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de la FNAIM Paris Ile-de-France

C’est ce constat qui nous a conduit à ouvrir la collection de ces Cahiers par la thématique - ô combien brûlante - de l’insécurité.

Avec les contributions de : Michel Gaudin, Gilles Glin, Christophe Soullez, Xavier Raufer, Christian Frémaux, Isabelle Fournier, Jean-Pierre Tripet, Robert Branche et Michel Terrioux

Les Cahiers de la FNAIM Paris Ile-de-France Une publication de la FNAIM Paris Ile-de-France - Mars 2012 - N°1 - 15 € Directeur de publication : Gilles Ricour de Bourgies N°ISBN 978-2-9521616-1-9

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Peur sur la ville ?

Contributions pour un Grand Paris de la sécurité

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Gilles Ricour de Bourgies Président de la Chambre FNAIM Paris Ile-de-France

Peur sur la ville ?

A l’échelle du Grand Paris, la sécurité est en effet un défi qui reste pour l’essentiel à relever et qui concerne l’organisation urbaine dans son ensemble. L’enjeu est de permettre à la capitale, à vocation résolument mondiale, de rester une ville où il fait bon vivre, en s’inspirant de la "coproduction de la sécurité" initiée dans le logement par la FNAIM depuis plus de 10 ans, à la demande de ses adhérents, au plus proche des préoccupations de nos concitoyens. Il est impératif de bien appréhender le réel dans sa globalité si nous voulons nous projeter dans le futur. C’est ce que nous nous sommes efforcés de faire avec nos invités qui ont accepté de livrer leurs témoignages dans ces Cahiers. Espérons qu’en apportant ainsi les uns et les autres notre contribution au débat, nous participerons à l’émergence d’un Grand Paris plus harmonieux et plus performant, pour ses habitants et tous ceux qui rêvent de venir s’y établir.

Les Cahiers

Les Cahiers de la FNAIM Paris Ile-de-France

L’agent immobilier est au cœur de la cité. Il en connaît chaque rue, chaque carrefour, chaque quartier. Pour lui, tout ce qui peut affecter ou améliorer l’équilibre de notre société mérite d’être pris en compte. Or, la sécurité, souvent citée par les hommes politiques comme étant la première des libertés, constitue indéniablement une priorité pour nos concitoyens. Quand un particulier s’adresse à un agent immobilier, c’est à un professionnel en même temps qu’à un fin connaisseur du terrain qu’il s’adresse. Une annonce immobilière décrit le plus souvent le bien lui-même, elle le place rarement dans son environnement. L’agent immobilier, lui, a la maîtrise des différents paramètres qui font qu’un logement ou un bureau sont bien situés et sûrs. Sa fonction de conseil est là essentielle. Et la grande quantité d’informations qu’il recueille, comme vendeur, administrateur de biens ou syndic, mérite d’être exploitée. Car ces remontées du terrain constituent des indicateurs précieux pour sentir l’évolution du quartier et de sa population, pour mesurer l’activité et le bien-être. En ce sens, l’agent immobilier est une vigie précieuse pour les pouvoirs publics, il joue un rôle d’analyste qui vaut d’être écouté par les décideurs.

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Peur sur la ville ?

Contributions pour un Grand Paris de la sécurité


Les Cahiers de la FNAIM Paris Ile-de-France sont une plateforme d’échanges et de débats dans le cadre de l’avènement du Grand Paris. Autour d’un thème structurant, d’actualité, cette revue permet à des personnalités d’horizons variés, responsables politiques et administratifs, experts, intellectuels et praticiens, de livrer leurs analyses, donner leur point de vue et stimuler la réflexion collective. Dans le monde complexe et mouvant qui est le nôtre, il importe de multiplier les approches, de décloisonner les savoirs. Par cette initiative, les professionnels de l’immobilier regroupés au sein de la FNAIM Paris Ile-deFrance s’affirment comme des acteurs déterminés, ouverts et responsables, au cœur de la Cité. © FNAIM Paris Ile-de-France, mars 2012

27 bis avenue Villiers 75017 Paris www.fnaim-idf.com


Contexte et enjeux Gilles Ricour de Bourgies

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Président de la Chambre FNAIM Paris Ile-de-France

L'expérience FNAIM Michel Terrioux

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Présentation Grand Paris : le défi de la sécurité Les intervenants

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Délégué général de la Chambre FNAIM Paris Ile-de-France

Entretiens Michel Gaudin Général Gilles Glin Christophe Soullez Xavier Raufer Christian Frémaux Isabelle Fournier Jean-Pierre Tripet Robert Branche Annexe Bibliographie

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Cahier de la FNAIM Paris Ile-de-France

Contributions pour un Grand Paris de la sécurité

sommaire

Peur sur la ville ?

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Les Cahiers de la FNAIM Paris Ile-de-France Une publication de la FNAIM Paris Ile-de-France - mars 2012 Directeur de publication : Gilles Ricour de Bourgies N°ISBN 978-2-9521616-1-9

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Les Cahiers n°


Comment lever la menace de l’insécurité dans la perspective stratégique du Grand Paris ? par Gilles Ricour de Bourgies Président de la FNAIM Paris Ile-de-France

contexte et enjeux

Peur sur la ville ?

Aussi loin que l’on remonte dans l’histoire des hommes, assurer la sécurité, tant extérieure qu’intérieure, des villes qu’ils construisent, constitue l’une des préoccupations majeures des urbanistes et de ceux qui ont en charge le devenir de la cité. Tour à tour mathématicien, physicien, philosophe, reconnu pour être l’un des pères de la planification urbaine, Hippodamos de Milet s’impose dans la Grèce antique du Ve siècle avant notre ère comme un urbaniste de renom. On lui doit l’aménagement du port d’Athènes, Le Pyrée, la fondation d’une colonie athénienne en Italie, la construction de la nouvelle cité de Rhodes sans oublier la reconstruction de sa ville natale de Milet en Asie mineure. Pour assurer le bon équilibre à l’intérieur des villes qu’il construit, Hippodamos se fait législateur et propose des règles pour endiguer l’insécurité et les débordements, à l’époque essentiellement imputables aux séditions et factions. Chacun trouve logique que celui qui a en charge le logement et l’aménagement urbain dispense ainsi des conseils pour les questions de démographie, de fiscalité, de sécurité, qu’il s’intéresse aux élections et aux charges électives, qu’il invite l’Etat-cité à prendre telle ou telle disposition pour veiller au bon équilibre de l’ensemble. Vingt-cinq siècles plus tard, mutatis mutandis, les préoccupations relatives au vivre ensemble dans la cité n'ont pas changé. Mais c’est l’agent immobilier qui est au cœur de la cité. Il en connaît chaque rue, chaque carrefour, chaque quartier. Pour lui, 7


Les Cahiers de la FNAIM Paris Ile-de-France tout ce qui peut affecter ou améliorer l’équilibre de notre société mérite d’être pris en compte. Or, la sécurité, souvent citée par les hommes politiques comme étant la première des libertés, constitue indéniablement une priorité pour nos concitoyens. Quand un particulier s’adresse à un agent immobilier, c’est à un professionnel en même temps qu’à un fin connaisseur du terrain qu’il s’adresse. Une annonce immobilière décrit le plus souvent le bien lui-même, elle le place rarement dans son environnement. L’agent immobilier, lui, a la maîtrise des différents paramètres qui font qu’un logement ou un bureau sont bien situés et sûrs. Sa fonction de conseil est là essentielle. Et la grande quantité d’informations qu’il recueille, comme vendeur, administrateur de biens ou syndic, mérite d’être exploitée. Car ces remontées du terrain constituent des indicateurs précieux pour sentir l’évolution du quartier et de sa population, pour en mesurer l’activité et le bien-être. En ce sens, l’agent immobilier est une vigie précieuse pour les pouvoirs publics. Il joue un rôle d’analyste qui vaut d’être écouté par les décideurs. C’est ce constat qui nous a conduit à ouvrir par la thématique - ô combien brûlante - de l’insécurité, la collection de ces Cahiers. D’emblée, trois raisons majeures justifient cet intérêt : • L’insécurité à un coût. De facto, la sécurité aussi. Mais les dépenses de sécurité sont de nature assurantielle : elles doivent être acceptées car elles visent à limiter d’autres coûts plus importants. • L’insécurité met en péril le lien social au cœur de la cité. Elle menace notre capacité à bien vivre ensemble et affecte notre engagement citoyen. • L’insécurité compromet l’attractivité d’un territoire à l’international. Elle risque de mettre gravement en péril son développement et peut l’évincer des grands enjeux économiques, voire géostratégiques. D’où l’utilité de voir sous d’autres cieux les mesures adoptées qui ont permis de rétablir la situation. Insécurité et donc sécurité ont un coût Tout propriétaire de logement ou de bureau sait combien lui coûte les portes blindées, digicodes et alarmes, diagnostics di8


Peur sur la ville ? vers et bientôt détecteurs de fumée… qu’il doit mettre en place. Mais au-delà, il se révèle plus délicat d’approcher le coût global, pour la société, de l’ensemble des dépenses de sécurité. Ainsi l’UTP, syndicat professionnel des sociétés de transport public urbain, a calculé que les coûts liés au vandalisme sur le matériel de ces sociétés s’était établi à 14,6 M€ en 2010, égalant le niveau record de 2009, quand les dépenses totales de sûreté s’élevaient à 137 M€. La prévention aussi a un coût. Ainsi, le fonds interministériel pour la prévention de la délinquance (FIPD), destiné à financer la réalisation d’actions dans le cadre des plans de prévention de la délinquance et de la contractualisation avec les collectivités territoriales en matière de politique de la ville, a été doté par l’Etat de 40,5 M€ en 2008, 37,3 M€ en 2009 (dont 15,4 M€ consacrés à la vidéoprotection) et encore 49,8 M€ en 2010 (30 M€ pour la vidéoprotection).1 Il s’agit là encore d’une donnée très parcellaire. Mieux vaut, pour se faire une idée, se reporter à l’étude réalisée par l’Institut pour la justice2. Elle a décompté, de juillet 2008 à juillet 2009, les coûts directs et indirects de tous les crimes et délits, hors infractions au code de la route, c’est-à-dire les dépenses publiques et privées de sécurité, les préjudices financiers Le coût de l'insécurité : et moraux pour les victimes, etc. Le montant est 115 milliards d'euros, édifiant : 115 milliards d’euros, soit 5,6 % du PIB ! soit 5,6 % du PIB ! Pour le seul crime organisé, la facture annuelle approcherait les 70 milliards d’euros. L’insécurité met en péril le lien social au cœur de la cité C’est là tout le paradoxe du Grand Paris, oscillant entre risques et opportunités. Avec 6,4 millions d’habitants, l’agglomération parisienne (Paris et la petite couronne) concentre, sur 6,5 % du territoire francilien, 60 % des emplois, 80 % des logements sociaux et 90 % des déplacements régionaux. A la fois cœur économique et vitrine du Grand Paris, "cet ensemble urbain à

1 La politique de prévention de la délinquance en 2009 et en 2010, 4e Rapport au Parlement, CIPD, novembre 2011. 2 Que coûte l’insécurité ?, avril 2010.

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Les Cahiers de la FNAIM Paris Ile-de-France la densité unique en France est confronté à une délinquance de plus en plus mobile. (…) Un nombre croissant de phénomènes de délinquance (trafics de stupéfiants, vols, etc.) se déploient sur l’ensemble de ce territoire. L’extension progressive de l’agglomération parisienne est ainsi allée de pair avec celle du bassin de délinquance."3 C’est pour répondre à ce défi qu’a été instituée en 2009 la police d’agglomération, qui regroupe sous l’autorité unique du Préfet de police de Paris les 30 200 policiers (et 8 300 sapeurs-pompiers de Paris) exerçant sur le territoire de Paris et de la petite couronne. L’objectif est de concentrer les efforts de sécurisation dans le cœur du Grand Paris, où sont constatés les deux tiers des crimes et délits d’Ile-de-France, majoritairement commis par des non-résidents, et où les gares et nœuds de communication constituent des lieux sensibles : 409 vols avec violence ont été enregistrés en 2010 à la station Châtelet-Les-Halles, 382 à Paris Nord, 232 à Saint-Lazare, 148 Gare de Lyon et encore 130 à Paris Est. Aussi, quand Etienne Guyot, président du Directoire de la Société du Grand Paris (SGP) déclare vouloir "des gares fonctionnelles et efficaces, connectées… des gares centres de vie, créatrices de valeur"4, il convient de rappeler que les usagers, Franciliens ou de passage, attendent surtout des gares sûres ! L’insécurité compromet gravement l’attractivité d’un territoire à l’international C’est là une dimension essentielle dans le processus de globalisation que nous vivons. Comme nous l’avons vu en ouvrant ce texte, les formes des villes ont toujours été déterminées par les risques auxquels s’exposaient leurs habitants : risque d’invasion, risque naturel, risque social, politique ou criminel. Et l’influence des caractéristiques de l’environnement urbain sur les comportements des usagers a été mise en évidence dès La police d’agglomération parisienne. Un projet de service public pour la sécurité du Grand Paris, Préfecture de police, juin 2009. 4 Dossier de presse "Quelles ambitions pour les gares du Grand Paris ?", Société du Grand Paris, 21/02/2012. 3

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Peur sur la ville ? les années 1920 par les sociologues américains de l’Ecole de Chicago, débouchant aujourd’hui sur le concept de "prévention situationnelle". Depuis 2007, la loi rend d’ailleurs obligatoire la réalisation d’une étude préalable sur la sécurité publique pour certains projets de construction et d’aménagement. Mais comme le souligne Paul Landaeur, "la protection physique des lieux s’estompe au profit de la gestion des déplacements"5. Dans une ville de dimension internationale comme l’agglomération parisienne, qui attire chaque année des millions d’étrangers (touristes, travailleurs immigrés, étudiants, chercheurs, investisseurs, hommes d’affaires et leurs familles), la gestion raisonnée des flux de personnes est en effet essentielle, et constitue un défi de taille pour les nouvelles infrastructures (transports, activités, logements) inscrites au Grand Paris. N’oublions jamais qu’au-delà des marges qu’il escompte réaliser, un investisseur recherche en premier lieu la sécurité juridique (la stabilité fiscale), mais aussi la sécurité. D’où un intérêt légitime et primordial pour les conditions de vie de ses employés, locaux ou expatriés, à la maison, au travail, dans les transports ou pour leurs loisirs. Ne pas se laisser

Pour garder une vision juste de la réalité de terabuser par les discours rain, il faut donc ne pas se laisser abuser par "sociologiques" à la les discours "sociologiques" à la mode. Si le mode : seul l'individu contexte social et notamment urbain a une indécide de son "passage fluence évidente sur la probabilité du "passage à à l'acte" criminel ou l’acte" criminel ou délinquant, seul le criminel ou délinquant. le délinquant décide de celui-ci. Comme le souligne le criminologue Xavier Raufer dans les pages qui suivent, le voyou est le seul responsable de ses actes. C’est lui qu’une politique publique de sécurité doit cibler en premier lieu. Sécurité : la dialectique du global et du local Toutes les grandes mégalopoles internationales sont aujourd’hui confrontées à des degrés divers au risque de l’insé5

L’architecte, la ville et la sécurité, PUF, décembre 2010

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Les Cahiers de la FNAIM Paris Ile-de-France curité. Si la mondialisation et ses opportunités reposent sur des réseaux, supports de flux matériels et immatériels, sa "face noire"6 engendre une explosion des trafics (stupéfiants, armes, êtres humains, blanchiment d'argent) dont les centres urbains sont les "hubs" naturels. Les bandes les plus actives, violentes et dangereuses sont d’ailleurs liées à ces trafics extrêmement lucratifs. Selon l’ONU, le seul marché mondial des stupéfiants est le troisième au monde, derrière ceux, licites, du pétrole et des armes de guerre, avec un bénéfice estimé à 235 milliards de dollars par an pour la vente en gros. Et en 2009, le "chiffre d’affaires" du crime mondial, organisé ou non, s’est élevé à environ 1 570 milliards d’euros, soit 3,6 % du produit brut mondial (PBM). "Là-dessus, l’argent criminel blanchi (donc réinjecté dans l’économie licite) est de 1 200 milliards d’euros, 2,7 % du PBM. Or seulement 1 % environ de cet argent a été mondialement confisqué par les services concernés"7. La présence d’une bande au pied d’un immeuble n’est donc pas qu’un facteur de nuisances ou d’"incivilités" pour les habitants. En se livrant au trafic de stupéfiants, en disposant d’armes de contrebande, cette bande participe d’un marché criminel plus vaste qui constitue une menace pour la société dans son ensemble - et l’ensemble des sociétés dans le monde. La sécurité urbaine est donc une question à la fois locale et de dimension internationale. Il est légitime que l’agent immobilier la prenne en ligne de compte, la dissèque et examine les voies qui ont été suivies ailleurs pour combattre ces maux. Prenons ainsi pour exemples les concepts de "tolérance zéro" et de "police totale" tels qu’ils ont été engagés sur le terrain à New York et à Londres. "Tolérance zéro" et "police totale" Dès 1982, les universitaires américains James Q. Wilson et Georges L. Kelling mettent à jour la doctrine de la "vitre brisée" : La face noire de la mondialisation, Alain Bauer et Xavier Raufer, CRNS Editions, septembre 2009. 7 Xavier Raufer, "Comment rétablir la sécurité ?", Valeurs actuelles du 23/02/2012. 6

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Peur sur la ville ? si la vitre d’un bâtiment est brisée et n’est pas remplacée rapidement, les autres vitres seront brisées à leur tour. Autrement dit, l’espace public doit être occupé par la police sans quoi le désordre mineur entraîne le crime majeur et avec lui, le sentiment d’insécurité. Cette théorie est au cœur de la politique dite de tolérance zéro" appliquée notamment par le maire de New York, Rudolph Giuliani, à partir de 1994. Avec pour objectif de rétablir la "qualité de vie" des New-yorkais, en commençant par le métro. Comme le précise le quotidien Le Monde : "Il s’agit de répondre aux incivilités quotidiennes (mendicité, prostitution, vol, alcoolisme...) pour rassurer la population, mais aussi d’améliorer l’efficacité du système pénal pour réduire le sentiment d’impunité. Très vite, sous la houlette du chef de la police William Bratton, les chiffres de la délinquance baissent : en six ans, selon les chiffres fournis par la ville de New York, le nombre de meurtres a chuté de 65 %." Si la baisse importante de la délinquance à New York sous le mandat Giuliani n’est pas uniquement due à cette profonde réforme, la "tolérance zéro" va connaître un indéniable succès, au moins rhétorique, à l’export. Au Royaume-Uni, c’est le parti travailliste qui, le premier, s’approprie l’idée. Les thèses de William En Europe, c'est le Bratton inspirent pour partie la loi sur le crime et le parti travailliste désordre votée en 1998. Et à l’été 2011, Scotland anglais qui s'approprie Yard fait directement appel à celui-ci lorsque le le premier le concept pays est en proie à des émeutes urbaines sans de "tolérance zéro". précédent depuis 30 ans. Le premier ministre David Cameron annonce : "Nous n’avons pas assez parlé le langage de la tolérance zéro. Mais le message est en train de passer." Le nouveau patron de Scotland Yard, Bernard Hogan-Howe, nommé en septembre, développe la doctrine de "police totale" en multipliant les opérations coupsde-poing centrées sur un problème spécifique (cambriolages, vente d’alcool sans licence, gangs, voitures sans assurance…) : "Dans 80 % des cas, les voitures sans assurance sont conduites par des gens qui ont un casier judiciaire." Depuis le début de l’année 2012, la Metropolitan Police de Londres est désormais directement responsable devant le maire de la ville, lequel détermine les priorités locales de la police, en consultation avec 13


Les Cahiers de la FNAIM Paris Ile-de-France le public. Les services de police ne vont plus rendre compte à un comité, jusque-là composé d’élus et de personnalités indépendantes, mais au public, via un représentant directement élu. La MPA (Metropolitan Police Authority) est donc supprimée et remplacée par le MOPC (Mayor’s Office for Policing and Crime). Il s’agit de la première étape d’une réforme destinée à rapprocher la police des habitants, directement inspirée des Etats-Unis. La sécurité : un défi pour le Grand Paris La situation française évolue également progressivement. En 1997, lors du colloque de Villepinte intitulé "Des villes sûres pour des citoyens libres", la gauche, alors au gouvernement, rompt avec un certain angélisme. En 1999, dans un entretien au Monde, Lionel Jospin assure ainsi : "Tant qu’on admettra des excuses sociologiques et qu’on ne mettra pas en cause la responsabilité individuelle, on ne résoudra pas ces questions." Jacques Chirac, candidat à sa réélection, défend en février 2002 "l’impunité zéro pour toute infraction à la loi". Plus tard, Nicolas Sarkozy demande la "tolérance zéro pour ceux qui portent atteinte aux forces de l’ordre", axe poursuivi jusqu’à aujourd’hui sans que la "tolérance zéro", dont découle le concept anglais de "police totale", ne constitue la doctrine officielle, et encore moins unique, des politiques de sécurité hexagonales.8 De fait, la sécurité se révèle bien un facteur d’attractivité internationale et de garant du lien social. A l’échelle du Grand Paris, malgré les avancées réelles permises par la création de la police d’agglomération sous l’impulsion de Michel Gaudin, la sécurité est un défi qui reste pour l’essentiel à relever. Les ressorts et implications de l’insécurité concernent l’organisation urbaine dans son ensemble. L’enjeu est de permettre à la capitale, à vocation résolument mondiale, de rester une ville où il fait bon vivre, en s’inspirant de la "coproduction de la sécurité" initiée dans le logement par la Chambre FNAIM Paris Ile-de-France L’ensemble de ces éléments, y compris les exemples américains et anglais ont été recueillis dans Le Monde (éditions des 15/08/2011 et 28/02/2012) et la veille Politiques de sécurité publiques et privées de l’INHESJ, janvier 2012.

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Peur sur la ville ? depuis plus de 10 ans, à la demande de ses adhérents, au plus proche des préoccupations de nos concitoyens, et qu’illustre de façon très pratique, opérationnelle, la convention signée avec la Préfecture de police le 24 septembre 2010. Prise de conscience et vision stratégique Notre démarche, si elle se fonde sur une expérience de terrain que nul ne nous conteste, entend bien néanmoins nous amener à participer activement aux débats qui, dans les semaines, les mois et les années à venir, vont décider de la stratégie pour le Grand Paris. On ne saurait trop à cet égard se méfier des dangers que peut engendrer un déficit stratégique. Une organisation comme la nôtre a le devoir de réfléchir à la vision qui guide son action pour les décennies à venir. Professeur à Stanford et à l’Ecole Polytechnique, Philippe Baumard vient ainsi de signer un livre décapant et d’une grande profondeur sur "le vide stratégique" qui constitue pour lui l’une des menaces essentielles de nos sociétés. "A force de ‘ne plus vouloir définir’, nous nous sommes collectivement contraints à un capitalisme de la punition permanente qui se maintient par la peur psychologique de son effondrement ; un caRegarder le réel avec pitalisme somatique qui a entraîné avec lui une lucidité et ne pas société où la mort à crédit est devenue une réalicéder aux sirènes de la té. Pour autant, dans l’Histoire, ces moments de pensée convenue. Le vide stratégique où le temps est en suspens, où risque étant d'aboutir la scène est rendue libre pour de nouvelles loà ce "vide stratégique" giques de réversibilité, ne sont pas des instants décrit par Philippe de mort. C’est dans ces instants que s’effectuent Baumard. les prises de conscience décisives et les retournements les plus inattendus."9 Il nous faut donc regarder le réel avec lucidité et ne pas céder aux sirènes de la pensée convenue. Car le risque est que, sous la pression des événements et des interdits - conscients ou non - de la pensée, on aboutisse à ce vide stratégique que dénonce Philippe Baumard. 9

Le vide stratégique, CNRS éditions, Paris, 2012.

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Les Cahiers de la FNAIM Paris Ile-de-France A ses yeux, la stratégie est une volonté qui se donne le pouvoir de transformer l’existant. D’où l’impératif de bien appréhender le réel dans sa globalité si nous voulons nous projeter dans le futur. C’est ce que nous nous sommes efforcés de faire avec nos invités qui ont accepté de livrer leurs témoignages dans ces Cahiers. Espérons qu’en apportant ainsi les uns et les autres notre contribution au débat, nous participerons à l’émergence d’un Grand Paris plus harmonieux et plus performant, pour ses habitants et tous ceux qui rêvent de venir s’y établir.

