- - - Travail de fin d’étude 2013-2014 - - - directrice de mémoire : Claire Dauviau - - - -
Lise Marchal
Le temps de la difference
Ecole Nationale Supérieure de la Nature et du paysage
Lise Marchal L’Ecole Nationale Supérieure de la Nature et du Paysage de Blois (Loir et Cher) Année universitaire 2013-2014 Travail de fin d’étude
Membres du jury Président de jury - Marc Claramunt, Directeur de l’ensnp, Paysagiste DPLG Directrice de TFE - Claire Dauviau, Paysagiste DPLG Professeur associé - Jean-Christophe Bailly, Docteur en philosophie, Ecrivain, Auteur à Christine, Marie Astride, Eric, Alfa, Himmed, Mourat, Sébastien, Yves, Nicolas.
preambule « Il y a un endroit et un envers des phénomènes. Voilà, sans doute, ce que suggèrent d’abord les autistes à qui les observe. Mais l’attention, la constance, la gravité avec laquelle ceux-ci considèrent le spectacle du monde, tout cela nous fait bientôt douter - banalement encore - qu’il soit aisé de discriminer entre un envers - où ils se seraient certainement exilés- et un endroit - où nous serions assurés d’exister. En vérité, il n’y a ni envers ni endroit. La réalité se démultiplie seulement et la poussière des perceptions se trouvent rendus à un désordre perpétuel en quête toujours de sa logique absente. Le monde que nous partageons avec les autistes, nous devons le comprendre à la façon d’une énigme dont ni eux ni nous n’avons la solution, un puzzle dont nous en considérons tous que l’une des faces. » Michel Forest
Le paysage est une expérience que nous renouvelons chaque jour de notre présence au monde, il est confrontation des matières de notre corps et du milieu dans lequel nous vivons. Le regard porté sur ce qui nous entoure n’est que pure interprétation à partir d’une réalité donnée pour tous. Les témoignages des personnes autistes esquissent les contours d’un monde sensoriel complètement différent du nôtre dont grande poésie se dégage. Néanmoins, mais ce serait une grave erreur d’occulter le fait qu’il est souvent le siège d’incompréhensions et de peurs menant à la souffrance. Mon ambition dans ce travail est de penser le paysage à partir d’un regard autre, sans chercher à le ramener vers la normalité; mon dessein étant de tenter des esquisses d’écritures paysagères allant dans le sens d’accompagner les personnes autistes sur le chemin de l’épanouissement. Un but, et déjà une foule de questions annexes traversent mon esprit : puisque la différence est richesse, comment, pour tout un chacun, dire la différence sans mots? Faudrait-il inventer un paysage reflétant une sensibilité qu’on ne connaît pas? Peuton faire du paysage une fenêtre ouverte sur le monde de l’autisme ? Selon quelles modalités organiser la rencontre entre ces mondes si différents?
Une semaine a Fervaques
Livret 1
l’autisme, une particularité
qu’est- ce que l’autisme ? les chiffres
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définition clinique de l’autisme
un peu d’histoire hypothese quant a l’origine des troubles quelques particularites de fonctionnement du cerveau des autistes la cohérence centrale
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styles cognitifs la mémoire
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la pensée visuelle
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le probleme de la communication discriminer et donner du sens
comment la personne autiste percoit- elle le monde ? dysfonctionnement sensoriel ou experiences sensorielles différentes les systèmes sensoriels
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utiliser nos sens pour donner une signification au monde qui nous entoure expériences sensorielles particulières chez les autistes styles perceptifs
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OBJECTIFS ET STRATEGIES EDUCATIVES la question de la QUALITE DE VIE DES PERSONNES AUTISTES le regard de l’autre
44 47 les lieux de vie 49 les activites 50 les autistes et le temps nous, animaux 58 parlons d’ intégration
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du plaisir a la therapie
l’'homme et les jardins,,une histoire d’amour qui ne date pas d’hier la petite histoire des jardins therapeutiques comment expliquer leurs bienfaits
?
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33 34
approche philosophique du projet de jardins therapeutiques avant toute chose...
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petite definition de l‘interet therapeutique
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au projet de jardin dessiner un jardin therapeutique, c‘est...
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typologie de jardins therapeutiques
un exemple formateur, le lucas garden school penser le projet de jardin, petit guide
Livret 2
à la découverte du site
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Au coeur de la campagne normande la vallee d'auge fervaques 94
le chateau du kinnor
declinaisons paysageres du parc
109 - denominations et usages mesures et dimensionnement 118 cheminements a travers le grand territoire 119 histoire de la propriete et du chateau 122 interieur, exterieur et « pelures du site » 132 le parc du chateau du kinnor
Le kinnor histoire d'une association
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geographie humaine et jeux d’acteurs autour du site le mot des elus
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qui sont les habitants de fervaques
Livret 3
en marche vers le projet
Mon parti pris de projet la palette du contenu
...
?
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la specificite de l'autisme comme base de projet l’architecture du contenant
le projet prend forme Conclusion et ouverture
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Une semaine a Fervaques « Tout livre sur la folie prend de lui même la forme d'un récit de voyage. Car l'asile, tous les livres le disent, est, pas excellence, l'autre monde, le lieu vide que peuplent les angoisses et les désirs, le pays impossible. » Philippe Forest, dans Prés des acacias
« J’aime la brousse, j’aime la brousse et la jolie savane, Il y a des lions et des léopards, J’aime la brousse et la jolie savane … » aurait entendu chanter celui se serait approché du château du Kinnor en cette belle journée d’été. Nous sommes pourtant bien loin de l’Afrique puisque le château se trouve en Normandie, au coeur de la vallée d’Auge dans le Calvados. Adossé à un petit village de maisons étroites à colombages, niché contre une colline boisée et la vallée à l’herbe grasse, rien ne laisse présager la présence de ce château caché dans son écrin de verdure. Sur la place de l’église trapue de se dresse un large portail en fer, orné des insignes dorées A et G. A côté, on peut lire « Château le Kinnor, centre de vacances, loisir et culture, pour handicapés et non handicapés, hébergement, manifestation, activités. Visites guidées sur rendezvous ». Je passe le portail et m’engage le long d’une large allée sous la voûte imposante d’hêtres alignés. Un muret se resserre alors en entonnoir pour se transformer en pont enjambant la Touques. Face à moi se dresse la haute poterne. Je me heurte à une lourde porte en bois massif. J’attends quelques instants, on m’ouvre. Monsieur Lhotel, propriétaire des lieux et directeur de l’association, m’accueille chaleureusement. Nous entrons dans la cour d’honneur, un large espace rectangulaire contenu entre la façade du château et le manoir, formant l’une de ses ailes. Dans cette cour se dresse un platane magnifique, déjà centenaire lors de la construction du château en 1597. Il vient de s’arrêter de pleuvoir, la pluie a lavé l’air de ses impuretés et la lumière, douce et chaude, projette l’ombre dentelée du houppier du platane sur l’appareillage normand classique en pierre et brique. Laissant monsieur Lhotel à ses occupations, je contourne le manoir et découvre de l’autre côté une
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surprenante façade, de composition ancienne, avec sa tour orthogonale flanquée de deux pavillons carrés. Le toit est percé de multiples petits chiens assis et le recollement entre les parties du 14ème et du 15ème siècle vaut une suture de chirurgien. Longeant cette aile et contournant l’angle, je découvre alors la façade ouest dont les soixante mètres de pierres en brossage se reflètent dans les douves. Derrière moi, la grande pelouse du parc se meurt à la lisière des arbres accompagnant le tracé de la Touques détournée. La tempête récente a fait des dégâts et les arbres meurtris se voient découpés en fagots et empilés, attendant preneur. Tout au fond, j’aperçois l’ermitage de Florence, ce bâtiment amenant à être prochainement rénové. Je continue d’avancer et aperçois alors un étrange bâtiment, pépinière sauvage à ciel ouvert, (on m’expliquera plus tard que c’est une ancienne piscine) sur laquelle poussent de petits bouleaux qui finissent en pot dans les couloirs du château. A ses pieds broute Elyrose, paisible jument trotteuse. On m’avait donné rendez-vous pour midi et demi. Je me hâte alors de finir mon tour pour me rendre au rassemblement. Une lente cohorte de petits groupes sort du château et viennent docilement se mettre en ligne, formant un large rectangle adossé à la pelouse de la cour d’honneur. Chacun semble trouver sa place et tous attendent. La mélodie d’un accordéon parvient alors à mes oreilles et quelques instants plus tard j’aperçois monsieur Lhotel, magicien transformiste, ayant abandonné son chapeau de directeur pour celui de musicien, descendre lentement les marches de l’escalier à double révolution. Les vacanciers sont charmés. Moi aussi. On reprend en coeur une chanson, puis, par ordre défini, chaque petit groupe descend les quelques marches pour emprunter une large porte sous les escaliers, menant à la salle à manger, caveau vouté à demi enterré, aux pierres apparentes. 9
Après le repas, c’est le même ballet qui reprends sous mes yeux : certains débarrassent les tables, d’autres rangent les chaises, et par petits groupes s’en vont rejoindre leur chambres pour la sieste de début d’après midi. Quelque résistants choisissent de profiter du bon air : l’un écoute sa radio, l’autre gribouille sur un petit carnet, un troisième marche sans but apparent tandis qu’un autre, assis, attend. Le soleil perce maintenant franchement à travers les nuages ronds. En Normandie, comme en Bretagne, il fait beau plusieurs fois par jour. Il me faut maintenant les quitter. Dans une semaine, je reviendrai. Je me suis réveillée tôt ce matin et après avoir petit-déjeuner avec les moniteurs, je suis allée me promener autour du château. Je ne suis pas tout à fait seule : les canards blancs et les paons me dévisagent du coin de l’oeil. Je retourne vers la cour d’honneur. Yves, debout, attend… mais attend-til vraiment? Dos au soleil, frêle statue muette, il dodeline de la tête et agite ses mains tremblantes. Son ombre s’étend loin dans la lumière rasante du matin. Un paon passe juste à côté de lui. Confiance totale entre deux êtres qui se côtoient en s’ignorant. Les autres sortent au compte goutte du château et se rassemblent dans la cour d’honneur. Chapeaux, shorts et petits sacs à dos sont de mise aujourd’hui. Certains semblent impatients. Ils savent que c’est une journée d’exception : le car attend pour partir à Honfleur. Après une heure de route, nous arrivons à la plage. Certains se déshabillent avec empressement, d’autres semblent plus indécis et choisissent de rester sur la plage. Quand Yves entre dans l’eau, pour la première fois, il s’arrête de trembler. Plus tard, nous pique-niquons au soleil en haut de la falaise. Alors que beaucoup sont allongés, Alpha reste assis. Il a soulevé son t-shirt et touche son ventre. Il semble obnubilé par une petite région au dessus de son 10
nombril. Il touche tellement sa peau que le contraste se crée entre sa peau noire et le petit endroit pelé, rosé. Cette activité l’occupera pendant quasiment toute la période de la sieste. Plus tard, chorale improvisée dans la chapelle de Notre Dame des Grâces, où les pêcheurs, autrefois, ramenaient une maquette de leur bateau pour que celui-ci soit protégé. Les moniteurs, a capela, accompagnés de Mr et Mme Lhotel, chanteront pendant plus d’une demie heure. Le chant fait partie des fondamentaux au Kinnor. Cet exercice où ordre, attention, écoute et sens artistique priment crée cette ambiance joyeuse si particulière au Kinnor. Dans la chapelle, pas un bruit ne vient rompre le charme de la mélodie. Les vacanciers, bien qu’handicapés, savent apprécier le moment à sa juste valeur. Quelques touristes de passage se joignent à nous et remercient chaleureusement le chef de chorale. Sur le bateau nous menant de l’estuaire au pont de Normandie, ceux qui sont sortis en proue profitent d’un vent de liberté, leur visage rayonne. Les autres, restés à l’intérieur, semblent attendre sagement la fin de ce long tour de manège. Le lendemain, l’emploi du temps bien rodé du château reprend son cours habituel. Réveil, petit déjeuner, toilette, ateliers. Entre théâtre-comédie musicale, danse, roman photo et cinéma, le choix est large et chacun part rejoindre le groupe qu’il a choisi en début de séjour. Répétitions et production vont bon train, les représentations, qui clôturent trois semaines de travail, étant prévues pour la fin de la semaine. L’atelier danse s’installe dans un coin de la cour d’honneur. Les amplis sont sortis, la macarena retentit. Certains sont un peu distraits, non pas du fait de ma présence mais de celle de mon appareil photo. Je grave quelques secondes à jamais ; ils veulent voir les photos. Je m’engage alors dans l’explication de « la photo qui se trouve dans la boîte et qu’on ne peut pas encore ouvrir ». Accoutumés 11
au numérique, mon explication ne convainc pas. Me voilà à reprendre la même prise avec l’autre appareil pour leur montrer. A chaque fois, c’est le même large sourire qui s’affiche sur leur visage alors qu’ils pointent du doigt la petite image. L’un d’entre eux semble particulièrement apprécier d’être photographié. Son nom est Sébastien. Il m’a rapidement repérée ; d’ailleurs, ma présence n’a trompé personne. On est même venu me demander « si j’étais journaliste ». Sébastien est autiste, dans la trentaine, au physique plutôt gracieux. Il me donne l’impression d’être un grand timide qui ne parle presque qu’en chuchotant. Une aura de douceur se dégage de lui. Ce n’est pas un grand bavard, mais plusieurs fois par jour, durant tout mon séjour, il viendra me tapoter l’épaule et me disant à l’oreille « tu demanderas à Jean-Claude… » (Lhotel, d’imprimer les photos que j’avais prises de lui). Sebastien aime écouter de la musique et danser. C’est également un sportif qui participe volontiers à des jeux d’équipe comme le football. Je quitte alors les danseurs pour rejoindre l’atelier de roman photo. Les moniteurs ont rassemblé le groupe autour de deux écrans d’ordinateur. Ils choisissent ensemble les photos à présenter. L’activité captive les plus dégourdis. Aux extrémités des bancs se sont installés les autistes, comme par décantation naturelle d’intérêt. A gauche, Nicolas, la trentaine, qui pourtant en parait moins, souffre d’un retard mental sévère. Il ne parle pas, mais pousse de grands cris accompagnés de grands gestes désarticulés. Il se met régulièrement d’impressionnantes claques au visage. On dirait qu’il ne les sent même pas. Quand de beaux cheveux passent à porté de sa main, parfois il s’en saisit et les tire sans comprendre la maladresse de son geste et l’inconfort qu’elle cause. La réprimande semble inutile. Nicolas a besoin d’assistance, tant pour des besoins primaires comme manger, que des secondaires : s’il est seul, il panique. 12
La nuit, s’il se réveille, il se met alors à marcher à grand pas dans la pièce jusqu’au petit matin, incapable de se recoucher seul sans la présence d’un moniteur. Un geste semble le calmer : lui caresser les cheveux. Ne pouvant réclamer oralement ce besoin, de nombreuse fois il saisit ma main et la posa sur sa tête, recommençant inlassablement ce geste lorsque, lassée après plusieurs minutes de ce doux massage, j’osais la retirer. A l’autre extrémité se trouve Eric, très calme, pour ne pas dire absent. Il n’entre en action que s’il est stimulé, et dès que celle-ci cesse, il avachit son grand corps dans une étrange posture, tête baissée, bouche ouverte, les yeux dans le vague. D’après sa fiche médicale, il peut prononcer quelques mots. Ne m’étant jamais directement occupée de lui, je n’ai jamais entendu le son de sa voix. Apparemment, il aime le vélo, la randonnée, et même l’escalade et le judo ! Je l’imagine mal réaliser ces activités, et si loin de moi l’idée de remettre en question la description médicale faite par des personnes qui le côtoient au quotidien, je m’interroge : n’y a-t-il ici que la balade en campagne quotidienne qui lui procure du plaisir ? S’il aime marcher, pourquoi ne l’ai-je jamais vu se balader dans le parc ou dans la cour d’honneur quand l’opportunité se présentait ? Je retourne à l’extérieur, dépasse les joyeux danseurs et contourne le château pour me retrouver au lieu dit « des arènes ». Un petit groupe joue de la musique avec des instruments improvisés. Certains se sont mis à l’écart : Alpha, Himed et Marie-Astride. Himed est grand, sec, toujours en mouvement quand il est laissé à lui-même. Il décrit alors de larges cercles qu’il parcourt à grands pas rapides, balançant ses bras tendus dans un aspect militaire désordonné. Il ne semble jamais à bout de souffle, sacré athlète ! Himed aime s’isoler, et même s’il suit le groupe, il conserve toujours une certaine distance. Sollicité par les moniteurs, il se saisit d’une conserve de 13
petits pois provenant de la cuisine collective et exécute le rythme proposé. Son vocabulaire semble s’étendre à deux mots : salam aleikum et « atchic atchic ». Au près d’Himed s’est installée l’affectueuse Marie Astride, qui, stoïque, attend. Les yeux fermés et les mains posées sur ses genoux, elle semble goûter le bonheur de la chaleur du soleil sur sa peau. Elle dégage une certaine sérénité qui fut brisée lors de la soirée dansante quand elle se mit à s’agiter, tirant sur son pull jusqu’à l’en déformer, et fit de sa manche une boule qu’elle secouait avec violence, comme si elle cherchait à l’étrangler. Je ne sais si cette agitation qui ressemblait à une transe était de la colère. Peut-être était-ce simplement sa façon de danser. A la fin des ateliers a lieu le rassemblement avant le déjeuner. Pour Jean-Claude Lhotel, ce moment est important car il permet de prendre pleinement conscience de l’existence des autres et du fait que nous formons tous un groupe, presque une famille. On attend que chacun soit venu intégrer les rangs ; une petite chanson, reprise par tous, égaille le moment. Après le repas et la sieste, c’est le temps des balades. Les vacanciers sont partagés en trois groupes, selon leur aptitude de marcheur. Les plus lents rentrent au château au bout d’une heure pour s’adonner à d’autres activités comme le bowling, le karting, une balade sur Elyrose… les autres rentreront au bout de deux heures et parcourront davantage la campagne normande à travers ses chemins bocagers. De nombreux autistes intègrent le groupe des marcheurs rapides. C’est lors de ces balades que j’ai appris à connaître Murat, un grand homme très discret, qui ne se fait jamais entendre. Tout au plus secoue-til énergiquement ses mains avec un grand sourire ; et semble beaucoup s’en amuser. Très indépendant, il aime faire les choses lui-même : il se sert seul aux repas et gobe littéralement son plat avant même que 14
le service ne soit fini. Contrairement à certains autistes, le regard ne semble pas le déranger. Il ne parle pas, mais comprend tout et obéit même quand la situation peut devenir frustrante pour lui. Christine fait également partie de ce groupe de marcheurs. Méticuleuse et organisée à l’extrême, ses journées se déroulent selon un protocole très précisément défini que ses tics semblent compliquer à outrance. Beaucoup de patience est requise pour accompagner Christine et la brusquer serait contre productif. Elle parle, et même bien, mais pas à son interlocuteur : elle se parle à elle-même, parfois utilisant le « je », mais aussi « tu » comme si elle se dédoublait ou répétait des injonctions extérieures. « Je me lave, je me sèche, je m’habille, et c’est bon. Tu te laves, tu te sèches, tu te laves, tu te sèches, et c’est bon… ». Christine éprouve un besoin de perfection constant, elle se doit de contrôler tout ce qui se trouve en sa possession. Tous les matins, elle replace avec une extrême minutie les rideaux de sa chambre. L’opération peut prendre plusieurs minutes. L’ensemble du protocole est repris dès le début dès qu’une erreur semble survenir. S’habiller, plier ses habits, faire son lit, tout prend alors un temps infini. En assistant à cette curieuse scène, je me demande si elle en souffre, ou, au contraire, si ça la rassure. N’aimerait-elle pas simplement mettre sa chemise et sortir rejoindre les autres dehors ? Un matin, j’ai branché le téléphone portable d’une de ses compagnes de chambre pour qu’il recharge sa batterie. Grave erreur ! A peine avais-je le dos tourné que voilà le portable débranché et replacé à l’endroit initial. J’ai du attendre qu’elle soit prête et qu’elle ait commencé à descendre les escaliers pour pouvoir rebrancher le téléphone et ouvrir les fenêtres afin d’aérer la chambre. Christine est néanmoins tout à fait indépendante et participe très volontiers aux différentes activités proposées, à l’exception de 15
celles qui demandent d’entrer en contact physique avec les personnes, chose qu’elle ne supporte pas. S’exprimer ne lui pose pas de problème, et sa diction a été fort appréciée dans son atelier de cinéma. De retour de balade, le rituel du rassemblement reprend avant le diner. S’en suit souvent une courte veillée (feu de camp, chansons, présentation des travaux d’atelier…) avant que les petits groupes remontent dans leur chambre et se préparent pour la nuit. Ainsi, au Kinnor, chaque journée est une mécanique bien rodée par plus de quarante années d’expérience. Monsieur et Madame Lhotel déroulent leur emploi du temps comme une machine à musique, donnant beaucoup, attentifs à toutes et à tous. Les fausses notes sont rares, et si pas une seule journée ne se passe sans imprévus ou petites crises, pour autant ils n’entament jamais la bonne humeur présente et la dynamique de groupe prend le dessus sur les individualités. Certains après-midis, de grands jeux sont organisés et entraînent l’ensemble des vacanciers autours du château, d’épreuve en épreuve, à la recherche d’indices… ces jeux sont l’opportunité de s’étonner des capacités de certains, et d’encourager d’autres. Comme la veillée dansante, la kermesse est également un des temps fort du séjour. La cour d’honneur se transforme alors en place de village. Petit train, quilles, chamboule-tout, jeux d’adresse, tir au pigeons, tour de petit train, babyfoot… les activités sont diversifiées et tous jouent ensemble. La kermesse assoit une notion importante : celle « d’être avec ». C’est là la force du Kinnor, faire tomber les barrières entre personnes handicapées et non handicapées, savoir se montrer attentif aux besoins des personnes handicapées sans tomber dans une attitude infantilisante ou condescendante. A certains moments, j’ai senti la frontière s’estomper. Le Kinnor n’a rien d’un lieu triste. Lors de mon arrivée, 16
j’ai été saisie par l’impression qu’on avait placé « toute la misère du monde » dans ce lieu magnifique. Ceux qui ne sont pas du métier n’ont pas l’habitude de voir soixante personnes handicapées mentales ensemble au même endroit. Le contraste du « ce qu’on est fier de montrer » ( le patrimoine architectural) avec « ceux que a société trop souvent préfère cacher » ne peut laisser de marbre… mais rapidement s’efface. Après une journée passée avec eux, ce n’était plus une « foule homogène de personnes handicapées » que je voyais mais bien des individus que je connaissais, avec leur histoire, leurs habitudes, leurs plaisirs. Au Kinnor, la cohabitation entre personnes d’âge, de handicap et de condition différentes se passe sans heurt. Le dernier jour, comme un signe, la brume automnale a envahie le pays de Livarot. L’été est bien fini. Pour certains, la nuit a été agitée : le départ, le changement, le retour peuvent être source d’angoisses qu’il a fallu calmer, mêlée à une sorte d’excitation difficilement définissable. Il est temps de rentrer. Chacun a son petit sac ; les valises sont bien alignées devant le car qui attend. Ce soir, tous seront de retour chez eux, dans leur famille ou leur foyer. Une certaine gravité du moment se fait sentir ; c’est pour moi l’expression de l’intensité des émotions qui se sont dégagées lors de ce séjour d’exception.
