennes 598

598

Source : Echange de mails avec Giuseppe RICCABONI, substittut au procureur chargé de l’affaire MINOTAURO, procura della Republica di Torino, 9 août 2013.

143


144


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146


147


148


149


ANNEXE 3 : Rencontre Franco-italienne : DNA-JIRS599

599

Source : Echange de mails avec Daniela POLIDORI, Consiglio Superiore della Magistratura, 31 juillet 2013.

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Protocole des bonnes pratiques du 22 juin 2005, en vue d’une coopération dite informelle Michel RAFFIN Procureur adjoint JIRS de Marseille -1- Un protocole interprété : -1-1- Les objectifs des échanges que les signataires se sont assignés, dans des procédures d’intérêt commun. -1-1-1 Des échanges spontanés d’informations préalables, à toutes fins utiles … Se signaler réciproquement les faits révélant l’existence d’agissements délictueux - d’une organisation criminelle, - présentant un intérêt pour les autorités judiciaires de l’autre Etat. L’information signalée doit être pertinente. Exemples : -arrestation de passeurs de quantités importantes de stupéfiants, destinées au marché illégal de l’autre Etat. -saisie de quantités importantes de tels produits, même sans arrestation. -mise en cause de personnes physiques ou morales impliquées dans un trafic international, dont le centre d’intérêt se situe sur le territoire de l’autre Etat. -suspicion d’utilisation sur le territoire de l’autre Etat, des gains et des profits d’activités criminelles. -toutes circonstances utiles à la recherche de personnes en fuite, réfugiées dans le territoire de l’autre Etat et à l’identification des personnes qui sont en contacts avec elles. Renseigner l’autre autorité judiciaire de l’existence éventuelle d’une procédure connexe déjà engagée ou appelée à l’être à la suite de la communication spontanée d’informations. -1-1-2- Des échanges spontanés d’informations préalables, en vue d’entreprendre une activité de coopération : Identifier les cas susceptibles d’approfondissements (les plus pertinents, les plus complexes) -a) Pour obtenir tous renseignements utiles à la suite de l’enquête (exemples : * Identifier sur le territoire de l’autre Etat les destinataires supposés de communications téléphoniques ou télématiques liées à l’exercice de groupes criminels. * Demander à l’autre Etat la composition du patrimoine de la personne interpellée (biens immobiliers, véhicules, commerces, parts sociales, etc ….) dans la perspective d’une demande de gel de biens ou saisies des avoirs ou d’une menace d’une telle demande. -b) Pour définir des stratégies communes d’évolution des procédures : notamment lorsqu’il s’agit de conduire en concertation des opérations programmées (exemples : • Organiser des opérations de livraisons surveillées impliquant le territoire de l’autre Etat ; • Engager des opérations d’infiltration, impactant le territoire de l’autre Etat –

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A ce sujet, seules les JIRS devraient être associées à de telles opérations. -c) Pour engager des enquêtes distinctes, connexes, menées en coordination entre une DDA et une JIRS Plutôt que de recourir à la simple exécution d’une demande d’entraide ; quitte à ce que, lorsque la procédure connexe provoquée connaît des développements positifs, de véritables CRI croisées puissent intervenir permettant à chaque autorité de disposer de pièces de procédure. Etant précisé que les buts recherchés, tels que visés en –a), -b), –c), peuvent avoir jour successivement, au cours d’une même et seule procédure. Les magistrats de liaison peuvent intervenir à la demande des juridictions des 2 Etats, dans l’organisation des échanges spontanés d’informations préalables. -1-1-3- Des échanges ultérieurs, permanents et réguliers d’informations sur : -

Les évolutions des procédures. Les résultats, mêmes partiels, des procédures d’intérêt commun. -1-2- Les modalités pour des échanges informels: Les échanges spontanés d’informations doivent être organisés de façon simple et réactive : -1-2-1- Dans les dossiers avec saisine JIRS (en matière de criminalité organisée CDO/DEF) Pour les enquêtes du parquet : Contacts initiaux souples, procéduraux ou non procéduraux ; o Avec information simultanée des procureurs généraux JIRS. o Avec information et demande d’intermédiation ou d’intervention du magistrat de liaison français à ROME. Et copie pour information au magistrat de liaison italien à PARIS. o Avec information sans demande d’intervention des magistrats de liaison (cas des demandes qui doivent être exécutées très rapidement). Ces premiers contacts sont principalement des contacts directs entre les parquetiers JIRS et les parquetiers DDA (exclusivement) ou rarement des contacts indirects (par le truchement de l’officier français de liaison en poste à ROME correspondant de l’UCRAM, ou du bureau de liaison italien de la DCPJ de NANTERRE) Contacts ultérieurs, en phase d’exécution, entre les parquetiers JIRS et les parquetiers DDA Directement entre les autorités, sans demande d’intermédiation des magistrats de

liaison, mais en les rendant destinataires pour information (au cas de difficultés) des échanges en question. Les modalités des contacts :

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Intervention d’un seul magistrat référent dans chaque pays, pour la coopération sur un dossier considéré. Echanges rapides, écrits. -Préciser explicitement le caractère officieux et non procédural ou au contraire procédural aux fins d’une véritable entraide pénale. -Détailler autant que possible la demande (résumé des faits ; premières constatations ; et auditions, N° de téléphones et des véhicules utilisés, etc …). -Demande transmise par mail ou fax ou CD Rom, sans traduction, suivie de l’envoi des originaux signés par courrier. -Réponse transmise par mail ou fax ou CD Rom, avec procéduralisation de cette réponse par un PV ad oc du parquetier chargé de la direction de l’enquête ; pour officialiser la réponse ; notamment pour enregistrer la connaissance de l’exécution d’une procédure connexe déjà engagée ou appelée à l’être à la suite de la communication des informations. -Les transmissions doivent préciser les coordonnées des magistrats JIRS et DDA concernés. -Un exemplaire est adressé pour information au magistrat de liaison du pays demandeur dans la relation d’échange. Réunion ad hoc, s’il le faut, entre les parquetiers JIRS et les parquetiers DDA. Pour les instructions préparatoires : Contacts directs entre les DDA et les JIRS, avec association du parquetier JIRS pour information. Pour tous les cas : Contacts directs de la DNA avec le magistrat de liaison italien en France. -1-2-2- Dans les dossiers sans saisine de la JIRS : Informer par écrit le parquet de la DNA que l’enquête reste de la compétence d’un parquet non JIRS. -1-3- Des véritables DEPI formalisées, en matière de criminalité organisée : De telles demandes d’entraide entrante doivent être adressées ou portées immédiatement à la connaissance des JIRS, spécialement lorsque la demande porte : -sur la saisie des avoirs (organisation de saisies, de mesures conservatoires ou de confiscation. -sur des faits pénaux qualifiables au regard des articles 706-73, 706-74 du CPP

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et de « grande complexité » -706-75 du CPP). -sur la recherche de personnes en fuite. Contacts préalables, très en amont, et personnalisé avec le magistrat destinataire (JIRS ou DDA), avant la transmission des DEPI. Mais avec 2 obligations : o Celle d’officialiser la transmission, au cas où les réponses obtenues seraient exploitables dans la procédure de l’Etat d’émission. o Celle d’impliquer ab initio les magistrats de liaison. Possibilité d’engager dans le pays d’exécution de la DEPI, une procédure distincte, en concertation avec les autorités du pays d’émission. Avec obligation d’informer les dites autorités sur l’évolution et le résultat (même partiel) de ces procédures. -1-4- Des réunions de bilan de la mise en œuvre : Une fois par an au minimum. Notamment pour pouvoir restituer mutuellement les connaissances communes des phénomènes criminels. Afin d’organiser encore mieux, de façon pratique, la suite des relations judiciaires internationales entre la DNA et les JIRS. -2- Un protocole appliqué : Au terme de plus de 4 années de retour d’expérience, on relève un bilan mitigé, peut-être pas à la hauteur de ce qu’on en attendait : Dans la pratique des échanges informels d’informations: Des points négatifs : -La communication entre les autorités judiciaires a été parfois jugée incomplète, complexe, non immédiate, avec barrière de la langue : -La question s’est posée de savoir si la dite communication était effectivement systématique et transparente entre le magistrat de liaison italien et son homologue français, quant au contenu de leur portefeuille respectif. Chacun pouvant être enclin à travailler d’abord pour ses couleurs nationales. -Il est arrivé que le magistrat de liaison de ROME passe par le correspondant de la DNA pour la France (Giovanni MELLILO) afin d’obtenir des renseignements sur des dossiers traités par la DNA – en 2005-Il est souvent préférable pour la JIRS de s’adresser prioritairement au magistrat de liaison à ROME en français, sauf aisance à écrire, lire, entendre et comprendre facilement l’italien. La situation était différente lorsque Nicolas BESSONE exerçait à la JIRS. Elle pourrait être plus aisée