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La FNAIM Paris Ile-de-France : un engagement ancien et résolu en faveur de la sécurité par Michel Terrioux

Délégué général de la FNAIM Paris Ile-de-France

l’expérience FNAIM

Peur sur la ville ?

Qu’est-ce que la sécurité ? Une politique globale visant à se doter des moyens nécessaires à la réduction de la violence, naturelle, entre les individus qui partagent un même territoire. Cette exigence est au cœur des relations humaines. Et, dès l’origine, elle prend appui sur le logement. Sécurité et logement se situent en effet au premier rang des besoins primaires identifiés par la pyramide de Maslow : l’homme désire un habitat à la fois pour se protéger et pour se projeter vers l’extérieur afin de se nourrir, se vêtir, progresser… De la grotte préhistorique au château fort médiéval, et bien sûr aux villes ceinturées de murailles, nos sociétés se sont construites sur le besoin de sécurité. Ce besoin reste d’autant plus impérieux en ce début de XXIe siècle, où la multiplication des risques et des menaces trouve un terrain de choix dans des territoires mondialisés, urbanisés et interconnectés comme l’Ile-de-France. Il ne pouvait donc laisser indifférente une organisation patronale comme la FNAIM Paris Ile-de-France, qui a pour rôle de promouvoir et défendre ses adhérents. Mais comment s’est enclenché puis matérialisé l’engagement de la Chambre en faveur de la sécurité ? Pour quels objectifs ? Avec quels résultats ? Une prise de conscience déjà ancienne, issue du terrain Tout commence il y a une quinzaine d’années, par l’expérience de terrain. Souhaitant étudier et comprendre les différents modèles urbains qui pouvaient avoir une influence directe sur nos 17


Les Cahiers de la FNAIM Paris Ile-de-France propres modes d’organisation, nous avions organisé une série de voyages d’études, au Japon, aux Etats-Unis et en GrandeBretagne. Plusieurs évidences se sont imposées. Ainsi, dans la culture anglo-saxonne, la sécurité est un bien commun partagé par tous : chaque citoyen, en tant que membre de la communauté, contribue à la sécurité collective. La sécurité n’est pas imposée d’en haut, mais vient d’en bas, de la proximité et de l’engagement de chacun. Aux Etats-Unis par exemple, des espaces publics sont gérés par l’ensemble de leurs propriétaires. Et à Londres, les pouvoirs publics ont instauré des corps d’"architectes policiers" après avoir compris que l’urbanisme la forme des villes - constitue un système global qui n’est pas neutre en termes d’insécurité. Conclusion : la sécurité - des personnes comme des biens - et l’immobilier sont intimement liés. Le moteur de notre engagement a été ce changement de paradigme, d’état d’esprit : la sécurité est l’affaire de tous. Elle ne concerne pas seulement les services de l’Etat. Au départ, cette intuition a heurté bon nombre de conformismes, d’idées reçues, d’habitudes. Mais comme l’immobilier concerne tout le monde, à la fois chaque citoyen et l’Etat à travers la politique du logement, il nous est apparu comme le terrain idéal d’expérimentation d’une nouvelle politique, partagée, de sécurité. Fort de ce constat, un premier colloque sur la sécurité dans l’immobilier a été organisé à Paris le 23 novembre 2000, pour affirmer que l’agent immobilier, par la place qu’il occupe dans la Cité, peut jouer un rôle non négligeable pour réduire l’insécurité dans son quartier d’implantation et dans les immeubles dont il peut avoir la charge. L’action d’un agent immobilier se caractérise en effet par la maîtrise de son territoire de proximité. JeanLouis Borloo, alors ministre délégué à la Ville et à la Rénovation urbaine, a souligné cette véritable "utilité sociale" dans son intervention devant l’assemblée générale de la Chambre FNAIM Paris Ile-de-France, le 19 juin 2003. Une conjonction des volontés Deux cibles étaient à mobiliser prioritairement : nos propres adhérents, et la puissance publique. Convaincre nos adhérents, 18


Peur sur la ville ? au fil du temps, s’est révélé le plus facile. Leur métier consiste en effet à conseiller les propriétaires. Les syndics de copropriété, en particulier, sont responsables de la conservation du patrimoine immobilier depuis la loi de 1965. Leurs obligations sont donc éminentes s’agissant des travaux à entreprendre pour préserver les immeubles des risques de dégradation, et en particulier des risques d’inondation dans le cadre des PPRI instaurés en 1995. Ainsi, depuis déjà longtemps, l’agent immobilier est un acteur de la sécurité, sur le plan juridique et du conseil, sans en avoir toujours pleinement conscience et apparaître comme incontournable sur ce sujet. Dans le même temps, l’Etat a été confronté à une mutation de la menace, devenue permanente, mondiale et polymorphe depuis la fin de la guerre froide, tandis que, depuis 2000, ses moyens se réduisaient. Il ne pouvait donc plus maîtriser ou contrôler l’ensemble du spectre des risques et menaces. Il y a ainsi eu conjonction d’un souhait d’implication plus dynamique de la part des agents immobiliers, d’une part, et d’une recherche de nouveaux partenaires de la part de l’Etat, pour assurer la sécurité de la société, La conjonction d'un d’autre part. L’action de la Chambre a été désouhait d'implication cisive pour transformer cette simple conjonction plus dynamique de en volonté, en prenant l’attache des Préfets la part des agents de police successifs (Jean-Paul Proust, Pierre immobiliers et de Mutz, Michel Gaudin), en vue d’esquisser des la recherche de axes de travail commun, tout en multipliant les nouveaux partenaires communications sur le sujet, dans les salons de la part de l'Etat, professionnels, les colonnes de notre revue pour assurer la "Professions immobilières" et l’organisation de sécurité de la société. conférences et manifestations ad hoc. Ainsi depuis 2000, chaque année, un millier de participants, professionnels et acteurs de la société civile et des services de l’Etat, ont pu être rassemblés pour échanger sur la nécessité d’une prise en compte des questions de sécurité dans l’immobilier, et d’une amélioration de la coordination des différents intervenants.

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Les Cahiers de la FNAIM Paris Ile-de-France Ce travail de conviction et de communication a fini par payer, facilité il est vrai par la rencontre avec deux personnalités, dont il convient de saluer le rôle. Le commissaire Alain Beaujard d’abord, en charge du service information sécurité au cabinet du Préfet de police, qui a mis en oeuvre des diagnostics gratuits en matière de sécurité pour les syndics de copropriété. Et Rachida Dati, lorsqu’elle était conseillère technique du ministre de l’Intérieur, Nicolas Sarkozy, et travaillait à l’élaboration de la loi sur la prévention de la délinquance. Ces deux personnalités nous ont encouragés à poursuivre notre action, à une époque où la société se trouvait confrontée à de nouvelles et profondes évolutions. La rencontre de l’intuition et de la réalité La première évolution a été provoquée par les crises économiques successives. L’endettement des collectivités locales et de l’Etat a conduit ce dernier à reformater ses propres politiques, conformément aux conclusions du rapport de Jean Picq (1994) préconisant le partage de certaines compétences avec d’autres acteurs. Cette évolution est rendue plus nécessaire encore aujourd’hui. La seconde évolution a concerné le cadre juridique relatif à l’immobilier, qui a tendu à responsabiliser toujours davantage les professionnels, qu’ils soient transactionnaires, administrateurs de biens ou syndics. Trois lois récentes ont ainsi eu un impact significatif : • la loi d’orientation et de programmation pour la sécurité intérieure de 2002, • la loi du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance, • le décret du 6 décembre 2006 renforçant la cellule "Traitement du renseignement et action contre les circuits financiers clandestins" (Tracfin), instaurée par la loi du 12 juillet 1990 en application des décisions européennes et internationales visant à lutter contre les circuits financiers clandestins, le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme, lutte à laquelle sont tenus de participer les agents immobiliers depuis la loi du 2 juillet 1998.

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Peur sur la ville ? L’agent immobilier a ainsi vu croître ses responsabilités, tant civiles que pénales, dans le domaine de la sécurité. Et c’est concret : des syndics ont été condamnés parce que des faits criminels (viols, trafics de drogue) avaient été commis dans des lieux comme des cours d’immeubles, des caves et des parkings qui auraient pu - et dû - être sécurisés de par la loi. Initialement conçue comme un enjeu civique, la sécurité s’est ainsi progressivement imposée comme un enjeu professionnel. L’agent immobilier devient ainsi, nolens volens, un auxiliaire de l’Etat en la matière. Il n’a pas besoin d’avoir un titre, comme les avocats, les huissiers ou les notaires : il le devient dans les faits, par les différents textes adoptés. La reconnaissance de l’engagement de la Chambre La nomination de Michel Gaudin comme Préfet de police a finalement permis de concrétiser cet engagement, par une convention de partenariat.1 Signée le 24 septembre 2010, moins d’un an après une première convention conclue avec la région de gendarmerie d’Ile-de-France, elle constitue l’aboutissement des relations engagées par la Chambre La convention signée avec les services de l’Etat. "Visant à renforcer avec la Préfecture leur partenariat en matière de sécurité", elle rede police reconnaît connaît le rôle préalable de la FNAIM Paris Ileet concrétise de-France dans ce domaine et l’existence d’un l'engagement de la partenariat antérieur, même non formalisé. Elle FNAIM en faveur de la confirme ainsi les actions déjà entreprises, mais sécurité. dans un cadre nouveau, renforcé, où le Préfet de police exerce son autorité à l’échelle de Paris et de la petite couronne, et a autorité sur la gendarmerie et les sapeurs-pompiers. La convention du 24 septembre 2010 est donc fondamentale. Ayant pour objet explicite "de renforcer la sécurité des personnes et des biens dans les immeubles relevant de la Chambre FNAIM de l’immobilier de Paris et de l’Ile-de-France", elle vise quatre objectifs concrets : 1

Cf. annexe.

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Les Cahiers de la FNAIM Paris Ile-de-France • Coordonner les efforts de la Chambre et de la Préfecture de police en matière de prévention et de lutte contre les incivilités et la délinquance, notamment par la création de "groupes locaux de sécurisation" ; • Améliorer l’information des adhérents de la FNAIM dans les mêmes domaines, en particulier s’agissant du recours aux méthodes de prévention comme le gardiennage et la vidéoprotection et l’élaboration de plans de limitation des risques s’appuyant sur le dispositif "opérations tranquillité vacances" ; • Accompagner la recherche de logements, dans l’agglomération parisienne, pour les personnels de la Préfecture de police ; • Faciliter la reconversion éventuelle de ces personnels intéressés par les métiers de l’immobilier. Ces deux derniers points méritent d’être soulignés. En accompagnant la réinstallation des fonctionnaires de police à l’intérieur de Paris, on contribue à la visibilité des forces de l’ordre en agglomération, essentielle au maillage et à la sécurisation du terrain. Et en facilitant la reconversion éventuelle des personnels de la Préfecture de police, sur le même principe que l’initiative engagée avec la gendarmerie, on reconnaît l’existence d’un cœur de métier identique avec celui d’agent immobilier : la sécurité des personnes, des biens et des services (s’agissant ici des transactions financières). Ce qui rejoint très concrètement l’approche pédagogique de l’Education nationale, qui regroupe aujourd’hui très officiellement, dans le même bloc de compétences, les métiers de la sécurité, de la banque, de l’assurance… et de l’immobilier ! Car cette convention de partenariat n’est pas un recueil de bonnes intentions, mais un véritable outil de travail, mobilisant des moyens. Sa philosophie est celle de la complémentarité des acteurs. Ainsi des référents désignés par les parties signataires (FNAIM et Préfecture de police), qui échangent leurs informations, coordonnent régulièrement leurs efforts et sont à la disposition des adhérents ou agents immobiliers pour répondre à toute question ou urgence (dépôts de plainte, protections diverses, etc.). Une plaquette d’information a notamment été coproduite et diffusée à l’ensemble de nos adhérents sur les 22


Peur sur la ville ? réflexes, les bonnes pratiques, à acquérir en fonction des situations rencontrées. Et maintenant ? Impliquer davantage le citoyen au sein du Grand Paris Aujourd’hui, nous connaissons l’achèvement d’un long cheminement. L’action du Préfet de police, Michel Gaudin, a été déterminante. Dans le cadre du Grand Paris et avec l’organisation de la police d’agglomération, il a donné du sens à l’impulsion souhaitée par la FNAIM, et permis sa concrétisation. Quelles évolutions constater depuis ces dernières années ? • L’Etat a définitivement pris conscience qu’il ne peut plus agir seul. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : aux côtés des 120 000 policiers et 95 000 gendarmes, la France compte aujourd’hui 150 000 salariés dans les entreprises privées de sécurité. Et aux côtés des personnels en charge directe de la sécurité agissent de nombreux autres professionnels, informateurs, régulateurs et conseillers, parmi lesquels les agents immobiliers, désormais officiellement reconnus. • La maîtrise du territoire personnel - le logement proprement dit - s’est indubitablement renforcée, La maîtrise du mais des efforts considérables restent à déterritoire personnel ployer s’agissant de la maîtrise des réseaux et (le logement) s'est plus généralement des lieux de déplacement - y renforcée, mais des compris les parties communes de bon nombre efforts considérables de logements. Or tout individu est aujourd’hui à restent à déployer la fois sur un terrain et dans un réseau. Dans la s'agissant des réseaux rue, les transports en commun, l’espace public, et des lieux de les problèmes d’insécurité restent prégnants. déplacement. Ce dernier aspect renvoie à la responsabilité de chaque citoyen. En effet, la coopération, c’est-à-dire la confiance entre les différents acteurs, caractérisée par "la chaîne de la sécurité" qui relie aujourd’hui tous les professionnels concernés, est nécessaire mais reste toujours à construire. C’est un travail quotidien, de terrain, qui commence par les relations de voisinage et doit donc davantage impliquer le citoyen. 23


Les Cahiers de la FNAIM Paris Ile-de-France L’individu attentif à ses voisins et à ce qui se passe dans son immeuble et son quartier peut jouer un rôle très complémentaire des forces de police et des professionnels de l’immobilier. Il constitue un avantage stratégique pour faire diminuer l’insécurité sur son propre territoire et sur les réseaux qu’il emprunte. Cela suppose de prendre conscience que la sécurité commence par des comportements civiques et des précautions minimum, et qu’elle a certes un coût, mais de nature assurantielle : y consentir permet de réduire les risques, lesquels ne sont pas tous strictement financiers, mais également sociaux, économiques, civiques… En tout état de cause, le citoyen responsable ne peut se cantonner à un rôle de consommateur, mais doit s’ériger en acteur de sa propre sécurité, devenir un maillon de cette chaîne de sécurité globale, à l’échelle de la ville. Cette métamorphose est rendue d’autant plus nécessaire par l’avènement du Grand Paris. La création de 57 nouvelles gares et la construction de 70 000 logements par an, au sein de contrats de développement territorial imposant la mixité sociale et des activités, constituent un formidable défi. Avec le Grand Paris, on va habiter différemment en Ile-de-France. Notre région va connaître une profonde recomposition de ses territoires et changera d’échelle pour devenir une véritable métropole internationale. Il revient à chacun d’entre nous, dès maintenant, de faire en sorte qu’il y fasse bon vivre.

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Grand Paris : le défi de la sécurité

14 février 2012. La police interpelle Djamel Houmani, en cavale depuis une permission de 48 h accordée la veille de Noël 2011. Avec son frère Hamid, il contrôlait la plus grande partie du trafic de drogue dans la cité des 4000, à La Courneuve. Un commerce illicite dont le chiffre d’affaires aurait avoisiné 30 000 euros par jour, justifiant des méthodes de contrôle particulièrement brutales, "s’apparentant à des actes de torture et de barbarie" selon le jugement du tribunal correctionnel de Bobigny cité par Le Monde (23/02/2012). 16 février 2012. Un homme de 22 ans est déféré devant la justice, soupçonné d’avoir commis 35 cambriolages à Paris en moins d’un an. "Opérant principalement dans le XVIe arrondissement parisien, il a reconnu les faits lors de sa garde à vue, allant même jusqu’à affirmer aux policiers avoir commis près de 200 cambriolages" selon Le Figaro (16/02/2012). Lors de la présentation du bilan 2011 de la délinquance, le lendemain, le ministre de l’Intérieur Claude Guéant ne cache pas la forte augmentation des cambriolages de résidences, qu’il attribue à un "phénomène nouveau qu’il est très difficile de combattre, qui est celui des raids menés par des personnes originaires d’Europe centrale et orientale, parce que ce sont des gens qui passent d’un pays à l’autre très rapidement".1 25 février 2012. Repérés par le dispositif de vidéosurveillance de la Préfecture de police, deux voleurs sont appréhendés à Paris. Placés en garde à vue, multirécidivistes, ils pourraient être impliqués dans une série de vols commis dans plusieurs parkings souterrains d’immeubles situés à proximité de la porte d’Asnières et dans le XVIIe arrondissement (Le Parisien du 25/02/2012). Présentation du bilan 2011 de la délinquance en France, cité par Le Nouvel observateur, 17/01/2012.

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Peur sur la ville ?


Les Cahiers de la FNAIM Paris Ile-de-France Trois exemples, parmi de nombreux autres, qui illustrent la réalité de l’insécurité en région parisienne. Qu’il s’agisse du logement personnel, de son environnement direct (le quartier, la rue) ou de ses parties communes (caves et parkings), l’immobilier est au cœur des questions de sécurité. Et celles-ci sont à la dimension de la métropole qu’est aujourd’hui le Grand Paris. Comme l’indique l’Institut d’urbanisme et d’aménagement (IAU) Ile-de-France : "Au cours des trente dernières années, l’insécurité est devenue un enjeu majeur dans le débat métropolitain. Elle est apparue sur les devants de la scène alimentée par des images de violence urbaine ou encore lors des échéances électorales. Elle est même aujourd’hui partie intégrante des critères définissant la qualité du cadre de vie, et est devenue l'un des éléments prédominants favorisant ou non l’implantation d’entreprises, ou la venue de nouveaux habitants."2 Une situation sécuritaire globalement maîtrisée ? La mise en place de la police d’agglomération, le 14 septembre 2009, semble commencer à porter ses fruits. Sur son territoire d’action (Paris et la petite couronne), la préfecture de police a ainsi enregistré pour l’année 2011 une baisse de la délinquance de -1,52 % par rapport à 2010 (-8,81 % pour les seuls faits de violence urbaine). Ces statistiques sont plus encourageantes qu’à l’échelle de la France entière et des autres départements d’Ile-de-France (Seine-et-Marne, Yvelines et Essonne). Il n’en demeure pas moins que cela représente 559 077 crimes et délits constatés par la Préfecture de police sur l’année 2011, soit au moins autant de victimes - dont près de 100 000 victimes de violences physiques (142 500 pour toute l’Ile-de-France) ! Une réalité complexe, contrastée et difficile à mesurer Au-delà des vaines polémiques, les statistiques officielles sont justes. Le problème est qu’elles sont parcellaires. Elles repo"Les villes face à l’insécurité", Les Cahiers de l’IAU Ile-de-France n° 155, prologue de Sylvie Scherer, juin 2010.

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Peur sur la ville ? sent en effet uniquement sur l’activité des services de police et de gendarmerie (enregistrement des plaintes et procédures engagées à l’initiative des services). Or toute victime ne porte pas plainte et toute plainte ne déclenche pas une procédure ! Il existe donc une différence, naturelle, entre le réel vécu par les victimes et les faits connus par les autorités puis traités par les services judiciaires, qui fondent les statistiques officielles. Même si les pratiques s’améliorent, l’exhaustivité des données reste donc un enjeu, et les chiffres ne peuvent qu’approcher une réalité toujours complexe et pour partie inconnue. Ce "chiffre noir" de la délinquance et de la criminalité fonde en grande partie le sentiment d’insécurité qu’éprouvent à juste titre nos concitoyens. Outre les mains courantes (225 931 signalements d’usagers en 2010 pour l’ensemble des 83 circonscriptions de police de l’agglomération parisienne, dont 35 % pour des violences)3, les enquêtes de victimation permettent de mieux appréhender le décalage potentiel entre la réalité statistique, qui a sa cohérence, et celle vécue par les habitants, constituant la réalité de la délinquance. Un sentiment d’insécurité en hausse en 2011

En réalité, 2,6 fois plus de vols et tentatives de vols que la police et la gendarmerie n'en ont enregistré en 2010 !

A l’échelle nationale, l’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales (ONDRP) conduit depuis 2007 une enquête annuelle "Cadre de vie et sécurité" permettant de mesurer l’écart entre situation vécue et réalité connue4. Ainsi pour les seuls "vols et tentatives de vols personnels" : les personnes et les ménages en déclarent au total un peu moins de 4,1 millions en 2010, quand les services de police ou de gendarmerie n’en constatent que 1 554 067, soit une différence de 1 à 2,6 entre constatations officielles et déclarations personnelles. C’est-à-dire qu’il y aurait plus de 2,5 fois plus de vols et

"Les mains courantes sur le territoire du Grand Paris : une autre approche des faits connus de la DSPAP", ONDRP, Grand Angle n°25, septembre 2011. 4 Les atteintes aux biens déclarées par les ménages et les personnes de 14 ans et plus de 2006 à 2010 d’après les enquêtes "Cadre de vie et sécurité", Rapport annuel, ONDRP, novembre 2011. 3

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Les Cahiers de la FNAIM Paris Ile-de-France tentatives, par exemple, réellement commis par rapport à ceux qui sont connus officiellement ! Les enquêtes "Victimation et sentiment d’insécurité en Ile-deFrance" de l’Institut d’aménagement et d’urbanisme (IAU) Ilede-France confirment l’importance de ce "chiffre noir", et ses conséquences pour les habitants du Grand Paris. Pour la dernière en date, de novembre 2011, "l’un des éléments marquants de cette sixième enquête concerne le changement de tendance s’agissant du sentiment d’insécurité des Franciliens : la préoccupation "sécuritaire" remonte en effet à 18 % en 2011 (contre 12,6 % en 2009) et les peurs personnelles à 51,6 % (contre 48,3 %). Le sentiment d’insécurité touche ainsi, au total, 57,5 % des Franciliens interrogés, contre 53,1 % en 2009."5 Cette remontée de la peur concerne tous les lieux de vie. S’agissant du logement, la peur au domicile reste relativement faible (8,7 % en 2011) pour se concentrer dans le quartier le soir, qui touche 23,9 % des Franciliens interrogés. S’agissant du cadre de vie, 89,6 % des Franciliens interrogés estiment habiter un quartier "sûr". Mais ce sentiment est en baisse de -1,7 % par rapport à 2009, et ils sont 58,4 % à s’y plaindre de nuisances (+1,5 %) parmi lesquelles "un voisinage bruyant" (28,3 % des habitants), un "quartier pas propre" (26,6 %), des "problèmes de drogue" (23,5 %), du vandalisme (25,5 %) et des "bandes de jeunes gênantes" (24,9 %). 43 % des Franciliens victimes d’un crime ou délit en 3 ans Confirmant l’évolution des statistiques officielles, les victimations proprement dites seraient en baisse : la proportion de Franciliens interrogés déclarant avoir été victimes au moins une fois en 2008, 2009 ou 2010 d’une atteinte les concernant (vol ou agression) ou visant le ménage dans lequel ils vivent (vol, dégradation ou destruction concernant un véhicule ou cambriolage) est descendue à 43 %, contre 48,4 % en 2009. "Victimation et sentiment d’insécurité en Ile-de-France : le point en 2011", Note rapide n° 588, IAU Ile-de-France, février 2012.

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Peur sur la ville ? Ce chiffre est pourtant phénoménal, d’autant plus qu’il recoupe des réalités potentiellement traumatisantes : 5,7 % des Franciliens déclarent ainsi avoir été victimes entre 2008 et 2010 d’au moins une agression "tout venant" (autre que sexuelle ou par des proches) et 8,1 % d’un cambriolage ou d’une tentative. Les vols violents représentent quant à eux 57 % des vols réalisés en 2011. Visant le plus souvent des téléphones ou ordinateurs portables, où la question de l’assurance est pourtant essentielle pour dédommager la victime, ils ne donnent lieu à un dépôt de plainte formel que dans 76 % des cas (53 % pour les vols sans violence). Avec 3,4 % de voyageurs déclarant avoir été victimes de vols ou d’agressions dans les transports en communs, ces derniers constituent de véritables "lieux criminogènes" pour l’IAU Ile-deFrance : "ils regroupent, avec les gares, 27 % des agressions tout venant (y compris les vols violents) et 31 % des vols sans violence." La réaction des victimes n’est pas sans conséquence sur la vie sociale. Elle diffère grandement selon les sexes. Ainsi 53 % des femmes ayant subi une agression (28 % des hommes) déclarent avoir pris des précautions particulières pour mieux se protéger ensuite, comme par exemple moins sortir ou modifier leur itinéraire. Plus grave : elles sont 41 % à déclarer "une perte durable de confiance envers les gens" après une agression (25 % pour les hommes).