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Livret
1 - à la découverte de l’autisme
qu’est- ce que l’autisme ? les chiffres Il y a une cinquantaine d’années, l’autisme passait pour une maladie rare, évaluée à environ 1/10 000. Plus récemment, on en compterait 1/150 en Europe, 1/90 aux USA et jusqu’à 1/40 en Corée du Sud ! (L’énigme de l’autisme). Il semble donc que l'autisme ne cesse d'augmenter sur l'ensemble de la planète et chez tous les types de populations. On évalue à 600 000 le nombre de personnes autistes en France, soit l’équivalent de la ville de Lyon (dont 100 000 enfants), et 67 millions dans le monde. Les chiffres varient beaucoup suivant les études et les critères utilisés car la définition de la pathologie est très importante. Comme celle de l'autisme a beaucoup évolué ces dernières années et que les campagnes de sensibilisation du grand public et du monde médical se sont développées, de plus en plus de personnes, auparavant considérées comme présentant un retard mental, sont désormais incluses dans la catégorie présentant des troubles autistiques.
Definition clinique de l’autisme - altération qualitative des relations sociales : l'enfant semble solitaire, son regard est bizarre, le partage émotionnel difficile et les mimiques pauvres - altération qualitative de la communication : l'enfant n'utilise pas les signes usuels de communication ; quand il parle, ce n'est pas vraiment avec autrui. - intérêts restreints et répétitifs : l'autiste est attaché à l'immuabilité des situations ; le moindre changement peut provoquer angoisse et agressivité. Son répertoire d'activités, de centre d'intérêts, de thèmes verbaux est réduit. Il peut présenter des mouvement stéréotypés de certaines parties du corps (balancement, agitation des mains..). Ces trois catégories de troubles sont en général observables dès 3 ans. Ces caractéristiques sont évolutives tout au long de la vie de la personne. L'autisme peut être accompagné d'autres troubles comme le retard mental ainsi que des perturbations sensorielles, motrices ou cognitives. La personne peut également présenter des pics de compétence dans certains domaines restreints. L'autisme est défini comme un Trouble Envahissant du Comportement (TED): ça ne signifie pas que la personne est « envahie » par l'autisme, mais bien que ce sont différentes fonctions de la personnes qui sont atteinte par ce trouble d'origine neurobiologique.
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« de tous, O., donne l'impression d'être le plus profondément enfoui dans une sorte de détresse immobile dont rien ne parvient jamais à le divertir ; disparu tout entier dans la crevasse invisible d'un effondrement intérieur ». « F. rie parfois aux anges sans raison . Il est sans cesse en mouvement. Rien ne l'arrête jamais. Il passe d'une occupation insensée à une autre tout aussi dépourvue de sens. » Philippe Forest, dans Prés des acacias
Le spectre des troubles autistique est très vaste et les TED comprennent différents types de troubles : - le syndrome d’Asperger : tous les signes de l’autisme sont présents, la personne ne présente aucun retard mental ni de langage - autisme de haut niveau : tous les signes de l’autisme sont présents, la personne n’a pas de retard mental mais elle a un retard initial de langage - trouble désintégratif : régression globale du développement de l’enfant après une ou deux années de développement normal - syndrôme de Rett : maladie neurogénique caractérisée par une régression, une phase à allure autistique, une épilepsie puis une régression motrice - continuum autistique : formes multiples des troubles d’ordre autistique, présentant un noyau commun de symptômes plus ou moins intenses et invalidants. Dans l’état actuel, l’autisme est considéré comme un trouble qui met la personne en situation de handicap toute sa vie. L’intensité de l’autisme est très variable et certaines personnes arrivent à s’adapter à leur troubles de manière satisfaisante grâce à une intervention personnalisée. Le diagnostic est posé à six ans en moyenne. L’autiste est « un martien au pays des neuro-typiques ». Il existe un mur de verre entre nous et eux. Beaucoup disent qu’ils semblent enfermés dans une prison intérieure. Si les Asperger sont reconnus pour leurs capacités extraordinaires, il ne faut pas oublier qu’un tiers des autistes ont un retard mental. Une partie ne parlera jamais. L'autisme, c'est l'exact contraire de l'aliénation dans un sens étymologique, car «alius» signifie autre, alors que «auto», c'est soi-même. Un autiste ne semble rien percevoir d'autre que lui-même.
« exaltée par la société en raison de sa dimension spectaculaire et rédemptrice, la mythologie de l'idiot de génie frappe par son ambiguïté car elle participe à la fois de la reconnaissance et de la méconnaissance de la maladie mentale : elle tire dans la lumière quelques individus et contribue aussi à restituer leur dignité sociale à tous les autres ; mais elle relègue également dans une ombre plus épaisse tous ceux qui, pour faire oublier leur informité, n'ont même pas l'argument d'un talent merveilleux à faire falloir. » Einstein, Monet, Mendel, Newton, De Vinci, Mozart... les descriptions laissent fort à penser que ces génies étaient autistes
Philippe Forest, dans Prés des acacias
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un peu d’histoire Jusque dans les années 40, les autistes étaient considérés comme des débiles profonds. Ils étaient souvent maltraités dans les hôpitaux psychiatriques. En 1943, Léo Kanner les décrit comme des enfants intelligents. Il réalise la première description de l'autisme, celle qui fera date dans une publication intitulée « Autistic disturbance of affective contact » dans la revue « Nervous Child ». Kanner travaille sur onze enfants autiste et établi des traits communs entre eux : - incapacité à développer des relations avec autrui - retard de l’acquisition du langage, absence de langage ou utilisation dans un but non communicatif, écholalie immédiate ou différée, inversion pronominale - activités de jeux répétitives et stéréotypée - besoin impérieux d'immuabilité de l'environnement, résistance au changement - réactions inhabituelles de frayeur envers des stimuli sonores - manque d'imagination - bonne mémoire mécanique - apparence physique normale Globalement, c'est l'isolement (aloness) et le besoin d'immuabilité (sameness) qui caractérisent l'ensemble de ces enfants. Il emploi alors le terme « retrait autistique » pour exprimer leur repli. Kanner fait ressortir des déficits massifs chez ces enfants cohabitant avec des capacités préservées mais aussi des anomalies neurologiques. Ces observations l'amènent à penser que l'autisme a un caractère endogène.
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« Les asiles… lieux de déportation hypocrite où toutes les irrégularités de l'esprit trouvaient méthodiquement leur place ... »
« Depuis longtemps, la littérature scientifique a voulu voir dans l'autisme une protestation muette et désespérée contre le temps. L'enfant fou fige le temps par la magie de sa folie ; Il travaille avec ardeur et patience à l'invention d'un ordre plus régulier, plus prévisible. L'autisme se caractérise par un goût marqué pour l'identique, le prévisible. Il haït le différent. » Philippe Forest, dans Prés des acacias
« tout le drame des autistes, en un sens, tiens dans cette formule : « pour se protéger du temps, ils se retirent à l'intérieur d'une coque de noix. » et, dans cette clôture où ils s'établissent, ils peuvent s'imaginer dominant désormais de toute leur fausse puissance un monde aux menaçantes métamorphoses. » Philippe Forest, dans Prés des acacias
« Comme les déportés, les autistes sont soumis à la cruauté de mères froides et sans amour, les mères réfrigérateur. Ils n’ont pas eu d’autres solutions que de se retirer de la réalité, de s’enfermer en eux-mêmes. »
Un an plus tard, bien qu'ignorant les travaux de Kanner, Hans Asperger démontre leur intelligence et explique leur «incapacité biologique innée à développer des contacts affectifs». Il décrit plusieurs cas d'enfants présentant des psychopathies autistiques et des performances intellectuelles impressionnantes restreintes cohabitant avec des capacités intellectuelles lacunaires. Bien que les profils individuels soient très différents, ces constantes sont frappantes. Le rapprochement entre ces travaux et la définition d'un continuum autistique ne seront effectués que dans les années 1980 par Lorna Wing, décrivant des sous-groupes homogènes participant d'un même spectre. Cependant, entre temps, d'autres travaux feront beaucoup parler d'eux et effaceront en quelque sorte ces premières études : en 1967, Bettelheim publie La forteresse du vide dans laquelle il explique sa théorie des enfants étant comme des prisonniers de camps de concentrations, leurs mères étant comparées à des tortionnaires nazis ! En réalité, il raconte son trauma, lui qui est revenu des camps de la mort. Il propose alors de guérir ces enfants en les séparant de leurs parents et crée une école orthogénique à Chicago. Il ne les guérira jamais, mais la culpabilité envers les parents restera longtemps gravée dans les mémoires. Pendant ce temps, à l’université de Chapel Hill en Caroline du Nord, Eric Schopler, un visionnaire, prouve que la clef de l’autisme est biologique. Il développe alors le programme TEACCH qui inclut beaucoup les parents dans les méthodes de thérapies. Inar Lovas met en place de son coté le programme ABA, massivement utilisée de nos jours.
Bettelheim, 1967
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Dans les années 1970 émerge une nouvelle façon de voir les choses, clamant « le paris que quelque chose, désormais, mérite d’être tenté qui rendrai aux malades les plus profondément atteints, sinon leur raison, du moins une part de leur dignité ». De nombreux ateliers ont alors fleuri dans les hôpitaux psychiatriques. Philippe Forest nous raconte l’une de ces expériences menées dans l’hôpital Barthélémy-Durand d’Étampes, au pavillon des Acacias où sont pris en charges des patients affectés de syndromes autistiques sévères : «Comme beaucoup d’autistes, certains des patients expriment une fascination pour l’eau. Est-ce parce que l’eau enveloppe leur corps et leur donne le sentiment d’être une entité, eux qui se sentent souvent si fractionnés ? Dans le groupe Terre et Eau, des expériences ont été mises en place, et tout ceci se finissait le plus souvent en un bain de boue collectif dans la pataugeoire d’une pièce inondée. La Terre et l’Eau, pour certains psychanalystes, « c’est l’urine et les excréments, dont ils n’ont ni conscience ni maîtrise ». Les éducateurs pensaient qu’en régressant de façon ordonnée, peut-être concevraient-ils mieux leur corps». Comme beaucoup de mouvements, pour différentes raisons, cette flamme a fini par s’éteindre au bout d’une bonne dizaine d’années. En 1985, des études montrent que l’autisme est lié à des anomalies du cerveau. On naît autiste, on ne le devient pas. C’est à la lumière de nouveaux travaux que les classifications évoluent et que l’autisme est extrait de la catégorie des psychoses pour rejoindre celle des Troubles Globaux du Comportement, puis des TED.
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« Avec la meilleure volonté apparente, les malades se prêtent le plus souvent au jeu mais toujours en lui accordant une attention distraite. Leur regard inexpressif, leur application soucieuse semblent signifier que leur intérêt, en vérité, est ailleurs. » Philippe Forest, dans Prés des acacias
hypotheses quant a l’origine des troubles
« Je dois repasser toutes les idées pour trouver la bonne. »
« Les trains d’idées se percutent, je suis perdu. » « Regarder dans les yeux d’un autre, c’est comme tomber dans un puits sans fond. » (Le cerveau d’Hugo)
« Je vie dans une bouteille de verre et je vois le reflet de la ville autours de moi. »
La conception actuelle décrit l'autisme comme « une pathologie plurifactorielle à support multi-génétique ». Plusieurs gènes seraient impliqués avec l’autisme, notamment ceux intervenant dans les étapes du développement de l'enfant et qui ont des conséquences sur le comportement alimentaire, l'imitation, les relations avec les autres, la régulation du message des sens. L'autisme semble être la rencontre entre une malformation génétique et un environnement, rencontre qui aurait lieu durant la grossesse. Mais comment expliquer l’autisme régressif si souvent décrit ? D’autres hypothèses émergent alors, notamment une soupçonnant des batteries intestinales d’être liée à ce mal. Les bactéries modifieraient l’expression de gènes au sein des cellules et libéreraient des neurotoxines dans le cerveau, ce qui engendrerait des dégâts irrémédiables. Ceci corroborerait l’observation que l’autisme, se répendant de plus en plus sur notre planète, touche davantage les pays industrialisés, en particulier les populations de migrants issus de pays non industrialisés. (L’énigme de l’autisme) Le cerveau des autistes ne fonctionne pas comme le notre : le tri neuronal, qui s’effectue vers trois ans chez une personne normale, ne se fait pas bien et les autistes gardent trop de connexions. Apparemment, leur manière de pensée est extrêmement associative, due à ces trop nombreuses connexions neuronales. Leur pensée est un paysage multiple. C’est la plasticité cérébrale qui permet le progrès chez les personnes autistes mais malheureusement les neurones miroirs sont peu actifs chez eux, ce qui handicape leur capacité à la communication. Ils sont donc souvent très isolés socialement. 25
« Je suis une femme puzzle. Je suis fragmentée. Je ne vois pas l’ensemble. »
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(Luna dans «Le cerveau d’Hugo»)
quelques particularites de fonctionnement du cerveau des autistes LA COHERENCE CENTRALE Nous définissons l’intégration sensorielle comme un processus neuro-physiologique qui nous permet de filtrer, d’organiser et de traiter l’information sensorielle provenant de notre corps et de l’environnement afin de produire une réponse adaptée, une action efficace pour atteindre un but. L'être humain traite l'information de son environnement de façon à mettre ensemble des éléments divers pour en tirer une signification générale. C'est «rassembler la multiplicité du niveau local pour construire le niveau global.» Par exemple, une personne «normale» voit un sourire. Une personne autiste verra «des yeux qui s'étirent, les extrémités des lèvres qui se relèvent, les dents qui apparaissent...» mais il manquera souvent l'étape d'intégration de ces éléments dans le tout cohérent qu'est «le sourire». Le traitement de l'information sociale émotionnelle pose également problème. La personne autiste a du mal à comprendre la signification des expressions faciales, de l'attitude envers les autres ainsi que de la manière de parler. Ceci nécessite un apprentissage.