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-Des points positifs (présents et à venir): -L’inverse n’est pas vrai : Les CRI entrantes venant d’Italie, directement des parquets DDA ou non DDA, ou des GIP, avec ou sans le soutien du magistrat italien de liaison, sont toujours exécutées normalement en France par les VP-I de la JIRS. C’est le cas de tous els dossiers confiés en exécution à la JIRS depuis 2005. Notamment pour les demandes portant sur des saisies, mesures conservatoires et confiscations d’avoirs criminels de ressortissants italiens (même lorsqu’il s’agissait d’organiser des écoutes téléphoniques sur 8 lignes téléphoniques de portables ; ou d’organiser des mesures conservatoires sur 7 immeubles situés à NICE). Ces dossiers n’ont jamais donné lieu à des relances de la part du parquet général JIRS vers le parquet JIRS de MARSEILLE. -Depuis la rencontre de mai 2008 entre la JIRS et le magistrat français de liaison, il a été proposé aux juges d’instruction de la JIRS d’établir les CRI sortantes selon des modalités précises, quitte à modifier leur pratique professionnelle : Ces modalités seraient les suivantes : -Pour participer à l’exécution des CRI : *proposer son propre déplacement au sein de la juridiction d’exécution pour participer à l’interrogatoire du mis en cause. *solliciter l’autorisation de l’assistance d’un policier ou d’un gendarme français proposer ab initio ses coordonnées). -Pour les interrogatoires, ne poser que des questions sériées, précises ; -Pour les perquisitions, préciser par avance ce qui doit être recherché ; -Faire contacter les policiers italiens par les policiers français qui pourront organiser entre eux des suites d’échanges spontanés d’informations. -Demander au juge saisi d’adresser des notes de synthèse (pour provoquer une réponse même d’attente) avant la transmission des PV d’exécution. -Demander au juge saisi de provoquer l’ouverture d’une enquête distincte par le parquet DDA, en cas de situation de flagrance. -Relancer systématiquement et régulièrement le GIP saisi, en demandant en outre aux parquetiers des DDA d’intercéder pour les VP-I de la JIRS. Au cours de la dite réunion, on a annoncé le projet de création de juridictions italiennes équivalentes des JIRS. On n’apprend que par nos erreurs et imperfections …. Nous sommes là pour remettre à plat l’application de ce protocole Et voir où il faut porter le focus pour améliorer le schéma des bonnes pratiques

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DIRECTION DES AFFAIRES CRIMINELLES ET DES GRÂCES SOUS-DIRECTION DE LA JUSTICE PÉNALE SPÉCIALISÉE Bureau de la lutte contre la criminalité organisée, le terrorisme et le blanchiment

Dossiers suivis par les JIRS en matière de criminalité organisée en lien avec l’Italie

1- Caractéristiques principales des affaires suivies par les JIRS en lien avec l’Italie Au 15 novembre 2009, 104 procédures en lien avec l’Italie étaient ouvertes au sein des JIRS depuis leur création. 59 sont toujours en cours tandis que 49 sont définitivement clôturées. L’ensemble de ces affaires est principalement relative à des faits de trafic de stupéfiants (55,7% des dossiers).

Répartition des affaires JIRS en lien avec l’Italie selon le type d'infraction concerné : Catégorie d'infraction Stupéfiants Blanchiment Vols en bande organisée Immigration clandestine Proxénétisme Fausse monnaie Meurtres en BO Trafic d'armes TOTAL

Nombre de procédures 58 11 10 10 7 5 2 1 104

Aucun dossier de contrebande en lien avec l’Italie n’a fait l’objet d’une saisine par une JIRS.

Répartition des affaires en lien avec l’Italie selon la JIRS concernée :

Nombres d'affaires

Fort de France

Bordeaux

Lille

Lyon

Marseille

Nancy

Paris

Rennes

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40,3 % des affaires en lien avec l’Italie sont suivies par la JIRS de Marseille, ce qui s’explique aisément par la proximité géographique du ressort de la juridiction avec ce pays. 13,5% à la JIRS de Lyon dont le ressort est également frontalier avec l’Italie.

2- Présentation des affaires suivies par les JIRS en lien avec l’Italie La plupart des procédures de criminalité organisée en lien avec l’Italie sont relatives à des trafics de stupéfiants. Cependant, certains faits impliquant des clans mafieux (blanchiment ou meurtres en bande organisée commis dans le cadre de règlements de comptes) font également l’objet de saisines de la part des JIRS. 1 – Trafic de stupéfiants : La grande majorité des procédures liées à des infractions à la législation sur les stupéfiants sont relatives à des trafics de cocaïne (78%). Il s’agit essentiellement de saisies de stupéfiants réalisées sur le territoire français mais destinés au marché italien. En effet, les trafiquants, s’approvisionnant principalement en Espagne et aux Pays-Bas, transitent le plus souvent par la France. A ce titre, les JIRS de Marseille et Lyon sont principalement concernées. 2 – Blanchiment : La majorité des procédures relatives au blanchiment ont été initiées par la saisie, dans le véhicule de ressortissants italiens, de fortes sommes d’argent en espèces réagissant positivement au détecteur de drogues. Cependant, trois dossiers sont relatifs à des tentatives de blanchiment dans le sud de la France de capitaux issus des activités illicites de clans mafieux au travers d’opérations immobilières ou de créations de sociétés. 3 – Vols en bande organisée : La plupart de ces dossiers porte sur des trafics de véhicules volés, le plus souvent dérobés en Italie, immatriculés à l’aide de faux documents administratifs italiens puis revendues en France, en Espagne ou dans les pays du Maghreb. 4 – Immigration clandestine : De manière générale, l’examen des procédures suivies par les JIRS en matière d’immigration clandestine démontre que l’Italie apparaît comme un des principaux pays de transit. Les immigrants clandestins s’y rendent par voie maritime (en provenance de Grèce ou de Turquie par exemple) ou par voie terrestre (souvent depuis les Balkans ou les pays de l’Est) à partir de provenances diverses : indo-pakistanais (3 dossiers), chinois (2 dossiers), kurdes, albanais ou somaliens (un dossier pour chaque origine).

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Seul un dossier a permis de mettre à jour une filière d’immigration clandestine basée en grande partie en Italie. Celle-ci s’inscrivait dans un important réseau d’immigration illégale à dimension internationale dirigé par des ressortissants kurdes irakiens disposant d’antennes dans plusieurs Etats. La coopération entre les pays concernés, sous l’égide d’Eurojust, avait conduit à l’interpellation de 53 personnes en Italie, au Royaume Uni, en Grèce, en Turquie, au Danemark et en France. En France, 25 personnes ont été condamnées à des peines allant de 12 mois avec sursis à 7 ans d’emprisonnement. 5- Proxénétisme : Dans les affaires de proxénétisme, les liens avec l’Italie sont relativement ténus. Il s’agit le plus souvent de réseaux dirigés par des ressortissants albanais, roumains ou bulgares disposant d’établissements de prostitution dans plusieurs Etats dont l’Italie. 6- Fausse monnaie : En matière de faux-monnayage, de nombreux groupes criminels, français ou étrangers, vont se fournir, essentiellement en Italie, dans la région napolitaine, où se trouve concentrée la fabrication des contrefaçons offset de l’euro. Cinq procédures JIRS étaient ainsi relatives à la mise en circulation sur le territoire français de faux billets fabriqués en Italie et, dans trois d’entre elles, les magistrats italiens ont pu démanteler les officines de contrefaçon. Ces dernières se trouvaient toutes dans le sud de l’Italie dans des villes connues pour êtres les fiefs de clans camoristes. L’euro n’est cependant pas la seule monnaie falsifiée en Italie. En effet, dans une affaire, suite à la saisie de plusieurs milliers de faux dinars algériens, il avait pu être établi que des malfaiteurs marseillais se fournissaient auprès de ressortissants italiens et notamment de l’un d’entre eux considéré comme le superviseur de la production de fausse monnaie dans l’organisation camoriste italienne. Parallèlement, les policiers italiens avaient pu démanteler, dans le sud de l’Italie, l’imprimerie clandestine émettant les faux dinars. 345 000 faux billets de 1 000 dinars avaient ainsi pu être retrouvés. 7- Meurtres en bande organisée : Seules deux procédures pour meurtres en bande organisée sont en lien avec l’Italie. Il s’agit de règlements de comptes sur fond de litige financier en matière de trafic de stupéfiants impliquant, pour l’un d’entre eux, la Camorra italienne. 8- Infraction à la législation sur les armes : Une seule procédure relative à une infraction à la législation sur les armes présente un lien avec l’Italie. Il s’agissait de la découverte d’un explosif particulièrement dangereux dans un café parisien tenu par un ressortissant italien. Le dossier a cependant été classé sans suite, l’infraction n’ayant pu être suffisamment caractérisée.