Près de 50 000 cambriolages commis en Ile-de-France en 2010. Près de 20 % de hausse en un an à Paris, et plus de 25 % dans les Yvelines !

Deux points noirs : les cambriolages et la violence Pour la seule année 2011, l’ONDRP enregistre une hausse de +5,5 % des cambriolages en France, due à une explosion des cambriolages d’habitation principale : +17,1 % (+24,9 % en 5 ans). A l’échelle de la seule agglomération parisienne (Paris et les 4 départements de la petite couronne), cela représente 25  619 faits (48  552 pour toute l’Ile-de-France), avec une pro29


Les Cahiers de la FNAIM Paris Ile-de-France gression d’autant plus notable que l’on s’éloigne de la zone dense urbaine : +19,7 % à Paris, +23,2 % dans les Hauts-deSeine et +26,2 % dans les Yvelines par exemple. Certes, sur le territoire métropolitain, la situation était pire il y a dix ans (30 400 faits enregistrés de septembre 2000 à août 2001) et elle s’est améliorée sur la fin de l’année 2011, mais cela représente tout de même un cambriolage toutes les 20 minutes, dont le taux d’élucidation ne dépasse pas 6 % en moyenne. Pour les trop nombreuses victimes, déjà traumatisées par cette intrusion dans l’intimité de leur foyer, les chances de retrouver un bien volé restent maigres, entraînant un sentiment d’impuissance et de colère face à l’insécurité. Un autre point noir concerne le nombre d’atteintes volontaires à l’intégrité physique des personnes. Cette violence se stabilise à un niveau élevé : 468 012 faits constatés en 2011 en France, soit le double d’il y a 15 ans. En 2011, cette catégorie de crimes et délits a reculé dans l’agglomération parisienne (-2,4 % et même -7,6 % à Paris, contre +0,1 % sur la France entière), mais la satisfaction est toute relative pour les victimes des 94 785 faits recensés (142 500 pour toute l’Ile-de-France) ! "Schématiquement, le volume des atteintes volontaires à l’intégrité physique a connu une croissance rapide de 1996 à 2001, puis une diminution de 2001 à 2008. Après un nouvel accroissement de 2009 à 2010, la tendance est à nouveau en baisse dans la capitale depuis le début de l’année 2011", analyse la Préfecture de police. Qui précise : "Ces considérations générales ne sauraient occulter les réalités très diverses que recouvre le phénomène des violences. Une analyse plus fine des données statistiques sur les 15 dernières années permet en effet de différencier entre les faits qui tendent à reculer (homicides, violences liées à la criminalité organisée, vols par arme à feu), ceux qui sont plutôt stables (violences sexuelles), et ceux qui subissent une progression (violences non crapuleuses, violences en groupe). Il faut également considérer le profil des auteurs : depuis quelques années, les mineurs prennent une part toujours plus importante dans le phénomène des violences, et

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Peur sur la ville ? notamment des violences acquisitives."6 La gangrène des bandes Selon un décompte de la police et de la gendarmerie rassemblé par le ministère de l’Intérieur le 1er janvier 2012, la France compte 313 bandes violentes et actives (dont 46 dans l’agglomération parisienne et 152 pour toute l’Ile-de-France), qui se sont affrontées à 331 reprises en 2011. "Régulièrement, ces bandes s’affrontent entre elles pour des motifs futiles ou s’en prennent aux passants. Insultes, rackets…" relève Le Figaro (12/01/2012). "Constituées en règle générale de mineurs et de jeunes majeurs en échec scolaire, elles vivotent de petits larcins ou de trafic de stupéfiants. Et, bien souvent, font régner la peur dans les quartiers où elles ont établi leur QG ou dans les transports en commun." L’Ile-de-France demeure "la région la plus exposée avec 237 faits, soit 71,60 % des faits enregistrés". Le phénomène n’est pas nouveau. Mais il se renforce et se propage. Le 17 mars 2009, la ministre de l’Intérieur Michèle AlliotMarie déclarait ainsi au micro d’Europe 1 : "Vous avez aujourd’hui en France 222 bandes recenChaque année, 150 000 sées. Ces 222 bandes sont à 79 % en région mineurs sont parisienne et elles comportent environ 2 500 inpoursuivis par le dividus qui sont des permanents de ces bandes, parquet. Seuls 50 000 2 500 autres qui sont des occasionnels, parmi sont présentés à un eux vous avez 47 % de mineurs" (citée par Le juge pour enfant. Monde du 17/03/2009). La Direction centrale de la sécurité publique ne retient pourtant dans cette classification que "les gangs vraiment actifs, articulés autour d’un noyau stable de ‘caïds’ capables de passer à l’action pour contrôler leur quartier, se battre contre des rivaux ou les forces de sécurité intérieure", et où "la part des mineurs est en forte hausse" : "Depuis plus d’un an, les constitutions de bandes juvéniles (moins de 13 ans) sont détectées dans plusieurs cités d’Ile-de-France." Dans ce domaine également, la Préfecture de 6

Prévenir les violences, Préfecture de police de Paris, juin 2011.

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Les Cahiers de la FNAIM Paris Ile-de-France police est active : le "plan Bandes" initié par Michel Gaudin en 2010 a permis de démanteler la moitié des gangs (86 recensés dans l’agglomération parisienne en 2010). Mais il s’agit d’un problème criminel qui reste particulièrement inquiétant et a un impact négatif direct sur les conditions de vie et de logement des habitants dans les lieux où s’implantent les bandes. L’importance d’une approche globale, plurielle, cohérente L’une des principales difficultés tient à la faiblesse de la réponse pénale. Chaque année, environ 150 000 mineurs sont poursuivis par le parquet, dont seulement 50 000 présentés à un juge pour enfant. Plus globalement, c’est de l’ordre de 80 000 peines de prison ferme, dont quelque 7 000 de plus d’un an, qui ne sont pas exécutées par la justice.7 C’est d’autant plus problématique que la solidité de toute chaîne tient bien évidemment à celle de son maillon le plus faible. Car c’est bien d’une "chaîne de la sécurité" globale, cohérente, dont le Grand Paris a besoin. Une chaîne qui intègre de manière plus large la sûreté de la ville et des logements - donc la sécurité civile - et mobilise un large panel de compétences. Bassin économique de près de 12 millions d’habitants caractérisé par la densité de ses équipements urbains et de ses réseaux de transports, l’Ile-de-France concentre en effet un grand nombre de risques naturels, industriels, technologiques et sanitaires qu'il convient, aussi, de garder à l'esprit. Le regard des acteurs institutionnels, experts, praticiens du droit et de la sécurité constitue une contribution majeure en vue d’assurer cette nécessaire mobilisation. Avec leurs expériences et leurs sensibilités propres, les personnalités qui ont bien voulu témoigner dans le cadre de ces Cahiers offrent à chacun, professionnel de l’immobilier, élu, responsable associatif ou d’administration, citoyen, les éléments d’information et d’analyse nécessaires à l’avènement d’un Grand Paris de la sécurité pour tous ses habitants. 7 Selon Xavier Raufer, "Comment rétablir la sécurité ?", Valeurs actuelles du 23/02/2012.

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Les intervenants Michel Gaudin. Ancien élève de l’ENA, il a exercé de nombreuses fonctions au sein du corps préfectoral, au ministère de l’Intérieur et au Conseil général des Hauts-de-Seine. Directeur général de la police nationale de 2002 à 2007, il est depuis le 11 juin 2007 le Préfet de police de Paris, Préfet de la zone de défense et de sécurité de Paris. Avec le criminologue Alain Bauer, il est l’auteur du rapport Vers une plus grande efficacité du service public de sécurité au quotidien (décembre 2008) et a coordonné les travaux du dernier Livre blanc sur la sécurité publique (novembre 2011). Gilles Glin. Ancien élève de l’ESM Saint-Cyr et de l’Ecole Nationale Supérieure des Mines de Nancy, breveté du collège interarmées de défense, titulaire d’un master en stratégie de l’US Army War College, le général Gilles Glin a alterné les fonctions au sein de la brigade de sapeurs-pompiers de Paris (BSPP) et des forces armées. Il a notamment dirigé les actions civilo-militaires au commandement de la force d’action terrestre, à Lille (20022003) et a servi en Bosnie Herzégovine (2005-2006) avant de retrouver la BSPP, qu’il commande depuis le 1er août 2011. Christophe Soullez est chef du département de l’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales au sein de l'INHESJ depuis le 1er janvier 2004. Spécialiste reconnu des questions de sécurité, il est chargé d’enseignement notamment à l’école des officiers de la gendarmerie nationale (EOGN), à l’Ecole nationale supérieure de police (ENSP) et à l’Université Paris II. Membre du groupe de travail sur la sécurité au quotidien présidé par Michel Gaudin, il est l’auteur de nombreux ouvrages, dont le dernier portant sur Les politiques publiques de sécurité (PUF, Que-sais-je ?, 2011). Il publie en avril 2012, avec Alain Bauer, Une histoire criminelle de la France chez Odile Jacob. 33

présentation

Peur sur la ville ?


Les Cahiers de la FNAIM Paris Ile-de-France Xavier Raufer est criminologue. Directeur des études du Département de recherche sur les menaces criminelles contemporaines (MCC) à l’Université Paris II, il est également chargé de cours à l’EOGN, professeur affilié à l’Edhec et professeur associé au Centre de recherche sur le terrorisme et le crime organisé de l’Université de science politique et de droit de Pékin. Spécialiste reconnu des menaces criminelles contemporaines et des stratégies de sécurité globale, il intervient dans de nombreux colloques et médias, publie des tribunes régulières pour Le nouvel Economiste et Valeurs actuelles, et est l’auteur de nombreux ouvrages parmi lesquels Les nouveaux dangers planétaires (CNRS Editions, 2009, prix Maréchal Foch 2011) et Quelles guerres après Oussama ben Laden ? (Plon, 2011). Blog : www.xavier-raufer.com Christian Frémaux. Avocat à la Cour de Paris, il est notamment spécialisé en droit immobilier, droit pénal général, droit de la responsabilité, droit des affaires, droit public et sécurité. Chargé de cours à l’Université Paris XIII, à HEC et à l’Ecole supérieure de journalisme (ESJ), il est auditeur de l’Institut des hautes études de la sécurité intérieure (IHESI, 1991) et de l’Institut des hautes études de défense nationale (IHEDN, session régionale de Paris, 1997). Il préside depuis 2003 l’association nationale des auditeurs de l’institut national des hautes études de sécurité et de justice (INHESJ). Isabelle Fournier est architecte DPLG de formation et diplômée du DESS d'urbanisme de l'IEP de Paris. Elle exerce depuis 1986. Elle est la gérante du cabinet Moulin des Près, au cœur du quartier latin, à Paris, depuis le 1er avril 1995. Professionnelle engagée, maîtrisant parfaitement les règles et contours de l’administration de biens et de la copropriété, Isabelle Fournier est vice-présidente de la chambre FNAIM Paris Ile-de-France. 34


Peur sur la ville ? Jean-Pierre Tripet, co-fondateur et président de l’entreprise LORICA Sécurité, est un professionnel de la sécurité depuis plus de 30 ans. Ancien champion d’Europe de judo par équipe (ceinture noire 7e Dan) et ancien VicePrésident de la Fédération Française de Judo, il est auditeur de l’Institut National des Hautes Etudes de la Sécurité (INHES, 2005) et de l’Institut d’Etudes et de Recherche pour la Sécurité des Entreprises (IERSE) - dont il préside l’association des auditeurs. Expert reconnu, JeanPierre Tripet siège depuis le 22 janvier 2012 à la commission interrégionale Ile-de-France du Conseil National des Activités Privées de Sécurité (CNAPS). Robert Branche. Ancien élève de l’École Polytechnique et de l’École Nationale des Ponts et Chaussées, il a commencé sa carrière comme haut fonctionnaire puis au sein du groupe L’Oréal, avant de s’orienter vers le conseil en 1988, d’abord au sein de grands cabinets internationaux, puis comme indépendant depuis 10 ans. Spécialisé dans l’accompagnement des équipes de direction "dans la définition et la mise en œuvre de stratégies innovantes en univers incertain", il donne de nombreuses conférences sur ce thème et a notamment publié Les mers de l’incertitude aux éditions du Palio (2010). Blog : http:// robertbranche.blogspot.com

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"La baisse de la délinquance contribue à l’attractivité du Grand Paris" Michel Gaudin

Préfet de police, Préfet de la zone de défense et de sécurité de Paris

entretiens

Peur sur la ville ?

Monsieur le Préfet, quelles sont les tendances récentes d’évolution de la sécurité à Paris et dans l’agglomération ?

En 2011, dans l’agglomération parisienne, la délinquance a diminué de 1,52 %, la délinquance de proximité de 5,2 % et les violences urbaines de 9 %. À Paris, la délinquance a baissé de 2,13 % en 2011. Alors que le nombre de crimes et délits avait augmenté de 13 % entre 1996 et 2001, il est en baisse de 25 % depuis 2002. Comment analysez-vous cette évolution ? Ces résultats s’expliquent d’abord par la forte activité des services de police. Ainsi, en 2011, les infractions révélées à leur initiative ont augmenté de 4 %. De même, le taux d’élucidation a atteint 38,5 %, alors qu’il était seulement de 16,4 % il y a 10 ans. Au-delà de ce fort engagement, les résultats s’expliquent par un certain nombre de réformes des méthodes d’action de la police. Nous avons tout d’abord recentré les commissariats de l’agglomération parisienne sur leurs deux missions principales : la présence sur la voie publique et l’investigation judiciaire. Ensuite, afin de multiplier les contacts avec la population, nous avons renforcé notre dispositif de patrouilleurs. Enfin, l’an passé, 26 "périmètres de sécurisation renforcée", qui permettent une concentration de moyens, ont été activés sur des territoires prioritaires. En parallèle, après des diagnostics territoriaux, des "brigades spécialisées de terrain" ont été déployées sur 12 sites ciblés. 37


Les Cahiers de la FNAIM Paris Ile-de-France En revanche, les cambriolages, qui affectent le logement et l’immobilier en général, sont en hausse partout en France et notamment à Paris. À Paris, les atteintes aux biens sont en baisse de 3,3 % en 2011, du fait de la forte baisse des vols à main armée (-17,7 %) et des vols liés aux véhicules (-7 %). En revanche, il est vrai qu’un de nos points d’attention est la question des cambriolages. Si le nombre de ces derniers est passé de 27 578 en 2001 à 12 599 en 2011, représentant une baisse de 54 %, ils ont toutefois progressé de 2,2 % cette année. Pour inverser cette tendance, la Préfecture de police a mis en place une stratégie nouvelle basée sur une meilleure occupation de l’espace public, une optimisation de l’action des enquêteurs et le déploiement systématique des équipes de police technique et scientifique sur les cambriolages. Ainsi, par recoupements, l’arrestation d’une équipe de cambrioleurs permet souvent la résolution de dizaines d’affaires. La mise en place de cette nouvelle stratégie semble d’ores et déjà porter ses fruits. Les cambriolages ont ainsi baissé de 7 % au dernier trimestre 2011, et même de 10 % pour le seul mois de décembre 2011. Dans le domaine de la lutte contre les incivilités et la délinquance, quelle est votre collaboration avec les acteurs de l’immobilier et du logement ? Afin de renforcer la coordination entre les services de police et les acteurs de l’immobilier et du logement dans la lutte contre les incivilités et la délinquance, j’ai signé le 24 septembre 2010 une convention avec la chambre FNAIM de l’immobilier de Paris et de l’Ile-de-France. Il s’agissait pour nous de mieux articuler nos actions et d’améliorer l’information des adhérents de la chambre FNAIM sur les questions de sécurité. Au niveau local, nous avons créé un lien direct entre les syndics de copropriété de la FNAIM et les services territoriaux de la Direction de la sécurité de proximité de l’agglomération parisienne (DSPAP). Des groupes locaux de sécurisation, qui comprennent des référents de la direction territoriale de la sécurité de proximité et des 38


Peur sur la ville ? référents locaux désignés par la FNAIM, ont été mis en place dans chaque département de l’agglomération. Ils se réunissent à échéance régulière et sont chargés de développer des stratégies communes d’action. Enfin, des fiches "réflexe" ont été remises aux adhérents de la FNAIM, afin de les informer sur les problématiques des situations d’urgence, des réquisitions relatives aux autorisations d’entrée dans les immeubles ou encore de la vidéoprotection. Notre collaboration avec les acteurs du logement est également forte et se traduit par un partenariat avec le groupement parisien inter-bailleurs de surveillance (GPIS). Les 200 agents du GPIS, qui interviennent la nuit au profit des 7 bailleurs sociaux fondateurs sont d’un indéniable apport pour la lutte contre les incivilités et la petite délinquance. Outre la découverte d’objets, d’armes ou de produits stupéfiants, les agents assurent une présence dissuasive. Par ailleurs le GPIS transmet de façon régulière des statistiques par arrondissement. Des réunions trimestrielles se tiennent avec les commissaires centraux concernés et des opérations coordonnées ou communes avec les services de police sont de plus en plus fréquemment organisées. Ces deux démarches collaboratives nous permettent en outre d’accroître l’efficacité de nos opérations "tranquillité vacances" ou "tranquillité seniors". Dans le cadre de la protection des personnes et des biens, quel est l’apport de la vidéoprotection pour les services de police ?

Notre collaboration avec les acteurs du logement est forte et se traduit notemment par une convention avec la FNAIM et un partenariat avec le GPIS.

Le plan de vidéoprotection pour Paris, financé par l’Etat (87,6 millions d’euros), avec l’appui de la Ville de Paris (5 millions d’euros), aboutira à la livraison de 1 000 caméras de voie publique à l’été 2012. 200 caméras sont déjà opérationnelles depuis le 21 décembre 2011, les 800 autres le seront dans les six prochains mois. Ce nouveau maillage s’ajoute aux 350 caméras existantes et aux 10 000 caméras des réseaux de transport. La caméra est à la fois un outil de prévention, de dissuasion, 39


Les Cahiers de la FNAIM Paris Ile-de-France mais aussi et surtout un outil opérationnel de lutte contre la délinquance au quotidien. Il s’agit de faciliter les interventions urgentes et de secours - les sapeurs-pompiers ont également accès aux caméras -, de mieux calibrer les moyens engagés, et d’orienter en temps réel des équipes sur le terrain. Avec la création de "vidéo-patrouilles", les policiers sont envoyés beaucoup plus rapidement là où il le faut quand il le faut. L’objectif de ce nouvel outil n’est évidemment pas de se substituer à l’action des fonctionnaires de police mais de démultiplier et d’accroître l’efficacité de leur présence sur le terrain. J’ajoute enfin qu’une attention toute particulière a été apportée au volet sécurité et déontologie : seuls les fonctionnaires habilités peuvent accéder aux images, pour les besoins des seules missions dont ils ont la charge à un moment donné, et chaque consultation est tracée par le système. Enfin, un floutage dynamique occulte les parties privatives des renvois d’images. Plus largement, dans le cadre d’une stratégie globale de sécurité, le concept de "prévention situationnelle", qui concerne directement les acteurs de l’immobilier et de l’aménagement, a émergé ces dernières années. La "prévention situationnelle" est une demande nécessaire de co-production de sécurité, qui enrichit à la fois les pratiques des maîtres d’ouvrages de grands projets et nos propres méthodes. Son émergence résulte d’une prise de conscience par le législateur du fait que l’aménagement de l’espace peut créer les conditions favorables à la tranquillité et au "mieux vivre ensemble". Il s’agit, en amont de nos actions traditionnelles de prévention de la délinquance, de travailler avec les concepteurs de projets immobiliers ou d’aménagement urbain afin qu’ils prennent en compte la prévention des incivilités et de la délinquance au même titre que le développement durable ou les qualités sociales d’un projet. Le service information-sécurité (SIS) de l’Inspection générale des services de la Préfecture de police est chargé d’accompagner et d’expertiser toutes les études de sécurité publique (ESP) dans les quatre départements de l’agglomération. 40


Peur sur la ville ? Cette prévention technique donne l’occasion d’un dialogue en amont, souvent fécond, entre maîtres d’ouvrage et autorité administrative. Dans le domaine de l’urbanisme également, il vaut mieux "prévenir que guérir". Que recouvre pour vous la notion de "Grand Paris de la sécurité" ? L’agglomération parisienne a connu de profonds bouleversements urbains qui ont modifié l’environnement et les problématiques de sécurité. Paris et les trois départements de la petite couronne concentrent aujourd’hui, sur seulement 6,5 % du territoire francilien, 60 % des emplois, 80 % des logements sociaux et 90 % des déplacements régionaux. Les délinquants profitent malheureusement eux aussi de l’amélioration des transports et de la continuité urbaine : en 2011, seulement 37,3 % des personnes mises en cause à Paris pour un crime ou un délit étaient originaires de la capitale. Face à ces évolutions, la segmentation rigide des zones de compétence territoriale au sein d’un même bassin de délinquance entraînait une répartition sous-opAprès 28 mois timale des effectifs, une réactivité insuffisante d’existence, la police face à l’événement et une présence policière sur d’agglomération se la voie publique inadaptée aux évolutions heure traduit par une analyse par heure de la délinquance. en temps réel de la délinquance, un

C’est la raison pour laquelle le Président de la partage optimisé de république a souhaité la mise en place d’une l’information et une police d’agglomération, un "Grand Paris de la plus grande efficacité. sécurité". Depuis le 14 septembre 2009, celleci recouvre Paris et les 3 départements de la petite couronne. Après 28 mois d’existence, la police d’agglomération se traduit par une analyse en temps réel de la délinquance, un partage optimisé de l’information opérationnelle et une plus grande efficacité policière. Au-delà de la lutte contre la délinquance, la police d’agglomération est également un atout en matière de maintien de l’ordre, car elle permet de concentrer les services territoriaux sur leur 41


Les Cahiers de la FNAIM Paris Ile-de-France cœur de métier et de confier cette tâche à une direction spécialisée. Enfin, la mise en commun des forces spécialisées en matière de fluidification de la circulation à Paris et en petite couronne est également un atout important. Au final, tous ces éléments concourent à l’attractivité de Paris et de son agglomération au niveau européen et mondial pour tous les publics, qu’ils soient touristes ou investisseurs. Grâce à cette réforme, la Préfecture de police est un acteur fort, dans son domaine de compétence, de la création d’un "Grand Paris".

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"Avec le Grand Paris, nous anticipons une augmentation des interventions de secours à victimes" Général Gilles Glin

Commandant la Brigade des sapeurs-pompiers de Paris

entretiens

Peur sur la ville ?

Mon général, les pompiers sont des acteurs essentiels de la sécurité dans l’agglomération parisienne. Comment évoluent vos missions ? L’accroissement des secours à victimes a-t-elle un lien avec celle des violences aux personnes ?