STYLES COGNITIFS Nos modes de perception du monde affectent la façon que nous avons d'emmagasiner de l'information et de l'utiliser. L'état de pleine conscience n'est pas la seule façon de recevoir de l'information car elle limite le nombre de données indirectes à traiter. Au contraire, notre subconscient semble rendre possible à une quantité infinie d'informations brutes d'être prises sans filtre ou interprétation. Le subconscient peut stocker des informations à interpréter plus tard. Cependant, l'accès à ces informations est difficile et on ne peut le faire de façon volontaire. Certaines personnes autistes utilisent leur préconscient pour recueillir l'information et accumulent ainsi jusqu'à 95% des informations préconscientes. Les autistes et les neurotypiques n'ont pas la même définition d'une information pertinente car notre propre notion de pertinence est basée sur notre stock d'expériences. Ils ne retiennent pas la même chose que nous malgré une exposition à un environnement similaire. Par exemple, ils ne semblent souvent pas remarquer les autres personnes car pour eux, ils ne sont pas plus importants que des objets. Les gens sont des formes comme les arbres, les meubles... ils ignorent « l'utilité des personnes» et peuvent, par exemple, demander quelque chose à quelqu'un alors que la pièce est vide. 27
la MEMOIRE La gestalt et la littéralité sont les deux caractéristiques principales de la mémoire chez les personnes autistes. La gestalt est un principe utilisé en psychologie pour décrire un mode de pensée selon lequel des éléments unifiés comme un tout ont des propriétés ne pouvant directement dériver de la somme de ses parties. On comprends bien que ça pose problème aux personnes autiste quand on réalise qu’elles voient le monde en fragments. Comment alors lui donner un sens? Elles connectent le contenu et le contexte, le temps et la scène. Leur mémoire est quasiment mécanique. Dans tous les cas, elle est très associative et certains présentent une mémoire visuelle exceptionnelle. Nombreux sont ceux ayant de très bonne aptitudes visio-spatiales alors que leur capacité verbale est bien souvent mauvaise.
la pensee visuelle Les précieux témoignages de Temple Grandin, l’une des personnes autistes les plus connues, nous donne un aperçu du système de pensée si particulier aux autistes. Elle dit transformer les mots en image sonores et colorées qui se déroulent dans sa tête comme une vidéo quand elle donne une conférence. Avoir une pensée visuelle est rapide et non séquentiel. Une personne autiste a dit « Je stocke une photo de la page écrite pour la lire plus tard. » … n’est-ce pas remarquable et déconcertant à la fois ? « Penser avec le langage et les mots m'est une chose étrangère. Je pense totalement en images. C'est comme regarder différentes cassettes avec un enregistreur de vidéo-cassettes dans mon imagination. Je pensais auparavant que tout le monde pensait en images, jusqu'à ce que j'aie questionné de nombreuses personnes différentes à propos de leurs processus de pensée. Mon concept de « chat » consiste en une série de « vidéos » de chats que j'ai connus. Il n'y a pas de chat généralisé. Si je continue à penser à des chats ou à des églises, je peux manipuler ces images « vidéo ». Je peux mettre de la neige sur le toit de l'église, et imaginer à quoi le terrain de l'église ressemble au cours des différentes saisons. » « Des discussions avec d'autres personnes autistes ont révélé des méthodes visuelles de pensée dans des tâches qui sont souvent considérées comme séquentielles et non-visuelles. Un brillant programmeur d'ordinateurs autiste m'a dit qu'il voyait l'arbre complet du programme dans son 28
« je stocke l’information dans ma tête comme si c’était un cd» mais en contre partie, ce processus prend du temps et elle ajoute: « Je suis incapable d'accéder instantanément à ma mémoire. » Temple Grandin
esprit, et qu'ensuite il remplissait le code du programme de chaque branche. Un compositeur autiste doué m'a dit qu'il faisait des « images de sons ». Dans tous ces cas, un tout brumeux ou un modèle psychique est visualisé, et les détails sont ensuite ajoutés d'une manière nonséquentielle.»
le probleme de la communication « J'ai crié, parce que c'était ma seule manière possible de communiquer. Quand les adultes me parlaient directement, je pouvais comprendre tout ce qu'ils me disaient. Quand les adultes parlaient entre eux, cela sonnait comme du baragouin. J'avais les mots que je voulais dire dans mon esprit, mais je ne pouvais juste pas les faire sortir ; c'était comme un gros bégaiement. Quand ma mère voulait que je fasse quelque chose, je criais souvent. Si quelque chose m'ennuyait, je criais. C'était ma seule manière possible d'exprimer mon mécontentement. Si je ne voulais pas porter un chapeau, ma seule manière possible de communiquer mon désir de ne pas porter ce chapeau était de le jeter sur le plancher, et de crier. Être incapable de parler était une frustration totale. Je criais chaque fois que mon instituteur dirigeait son pointeur dans ma direction. J'avais peur, parce qu'il m'avait été dit à la maison de ne jamais diriger un objet pointu vers quelqu'un. Je craignais que le pointeur vienne se planter dans mes yeux. »
Temple Grandin
discriminer et donner du sens Concernant la vision, nombreuses sont ceux qui perçoivent mal les mouvement rapides et ont des difficultés à saisir les mouvement du visage. Pour l'ouie, le problème se situe souvent dans l'incapacité à faire la différence entre un son vocal et un simple bruit, ce qui montre que le personne n'active pas la région du cerveau impliquée dans le traitement de la voix humaine. Dans le même ordre d'idée, il est également difficile pour certains de faire la différence entre un mouvement humain et un autre non biologique (une chute d'eau par exemple).
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comment la personne autiste percoit- elle le monde ? Il y a un endroit et un envers des phénomènes. Voilà, sans doute, ce que suggèrent d’abord les autirstes à qui les observe. Mais l’attention, la constance, la gravité avec laquelle ceux-ci considèrent le spectacle du monde, tout cela nous fait bientôt douter - banalement encore - qu’il soit aisé de discriminer entre un envers - où ils se seraient certainement éxilés- et un endroit - où nous serions assurés d’exister. En vérité, il n’y a ni envers ni endroit. La réalité se démultiplie seulement et la poussière des perceptions se trouvent rendus à un désordre perpétuel en quête toujours de sa logique absente. Le monde que nous partageons avec les autistes, nous devont le comprendre à la façon d’une énigme dont ni eux ni nous n’avons la solution, un puzzle dont nous en considérons tous que l’une des faces. Philippe Forest, dans Prés des acacias
Dysfonctionnement sensoriel ou experiences sensorielles differentes ? Certains experts, et parmi eux des autistes, exposent l'hypothèse des anomalies sensorielles étant à la base de l'autisme. En effet, nombreux sont les autistes qui souffrent d'un désordre sensoriel car bien souvent, leur sens opèrent de façon isolée et il leur manque l'organisation des stimuli et de leur sens. (Hatch-Rasmunan 1995). Des liaisons cérébrales pourraient être à la base de ce dysfonctionnement. Ayres décrit cette observation comme étant un «trouble d'intégration sensorielle dans lequel le cerveau est incapable de donner un sens aux sensations afin de pouvoir les organiser en perception et finalement en concept.» De telles expériences sensorielles différentes peuvent être expliquer les comportements «bizarres» observés si souvent chez les autistes. Il faut bien admettre qu'une perception anormale de l'environnement peut mener à de très fortes anxiétés provoquant des comportements obsessionnels et compulsifs visant à palier les conséquences d'un tel dysfonctionnement. Ce schéma est certainement un peu simpliste mais on ne peut nier l'importance du rôle de la perception dans notre attitude vis à vis de notre environnement. Des études de privations sensorielles sur les animaux montrent des comportements similaires à ceux observés chez les autistes (Doman 1984). Il en est de même d'études effectuées sur les altérations visuelles : certaines personnes aveugles développaient les mêmes troubles que les autistes, notamment une altération des interactions sociales, de la communication, et des mouvements stéréotypés (comme se balancer, se cogner, rester en périphérie des endroits vastes...). Ceci paraît compréhensible quand on considère que 75 à 80% des informations du monde nous viennent par la vision. Or, contrairement aux aveugles, les autistes ont souvent l'ensemble de leurs sens qui sont plus ou moins atteints : ils peuvent donc difficilement compenser. Une étude 30
« la véritable cause de mes problèmes d'ordre social et émotionnel est de nature perceptive et l'autisme, pour être compris, doit avant tout être considéré comme un déficit perceptif » JGT VanDalen (1985)
effectuée par Walker et Cantello a montré que dans une population de personnes autistes, 87% souffraient de troubles auditifs, 81% de la perception visuelle, 77% du toucher, 56% de l'odorat et 30% du goût. Certaines études minimisent ces chiffres et nous devons donc les considérer avec une certaine précaution. Monis nous propose de voir les choses sous un autre angle: « si nous reconnaissons que nous sommes tous complémentaires, de types de capacités faibles et d'autres fortes dans notre SPATS respectif (Sens Perception Capacité et Système de pensée), alors la personne autiste pourrait avoir une vraie vie et non pas celle d'une personne assistée. » Leur système fonctionne différemment, leurs réponses sont normales bien que non conventionnelles pour nous. Pourquoi devrait-on alors aborder la question des particularités des autistes sous l'angle des neurotypiques ?
LES SYSTEMES SENSORIELS chaîne des systèmes sensoriels stimuli organe des sens
message nerveux électrique et/ou chimique
identification, assemblage interprétation au sein du cerveau
Pour Condillac, philosophe, le jugement, la réflexion et la compréhension prennent naissance dans les sensations. Mais par quels mécanismes percevons-nous notre environnement ? A la base de la perception se trouvent nos organes sensoriels, aussi appelés récepteurs. Il en existe de deux types : les extérorécepteurs sont « tournés » vers l'extérieur alors que les intérorécepteurs le sont vers l'intérieur, c'est à dire notre organisme. Les extérorécepteurs sont le siège de deux types de sens : les sens distants (vision, audition, odorat) et ceux de contact (goût, tactile). Notre corps possède différents systèmes sensoriels reliés à chacun des sens: - la vision - l'audition - l'odorat ( premier canal sensoriel fonctionnant chez le nouveau-né) - le goût - le sens tactile (toucher, pression, douleur, température ; se développe in utero) - le système proprioceptif (faculté de percevoir les stimuli produits à l'intérieur de l'organisme et spécialement la position et les mouvements du corps recueillis en contractant, détendant, fléchissant et comprimant les articulations) - le système vestibulaire (détecte les mouvements, les changements de position de la tête; se trouve dans l'oreille interne) Il existe une aire dans le cerveau correspondant à chaque organe. Les informations passent par le thalamus et l’hémisphère opposé du cortex pour y être traités de manière approfondie (sauf pour l’odorat).
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Tout ce que nous connaissons du monde et de nous même vient de nos sens. Percevoir, c’est effectuer le processus par lequel un organisme recueille, interprète et comprend l’information émanant de l’extérieur au moyen de sens. Extraire les informations nécessite un apprentissage qui s’effectue tout au long du développement.
Stimulus
sensation
interprétation
= intensité = durabilité = qualité
= perception
affective
représentative
= plaisir = douleur
= = = =
compréhension = concept
goût toucher odorat tactile
Par exemple, la chaîne peut partir d’un stimulus visuel décrivant un objet long, fin, plastifié (sensation); probablement un stylo (interprétation), donc « quelque chose avec lequel je peux écrire » (compréhension). Les nouveau-nés créent activement leur monde perceptif à travers leurs expériences, leur mémoire et les processus cognitifs. Ils n’ont pas encore la perception de leur être comme un tout. Petit à petit, ils apprennent à se « sentir eux » et contrôlent les parties de leur corps pour produire des mouvements ayant du sens. Ils apprennent à utiliser leurs organes sensoriels et à connecter des images sensorielles avec leur signification. On comprend alors bien que quand le processus perceptif fonctionne correctement, le bébé fait sens de son environnement, mais que si les données sont déformées, alors les informations qui en sont tirées le sont aussi. Souvent, quand un sens est perdu ou non fiable, les autres se développent pour compenser et créer un équilibre. L’univers de sensorialité des personnes sourdes est très différent de ceux sans handicap. Il serait faux de considérer qu’il suffit de se boucher les oreilles ou de fermer les yeux pour comprendre les sourds ou les aveugles car de la perception différente d’un environnement naît un langage et une «culture sensorielle» différente. Par exemple, les aveugles se créent un univers de concept tactilomoteurs. Leur perception de l’espace et du temps est différente de la notre, notamment parce qu’ils perçoivent la distance par la durée qu’ils mettent à atteindre un objet. Des expériences faites sur des personnes aveugles à qui ont avait rendu la 32
« il faut apprendre à certains enfants autistes comment utiliser leurs yeux, comment se servir de leur oreilles pour entendre, comment manger et bouger. » Jim Sinclair
vision tardivement dans leur vie ont montré qu’on peut rester mentalement aveugle car on est incapable de décoder ce qu’on voit. Néanmoins, plus les sens sont rétablis tôt au cours de la vie, mieux on saura s’adapter, d’où l’importance des thérapies en amont. En d’’autres termes, ce qui paraît naturel pour des neurotypiques ne l’est pas forcément pour des autistes, ce qui nous permet de réaliser la complexité de certains processus : reconnaître quelqu’un, c’est donner du sens à des informations visuelles. Comprendre le langage implique de différencier les sons de façon à savoir lesquels traiter comme étant une parole dotée de sens. C’est en quelque sorte fait de l’ordre à partir du chaos de la perception. Produire un comportement adéquat en réponse à une perception demande contrôle et coordination des données entrantes et des résultats sortants. Or les autistes ne semblent pas être dotés de telles capacités.
UTILISER NOS SENS POUR DONNER UNE SIGNIFICATION AU MONDE QUI NOUS ENTOURE « Je suis incapable de parler au téléphone dans un bureau ou un aéroport bruyant, alors que d’autres gens peuvent le faire. Moi, je ne peux pas. Si j’essaie d’éliminer les bruits de fond, je détruis la voix au téléphone. » T. Grandin, Ma vie d’autiste, 1994.
Eleanor Gobson décrit trois tendances du développement perceptif : - la spécificité croissante de discrimination : c'est à dire limiter les réactions aux stimuli pour ne donner réponse qu'à une stimulation proche ou pertinente - l'optimisation de l'attention : ça correspond au traitement perceptif de recherche pendant l'enfance car les bébés ont des réponses perceptives passives, ils ne cherchent pas encore à comprendre. Ceci nécessite la capacité de rechercher et sélectionner les informations nécessaires à l'identification de la nature du stimulus et de l'information qu'il contient. - la capacité d'économiser la prise d'information : avec un minimum d'information, distinguer des objets pour dégager un sens. Ceci permet de traiter plusieurs objets simultanément en facilitant la mémorisation et l'économie d'énergie pour se souvenir. Le monde réel est différent du monde perçu car ce dernier est issu de notre image mentale. La perception est un phénomène actif à deux voies : l'information venant des organes des sens est influencée par nos « informations intérieure », c'est à dire celle que nous avons emmagasinée et ajustée à nos expériences antérieures. Avec l'âge, nous nous mettons à déformer ce que vous percevons car on y ajoute souvent inconsciemment ce que nous nous attendons à voir ou entendre dans une situation similaire. Même si chaque cerveau construit le monde de façon légèrement différente, les mécanismes qui régissent son fonctionnement sont les mêmes chez les autistes et les neurotypiques. 33
EXPERIENCES SENSORIELLES particulieres chez les AUTIStEs Les autistes traitent le même matériel brut que les neurotypiques mais leur monde perceptif est totalement différent du notre. Il diffère aussi entre chaque personne autiste puisque chacun a des expériences perceptives et sensorielles différentes et inhabituelles de notre point de vue. Les autistes peuvent souffrir d'hyper ou d'hyposensibilité, ils subissent également des fluctuations des différents niveaux de perception et éprouvent une difficulté à interpréter un sens à partir des stimuli perçus. On peut alors se demander si nous vivons dans le même monde perceptif et social. De plus, comment est-on sur que nous entendons, voyons, sentons les mêmes choses ? Pour autant, pouvons-nous considérer notre façon de percevoir comme unique et correcte? Il faut garder à l'esprit que les autistes n'ont pas d'autre choix que de «sentir» le monde différemment que nous. Ce ne sont pas des caprices, ils ne le font pas «exprès». D'ailleurs, ils ne savent pas qu'ils perçoivent le monde en d'autres termes que nous. Les autistes sont donc soumis à des expériences sensorielles particulières., en voici les principales : - la perception littérale : C'est « voir » des choses sans les interpréter ou les comprendre. Ils voient le monde comme il est vraiment, d'une certaine façon. - la perception gestaltiste : Ils souffrent d'une incapacité à distinguer les informations de premier plan et celle d'arrière plan. Ils ne peuvent discriminer les stimuli pertinents. Pour Feidenberg (1986): «ce que nous sentons, voyons, est surtout ce que nous nous attendons à voir. Le cerveau prédit l'image finale et remplit les espaces». L'hypothèse est donc que les personnes autistes perçoivent tout en fragments et succomberaient moins aux illusions par défaut de cohérence centrale. Mais tous les détails ne formeraient-ils pas une seule entité ? Ceci corroborerait les observations selon lesquelles lorsqu'une personne change un détail, c'est la scène entière qui n'est plus familière pour la personne autiste. Parfois, elle n'est même plus reconnue (par exemple, bouger un tableau dans une pièce peut-être très mal supporté). Cela peut nous paraître paradoxal, mais les personnes ayant une vision gestaltiste sont donc en général plus perturbés par un petit changement dans leur quotidien que d'autres beaucoup plus importants. La gestalt ne se limite pas au sens visuel ; elle peut aussi être auditive, affecte le toucher, les odeurs, le goût...
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« Quand le bruit et la sensation s'ajoutant à la stimulation sensorielle devenaient trop intenses, j'étais capable de «couper» mon audition et de me retirer dans mon propre monde. Il est probable que l'enfant autiste crée en fait sa propre privation sensorielle. En me retirant ainsi, j'ai pu ne pas avoir reçu les stimulations qui étaient nécessaires à un développement normal. Il y a probablement des anomalies secondaires du système nerveux central qui se produisent en raison même de l'évitement des sensations reçues par l'enfant autiste. Les anomalies initiales du traitement sensoriel avec lesquelles l'enfant est né auraient alors causé l'évitement initial. » Temple Grandin
interprétation personnelle de la perception gestaltiste
« Je luttais pour utiliser le langage du monde, afin de décrire une façon de penser, d’être, d’expérimenter, pour laquelle ce monde ne nous donne ni mots, ni concepts. »
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- l'hyper et l'hyposensibilité : L'hypersensibilité est due au à un canal sensoriel trop ouvert : il y a trop de stimulations arrivant au cerveau pour pouvoir être traitées. Au contraire, en hyposensibilité, le canal est trop fermé, privant le cerveau de stimulations, ce qui est néfaste pour son fonctionnement. Parfois, le canal fonctionne mal et « grésille », créant ses propres stimulations. Chaque canal sensoriel chez une personne peut être affecté d'une façon différente. Certaines personnes souffrent d’hyper-vision. On a relaté des cas pour qui la vision du vol des particules dans l'air stimulait tellement la vision qu'elles en estompaient la perception du reste de l'environnement. Certains perçoivent des fréquence que seuls les animaux entendent. D'autres ont un odorat aussi développé que celui des chiens. L'hypertactilité est également handicapante car elle provoque des sensations envahissantes pouvant mener à des crises de panique. Couper les ongles ou les cheveux sont alors décrits comme étant des gestes douloureux. Changer de vêtements pose également problème car le corps mets beaucoup plus de temps que la normale à s'accoutumer au contact de ceux-ci. L'hypersensibilité vestibulaire se traduit par un évitement des mouvements rapides alors que l'hypersensibilité proprioceptive engendre une posture bizarre et des difficultés à manier de petits objets.