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ANNEXE 4 : Prospectus Libera600

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Source : www.libera.it

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ANNEXE 5 : Article 12 sexies de la loi n. 356/1992601 1. Dans les cas de condamnation ou d’application des peines sur demande selon les dispositions de l’article 444 du codice di procedura penale, pour chacun des délits prévus aux articles 416 alinéa 6, 416 bis, 600, 601, 602, 629, 630, 644, 644 bis, 648 à l’exclusion de l’alinéa 2, 648 bis, 648 ter du codice penale, ainsi que l’article 12 quinquies alinéa 1 du Décret législatif du 8 juin 1992, n. 306, converti en loi du 7 août 1992, n. 356, l’article 73 à l’exclusion de l’alinéa 5, l’article 74 du texte unique portant sur les stupéfiants et les substances psychotropes, sur la prévention, le traitement de la toxico-dépendance, relevant du D.P.R. du 9 octobre 1990 n. 309, est toujours ordonnée la confiscation de l’argent, des biens ou de tout autre avantage dont le condamné ne peut justifier l’origine, même par personne interposée physique ou morale, desquels il résulte être titulaire, ou a la disponibilité à n’importe quel titre, de manière disproportionnée par rapport au revenu déclaré aux fins d’imposition à titre de salaire, ou dans le cadre d’une activité indépendante. Ces dispositions relèvent de l’application des peines au regard de l’article 444 du codice di procedura penale pour les infractions commises aux fins de terrorisme ou de trouble à l’ordre constitutionnel. 2. Les dispositions de l’alinéa 1 s’appliquent aussi dans les cas de condamnation ou d’application des peines sur demande selon les dispositions de l’article 444 du

codice di procedura penale, pour une infraction commise en remplissant les conditions de l’article 416 bis du codice penale, c’est-à-dire aux fins de favoriser une des associations visées par cet article, ainsi que ceux qui ont été condamnés pour une infraction de contrebande selon les dispositions de l’article 295, alinéa 2 du texte unique D.P.R. du 23 janvier 1973 n. 43. 3. Concernant les articles 100 et 101 du texte unique portant sur les stupéfiants et les substances psychotropes, sur la prévention, le traitement de la toxicodépendance, relevant du D.P.R. du 9 octobre 1990 n. 309, pour la gestion et l’administration des biens confisqués dans le cadre des alinéas 1 et 2, sont applicables les dispositions contenues dans le décret-législatif du 14 juin 1989, n. 230, ou celles de l’article 444 alinéa 2 du codice di procedura penale, pour la nomination d’un administrateur qui se charge de garder, conserver et administrer les biens confisqués. Ne peuvent être nommés administrateurs les personnes à l’encontre desquelles l’ordonnance a été prononcée, leur conjoint, les membres de la famille, les proches

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Source : Traduction par l’auteur.

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et les personnes cohabitant ainsi que les personnes condamnées à une peine comportant l’interdiction, même provisoire, de la fonction publique, ou ceux ayant fait l’objet d’une mesure de prévention. 4. Si, au cours des poursuites, l’autorité judiciaire, en application de l’article 321 alinéa 2 du codice di procedura penale dispose la saisie préventive des choses dont la confiscation des alinéas 1 et 3 s’applique également l’administration des choses citées plus haut. 4-bis. Relèvent également de la confiscation prévue aux alinéas 1 à 4 du présent article les dispositions en matière de gestion et destination des biens saisis et confisqués prévues par la loi du 31 mars 1965, n. 575 et ses successives modifications. Sont néanmoins sauvegardés les droits de la victime de l’infraction par la restitution et le dédommagement du préjudice subi. 4-ter. Par décrets distincts, le Ministre de l’Intérieur, de concert avec le Ministre de la Justice, après avoir relevé l’opinion des autres ministres intéressés, établit le quotat des biens saisis et confisqués selon les dispositions du présent décret converti en loi du 20 octobre 1990, n. 302 relative aux normes en faveur des victimes de faits relevant du terrorisme et de la criminalité organisée. Dans les décrets, le Ministre procède à l’établissement des quotas même si, en faveur des victimes, il peut être constitué un fond de solidarité pour les hypothèses où la victime n’a pu obtenir en tout ou partie les restitutions ou le dédommagement des dommages découlant de l’infraction. 4-quater. Le Conseil d’Etat apprécie la mise en œuvre des dispositions de l’article 4 ter.

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ANNEXE 6 : Titre II, Livre I, Chapitre I du codice antimafia : Mesures de prévention602

Titre II Les mesures de prévention patrimoniales Chapitre 1 Procédure Art. 16.- Personnes sujettes. 1. Les dispositions contenues dans le présent titre s’appliquent : a) aux sujets visés par l’article 4 ; b) aux personnes physiques et morales signalées au Comité pour les Sanctions des Nations-Unies, ou à une autre institution internationale compétente pour décider du gel des fonds ou des ressources économiques, quand sont fondés les éléments permettant de retenir que les fonds ou les ressources puissent être dispersés, occultés, ou utilisés pour le financement d’organisations ou à des fins de terrorisme (même international). 2. Concernant les sujets visés par l’article 4 alinéa 1 lettre i), la mesure de prévention patrimoniale de la confiscation peut être appliquée relativement aux biens, dans la disponibilité de ces sujets qui peuvent faciliter, de quelque manière que ce soit, les activités de ceux qui participent activement à des faits de violence à l’occasion ou à cause de manifestations sportives. La saisie effectuée au cours d’opérations de police vouées à la prévention desdites manifestations de violence est validée selon les dispositions de l’article 22 alinéa 2. Art. 17.- Autorité de poursuite. 1. Au regard des personnes indiquées à l’article 16, peuvent être proposées par le procureur de la République près le Tribunal du chef-lieu où demeure la personne, le préfet ou le directeur de la Direzione Investigativa Antimafia les mesures de prévention patrimoniales visées au présent titre. 2. Quand la mise en œuvre des mesures de prévention patrimoniales est requise à l’égard des sujets visés à l’article 4 alinéa 1, lettre c), les fonctions et les compétences du procureur de la République près le tribunal du chef-lieu du district sont attribuées au procureur de la République du tribunal le plus proche où demeure la personne ; dans ces mêmes cas, lors des audiences relatives aux procédures pour l’application des mesures de prévention, les fonctions de ministère public peuvent être exercées même par le procureur de la République du tribunal compétent. 602

Source : Traduction par l’auteur.

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3. A l’exception des cas visés par l’alinéa 2 dans les audiences relatives aux procédures d’application des mesures de prévention requises au sens du présent décret, les fonctions du ministère public sont exercées par le procureur de la République visé à l’alinéa 1. Art. 18.- Application des mesures de prévention patrimoniales. Mort du

proposto. 1. Les mesures de prévention personnelles et patrimoniales peuvent être requises et appliquées distinctement et, pour les mesures de prévention patrimoniales, indépendamment de la dangerosité sociale du sujet concerné par leur application au moment de la réquisition de la mesure de prévention. 2. Les mesures de prévention patrimoniales peuvent être mises en œuvre, même en cas de décès du sujet concerné. Dans ce cas la procédure est poursuivie à l’encontre des héritiers ou des ayant-droit. 3. La procédure de prévention patrimoniale peut être initiée même en cas de décès du sujet à l’encontre duquel pourrait être requise la confiscation ; en ce cas la demande d’application de la mesure de prévention peut-être proposée à l’égard des héritiers à titre universel ou particulier dans la limite de cinq ans à compter de la date de décès. 4. La procédure de prévention patrimoniale peut être initiée ou poursuivie également en cas d’absence, résidence ou demeure à l’étranger de la personne à l’encontre de laquelle pourrait s’appliquer la mesure de prévention, sur proposition de sujets visés par l’article 17, dont la compétence est déterminée par le dernier domicile de l’intéressé, relativement aux biens retenus comme étant le fruit d’activités illicites ou qui en constituent le reimpiego (le réinvestissement). 5. Aux mêmes fins, la procédure peut être initiée ou poursuivie alors que la personne est soumise à une mesure de sécurité détentive (di sicurezza detentiva) ou à la liberté surveillée. Art. 19.- Enquêtes patrimoniales. 1. Les sujets visés à l’article 17, alinéas 1 et 2, procèdent, même par le biais de la Guardia di Finanza, ou de la Polizia Giudiziaria, à des enquêtes sur le mode de vie, sur les disponibilités financières et sur le patrimoine des sujets visés à l’article 16 à l’encontre desquels il peut être proposée la mesure de prévention de la surveillance de la sécurité publique, avec ou sans interdiction ou obligation de séjour ; mais encore en s’appuyant sur la Guardia di Finanza ou la Polizia Giudiziaria, à des enquêtes sur l’activité économique concernant les mêmes sujets dans le but d’identifier l’origine des ressources. 169