La Brigade de sapeurs-pompiers de Paris a pour mission d’assurer la protection des personnes et des biens sur son secteur de compétence, qui comprend Paris et les trois départements de la petite couronne. Concrètement, cela signifie qu’en plus de la lutte contre les incendies, les 8 500 hommes et femmes de mon unité interviennent également pour les secours à victimes, les accidents de circulation, les incidents technologiques et les faits d’animaux. La principale tendance observée ces dernières années concerne en effet la part prépondérante prise par le secours à victime dans notre activité opérationnelle. En 2011, elle représente 74 % de nos 501 000 interventions. Résultat d’une croissance de long terme (+900 % en 30 ans), elle est causée par la disparition des acteurs de la médecine de proximité et l’augmentation de la paupérisation d’une partie de la population défendue. Elle impose aujourd’hui à la BSPP de mener une réflexion permanente sur le déploiement de ses unités opérationnelles, sur leur armement, mais également sur la formation des personnels et sur les contraintes qui pèsent sur leur quotidien. Rien dans nos statistiques opérationnelles ne nous permet en revanche d’identifier un lien de cause à effet entre l’augmentation du secours à victimes et les violences aux personnes. On note même une nette diminution des blessures par "arme à feu" 43


Les Cahiers de la FNAIM Paris Ile-de-France et par "arme blanche" depuis 1994. L’activité liée aux secours portés aux sans-abris est par ailleurs significative puisque 10 800 victimes SDF ont été traitées par nos soins sur une période d’un an depuis le 1er février 2011. Ce constat nous conduit à développer de nouvelles formes de collaboration avec des acteurs sociaux incontournables, comme le Samu social par exemple. Les médias se font moins l’écho d’agressions des pompiers en intervention dans les cités sensibles. Ces agressions, hier systématiques, seraient-elles en baisse ? En dix ans, entre 2002 et aujourd’hui, les courbes concernant le nombre de sapeurs-pompiers de Paris agressés ou les dégâts occasionnés aux véhicules et matériels de la Brigade ont été particulièrement fluctuantes. Depuis 2010, nous constatons une baisse significative du nombre d’agressions et de dégâts matériels. Cela peut s’expliquer par la mise en place d’une vraie politique de collaboration entre la police et les sapeurs-pompiers. Développer cette collaboration est d’ailleurs l’une des priorités confiées au Général commandant la Brigade par le Préfet de police de Paris. Un plan "troubles urbains" a été rédigé afin de formaliser les procédures d’interventions police-sapeurs-pompiers en cas de violences urbaines sur le secteur de la Brigade, et des exercices communs concrétisent cette collaboration. Quels risques affectent tout particulièrement les logements, et plus généralement l’immobilier ? L’incendie est bien entendu le risque principal, quel que soit le type de bâtiment. Ses conséquences sont les plus spectaculaires et souvent les plus graves en termes de bilan humain et économique. Cet état de fait est renforcé par le vieillissement et l’indisponibilité des installations de secours (colonnes sèches, systèmes de désenfumage, etc.). Les autres risques, comme les effondrements, inondations ou risques technologiques (pollutions, explosions, etc.) paraissent secondaires, mais ils sont loin d’être négligeables. Parmi ces 44


Peur sur la ville ? risques, la crue centennale et ses conséquences possibles sur les constructions et les populations impactées nous préoccupent sérieusement. Comment expliquez-vous la relative stabilité du nombre d’incendies de logements ? Et comment contribuer davantage à leur recul ? Le parc immobilier français a été grandement assaini face au risque incendie dans la plupart des centres urbains ou périurbains. Depuis la parution des textes réglementaires en 1986 pour le neuf, et en 1982 pour les réhabilitations, l’arsenal réglementaire disponible permet de construire ou de mettre en sécurité les bâtiments d’habitation de manière très satisfaisante. Nous pourrions penser que cela devrait avoir tendance à faire diminuer sensiblement le nombre d’incendies : les faits nous démontrent qu’il n’en est rien. Ce nombre reste en effet sensiblement le même car l’éclosion du sinistre reste liée essentiellement au facteur humain et, il faut bien le reconnaître, elle est aussi due parfois à la négligence ou à la malveillance. Toutefois, les conséquences des sinistres sont souvent moins graves sur les bâtiments récents C’est sur l’éducation et donc pour leurs occupants, car les mesures qu’il faut encore et de prévention et de prévision en réduisent l’imtoujours miser afin portance et les conséquences. En effet, même si d’éviter et donc réduire l’on dénombre encore trop de victimes, dans ce le nombre d’incendies, type de bâtiments le feu est généralement limité trop souvent liés à la à son volume initial par les dispositions construcnégligence ou à la tives liées à l’isolement et à la conception des malveillance. constructions. C’est donc sur l’éducation de la population qu’il faut encore et toujours miser afin d’éviter l’éclosion d’un feu. Or, si elle est bien réelle dans certains pays, asiatiques notamment, force est de reconnaître que, pour l’instant, celle-ci n’est pas encore organisée en France. De plus, la mise en place généralisée des Détecteurs Autonomes Avertisseurs de Fumées, si elle n’évitera pas les départs de feux, permettra certainement de sauver de nombreuses vies. Elle contribuera aussi à diminuer les conséquences des sinistres 45


Les Cahiers de la FNAIM Paris Ile-de-France en permettant d’avertir au plus vite les occupants concernés et en favorisant ainsi une alerte précoce des secours. La BSPP a également des compétences en matière de sécurité civile. Comment sont anticipés les risques et les menaces majeurs à l’échelle d’une agglomération comme le Grand Paris ? Paris est une mégapole complexe, exposée à des risques et des menaces multiples et bien souvent cumulés car juxtaposés. La BSPP prend déjà en compte l’ensemble des risques auxquels elle est susceptible d’être confrontée avec le Grand Paris. Seules, les conséquences risquent d’être plus graves (en étendue et en intensité). Il n’existe donc pas d’organisation nouvelle ou spécifique, mais la BSPP fait preuve d’anticipation dans la réponse opérationnelle, dans la mesure où elle a connaissance des projets. Elle fait aussi preuve d’adaptation à l’existant. Pour répondre plus précisément à votre question, la menace terroriste, les risques d’inondation majeure (notamment la crue centennale) ou de défaillance des réseaux sont pris en compte dans le schéma interdépartemental d’analyse et de couverture des risques (SIDACR). Ce document réglementaire, prévu par le code général des collectivités territoriales, analyse les risques d’un territoire, après en avoir fait l’inventaire, et fixe des objectifs de couverture. Celui de la Brigade est le seul à caractère interdépartemental puisqu’il couvre Paris et les quatre départements de la petite couronne. La menace d’attentat et le risque d’inondation font l’objet de plans d’intervention spécifiques internes : plan rouge (nombreuses victimes), plan rouge alpha (multi-attentats), plan jaune (NRBC), plan inondation majeure. Aujourd’hui, la Brigade est capable de faire face à plusieurs attentats simultanés, dont l’un à caractère NRBC, et elle s’y entraîne régulièrement. S’agissant enfin du risque de défaillance des réseaux (énergie, eau, communication…), à chacun d’entre eux correspond un interlocuteur, ainsi que des plans et des processus d’intervention spécifiques. Les réseaux des nouvelles technologies et de circulation de l’information présentent néanmoins une vulné46


Peur sur la ville ? rabilité physique certaine en raison de leur cohabitation avec les réseaux d’énergie. Ils entraînent également une réelle dépendance des activités économiques, administratives et industrielles, qui pourraient être paralysées en quelques minutes. Quel sera l’impact du Grand Paris sur vos activités ? Concrètement, si le Grand Paris comprendra une augmentation du nombre de logements, des mails commerciaux, des bureaux et diverses activités, c’est d’abord un projet de métro automatique. Soit, pour mémoire, 175 km de lignes supplémentaires et 57 gares nouvelles sur l’Ile-de-France ! Avec l’amélioration de la desserte de banlieue à banlieue et la réduction des temps de trajet, les migrations pendulaires vont donc inévitablement augmenter. Nous anticipons trois évolutions. Tout d’abord s’agissant du nombre d’interventions pour secours à victimes. Déjà très élevé et en constante augmentation (de 3 % ces dernières années), il pourrait croître encore davantage, de l’ordre de 4 à 5 % dès 2018. D’autre part, les violences urbaines sont susceptibles de se développer et surtout de se Les violences urbaines déplacer avec la facilitation des transports et sont susceptibles de se la création de nouvelles gares, dites multimodévelopper et surtout dales. Enfin, les interventions avec les SDIS de se déplacer avec la la Grande Couronne seront plus fréquentes, et facilitation des soulignent l’importance que revêtent dès autransports. jourd’hui les conventions interdépartementales d’assistance mutuelle (CIAM). Vous souhaitez une responsabilisation accrue de tous, et notamment que les citoyens deviennent "les premiers acteurs de leur sécurité". Qu’entendez-vous par là ? La BSPP doit en permanence s’adapter à un environnement particulièrement changeant, afin d’apporter en tout temps et en tous lieux la meilleure réponse qu’il soit aux demandes de secours des populations parisiennes et des trois départements de la petite couronne. Afin d’atteindre cet objectif, la Brigade, 47


Les Cahiers de la FNAIM Paris Ile-de-France qui est l’une des grandes directions de la Préfecture de police de Paris, s’est engagée sur la période 2007-2015, sous l’impulsion de son autorité de tutelle, le Préfet de police, dans la mise en place de deux plans de modernisation successifs. Si, grâce à ces évolutions structurelles et organisationnelles, la Brigade apporte aujourd’hui, en termes de qualité, une meilleure réponse aux demandes de nos concitoyens, en revanche elle doit faire face depuis quelques années, en termes de quantité, à une augmentation inexorable des appels à la salle 18/112. Afin que l’urgence reste le seul souci de ceux qui nous appellent, il est indispensable que chaque habitant devienne un citoyen plus responsable. Pour cela, il doit se former aux gestes de premiers secours et s’informer quant aux bons comportements à avoir face aux risques auxquels il peut être confronté (incendie, monoxyde de carbone, risques domestiques…). Un citoyen formé et informé, c’est la garantie que les sapeurspompiers de Paris n’interviendront plus que pour des cas d’urgence et que leur mission ne sera pas entravée par des appels relevant de la "bobologie". Que pourriez-vous attendre plus concrètement d’une organisation professionnelle comme la FNAIM ? La FNAIM, notamment, par le biais des syndics de copropriété, pourrait être un relais important auprès des propriétaires et des locataires afin qu’ils prennent conscience de cette nécessité de se former et de s’informer. Je pense plus particulièrement au risque incendie, et aux mesures individuelles ou collectives à respecter en cas de sinistre. De même, la FNAIM, par l’entremise des syndics et des conseils syndicaux d’immeubles, pourrait mettre l’accent sur l’importance à accorder à l’entretien des moyens de secours des immeubles. Les sapeurs-pompiers de Paris sur interventions constatent en effet bien souvent le vieillissement des bâtiments et la dégradation des mesures d’entretien, notamment en ce qui concerne les ouvrants de désenfumage en partie haute des immeubles.

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"L’urbanisme est un facteur essentiel de sécurité" Christophe Soullez

Directeur de l’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales (ONDRP)

entretiens

Peur sur la ville ?

Quel est votre diagnostic sur la situation de la sécurité à Paris et en région parisienne ?

La situation est très contrastée. Tout va dépendre du type de faits (atteintes aux biens, aux personnes…), de la réalité dont on parle (insécurité vécue ou ressentie), et bien sûr des territoires observés. Ce que l’on peut malgré tout constater, c’est que l’Ilede-France, et principalement Paris et les trois départements de la Petite couronne, concentrent un très grand nombre de crimes et délits. Une des caractéristiques de la capitale, c’est d’abord la prégnance des atteintes aux biens, et notamment des vols avec violence. C’est vraisemblablement lié à la forte population qui transite par la capitale (6 millions de personnes par jour) et à la "zone de chalandise" que constitue la ville, dont l’accès est facilité par le développement des moyens de transports, et plus généralement de communication. S’agissant des évolutions récentes, on peut constater une forte hausse des cambriolages, en particulier des résidences principales. Il s’agit certes d’un phénomène national, mais qui touche très fortement la zone dense urbaine (+15 % à Paris et dans les trois départements de la Petite couronne). A contrario, les violences aux personnes ont plutôt tendance à se stabiliser. Une autre caractéristique spécifique à Paris est d’être moins concernée par les problèmes de violence urbaine ou de comportements anti-institutionnels, tels qu’ils se manifestent dans les quartiers sensibles, y compris de Seine-Saint-Denis, des Hauts-de-Seine ou parfois du Val-de-Marne.

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Les Cahiers de la FNAIM Paris Ile-de-France Comment expliquez-vous cette caractéristique parisienne ? Par une densité plus forte du nombre de policiers, par l’organisation urbaine ?.. Les deux facteurs se conjuguent ici. L’organisation urbaine joue un rôle considérable. Même si Paris abrite des zones urbaines sensibles, celles-ci sont très proches du cœur de ville, insérées dans le tissu urbain. Il ne faut pas oublier que Paris est une petite ville par rapport à d’autres capitales européennes ou mondiales, tant s’agissant de sa superficie que de sa population (2 millions d’habitants intra muros). Cette spécificité permet un maillage policier beaucoup plus dense qu’ailleurs, avec des effectifs il est vrai plus importants que dans d’autres villes comparables. Et les zones sensibles y sont peu étendues et ne sont pas, comme en banlieue, coupées de la ville : elles ne peuvent donc constituer des sanctuaires pour les délinquants. Il n’en demeure pas moins que s’installe un sentiment d’insécurité dans ces zones sensibles, tout particulièrement au-delà du périphérique. S’y ajoute une angoisse liée, non seulement au risque personnel, ou pour sa famille, mais à la perte de la valeur de son logement, qui constitue souvent le seul patrimoine des ménages concernés. Confirmezvous cette impression ? Le sentiment d’insécurité est un problème très subjectif, qui dépend de beaucoup de paramètres – et pas seulement de la réalité d’antécédents. Ce sentiment d’insécurité va être conditionné par la perception, très personnelle, du risque encouru, davantage que par le statut réel de victime ou même de témoin d’actes de délinquance. Cette perception se construit avec la visibilité de certains troubles à l’ordre public (incendies de voitures, trafics de stupéfiants dans une cité) et à travers la construction médiatique. Ce sentiment peut donc parfois être totalement déconnecté de la réalité délinquante, même s’il est particulièrement prégnant dans les zones urbaines sensibles. Il reste cependant évident qu’il y a un lien entre l’image que peuvent véhiculer certains quartiers, le sentiment d’insécurité et la valeur d’un bien immobilier. 50


Peur sur la ville ? Constatez-vous des menaces émergentes, des tendances lourdes en Ile-de-France ? Il y a des phénomènes criminels émergents, et d’autres en régression. Ce que l’on observe de manière empirique, en l’absence d’étude exhaustive sur le sujet, c’est un recours facilité à la violence. Certains jeunes délinquants hésitent de moins en moins à user de la violence, dans des proportions totalement disproportionnées par rapport aux objectifs visés, aux gains escomptés. C’est un point notable, qui tient au fait que la délinquance et la criminalité sont un phénomène essentiellement juvénile (15-25 ans), et masculin. Evoluant dans une société de consommation, les infractions liées à l’appropriation de biens sont également en augmentation, d’autant plus que ces biens peuvent être aujourd’hui beaucoup plus facilement volés, transportés et écoulés qu’il y a 10 ou 15 ans : je pense bien entendu aux téléphones portables, au matériel hi-fi et vidéo, à l’or, etc. Cette délinquance crapuleuse, d’appropriation, tend à s’adapter aux facilités qu’offre la société, notamment s’agissant de la revente des biens. Troisième aspect, qui est loin d’être récent, mais Il est indéniable qu'une qui constitue l’un des enjeux majeurs des profaible minorité de chaines années : l’économie souterraine, notamjeunes délinquants est ment le trafic de stupéfiants. Il y a dans ce doà l'origine d'une très maine encore très peu d’études réalisées sur le forte majorité des faits. terrain, dans les quartiers, depuis les travaux du sociologue Sébastien Roché dans les années 1980, et qui en arrivait à la conclusion que 5 % d’individus étaient à l’origine de 50 % des méfaits. Mais il est indéniable qu’une faible minorité de jeunes délinquants est à l’origine d’une très forte majorité de faits, tient en tout cas le quartier et ses trafics, au point de le mettre parfois en coupe réglée. On a affaire à de petits groupes de 10, 20 ou 50 personnes au maximum. Il existerait donc des noyaux durs de délinquants ? Majoritairement, en effet, on va retrouver dans certains quartiers des petits noyaux durs, auxquels s’agrègent d’autres jeunes 51


Les Cahiers de la FNAIM Paris Ile-de-France pour profiter des occasions et commettre quelques délits sans nécessairement s’engager dans une "carrière criminelle". Ces petits noyaux concentrent les mêmes individus, hyperactifs, qui vont organiser la vie sociale criminelle du quartier à un moment donné. Une règlementation récente autorise certains gardiens d’immeuble à s’équiper de bâtons de défense de type tonfas. Que pensez-vous de ce type de décision ? D’autres mesures vous semblent-elles plus efficaces ? Je suis assez réservé quant à la possibilité pour les gardiens d’immeuble de porter des bombes lacrymogènes ou des bâtons de défense. Pour deux raisons. La première tient à leur rôle, qui ne saurait se confondre, à tort ou à raison, avec celui d’auxiliaire des forces de police – que celles-ci soient nationales ou municipales. La seconde tient au recours à la violence extrêmement rapide et brutal de certains individus, évoqué précédemment : sans conscience des limites à ne pas franchir et des conséquences potentielles de leurs actes, ces individus peuvent avoir une réaction totalement disproportionnée par rapport à celle d’un gardien d’immeuble, et entraîner des drames. En fait, il n’existe pas de dispositif miracle. La vidéosurveillance, le partenariat et plus généralement les actions dites de "prévention situationnelle" ne sont que des outils qui, pris isolément, ne peuvent suffire à résoudre l’ensemble des problèmes. C’est plutôt en cumulant ces différents dispositifs, en impliquant également d’autres acteurs encore trop souvent en retrait - et je pense en particulier à la justice - que l’on parviendra peut-être, sinon à juguler, au moins à freiner l’évolution de certains types de délinquance. Il y a des opérations ou des dispositifs qui marchent dans certaines villes, mais dont l’efficacité tient à des spécificités locales, et qui ne sont donc pas reproductibles. De même, le partenariat est essentiel, mais son efficacité tient beaucoup à la personnalité des acteurs qui vont le mettre en place. Bref, c’est tout un ensemble de mesures, de prévention, de collaboration, de répression, législative ou règlementaire, qui peut éventuellement permettre d’améliorer la situation. 52


Peur sur la ville ? S’agissant de partenariat, que peuvent faire les professionnels de l’immobilier pour contribuer au maintien d’un climat social à peu près sécurisé ? L’urbanisme est un pan essentiel de la sécurité. Immeubles et espaces urbains doivent être conçus pour que les gens s’y sentent bien, en évitant toute impression d’enfermement, en garantissant une fluidité de passage. Les acteurs de l’immobilier doivent faire preuve de responsabilité, et avoir le courage de s’opposer aux idées parfois un peu farfelues des architectes. Délinquants et criminels restent responsables de leurs actes. Mais il faut reconnaître que dans certains quartiers, dans certaines villes, la structure urbanistique facilite le passage à l’acte. S’agissant de la gestion, il me semble essentiel que les bailleurs, ou les syndics, entretiennent de façon régulière les immeubles et leurs abords. Conformément à la théorie de "la vitre cassée" (Broken Windows), exposée par James Wilson et George Kelling, chaque dégradation doit faire l’objet d’une réparation immédiate. Deux publics doivent ici être pris en compte : les habitants et les délinquants. Il s’agit de ne pas donner l’impression aux premiers d’être Dans les quartiers abandonnés et aux seconds qu’ils sont maîtres sensibles, tout est du terrain. Dans les quartiers sensibles, tout est affaire de maîtrise affaire de maîtrise de territoire, et la symbolique de territoire, et est essentielle. Les dégradations volontaires atla symbolique est testent d’une volonté de possession, de contrôle essentielle. de l’espace public (halls d’immeubles, parkings, Mais on peut combattre classes d’écoles, quartiers entiers…). En agiscette emprise. sant très rapidement, on combat cette emprise, on affirme une présence sociale concurrente de celle des délinquants. La question des transports publics est au cœur du projet de Grand Paris, qui entend renforcer l’attractivité de la région à l’international. Or la sécurité est également un facteur d’attractivité. Comment concilier ces deux priorités, quand de nombreux usagers déclarent avoir peur dans les transports en commun ? 53


Les Cahiers de la FNAIM Paris Ile-de-France L’une des réponses réside dans le développement du service régional de la police des transports (SRPT), créé en 2005 avec une compétence sur l’ensemble du territoire régional. Le concept n’est pas nouveau. Souvenez-vous, en 1900, les "Brigades du Tigre" avaient été initiées, sur la base d’une mobilité accrue, pour parer celle des délinquants avec l’arrivée de l’automobile. Nous sommes aujourd’hui dans une situation comparable. Les délinquants sont de plus en plus mobiles. Ils ne se contentent pas de commettre des infractions dans leur quartier, mais ils ont tendance à s’exporter dans d’autres villes. Ils profitent des moyens de transport pour commettre un certain nombre d’infractions. La sécurisation de ces réseaux est donc une des priorités des pouvoirs publics. Ce sont des lieux où le sentiment d’insécurité est très marqué, alors même qu’il ne s’y commet pas plus d’infractions que sur la voie publique. Mais ce sont des lieux confinés, rarement agréables, où l’on peut se retrouver seul, isolé. Il y a donc une nécessité de rassurer les usagers, de ne pas laisser les transports publics sans surveillance, et surtout ne pas les laisser entre les mains d’éventuels délinquants. La police des transports participe de cet objectif. Elle pourrait être encore davantage développée, notamment par le partenariat entre la Préfecture de police et les compagnies de transports parisiens (SNCF et RATP), qui est déjà l’un de ceux qui fonctionnent le mieux en matière de sécurité, et par la prévention situationnelle. Notons que la vidéoprotection a, dans les transports, une efficacité bien plus avérée que sur la voie publique. Comme vous l’avez souligné, cette réponse judiciaire constitue l’un des principes de base de la tolérance zéro. Il y a une demande sociale forte en matière de répression. La faiblesse actuelle du système ne tient-elle pas à celle de son maillon judiciaire ? La continuité judiciaire aux Etats-Unis est en effet beaucoup plus efficiente que chez nous. En France, un certain nombre d’infractions ne sont tout simplement plus poursuivies, soit parce qu’elles sont considérées comme bénignes, soit parce qu’elles sont trop difficiles à élucider et qu’il y faudrait trop de temps et de moyens… Cette dérive participe du sentiment d’impunité 54


Peur sur la ville ? des délinquants et aussi, parfois, de l’absence de confiance que peut avoir la population dans les services de la police ou dans les services judiciaires. Considérez-vous dès lors qu’il peut exister un sentiment de "peur sur la ville" ? Ce sentiment existe, mais il convient de le relativiser. Dans nos enquêtes, 8 personnes sur 10 s’estiment en sécurité ! Bien entendu, ce sentiment est largement fluctuant selon les territoires. Quand on analyse les zones urbaines sensibles par exemple, le sentiment est inverse : une majorité de gens se déclarent en insécurité. La ville en elle-même, qui est pourtant globalement sûre, peut générer ce type de sentiment, notamment en raison de la banalisation du recours à la violence - qui pour le coup n’est pas l’apanage d’individus ancrés dans la délinquance, mais peut se manifester entre automobilistes, voisins de palier, usagers et conducteurs de bus, etc., et ce pour des motifs tout à fait dérisoires. Car nous sommes aussi dans une société plus stressée, plus angoissée, avec une pression plus forte qu’il y a une quinzaine ou une vingtaine d’années, ce qui peut conduire à des comportements violents. Nous ne sommes pas Mais nous ne sommes pas confrontés à des confrontés à des villes villes en proie à une insécurité ou à une crimien proie à une nalité galopante. C’est sans doute plutôt notre insécurité ou à une intolérance à l’égard de l’insécurité et surtout de criminalité galopante. la violence qui a augmenté, au sein d’une soC'est notre intolérance ciété somme toute confortable et globalement à l'insécurité qui a apaisée. augmenté, au sein d'une société somme

A l’échelle du territoire national, on dénombre toute confortable et entre 120 000 et 130 000 vols avec violence. globalement apaisée. C’est beaucoup dans l’absolu, mais peu au regard de la population. Et là encore, soulignons l’influence des transformations de la société, des évolutions techniques et organisationnelles qui induisent automatiquement de nouvelles formes de délinquance. Ainsi, les escroqueries sur Internet ne pouvaient pas exister avant qu’Internet existe !

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Les Cahiers de la FNAIM Paris Ile-de-France En guise de conclusion ? Ce qui me dérange aujourd’hui, c’est de voir la lutte contre la criminalité cantonnée au seul ministère de l’Intérieur, aux seuls services de police ou de gendarmerie. C’est oublier un peu vite l’importance des dispositifs et des acteurs en amont de cette action, telle que suggérée par la loi d’orientation et de programmation pour la sécurité intérieure (LOPPSI) de 2011 qui reconnaît officiellement les acteurs privés de la sécurité. C’est également sous-estimer l’importance capitale de l’aval, à savoir l’aspect judiciaire. Une politique publique de sécurité implique de nombreux acteurs. Si demain on met 15 000 policiers de plus dans la rue, mais si la justice ne peut pas assurer le traitement de davantage de procédures, cela ne servira strictement à rien !