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« J'ai un système auditif qui fonctionne comme un amplificateur au maximum de sa puissance. Mes oreilles se comportent comme un microphone qui ramasse et amplifie le son. Je ne peux pas moduler les stimuli auditifs qui m'arrivent. Alors j'ai découvert que je pouvais me fermer à ces sons douloureux en inventant un comportement autistique, rythmique et stéréotypé. » Temple Grandin
« Les petites démangeaisons et égratignures que la plupart des gens ignorent peuvent devenir des tortures. Un jupon qui frotte devenait comme du papier de verre qui poncerait une peau mise à vif. » Temple Grandin
Dans le cas d'hyposensibilité, les informations ne parviennent pas en quantité suffisante au cerveau qui semble alors vide et arrête de traiter l'information. Les autistes semblent alors ne rien voir ni ne rien entendre. En conséquence, ils s'autostimulent afin de faire parvenir des informations à leur cerveau pour « le relancer ». Du point de vue des comportements observés, on trouvera une tendance à aller vers les lumières très vives, à chercher la source des sons voire à les créer, à mâcher et sentir tout ce qui se présente à eux, à toucher des surfaces brûlantes sans ressentir de douleur apparente, à balancer, tournoyer, se déplacer en cercles... tout ceci les calme, éveille leur système nerveux et leur permet parfois de se procurer une certaine source de plaisir. Vouloir arrêter de tels comportements parce qu'on les trouve bizarre ou gênants n'est donc pas forcément une bonne idée. Il faut avant tout comprendre quelle en est l'origine pour éventuellement les remplacer par d'autres moins gênants. « renonçant à combattre ce monde incompréhensible, ils se délivrent eux-même de ce trop plein de stimulations en se divertissant, se sécurisant, s'hypnotisant». Ces sources de fascination sont très individuelles. L'une des caractéristique déconcertante est l'inconsistance de leur perception des stimulations sensorielles. Ils peuvent passer d'états de surexcitation à de la sousexcitation; ils échouent à moduler leurs données sensorielles qui dépendent de leur sensibilité fluctuante et de leur niveau d'éveil.
Alex, enfant autiste, se plaint souvent des particules de l’air qui s’envolent. Sa vision est si sensible qu’elles estompent le reste de l’environnement.
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« je ne voyais pas un tout. Je voyais des yeux, un nez, une bouche, un menton... pas un visage. »
Alex in Williams 1999
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« J’ai toujours su que le monde était fragmenté. Ma mère avait une grandeur et une texture, mon père avait un timbre de voix, mon frère aîné était quelque chose qui bouge tout autours. » Williams 1992
« Le sol de la cour d’école, qui était en bitume, m’intriguait et je remarquais, quand je courrais dessus, qu’il semblait courir avec moi. » Lanson 1998
J’ai deux choix : je poursuis l’écoute et me laisse envahir par un déluge de sons, ou je me coupe de la source des sons. Ma mère me disait que j’agissais comme une sourde. Mais les examens d’audition indiquait que mon ouïe était normale.» Williams 1992
«la surcharge avait commencé. L’explication devenait du blabla... ma vision devenait plus perçante. Les lumières plus brillantes. L’effet sur mes sens provoquait un chatouillement, j’avais le fourire. L’hypersensibilité augmentait encore plus. Je louchais, grimaçais. La confusion et la tension de ce soudain changement me faisait passer du bonheur à l’excitation puis à la torture... Mon bateau sombrait et personne ne le savait.»
- la perception fragmentée : les autistes n’arrivent pas à « découper » leur vision gestaltiste en « morceaux signifiants » et peinent donc à interpréter les objets, les personnes et l’environnement comme constituant d’une situation globale. Leur attention reste fixée sur des morceaux souvent dépourvus de sens, ou en tout cas du sens que nous leur donnons. Il leur manque une cohérence constructive, ils voient un monde plus analytique qu’holistique (doctrine ou point de vue qui consiste à considérer les phénomènes comme des totalités). Ainsi, les personnes, même vues en entier au niveau perceptif, deviennent une collection de morceaux souvent sans signification. Cela bloque la communication non verbale car il ne peut y avoir interprétation des expressions du visage, du corps... -la perception déformée : L’espace, le son, la forme peuvent être déformés, ce qui empire souvent en cas de surexcitation nerveuse ou de surcharge d’information. Certains autistes semblent voir le monde en deux dimensions, d’autres ont une vision double, l’espace peut se dilater ou au contraire se rétrécir... - l’agnosie sensorielle : Ce terme définit la difficulté à interpréter un sens. La personne se retrouve noyée par des stimuli sensoriels à une vitesse ne permettant pas de faire face. Elle éprouve alors des sensations sans signification. En état d’angoisse sensorielle, elle peut agir comme si elle avait vraiment perdu ses sens. Elle devient, par exemple, aveugle mentalement alors que ses yeux fonctionnent encore. - la perception différée : C’est le délai induit par le traitement de l’information. Donner un sens au monde demande alors une véritable réflexion. Or, les autistes ne savent pas généraliser, ni appliquer ce qu’ils ont appris à d’autres situations. Tout prend alors plus de temps puisqu’il faut traiter l’information de façon totale à chaque fois que la situation diffère légèrement. Le temps leur semble souvent plus rapide que le notre. - la vulnérabilité à la surcharge sensorielle : La surcharge peut conduire à l’hypersensibilité mais peut aussi survenir indépendamment. Il se produit alors une accumulation de connaissances non reconnues qui parfois engendre une fermeture totale du système. L’agnosie sensorielle survient.
Williams, 1994
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STYLES PERCEPTIFS Les autistes vivent dans un monde qui les bombarde d’informations et pour y survivre, ils se doivent de contrôler leur conscience des stimuli. Ils élaborent alors des stratégies compensatoires et défensives se reflétant dans les styles perceptifs qu’ils acquièrent. Ces styles perceptifs prennent des formes multiples : monotraitement des informations émanant d’un unique canal sensoriel ; perceptions périphériques ; systèmes de fermeture ; compensation d’un sens non fiable par d’autres ; résonance et rêverie. Entrons un peu plus en détail. Le mono-traitement peut prendre la forme d’une sensation unique excluant de fait les autres : «toucher du bois, sentir sa texture mais plus la sensation de sa propre main». En d’autre termes, dans ce cas, soit ce sont les autres « choses » qui existent et la personne disparaît, soit elle reprend forme et consistance mais au détriment de l’environnement. La vision périphérique se développe par évitement d’un contact trop direct avec la source car la vision centrale est hypersensible. «regarder dans les yeux est inconfortable... les gens ne comprendront jamais le combat que j’endure pour pouvoir le faire...» (Lawson 1983). En vision directe, les choses se fragmentent. Les systèmes de fermeture entraînent à la personne à se réfugier dans un autre monde en coupant ses canaux quand les entrées sensorielles deviennent trop intenses voire douloureuses. Les fermer permet de traiter l’information entrante de façon plus efficace. En cas de fermeture totale, le cerveau cesse totalement de traiter l’information entrante. Compenser un sens par un autre est fréquent pour reconnaître un objet. Par exemple, une personne autiste à la vision défaillante aura tendance à frapper un objet sur tout ce qui l’entoure afin d’en déterminer la nature par le son qu’il produit. Le phénomène de résonance correspond à une fascination des stimuli jusqu’à se perdre en eux au point de se trouver en résonance. La personne en fait alors quasiment partie. « L’éclairage de ma rue était jaune avec une touche de rose mais dans un état de vibration, il était grisant, comme irisé jaune et rose. Mon esprit plongeait de plus en plus profondément dans la couleur, essayant de ressentir son essence et de m’intégrer à elle, comme si je perdais, progressivement, le sens de moi-même dans cette présence irrésistible. Chacune des couleurs faisait raisonner en moi des sentiments différents et c’était comme si elle me jouait un accord, jouant une note à
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« Donna Williams ne pouvait utiliser qu'un seul canal sensoriel à la fois. Si elle écoute quelqu'un parler, elle est incapable de percevoir un chat sautant sur ses genoux. Si elle s'occupe du chat, alors sa perception de la parole est bloquée. Elle se rendait compte qu'il y avait quelque chose de noir sur ses genoux, mais elle ne pouvait pas le reconnaître comme étant un chat jusqu'à ce qu'elle arrête d'écouter son ami parler.» « Kins, un homme autiste, a ajouté que si quelqu'un le regardait dans les yeux, « son esprit devenait vierge et sa pensée s'arrêtait ; c'était comme un état crépusculaire ». « Quelquefois, les canaux devenaient confus, comme quand les sons parviennent comme des couleurs ». Il a aussi dit que le fait de toucher la partie inférieure de son visage lui causait une sensation similaire à un son. Donna m'a dit qu'elle avait parfois des difficultés à déterminer où sont les limites de son corps. » Jim
« à l’école des choses étranges m’arrivaient. J’avais des visions en observant des enfants que je connaissais… J’ai commencé à vérifier la véracité de ces visions après des amis qu’elles concernaient… Curieusement, j’avais vu juste, jusqu’au plus petit détail. Cela n’était pas quelque chose que j’avais contrôlé, c’était seulement venu dans ma tête, comme ça, mais cela me faisait peur. »
la fois. » (Donna Williams). « Lors des départs en promenade à la campagne, Garance dit « Il faut la canne ». […] Elle ne s’appuie pas sur le bâton pour s’équilibrer, mais elle l’appose verticalement sur son dos, le laissant volontairement frotter le bitume. Une sourde vibration se propage dans tout son dos, effilochant le bois avec le temps. La canne devient amarre. Garance entre en résonance avec la route. Son corps, relié à la terre, peut ainsi parcourir d’infinis paysages.» (Ecouter Haendel) En résonance avec les gens, les autistes peuvent sentir, voir, entendre les émotions et la douleur des autres. La rêverie, c’est en quelque sorte un sixième sens, une certaine clairvoyance, permettant la prémonition, des perceptions extrasensorielles. Les autistes décrivent ce types d’expériences avec une certaine réticence car ils n’aiment pas être pris pour des médiums ou se sentir discrédités.
angles de vision et interprétation personnelle de la vision périphérique
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OBJECTIFS ET STRATEGIES EDUCATIVES
Effectuer le plus tôt possible un diagnostic est déterminant car ça conditionne l'évolution ultérieure de la personne autiste. La plasticité cérébrale permet à l'enfant, dès le plus jeune âge, d'apprendre de son environnement. Comme les autistes souffrent de complication à cause de cette différence de perception, sans soutien ni apprentissage personnalisé, les troubles de comportements s'installent profondément, engendrant exclusion et sur-handicap. Il faut donc apporter à l'enfant des méthodes pour favoriser ses expériences cognitives, relationnelles et émotionnelles qui ne se sont pas naturellement chez lui. Éduquer un enfant autiste, c'est l'aider à reconnaître les informations pertinentes pour les apprentissages sociaux et cognitifs. Pour que l'éducation ait un effet bénéfique maximum, il faut que l'intervenant sache s'adapter aux particularités de l'autisme et à chaque individu (intensité propres de l'autiste et pathologies associées qui lui sont propres). La mise en place d'apprentissages cognitifs transposables à la vie quotidienne permette de stimuler et maintenir éveiller l'intérêt pour l'environnement. Les lieux choisis pour l'éducation sont très importants car nul ne doit ignorer que les personnes autistes décodent de façon aberrante toutes les informations perçues dans son environnement. Le cadre doit donc être structuré, stabilisant et apportant les repères qui manquent à la personne autiste. Choisir des objectifs à courts termes permet d'éviter de mettre la personne en échec. De plus, l'intervenant prendra soin de choisi des activités réalistes et des apprentissages fonctionnels tenant compte de l'âge de la personne, de ses possibilités... Un système de communication sera mis en place (langage ou système alternatif) afin que la personne puisse exprimer ses besoins et formuler des demandes. Le renforcement positif est essentiel, il faut tenir compte de ce que la personne autiste considère comme une récompense (ce peut être très différent de la notre!). Le programme doit permettre une progression régulière et évaluer la personne permet de vérifier ses acquis. 42
Voici un aperçu des stratégies éducatives les plus connues : le programme TEACCH : Treatment and Education of Autistic and related Communication handicapped Children. Ce programme universitaire à été développé en Caroline du Nord par Eric Schopler dans les années 1970. Il établit un projet individualisé (Programme d’Education Individualisé) et met en place un environnement structuré visuellement afin de le rendre compréhensible et prévisible pour la personne autiste. Le but principal est l’augmentation de l’autonomie de la personne. La structuration visuelle porte sur l’organisation des espaces (espace de travail, de groupe, de jeux, de transition...), du temps (horaires, emploi du temps décomposé visuellement perceptible), des activités (préparer, organiser, travailler, ranger...), des modalités de travail (finalités du travail, concept de début et de fin). La collaboration avec les parents est essentielle pour identifier les aides et les services adaptés à leur enfant. Le programme TEACCH s’adapte autant aux enfants qu’aux adultes, dans les temps de vie à l’institution mais aussi à la maison et dans les temps de loisir. Intervention de type ABA : C’est un ensemble de stratégies d’interventions reposant sur des lois de l’apprentissage. La personne se développe en fonction des contextes dans lequel elle évolue, par rapport à un Antécédent précédent son comportement (Behaviour) suivi d’une Conséquence qui doit être perçue comme positive et fait donc office de renforcement positif. Les stratégies ABA reposent donc sur une analyse de comportement appliquée visant à encourager les comportements positifs (apprendre à parler, développer son autonomie...) et comprendre pour désamorcer les comportements négatifs (automutilation, frapper, crier...). Le développement social et émotionnel est également fondamental car la personne autiste ne possède pas en général les compétences pour exprimer ses propres émotions et comprendre celles des autres. Il s’agit donc d’aider la personne à exprimer ses émotions d’une façon adaptée, d’effectuer le couplage entre émotions et expressions faciales, vocales ou posturales. Intervention Floor Time : Développée par Stanley Greenspan il y a une quinzaine d’année, cette méthode vise à stimuler par le jeu les capacités d’échange social et la régulation des émotions entre les enfants. L’intervenant cherche à jouer avec l’enfant et à le pousser à aller plus loin.
l’importance du renforcement positif dans la méthode ABA
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la question de la QUALITE DE VIE DES PERSONNES AUTISTES Nous savons, nous savons maintenant que jamais... : Jamais Garance ne s' exprimera et ne vivra tout à fait normalement. Jamais de vrais jeux, de jeux d'enfants, jeux de société. Jamais de passage dans la classe supérieure. Elle ne lira pas les grandes œuvres Elle n'aura peut-être pas d'amant Elle n'aura sans doute pas d'enfant Pas de vrai métier Pas de grands rêves et projets d'avenir Pas de grandes espérances Pas de possibilité de voyager seule, de s'évader, libre les parents de Garance dans Ecouter Haendel
le regard de l’autre Quel regard portons-nous sur ce qui est différent? souvent, un regard emprunt de curiosité, avec parfois une pointe de recul, d'hésitation, une certaine méfiance... Mais quel regard portons-nous sur ceux qui sont différents? Italo Calvino, dans La journée d’un scrutateur, nous livre les pensées d’un communiste appelé à surveiller la régularité des votes au Cottolengo, un hospice religieux de Turin. Alors qu’il assiste au défilé des difformes, des invalides, des ahuris, des débiles, endoctrinés à voter pour la Démocratie Chrétienne et participant inconsciemment à ce grand trucage, il est mu par une interrogation : où tracer la limite de ce qui est un homme? « C’était une Italie cachée qui défilait à travers la salle, le revers de celle qui s’étale au grand jour, qui sillonne les routes, qui se congratule, produit et consomme, c’était aussi le secret des familles et des villages.. (... ) Les religieuses, non ; elles posaient devant l'objectif comme si leur visage ne leur appartenait plus – et le résultat était parfait. … Mais n'était-ce pas aussi bien devenir semblable aux crétins complets ? Eux aussi, sur leurs cartes d'identité toutes fraîches, se montraient heureux et photogéniques. (…) En revanche, ceux qui restent à mi chemin, les diminués, les inadaptés, les retardés, les névrosés, tous ceux pour qui la ie n'est que difficulté et désarroi, quel désastre que leurs photos ! (... )
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Certes, la frontière entre l'homme du Cottolengo et l'homme sain est imprécise : qu'avons-nous, au fond, de plus que lui ? Des articulations un peu plus souples, un peu plus d'harmonie dans les proportions, une aptitude un peu meilleure à convertir nos sensations en pensées... Bien peu de chose, en vérité, au regard de ce que ni lui ni nous ne réussissons à faire ni à savoir.. Trop peu de chose pour étayer la présomption que, nous, nous construisons notre histoire...» En dehors des situations où la présence de personnes différentes nous est imposée, bien souvent, nous les évitons du regard, les ignorons autant que ce peut, car ils nous offrent une image bizarrement dérangeante. Nous ne savons pas comment nous comporter face à eux; nous perdons nos repères. Alors vient à notre esprit ce qu’on nous a appris : être poli, tout en établissant une distance bienveillante, faire preuve d’empathie, d’une certaine compassion... On essaye d’être aussi naturel que possible mais pourtant tout sonne faux. Il semble donc que la différence physique ou mentale engendre plus souvent la confusion que le résonnement et, comme le disent les parents de Garance, «le refus et le silence prudent sont fréquents tandis que la recherche du contact avec la différence nécessite, elle, une mise à nue.» Mettre à nu. Le mot est lancé. La vie société nous drape d’une couche de bienséance, de bonnes manières et de bonnes conduites, et sans cette enveloppe, nous voilà nus comme des vers face à la différence. Et les autistes, si étrangers à ce code implicite de vie en société, n’en n’ont que faire de toutes ces règles... du coup, pour celui qui l’accompagne, «le drame vient du regard de l’autre. Sommes-nous capables d’assumer l’image qu’il nous renvoie ? Dans un lieu public, doit-on feindre la normalité et laisser passer inaperçus les interjections, les bruits incongrus produits par Garance ? Ou doit-on au contraire la réprimander gentiment et l’inciter à parler à voix basse, laissant entendre que l’on supporte sans ciller sa différence ?» Pourtant, je partage avec Philippe Forest le sentiment que les «grands autistes» ont ce petit quelque chose qui les rend si particuliers, cette façon d’être face au monde qui nous renvoit non seulement sur notre propre façon d’être mais aussi nous interroge sur la nature du monde lui-même :
« Il n’est qu’ un seul monde et les autistes le partagent avec nous, mais la façon distante qu’ils ont de l’habiter nous donne à penser que l’univers lui-même se dédouble, qu’ une frontière invisible le traverse de part et d’autre de laquelle nous nous regardons sans pouvoir nous parler, nous comprendre. Les autistes donnent l’impression de s’être retirés si loin de nous que leur présence, leur proximité n’ôtent rien à la pure étrangeté de leur être. A un moment (...) ils sont passés discrètement de l’autre côté du miroir. Ils ont élu domicile dans un pays de merveilles et de terreurs ou l’expression sidérée de leur visage paraît exprimer l’extase aussi souvent que l’ angoisse.»