2. Les sujets visés à l’alinéa 1 certifient en particulier si les personnes visées sont titulaires de licences, d’autorisations, de concessions, ou d’habilitations à l’exercice

d’activités

entrepreneuriales

et

commerciales,

y

compris

les

inscriptions à des registres professionnels, s’ils bénéficient de subventions, financements ou prêts à des taux préférentiels ou tout autre avantage en tous les cas dénommées, concédées ou attribuées par l’Etat, les collectivités publiques ou de l’Union européenne. 3. Les enquêtes sont effectuées même à l’encontre du conjoint, des enfants et de ceux qui dans les cinq dernières années ont cohabité avec les sujets indiqués à l’alinéa 1, mais également à l’encontre des personnes physiques ou morales, sociétés, entreprises, ou associations dont le patrimoine est à disposition de ces mêmes sujets, en tout ou partie, directement ou indirectement. 4. Les sujets visés par l’article 17, alinéas 1 et 2, peuvent requérir, directement ou par le biais d’officiers, ou agents de police judiciaire, à chaque bureau de l’administration

publique,

à

chaque

établissement

bancaire,

ainsi

qu’aux

entreprises, sociétés et instituts de n’importe quelle forme, informations et copies de la documentation retenue utile aux fins de l’enquête à l’encontre des sujets dont aux alinéas 1, 2, 3, avec autorisation préalable du procureur de la République, ou du juge, les officiers de police judiciaire peuvent procéder à la saisie de la documentation avec les modalités visées aux articles 253, 254, 255 du codice di procedura penale. 5. Au cours de la procédure pour l’application de l’une des mesures de prévention, initié à l’encontre des personnes indiquées à l’article 16, le tribunal, si nécessaire, peut procéder à d’ultérieurs enquêtes outre que celles déjà mises en œuvre, en vertu des alinéas précédents. Art. 20.- Saisie. 1. Le tribunal, même souverainement, décide par ordonnance motivée, la saisie des biens desquels la personne à l’encontre de laquelle est menée la procédure, dont elle résulte disposer directement ou indirectement, quand leur valeur résulte disproportionnée par rapport au revenu déclaré ou à l’activité économique, c’est-àdire quand, sur la base d’indices suffisants, il y a raison de retenir que ces derniers soient le fruit d’activités illicites ou en constituent le réinvestissement (reimpiego). 2. La saisie est révoquée par le tribunal quand est rejetée la proposition d’application de la mesure de prévention ou quand il résulte que ce dernier à pour objet, des biens d’origine licite, ou desquels la personne poursuivie ne pouvait disposer directement ou indirectement. 170


3. L’éventuelle annulation de l’ordonnance ne rend pas forclos pour l’utilisation à des fins fiscales des éléments acquis au cours de l’enquête mise en œuvre au sens de l’article 19. Art. 21. Exécution de la saisie. 1. La saisie est exécutée selon les modalités prévues par l’article 104 du décret législatif du 28 juillet 1989, n. 271. L’officier de police judiciaire, une fois mises en œuvre les formalités prévues plus haut, procède à l’appréhension matérielle des biens et à la gestion de l’administrateur judiciaire de ces derniers, même si grevés de droits réels ou personnels, avec l’assistance obligatoire de la police judiciaire. 2. Le tribunal, lorsque les occupants n’y procèdent pas spontanément, ordonne de quitter les lieux occupés sans titre, même en se fondant sur le titre de propriété, dont la date est antérieure à la saisie, manu militari. 3. Le remboursement des frais postaux et des indemnités de transfert relevant de l’officier de police judiciaire est régulé par la loi du 7 février 1979, n. 59. Art. 22.- Actes en cas d’urgence. 1. Lorsque un risque concernant les biens dont la confiscation est possible est concret, qu’ils soient dispersés, soustraits, ou aliénés ; les sujets de l’article 17 alinéas 1 et 2 peuvent, conjointement à la procédure, requérir auprès du président du tribunal compétent pour l’application de la mesure de prévention, décider de manière anticipée la saisie des biens avant que la date de l’audience ne soit fixée. Le président du tribunal, par ordonnance motivée, agit dans les cinq jours suivant la requête. La saisie éventuellement ordonnée n’est pas mise en œuvre si elle n’est pas validée par le tribunal dans les 30 jours de la proposition de mise en œuvre de la mesure de prévention. 2. Au cours de la procédure, sur demande des sujets visés à l’alinéa 1 ou des organes chargés de mettre en œuvre d’autres enquêtes selon l’article 19, alinéa 5 ; dans les cas d’urgence particulière, la saisie est décidée par le président du tribunal par ordonnance motivée et ne peut être mis en œuvre si elle n’est pas validée par le tribunal dans les dix jours suivants. On procède de la même manière si, au cours de la procédure, même s’il y a signalation de l’administrateur judiciaire, émerge l’existence d’autres biens qui pourraient faire l’objet d’une confiscation.

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Art. 23.- Procédure de mise en œuvre. 1. Sauf s’il en est décidé autrement, lors de la procédure d’application de la mesure de prévention patrimoniale, s’appliquent si compatibilité il y a, les dispositions du Titre 1, Chapitre II, Section 1. 2. Les tiers qui résultent être propriétaires ou indivisaires des biens saisis, dans les 30 jours successifs à l’exécution de la saisie, sont appelés par le tribunal à intervenir dans la poursuite avec ordonnance motivée qui, concerne la fixation de la date d’audience en chambre du conseil. 3. À l’audience, les intéressés peuvent déposer leurs conclusions avec l’assistance d’un défenseur, mais également demander l’acquisition de tout élément utile aux fins de la décision sur la confiscation. Si n’est pas constituée l’hypothèse prévue par l’article 24, le tribunal ordonne la restitution des biens aux propriétaires. 4. L’alinéa 2 s’applique même à l’encontre des tiers qui se fondent sur des droits réels ou personnels sur les biens saisis. Si n’est pas constituée l’hypothèse visée à l’article 26 pour la liquidation des droits qui en découlent, s’appliquent les dispositions de l’article IV. Art. 24.- Confiscation. 1. Le tribunal décide la confiscation des biens saisis à la personne à l’encontre de laquelle est menée la procédure, dont elle résulte, même par personne interposée physique ou morale, être propriétaire ou avoir la disponibilité à quelque titre que ce soit ; et ne peut justifier l’origine licite de valeur disproportionnée par rapport aux revenus qu’elle a déclarés aux fins d’imposition ou à sa propre activité économique, mais encore des biens qui résultent être le fruit d’une activité illicite ou en constituent le réinvestissement (reimpiego) 2. L’ordonnance de confiscation peut être décidée pendant un an et six mois à compter de la date de la gestion des biens par l’administrateur judiciaire. En cas de complexité ou d’indivisions patrimoniales, cette échéance peut être renouvelée par ordonnance motivée du tribunal par périodes de six mois, deux fois seulement. A l’échéance du terme prévu par l’article 22 alinéa 1, il est tenu compte des causes de suspension des termes de durée de la caution, prévues par le codice di procedura penale, si compatibilité il y a. 3. La saisie et la confiscation peuvent être adoptés sur demande des personnes énumérées à l’article 17 alinéas 1 et 2 et quand les conditions sont remplies, même après l’application d’une mesure de prévention personnelle. Sur la demande agit le même tribunal compétent pour la mesure de prévention personnelle, avec les formes pour cette procédure, et en respectant les dispositions du présent titre.

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Art. 25.- Saisie/confiscation en valeur. 1. Si la personne à l’encontre de laquelle est proposée la mesure de prévention dépense, soustrait, occulte ou dévalue les biens aux fins d’éviter l’exécution des ordonnances de saisie ou de confiscation les concernant, la saisie et la confiscation ont pour objet l’argent ou les autres biens de valeur équivalente. De manière analogue, on procède, quand les biens ne peuvent être confisqués car la propriété a été transférée, avant l’exécution de la saisie, aux tiers de bonne foi. Art. 26.- Transfert fictif de propriété. 1. Lorsqu’est observé le transfert fictif de propriété à des tiers, avec l’ordonnance qui dispose la confiscation, le juge déclare la nullité des actes de disposition si nécessaire. 2. Aux mêmes fins que pour l’alinéa 1, jusqu’à preuve contraire sont présumés fictifs : a) Les transferts, même à titre onéreux, effectués dans les deux années précédant la proposition de prévention à l’encontre des ascendants ou descendants, de l’époux ou de la personne cohabitant de manière durable, les membres de la famille jusqu’au sixième degré et les cousins jusqu’au quatrième degré. b) Les transferts à titre gratuit ou fiduciaire, effectués dans les deux années précédent la proposition de la mesure de prévention.