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"Dans une métropole comme l’Ile-de-France, il n’y a qu’un seul réel problème : le phénomène des bandes" Xavier Raufer Criminologue

entretiens

Peur sur la ville ?

Quel est votre diagnostic sur la situation de la sécurité à Paris et en région parisienne ? Quelles sont les grandes évolutions ? Depuis 2 ou 3 ans, la situation semble évoluer favorablement, et c’est très nettement le résultat de l’impulsion donnée par le Préfet de police Michel Gaudin. Deux décisions essentielles sont à mettre à son actif. La première tient à l’organisation d’une police d’agglomération, compétente sur Paris et les départements de la Petite couronne. Car, à l’échelle d’une ville, la criminalité recouvre son bassin de transports. On parle bien sûr ici de la "criminalité des rues", et non de celle en col blanc, économique. Le champ de bataille a ainsi été agrandi, l’action des services de police se trouvant facilitée par l’homogénéité du territoire criminel. Deuxièmement, et c’est sans doute le plus important, le diagnostic a été posé. Le seul problème en matière de criminalité, c’est la récidive – et donc les récidivistes. Il y a deux types de délinquants ou criminels dans la société actuelle. Le classique va, par exemple, si c’est un cambrioleur, réaliser cinq cambriolages par an. A ses côtés s’est développée une nouvelle catégorie de criminels : les "prédateurs violents", hyperactifs, qui vont commettre cent cambriolages par an. Il est donc plus intéressant d’arrêter un hyperactif que dix délinquants classiques. En travaillant sur les bandes criminelles, la Préfecture de police de Paris a pu vérifier le bien-fondé de l’idée selon laquelle 5 % des malfaiteurs accomplissent à eux seuls 50 % des infractions. Les services disposent désormais d’une liste d’individus - dont cer57


Les Cahiers de la FNAIM Paris Ile-de-France tains collectionnent une centaine de passages devant la police et la justice - et peuvent dès lors mieux cibler leurs interventions. Résultat : même si la situation est loin d’être idyllique, les vols avec violence ont commencé à baisser en région parisienne. Ce qui augmente en revanche, ce sont les cambriolages. Pour une raison simple : ils sont principalement imputables à des bandes itinérantes, originaires des Balkans, qu’il est plus difficile d’identifier et de combattre compte tenu des facilités de déplacement octroyées aux citoyens des Etats membres de l’Union européenne. Ces groupes font des campagnes comme les Terre-neuvas autrefois : en quelques semaines, ils peuvent écumer une région et rentrer chez eux avec leur butin. Ils y ont tout intérêt d’ailleurs car, travaillant pour des réseaux de type mafieux, revenir au pays les mains vides les expose à de sérieux problèmes… Cette forme de prédation extraterritoriale est très difficile à combattre. Mais il existe une parade, évoquée par le ministre de l’Intérieur : les harceler suffisamment pour qu’ils soient finalement contraints de changer de "terrain de chasse". La seule loi criminologique absolument infaillible est l’effet de déplacement : l’augmentation des difficultés et des risques à commettre des méfaits incite tôt ou tard les malfaiteurs à s’adapter, en modifiant leurs cibles. Pour des cambrioleurs professionnels, le plus simple est alors de s’attaquer à des territoires où la pression policière sera moins forte. Un cambriolage n’est jamais anodin, surtout lorsqu’il s’accompagne de violences… C’est un effet pervers du renforcement des dispositifs de sécurité passive imposés par les compagnies d’assurance : les systèmes électroniques antivols des banques comme des véhicules, les portes blindées des appartements, etc. Dès lors, entre le distributeur d’argent, sa voiture et son logement, le maillon faible est plus que jamais l’individu. En matière de cambriolage des habitations, sont particulièrement vulnérables les "orphelins de 16h", ces enfants et adolescents qui rentrent chez eux à la sortie des classes et sont seuls avec les clés de l’appartement en attendant que leurs parents, 58


Peur sur la ville ? qui travaillent tous les deux, rentrent au domicile. Ce sont des cibles de choix pour les voyous. La nouvelle tendance est en effet de s’attaquer aux êtres humains les plus fragiles (enfants rentrant de l’école, femmes au volant de leur voiture, personnes âgées qui retirent de l’argent au DAB, etc.), en s’appropriant leurs biens par la violence. Cette nouvelle délinquance ne nécessite aucun talent particulier : il suffit d’être brutal. Le logement n’est pas seulement un bien : le rapport à l’affect y est essentiel. Que vous inspire le cas de cette jeune veuve qui a ému l’Amérique en abattant un malfaiteur qui s’était introduit chez elle en pleine nuit ? La France n’est pas le Far West ! Le cas de cette jeune Américaine est très particulier. Aux Etats-Unis, la population a une connaissance et une pratique à la fois historique et sociale, massive, des armes à feu. Mais en général, ce sont les bandits qui savent s’en servir, et non les honnêtes gens. Transposée en France, cette pratique se retournerait contre des derniers dans 99 cas sur 100. C’est aux forces de l’ordre de faire ce travail. Et c’est ni surhumain, ni particulièrement compliqué. Pourtant, la tendance actuelle est à la "coproduction" de la sécurité. Ainsi, une disposition récente autorise certains gardiens d’immeubles à s’équiper de bâtons de défense. Que pensez-vous de cette disposition et plus généralement des dispositifs en vigueur, en matière de prévention comme de répression ?

La France n’est pas le Far West ! C’est aux forces de l’ordre d’assurer la sécurité. Et c'est ni surhumain, ni particulièrement compliqué.

Est-ce vraiment une bonne idée que de distribuer des bâtons aux gardiens d’immeuble quand les perturbateurs possèdent des kalachnikovs, et n’hésitent pas à s’en servir ?... En règle générale, quand le Titanic est en train de couler, les rustines ne servent pas à grand-chose. Et les gadgets détournent l’attention des vrais problèmes. S’agissant de la "prévention", bon nombre d’initiatives n’ont rien à voir avec la lutte contre la délinquance. Faire du théâtre ou du 59


Les Cahiers de la FNAIM Paris Ile-de-France "hip hop" en banlieue est sans doute très intéressant, et socialement utile : comme criminologue, je n’ai pas de compétence particulière pour en juger. Mais je peux affirmer en revanche que ces actions de nature "occupationnelle" n’ont aucune espèce d’influence sur les évolutions criminelles. De même que je conteste formellement la corrélation que certains sociologues voudraient faire entre pauvreté et délinquance. Ce lien de cause à effet n’a été vérifié nulle part : c’est un discours purement idéologique, qui relève de la "culture de l’excuse". Et la vidéosurveillance, que la Préfecture de police souhaite étendre ? Elle est naturellement utile, mais a posteriori. C’est un très bon outil d’aide à l’enquête, à la résolution de crimes ou de délits. Encore que la parade ait été immédiatement trouvée par la "racaille" - j’emploie volontairement ce terme au sens que lui donnait déjà Karl Marx dans ses écrits, à savoir le "lumpenprolétariat", par opposition au prolétariat constitué des travailleurs pauvres. Quelle est cette parade ? Se cacher le visage avec une capuche, et bien sûr agir en groupe pour nier toute responsabilité personnelle en cas de procès. Dans le futur positionnement du Grand Paris à l’international, le critère sécuritaire va être sans doute déterminant, tant pour les personnes physiques que pour les investisseurs. Pour conforter leurs projets d’installation, rester attractifs sur ce critère, quelles mesures prendre ? Vous avez raison : la sécurité est un facteur indéniable d’attractivité d’un territoire - quel qu’il soit. Dans une métropole comme la région parisienne, il y a un seul réel problème : le phénomène des bandes. Et un seul problème à l’intérieur des bandes : les noyaux durs, constitués de 3 000 à 4 000 individus pour toute la France. En les mettant hors d’état de nuire, on peut endiguer massivement la violence. Sans un seul policier ou gendarme supplémentaire, sans aucune nouvelle loi. Une politique de sécurité est avant tout une politique. Comme 60


Peur sur la ville ? l’indiquait le politologue Carl Schmitt, cela nécessite de désigner l’ennemi. Puis d’agir en conséquence. Dès lors, que préconisez-vous ? Comme l’a expertisé l’universitaire François Haut, du département de recherche sur les menaces criminelles contemporaines (DRMCC) de l’université Paris-II, que j’anime à ses côtés, les bandes se composent de deux éléments. Un noyau central, constitué de "criminels d’habitude", dont la vie est organisée autour des crimes et délits. Et un deuxième cercle plus fluctuant, constitué de personnes qui viennent s’agréger en cas de besoin ou au gré des opportunités (gros pillage, "tournante" dans une cave, etc.). Dans la région parisienne, on recense une centaine de ces bandes franchement toxiques. Deux outils permettraient d’en venir à bout, comme cela s’est fait en Grande-Bretagne ou en Californie par exemple : un outil de renseignement criminel et un autre juridique, judiciaire, à savoir l’injonction civile. Si les criminels hyperactifs sont imperméables à tout travail social, ils peuvent être neutralisés par un renseignement criminel ciblé et précis, dans le strict Les criminels respect des lois en vigueur. Un précédent existe hyperactifs peuvent en France, parfaitement datable : celui de l’anêtre neutralisés par un née 2000. Deux ans avant le passage à l’euro "renseignement et ses multiples convois de billets de banque qui criminel" ciblé sillonnent le pays, la police cible précisément les et précis. gangs de braqueurs de fourgons. Elle anticipe leurs actions, les "marque à la culotte". Résultat : un braquage de fourgon dans toute l’année, contre en moyenne… deux par mois. L’idée d’une systématisation de cette pratique fait son chemin, et devrait être prochainement examinée par les instances européennes. Le texte reviendra sans doute en France par ce biais pour y être enfin appliqué. L’injonction civile consiste pour sa part à optimiser les informations recueillies pour en simplifier et en accélérer le traitement judiciaire. Elle permet, à l’initiative du parquet, le déclenchement du processus de renseignement criminel à l’encontre 61


Les Cahiers de la FNAIM Paris Ile-de-France de telle ou telle bande dangereuse repérée par les services de police. Sur la base des informations collectées au bout de quelques semaines, les membres de cette bande sont interpellés et convoqués chez le juge. Lequel leur met le marché entre les mains : soit respecter l’injonction civile qu’il va leur assigner, soit répondre de leurs actes devant les tribunaux, et encourir une peine de prison ferme. Quelle est cette injonction ? En règle générale, une double interdiction : de continuer à se fréquenter et à fréquenter le quartier concerné. Une bande, c’est en effet avant tout un fief : la cité. Et les voyous ne sont pas des héros : environ la moitié d’entre eux, effarés d’avoir été surveillés sans s’en être rendus compte, et au regard du risque judiciaire, réel, encouru, cesseront toute activité. C’est la proportion observée partout. La première convocation au commissariat suffit à dérouter 50 % des personnes d’une carrière délinquante. Ne restent actifs que la minorité la plus déterminée mais qui, à force de harcèlement, d’injonctions civiles et de condamnations, est progressivement mise hors d’état de nuire, selon le principe du rendement décroissant. Il faut bien prendre conscience que la réalité criminelle est brutale. Voici trois ans, en grande banlieue parisienne, le décès (accidentel) de deux caïds a permis de voir la criminalité locale diminuer de moitié. Ce n’est pas la misère qui engendre le crime, ce sont les criminels ! Mais l’injonction civile n’existe pas en droit français… Pas au sens strict en effet, mais l’infraction d’association de malfaiteurs pourrait être utilisée à cette fin, et non pas seulement comme aujourd’hui en tant que circonstance aggravante dans une procédure pour crime ou délit. Je le répète, le renforcement effectif de la sécurité ne demande pas davantage de moyens ou de dispositifs légaux : c’est une question de volonté. La police d’agglomération, qui regroupe les services parisiens et ceux de la Petite Couronne, est déjà une étape. Elle s’attache à un territoire où 70 à 80 % des bandes sont implantées, se déplacent et sévissent. Elle dispose des moyens d’agir.

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Peur sur la ville ? Dans ce cadre, quel pourrait être le rôle imparti à des acteurs comme les professionnels de l’immobilier, et plus généralement aux organisations professionnelles ? Il faut que la société civile fasse connaître la réalité des problèmes, causés par les bandes violentes, et exige des pouvoirs publics de s’en préoccuper. On pourrait parfaitement envisager par exemple que la FNAIM propose à d’autres organisations professionnelles (bailleurs, gestionnaires de centres commerciaux, compagnies de transport en commun, bijoutiers, buralistes, etc.) de partager leurs informations, attestées par des enquêtes de terrain auprès de leurs membres, et que ce collectif les transmette aux services compétents. A mon sens, à côté du partenariat, l’une des actions les plus efficaces d’une organisation professionnelle est le lobbying, auprès de l’appareil d’Etat et des élus. Et ce n’est pas là une question partisane, mais une réflexion à mener qui intéresse la société dans son ensemble. L’essentiel est de cibler les bandes de prédateurs violents et d’en venir à bout. Toutes les actions, tous les projets urbains ou sociaux - y compris la "prévention situationnelle" - peuvent être utiles à la population, mais cela ne peut se faire que dans un climat apaisé. En attendant, un sentiment de peur semble prévaloir dans de nombreux territoires de l’Ile-de-France… Assez de paroles : C’est pourquoi il ne faut pas effrayer les gens. des actes ! Depuis l’avènement des premières civilisations, ce qui fait peur, c’est la proximité de quelque chose de dangereux, incompréhensible ou inconnu. Or, conceptuellement, le problème des atteintes aux personnes est résolu : on sait qui sont les auteurs de la majorité des crimes et délits. Cela ne relève pas de l’irrationnel. Il faut faire appel au courage des gens, à leur lucidité. Assez de paroles, des actes !

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"Les professionnels de l’immobilier ne peuvent pas se désintéresser des questions de sécurité" Christian Frémaux Avocat à la Cour

entretiens

Peur sur la ville ?

En tant que praticien du droit, quelle est votre appréciation de la situation de la sécurité à Paris et en région parisienne ? Ma vision est celle d’un avocat, dont le rôle est de défendre les victimes de vols et d’agressions de toute nature, liées souvent à des trafics - de drogue en particulier. Selon les statistiques officielles, on a enregistré une recrudescence des cambriolages des résidences principales. Cela tient peut-être à une évolution de l’habitat et de la société : en ville, il y a davantage de personnes isolées et de logements inoccupés dans la journée. Malgré les fêtes de quartier, le voisin est souvent inconnu, voire ignoré. Et si les immeubles sont équipés de moyens techniques (blindages, surveillance…), ils manquent de présence humaine. De même, la visibilité, parfois insuffisante, de la police en agglomération n’est pas comparable à celle des gendarmes en zone rurale. Dès lors, si globalement la sécurité à Paris et en région parisienne tend à se stabiliser, voire à diminuer, le ressenti des habitants est très différent. Le sentiment d’insécurité reste une réalité. A vos yeux, existe-t-il un lien entre sécurité et marché de l’immobilier ? Ce lien est évident. La valeur d’un bien dépend de son emplacement, de son environnement, de son niveau de protection et d’entretien, de la présence d’un gardien ou au contraire de l’absence de toute surveillance humaine, des relations de voisinage telles qu’elles peuvent s’exprimer à travers l’action du syndic, la collaboration avec les forces de l’ordre, etc. 65


Les Cahiers de la FNAIM Paris Ile-de-France Le logement est davantage qu’un bien matériel. C’est un lieu de vie, où l’on a investi pour plusieurs années, que l’on défend contre toute intrusion. C’est sa propriété, c’est-à-dire où l’on a des droits. C’est pourquoi y porter atteinte, y pénétrer par effraction - même sans rien voler - est considéré par les victimes comme une atteinte personnelle à leur dignité, leur vie privée, leur égo. C’est difficilement tolérable ! Mais cela n’autorise par n’importe quelle réaction violente. Justement, que peuvent faire les personnes menacées ? En France, la législation est très stricte : on ne fait pas justice soi-même. La légitime défense en particulier est entourée par des critères précis. Si on a le droit, et même le devoir de se défendre, la réaction doit rester proportionnée à la menace, au risque subi. J’ai eu l’occasion de défendre des particuliers devant la justice pour être allés trop loin dans la riposte. Si cela s’est bien terminé, ils ont eu à affronter les juges et à répondre de leur responsabilité. Cela reste une épreuve. Une disposition récente renforce les moyens de défense des gardiens d’immeubles. Que vous inspire cette décision et plus généralement la législation en vigueur ? Tout d’abord, rappelons que les gardiens d’immeuble sont indispensables à la protection des logements : rien ne remplace la présence humaine, sa chaleur et ses capacités de réflexion, d’adaptation aux situations. La possibilité qui leur est ouverte de s’équiper de bâtons de défense leur reconnaît le droit de se protéger eux-mêmes dans des situations d’urgence. On ne pourrait aller au-delà sans s’exposer à des risques de dérapages. Il faut rappeler que la loi, et une jurisprudence constante, obligent l’employeur, c’est-à-dire le bailleur, le syndic ou le syndicat des copropriétaires, à prendre toute mesure pour assurer la protection physique et la santé des employés de l’immeuble. Les copropriétaires ont aussi une responsabilité juridique directe en autorisant, ou non, la police à intervenir dans les immeubles. De manière apparemment plus anecdotique, d’autres décisions s’inscrivent dans une approche sécuritaire et ont des 66


Peur sur la ville ? conséquences juridiques : il en est ainsi des règlements de copropriété, qui peuvent préciser les conditions d’accès et de circulation dans les parties communes, ou des travaux décidés en assemblée générale (sécurisation de l’ouverture des portes, rénovation de l’éclairage, etc.). La sécurité dans un immeuble est une responsabilité collective en droit, et le syndic doit avoir les moyens d’agir dans l’urgence ou pour régler divers problèmes récurrents. Il va de soi que tous les moyens techniques (vidéosurveillance, gardiennage par une entreprise…) entraînent des responsabilités en droit. N’oublions pas non plus que le propriétaire qui loue son logement est responsable des manquements de son locataire, du non-respect du règlement de copropriété, d’un usage contraire à la destination du logement, des troubles de voisinage… Quel est le rôle des pouvoirs publics en complément de ces obligations ? Il est bien évidemment essentiel. Outre la répression effective des crimes et délits, de nombreuses initiatives de prévention s’avèrent utiles. Signalons par Je ne comprends pas exemple les opérations "tranquillité vacances" que les politiques et la désignation d’un référent sécurité par compubliques de sécurité missariat. Quant aux contrats locaux de sécurité, ne fassent pas ils permettent, à partir d’un diagnostic partagé, l’objet d’un consensus, de mobiliser les moyens humains ou techniques au-delà des clivages nécessaires, et au bon endroit. Ils sont à l’origine partisans. du développement de la vidéoprotection que chacun devrait approuver : il faut parfois accepter de "limiter" quelque peu ses libertés individuelles, dans son propre intérêt, et dans l’intérêt général. Je ne comprends pas d’ailleurs que les politiques publiques de sécurité ne fassent pas davantage l’objet d’un consensus, audelà des clivages partisans. On peut certes discuter de l’opportunité et de l’efficacité de certains outils, mais bon nombre de polémiques sont ridicules. Ainsi de la police de proximité : audelà de la sémantique, tout le monde s’accorde sur la nécessité d’une présence policière sur le terrain ! Le citoyen aspire à vivre 67


Les Cahiers de la FNAIM Paris Ile-de-France en paix, à ne pas être "agressé", même par des événements mineurs. Il faut remettre cette légitime aspiration au cœur des politiques publiques. Qu’attendez-vous du projet de Grand Paris en matière de sûreté urbaine ? Le Grand Paris a vocation à constituer la vitrine de la France, et un exemple pour bon nombre de nations. La sécurité est bien sûr au cœur de ce projet, et je ne doute pas que ses initiateurs l’aient intégrée dans leurs choix de dimensionnement du territoire à retenir, des moyens de transports qu’il nécessite, des flux de personnes qu’il a vocation à attirer. Les investisseurs y seront particulièrement sensibles. Pour des raisons d’évidence : tout investisseur a besoin de stabilité et de tranquillité. Il veut être sûr de conserver son bien, qu’il ne soit ni dégradé ni diminué en valeur. Et, s’agissant d’un logement, qu’il puisse effectivement y accéder et en jouir paisiblement. Sous réserve bien sûr que ce bien ait été acquis légalement : l’appréciation de TRACFIN est ici essentielle ! Le critère sécuritaire sera donc un facteur différenciant entre métropoles. La police d’agglomération insufflée par le Préfet Michel Gaudin est un avantage décisif pour le Grand Paris. La législation a renforcé ces dernières années les responsabilités civiles et pénales des professions immobilières. Quelles sont les obligations des bailleurs et des professionnels de l’immobilier ? Il existe depuis longtemps un corpus législatif très important concernant les immeubles et le logement. C’est ainsi la loi du 10 juillet 1965 qui précise le rôle et les obligations du syndic. Trente ans plus tard, la loi du 21 janvier 1995 dispose que "les propriétaires peuvent accorder à la police ou à la gendarmerie une autorisation permanente de pénétrer dans les parties communes". Une autre avancée majeure est le fait de la loi dite SRU (solidarité et rénovation urbaines) du 13 décembre 2000, et notamment son décret d’application du 28 décembre 2001, relatif aux obligations de gardiennage ou de surveillance de certains 68


Peur sur la ville ? immeubles d’habitation, avec obligation de présence d’un gardien ou agent de prévention pour les immeubles de 100 lots et plus. La loi du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure pose le principe de base suivant : "La sécurité est un droit fondamental et l’une des conditions de l’exercice des libertés individuelles et collectives. L’Etat a le devoir de veiller à la sécurité des personnes et des biens." L’Etat a donc pris ses responsabilités et il est moteur dans ce domaine, avec les lois dites Loppsi 1 et 2 notamment. Je retiendrai quelques exemples significatifs. L’article L. 126-3 du code de la construction et de l’habitation réprime l’entrave faite, de manière délibérée, à la libre circulation dans les parties communes, ce qui concerne aussi bien les halls d’entrée que les couloirs, cages d’escaliers et toits des immeubles. La loi du 13 juillet 2006 - dite ENL - comporte des mesures afin de faciliter la prise de décision, à la majorité en assemblée générale, en matière de sécurité des immeubles. En 2010, la loi du 9 mars a imposé des détecteurs de fumée. Enfin, la loi dite Loppsi 2 de 2011 a élargi les conditions d’utilisation fixées en 1995 de la vidéosurveillance - devenue vidéoprotection. L’arsenal juridique s’étend ainsi progressivement, et donne des moyens de droit aux proL’arsenal fessionnels de l’immobilier pour agir. Ils ont juridique s’étend d’ailleurs un intérêt personnel à être vigilant en progressivement la matière, car l’évolution des mœurs conduit à et donne des la multiplication, pour divers motifs, des procès moyens de droit aux en responsabilité. professionnels de

l’immobilier pour agir.