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La série Miroir de Fabienne Rivory, exprime bien, à mon sens, l’endroit et l’envers des phénomènes, des perceptions, des façons d’exister.
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parlons d’ integration « Penser que l'intégration consiste uniquement à fréquenter les même lieux que les personnes ordinaires mais aux heures hors public est un faux projet. La qualité d'une intégration s'évalue probablement plus au travers du nombre de contacts échangés que des lieux fréquentés» L'autisme, où en est-on aujourd'hui?
Il est possible que Garance entrevoie une différence entre les êtres ordinaires et les autres, souffrant d’un retard mental par exemple. En leur présence, elle ressent une attirance et s’élance spontanément vers eux. (…) elle avait montré (…) une sorte de curiosité bienveillante, une sensibilité commune. Ecouter Haendel
Tout d'abord, qu'est-ce que signifie intégrer ? D'après le Larousse, intégrer, c'est « insérer quelque chose dans quelque chose, l'y incorporer, le faire entrer dans un ensemble. C'est faire que quelqu'un, un groupe, ne soit plus étranger à une collectivité, qu'il s'y assimile. C'est recevoir et comporter en soi un élément qui originellement était extérieur ou distinct ». Le contexte est posé. Les personnes handicapées, puisqu'on dit tant tenir à les intégrer, signifie qu'elles constituent à priori un groupe étranger, distinct que nous essayons de faire entrer dans notre société, cette masse constituée par les personnes assez similaires dans leur différences pour pouvoir être considérées comme constituant un groupe homogène, celui des non-handicapés, la norme, en quelque sortes. Il est souvent difficile de dire si les autistes perçoivent leur propre différence, tant la gravité des symptômes dépend d’une personne à une autre. Cependant, il est intéressant de noter que certains, comme Garance, semblent capable de reconnaître la différence autours d’eux, et modifient leur comportement en conséquence. Quand différents types de handicaps se croisent, les situations prennent parfois une tournure cocasse, ou attendrissante... Plus le regard est absent et le visage inexpressif, plus Garance est attirée par son mystère. (…) Un doigt posé sur la bouche, le voyageur sous-entend qu'il ne peut échanger avec des mots. Il est muet ? Il descend, peu de temps après, de l'autobus. Il reste un instant immobile sur le trottoir, et esquisse de la main un au revoir en direction de la petite passagère, celle qui lui a permis un cour instant d'exister dans le regard des autres. Garance a rendez-vous chez le coiffeur. (…) Arrive alors un monsieur, qu’on installe à côté d’elle. Le monsieur est aveugle. (…) Et puis il entend le dialogue de sourds de Garance avec la demoiselle, qui consiste à ne pas tenir compte des réponses aux questions qu’elle pose. Il se met à sourire de nouveau. De quoi ? Du comique absurde de leur situation, de leurs inadaptations inopinément réunies, des avantages d’un handicap sur un autre ? Nous sommes tous sauvés par le rire.
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Il y aurait donc un lien particulier qui se crée entre personnes handicapées. A mon arrivée au Kinnor, je me demandais si les personnes allaient naturellement se «regrouper» par type de handicap, un peu comme les groupes d’origines différentes... et bien, pas du tout. J’ai pu voir des amitiés et des entraides se créer entre personnes trisomiques, psychotiques et autistes. Mais ces personnes créent également l’entraide autours d’elles et nous font nouer avec les personnes extérieures des liens particuliers, comme lors des balades de fins d’après-midi au cours desquels nous rencontrons, dans le village, des passants que les vacanciers se plaisent à saluer. Garance est un lien précieux, privilégié, qui nous sort de l’anonymat, de la routine, nous fait regarder différemment. Elle est un lien avec tout le quartier, et débusque les sentiments de solidarité chez ceux qui savent les exprimer. Sa manière d’accorder de l’importance à la présence physique des êtres nous ouvre soudainement à un mode nouveau de relations. L’impression de vivre chaque moment comme au sommet de la sensation. Garance touche beaucoup, les mains, les visages, les vêtements, les personnes qui l’entourent, sans même leur porter un regard. (…) La froideur est le meilleur rempart contre les assauts de Garance, mais peu de gens s’obligent à cette attitude sage, pris au piège de la compassion, ou séduits par sa familiarité. Aborder Garance, comme tout enfant la différence énigmatique, c’est d’abord observer une attitude modeste, accepter de faire tableau rase de tout ce que l’on a appris en matière d’éducation. (qui veut) se tourner vers un autre amoindri, dévalorisé, parfois menaçant, dérangeant – et enfin tenter avec lui quelque entreprise ? Ainsi, il nous semble qu’au fond de chacun – et cela n’est pas scandaleux – il y a une très profonde envie de rester en retrait, de laisser qui de droit s’occuper de ce qui est une souffrance étrange, autre, qui ne le concerne pas. Pas beaucoup. 48
les lieux de vie « L'hospice carcéral, le cachot collectif, … se sont transformés depuis longtemps en une sorte de paysage en trompe l’œil : on y propose aux patients l'illusion calmement dédramatisée d'une campagne accueillante où se défaire, au grand air, du fardeau de la folie. » « l’hôpital psychiatrique moderne ressemble surtout aux colonies de vacances telles qu'elles existaient il y a encore vingt ou trente ans.…, L'asile ressemble moins à l'enfer qu'au paradis, si le paradis est bien un jardin, un jardin vaguement sinistre sans doute où les âmes n'ont d'autre perspective que l'étirement monotone d'une éternité désoeuvrée, où un ennui épais est partout perceptible. » Philippe Forest, dans Prés des acacias
Les personnes handicapées sont pendant longtemps restées à la charge de leur familles avant d’être placées en hospices et, plus tard, en centre adapté, foyer ou hôpital psychiatrique selon leurs difficultés. « Au Cottolengo, autrement dit « Petite maison de la Divine Providence » - à supposer connu de tous le rôle de cet énorme hospice : donne asile, parmi tant de malheureux, aux diminués, aux déficients, aux contrefaits, et plus bas même, à ces créatures cachées que nul n'a le droit de voir - … A l’origine, on avait dû trouver ici la chaleur d’une pitié qui enveloppait les gens, les choses (… ) une chaleur qui avait du créer, entre bienfaiteurs et secourus, l’image d’une société différente, où ce qui comptait n’était pas l’intérêt, mais la vie.» (Calvino, La journée d’un scrutateur)
De nos jours, les structures d’accueil ont largement évoluées et tendent à se spécialiser. Toutes essayent, autant que possible, de faire vivre les personnes avec handicap dans des conditions de vies similaires aux nôtres. Pourtant, les difficultés sont nombreuses, notamment à cause des questions de sécurité au regard de personnes ayant des troubles comportementaux et des déficits importants. Comment s’assurer de la sécurité de tous lorsque les besoins sont différents, sans pour autant limiter la liberté de chacun? Est-ce parce qu’une personne a un tempérament fugueur qu’il faut fermer toutes les portes? Les conditions de vie des pensionnaires ne peuvent être uniquement régies par les normes. Du point de vue de l’architecture, il est conseillé qu’elle soit de taille assez importante pour permettre la mise en place d’espaces différenciés. Les personnes doivent pouvoir évoluer au sein de différents espaces dédiés à des activités, à la vie collective et à la vie privée. Pendant la journée au Kinnor se succèdent des mondes différents : du monde intimiste, réduit, de la chambre, à celui de la salle à manger communautaire; du château intermédiaire, du parc et enfin celle du grand paysage avec la promenade. Le monde s’ouvre au fur et à mesure de la journée puisque la balade se fait en fin d’après midi.
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les activites
« Au rien de leur vie, on a longtemps abandonné les fous. Mais si une existence n’est rien, alors celui qui la vit immanquablement deviendra personne. La folie appelle la folie et l’asile fournit le territoire propice à une telle dégringolade irréversible (... ) Concernant les (grands) autistes, la tentation du renoncement est d’autant plus forte que toute communication s’avère impossible. Avec eux, quoi qu’on fasse, il semble utopique d’espérer distraire les malades de ce rien où ils s’absorbent. Le désœuvrement, en un sens, est leur plus totale passion. Et il est facile de se convaincre que d’une manière mystérieuse il y trouvent au fond leur compte. Les années pourraient donc s’écouler ainsi, chacun paraissant s’accommoder de l’inexorable néant du temps. (...) Le pari thérapeutique pris avec les autistes adultes consiste à donner forme et substance au rien quotidien de leur existence en tentant de les occuper, c’est à dire de les arracher doucement à leur désœuvrement. Au divertissement, à toutes sortes de distractions, on attribue les mêmes vertus curatives, éducatives, ou en tout cas apaisantes, que la psychiatrie d’autrefois, dans la clôture austère de l’asile, reconnaissait au travail et à toutes les formes rigoureuses de discipline du corps et de l’esprit. »
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Rassemblement explicatif concernant le déroulement de l’atelier du matin < Philippe Forest, dans Prés des acacias
« Les infirmiers avaient constaté que les autistes, lors d'accueil en petits groupes ou bien lors de séjours de fin de semaine à l'extérieur de l'hôpital avaient des comportements différents. Les troubles les plus bruyants disparaissaient dans ces contextes privilégiés, l'autonomie y était de meilleure qualité et les symptômes s'y transformaient pour devenir expression personnelle, non celle d'une maladie.» Hubert Bouvry, dans Prés des acacias
Une fois par mois au moins, les infirmiers de Seglas entraînent les autistes en promenade, loin du pavillon des Acacias. Mais comme on ignore absolument tout de ce qui les intéresse, comme ils ne manifestent jamais ni désir ni préférence et qu’ils se laissent seulement docilement guider où qu’on les conduise, personne ne peut dire que les balades dans la campagne, les visites au zoo, les après-midis passés dans les sites touristiques de la région ou les courses effectuées dans les centres commerciaux leur procurent un quelconque plaisir.
La question des activités est intéressante car elles ne peuvent être uniquement occupationnelles. «Chacun doit accorder une valeur à ses actions. Comment permettre aux personnes autistes de relier leurs occupations à une signification, de percevoir le bénéfice qu’elles en tirent pour elle-même, leurs proches, la collectivité ? Il faut favoriser des activités occupationnelles ayant un impact direct sur l’amélioration du confort de vie, de l’autonomie, de la maîtrise de l’environnement. » (L’autisme, où en est-on aujourd’hui?) L’objectif d’une éducation adaptée est d’offrir une meilleure qualité de vie aux personnes autistes en les aidant à diminuer leur routine, augmenter leur autonomie et donc l’estime de soi. Améliorer la qualité de leurs interactions sociales et favoriser leur participation active au sein de la communauté est une finalité importante. Au Kinnor, étant donné la qualité du site et le contexte particulier de vacances, on insiste sur les activités extérieures, s’inscrivant et puisant dans l’environnement entourant le château. Pas question ici de coller des gommettes à l’ombre sous le platane... La promenade d’après-midi donne aux autistes la possibilité de voir plus loin qu’eux-mêmes. Il s’agit de les ouvrir à autre chose que leur monde, c’est pourquoi il est important d’occuper de vastes lieux. Après la ballade, les vacanciers du Kinnor se retrouvent dans la petite chapelle pour partager ce qu’ils ont découvert dans la journée et ce qui leur a plu... bien entendu, dans le cas des autistes, il est souvent bien difficile d’avoir leur avis, car même les cas les plus léger rechignent à prendre parole en public. Pour déchiffrer leurs sentiments, il faudrait alors les observer très attentivement et noter s’il y a amélioration ou détérioration de leur comportement avant, pendant ou après les sorties.
Philippe Forest, dans Prés des acacias
ballade dans la campagne du Livarot >
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partie de football et détente à l’ombre / grand jeu par équipe l’après midi / Elyrose fait le bonheur des vacanciers
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être avec la personne et savoir créer l’ambiance, sont deux fondamentaux majeurs au Kinnor
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les autistes et le temps Pendant les vacances au Kinnor, les activités sont tellement diversifiées et l’emploi du temps bien rodé qu’il n’y a pas de temps pour s’ennuyer. Les trois semaines du séjour passent alors très vites et sont rythmées par l’alternance entre les ateliers créatifs artistiques (musique, danse, théâtre, cinéma, photographie...) débouchant sur une représentation, des «grands jeux» d’énigmes par équipe emmenant les vacanciers d’épreuves en épreuves autour du château et dans le village, des veillées à thèmes et des sorties en extérieur (baignade à Honfleur, bateau, pique-nique...). Pour autant, on a bien conscience qu’une telle densité d’activité est exceptionnelle et que dans leur quotidien, l’animation des personnes handicapées est extrêmement dépendante de la volonté des accompagnateurs. Pendant les courtes pauses, je n’ai que rarement pu observer les vacanciers s’adonner à activité (gribouillage sur du papier, écoute de radio...), souvent, ils se contentent de s’asseoir, et semblent alors attendre. Les bavards papotent, les autistes s’adonnent à leurs comportements obsessionnels... ces moments de rien me paraîtrait productif au premier regard... pourtant, on apprécie tous ces «temps de rien»... pourquoi le leur retirer? Comment , parfois, pouvons-nous si facilement tomber dans l’erreur de juger de l’importance de certains moments uniquement par la production qui en découle ? Il me semble, au contraire, que de courtes périodes de rien, au milieu d’un emploi du temps bien rempli, permettent à chacun de «se retrouver» avant de pouvoir continuer à partager et participer du mouvement de groupe. Néanmoins, force est de constater que l’impression dégagée par «le temps de rien» diffère radicalement selon les populations qui la vivent. A en croire Philippe Forest, qui se trouvait au milieu de grands autistes pendant assez longtemps, la vie semble être l’étirement infini du rien, ce qui est on ne peut plus en contraste avec notre façon d’aborder le temps, la vie, ses occupations. « Nous vivons dans le temps haletant où, par anticipation, l’horizon de l’avenir commande à l’excitation de nos vies : de nouveaux plaisirs, de nouveaux projets, de nouveaux amours (...), l’accélération sans trêve où chaque expérience inédite oblitère celle qui la précède puis s’oublie aussitôt dans celle qui lui succède. Eux sont dans la lenteur même du temps, dans le ralentissement extrême de la perception, de la sensation. Chaque instant nouveau se démultiplie à l’infini et ouvre dans le plus bref fragment de temps une profondeur inépuisable et fascinante.»
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L’impression sidérante que produit d’abord l’univers dans lequel vivent les autistes est la suivante : dans ce monde là, il ne se passe rien, jamais rien, rigoureusement rien et ce rien se répète inlassablement dans la douce et écœurante absence du temps. Le temps, ainsi, suspend son vol, les heures arrêtent leurs cours. Le rêve des poètes, des mystiques ironiquement se réalise, mais pour les malades qui le vivent, ce rêve prend un visage interminablement cruel. L’autiste passe hors du temps et s’y installe en un lieu impensé auquel la raison interdit l’accès durable. L’enchaînement des heures, des jours, des années, pour lui seul, ne vaut plus et cette délivrance l’enchaîne à une sorte de perpétuel présent.
«Le commerce avec Garance est la seule façon de l'extraire de l'isolement dans lequel sa perception différente du monde l'a placée, convaincus que tout doit être entrepris pour rompre cet isolement dans toutes ses manifestations, convaincus que c'est en la considérant toujours comme devant appartenir par tous les moyens, toutes les facultés, tous les signes, modestes ou signifiants, à la communauté de ses semblables, qu'elle sera un être qui s'acceptera lui même, sachant avant tout qu'elle est un être de nous accepté.» Ecouter Haendel
Quelque soit la situation, Yves, statue tremblotante, ne semblait jamais changer. .. jusqu’à ce qu’il pénétra dans l’eau.
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nous, animaux Depuis quelques pages, nous nous «frottons aux autistes», essayons de comprendre dans quel mode ils vivent ce monde que nous partageons. Leur différence nous interpelle et nous ne savons trop comment nous positionner... alors nous les observons, un peu à la façon des éthologues. En l’absence de parole, il ne reste que le regard ou le geste pour nous sauver de ce silence blanc. Il semble exister entre les autistes et nous une frontière que, par de multiples tentatives, nous essayons d’amincir, en les tirant dans notre monde, comme on tire un enfant capricieux par la manche quand la patience manque, mais aussi un peu à la façon de l’homme domestiquant les animaux, du chuchoteur à l’oreille des chevaux qui, pour désensibiliser l’animal, le contraindra à sa présence en entrant dans son espace de liberté comme on percerait une bulle, mais, sachant s’en retirer après acceptation de l’animal, le fera finalement venir à lui. Loin de moi l’idée d’offusquer qui que ce soit en comparant les autistes et les bêtes... d’ailleurs, je n’y vois personnellement rien de choquant : nous sommes animaux; et il n’y a que dans le monde des neurotypiques que nous considérons les autistes comme étant des personnes infirmes. Les paons, l’âne et la jument du château ne font pas tant de manières, ils ne posent pas de barrière, ils ne prétendent pas; ils sont, simplement, ils partagent ce même monde... et les autistes les adore. Comment expliquer le succès des thérapies par les animaux? La clef de la réponse se trouve peut-être dans l’observation attentive de la nature de notre relation avec eux... et je me contenterai de nourrir le rouet du fil de ma pensée d’un chapelet d’extraits issus du livre de J.C. Bailly, Le versant animal. Au départ, que ce soit avec les autistes ou les animaux, ce même sentiment à l’issu de la rencontre : « En aucune façon je n’avais pénétré ce monde, au contraire, c’est bien plutôt comme si son étrangeté s’était à nouveau déclarée, comme si j’avais justement été admis à voir un instant ce dont comme être humain je serai toujours exclu, soit cet espace sans noms et sans projet dans lequel librement l’animal fraye, soit cette autre façon d’être au monde dont tant de penseurs, à travers les âges, ont fait une toile de fond pour mieux pouvoir spécifier le règne de l’homme – alors il m’a toujours semblé qu’elle devait être pensée pour elle-même, comme une autre tenue, un autre élan et tout simplement une autre modalité de l’être.» «Une autre modalité de l’être» : voilà, selon mon interprétation, le juste mot résonnant avec ces mondes et ces modes perceptifs que je décrivais quelques pages auparavant. Et entre ces différentes modalités de l’être (issus de ces modes de perceptions et de représentation) les hommes semblent avoir érigé plus de murs qu’ils n’ont jeté 58
Etre cheval
de ponts, avec, en conséquence, le sentiment d’existence d’une frontière que nous cherchons à identifier. Frontière entre les hommes et les animaux, mais aussi entre les hommes eux-même et, comme le scrutateur au Cottolengo s’interrogeant sur la frontière entre l’homme du Cottolengo et l’homme sain; l’Homme doute. Et, peutêtre, dans ce que je considère comme une tentative de protection, pour mieux se rassurer de son identité, il observe, mesure, dissèque, classe et crée des catégories, cherchant à mettre de l’ordre dans le chaos infini des diversités et des variations. Mais les animaux, eux, n’en n’ont que faire de savoir dans quelle catégorie ils appartiennent, car ils savent qui ils sont et, du haut de leur certitude, ils jouent avec nous : « c’est que cette limite frontière entre l’homme et la bête, les animaux, sans efforts, librement, n’ont jamais cessé de la rendre vacillante. C’est ce vacillement qui est au point de contact avant l’affect. Le contact est toujours vacillant, la rencontre raconte et même stipule la différence : la différence est là, elle est comme un abîme et cet abîme est infranchissable.