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ANNEXE 7 : Crim, 13 novembre 2003, CRISAFULLI603 LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le treize novembre deux mille trois, a rendu l'arrêt suivant : Sur le rapport de M. le conseiller PELLETIER, les observations de la société civile professionnelle PIWNICA et MOLINIE, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général CHEMITHE ; Statuant sur les pourvois formés par : - X... Biagio, - Y... Lucia, épouse X..., contre l'arrêt de la cour d'appel d’Aix-en-Provence, 5ème chambre, en date du 19 décembre 2002, qui a autorisé l'exécution sur le territoire français d'une décision de confiscation prononcée par une juridiction étrangère ; Joignant les pourvois en raison de la connexité ; Vu le mémoire produit ; Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 6-1 et 7 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, prémice du premier protocole additionnel à cette convention, 1, 2, 6, 12 et 14 de la Convention relative au blanchiment, au dépistage, à la saisie et à la confiscation des produits du crime conclue à Strasbourg le 8 novembre 1990, 10 et 12 de la loi n° 96-392 du 13 mai 1996, 131-6, 222-44, 222-49, 324-7 du Code pénal, 485, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale : En ce que l'arrêt attaqué a autorisé l'exécution de la décision du tribunal de Milan ordonnant la confiscation de l'immeuble sis sur le territoire français appartenant aux époux X... ;

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Cass. Crim., 13 novembre 2003, n° 03-80.371, Bull. crim. 2003 N° 213 p. 878.

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Aux motifs, repris des premiers juges, que l'article 324-7 du Code pénal français prévoit la confiscation des biens issus de l'infraction de blanchiment ; que plus généralement l'article 131-24 du Code pénal prévoit la confiscation de la chose qui est le produit de l'infraction ; que s'agissant en l'espèce du produit d'un trafic de stupéfiants important, les circonstances analogues requises par la loi sont ainsi remplies ; qu'il peut être précisé que la loi ne prévoit aucune identité de juridiction ; que la décision du tribunal de Milan en ses motifs et ses conséquences sur le patrimoine des condamnés peut s'analyser comme une décision pénale ; que l'ordonnance du 17 décembre 1999 du tribunal de Milan démontre, en effet, parfaitement que la villa du Cap d'Antibes était acquise avec le produit de crimes divers, en particulier trafic de narcotiques, opérés par Lucia Y... et Biagio X... ; que l'ordre public français ne peut être contrarié par une requête visant à confisquer une villa acquise par le blanchiment de sommes issues d'une organisation criminelle 1 ) Alors qu'il résulte, tant des dispositions de l'article 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales que de l'article 10-4 de la loi susvisée du 13 mai 1996 que lorsque la décision étrangère de confiscation du prétendu produit d'un crime, dont il est demandé au juge français d'autoriser l'exécution, a été prononcée dans des conditions n'offrant pas de garanties suffisantes au regard des droits de la défense, ce juge ne peut faire droit à la demande qui lui est présentée ; que, dans leurs conclusions régulièrement déposées devant les juges du fond, les époux X... faisaient valoir que la juridiction italienne qui avait prononcé la confiscation de leur immeuble sis sur le territoire français était une juridiction dite de prévention qui a le pouvoir, selon la loi italienne, non seulement d'intervenir sur le patrimoine mais également sur la liberté d'aller et venir des citoyens, et ce, indépendamment de poursuites pénales ou de condamnations pénales et qu'en faisant droit à la demande d'autorisation d'exécution de la mesure de confiscation qui lui était présentée, sans rechercher préalablement si la juridiction italienne qui avait prononcé cette mesure offrait des garanties suffisantes au regard des textes susvisés, la cour d'appel a méconnu ses pouvoirs ; 2 ) Alors que la confiscation quand bien même serait-elle, selon la loi italienne, prononcée à titre de mesure préventive, constitue une sanction ; qu'une telle mesure ne saurait en conséquence être prononcée indépendamment d'une déclaration de culpabilité au titre d'une infraction précise, prévoyant une telle confiscation à titre de peine ;

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3 ) Alors que la confiscation ne peut, selon la loi française, être prononcée qu'à titre de peine complémentaire et non comme une mesure de prévention ; que si l'ordonnance du juge de Milan du 17 décembre 1999 est considérée comme une mesure de prévention, elle ne constitue pas, alors, une condamnation pénale définitive ayant ordonné la confiscation du bien à titre de peine complémentaire, si bien que la cour d'appel a violé les textes susvisés ; Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que, par ordonnance du 17 décembre 1999, le tribunal de Milan a prononcé, à titre de mesure préventive, la confiscation d'un immeuble sis à Antibes, appartenant aux époux X... ; que cette décision a été confirmée par la Cour suprême de cassation italienne qui, par arrêt du 19 mars 2001, a considéré comme suffisants les indices permettant d'établir que l'immeuble en cause était le produit du blanchiment de capitaux provenant de trafic de stupéfiants comme ayant été racheté puis restauré grâce aux profits retirés de ce trafic ; qu'en application de la Convention relative au blanchiment, au dépistage, à la saisie et à la confiscation des produits du crime, entrée en vigueur pour la France le 1er février 1997, et de la loi du 13 mai 1996 relative à la lutte contre le blanchiment et le trafic de stupéfiants et à la coopération internationale en matière de saisie et de confiscation des produits du crime, les autorités judiciaires italiennes ont saisi le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Grasse, d'une requête aux fins d'autoriser sur le territoire français l'exécution de la décision étrangère susvisée ; Attendu que, pour faire droit à cette demande, les juges du fond constatent que les conditions prévues pour cette exécution par la loi du 13 mai 1996, notamment en ses articles 12 à 14, sont réunies ; qu'ils relèvent ainsi que la décision de confiscation est définitive et exécutoire et que le bien confisqué est susceptible de l'être dans des circonstances analogues selon la loi française, en ses articles 131-21 et 324-7 du Code pénal ; qu'ils ajoutent enfin que l'exécution de la décision précitée ne peut porter atteinte à l'ordre public dès lors que la requête tend à la confiscation d'un immeuble acquis par le blanchiment de sommes issues d'une organisation criminelle ; Attendu qu'en cet état, la cour d'appel a justifié sa décision sans encourir les griefs allégués ; Qu'en effet, il résulte de la Convention susvisée applicable dans les relations entre la France et l'Italie, qu'une partie, ayant reçu de l'autre partie une 176


demande de confiscation concernant des produits situés sur son territoire, est tenue de l'exécuter lorsque, comme en l'espèce, les conditions prévues par le texte conventionnel et la loi de l'Etat requis sont réunies ; D'où il suit que le moyen doit être écarté ; Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ; REJETTE les pourvois ; Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ; Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Le Gall conseiller le plus ancien, faisant fonctions de président en remplacement du président empêché, M. Pelletier conseiller rapporteur, Mme Ponroy, M. Arnould, Mme Koering-Joulin, M. Corneloup, Mme Palisse conseillers de la chambre, M. Sassoust, Mme Caron, MM. Lemoine, Chaumont conseillers référendaires ; Avocat général : M. Chemithe ; Greffier de chambre : Mme Daudé ; En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ; Composition de la juridiction : M. Le Gall, conseiller le plus ancien faisant fonction., M. Pelletier., M. Chemithe., la SCP Piwnica et Molinié. Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence 2002-12-19 (Rejet)

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ANNEXE 8 : Villa CRISAFULLI à Cap d’Antibes604

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Echange de mails avec Claude DUCOULOUX-FAVARD, via Fabrice RIZZOLI, ONG FLARE France, 16 août 2013.

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ANNEXE 9 : Affaire PELLEGRINO605 Interception de conversations téléphonique entre les frères PELLEGRINO606 Gianni Pellegrino : « Michele » Michele Pellegrino : « Comment? » G. : « J'ai une bonne nouvelle » M. : « Dis moi » Gianni : J'ai obtenu un chantier Michele : Lequel? G. : Les caravelles, c'est à Eze, il y a environ 1 900 mètres cubes d'excavation M. : Ok G. : Je l'ai pris à 12 euros l'excavation et à 18 euros le transport. Le tout à 30 euros. M. : Ok, ok, où on va après, la bas? (là où on emmène la terre ndr) G. : Mo (Michele ndr), on va voir, soit on l'emporte en Italie, soit on le dépose à Carosse. M. : Mais c'est mieux de l'emporter à Carosse? G. : On verra après, on évaluera Michele, on est qu'au début. Par ailleurs, il faut faire un pan de pierre (Roscima), un mur (Scogliera)... M. : Si G. ... de protection sur la route dans le cas ou des pierres ne tombent; une protection. Une fois le travail terminé, on démonte le mur de protection, et on emporte les pierres, M. : D'accord mais comment on fait? (pour le prix... ndr) G. : Tout est déjà calculé Michele, on l'a déjà pris ce matin et maintenant... [incompréhensible et dialecte calabrais] on me l'envoi par mail... [incompréhensible et dialecte calabrais] ... mon nouvel ordinateur M. : D'accord mais le mur de protection, on se le fait payer en plus... G. : Oui mais déjà tout calculé à coté Michele M. : A combien? Aussi parce qu'il faut acheter les pierres (pour faire le mur de protection ndr) G. : Les pierres, oui il faut les acheter c'est certain M. : Tiens compte des 18 euros de la tonne que ca coute, (en France dit-il peut-être) G. : On a fait le même prix qu'en France, compte qu'en France cela coûte plus tu sais M. : J'espère G. : Ainsi, on prend les pierres en Italie et on paye moins. Comme cela on économise et c'est du gain pour nous. M. : Mais que l'a fait le prix? G. : Hein? Carmine Anastasio M. : Ok, ca va... G. : ... attends un peu que je te dise tout Michele (interruption du son de quelques secondes) M. : Mais la muraille (scogliera) c'est juste un mur de protection, ne me dit 605 606

Documentation fournie par Fabrice RIZZOLI, ONG FLARE France, 10 mars 2013. Traduction par Fabrice RIZZOLI, date de l’interception inconnue.