C’est pourquoi un professionnel doit savoir se faire conseiller et avoir le courage de convaincre de la nécessité d’engager des dépenses de sécurité même si les copropriétaires sont souvent enclins à les considérer comme inutiles et coûteuses. Il ne faut pas hésiter non plus à recourir par exemple aux services d’une entreprise privée de sécurité, qui dispose depuis 2012 d’une structure publique de contrôle et de surveillance, le CNAPS. D’autres acteurs sont incontournables. Je pense bien sûr aux professionnels regroupés au sein de la FNAIM, qui a été pionnière en signant une convention de partenariat avec la Préfecture de police de Paris, "co-produisant" 69


Les Cahiers de la FNAIM Paris Ile-de-France ainsi de la sécurité avec les pouvoirs publics, au-delà des missions d’information et de formation de ses adhérents sur ces sujets. Les bailleurs sont également parties prenantes. Les professionnels de l’immobilier ont donc tout intérêt à être des initiateurs en matière de sécurité ? Parfaitement. La sécurité devient un domaine partagé, où il faut concilier les intérêts personnels et collectifs, le respect de l’individu et les obligations générales d’une vie en société. D’autant plus que le sujet est en constante évolution, car le délinquant s’adapte en permanence aux nouvelles contraintes qui lui sont opposées. Ni l’immobilisme ni la politique de l’autruche ne sont plus possibles : il y a des choix à faire. Les copropriétaires doivent assurer leur rôle, et les professionnels de l’immobilier sont les coordonnateurs d’une politique nouvelle, partenariale. En droit, cela s’appelle prendre ses responsabilités. Comment se manifeste cette prise de responsabilité ? La Chambre FNAIM Paris Ile-de-France a initié depuis 2001 le dispositif dit de "la Chaîne de la Sécurité Immobilière", en associant à sa réflexion, aux côtés de ses adhérents professionnels de l’immobilier, tous les acteurs intéressés : policiers, gendarmes, pompiers, juristes, avocats, entreprises de protection privée mais aussi philosophes, urbanistes et économistes… Si elle a été parfois accueillie avec scepticisme et condescendance, cette initiative était courageuse et innovante. Elle est devenue essentielle et structurante. Elle a surtout débouché sur des propositions et des actions concrètes. On s’est ainsi aperçu que la sécurité était l’affaire de tous et qu’au-delà des difficultés techniques s’imposaient des responsabilités en droit et qu’il y avait des choix de société à faire. Concrètement, les buts fixés en 2001 ont été atteints en favorisant la coordination et la réactivité des différents intervenants. Mais c’est un travail permanent : Sisyphe doit éternellement pousser son rocher ! Les professionnels de l’immobilier, qui sont au contact permanent des habitants sur le terrain, sont fortement impliqués. On peut sans doute faire mieux. Mais ces professionnels sont aussi 70


Peur sur la ville ? submergés de tâches administratives, de règlementations diverses et doivent gérer leurs propres entreprises. On ne peut donc pas tout attendre des professionnels. Les copropriétaires, à travers leurs conseils syndicaux, doivent également s’impliquer. La FNAIM donne l’exemple. Elle est un aiguillon et un acteur offensif en matière de sécurité. Mais chacun doit s’engager. Plus globalement, comment contribuer à restaurer un climat de sécurité dans une métropole comme le Grand Paris ? Le crime ne pourra jamais être totalement éradiqué, tout simplement parce que l’homme est ce qu’il est depuis toujours. La délinquance est aussi le produit d’une société à un moment donné, de l’éducation de ses citoyens, des difficultés liées à la conjoncture, des moyens octroyés aux responsables locaux pour mieux urbaniser, construire des logements, créer des emplois, etc. Le climat social reste un équilibre précaire. Il faut donc pouvoir prévenir la délinquance pour la réduire au plus bas niveau possible, mais aussi réprimer, en demandant à la justice, institution fondamentale dans un Etat de droit, de sanctionner réellement les coupables. Quitte à trouver une alternative à l’emprisonnement pour les petits Il faut pouvoir prévenir délits, en obligeant à la réparation, sur le terrain, la délinquance, mais par exemple. On ne combat pas la délinquance aussi réprimer, en uniquement par la force : on ne peut qu’utiliser demandant à la justice l’arme de la loi, votée démocratiquement, donc de sanctionner porteuse de la volonté générale. En sachant enles coupables. core une fois qu’elle ne sert qu’à maîtriser - et non pas "éliminer" - le problème. Le Grand Paris est l’occasion inespérée de redonner "confiance en la ville". L’immeuble, le logement, sera de plus en plus à la fois un lieu et un maillon de la chaîne de sécurité à une échelle plus vaste. Face à ce défi, les professionnels de l’immobilier ont un rôle central à jouer, car ils sont indispensables aussi bien à l’Etat et plus généralement aux politiques publiques qu’aux particuliers et à leur famille. Ils gèrent des biens mais conseillent aussi des hommes, et servent à la fois des intérêts individuels et collectifs. Ils ne peuvent donc se désintéresser de la sécurité.

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"Chacun a son rôle à jouer dans la chaîne de la sécurité !" Isabelle Fournier Syndic de copropriété

entretiens

Peur sur la ville ?

Vous êtes syndic de copropriété d’un certain nombre d’immeubles, dans le centre de Paris et en proche banlieue. Quel est votre appréciation des risques et menaces ?

Je distinguerais trois niveaux. A l’échelle de la ville, la menace d’attentats est toujours présente. Le plan Vigipirate est d’ailleurs toujours en vigueur. Au niveau des immeubles, la principale menace est constituée par les rassemblements de populations, dans la rue, devant l’immeuble (espace public) comme dans les parties communes (espace privé). S’agissant des logements eux-mêmes enfin, ce sont les cambriolages, qui ont légèrement augmenté, les points faibles à traiter restent toujours les ouvertures (portes et fenêtres). Mais le risque principal reste à mon avis l’incendie, généralement de nature accidentelle. La plupart des feux constatés sont de nature électrique, et l’on sait qu’il reste encore beaucoup à faire en matière de remise aux normes et de ventilation. Les détecteurs de fumée, obligatoires à compter du 1er janvier 2015, vont heureusement contribuer à assurer une meilleure sécurité de l’occupant. Ceci dit, c’est à lui qu’incombe en premier lieu sa propre sécurité. Dans ma carrière, j’ai été confrontée deux fois à des feux provoqués par l’explosion de simples bombes de laque posées sur des radiateurs. Croyez-moi, les dégâts sont considérables, et impressionnants. Les occupants devraient se sentir davantage responsables ! Pourtant, les habitants se sentent en sécurité dans leur logement, ce qui est moins le cas à l’extérieur… 73


Les Cahiers de la FNAIM Paris Ile-de-France Parce que la sécurité est une politique globale. C’est pourquoi la prévention situationnelle est essentielle : la sécurité commence dans la rue, à la sortie du métro, par l’éclairage urbain. Il ne faut pas tout attendre des pouvoirs publics, mais constituer une véritable chaîne de la sécurité, depuis les espaces communs comme la rue jusqu’au domicile, en passant par les parties communes de l’immeuble ou de la résidence. Plus les intrusions sont rendues techniquement difficiles, plus les espaces sont éclairés, plus il y a de monde, moins le risque d’agression existe. Quel est le lien entre sécurité et marché de l’immobilier ? C’est certain. Les immeubles équipés de systèmes vidéo, de codes et d’interphones, et surtout ceux qui ont la chance d’avoir un gardien ou une gardienne, sont beaucoup plus attractifs pour les acquéreurs. Ils traduisent une politique patrimoniale dynamique de la part des copropriétaires, car la sécurisation des immeubles suit en général la réalisation des travaux de couverture, de ravalement, etc. Ce n’est pas pour rien que les acquéreurs et les notaires nous demandent le carnet d’entretien et les procès-verbaux des trois dernières assemblées générales : ils souhaitent vérifier la politique engagée en matière de travaux d’entretien et de sécurité. Le prix au m2 demandé peut varier sensiblement, pour deux immeubles dans la même rue, en raison de ce seul critère. Mais l’impression débute dès le hall d’entrée, à l’observation des boîtes aux lettres. Ainsi, la présence de noms ajoutés à la main et fixés avec du scotch pourrait sembler anecdotique. Mais cela traduit un laisser-aller dans la gestion de l’immeuble, une absence potentielle de connaissance de l’identité et du nombre réel des occupants, ce qui n’est pas acceptable. Vous insistez sur l’importance des gardiens d’immeuble. Une disposition récente autorise certains d’entre eux à se doter de bâtons de défense. Qu’en pensez-vous ? Personnellement, je ne soutiens pas ce type de dispositions. Le premier argument est pratique : cela nécessite une forma74


Peur sur la ville ? tion exigeante, difficile à organiser, ainsi qu’une modification des contrats de travail des gardiens d’immeuble, qui n’ont pas à ce jour à assurer ce type de missions. Celles-ci relèvent de la police. De manière générale, il me paraît plus judicieux de renforcer la prévention et la complémentarité des acteurs, qui ont chacun un rôle à jouer. Cette idée est d’ailleurs au cœur de la convention signée entre la Préfecture de police et la FNAIM Paris Ile-de-France. C’est ce que je mets en œuvre en tant que syndic. Avec une chance : 80 % des immeubles dont j’ai la charge sont situés dans un rayon de 300 mètres. Non seulement nous sommes en contact étroit avec le commissariat d’arrondissement, mais bon nombre de copropriétaires et surtout de gardiens se croisent chaque jour et se connaissent. C’est ainsi que nous avons pu, sur la base d’un signalement, permettre aux services de police d’appréhender en moins d’une semaine les agresseurs d’une jeune femme dans un sas d’interphone. Il ne nous serait pas venu à l’esprit d’arrêter ces personnes nous-mêmes ! Mais un vrai partenariat est efficace. Cela suppose d’être bien installé et reconnu dans son quartier, et de travailler en amont avec les forces de police. Notre rôle est essentiel pour que les interventions de celles-ci soient ciblées Notre rôle est essentiel au mieux, car elles suscitent encore parfois la pour que les méfiance, voire la défiance, d’une partie de la interventions de population. la police soient Vous privilégiez donc la prévention ?

ciblées au mieux. Un vrai partenariat est efficace.

Parfaitement. Lorsque l’on arrive à un système de répression générale, c’est que les mesures prises en amont étaient inefficaces, mal pensées. La répression est toujours un constat d’échec. Et bien souvent, elle conduit simplement à déplacer les problèmes plutôt qu’à les résoudre. Regardez la prostitution : elle a été chassée du centre de Paris pour être moins visible, mais s’organise désormais aux portes de la capitale et en banlieue, dans des conditions encore plus dangereuses.

Que peuvent faire les propriétaires si un occupant est luimême facteur d’insécurité, ou même de nuisances ? 75


Les Cahiers de la FNAIM Paris Ile-de-France De trop nombreux bailleurs ignorent le droit, et notamment qu’ils sont responsables de leurs locataires. Pourtant, un syndicat de copropriétaires confronté à un locataire indélicat, ou qui accueillerait des intrus qui se comporteraient mal dans les parties communes, dispose de moyens d’action, notamment le non-renouvellement du bail pour motif légitime et sérieux. D’où l’importance de courriers en recommandé, de mises en demeure et finalement du procès-verbal de l’assemblée générale des copropriétaires où seront évoquées les plaintes des autres occupants. Et s’agissant de la sécurité des immeubles et des logements, c’est-à-dire de leur sûreté ? Le professionnel, en tant que syndic de copropriété, a une obligation de résultat et non de moyens. Il ne doit pas avoir peur des copropriétaires et s’imposer pour faire appliquer la loi, et les alerter sur les risques encourus en cas de manquements. L’article 18 de la loi de 1965 et ses décrets d’application de 1967 constituent des bases juridiques solides : dès lors qu’un immeuble est impropre à sa destination ou que les règles de sécurité sont en jeu, le syndic a tout pouvoir pour commander les travaux et convoquer une assemblée générale extraordinaire afin d’en informer les propriétaires. Il ne pourra pas être reproché au syndic d’avoir pris des décisions protectrices, immédiates. Les administrateurs de bien pour leur part sont responsables du logement qu’ils louent, d’où l’importance des diagnostics à réaliser préalablement à l’entrée d’un locataire, qui vont encore être renforcés prochainement. Un bailleur ou un administrateur de biens peut très bien être saisi par un syndic sur l’état de non-conformité d’un logement. De toute façon, dès qu’un professionnel constate une anomalie, il est tenu d’en informer le propriétaire. D’autant que même au sein d’un espace privé, d’un appartement, il existe des parties communes, comme les murs de refend et de façade. Faudrait-il encore davantage impliquer les professionnels de l’immobilier ? 76


Peur sur la ville ? Oui, parce qu’ils n’ont pas toujours conscience de leur rôle essentiel dans d’autres domaines, à l’interface de la police et de l’usager comme dans les débats relatifs à l’aménagement urbain. Les professionnels comme nous devons accepter d’être un maillon de la chaîne de la sécurité - et sûrement pas le maillon faible ! Nous avons des choses à dire et proposer tout particulièrement en matière de prévention situationnelle, essentielle pour occuper intelligemment l’espace urbain, tant en termes d’activités que d’équipements (éclairage, vidéosurveillance, etc.), et pour ne plus rééditer des erreurs comme le Forum des Halles. Il faut penser l’usage des lieux dès leur conception, ceux ayant vocation à concentrer la population (gares, centres commerciaux) doivent être effectivement sécurisés. Par exemple, on ne peut plus laisser un couloir de sortie de station RER sans éclairage ou une esplanade devant une gare sans commerce. Une place vide est propice à des regroupements de personnes pas toujours bien intentionnées, tandis que des cafés en terrasse permettent une présence humaine tardive. Vous avez cité le contre-exemple du Forum des Halles. Sans doute à l’époque de sa conception les questions de sécurité étaient-elles moins Les professionnels de prégnantes ?

l’immobilier doivent accepter d’être un maillon de la chaîne de la sécurité - et sûrement pas le maillon faible !

Pourtant, il était évident qu’un tel lieu, au centre de Paris, connecté aux réseaux de transports publics et en sous-sol était susceptible d’attirer la délinquance. Les boutiques une fois fermées, entre 19h et 10 heures le lendemain, ne restent que des souterrains, vides et mal éclairés. Or l’on sait depuis longtemps, dans l’immobilier, que les zones souterraines (caves, parkings) sont particulièrement sensibles. Le succès des galeries commerciales est certes toujours un défi : à Paris, certaines marchent très bien, et d’autres sont des échecs. Mais il est primordial de concevoir ces espaces sans recoins, avec de la lumière de type jour, des activités avec des horaires différents, qui permettent d’occuper l’espace mais aussi le temps, de la crèche qui ouvre à 7 heures du matin au café qui fermera à minuit ou à 2 heures. Les vigiles ne peuvent pas 77


Les Cahiers de la FNAIM Paris Ile-de-France être la seule solution. Plus il y a de monde sur une plage horaire très longue, plus il y a de va-et-vient, et moins il y a d’opportunités de passage à l’acte pour les personnes mal intentionnées. Tout espace public doit donc être traité en "espace de vie" ? Tout à fait, et c’est prévu ainsi pour les nouvelles stations de métro du Grand Paris, qui incluent des projets de crèches et de galeries marchandes notamment. Le travail qui est mené aujourd’hui dans le cadre de ce projet majeur, entre la police et les équipes d’urbanistes, va indéniablement dans le bon sens. Une politique urbanistique est globale et multi-partenariale. Rappelons que la FNAIM a initié cette démarche il y a 10 ans, et fait toujours de la sécurité l’un de ses quatre dossiers majeurs. Je suis donc satisfaite de cette prise de conscience, de la volonté d’avancer rapidement dans cette direction. Et je suis optimiste : la sécurité est un défi, mais qui peut tout à fait être relevé ! Les Franciliens ont-ils conscience  qu'ils peuvent relever ce défi de la sécurité ? Bon nombre de nos compatriotes semblent aujourd’hui fatalistes. C’est un sentiment général qui dépasse la seule question de la sécurité, et n’est pas sans rapport avec la situation de crise que nous connaissons. La volonté de sécurité est réelle, mais ne me semble pas phobique. Simplement, lorsque les gens sont confrontés à un problème, ils veulent que les professionnels le règle, et c’est légitime. La question n’est donc pas de savoir si ces professionnels sont des acteurs publics ou privés : chacun a son rôle à jouer et ses missions à assurer dans la chaîne de la sécurité !

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"L’insécurité engendre une pression à la baisse des prix des biens immobiliers" Jean-Pierre Tripet

Dirigeant d’une entreprise de sécurité

entretiens

Peur sur la ville ?

Compte tenu de vos activités, au plus près du terrain, quel est votre diagnostic de la sécurité en région parisienne ? Je ne conteste pas la légitimité des chiffres officiels, et ne dispose d’ailleurs que d’une vision parcellaire. Mais ce que je constate au quotidien, c’est que les faits d’incivilité et de délinquance ne sont pas en repli. Il y a incontestablement une nouvelle forme d’occupation des lieux privés, en sites ouverts ou accessibles, comme les centres commerciaux ou les parties communes d’immeubles d’habitation, en vue d’y établir des trafics. Les incivilités (tags, bris de glace ou d’objets divers) sont souvent liées à une stratégie d’occupation territoriale, à la volonté de créer par la peur un "no man’s land" propice aux activités illicites. Les gens l’évitent, font un détour. A mon sens, ces problèmes se développent. Nous avons ainsi été contactés encore très récemment par une grande résidence du sud des Hauts-de-Seine confrontée à l’implantation d’un groupe de dealers. Même un lieu bien propre et tranquille peut voir éclore un jour un tel point de trafic. Au-delà de la gêne ou de l’insécurité, la préoccupation des résidents tient au risque de baisse de la valeur de leurs biens immobiliers… Il est évident qu’à partir du moment où un lieu est dégradé ou mal fréquenté, il n’attire pas les acquéreurs. L’insécurité engendre une pression à la baisse des prix des biens immobiliers. Et pour préserver les biens, notamment de la présence ou du 79


Les Cahiers de la FNAIM Paris Ile-de-France passage de dealers, il faut parfois consentir à des investissements importants ou à des frais de structure (murs d’enceinte, vidéosurveillance, gardiennage par des agents cynophiles, etc.) qui contribuent au surenchérissement des logements. Or ces surcoûts sont supportés par les vendeurs avant de l’être par les acheteurs. Le développement des transports publics peut avoir ici des conséquences imprévues. Alors que la construction d’une gare à proximité d’une résidence devrait constituer un facteur d’attractivité supplémentaire, elle peut avoir l’effet inverse en attirant les trafics illicites, comme je le constate sur le tracé du futur tramway Vélizy-Châtillon. Lorsqu’une résidence est ainsi menacée, ce sont les habitants (propriétaires et locataires) aux moyens les plus importants qui partent les premiers, enclenchant ainsi une spirale de dégradation rapide et de "déclassement" de la résidence, les nouveaux arrivants ayant de moins en moins de moyens, et donc de capacité à contribuer à l’entretien. Indépendamment de la valeur du bien, les gens sont en général très attachés à leur logement, au point d’être parfois tentés de le défendre hors du cadre de la loi… Quand vous êtes petit propriétaire, votre logement est l’investissement d’une vie. L’affect est encore plus important. Il y a une vingtaine d’années, on a assisté à une série d’incidents, où des personnes avaient tiré sur des cambrioleurs qui s’étaient introduits dans leur maison. Si la plupart ont finalement été relaxées, les suites judiciaires ont été telles que l’expérience a été dissuasive. D’autant plus que les conditions de reconnaissance de l’état de légitime défense se sont restreintes à cette occasion. Il n’est pas impossible que ce type d’affaires explose de nouveau. L’exaspération de certaines personnes est à son comble, le rasle-bol présent. L’environnement est essentiel. La délinquance de circonstance, que je qualifierais de "douce", juvénile, d’intimidation, qui se manifeste par des attroupements bruyants, des tags et des feux de poubelles par exemple, marque autant voire davantage que la délinquance dure, celle des voleurs et des trafiquants "professionnels". 80


Peur sur la ville ? Les agents de sécurité privée disposent-ils des moyens de remplir efficacement leurs missions ? La révision en cours de la loi de 1983 organisant le secteur de la protection privée en France, ainsi que la création du Conseil National des Activités Privées de Sécurité (CNAPS), devraient permettre d’envisager des améliorations. Nous demandons par exemple à bénéficier des mêmes dispositions récemment accordées aux gardiens d’immeuble s’agissant du port de bâtons de défense. Le tonfa est un outil extrêmement intéressant, à la fois dissuasif et protecteur, à condition de savoir très bien s’en servir, ce qui nécessite de s’entraîner sérieusement. Contre le nombre on ne peut rien faire, le tonfa peut aider à protéger l’intégrité physique de la personne agressée. Il en est de même des bombes lacrymogènes. La mesure la plus protectrice consisterait à aggraver les peines encourues pour agression des personnels de sécurité privée, comme c’est le cas aujourd’hui pour les agents publics, dans l’exercice de leurs fonctions bien sûr. Vous noterez que ces demandes des professionnels illustrent à elles seules la gravité et la constance des problèmes de sécurité. Si nous étions confrontés L’exaspération de à des incidents rares et isolés, à un épiphénocertaines personnes mène, les professionnels ne demanderaient pas est à son comble, le de telles mesures. Il ne s’agit pas d’alarmer ou ras-le-bol présent. La de faire peur, mais de faire prendre conscience délinquance "douce", des problèmes, et surtout prévenir avant de juvénile, marque autant guérir. D’ailleurs, si de telles mesures ont été voire davantage que la prises en faveur des gardiens d’immeuble, c’est délinquance dure. qu’ils sont trop souvent confrontés à des situations délicates. Que pensez-vous de l’extension en cours, par la Préfecture de police, de la vidéoprotection ? C’est un bon outil pour deux raisons. La première raison est qu’il respecte strictement les libertés publiques. La sécurité ne doit pas être une entrave aux libertés. Elle doit contribuer au contraire à les garantir. Un citoyen respectueux des lois n’a a 81


Les Cahiers de la FNAIM Paris Ile-de-France priori rien à craindre. La seconde raison est que cet outil est une aide complémentaire. La camera seule, ne règle pas tout. Elle supprime certes les postes fixes. Elle n’enraye pas les risques, ni les causes. Elle nécessite des unités mobiles pour faire face aux situations d’urgence dans les plus brefs délais. Sous cette réserve, la vidéosurveillance contribuera réellement à la quiétude des espaces concernés, qu’ils soient publics, industriels, tertiaires, et bien sûr résidentiels. L’électronique n’a de sens que si l’exploitation des données augmente la réactivité du traitement des faits constatés. Sinon, elle relève du gadget ! La mesure visant à interdire l’occupation illicite des halls d’immeubles est-elle globalement respectée ? Cette mesure est globalement respectée dans les lieux où le droit existe encore ! Dans les zones difficiles, les habitants sont pris en otage, subissent le chantage et la pression des bandes : ils sont naturellement peu enclins à dénoncer ces situations de fait pour demander l’intervention de la police. Il s’agit là encore d’un outil. Avec ses avantages, puisqu’il offre un support juridique aux habitants d’un immeuble confrontés à ce type de difficultés. Mais aussi ses inconvénients, ou à tout le moins ses limites : en faisant une opération de type chirurgical, sur un hall, le problème n’est souvent que déplacé, parfois même provisoirement. On en revient à l’importance de l’environnement global de l’habitat, et donc à la ville. Le Grand Paris constitue-t-il un défi en termes de sécurité ? Bien sûr, parce que le Grand Paris repose sur le renforcement des réseaux de transports publics. Ce qui signifie donc, aussi, multiplier et faciliter les accès et les déplacements des éléments indésirables. Avec les gares prévues, on va créer des phénomènes attractifs et de chalandises nouvelles, comme les zones commerciales. L’équilibre restera bien sûr toujours précaire entre augmentation des libertés et garantie de la sécurité. Mais il y a un vrai enjeu pour les zones relativement paisibles, où les gens se comportement correctement. La ville est désormais conçue pour concentrer toutes les pos82


Peur sur la ville ? sibilités sur un même périmètre (transports, nouveaux métro et tramway commerces, habitat et loisirs), ce qui crée autant de points de fixation. Avant de remettre les clés aux propriétaires, de logements ou de baux commerciaux, il faudra avoir repensé la ville. D’ailleurs, tous les promoteurs réfléchissent désormais en amont - ou devraient le faire - aux questions de sécurité. Dès sa conception, un projet d’aménagement nécessite ainsi une étude de sécurité publique (ESP) au titre de la loi du 21 janvier 1995, qui a généré l’article L 111-3-1 du code de l’urbanisme, et c’est à partir de 2007 que l’ESP est devenue obligatoire. Tout nouvel équipement (superstructure de loisirs, magasins de marques par exemple) est un facteur potentiel d’augmentation des risques. C’est pourquoi j’estime nécessaire que sur chaque zone accueillant ce type d’équipement soit également implanté un "point sécurité-sûreté", géré par des agents de la police municipale ou de sécurité privée. Quelles autres solutions envisager ? Mes parents étaient concierges, donc je connais l’importance de la présence humaine dans un immeuble. Même si la question se posait dans des termes difféDès sa conception, un rents à l’époque, cette présence constituait un projet d’aménagement facteur évident de tranquillité. Pour des raisons nécessite une étude économiques compréhensibles, les concierges de sécurité publique ont quasiment disparu des immeubles. Mais le (ESP), obligatoire mouvement n’est pas irréversible. Aux Etatsdepuis 2007. Unis par exemple, même un immeuble de moyenne gamme est sécurisé par un agent. Et bon nombre de projet immobiliers résidentiels en Ile-de-France, notamment de lotissements, prévoient aujourd’hui une sécurité par des agents privés. Je pense donc que l’on reviendra, peutêtre plus facilement lorsque la situation économique se rétablira, à une présence humaine. Le standing, donc la valeur d’un bien immobilier, se déterminera par le fait d’avoir un agent de sécurité dans le hall d’immeuble, à l’accueil de la résidence. L’absence de présence humaine est donc un facteur aggravant d’insécurité ? 83


Les Cahiers de la FNAIM Paris Ile-de-France Parfaitement. J’ai en exemple une petite place au milieu d’un lotissement, en proche banlieue parisienne, bordée d’arcades abritant des commerces d’un certain standing. La conjoncture économique aidant, ces commerces ont peu à peu disparu. Cette évolution a provoqué une dégradation rapide de l’environnement. Non du fait des nouveaux types de commerces euxmêmes, mais, plutôt de la délinquance qui annexe les lieux et qui a fini par y introduire son propre commerce parallèle. Un tel environnement protège en effet des regards, et permet aux trafiquants de tous poils de voir arriver d’éventuelles forces de police, offre divers chemins de repli pour éviter les contrôles et votre éventuelle interpellation… Ce phénomène de gangrène va très vite, et affecte directement la valeur du bien. La FNAIM s’est beaucoup impliquée, à la demande de ses adhérents, en faveur de la sécurité, dont vous êtes vousmême un acteur. Comment améliorer encore la coordination entre acteurs privés et services de l’Etat ? Compte tenu du désengagement prévisible de l’Etat sur ses missions régaliennes, caractérisé par la baisse des budgets et des effectifs, la réponse ne pourra pas se concevoir sans la mobilisation des acteurs privés. La création du CNAPS, évoquée précédemment, est un signal fort en ce sens. Il ne s’agit plus de concevoir des ponts entre sphère publique et privée, mais de véritables aqueducs, avec plusieurs niveaux et plusieurs marches. Et pas demain, mais dès aujourd’hui. Une vraie politique de sécurité, au sens large, au profit de la cité, mobilise trois acteurs : l’Etat, le demandeur de sécurité et les professionnels privés. Il y a une complémentarité naturelle de chaque acteur pour occuper un espace spécifique du terrain. Il faut organiser cette complémentarité, assurer un continuum pour limiter les "trous dans la raquette" et optimiser la valeur ajoutée de chaque intervenant. Il a ainsi été récemment demandé aux sociétés de sécurité privées de réserver des postes aux adjoints de sécurité police (ADS) et de la gendarmerie (GAV) qui n’intègrent pas l’administration à l’issue de leur contrat. C’est un exemple tout à fait significatif.