Etre Nicolas
«Abîme infranchissable» : c’est probablement ce que les quelques jours passés aux Acacias auprès des grands autistes a du inspirer comme sentiment chez Michel Forest. Pourtant, si tenté que je puisse prétendre imaginer la pensée d’un cheval, il ne me semble pas qu’Elyrose m’ait donné le sentiment, par son comportement, d’avoir considéré que si l’homme se trouve à une distance X d’elle (distance identitaire, comportementale), alors l’autiste serait, par son identité «d’humain infirme», placé à une distance de deux fois supérieure. Au contraire, il me semble que leur mode de communication était plus serein. En somme, un peu comme si leurs modalités d’être s’imbriquaient de façon plus paisible que la notre... jusqu’à parfois se superposer et se brouiller, comme dans les expériences de résonances que j’ai décrites au chapitre précédent: «Souvent, il se tenait des heures à regarder un veau, la tête, les yeux, les oreilles, le mufle, les naseaux ; et à l’instar de ce qu’il faisait avec un étranger, il se pressait le plus qu’il pouvait contre celui-ci, pris souvent de cette folle idée qu’il pourrait peu à peu pénétrer en pensée dans cet animal – il lui était essentiel de savoir la différence entre lui et la bête- et parfois il s’oubliait tellement dans la contemplation soutenue de la bête qu’il croyait réellement avoir un instant ressenti l’espèce d’existence d’un tel être.» (Anton Reiser, de Karl Moritz). (...) L’espèce d’existence qu’Anton Reiser finit par ressentir en cet être n’est pas quelque chose que la raison déduirait ou concéderait, elle est ce qui naît dans le vacillement de toute frontière. Effaçant la distance, Anton Reiser efface la limite, il vogue avec le veau dans l’illimité et c’est depuis cet illimité qu’il entend monter une rumeur dans laquelle il peut reconnaître ou toucher ce qu’il ne peut dès lors nommer qu’existence, espèce d’existence, fonds d’existence.» 59
Ainsi, peut-être, à la façon d’Anton Reiser, certains autistes, humains libérés de quelques carcans, auraient davantage de facilité de se rencontrer avec les animaux et d’effleurer ces fonds d’existences. Ils s’y trouveraient bien, car «Peut-être est-ce seulement là, auprès des animaux donc, que l’on rencontre véritablement l’entière et mirifique conjugaison du verbe être … une déclinaison infinie des états, des postures et des modes d’être : être brochet, être gnou, être singe et, parmi les singes, être vervet ou magot […] et oserais-je ajouter, être homme, et parmi les hommes, être handicapé ou pas, et parmi les handicapés, handicapé mental ou physique, et parmi les handicapés mentaux, être psychotique, trisomique ou autiste, et parmi les autistes, être Christine, Marie Astride, Eric, Alfa, Himmed, Mourat, Sébastien, Yves ou Nicolas... « Nous sommes ici exactement au point noué par Uexküll avec le concept d’Umwelt, qui désigne le réseau ouvert des possibles autour de chaque corps de comportement, la pelote que chaque animal se forme en s’enroulant dans le monde selon ses moyens, avec son système nerv eux, ses sens, sa forme, ses outils, sa mobilité. Ces pelotes dont Heidegger (…) fera l’équivalent de systèmes captifs au sein desquels l’animal est soumis à la stupeur et à la répétition, il est au contraire possible, si on les démêle avec plus de patience, de voir en elles toutes une ingénierie : des systèmes, en effet, mais à fils nombreux et à connexions multiples formant des paliers, des réseaux de marques, des limites, et qui aboutissent, pour chaque individu, à une composition. De telle sorte qu’on débouche sur des procédures d’intelligibilité (hétérogène, sans doute, à nos régimes de sens), et sur des accordéons de questions et de réponses, par conséquent sur des formes d’individuation.» A ce point là, ce qui est étonnant c’est de constater à quel point il est facile d’oublier ces hétérogénéités, ces différences de procédures d’intelligibilités, et, dans un certain sens, ces sensibilités. Pourquoi avons-nous alors tellement tendance à généraliser et donc à catégoriser ce qui est relatif au «normal» ou au «pathologique», renforçant, par là même, ces barrières entres personnes au lieu de tenter de les amoindrir? Ce qui s’ouvre par là, ce n’est pas une discussion sur « l’intelligence animale », avec tout son cortège d’évaluations quantitatives, c’est la possibilité qu’il y ait, pour le sens, d’autres incorporations et d’autres voies que celles que le seul Umwelt humain capture, c’est, en d’autres termes, qu’il n’y ait pas d’exclusivité humaine du sens. Des nuages d’intelligibilité flottent autour de nous et s’entrecroisent, s’étendent, se rétractent. (…) mais dans tous les cas la pelote formée avec le monde, quelle que soit sa valeur d’enveloppement, constituera un territoire, un monde : et le monde n’est rien d’autre que l’interpénétration de tous ces territoires entre eux, que « l’enveloppement des Umwelten les uns dans les autres », pour reprendre une formule de Merleau-Ponty.
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Ce dernier paragraphe conclue cette petite réflexion sur la relation homme animale, mais aussi, par extrapolation, la question de la relation homme à homme, puisqu’il n’y a, à mon avis, non seulement pas d’exclusivité humaine du sens mais pas non plus d’homogénéité au sein de l’Umwelt humain. Ainsi, les «nuages d’intelligibilités» entre tous les hommes diffèrent, et parce que nous dressons trop de barrières entre les êtres, ils ne peuvent s’interpénétrer de la façon la plus positive et productrice possible. Mon intention de projet, dans la propriété de Fervaques, est de créer un monde physique qui soit un support approprié pour que ces Umwelten s’enveloppent avec bienveillance, et que cet enveloppement nous permet de progresser dans notre connaissance de nous-même, mais aussi dans celle des autres, afin d’aborder ce monde que nous partageons avec un regard, si ce n’est libéré de ses oeillères, en tout cas, avec le temps, plus ouvert.
Jeune homme trisomique prenant soin, avec grande douceur, d’Elyrose
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du plaisir a la therapie l’homme et les jardins, une histoire d’amour qui ne date pas d’hier Reconsidérer l’histoire des jardins sous l’angle, si ce n’est de la thérapie, au moins des bienfaits, permet de se rendre compte qu’à chaque période, l’homme a considéré les jardins non seulement comme source de bonheur des sens mais aussi comme sanctuaire de l’esprit. La notion de jardin thérapeutique n’est absolument pas une invention de notre siècle, au contraire... Retraçons un peu plus en détail cette histoire... C’est au néolithique, avec la sédentarisation, que naissent les premiers jardins. En 2000 avant Jésus Christ, en Mésopotamie, se développent des arbres, fleurs et pièces d’eau autour des palais. En Égypte, ce sont les potagers et les jardins décoratifs qui fleurissent. L’Égypte, c’est l’émotion sensible du détail et le jardin le théâtre du lien entre les hommes et les femmes. En Perse, tous les sens sont en émois grâce aux jardins s’articulant autour de différents bassins dont les étranglements des canaux bercent les oreilles d’une douce mélodie. Ceci sera largement repris dans les jardins du monde arabe, offrant en spectacle une nature artificialisation sous forme artistique: c’est le jardin-oasis, décrit dans le Coran, ce le lieu de plaisir et de sensualité, dont la force de l’expérience accroît la beauté même de celui-ci. En Grèce archaïque, les vergers sont nourriciers, esthétiques, odorants; ils représentent un idéal de la cité et une exubérance jardinière. Le concept de jardin philosophe émerge en Grèce classique: la pensée, comme le jardinage, prend du temps. A Rome, les valeurs fondamentales sont liées à celles de la terre. Les villes s’entourent de ceintures légumières et de jardins d’agréments. Lors du dépérissement de l’empire romain, les penseurs se forcent à effectuer un retour à ces valeurs, ils incitent à se replonger dans la terre pour se ressourcer. Certains lieux sont la base de promenades philosophiques. Trois états de nature se dégagent: la nature sauvage; la nature telle que transformée par les agriculteurs et le jardin, nature conduite par une volonté d’art. 62
"Dans la miniature persane, ce n'est pas dans sa réalité ou sa présence, mais dans son image de miroir magique, ayant perdu son ombre et son poids pour se métamorphoser en apparence et en pure couleur immatérielle, que le monde se révèle, dans la lumière, être paradisiaque : un jardin, selon l'ancien archétype du paradis depuis les anciens Perses pour qui "la terre elle-même était une vision " Corbin
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Fresque de la tombe de Nebamun, Thebes, 1400 av J-C
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Homay et Humayun au jardin, MusĂŠe des Arts DĂŠcoratifs, Paris
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Le Moyen-âge est une période de très grande richesse littéraire et imaginaire pour le jardin. La nature, moins maîtrisée à cause des nombreux troubles qui ont secoués sa première période, en font un espace symbolique. Alors que la montagne, la mer et la forêts sont des endroits redoutés, la campagne, au contraire, est glorifiée. Tout, dans le paysage, est interprété comme manifestation divine. On classe les plantes en trois ordres: celles qui sont cultivées pour leur intérêt alimentaire, les plantes médicinales et les décoratives (il n’en n’existe alors que trois dans cette dernière catégorie!). Un peu plus tard, les jardins sont le lieu de l’amour profane. Contempler la nature, c’est contempler l’œuvre de Dieu. Le jardin se décline en jardin de l’âme et jardin du cœur. L’éden, paradis initial, prend une importance toute particulière. Les jardins clos représentent la virginité. Les fleurs et les parfums sont des vertus. Les cloîtres s’imposent comme jardins de méditation: jardiner implique donc de méditer, ouvrant le chemin à une meilleure relation à Dieu. L’âme est décrite comme un jardin, chacun étant appelé à développer son intériorité. Dans la seconde moitié du Moyen-âge, l’amour des êtres ne se sépare pas de celui de la nature; naissent alors les jardins du cœur et de l’amour. On parle de sensualité, et le Roman de la Rose décrit une quête d’amour s’effectuant dans un jardin. Les jardins d’agrément ravissent les sens et le jardin clos, séquencé, est architecturé, à l’esthétique géométrique. La Renaissance italienne ouvre les jardins sur le paysage. La nature répond à un ordre géométrique ; les esprits se partagent entre versant rationnel et l’univers fantasmatique du chaos. Le jardin de Bomarzo est un voyage emmenant le promeneur de chaos vers l’ordre. Du côté français, on honore Dieu en entretenant la nature. Bernard Palissy écrit Recepte véritable, leçon de morale contre la folie. Il invente le concept de sapience (sagesse et science) : pour lui, connaître la nature, c’est la sagesse chrétienne. Le vice trouve son origine en ville et le jardin devient refuge moral. Dans l’Angleterre du 18ème siècle, la sensibilité a la part belle. Alors que la Renaissance française a fait du paysage un jardin, les anglais proposent l’inverse. Le jardin anglais est une série de propositions successives, offrant la sensation de changement et du temps qui passe. En 1690, Locke écrit l’Essai de l’entendement humain sur la perception, les sentiments et la naissance des idées. Il s’intéresse particulièrement aux effets de la nature sur l’homme. Contemplation, mélancolie et réflexion sont les maîtres mots de cette période. Pour René Louis de Girardin, appartenant à la mouvance des encyclopédies, la nature a la capacité de recréer du nouveau et le jardin est une machine pédagogique pour former un homme nouveau. Il pense que le jardin peut faire naître des pensées heureuses.
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1- jardin des simples 2 - hortus conclusus 3 - jardin d’agrément 4 - jardin de la rose
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En Orient, la nature est considérée comme le véhicule des sentiments et l’homme en fait partie intégrante. La promenade se fait méditation par plaisirs successifs. Pour Confucius, le jardin se pose comme base de pratique d’activités intellectuelles et artistiques. Le Taoisme recherche la fabrique constante de l’équilibre. Les jardins deviennent des mondes miniatures. Le Japon n’est pas en reste dans la culture des jardins, bien que celle-ci soit postérieure à la Chine puisque dérivant d’elle. Niwasono définit la réunion de la parcelle cultivée et du sauvage. Sei Shonagon, femme de lettre et auteur des Notes de chevet, exprime la qualité du regard et le bienfait conséquent à l’attention portées sur les choses agréables. Les jardins japonais sont une promenade projection depuis un lieu et par l’emprunt, ils convoquent un ailleurs géographique ou temporel. En Europe, le 19ème siècle se veut jardinesque sur fond de révolution industrielle. Haussmann plante de nombreux arbres dans la capitale : la nature est considérée comme une solution de santé et s’inscrit dans la pensée hygiéniste de l’époque. Les jardins ouvriers et cités jardins naissent, les grandes métropoles recherchent l’équilibre entre urbanisation et nature. On pense les villes nouvelles avec la croyance que la vie à proximité d’un parc (donc de la nature) « fabrique » des personnes meilleures. Cette idée de sauvetage de l’homme par la nature décide alors de nombreux actes urbanistiques.
la petite histoire des jardins therapeutiques Comme nous avons pu le constater, durant les époques, les jardins ont été des lieux de retraite familiale ou le lieu du théâtre de la mise en scène publique; ils ont été un lien avec les divinités ou la base de ce qui fait notre quotidien (cultiver la terre pour survivre). Quand les époques ont mis l'accent sur la religion, les jardins sont de véritables lieux de thérapie, diminuant la douleur, aidant le patient à retrouver un équilibre. De tels jardins seraient qualifiés de nos jours de jardins « à but réparateur, revitalisant ». Ils mettent en place un espace favorisant la sensation de bien-être et l'émergence de pensées plus positives. Pour les personnes en bonne santé, de tels jardins permettent d'encourager la sociabilité, la relaxation et la contemplation; ils créent un sentiment d'appartenance à la communauté. Pour les malades, ils permettent à la personne de s'apaiser, se restaurer... Au Moyen-âge fleurissent les hospices, lieu d'accueil des souffrants, des malades mentaux ou physiques, des vieux. Tous y reçoivent attention, soins médicaux et les conditions favorables à leur rétablissement. Les cours intérieures prennent alors l'allure de véritables jardins thérapeutiques. L'un des premiers hôpitaux psychiatrique 66
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BeautĂŠs dans le jardin aux Iris de Shuntei jardin japonais par Cyril Almeraz - jardin de Wang Wei
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s'est établi en Belgique à Gheel, la légende soutenant qu'ici se trouvait Dymphna, fille d'un Roi fou, assignée par Dieu pour s'occuper des malades mentaux. En France, Saint Bernard (1090-1153) décrit le cloître de l’abbaye de Clairvaux comme jardin thérapeutique. Comme dans la tradition persane, le jardin était divisé en quatre parties et en son centre se tenait une fontaine. Les moines plantaient souvent des Juniperus symbolisant la vie. La vue cadrée sur ce jardin très ordonné, et le ciel, était sensé encourager l'émergence de pensées positives. A la fin du Moyen-âge, le mysticisme diminuant grâce à une meilleure compréhension du monde entraîna petit à petit le déclin des monastères et, avec eux, l'idée qu'un espace méditatif ne pouvait être que clos. Débarrassés de leur signification religieuse, les cours intérieures et espaces ouverts de la Renaissance sont simplement devenus des espaces libres. Bien que les humanistes insistaient sur l'influence de l'environnement sur le développement de l'homme, peu fut fait pour alléger les souffrances des pauvres et la corruption des anciennes fondations de charité n'arrangea rien à la situation. Néanmoins, les progrès des sciences à cette époque semèrent les graines de l'amélioration. Au 15ème siècle, c'est l'Espagne qui est reconnue pour sa pratique de la médecine et les hôpitaux ont gardé leur jardin central, héritage de la tradition musulmane. A l'hôpital de Zaragoza, les malades mentaux ne sont pas confinés dans leurs cellules. Au contraire, ils suivent une routine établie les occupant durant toute la journée entre des travaux de maintenance des bâtiments et des jardins, de la ferme, de la vigne et des vergers. Cette méthode encourageant la sociabilité des patients sera connue au 19ème siècle sous le nom de «traitement moral». A la fin du 18ème siècle, on explique lie les bienfaits des jardins thérapeutiques à la pensée hygiéniste. Les bâtiments des hôpitaux changent de forme et se transforment en pavillons que la lumière inonde et entre lesquels l'air circule librement. Le mouvement romantique va accentuer cette attention portée aux espaces extérieurs, on semble alors redécouvrir les bienfaits de la nature et des jardins sur le mental. Goethe, dans son roman Werther, étudie en profondeur le thème de la dépression et son traitement tire toute sa force de la nature. En Europe et aux Etats-Unis, nombreux sont les hôpitaux s'établissant sur de larges parcelles, l'espace entre les pavillons offrant vue, lumière, et activités. Ces dernières différèrent selon les patients, les hôpitaux psychiatriques se spécialisant dans la thérapie horticole. En 1797, Riegels dit « it would ideally be in the teaching of these gardens that the very best medicine would be found ». A la Salpêtrière, le docteur Pinel reprit les bases du « traitement moral », son but étant de socialiser les patients en créant un environnement social et physique qui leur permettrait de se réaffirmer. Les maltraitances physiques et la contention sont abolies. Les patients sont amenés à effectuer de multiples activités en espaces extérieurs. En Pennsylvanie, les hôpitaux doivent être implantés sur des parcelles grandes d'une quarantaine d’hectares au minimum, et doivent s'ouvrir sur des points de vue agréables pour les patients. De telles méthodes thérapeutiques connurent un véritable succès
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mais ne purent être maintenues très longtemps car la demande devint trop importante et les fonds insuffisants. A partir du 20ème siècle, les patients devinrent bien souvent des numéros et les grands hôpitaux virent leur architecture pensée davantage pour leur aspect pratique que pour les bienfaits des malades. Les jardins, les balcons, les terrasses pour prendre le soleil disparurent progressivement; l'aménagement extérieur se limitant à l'embellissement de l'entrée de l’hôpital et à la mise en place d'une aire de stationnement pour les employés et les visiteurs. Cette tendance se généralisa bientôt à tous les types d'hôpitaux après la seconde guerre mondiale. Ainsi, aux Etats-Unis, la critique dira «Hospitals cure but don't care». Pour autant, l'existence des thérapies horticoles n'a jamais vraiment disparue, en tout cas dans le domaine de la maladie mentale. Dans les années 1970, aux USA, ces méthodes reprendront une telle importance qu'elles permettent de réintroduire des jardins au seins des cliniques et des hôpitaux offrant des séjours de soin de longue durée. En Europe, la démarche sera sensiblement similaire et l’enthousiasme pour les jardins thérapeutiques se poursuivra pour donner ce qu’on observe de nos jours. < l’abbaye de Clairvaux
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comment expliquer leurs bienfaits ? L'une des premières études sur le sujet, établie par Ulrich, montre que l'environnement naturel, ne serait-ce que présent à travers la vue depuis une fenêtre, permet déjà d'améliorer les conditions de rétablissement et de diminuer la durée des séjours à l'hôpital. A un niveau plus global, on pourrait émettre l'hypothèse que l'influence culturelle peut déterminer notre réponse au stimulus de nature, et sa réputation bienfaisante est assez ancrée dans notre esprit qu'elle en fait une réponse positive quelque soit sa forme : nature sauvage, cultivée, jardinée... Pourtant, cette réponse est tellement universelle qu'elle sous-entend des raisons supérieures à ce lien qui relève plus du besoin que de la simple envie ou attirance. Intuitivement, nous savons que «la nature nous fait du bien». Certaines hypothèses suggèrent que comme l'origine de notre espèce se trouve dans la savane africaine, nous avons tendance à reproduire ses caractéristiques dans nos jardins car notre attraction pour la savane est liée à notre capacité à survivre dans ce milieu. Nous savons lire la savane mieux que l'espace urbain, nous y sommes donc en meilleure sécurité, nous nous y sentons mieux. Nous percevons notre environnement comme un tout extensif mais pourtant compréhensible dont l'expérience passive et nous procure bien être et repos. Le sentiment d'être ailleurs encourage également ces bienfaits. Rachel Kaplan décrit le phénomène de «thereness» (présence) : la nature, par sa seule présence, semble avoir sur l'homme des effets bénéfiques bien que celuici n'en tire pas profit au maximum. Elle considère la nature comme apportant cohérence, lisibilité, complexité et mystère. Ces aspects sont de véritables lignes conductrices dans le dessin d'un jardin: la cohérence correspond à notre faculté à donner un sens au paysage ; la complexité s'incarne dans la richesse de la scène ; la lisibilité nous permet de lire et comprendre notre environnement; et le mystère, cette dimension finale, nous offre la promesse des surprises à venir. Nous savons tous que la maladie et l'hospitalisation font partie des moments les plus stressants de la vie d'une personne. Nous avons également perçu dans quel état de stress les personnes atteintes d'autisme se trouvaient la majorité du temps, et que des périodes de « repos » étaient primordiales pour leur permettre de diminuer les surcharges sensorielles dont ils étaient victimes. Or, les études effectuées en milieu hospitalier ont montré que la nature permettait de diminuer rapidement les effets du stress (rythme cardiaque, tension musculaire,...) et que les personnes se sentaient mieux. Il semblerait également que la combinaison «nature et eau» soit de loin la plus efficace. Les interactions extrêmement complexes entre notre environnement et notre conscience ont pour médiateurs les molécules et les structures impliquées dans les processus neuraux, permettent de modifier une myriade de réponses corporelles inconscientes nous menant à la sensation de bien-être. Alors que de nombreuses méthodes thérapeutiques nécessitent un certain entraînement pour accéder à ses bienfaits (la méditation n'en n'est qu'un exemple), il semblerait qu'aucune 70
« The quest for this relationship between our mind and the universe makes us first organize natural forms into easily grasped patterns and re-arrange them into new composition which please us by opening up fresh and less obvious fields of comprehension. » (source inconnue)
^ dans le parc du château, les sourires illuminent les visages des vacanciers
d'entre elle ne soit si directe, si efficace, et ne nécessitant aucune préparation que celle offerte par la nature. Notre évolution nous a préparé à être réceptifs à ses bienfaits, même si nous n'avons que très peu été en contact avec la nature. Le jardin est bien plus que « du vert », c'est une copie d'un habitat présélectionné abordé comme positif pour l'homme et ramené à son échelle. C'est un véritable refuge. Il nous aide à nous rétablir, et quand la guérison est impossible, au moins nous apporte-t-il une certaine paix. 71
approche philosophique du projet de jardins therapeutiques avant toute chose...