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pas que c'est... incompréhensible G. : C'est un mur de protection Michele, au cas où une pierre tombe car on vraiment au bord de... M. : Oui mais ce la doit pas être bien fait [esthétique ndr] qu'après il faut la démonter G. : Michele, on doit construire une protection car si un pierre se fracasse sur la route et tue quelqu'un... une fois le travail terminé, on doit démonter. M. : Ok ok G. : Attends que je te dise tout... Et j'ai aussi peut-être conclu celui de Diana à 45 000 euros M. : Bien, bien, bien… G. : J'ai aussi peut-être conclu avec la démolition à 35 000 euros... 34 000 euros M. Bien, Bien, tu vois qu'on y arrive G. : Si, je dis que j'ai préparé un tas de devis qui sont prêts. Tu verras, je te le dis... peut-être on a conclu aussi l'autre excavation avec Giannino Tagliamento M. : Celui important? G. : Oui le gros, il y en a pour 23 000 mètres cubes et on l'a conclu à 29 euros et ca combien ca? M. : Attends, [Michele semble prendre le temps de calculer soit avec un machine soit sur un bout de papier] cela fait 700 000 euros.... G. : 700 000, alors j'ai conclu pour presqu'un milliard de travaux aujourd'hui Michele M. : Incompréhensible Discussion peu compréhensible dialecte M. Bien G. : On a conclu pour milliard de travaux aujourd'hui! Euh...non ; 1 million d'euros soit 2 milliards de lire de l'époque Michele! M. : Bien G. : Peut-être que déjà, lundi on apporte l'excavateur aux Caravelles M. : A Eze? G. : A Eze oui M. : Mais, c'est pas mieux que tu t'organises un peu? G. : Michele, le cabinet Porté vient de me téléphoner et ils me demande le devis mais demain c'est férié en France, moi à 10H30 j'ai un rendez-vous avec l'ingénieur qui travaille pour nous, tu viens avec nous, tu écoutes et je te présente... M. : ... Gianni, moi demain, j'ai une réunion là bas, au Millénium et cela va être le bordel G. : Ok, alors, tu vas a chez Millénium et moi je vais conclure cette affaire là... incompréhensible j'ai l'accord... je prend 20% d'acompte et ainsi je dépose un peu d'argent à la banque pour la maison M. : Bravo, bien bien... G. : Ok? M. : Ok ! G. Dés que je reçois les mails je te dis tout... ok Michele? M. Ok G. Ciao M. Ciao 180


Site Internet de la société Pellegrino frères SARL

Chantiers facturés à la société Pellegrino frères SARL

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ANNEXE 10 : Commission rogatoire internationale telle qu’émise par les autorités italiennes au sujet de Maurizio Vincenzo ERRERA607 Demande d’entraide judiciaire selon la procédure du code pénal Au procureur Général près la Cour d’Appel de Paris Section Mesures Préventives : A l’attention de Mme Sylvia Zimmermann, Doyenne des juges d’instruction 1. Demande présentée par l’autorité : Tribunal de Trapani-Section Mesures de Prévention (M. Piero Grillo, Président section Mesures Prévention près le Tribunal de Trapani) 2. Urgence : Un tel recours nécessite une procédure d’urgence, le Tribunal-Section Mesures de Prévention a placé sous saisie plusieurs biens appartenant à Monsieur ERRERA Maurizio Vincenzo. Ce dernier, en ayant eu connaissance, est susceptible de dissimuler le matériel qui n’a pas encore été saisi. 3. Conventions appliquées : Sont concernées : -La convention Européenne d’Assistance Judiciaire selon la procédure pénale du 20 avril 1959. -Le protocole supplémentaire à la Convention européenne d’Assistance Judiciaire en droit pénal du 17 mars 1978. -La convention d’exécution des accords de Schengen du 19 juin 1990. 4. Qualification juridique des faits : Concernant Monsieur ERRERA Maurizio Vincenzo, né à Marsala le …, il a fait l’objet d’une requête de mesure préventive personnelle et patrimoniale, conformément à l’article 1 de la loi n. 575/1965 (modifiée par l’article 10 D.L. 23 mai 2008, n. 92, introduit par la loi du 24 juillet 2008, n. 125), ce dernier ayant été mis en examen pour infraction aggravée: extorsion (art. 629 CP) aggravée de menaces, actes d’intimidation découlant d’une participation à une association de type mafieux (art. 7. D.L. n. 152 de 1991). En Italie, la législation prévoit, au sens de l’art. 12 sexies du D.L. 306 du 8.06.1992 la confiscation « du patrimoine des individus condamnés pour des faits de criminalité » tels que l’extorsion. Cette norme permet la confiscation des biens illicites pour lesquels l’accusé ne sait, ni en expliquer la provenance, ni justifier en être le propriétaire et dont il ne 607

Alberto Ernesto PERDUCA, février 2013.

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dispose d’aucun titre, compte tenu de la disproportion flagrante existante entre les revenus qu’il a déclaré et son mode de vie. Compte tenu de la longueur et de la complexité de cette procédure de confiscation, la loi italienne permet aussi de procéder à la saisie et à la confiscation au sens de l’art. 2 ter de la loi n. 575/1965 (modifiée par l’art. 10 D.L. 23 mai 2008, n. 92, introduit par la loi du 24 juillet 2008, n. 125) en chambre de l’accusation. Cela concerne le cas de Monsieur ERRERA. Sur la base de la culpabilité avérée, celui-ci, ayant déjà été condamné pour crime d’extorsion, plusieurs biens lui ont déjà été saisis, dont la Société X (une société de production et du commerce de béton) au sens de l’art. 2 ter de la loi 575/1965. L’administrateur de la société nommé par le Tribunal a fait savoir que ERRERA, avant la saisie, a détourné du matériel coûteux et l’a revendu à un prix bien plus bas que celui d’acquisition. 5. Exposition des faits : Monsieur ERRERA a déjà été condamné, sur la base d’une procédure pénale autonome pour crime d’extorsion (art. 629 CP) par le biais de menaces et actes d’intimidation découlant d’une participation à une association de type mafieux (cf. jugement rendu le 22. 02. 2006 définitif et exécutoire). Il a été prouvé entre autre que ERRERA, entrepreneur en bâtiments et responsable d’un commerce de béton, dans la banlieue de Trapani, a obligé avec l’aide de certains membres de la mafia (ses complices) l’entrepreneur Matteo Z à lui remettre la somme de 20.000.000 de lires (10.000 euros). Monsieur Z leur a encore remis, toujours sous l’effet de la contrainte, la somme de 25.000.000 de lires (environ 12.000 euros) et leur a permis d’utiliser gratuitement un tractopelle. Il a fait l’objet d’une saisie de plusieurs biens dont il avait la disponibilité, parmi lequel la société X dont l’administrateur à fait savoir qu’il a détourné avant la mise en œuvre de cette dernière du matériel coûteux. En conséquence, Le Tribunal de Trapani – Section Mesures préventives, par arrêt daté du 18. 03. 2010 a émis la décision de saisie de différents biens personnels dans le but de : A) D’une part, au sens de l’art 2 ter, alinéa 10 de la loi n. 575/1965 de saisir des biens de valeur équivalente à ceux qui ont été détournés du patrimoine de la Société X et donc estimé à environ 299.000, 00 euros. B) D’autre part, au sens de l’art. 2 ter, alinéa 2 de la loi n. 575/1965, saisir des biens dont on ne peut justifier l’origine. Il est prouvé que ni ERRERA, ni les autres membres de la famille auraient pu, vu 185


leur revenu, acquérir les biens dont il affirme être le propriétaire. Dans le système de procédure préventive, ces biens doivent être considérés saisissables. Par conséquent, tous ces biens, notamment en France, doivent être saisis. Il a également été démontré par l’administrateur judiciaire nommé (ayant vérifié les paiements sur le compte de l’entreprise) qu’après l’exécution de cette ordonnance de saisie, Madame Angela Y, épouse de Monsieur ERRERA Vincenzo, possède une multipropriété à Paris, acquisition faite au prix de 10.591 euros. Il est évident que même ce bien doit être saisi, ainsi que tout autre bien appartenant à Monsieur ou Madame Errera après identification. De l’arrêt rendu par le Tribunal de Trapani, dont a été mis en évidence le contenu, on demandé la mise à exécution : 6. Mesures demandées : La saisie des biens appartenant à Madame Angela Y, et ceux faisant partie d’un groupe d’immeubles …, sis à ISSY-LES-MOULINEAUX (Hauts de Seine), rue … ; Bâti sur terrain de 2755 mètres carrés, inscrits au cadastre section AB n . 74 ; L’entrée de l’immeuble se trouve à …. La part de la multipropriété de Madame Angela Y, dans la clause n. 5 du contrat stipulé le 8.07.2005 avec la SARL W, ayant siège à Nice, avec la multi-gestion SA ayant siège à (…) est la suivante : (…) L’immeuble a été acheté par Angela Y par contrat stipulé le 8.07.2005 par le biais de la SARL W, ayant siège à Nice ; Bien vouloir procéder à la recherche, l’identification des immeubles référencés et de tout autre bien potentiellement acquis en France, appartenant à Monsieur ou Madame Errera et procéder à la saisie de ces biens ; (…omissis…) Trapani, le 26.05.2010. Il presidente della Sezione Misure di Prevenzione Dott. Piero GRILLO.