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Peur sur la ville ?

Robert Branche Consultant international

entretiens

"Au-delà des risques de violence à court terme, pour le futur multiculturel, Paris est mieux placé que Shanghai"

Vous avez beaucoup travaillé sur la notion d’incertitude, dont l’insécurité ne serait que l’une des facettes. Pouvezvous nous en dire plus ? La sensation d’insécurité renvoie en effet, plus généralement, à l’incertitude. Or si celle-ci est un facteur de stress, pour les hommes et les organisations, elle est naturelle et même indispensable à toute évolution. Que s’est-il passé depuis le Big Bang, il y a 15 milliards d’années ? Très schématiquement, nous pouvons observer une succession de quatre vagues correspondant à l’avènement de l’ère du minéral (unique pendant 12 milliards d’années), du végétal (qui apparaît il y a 3 milliards d’années), de l’animal (depuis 1 milliard d’années) et enfin de l’homme (il y a 50 000 ans). À l’origine, il y a une absence de toute incertitude : la matière est dans un état et un lieu uniques, dotée d’une force unique. Sous l’apparition progressive des molécules, qui se dispersent dans l’espace, le système entier se développe dès lors selon une double loi de l’incertitude : la loi d’entropie et celle du chaos. L’entropie est souvent considérée comme la loi du désordre. Mais c’est aussi celle du champ des possibles ! Dès l’ère du minéral, on est ainsi passé, en 12 milliards d’années, d’un état simple et prévisible à un état complexe et imprévisible. La dispersion des molécules dans l’univers se réalise en effet dans des états multiples et selon des lois chaotiques, c’està-dire où la moindre modification empêche de prévoir le futur. La particularité de la cellule végétale, pour sa part, est d’être gouvernée par le principe d’auto-organisation et de disposer 85


Les Cahiers de la FNAIM Paris Ile-de-France d’une capacité d’adaptation à l’environnement extérieur. Ainsi, avec la vie, un nouveau facteur de complexité et d’incertitude apparaît, basé sur la non-prévisibilité et la non-modélisation. Avec le monde animal se manifeste la motricité, qui accentue grandement l’incertitude. Par exemple, si un lion chasse une antilope : poursuivie, celle-ci peut tenter de fuir par sa droite ou sa gauche, ou bien buter sur une pierre… Le champ des possibles se dilate. Il y a seulement 50 000 ans, enfin, arrive l’homme, et avec lui le libre-arbitre. C’est-à-dire que, face à un lion, il pourrait tout aussi bien faire le choix d’engager le dialogue plutôt que de courir ! L’incertitude de l’action humaine s’ajoute ainsi à celles du règne de l’animal, du végétal et du minéral - lesquels continuent en parallèle à se propager. La logique de l’univers est donc bien celle d’un accroissement progressif, et d’ailleurs accéléré, de l’incertitude. Vous comprenez qu’elle n’est pas, en soi, négative, bien au contraire ! Mais dès lors, qu’est-ce que l’incertitude ? Quel est son rapport au danger, donc à l’insécurité ? J’utiliserai une métaphore. Imaginez que nous sommes dans la jungle. Un bruit dans les feuilles nous fait craindre la présence d’un tigre, et cette crainte nous incite à monter en courant dans un arbre. Arrivé en haut de l’arbre, on se rend compte qu’il n’y avait pas de tigre, mais qu’il s’agissait simplement du bruit du vent dans les feuilles. Ce n’était donc pas si grave. On a eu une belle peur et on s’en remet ! Si maintenant, quand on entend du bruit dans les feuilles, on croit que c’est du vent alors que c’est un tigre, on ne serait pas là pour raconter cette histoire ! Au regard de l’évolution, nous sommes donc des survivants, en nous persuadant que c’est un tigre (un danger) à chaque fois que l’on entend du bruit dans les feuilles (l’inconnu). Dès lors, et fondamentalement, nous avons tendance à interpréter tout phénomène d’incertitude comme des tigres. Nous sommes programmés pour cela. Certes, l’incertitude peut être un moteur. Mais elle est souvent, pour l’homme contemporain, une source d’angoisse… 86


Peur sur la ville ? Parce que ces 100 dernières années, et singulièrement les 10 dernières, ont vu l’apparition et la conjonction de trois phénomènes majeurs que l’homme n’a pas encore totalement assimilé, apprivoisé. Tout d’abord, nous avons assisté à un formidable accroissement démographique. Alors que l’humanité était restée durablement en deçà ou autour du milliard d’individus sur terre, nous sommes passés en moins d’un siècle à 7 milliards d’êtres humains. Concrètement, cela signifie que nous commençons à nous toucher, physiquement. Il n’y a plus d’espace naturel protecteur entre les peuples et les individus, comme nous le constatons quotidiennement dans nos villes. Et ce phénomène potentiellement anxiogène est d’autant plus important qu’il n’est pas achevé : nous devrions continuer à progresser autour de 9 à 10 milliards, et à nous entasser principalement en milieu urbain ! Le deuxième phénomène est l’apparition, depuis une cinquantaine d’années, de ce que le philosophe Michel Serres appelle des "objets-monde" - comme par exemple la bombe nucléaire. C’est-à-dire la capacité pour un petit nombre d’individus d’agir sur le monde. Jusque-là, l’être humain disposait d’outils comme des fourches ou des pelles, ou des armes, qui lui permettaient de prolonger son bras ou au mieux Fondamentalement, sa vue, mais guère plus. Aujourd’hui, la décision nous sommes d’un État ou d’une entreprise peut avoir un effet programmés pour direct sur des populations situées aux antipodes. interpréter tout Le troisième phénomène est le plus récent : c’est phénomène la connexion. Elle est apparue elle aussi par vad’incertitude comme gues successives, depuis l’automobile en pasun danger. sant par l’avion, le téléphone et bien sûr internet. Nous sommes donc aujourd’hui sept milliards d’individus qui se rapprochent physiquement, peuvent agir à distance et sont hyper-connectés. C’est un bouleversement anthropologique qui augmente encore l’incertitude et peut générer des angoisses, c’est-à-dire un sentiment d’insécurité. Le phénomène de mondialisation participerait ainsi de l’augmentation du sentiment d’insécurité ? En quelque sorte, mais cette sensation d’insécurité n’est pas 87


Les Cahiers de la FNAIM Paris Ile-de-France liée à un accroissement de l’insécurité proprement dite. La différence tient à notre perception. Pendant longtemps, le risque était en effet circonscrit localement : ce qui se passait à Shanghai ne concernait que faiblement Paris. Le temps qu’une modification importante et imprévue à Shanghai arrive à Paris nous laissait le délai nécessaire pour en être informé et donc, éventuellement, nous préparer. Ce qui était imprévu mais lointain était prévisible, et non pas incertain. Aujourd’hui, le fait de se toucher, avec des objets monde et hyper-connectés, développe des phénomènes de quasi-instantanéité (voire dans certains cas d’instantanéité) qui nous soumettent à toute incertitude à quelque endroit qu’elle apparaisse. La probabilité de survenance d’un phénomène extrêmement improbable ne s’est pas intensifiée : c’est le nombre d’endroits où il peut se produire et notre sensibilité à sa survenance qui ont augmenté. On se retrouve dès lors incapable de réellement "prévoir". Pour reprendre la métaphore précédente, on entend sans arrêt du bruit dans les feuilles et on craint la présence de tigres. D’autant plus que notre classe politique et dirigeante, dans laquelle j’inclus les experts, est prise dans le même mouvement : elle ne parle que de tigres, ne prend aucune hauteur de vue et n’explique pas assez que l’incertitude est d’abord une bonne nouvelle. Cette attitude développe de façon considérable le phénomène pathogène de l’inquiétude. Je ne nie pas qu’il y ait des tigres, bien sûr. Mais il n’y a pas toujours des tigres ! En quoi le fait urbain est-il un catalyseur, voire un accélérateur de cette inquiétude ? Parce qu’il joue terriblement sur le phénomène de proximité lié aux 7 milliards d’individus que nous sommes désormais. On se retrouve soumis aux aléas des autres, à l’intensification de leur présence. Utilisons encore une fois une métaphore. Dans le monde de l’incertitude qui est le nôtre, il faut raisonner au prisme du cours des fleuves. Imaginez que vous êtes sur le pont Mirabeau, que vous regardez couler la Seine et essayez de savoir où elle va. Depuis le pont, vous ne pouvez pas le savoir ! Vous descendez alors pour rejoindre la berge et marchez dans le sens du fleuve, 88


Peur sur la ville ? mais au bout d’un ou deux jours, ou même une semaine, vous ne savez toujours pas où elle va. Pragmatique, vous prenez un bateau et la voyez tourner un coup à gauche, un coup à droite, puis encore à gauche, au gré des méandres. Au bout d’un moment, vous abandonnez en pensant que ce cours d’eau ne sait pas où il va. Pourtant la Seine va à un endroit précis : la mer. Pour le comprendre, il faut savoir que c’est un fleuve, qu’il y a une mer qui l’attire, et que cette mer est son futur. Dans le monde de l’incertitude qui est le nôtre, ce n’est pas l’observation des choses qui permet de comprendre ce qu’elles sont, encore moins ce qu’elles vont advenir. C’est la prise de recul qui seule permet de déceler les déterminants qui restent stables. Car le monde est chaotique au sens mathématique du terme : il existe des points stables (les attracteurs) qui sont des points de convergence des forces. Ce sont ceux-là qu’il convient de retrouver. Bien sûr, on est toujours attiré par la beauté, on a toujours faim et besoin d’échanger. Ce sont des points fixes. Mais quand on est dans la turbulence, comme dans les villes, on ne voit rien, on peut oublier l’essentiel. Mais on n’a aucune chance de comprendre où va la Seine tant qu’on est dans le cours de la Seine, ou sur le pont Mirabeau ! Il faut sortir de l’eau, s’affranchir des effets de Le monde est turbulence, pour comprendre la complexité de chaotique. L’essentiel notre monde. Sinon, à force d’être pris dans ces est de redonner des turbulences, nous et les autres ne raisonnons espérances, de plus. Nous restons prisonniers de nos représenreconstruire l’espoir. tations, et de nos passions. C’est le rôle du politique.

Dès lors, quel pilotage politique promouvoir à l’échelle d’une métropole, qui est un condensé du monde "accéléré et turbulent" qui est le nôtre ? L’essentiel est de redonner des espérances, de reconstruire l’espoir. C’est le rôle du politique. Beaucoup de phénomènes de violence urbaine, collective, relèvent à mon avis de la désespérance absolue. Majoritairement, les gens sont aujourd’hui persuadés que le futur s’annonce moins bien que le passé qu’ils ont connu, et qu’on leur demande, pour que ce futur existe, de supporter des sacrifices. Parce que les discours dominants les 89


Les Cahiers de la FNAIM Paris Ile-de-France en persuadent ! Regardez la situation dans les rues d’Athènes… Mais comment voulez-vous faire accepter des sacrifices à des gens pour construire un futur pire que le passé ? Les émeutes, par exemple, sont d’abord un signe de révolte sociale, plutôt qu’un acte criminel. Dès lors, que faire ? Premièrement, expliquer que le futur sera meilleur que le passé. Que les sacrifices demandés sont équitables, et qu’ils s’effectuent au nom d’une transformation vertueuse. Pour utiliser encore une métaphore, cette transformation est celle d’une chenille en papillon. Cette modification moléculaire est source d’un haut niveau de tensions, mais celles-ci peuvent être dépassées si le but poursuivi (le papillon) est clairement explicité. J’en suis convaincu à titre personnel. Le futur sera plus multiculturel, plus intelligent, beaucoup plus incertain donc beaucoup plus créatif. A cette condition, on peut mettre en place des systèmes de sécurité, socialement acceptables. Mais il n’y a pas de recette miracle pour éviter une crise immédiate. Nous sommes au début d’un processus, qui va durer de 20 à 50 ans, et les phénomènes de violence sont bien évidemment devant nous, en attendant que le monde converge vers un modèle différent, plus multiculturel. Il va se passer beaucoup de choses d’ici là. Le modèle chinois par exemple va s’écrouler sur lui-même, parce qu’il est culturellement fermé depuis 2 000 ans. Il est déstabilisé par l’ouverture sans qu’il s’en rende compte. Pour l’instant, il ne rattrape qu’un retard économique. Dans cette phase de mutation, la question sécuritaire n’est pas anodine… En effet, et je ne suis pas naïf. Il faut bien évidemment mettre en place des règles de sécurité. Mais si vous mettez un système de sécurité sans l’appuyer par un discours d’optimisme, vous ne le ferez pas accepter. Le préalable est non seulement de faire prendre conscience qu’il y a crise, mais que la crise est souhaitable, au sens qu’elle est inévitable - inutile de rêver qu’elle n’existe pas - et qu’elle est positive parce qu’elle va créer un futur meilleur. Alors qu’aujourd’hui on ne parle que de l’inévitable, avec une classe politique qui, explicitement ou implicitement, génère un message totalement anxiogène qui dit que le futur 90


Peur sur la ville ? est pire que le passé. Dans un tel contexte, il n’y a pas de solution au problème d’insécurité. Sauf à imaginer une militarisation qui, à un moment donné, conduit à une impasse, comme au Brésil et dans toute l’Amérique latine, et provoque des effets inverses à ceux initialement recherchés. Il faut raisonner non en fonction de l’existant, mais de ce qui est en train d’advenir. L’avenir est à la diversité, qui impose de concevoir de nouvelles règles de "vivre ensemble". On ne pense pas le Grand Paris en référence à Lutèce, ou même à Haussmann ! Je ne conteste pas que Paris ait des racines et une histoire, mais il suffit de marcher dans les rues pour voir que la capitale est aujourd’hui multiraciale, multiculturelle, qu’elle est le lieu de la diversité. Donc la question n’est pas de savoir ce qu’il conviendrait de sauvegarder, de "protéger", mais : Vers quel Paris allons-nous ? Quelle est la mer future ? Comment y arriver le plus intelligemment possible ? Dès lors, quel avenir entrevoir pour un Grand Paris "apaisé" ? La nature humaine est assez stable. Je suis peut-être un terrible optimiste, mais je ne vois pas quels éléments pourraient laisser croire à un potentiel criminel La désespérance des intrinsèque, ni que l’homme deviendrait de plus banlieues est un vrai en plus "méchant" au regard de son évolution. défi. Si on n’a pas Mais s’il a de plus en plus faim, on peut atteindre une classe politique des points de rupture importants. capable de projeter En France, on a laissé se constituer des poches une vision positive de concentration de populations qui, en proie à du futur, je suis très des taux de chômage de 40 % voire 50 %, exinquiet. plosent naturellement. La désespérance des banlieues est un vrai défi. Si on n’a pas une classe politique, au sens large du terme, c’est-à-dire l’ensemble des personnes qui ont la charge de la cité, capable de projeter une vision positive du futur, je suis extrêmement inquiet, pour le coup. Car si on laisse se propager l’idée que le problème est le multiculturel, les endroits les plus dangereux seront les endroits multiculturels ! Or les seules villes mondiales réellement multiculturelles sont Londres, Paris et New York. Donc les endroits où il y aura des guerres civiles, ce sera chez nous ! Nous sommes les 91


Les Cahiers de la FNAIM Paris Ile-de-France premiers menacés par un certain discours rétif, presque xénophobe, à la société qui vient. A l’inverse, si nous comprenions que le futur sera riche de cette multi-culturalité, si nous n’avions plus peur de ce futur, parce que nous saurions vers quelle société nous allons et voulons aller, nous disposerions d’un atout que n’ont ni Pékin ou Shanghai, ni même Buenos Aires, par exemple. Ainsi, au-delà des risques de violence à court terme, pour le futur multiculturel, Paris est mieux placé que Shanghai ! Justement, et en guise de conclusion, quel avenir dessiner pour le Grand Paris à l’international ? Essayons de sortir du tropisme français qui conduit à penser le monde depuis le 7e arrondissement, pour prendre encore une fois un peu de hauteur. Depuis le ciel, quand on observe la terre depuis un satellite, on distingue en Europe occidentale une zone lumineuse, parce qu’urbanisée, qui s’étend du nord de la France (Lille) jusqu’à l’Italie du Nord (Milan), en passant par la Belgique et la Hollande, la Ruhr et la vallée du Rhin, puis la Suisse en touchant un peu Lyon. C’est la "banane bleue". Ces régions sont les plus riches. Elles concentrent l’essentiel des activités productives de l’Union européenne. Or Paris n’en fait pas partie. Faut-il s’en réjouir ou s’en désoler ? Là n’est pas la question. Il faut réfléchir aux courants de fond, en sachant que quand on lutte contre un courant de fond, le delta entre la dépense d’énergie et le résultat obtenu est énorme. Est-ce raisonnable de lutter à ce point contre l’évidence géographique, de répartition des activités autour de cette arête dorsale qui s’étend d’ailleurs jusqu’à Londres, au-delà de la Manche, mais évite toujours Paris ? En tant qu’ancien de la DATAR, je ne le crois pas. A l’échelle française, on peut jouer la carte de Lille, Strasbourg et Lyon pour exister dans cette zone, et ainsi ancrer les activités industrielles sur le territoire national. Mais, pour le coup, le projet du Grand Paris est d’une autre nature. En lien avec son caractère multiculturel, pourquoi ne pas le tourner résolument vers les activi-

tés de création et de décision ?

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Le partenariat entre la FNAIM Paris Ile-de-France et la Préfecture de Police Convention entre le Préfet de police et la Chambre FNAIM de l’immobilier de Paris et de l’Ile-de-France visant à renforcer leur partenariat en matière de sécurité

annexe

Peur sur la ville ?

Le Préfet de police,

Et La Chambre FNAIM de l’immobilier de Paris et de l’Ile-deFrance, Représentée par son Président,

• Vu la loi n° 2003-239 du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure ; • Vu l’article 34 de la loi n° 82-213 du 2 mars 1982 relative aux droits et libertés des communes, des départements et des régions modifié par l’article 4 de la loi n° 2010-201 du 2 mars 2010 renforçant la lutte contre les violences de groupes et la protection des personnes chargées d’une mission de service public ; • Vu l’ordonnance n° 2009-104 du 30 janvier 2009 relative à la prévention de l’utilisation du système financier aux fins de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme ; • Vu le décret n° 2009-898 du 24 juillet 2009 relatif à la compétence territoriale de certaines directions et de certains services de la Préfecture de police ; • Vu l’arrêté n° 2009-00642 du 7 août 2009 relatif aux missions et à l’organisation de la direction de la sécurité de proximité de l’agglomération parisienne ; • Vu la circulaire INT/K/07/00099/C du 4 octobre 2007 relative à la coordination régionale contre l’insécurité en Ile-de-France ; • Vu la circulaire INT/K/07/00103C du 1er octobre 2007 relative à la prévention technique de la malveillance ; 93


Les Cahiers de la FNAIM Paris Ile-de-France • Vu la circulaire IOC/K/09/20562/C du 3 septembre 2009 relative à la création et au fonctionnement des Cellules Anti-Cambriolages ; Considérant la nature des liens entre les directions et services actifs de la Préfecture de police et la profession réglementée représentée par la chambre FNAIM de l’immobilier de Paris et de l’Ile-de-France ; Considérant l’importance du renforcement de ces liens pour prévenir et lutter contre différentes formes de délinquance ; Considérant la responsabilité des professionnels du logement en matière de sécurité ; Considérant la priorité accordée aux enjeux de sécurité par la chambre FNAIM de l’immobilier de Paris et de l’Ile-de-France dans le cadre de son programme 2013 ; Sont convenus des dispositions suivantes : Article 1 – Objet

La présente convention a pour objet de renforcer la sécurité des personnes et des biens dans les immeubles relevant de la chambre FNAIM de l’immobilier de Paris et de l’Ile-de-France. Article 2 – Objectifs

Dans le cadre de leur partenariat en matière de sécurité, les directions et services actifs de la Préfecture de police et la chambre FNAIM de l’immobilier de Paris et de l’Ile-de-France visent à : 1) Coordonner leurs efforts en matière de prévention et de lutte contre les incivilités et la délinquance ; 2) Améliorer l’information des adhérents de la chambre FNAIM de l’immobilier de Paris et de l’Ile-de-France en matière de prévention et de lutte contre les incivilités et la délinquance ; 3) Accompagner la recherche de logements, dans l’agglomération parisienne, pour les personnels de la Préfecture de police ; 4) Faciliter la reconversion éventuelle des personnels de la Préfecture de police intéressés par les métiers de l’immobilier. 94


Peur sur la ville ? Article 3 – Modalités de coopération

Pour la mise en œuvre de la présente convention, la direction de la sécurité de proximité de l’agglomération parisienne (DSPAP) de la Préfecture de police désigne un membre du corps de conception et de direction de la police nationale comme correspondant DSPAP – FNAIM du délégué général de la chambre FNAIM de l’immobilier de Paris et de l’Ile-de-France. Au sein de chacune de ses quatre directions territoriales de sécurité de proximité (DSP), la DSPAP désigne un cadre référent DTSP-FNAIM qui renseigne et conseille les représentants départementaux désignés par le délégué général de la chambre FNAIM de l’immobilier de Paris et de l’Ile-de-France. Le réseau des cadres référents DTSP-FNAIM est coordonné par le correspondant DSPAP-FNAIM. Les coordonnées actualisées des membres de ce réseau sont communiquées au délégué général de la chambre FNAIM de l’immobilier de Paris et de l’Ile-de-France. Les coordonnées actualisées du délégué général de la chambre FNAIM de l’immobilier de Paris et de l’Ile-de-France et de ses représentants sont adressées au correspondant DSPAP-FNAIM, aux cadres référents DTSP-FNAIM et aux commissaires des arrondissements et circonscriptions concernés. Article 4 – Création de groupes locaux de sécurisation

Un groupe local de sécurisation est constitué dans chaque département où est implantée la chambre FNAIM de l’immobilier de Paris et de l’Ile-de-France. Il est composé : • Du cadre référent DTSP-FNAIM compétent ; • Du référent sûreté local ; • Du représentant départemental désigné par le délégué général de la chambre FNAIM de l’immobilier de Paris et de l’Ile-deFrance. Des représentants des syndics de copropriété et administrateur de biens et/ou des transactionnaires peuvent aussi participer aux travaux du groupe local de sécurisation. 95


Les Cahiers de la FNAIM Paris Ile-de-France La direction de la police judiciaire et la direction du renseignement de la Préfecture de police sont associés, en tant que de besoin, aux travaux des groupes locaux de sécurisation. Les groupes locaux de sécurisation : • Elaborent un glossaire de signalement des faits par les acteurs privés en cohérence avec la terminologie employée par les directions de police ; • Evaluent les dispositifs et plans d’action mis en place par les différents acteurs locaux ; • Contribuent à l’exploitation analytique des données statistiques disponibles localement ; • Sensibilisent les responsables d’enseignes, les syndics et les concierges à la sécurisation des espaces immobiliers en les incitant à la désignation d’un responsable sécurité, à recourir aux méthodes de prévention comme le gardiennage et la vidéo protection et à élaborer des plans de limitation des risques s’appuyant sur le dispositif "opérations tranquillité vacances". Les groupes locaux de sécurisation se réunissent chaque trimestre. Ils peuvent être réunis en cas d’urgence ou à chaque fois que cela se révèle nécessaire selon des modalités définies au sein d’un protocole préalablement établi au niveau départemental. Chacune des réunions des groupes locaux de sécurisation fait l’objet d’un compte rendu qui est adressé aux autorités respectives de chacune des parties. Article 5 – vidéo protection

La chambre FNAIM de l’immobilier de Paris et de l’Ile-de-France informe ses adhérents syndics de copropriété sur les dispositifs juridiques relatifs à l’installation des systèmes de vidéo protection dans les parties communes des immeubles qu’ils gèrent, selon qu’il s’agisse d’espaces privatifs ou d’espaces ouverts au public. Les demandes d’installation de vidéo protection sont présentées et signalées aux préfectures par la chambre FNAIM de l’immobilier de Paris et de l’Ile-de-France. L’enregistrement, l’exploitation et la conservation des images doivent se conformer à la réglementation en vigueur. Toutefois, pour toute nouvelle 96


Peur sur la ville ? installation de vidéo protection, et dans le but d’accroître l’efficacité des éventuelles enquêtes de police (recherche d’actes préparatoires, plainte tardive, ou toute autre procédure judiciaire), la durée maximale légale de sauvegarde des images est systématiquement prescrite. En matière de vidéo protection, le groupe local de sécurisation peut bénéficier de l’assistance de, la direction opérationnelle des services techniques et logistiques (DOSTL) et, le cas échéant, de celle du service information sécurité (SIS) de l’inspection générale des services (IGS) de la Préfecture de police spécialement en matière de prévention situationnelle et de sûreté. Cette assistance s’effectue sans préjudice des entreprises du secteur privé traitant de ce domaine d’activité. Article 6 – Information des adhérents de la chambre FNAIM de l’immobilier de Paris et de l’Ile-de-France

La chambre FNAIM de l’immobilier de Paris et de l’Ile-deFrance, appuyée par les cadres référents DTSP-FNAIM, sensibilise les responsables d’agences, les syndics et les concierges aux enjeux de la sécurité. Pourront notamment être promus : • La désignation d’un responsable sécurité ; • Le recours aux méthodes de prévention comme le gardiennage ou la vidéo protection ; • L’élaboration de plans de limitation des risques s’appuyant sur le dispositif "opérations tranquillité vacances". La chambre FNAIM de l’immobilier de Paris et de l’Ile-de-France diffuse auprès des responsables d’agences, des syndics et des concierges : • une fiche relative à la conduite à tenir en cas d’infraction dont le modèle est annexé à la présente convention ; • une fiche relative à la préservation des lieux et à la conservation des traces et indices sur les scènes d’infraction dont le modèle est annexé à la présente convention.