petite definition
Nos émotions affectent particulièrement la façon dont nous percevons notre environnement et nos réactions aux stimuli en émanant. Comprendre comment les personnes concernées perçoivent ce qui les entoure et y réagissent est un point crucial dans le développement du projet de jardin thérapeutique. Nous avons bien compris que la fonction des sens est de faire le lien entre ce qui nous est externe et interne. Or, ceci n'est que la première étape car interpréter un espace, c'est bien plus que faire sens de l'agencement de points, de lignes, de plans, de formes et de couleurs. Interpréter, c'est utiliser notre répertoire d'expériences individuelles, c'est distordre la réalité pour en faire notre sens. Il y a donc deux niveaux de distorsion : celui déjà présent au niveau de la perception (et nous avons vu à quel point cela peut être important chez les personnes autistes) et celui ajouté au niveau de l'interprétation.
Jardin thérapeutique : terme assez vague regroupant un large panel de jardins ayant en commun le but d'encourager le rétablissement et de réduire le stress des patients, des accompagnants, des visiteurs et des employés (de l'hôpital, du centre, etc). Le but ultime d'un jardin thérapeutique dépasse de loin le simple attrait « du vert ». En effet, il est catalyseur de lien social. Ceci est primordial pour la personne malade car elle doit sentir qu'on lui prête attention, qu'elle est estimée et encouragée à exprimer ses sentiments de façon libre; qu'elle appartient à un réseau social ou un groupe de soutien lui proposant une assistance concrète.
Bienfaits des jardins thérapeutiques exercice physique
soutien social
rééducation spécialisée exercice modéré
entre les patients, les visiteurs, accompagnateurs, employés...
sentiment de contrôle
distractions naturelles
évasion momentanée une intimitée retrouvée
éléments naturels, faune, flore ...
Diminution du stress action dans le sens d’un rétablissement amélioration de l’état physique et psychique
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De l‘interet therapeutique au projet de jardin Puisque c’est l’intérêt thérapeutique qui est au centre des préoccupations et non le pur dessin du jardin, le paysagiste devra mettre en avant non pas ses propres goûts mais bien ceux de ceux pour qui le jardin est dédié. Pour se faire, il saura se saisir des informations partagées par les concernés et utiliser les données de recherche sur les sujets en lien avec le cadre d’implantation du jardin. Celles-ci sont primordiales car il est des stimuli provoquant des effets indésirables insoupçonnés. On définit un élément environnemental négatif comme étant un stimulus intrusif demandant une attention auquel la personne ne peut, par choix ou contrôle, se soustraire, engendrant alors un effet de stress empirant sa condition. Le bruit émanant de l’environnement urbain, les zones fumeurs en sont des exemples assez évidents. La lumière du soleil, au contraire, a un caractère ambivalent. Elle a été prouvée comme étant un facteur positif de l’environnement, mais on pensera à proposer également des zones d’ombres pour les personnes naturellement sensibles ou sensibilisées par leurs traitements. Un fait peut-être plus surprenant : l’art est un point fort controversé dans les jardins thérapeutiques; et plus particulièrement l’art abstrait. En effet, des études ont montré que quasiment 90% des personnes préfèrent l’art réaliste ou représentant la nature. Les paysagistes, appartenant à la branche des designers, préférent souvent l’art abstrait, le décrivant comme plus stimulant. Pour autant, le pas entre stimulation et ambiguïté est facile à franchir, tout particulièrement pour les personnes malades, qui tendent alors à avoir une réaction négative envers ces œuvres. D’une façon plus générale, le paysagiste évitera dans son dessin toute ambiguïté et abstraction ; il laissera également la possibilité aux personnes de se soumettre ou non aux stimuli proposés. Cela consiste, par exemple, à ne pas forcer quelqu’un à emprunter un chemin sinueux ou inégal en proposant un chemin alternatif plus souple et rectiligne ; penser à un contournement pour certains passages, etc... Les personnes malades ou fragiles subissent déjà assez de choses désagréables dans leur vie courante, inutile d’en rajouter - même involontairement – au sein d’un jardin prônant bien-être et détente.
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dessiner un jardin therapeutique, c‘est... Entrelacer deux composantes du concept : le processus de « guérison » et les caractéristiques de l'espace le supportant. C'est une absolue nécessité que d'adopter une approche orientée sur la personne incluant également les résultats de recherche concernant la (les) population(s) visé(es). Quelque soit l'angle d'approche du projet, celui-ci doit toujours servir la personne et son expérience. De nombreux paysagistes dessinent le projet selon leur propres expériences, ce qui n'est pas une mauvaise idée dans le sens où on peut concevoir que ses expériences soient représentatives d'une certaine portion de la population. Cependant, d'autres préfèrent se glisser dans la peau des patients et imaginer leur vécu. C'est avec ce dernier type d'approche qu'a vu le jour le jardin du centre de chirurgie Escondido en Californie du Sud. L'empathie éprouvée par le paysagiste a guidé le dessin du projet, celui-ci se projetant dans l'expérience de l'opération chirurgicale afin de créer six jardins, chacun représentant une étape de la procédure : accueil, séparation, anesthésie, réveil, rétablissement et réunion (retour au près de ses proches). Si dessiner selon son propre ressenti ou celui d'une autre personne peut adresser justement certains buts, rechercher quels sont les sentiments plus généraux de la population concernée permet d'augmenter les chances de toucher un plus grand nombre de personnes. Par exemple, les connaissances liées à la maladie d’Alzheimer sont assez étendues pour permettre une généralisation des besoins émanant à la condition particulière des malades. Les paysagistes savent que leurs capacités de mémorisation sont fortement atteintes, réduisant en conséquence leur capacité à faire des choix et leur besoin de retrouver un rythme. Ces connaissances sont traduites en termes de dessin de projet : le paysagiste évitera la création d'impasses pouvant provoquer une plus grande agitation ; les chemins ne se diviseront pas trop souvent afin d'éviter de contraindre les personnes à effectuer un trop grand nombre de choix ; la palette végétale fera appel à des espèces évoquant des souvenirs d'enfance (souvent bien mémorisés) … Sedgewood Commons est un cas d'étude intéressant de jardin dont le dessin est basé sur le diagnostique médical de la maladie d'Alzheimer et les théories psychologiques de développement. Le paysagiste a incorporé dans son dessin une incarnation de la régression psychologique souvent observée dans ses maladies évolutives. Ses jardins proposent différents espaces adressant les besoins spécifiques et les occupations préférentielles observées chez les patients à chaque étape de la maladie (et donc des souvenirs encore accessibles). 74
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3 1- A Saint-Ouen (Loir-et-Cher), six enfants suivis dans le cadre de l’institut médico-éducatif participent à un atelier jardin 2 - Les résidents de l’Arche de l’Orée au jardin thérapeutique 3 - Jardin de Sedgewood Commons, Maine, USA
L’univers de l’enfance est également bien connu et les paysagistes dessinent au sein des jardins thérapeutiques différents espaces basés sur les étapes de développement de l’enfant. Un enfant ayant besoin de protection recherchera un petit espace au sein duquel se cacher; un autre trouvera de quoi explorer ses limites en toute sécurité... Les adultes ne sont pas en reste car eux aussi apprécient trouver des espaces pensés en lien entre un état intérieur : ainsi, certains jardins proposent d’incarner un véritable voyage psychologique, les ponts représentant un changement, une transition, un passage ; un chemin sinueux le voyage entre le passé et l’anticipation du futur, l’eau se voit source de vie, purifiante... 75
approche orientee sur la personne recherche
expérience personnelle
en tant que paysagiste concepteur
en tant qu’utilisateur
disciplines
processus psychologiques
psychologie comportementale environnementale
stress santé qualité de vie satisfaction des patients
approche biologique/etéecologique durabilité
plantes médicinales
conscience subliminal
éduquer
projet de jardin thérapeutique
démystifier
approche traditionnelle références historiques de la discipline
labyrinthe
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jardin médiéval
cloître
jardins japonais
caractéristiques du site
le jardin/le l’ensemble du site contexte proche parc existant
pratiques cliniques
diagnostique médical
volonté d’art
installations artistiques
formes abstraites du dessin
Approche botanique ou écologique : Le but de cette approche est de créer un écosystème inclus dans un environnement bâti, en harmonie avec les systèmes naturels déjà présents. Les adeptes de cette méthode pensent que le bien-être des individus utilisant cet espace sera augmenté parce-qu’il promeut la santé de l’ensemble des êtres vivants présents (plantes, animaux, hommes...). Si cette intention de projet n’est pas explicitement mentionnée, ils estiment que les bénéfices seront perçus à un état supérieur de conscience. Concernant l’utilisation des plantes médicinales, elles peuvent permettre de démystifier les origines des médicaments et d’encourager leur prise par acquis de connaissance. Approche traditionnelle : L’approche traditionnelle du projet en paysage peut être considérée comme étant basée sur trois piliers : l’histoire de la discipline et ses exemples, les spécificités du site et de son contexte environnemental et paysager, et la volonté d’art. Pour les jardins thérapeutiques, nombreux sont les paysagistes aimant se rattacher aux références établies par les jardins japonais, les cloîtres religieux, les jardins du médiévaux et la thématique du labyrinthe. Les jardins de cérémonie du thé ont attiré plus particulièrement leur attention car il est considéré comme ayant des propriétés purificatrices à travers les expériences successives offertes par le jardin, qu’elles soient vues, points focaux ou espaces de contemplation. Le chemin, irrégulier, oblige la personne à ralentir et à porter peine attention au sol, et donc à un niveau de détail que trop souvent nous omettons. La personne se trouve alors réellement connectée à ses sens. Également fort prisé des paysagistes, les jardins zen font appel à un patrimoine culturel assez universel, apportant réconfort et évasion, à la façon des cloîtres de monastères et des jardins arabes, purification et libération comme le labyrinthe ou le jardin de thé, renforçant simultanément corps et esprit. L’utilisation des spécificités du site et de son contexte paysager inspire la conception et peut diriger certains choix de dessin. Les thèmes présents dans l’environnement proche peuvent être réutilisés ou développés sur le site afin de conforter son identité et son appartenance à un ensemble plus vaste ; cela connecte le site et le rend plus cohérent avec son environnement. Utiliser une approche respectueuse des qualités du site et de son contexte permet de lancer le pont entre la communauté «intérieure» du site et celle à l’extérieure. Cette familiarité peut augmenter la sensation de confort et l’appropriation des lieux, et donc engendrer des retombées positives en terme de lisibilité de l’action du centre et ses moyens mis en place. Concernant la volonté d’art, nous avons déjà évoqué l’ambiguïté suscitée par l’utilisation d’œuvres abstraites. Le jardin, sans forcément contenir des œuvres abstraites, peut avoir un dessin suscitant diverses interprétations et donc des réactions diverses. Bien qu’une telle posture puisse être stimulante pour le paysagiste, il se gardera de trop verser dans l’abstrait puisque les personnes malades, anxieuses ou vulnérables ont bien plus tendance à aborder les choses avec un état d’esprit plus négatif. Quand promouvoir le rétablissement est le but majeur du jardin, son dessin devra être axé sur le sentiment de sécurité et de protection, l’ambiguïté laissant trop de place à des perceptions contreproductives. 77
typologie de jardins therapeutiques Jardin thérapeutique formel Le but thérapeutique est défini, explicite, et dicte l'ensemble du dessin du jardin. Il est souvent pensé pour une population déterminée aux besoins très spécifiques ; nécessitant un projet « sur mesure » afin de s'adapter aux stratégies thérapeutiques mises en place. Jardin thérapeutique informel Lieu pensé pour le jeu, la détente ou la thérapie horticole, l'accent est mis davantage sur le processus de construction du jardin par ses participants que sur l'objet final. L'emphase est placée sur la diversité et le choix de chaque individu d’interagir avec les éléments présents dans le jardin comme bon l'entend. Cet espace de liberté permet de contrecarrer l'aspect en général très directif du milieu médical sur lequel le patient ne peut effectuer aucun contrôle. Jardin de flânerie Ces jardins sont pensés pour déstresser les personnes, leur permettre méditation, relaxation... les personnes malades sont concernées mais également les accompagnants, les visiteurs, le personnel, etc... L'accent est mis sur la mise à disposition d'espaces informels permettant la balade, l'arrêt, un sentiment d'intimité, l'accès à des formes de sociabilité, des univers sensoriels différents... La qualité esthétique est fortement développée. Jardin communautaire à multiples usages Espace destiné à catalyser les rencontres, ce jardin sert à la fois des programmes thérapeutiques mais aussi certains d'une nature différente amenant avec elle un public différent. Ces jardins prônent l'échange, la rencontre, la connaissance de l'autre, en proposant à tous un lieu où chacun peut y trouver un centre d'intérêt. Ils présentent les caractéristiques des jardins de flânerie avec la capacité de s'adapter à des besoins plus spécifiques de certaines populations. L'utilisation de l'espace est donc partagée non seulement à travers les utilisateurs premiers du site (ceux qui y habitent, y travaillent, etc) mais aussi avec les personnes « de l'extérieur » (habitants particuliers, associations, écoles...). Une grande variété de programmes peuvent être mis en place dans de tels espaces. C'est dans cette optique que j'imagine le devenir du parc du château du Kinnor, espace incarnant le temps de la différence (c'est à dire le temps d'aborder la différence en un lieu adapté.)
repos d’après balade sous les arbres à l’entrée du château de Fervaques >
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un exemple formateur, le lucas garden school Afin d’éclairer notre propos, étudions le cas d’un jardin appartenant à cette dernière catégorie. L’histoire du Lucas Gardens School à Canaday Bay en Australie illustre bien ma philosophie du projet d’un jardin thérapeutique. Lucas est le nom d’une institution pour enfants handicapées dont les locaux se trouvent à l’extérieur de Sydney, à proximité d’un hôpital pédiatrique. Le bâtiment, ré-ouvert en 1987, est pensé comme une école accueillant des enfants multi-handicapés résidant dans l’hôpital ou avec leurs familles. Au départ, la communauté entourant l’hôpital n’était pas très rassurée à l’idée d’avoir à subir la présence de ces enfants différents et la directrice de l’établissement a alors décidé de mettre en place d’un jardin permettant un double « procédé de rétablissement ». En effet, il permet non seulement de se réjouir ensemble des progrès effectués par ces enfants mais également de «rééduquer» la communauté environnante en l’impliquant dans les démarches. Pour les enfants, dont les difficultés sont d’origines très diverses (handicap mental, physique, de naissance ou acquis...), ce jardin leur permet de se lancer des défis, de vivre autrement, de profiter de la vie en communauté mais aussi d’être seul. Le jardin sensoriel est la partie centrale de Lucas Garden School car entourée des trois bâtiments de l’école. Il a été créé en construisant une série de lits de plantations incurvés et surélevés entourant diverses aires d’activités. Alors que certains enfants explorent les différentes textures offertes par le mobilier, d’autres profitent d’un moment de repos sur des balançoires... Les stimuli ne proviennent pas uniquement des éléments permanents du jardins : celui-ci s’habille de drapeaux, signes, bannières flottantes, de messages incitant à porter attention à certains détails, sensations... La présence d’animaux aux jardins est périodique, un des fermiers voisins apportant poules, canards, vaches et chèvres, Le reste du temps, l’observateur attentif saura prêter attention aux oiseaux, insectes et autres petites bêtes vivant dans ou à proximité du jardin. D’autres espaces sont plus ouverts permettant l’organisation de concerts ou représentations; on trouve également une petite pépinière destinée à faire pousser des plantes pour la communauté. Leur philosophie est de rentre à la communauté ce qu’elle vient apporter au centre, même sous des formes différentes. C’est une sorte d’accord implicite permettant aux relations sociales de perdurer sainement. La présence d’un grand élevage à vers de terre a permis de recevoir, par la vente des petits kits pour les écoles, d’importants fonds profitables au fonctionnement de l’institution et au développement de nouveaux projets. Cette ferme attire donc, au delà de la communauté, des personnes étrangères au sein de l’institution. Régulièrement, d’autres écoles sont invitées à venir participer aux programmes organisés ; des volontaires viennent donner de leur temps ; les jardins présentent un réel plus pour 79
les employés qui y trouvent un cadre de travail et de détente des plus agréables. Il est plus facile de stimuler des personnes en présence d’un environnement qui a été pensé pour être stimulant. De plus, l’institution offre des emplois aidés à des personnes en réinsertion professionnelle ou sociale. Tous les deux ans, une grande soirée de récolte de fonds est organisée : les fruits du jardin sont récoltés et offerts à tous les « amis du jardin ». Les épices et les herbes sont vendues dans le petit magasin de l’institution. Toute cette énergie a fait de ce jardin un endroit incontournable de la région et celui-ci a été primé plusieurs fois. Il a également fait partie du Great Garden Tour de Sydney et fait l’objet d’articles dans la presse spécialisée. On pourrait penser que la gestion d’un tel jardin est lourde, mais en fait, il n’y a qu’un jardinier professionnel qui s’y rend un jour par semaine ; le groupe de volontaires faisant le reste. Le jardin s’auto-entretient presque car les plantations choisies demandent peu de soin et sont en majorité des plantes indigènes.