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BIBLIOGRAPHIE DOCUMENTATION EUROPEENNE ET INTERNATIONALE Rapports ALFANO, S. (2010) Rapport sur la criminalité organisée dans l’Union Européenne, n. 2309 (INI). ALFANO, S. et VARRICA, A. (2012) Per un contrasto europeo al crimine organizzato e alle mafie : la risoluzione del Parlamento Europeo e l’impegno dell’Unione Europea, Franco Angeli editore. EUROPEAN POLICE OFFICE, (2012) Camden Asset Recovery Inter-Agency Network (CARIN), CARIN Manual, The History, Statement of Intent, Membership and Functioning of CARIN. DIRECTORATE-GENERAL FOR INTERNAL POLICIES, (2012) Policy department citizen’s rights and constitutional affairs, The need for new EU legislation allowing the assets confiscated from criminal organisations to be used for civil society and in particular for social purposes, PE 462.437. EUROJUST, (2011) Rapport annuel. EUROPOL, (2013) EU serious and organized crime threat assessment, SOCTA. FATF-GAFI, (2006) Mutual evaluation report on anti-money laundering and combating the financing of terrorism : ITALY, 28 February 2006. IACOLINO, S. (2012) Projet de rapport sur la criminalité organisée, la corruption et le blanchiment de capitaux : recommandations sur des actions et des initiatives à entreprendre (rapport à mis parcours), n. 2117 (INI).

DOCUMENTATION FRANCAISE

Textes Loi n° 96-392 du 13 mai 1996 relative à la lutte contre le blanchiment et le trafic des stupéfiants et à la coopération internationale en matière de saisie et de confiscation des produits du crime. Loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité. Loi n° 2010-768 du 9 juillet 2010, dite Loi WARSMANN, visant à faciliter la saisie et la confiscation en matière pénale. Loi n° 2012-409 du 27 mars 2012 de programmation relative à l'exécution des peines, JORF n°0075 du 28 mars 2012 page 5592. Décret n° 2000-652 du 4 juillet 2000 portant publication de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République italienne relatif à la réadmission des personnes en situation irrégulière signé à Chambéry le 3 octobre 1997. Circulaire du 15 mai 2007 portant création d’une plateforme d’identification des avoirs criminels (PIAC) chargée de l’identification des avoirs financiers et des biens patrimoniaux des délinquants, en vue de leur saisie ou de leur confiscation, et de la centralisation des informations relatives à la détection d’avoirs illégaux en tous points du territoire national. NOR INT/C/07/00065/C, p. 3. Circulaire du 22 décembre 2010 relative à la présentation des dispositions résultant de la loi n° 2010768 du 9 juillet 2010 visant à faciliter la saisie et la confiscation en matière pénale, NOR :

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TABLE DES MATIÈRES

SOMMAIRE ..........................................................................

ACRONYMES .........................................................................

INTRODUCTION ................................................................... 1

PARTIE 1 – LUTTE PATRIMONIALE FACE AUX MAFIAS ITALIENNES .... 10

CHAPITRE 1 – Enjeux patrimoniaux .............................................. 11 Section 1 Présence progressive des mafias italiennes en France ............ 11 §1 Mafia : un phénomène d’origine italienne ......................................................... 11 A. Recherche d’un langage juridique commun ...................................................... 12 B. Expansion du Sud de l’Italie vers les régions limitrophes à la France...... 16 §2 Intérêt de la « pieuvre italienne » pour le territoire français ................. 19 A. Extension des mafias italiennes en France ..................................................... 19 B. Raisons de l’extension en France........................................................................24 Section 2 Identification du patrimoine mafieux par la coopération ......... 29 §1 Coopération policière aux fins d’identification du patrimoine ...................29 A. Instruments d’identification du patrimoine ....................................................29 B. Acteurs de l’identification du patrimoine ........................................................34 §2 Coopération judiciaire aux fins de poursuites...............................................40 A. Coopération de droit commun .............................................................................40 B. Coopération antimafia ...........................................................................................42

CHAPITRE 2 – Appréhension du patrimoine des mafias ......................... 45 Section 1 Phase en amont de la confiscation du patrimoine ................. 45 §1 Perquisitions en vue de la saisie du patrimoine mafieux..............................45 A. Finalités étendues des perquisitions ................................................................45 B. Mise en œuvre des perquisitions du patrimoine mafieux .............................47 §2 Saisies en vue de confiscation du patrimoine mafieux................................49 A. Finalités étendues des saisies ............................................................................49 B. Mise en œuvre des saisies du patrimoine mafieux ........................................ 51 Section 2 Phase en aval de la confiscation du patrimoine .................... 61 §1 Gestion du patrimoine mafieux en vue de confiscation ............................... 61 A. Divergence des bureaux de recouvrement des avoirs nationaux............... 61 B. Convergence des agences de gestion des biens saisis et confisqués ........64 §2 Devenir des biens confisqués aux mafias .......................................................67 A. Destination des biens confisqués ......................................................................67 B. Réintégration des biens confisqués dans l’économie saine ..........................68

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PARTIE 2– RÉPRESSION PATRIMONIALE DES MAFIAS ITALIENNES ..... 73

CHAPITRE 1 - Instruments de confiscation communs .......................... 74 Section 1 Confiscation du patrimoine mafieux ................................ 74 §1 Droit commun de la confiscation .......................................................................74 A. Confiscation en nature .........................................................................................74 B. Confiscation en valeur...........................................................................................79 §2 Droit spécial de la confiscation ........................................................................82 A. Dispositions spécifiques prévues en France et en Italie .............................82 B. Confiscation spéciale italienne pour les associations de type mafieux ....88 Section 2 Confiscation du patrimoine du mafieux ............................. 91 §1 Dissimulation du patrimoine confiscable : 12 quinquies ............................... 91 A. Transferts frauduleux de valeurs et non justification de ressources ....92 B. Portée de la répression ........................................................................................96 §2 La confiscation élargie : 12 sexies ................................................................. 100 A. Présomption de lien entre le bien et l’infraction ......................................... 100 B. Confiscation de « tout ou partie du patrimoine » ........................................ 105

CHAPITRE 2 – Mesures de prévention patrimoniales.......................... 110 Section 1 Application des mesures de prévention en Italie ................ 110 §1 Originalité des mesures de prévention ........................................................... 111 A. Raisons de l’existence des mesures de prévention ...................................... 111 B. Conditions de mise en oeuvre ............................................................................ 114 §2 Mise en œuvre des mesures de prévention : study case .......................... 118 A. Portée patrimoniale étendue ............................................................................ 118 B. Preuve des conditions d’application ................................................................. 122 Section 2 Exécution des mesures de prévention en France ................ 126 §1 Efficacité des mesures de prévention en France ....................................... 126 A. Reconnaissance des mesures de prévention par l’arrêt CRISAFULLI ... 126 B. Les suites de l’affaire CRISAFULLI ............................................................... 130 §2 Une nouvelle clé de voûte de la lutte antimafia italienne ? ..................... 134 A. Légitimité nationale et internationale des mesures de prévention ......... 134 B. Limites pratiques des mesures de prévention .............................................. 136