La chambre FNAIM de l’immobilier de Paris et de l’Ile-deFrance organise pour ses adhérents des "stages assistance terrain". Réservées aux dirigeants de cabinets, ces périodes de formation pratique d’une demi-journée doivent permettre des 97


Les Cahiers de la FNAIM Paris Ile-de-France échanges sur des cas concrets et des retours d’expérience. Au cours de ces sessions, la chambre FNAIM de l’immobilier de Paris et de l’Ile-de-France peut faire appel à l’expertise des directions des services actifs de la Préfecture de police. La chambre FNAIM de l’immobilier de Paris et de l’Ile-de-France s’engage à communiquer aux directions des services actifs de la Préfecture de police les dates des périodes de formation pour l’année civile dans le courant du mois de janvier. Article 7 – Participation des directions et services actifs de la Préfecture de police aux événements organisés par la chambre FNAIM de l’immobilier de Paris et de l’Ile-de-France

Les directions et services actifs de la Préfecture de police participent à l’information des adhérents de la chambre FNAIM de l’immobilier de Paris et de l’Ile-de-France sous forme de sessions de conférences, dont les modalités d’organisation et le rythme annuel sont définis d’un commun accord. La chambre FNAIM de l’immobilier de Paris et de l’Ile-de-France peut de surcroît faire appel aux directions des services actifs de la Préfecture de police pour des interventions à l’occasion des manifestations qu’elle organise à destination des professionnels des métiers de l’immobilier. Le calendrier des manifestations est transmis au début de chaque trimestre aux directions et services actifs de la Préfecture de police. Article 8 – Mise en commun de l’information

La chambre FNAIM de l’immobilier de Paris et de l’Ile-deFrance s’engage à autoriser l’accès à ses supports écrits ou enregistrés d’information aux directions et services actifs de la Préfecture de police. La chambre FNAIM de l’immobilier de Paris et de l’Ile-deFrance peut publier des articles dans la revue "Professions immobilières" utilisant des informations non confidentielles transmises par les directions et services actifs de la Préfecture de police. 98


Peur sur la ville ? Article 9 – Logement des personnels de la Préfecture de police

La chambre FNAIM de l’immobilier de Paris et de l’Ile-de-France accompagne la recherche de logements pour les personnels de la Préfecture de police. Les modalités de ce dispositif d’accompagnement sont définies avec la direction des ressources humaines de la Préfecture de police. Article 10 – Reconversion des personnels de la Préfecture de police

La chambre FNAIM de l’immobilier de Paris et de l’Ile-de-France facilite la reconversion éventuelle des personnels de la Préfecture de police intéressés par les métiers de l’immobilier. Les modalités de ce dispositif de reconversion sont définies avec la direction des ressources humaines de la Préfecture de police. Article 11 – Déclinaison de la convention

La présente convention peut être déclinée localement au niveau des directions territoriales de sécurité de proximité et des délégués départementaux de la chambre FNAIM de l’immobilier de Paris et de l’Ile-de-France. Chaque déclinaison locale fera l’objet d’un avenant à la présente convention. Article 12 – Communication

Dans le cadre des actions décrites dans la présente convention, le service de communication de chaque partie s’engage à : • Obtenir l’accord de l’autre partie avant d’utiliser son logo ; • Faire apparaître les logos des signataires en respectant leurs caractéristiques graphiques. La chambre FNAIM de l’immobilier de Paris et de l’Ile-de-France et la Préfecture de police s’engagent, selon des modalités et des supports définis d’un commun accord, à valoriser les ac99


Les Cahiers de la FNAIM Paris Ile-de-France tions entreprises dans le cadre de la présente convention. La valorisation des actions s’effectue notamment par voie de presse et/ou par l’intermédiaire des réseaux intranet ou internet. Article 13 – Suivi

Un comité d’évaluation de la présente convention est créé. Il réunit : • Des représentants des signataires ; • Le délégué général de la chambre FNAIM de l’immobilier de Paris et de l’Ile-de-France ; • Des acteurs de terrain impliqués dans le dispositif de coopération entre les directions et services actifs de la Préfecture de police et la chambre FNAIM de l’immobilier de Paris et de l’Ilede-France. Le comité d’évaluation publie un rapport annuel de suivi de l’application de la présente convention. Article 14 – Entrée en vigueur et durée de la convention

La présente convention entre en vigueur à la date de sa signature pour une durée d’une année. Elle est tacitement reconduite chaque année, sauf dénonciation par l’une ou l’autre des parties. Le préavis de dénonciation est notifié par lettre recommandée avec accusé de réception trois mois avant l’échéance de la convention. Fait à Paris, le 24 septembre 2010 Le Préfet de Police Michel Gaudin Le Président FNAIM Paris Ile-de-France Gilles Ricour de Bourgies

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Orientations bibliographiques

Ouvrages généraux

bibliographie

Peur sur la ville ?

Alain Bauer, Criminologie plurielle. Une introduction générale à la criminologie, Presses Universitaires de France (PUF), collection "Major", Paris, 2010, 368 p.

Alain Bauer et Xavier Raufer, La face noire de la mondialisation, CNRS Editions, Paris, 2009, 106 p. Alain Bauer et Christophe Soullez, Les politiques publiques de sécurité, PUF, collection "Que-sais-je ?", Paris, 2011, 128 p.

David Garland, The Culture of Control. Crime and Social Order in Contemporary Society, Oxford University Press, New York, 2001, 307 p. Michel Gaudin et Alain Bauer (dir.), Livre blanc sur la sécurité publique, La Documentation française, Paris, 2011, 208 p. Hugues Lagrange, Demande de sécurité. France, Europe, EtatsUnis, Editions du Seuil, Paris, 2003, 109 p. Paul Landaeur, L’architecte, la ville et la sécurité, PUF, collection "La ville en débat", Paris, 2010, 101 p. Rudolph Luc et Christophe Soullez, Les Stratégies de sécurité, préface de Nicolas Sarkozy, PUF, collection "Questions judiciaires", Paris, 2007, 238 p. Thierry Oblet, Défendre la ville, PUF, collection "La ville en débat", Paris, 2008, 122 p. Xavier Raufer, Les nouveaux dangers planétaires. Chaos mondial, décèlement précoce, CNRS Editions, collection "Arès", Paris, 2009, 254 p. 101


Les Cahiers de la FNAIM Paris Ile-de-France Christophe Soullez, Lexique de la sécurité, PUF, collection "Criminalité internationale", Paris, 2001, 262 p.

Ouvrages thématiques ou spécialisés Alain Bauer et François Freynet, Vidéosurveillance et vidéoprotection, PUF, "Que-sais-je ?", Paris, 2008, 128 p. Alain Bauer, Cyril Rizk, Christophe Soullez, Statistiques criminelles et enquêtes de victimation, PUF, "Que-sais-je ?", Paris, 2011, 128 p. Alain Bauer et Christophe Soullez, Violences et insécurité urbaines, PUF, "Que-sais-je ?", Paris, 2010 (12e édition), 126 p. Alain Bauer et André-Michel Ventre, Les Polices en France, PUF, collection "Que-sais-je ?", Paris, 2010 (3e édition), 128 p. BSPP (collectif), Sapeurs-pompiers de Paris. La fabuleuse histoire d’une brigade mythique, Albin Michel, collection "Beaux livres", Paris, 2011, 448 p. Lucienne Bui-Trong, Violences urbaines : les vérités qui dérangent, Bayard, Paris, 2000, 179 p. Casso et Associés, Réglementation et mise en sécurité incendie des bâtiments d’habitation. Bâtiments d’habitation, parcs de stationnement, logements-foyers, CSTB Editions, Paris, 2011, 117 p. François Haut et Stéphane Quéré, Les bandes criminelles, PUF, "Criminalité internationale", Paris, 2001, 240 p. Mohammed Marwan, La formation des bandes. Entre la famille, l’école et la rue, PUF, collection "Le lien social", 2011, 536 p. Charles Romieux, Logement social et traitement de l’insécurité. Eléments d’analyse méthodologique, L’Harmattan, Paris, 2007, 162 p. Michel Terrioux (dir.), Sécurité et immobilier. Actes du colloque du 23 novembre 2000, FNAIM Paris Ile-de-France, 2001, 28 p. Daniel Warfman et Frédéric Ocqueteau, La sécurité privée en France, PUF, "Que-sais-je ?", Paris, 2011, 128 p.

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Peur sur la ville ? Anne Wyvekens, La sécurité urbaine en questions, Le Passager Clandestin, collection "Les pratiques", Congé-sur-Orne, 2011, 112 p.

Autres ressources documentaires (rapports, études et revues) Comité interministériel de prévention de la délinquance, La politique de prévention de la délinquance en 2009 et en 2010. Quatrième rapport au Parlement, novembre 2011, 81 p. Comité interministériel de prévention de la délinquance, Guide de l’évaluation des politiques locales de prévention de la délinquance, Première édition, septembre 2011, 80 p. Direction centrale de la police judiciaire, Criminalité et délinquance constatées en France - Année 2010, La Documentation française, septembre 2011, 418 p. Michel Gaudin et Alain Bauer, Livre Blanc sur la sécurité publique, Rapport au ministre de l’Intérieur, La Documentation française, Paris, novembre 2011, 208 p. Michel Gaudin et Alain Bauer, Vers une plus grande efficacité du service public de sécurité au quotidien, Rapport public, La Documentation française, Paris, décembre 2008, 152 p. IAU Ile-de-France, Victimation et sentiment d’insécurité en Ile-deFrance : le point en 2011, "Note rapide" n°588, Paris, février 2012, 4 p. IAU Ile-de-France, Les polices municipales en 2011 : retour sur une année riche d’actualités, "Note rapide" n°582, Paris, décembre 2011, 4 p. IAU Ile-de-France, Enquête "victimation et sentiment d’insécurité en Ile-de-France" de 2011. Les premiers résultats, Paris, novembre 2011, 42 p. IAU Ile-de-France, Surveiller à distance. Une ethnographie des opérateurs municipaux de vidéosurveillance, Paris, septembre 2011, 64 p.

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Les Cahiers de la FNAIM Paris Ile-de-France IAU Ile-de-France, L’insécurité en Ile-de-France. Rapport final : enquête "victimation et sentiment d’insécurité" de 2009, Paris, juin 2011, 105 p. IAU Ile-de-France, La délinquance : entre statistiques de police et enquêtes de victimation, "Note rapide" n°538, Paris, mars 2011, 4 p. IAU Ile-de-France, Les villes face à l’insécurité. Actes de la table ronde du 25 novembre 2010, Paris, mars 2011, 53 p. IAU Ile-de-France, L’étude de sécurité publique dans les projets urbains, "Note rapide" n°529, Paris, décembre 2010, 4 p. IAU Ile-de-France, L’enclavement et la fermeture des ensembles d’habitat individuel. Première approche à partir des aspects morphologiques en Ile-de-France, Paris, octobre 2010, 112 p. IAU Ile-de-France, Les polices municipales : points de repères, "Note rapide" n°515, Paris, septembre 2010, 4 p. IAU Ile-de-France, Les villes face à l’insécurité, "Les Cahiers de l’IAU Ile-de-France" n°155, Paris, juin 2010, 88 p. IAU Ile-de-France/CESDIP, La délinquance : entre statistiques de police et enquêtes de victimation, "Note rapide" n°538, mars 2011, 4 p. IAU Ile-de-France, L’insécurité dans les quartiers d’habitat social : quelles réalités ?, "Note rapide" n°497, mars 2010, 4 p. IAU Ile-de-France, Les personnes âgées face à l’insécurité, "Note rapide", n°493, novembre 2009, 4 p. IAU Ile-de-France, Victimation et sentiment d’insécurité en Ile-deFrance : le point en 2009, "Note rapide" n°486, septembre 2009, 4 p. IAU Ile-de-France, Les Franciliens sont-ils plus en sécurité qu’avant ?, "Note rapide" n°452, septembre 2008, 4 p. IAU Ile-de-France, Cadre de vie et sentiment d’insécurité en Ile-deFrance : Existe-t-il des spécificités chez les habitants des ZUS ?, février 2008, 37 p.

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Peur sur la ville ? INHESJ, Immigration et sécurité, "Cahiers de la sécurité" n°17-18, juillet-décembre 2011, La Documentation française, 240 p. INHESJ, Les nouveaux territoires de la sécurité, "Cahiers de la sécurité" n°8, avril-juin 2009, La Documentation française, 149 p. INSEE-ONDRP, Enquête "Cadre de vie et sécurité" 2011, novembre 2011, 4 p. Inspections générales du ministère de l’intérieur, Le rôle et le positionnement des polices municipales, rapport, décembre 2010, 102 p. Inspections générales du ministère de l’intérieur, L’efficacité de la vidéoprotection, rapport, juillet 2009, 82 p. Institut des risques majeurs, Mémento du maire et des élus locaux : Prévention des risques d’origine naturelle ou technologique, www. mementodumaire.net, version à jour juillet 2008. Mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie (MILDT), Les collectivités territoriales face aux conduites addictives, Guide pratique, La Documentation française, septembre 2011, 115 p. Mission permanente d’évaluation de la politique de prévention de la délinquance, L’intercommunalité : un atout pour la prévention de la délinquance. Perspectives et prospective, rapport, juin 2011, 92 p. ONDRP, Français et étrangers mis en cause par la police et la gendarmerie pour atteintes aux biens ou pour atteintes volontaires à l’intégrité physique de 2006 à 2011, "Grand Angle" n°29, Bulletin statistique de l’ONDRP, février 2012, 89 p. ONDRP, La criminalité en France, 7e rapport annuel (2011), Alain Bauer (dir.), CNRS Editions, janvier 2012, 1030 p. (synthèse de 60 p.). ONDRP, Bulletin cartographique pour l’année 2011, Criminalité et délinquance enregistrées en 2011, janvier 2012, 55 p. ONDRP, Crimes et délits par département (2010) - Ile-de-France, 2011, 2 p.

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Les Cahiers de la FNAIM Paris Ile-de-France ONDRP, Les atteintes aux biens déclarées par les ménages et les personnes de 14 ans et plus de 2006 à 2010 d’après les enquêtes "Cadre de vie et sécurité", Rapport Annuel, novembre 2011. ONDRP, Les mains courantes sur le territoire du Grand Paris : une autre approche des faits connus de la DSPAP, Jean-Luc Besson (dir.), "Grand Angle" n° 25, septembre 2011, 58 p. ONDRP, Analyse géolocalisée des atteintes volontaires à l’intégrité physique commises sur la voie publique à Paris en 2008, "Grand Angle" n° 24, février 2011, 49 p. Préfecture de police de Paris, La sécurité dans l’agglomération parisienne et à Paris, dossier de presse et annexes, 23 janvier 2012, 32 p. Préfecture de police de Paris, La brigade des sapeurs-pompiers de Paris fête ses 200 ans, "Liaisons" n°102, La Documentation française, juillet 2011, 56 p. Préfecture de police de Paris, Prévenir les violences, juin 2011, 25 p. Préfecture de police de Paris, 50 ans d’histoire parisienne vus par le magazine de la Préfecture de police, numéro hors-série du magazine "Liaisons", La Documentation française, 4 janvier 2011, 128 p. Préfecture de police de Paris, Le Grand Paris de la sécurité, magazine "Liaisons" n°96, La Documentation française, 1er octobre 2009, 31 p. Préfecture de police de Paris, La Préfecture de police et l’agglomération parisienne : Un projet de service public pour la sécurité du Grand Paris, dossier de présentation et dossier de presse, juin et septembre 2009 (32 p. et 13 p.). Tracfin, Traitement du renseignement et action contre les circuits financiers clandestins, Rapport d’activité 2010 La Documentation française, avril 2011, 107 p. Anne Wyvekens (dir.), Espace public et sécurité, "Problèmes politiques et sociaux" n°930, Paris, La Documentation française, novembre 2006, 120 p.

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Peur sur la ville ? Principaux textes de loi traitant de la sécurité urbaine et immobilière Loi n° 2011-267 du 14 mars 2011 d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure (dite "LOPPSI 2"). Loi n° 2010-238 du 9 mars 2010 visant à rendre obligatoire l’installation de détecteurs de fumée dans tous les lieux d’habitation. Loi n°2010-201 du 2 mars 2010 renforçant la lutte contre les violences des groupes et la protection des personnes d’une mission de service public. Loi n° 2007-297 du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance. Loi n° 2006-872 du 13 juillet 2006 portant engagement national pour le logement (loi ENL). Loi n° 2006-64 du 23 janvier 2006 relative à la lutte contre le terrorisme et portant dispositions diverses relatives à la sécurité et aux contrôles frontaliers. Loi n° 2004-811 du 13 août 2004, relative à la modernisation de la sécurité civile. Loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales. Loi n° 2003-239 du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure (LSI). Loi n° 2002-1094 du 29 août 2002 d’orientation et de programmation pour la sécurité intérieure (dite "LOPSI 1"). Loi n° 2002-276 du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité. Loi n° 2001-1062 du 15 novembre 2001 relative à la sécurité quotidienne. Loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains (loi SRU). Loi n° 99-291 du 15 avril 1999 d’orientation et de programmation relative à la sécurité. Loi n° 98-546 du 2 juillet 1998 portant diverses dispositions d’ordre économique et financier (assujettissant les professionnels de l’im-

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Les Cahiers de la FNAIM Paris Ile-de-France mobilier à l’obligation de vigilance et de déclaration de soupçon à TRACFIN). Loi n° 95-73 du 21 janvier 1995 d’orientation et de programmation relative à la sécurité (LOPS). Loi n°90-614 du 12 juillet 1990 relative à la participation des organismes financiers à la lutte contre le blanchiment des capitaux provenant du trafic des stupéfiants (création de la cellule TRACFIN). Loi n° 86-634 du 13 juillet 1983 portant droit et obligations des fonctionnaires. Loi n° 83-629 du 12 juillet 1983 réglementant les activités privées de sécurité. Loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis.

108


de la FNAIM Paris Ile-de-France

C’est ce constat qui nous a conduit à ouvrir la collection de ces Cahiers par la thématique - ô combien brûlante - de l’insécurité.

Avec les contributions de : Michel Gaudin, Gilles Glin, Christophe Soullez, Xavier Raufer, Christian Frémaux, Isabelle Fournier, Jean-Pierre Tripet, Robert Branche et Michel Terrioux

Les Cahiers de la FNAIM Paris Ile-de-France Une publication de la FNAIM Paris Ile-de-France - Mars 2012 - N°1 - 18 € franco de port Directeur de publication : Gilles Ricour de Bourgies N°ISBN 978-2-9521616-1-9

Peur sur la ville ?

Contributions pour un Grand Paris de la sécurité

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Gilles Ricour de Bourgies Président de la Chambre FNAIM Paris Ile-de-France

Peur sur la ville ?

A l’échelle du Grand Paris, la sécurité est en effet un défi qui reste pour l’essentiel à relever et qui concerne l’organisation urbaine dans son ensemble. L’enjeu est de permettre à la capitale, à vocation résolument mondiale, de rester une ville où il fait bon vivre, en s’inspirant de la "coproduction de la sécurité" initiée dans le logement par la FNAIM Paris Ile-de-France depuis plus de 10 ans. Il est impératif de bien appréhender le réel dans sa globalité si nous voulons nous projeter dans le futur. C’est ce que nous nous sommes efforcés de faire avec nos invités qui ont accepté de livrer leurs témoignages dans ces Cahiers. Espérons qu’en apportant ainsi les uns et les autres notre contribution au débat, nous participerons à l’émergence d’un Grand Paris plus harmonieux et plus performant, pour ses habitants et tous ceux qui rêvent de venir s’y établir.

Les Cahiers

Les Cahiers de la FNAIM Paris Ile-de-France

L’agent immobilier est au cœur de la cité. Il en connaît chaque rue, chaque carrefour, chaque quartier. Pour lui, tout ce qui peut affecter ou améliorer l’équilibre de notre société mérite d’être pris en compte. Or, la sécurité, souvent citée par les hommes politiques comme étant la première des libertés, constitue indéniablement une priorité pour nos concitoyens. Quand un particulier s’adresse à un agent immobilier, c’est à un professionnel en même temps qu’à un fin connaisseur du terrain qu’il s’adresse. Une annonce immobilière décrit le plus souvent le bien lui-même, elle le place rarement dans son environnement. L’agent immobilier, lui, a la maîtrise des différents paramètres qui font qu’un logement ou un bureau sont bien situés et sûrs. Sa fonction de conseil est là essentielle. Et la grande quantité d’informations qu’il recueille, comme vendeur, administrateur de biens ou syndic, mérite d’être exploitée. Car ces remontées du terrain constituent des indicateurs précieux pour sentir l’évolution du quartier et de sa population, pour mesurer l’activité et le bien-être. En ce sens, l’agent immobilier est une vigie précieuse pour les pouvoirs publics, il joue un rôle d’analyste qui vaut d’être écouté par les décideurs.

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