CONCLUSION ................................................................... 139

ANNEXES ........................................................................ 142

BIBLIOGRAPHIE ................................................................. 187

TABLE DES MATIÈRES ......................................................... 200

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Table des figures et des annexes Figure 1 : Lien entre mafia et politique. Figure 2 : Peines prévues pour la participation à une organisation criminelle. Figure 3 : Implantation mafieuse en Italie du Nord. Figure 4 : Projections de Cosa Nostra dans le cœur de l’Europe. Figure 5 : Société S.F.G. dirigée par Giuseppe FALSONE. Figure 6 : Déclarations de soupçon d’opérations aurifères avec contreparties étrangères. Figure 7 : Répartition régionale des déclarations de soupçons émises par les notaires en 2008. Figure 8 : Synthèse des principaux fichiers en matière patrimoniale en France et en Italie. Figure 9 : Groupes spécialisés en matière de criminalité en Italie. Figure 10.1 : CCPD de Ponte S. Luigi (Ventimiglia, ITALIE). Figure 10.2 : CCPD de Le Freney (Modane, FRANCE). Figure 11 : Répartition des procédures suivies par les JIRS en matière de criminalité organisée selon la catégorie d’infraction concernée sur la totalité des procédures dont les JIRS se sont saisies au 31 déc. 2009. Figure 12 : Terminologie du droit des saisies pénales en France et en Italie. Figure 13 : Nature des biens saisissables en France et en Italie. Figure 14 : Processus de saisie en France et en Italie. Figure 15.1 : Pouvoirs des acteurs de la saisie probatoire en France et en Italie. Figure 15.2 : Biens saisissables à des fins probatoires en France et en Italie. Figure 16 : Saisie de documentation et des choses déposées auprès des établissements bancaires. Figure 17 : Remarques comparatives sur la saisie à finalité confiscatoire en France et en Italie. Figure 18 : Exemple de mise en oeuvre de l’ancien article 706-30 du code de procédure pénale. Figure 19.1 : Organigramme de l’A.G.R.A.S.C. Figure 19.2 : Organigramme de l’A.N.B.S.C. Figure 20 : Phases d’intervention de la A.N.B.S.C. en Italie. Figure 21 : Réintégration des biens assignés par l’A.N.B.S.C. en 2012. Figure 22.1 : Bénéfices tirés du projet Libera Terra dans la production alimentaire. Figure 22.2 : Provenance des financements de l’association. Figure 23 : Référence textuelle à la nature des biens confiscables en France et en Italie. Figure 24 : Usure et ‘Ndrangheta. Figure 25 : Divergence des infractions de dissimulation de patrimoine en France et en Italie. Figure 26 : Contrebande de tabac produit à l’étranger en Italie. Figure 27 : Dispositions faisant l’objet d’un traitement spécifique en France par rapport à l’article 12 sexies. Figure 28 : Dispositions sujettes à la confiscation élargie des biens sans lien avec l’infraction en France par rapport à l’article 12 sexies (loi 356/1992) italien. Figure 29 : Infractions pour lesquelles il y a une confiscation élargie en France ou en Italie. Figure 30 : Double-rail dans le cadre du procès pénal et de la prevenzione en Italie. Figure 31 : Partage de la charge de la preuve entre le proposto et l’autorité poursuivante. Figure 32 : Transfert fictif de propriété par Monsieur N. Figure 33.1 : Méthode d’évaluation de la disproportion. Figure 33.2 : Revenu déclaré par le proposto et les membres de sa famille aux fins d’imposition. Figure 34 : Société Pellegrino frères dirigée par Giovanni PELLEGRINO. Figure 35 : Circuit de blanchiment organisé par les frères PELLEGRINO entre la France et l’Italie. Figure 36.1 : Ratio entre le risque pénal et l’intérêt de commettre une infraction profitable pour le criminel. Figure 36.2 : Nature des mesures de prévention mises en œuvre en Italie en 2012. Figure 37 : Mise en œuvre des mesures de prévention en 2012 par Cour d’Appel.

Annexe Annexe Annexe Annexe Annexe Annexe Annexe Annexe Annexe

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: : : : : : : : :

Notaire et mafias italiennes. Procès verbal de remise de Nevio CORAL aux autorités italiennes. Rencontre Franco-italienne : DNA-JIRS. Prospectus Libera. Article 12 sexies de la loi n. 356/1992. Titre II, Livre I, Chapitre I du codice antimafia : Mesures de prévention. Crim, 13 novembre 2003, CRISAFULLI. Villa CRISAFULLI à Cap d’Antibes. Affaire PELLEGRINO.

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RIASSUNTO A seguito della progressiva apertura delle frontiere tra gli Stati europei, le mafie italiane - rispettivamente Cosa Nostra, la Camorra e la ‘Ndrangheta – hanno colto tale occasione per estendere la loro attività sul territorio di altri Stati membri, per ragioni essenzialmente finanziarie, non limitandosi più alla sola espansione sul territorio italiano, ancora contestata al Nord. Pur non conoscendo giuridicamente le associazioni di tipo mafioso, il legislatore francese si è recentemente dotato di un arsenale penale finalizzato all’ablazione del patrimonio. L’amplificazione notevole degli strumenti di perquisizione e di sequestro penale si è accompagnata dalla creazione di un agenzia nazionale svolta a gestire il patrimonio confiscato, in modo da dare piena efficacia al nascente strumento repressivo, conosciuto da oltre trent’anni in Italia. Con tale riforma, le autorità giudiziarie oltralpe sono equiparate da strumenti di confisca vari, che permettono di far fronte al fenomeno della criminalità organizzata mafiosa o non, in modo equivalente con la stessa libertà degli omologhi italiani. La presente tesi presta cura particolare nella comparazione dei due sistemi giuridici, e perviene sull’equivalenza degli strumenti di confisca italiani e francesi nel procedimento penale, nonchè sulle misure di prevenzione patrimoniali, sconosciute dal diritto positivo francese. Quest’ ultime, dopo l’ultima riforma introdotta dal decreto legislativo n. 159/2011, sono destinate ad assumere un ruolo non marginale nella lotta contro le associazioni di tipo mafioso. Il nuovo c.d. codice antimafia consente di procedere alla confisca dei beni, senza che sia

accertata la commissione di un qualunque reato,

qualora sia provata la loro origine illecita, la spropozione del reddito dichiarato al loro valore, e la pericolosità sociale del proposto. La corte di cassazione francese a riconosciuto l’esecuzione di tali provvedimenti sul patrimonio oltralpe tramite la giurisprudenza CRISAFULLI, del 2003. Data la loro singolarità, non si intende proporne la trasposizione in altri Stati, ma di analizzarne l’intensità sul territorio francese. Parole chiave : Sequestro – Confisca – Indagini patrimoniali – Misure di prevenzione patrimoniali – Francia – Italia

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RÉSUMÉ « Le crime organisé vit et prospère là où le pouvoir étatique est faible, là où règne la corruption et qu'il tend à prendre une position de monopole et d'expansion dans le monde entier. Cette économie du crime s'infiltre silencieusement dans l'économie saine grâce aux réseaux transnationaux ‘’noirs’’ qui finissent par constituer d'authentiques institutions s'intégrant au marché globalisé ». (Claude DUCOULOUX-FAVARD, 2001). Les mafias italiennes – particulièrement Cosa Nostra, la Camorra et la ‘Ndrangheta - sont devenues transnationales. Si l’on peut parler d’une expansion sur l’ensemble du territoire italien ; d’importantes figures de la lutte antimafia comme Pietro GRASSO ou Roberto SAVIANO dénoncent leur extension sur le territoire français, notamment en Côte-d’Azur. La gravité de ce phénomène nécessite le développement de moyens de lutte adaptés, voués à neutraliser le patrimoine découlant de ces organisations. L’adoption de la

loi du 9 juillet 2010, dite WARSMANN, a permis d’augmenter

considérablement la portée des instruments de saisie et confiscation. L’ensemble de la matière a été revue : en amont, le champ des perquisitions et des saisies a été élargi ; tandis qu’en aval, une agence de gestion et de recouvrement des avoirs criminels a été créée. Cette réforme, traduit la volonté du législateur français de « frapper les délinquants au portefeuille ». En se dotant d’un tel arsenal juridique, la lutte contre la criminalité organisée en France n’a plus rien à envier au droit pénal italien, confronté depuis plus de trente ans aux associations de type mafieux. Si la confiscation est aujourd’hui équivalente des deux côtés des Alpes dans le cadre du procès pénal, il faut noter l’existence d’un instrument atypique en Italie : les mesures de prévention. Elles ont fait l’objet d’une importante réforme en 2011 et sont vouées à devenir la nouvelle clé de voûte de la lutte antimafia. En se fondant sur des critères tels que la dangerosité sociale, l’origine illicite du patrimoine et la disproportion entre le revenu déclaré et la propriété de ce dernier, elles permettent procéder à la confiscation, sans que la personne en faisant l’objet ait nécessairement commis une infraction. Cet instrument particulièrement redoutable n’a pas d’équivalent dans notre pays : par l’arrêt CRISAFULLI, la Chambre criminelle en a admis l’exécution pour le patrimoine situé en France. Mots-clé : Mafia – Criminalité organisée – Enquête patrimoniale - Saisie Confiscation – Mesures de prévention – Gestion – France – Italie

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