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Que retenir d’un tel jardin? Déjà, la combinaison d’éléments fondateurs forts permettant à la richesse du projet de se développer au maximum. - un jardin basé sur la communauté (dans son acceptation large) et bénéficiant par là même d’une meilleure visibilité et d’un support communautaire plus efficace - programmes permettant la collecte de fonds - groupes d’usagers divers, enrichissant la vie des malades mais aussi celle des autres - un espace attractif pour effectuer du volontariat - encouragement de l’implication des familles même après le départ de la personne malade - promotion de la stimulation sensorielle - grande diversité de choix d’activités - le jardin est support de fortes connections entre les actions à l’intérieur des bâtiments et celles à l’extérieur - dessin du jardin assez universel pour correspondre à tous les types d’usagers - faible besoin de maintenance du jardin Par contre, comme bien des projets visionnaires ou de grande qualité, il repose sur une personne emblématique dont la force de caractère et le leadership permet non seulement au projet d’exister mais également de pérenniser dans le temps. La situation est similaire au château de Fervaques puisque le fonctionnement de l’association repose sur Mr et Mme Lhotel, fondateurs et dirigeants de l’association Le Kinnor, qui se trouvent actuellement dans la position de devoir envisager à moyen terme leur remplacement.
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Penser le projet de jardin, petit guide penser sécurité : Le jardin doit être clôture afin d'éviter tout accident ou fugue (volontaire ou non...) ainsi que tout intrusion fortuite. Les différents espaces du jardin doivent offrir diverses possibilités d'utilisation mais doivent toujours être sécuritaires. Un bon entretien du jardin permet d'éliminer les risques de blessure ou accident par détérioration du matériel. Il ne faut pas oublier que les autistes ne comprennent pas les relations de cause à effet et, par exemple, ne réaliserons pas le danger créé par des personnes utilisant une balançoire près d'eux. proposer un espace intime : Nous avons bien compris la problématique des hyper-stimulations sensorielles et que l'un des buts principaux chez les autiste était de trouver le moyen de les éviter ou, en tout cas, de diminuer cette surcharge. Créer un espace intime où ils peuvent se rendre individuellement leur permet de se restaurer. La végétation permet de limiter les stimuli visuels et auditifs, certains sons peuvent être masqués par d'autre (l'eau, par exemple). Cet espace doit être pensé de façon minimaliste et permettre une retraite complète vis à vis des demandes et stimuli de l'environnement extérieur. créer une variété d'espaces à buts plus ou moins spécialisés : Parce que différents usagers viennent profiter du site et ont des attentes diverses, créer une variété d'espaces permet de satisfaire le plus grand nombre de personnes, qu'il s'agisse par ailleurs de personnes handicapées (avec leur variété de handicap) mais aussi les personnes non handicapées, quelque soit la durée de leur séjour sur le site. créer un espace dévoué à l'exploration sensorielle : Une grande variété de surfaces permet de développer le sens tactile et indiquer des transitions d'un espace à un autre ; tout comme les plantes dont les écorces ou le feuillage stimulent le toucher ; la couleur, la forme, les détails la vue ; l'odeur que certains dégagent réveilleront des souvenirs ou appelleront à de nouvelles découvertes ; l’ouïe avec le bruit du vent dans les feuilles ou les animaux attirés par certains végétaux... on oubliera pas le goût grâce à certaines plantes aux petits fruits
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Ce plan dessiné par Amanda Clark exprime l’idée d’un gradient au sein du jardin, d’espaces plus ouverts à d’autres plantés et intimes
pouvant être dégustés à même l'arbre. Le mobilier de jardin peut également offrir des sensations particulières, que ce soit par leur forme, leur matière, leur emplacement... Bien souvent, les jardins sont également agrémentés de petites objets, qu'ils soient purement décoratifs ou positionnés dans un but précis (nichoir à oiseau...). On veillera à les utiliser avec parcimonie afin de ne pas provoquer d’hyper-stimulation. utiliser au maximum les ressources intrinsèques de la nature : Puisque les personnes passent en général la majorité de leur temps à l'intérieur, on veillera à leur proposer un réel contact avec la nature. Des rochers, un tronc coupé, des branches d'arbres sont autant d'éléments pouvant être le lieu de développement d'un petit écosystème que les personnes pourront prendre plaisir à observer. Choisir des plantes attirant les insectes, papillons et oiseaux, leur offrir des lieux pour se nourrir, se loger... Penser à la météo et aux saisons également, car les autistes comprennent mal les explications orales : rien ne vaut l'expérience de la pluie sur le visage, de la chaleur du soleil dans le dos, de l'ombre fraîche d'un arbre... pour que l'environnement prenne sens.
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1- The Graham Garden at Saanich Peninsula Hospital in Victoria BC 2 - Jardin Haga Health en Suède 3 - Jardin à Tabor Hills Healthcare Facility, Naperville, Illinois, USA
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la question du choix des plantes : Les plantes sont de fantastiques catalyseurs d'apprentissage et peuvent servir à de multiples buts : stimuler les sens, apporter lecture de l'espace, réduire les effets de la météorologie, offrir une large palette d'activités (de l'observation, l'entretien, la récolte, mais aussi la cachette, la découverte, …). On veillera par contre à éviter toute plante toxique, celles aux fruits ressemblant à des fruits comestibles, celles présentant des épines ou présentant des allergènes. encourager les activités motrices : L'entraînement des groupes musculaires est notamment permis à travers différentes activités nécessitant le travail de l'équilibre et la marche comme moyen de déplacement préférentiel. Les activités organisées au sein des espaces devraient aussi permettre de développer des facultés de coordination, de positionnement du corps dans l'espace, et manipulation de petits objets. proposer un espace qu'ils peuvent organiser à leur guise : L'existence d'un espace véritablement modulable par les utilisateurs est primordial car non seulement il permet de s'adapter à différentes activités programmées, mais il permet aussi à tout un chacun de développer son propre espace et lui offrir les qualités qu'il désire. La personne prend alors la décision de changer son environnement, déplacer des objets lui fait travailler son sens de coordination et de l'espace, il peut ensuite profiter de cet espace selon les modalités qui lui sont propre et que, bien souvent, le concepteur n'aurait pas imaginé. permettre des activités physiques plus intenses : L'exercice permet de relaxer certaines personnes en les débarrassant de certains sentiments négatifs, et ainsi de les rendre plus disponibles le reste du temps. Un espace devrait donc leur permettre d'effectuer certaines activités physiques rarement permises en intérieur : courir, sauter, creuser, se balancer, …
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donner des éléments de compréhension : L'un des stress majeurs chez les autistes provient du fait qu'ils ne savent pas ce qui est attendu d'eux, ou qu'ils ne le comprennent pas. Ils sont également des penseurs visuels, tout comme les paysagistes. Par conséquent, au jardin, tout doit être mis en place spatialement pour une compréhension intrinsèque des modalités d'utilisation d'un certain espace. Par l'utilisation de matériaux, plantes, et leur agencement, le paysagiste utilise une série d'indices visuels : par exemple, un espace restreint dans un coin de la propriété, présentant trois côtés fermés par de la végétation suggère naturellement un espace intime de détente, pour s'y rendre seul ou avoir une conversation privée. Les chemins, places, marqueurs paysager, nœuds et limites sont autant d'éléments que Lynch (Image of the City) identifie comme aidant les personnes à comprendre cognitivement l'agencement d'une ville, et il y a fort à parier que c'est également vrai pour le jardin. penser modularité et flexibilité : Puisque le public et les activités changent, les espaces créés se doivent d'être assez modulables pour s'y adapter. On encouragera donc l'installation de certains éléments pouvant être transportés à différents emplacements sans avoir à engendrer des efforts ou des coûts importants. pour le public handicapé physique : Il ne faut pas oublier de rendre accessible, sinon tous, du moins la majorité des espaces. On pensera à leurs difficultés de déplacement lors du choix du tracé, des matériaux utilisés, mais aussi du mobilier... chacun doit pouvoir profiter du jardin avec ses possibilités.
Eryl Morton Garden Designs >
< Emanuel Oregon Burn Center Therapy Garden
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établir une forte connexion entre les espaces intérieurs et les extérieurs : Les vues depuis l'intérieur permettent d'encourager l'utilisation des espaces extérieurs. Les connections doivent également être efficaces : il faut ainsi éviter d'avoir à contourner trop de bâtiments pour s'y rendre, tout particulièrement pour les personnes sujettes aux difficultés motrices. un espace sans ambiguïté : Nous l'avons vu précédemment, l’ambiguïté n'a pas sa place dans les espaces dévolus aux personnes fragilisées ou à difficultés. Pour que le jardin ait du succès, son dessin doit être clair, ordonné, logique et structuré. La succession des espaces doit découler avec fluidité les uns des autres. Penser à créer des barrières visuelles mais qui guident davantage l'oeil qu'elle ne le perturbe. maintenance du jardin : Ses besoins doivent être minimisés autant que possible et les tâches quotidiennes doivent être réparties entre les différents utilisateurs. Les plantes, matériaux et structures doivent être pensées dans un soucis d'économie d'entretien et de durabilité. Un budget doit être alloué à la conservation du jardin et des assemblées doivent permettre de définir qui a la charge de son entretien. Comme à Lucas Garden School, l'emploi d'un jardinier est probablement nécessaire, ou en tout cas l'appel à volontaires (école d'horticulture ou de paysage, jardin botanique proche, créer des emplois d'insertion, appel aux scouts, équipe de volontaires réguliers...).
Combat Stress Therapeutic Garden par CCE Driveways > bel espace sans ambiguité mais nécessitant une certaine maintenance (néanmoins limitée par la taille modeste du jardin)
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2 - à la découverte du site
Au coeur de la campagne normande ... la vallee d'auge Le pays d’Auge est une région de Normandie, dans le départements du Calvados. Il est délimité par le bassin versant de la Touques à l’est, la Dives à l’ouest, la Côte Fleurie au nord et les collines d’Argentan au sud. Il appartient géologiquement au bassin parisien et son sous-sol est essentiellement du type calcaire oolithique de couleur jaune. L’histoire géologique a composé un paysage de collines contrastant avec les plaines du Roumois et la campagne de Caen avoisinantes. Le paysage a été aménagé à une époque ancienne en bocage composé de haies d’arbres ou de buissons autour d’herbages humides. Ce pays était autrefois couvert de forêts dont il ne reste plus que quelques espaces boisés et de nombreux bois couronnant le sommet des collines. Ce déboisement s’explique par l’exploitation de sa matière première pour les chantiers navals. Le même paysage se retrouve partout: grandes cours herbues et plantées de forme rarement régulière, bâtiments dispersés parmi les pommiers, murs de colombage, toits de chaume, mares croupissantes et noires, herbages étouffés sous les pommes et les refus derrière des haies épaisses et hautes. Mais sous le moutonnement continu du bocage, se cachent variété, richesse profonde, et charme. Historiquement, il n’existe pas de grande ville capable de rivaliser avec celles d’autres pays de Normandie et Lisieux demeure la principale ville du pays d’Auge. Située en son centre, peuplée d’un peu plus de 20 000 habitants, elle connaît également une vocation touristique et est lieu de pèlerinage en sa basilique Sainte-Thérèse de Lisieux. L’Auge, c’est le pays du cheval et des haras: un tiers des chevaux de course français y serait élevé. C’est également le berceau des fromages normands : le fameux camembert, le livarot ou encore le pont-l’évêque. La gastronomie augeronne est également représentée par les fruits (pommes) souvent transformés en alcools : calvados, cidre, pommeau ... Classé Pays d’Art et d’Histoire, l’Auge est un pays fortement dédié au tourisme et du fait de sa proximité avec Paris, nombreux sont les parisiens possédant une résidence secondaire dans le pays d’Auge.
carte d’Etat major (1820-1866) > (limite du pays d’Auge en blanc)
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Partons en balade au coeur de la vallée d’Auge à travers les photographies commentées de Jeff Russell, reporter de guerre qui y demeure et y retrouve quiétude et repos : « J’ai choisi ce tunnel de verdure parce qu’il résume la quiétude et la topographie des Jardins du pays d’Auge. Ce parc de Cambremer est séparé en multiples espaces par des haies, ce qui rappelle le bocage… On s’y sent protégé...» « Ce fond de vallée est typique du pays d’Auge. Et des surprises qu’il nous réserve. On passe une colline et hop ! on découvre une petite ferme, alors que rien ne le laissait présager. J’ai choisi, comme souvent lors de ce reportage, un cadrage qui permet de montrer qu’ici, on vit un peu caché.» « J’aime quand les pommiers ponctuent le paysage» «En été, le haras du Pin organise un spectacle. Mais cela n’a rien artificiel. C’est plutôt un cours sur les races de chevaux. Ce château, avec son parc, est un lieu de travail, tourné vers l’excellence, et non vers le tourisme. Depuis Louis XV, on y pratique l’insémination, l’élevage et le dressage.»
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N carte d’Etat major (1820-1866)
fervaques Nichée à flanc de colline entre 75 et 200 m d’altitude et d’une superficie de 1000ha environ, la commune, qui a compté jusqu’à 1500 habitants au début du 19ème siècle est désormais un paisible de village de 723 âmes. La Touques et le ruisseau des Londes traversent le territoire de la commune. Son nom vient du latin «fabrica» (forge) qui est devenu Fervaches (XIVème siècle), puis Fervaques. Eugène Boudin (1824-1898) venait passer des vacances chez l’un des habitants et y a peint quelques toiles : «Entrée du village» (1881), «Les vaches dans la vallée de la Touques» (1888), «Place de la Fontaine» (1882), ...
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cartes postales anciennes (19ème) > peintures d’Eugène Boudin >
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Sur la place du village, on peut apprécier les nombreuses maisons à pans de bois, au style normand typique, peints en couleurs chaudes, et quelques appareillages en brique. La tour de l’église (12ème s.) massive, en poudingue est allégée par sa flèche (16ème s); elle laisse deviner à l’arrière les houppiers d’arbres marquant l’axe principal du village s’étendant du château au cimetière à flanc de colline. Les activités de la commune sont à l’image de la vallée et foisonne de produits du terroir : les truites de la pisciculture et les fromages... Des chevaux paissent dans les herbages et s’entraînent sur la piste de course toute proche.
pisciculture
château
place du village église
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haras et champ de course
Depuis le centre du village, rien ne laisse présager la présence du château de Fervaques. En se rendant sur la petite place de l’église, un portail un peu austère vous accueille. Celui qui le pousse s’engage alors sous une voûte de hêtres menant à la poterne du château.
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Cette arrivée sur la poterne se fait de biais, en buttant contre le muret aveugle se jetant en pont sur la Touques. Cette particularité s’expliquerait à celui qui se retournerait avant de passer l’entrée sous la poterne : l’allée est en réalité divisée sous forme de Y déformé. Une branche droite s’inscrit dans un axe majeur reliant le château et le cimetière, montant à l’assaut de la colline. L’autre branche, plus courte, vient se rattacher à la petite place de l’église. C’est celle-ci qui est utilisée pour accéder à pied et que les visiteurs empruntent.
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le chateau du kinnor En passant la poterne, la surprise est totale : on se retrouve face à l’un des plus grands ensembles architecturaux du Pays d’Auge. Le château est construit en 1597 par l’architecte François Gabriel pour Guillaume IV de Hautemer. Les pavillons carrés encadrent un vaste corps de logis dont la beauté doit pour beaucoup au fin appareillage de pierres et briques (une tradition normande, mais ici savamment revisitée puisque les pierres sont disposées en quinconce et en rangées d’épaisseurs différentes). L’escalier à double révolution est un apport du XIXème siècle. Au centre de la cours d’honneur trône un magnifique platane d’orient classé ( 530 ans, le plus vieux de France, pas moins de 14m de circonférence à 1m50 du sol). 100
A droite, on peut apercevoir le manoir, de style plus ancien, disposé perpendiculairement à la façade principale du château. Un bel équilibre se dégage de cet édifice grâce aux parties saillantes dans lesquelles s’inscrivent d’assez larges fenêtres encadrées de colonnades et surmontées de deux épis. Ce bâtiment date du XVème siècle et aura accueilli plusieurs hôtes fameux. En 1590, Henri IV dormit dans la chambre du premier étage; et au XIXème siècle, c’est l’écrivain Chateaubriand qui dira avoir dormi «dans le grand lit du Roi». Sa façade arrière est surprenante car on ne croirait pas avoir affaire au même bâtiment. Une tour orthogonale et deux pavillons carrés laissent apparaître une composition très ancienne. 101
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A gauche, la poterne. L’édifice comprend deux cachots au rez de chaussée, deux niveaux de garde et un colombier sous le toit. Des mâchicoulis permettaient de remonter le pont-levis qui enjambait la Touques. C’était un site militaire qui abritait l’intendance du Maréchal de France. Sur la photo de droite, un ancien colombier contemporain du manoir dont la rondeur protectrice contraste avec la géométrie angulaire et militaire de la poterne. En croquis, poterne et manoir.
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la façade arrière du Manoir les communs (appartements, ateliers, débarras, lingerie...) l’agencement des bâtiments donne un effet de rue
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En contournant le château, nous faisons alors face à l’imposante façade ouest : une soixantaine de mètres de long sur douves. La Touques détournée délimite la propriété. A l’observer, on ne peut s’étonner que le bâtiment ait reçu le label Joyau de la construction de la fin du XVIème siècle car l’alignement varié des pierres en brossage lui confère un grand raffinement. La découpe des cheminées se reflète tout en légèreté sur la surface calme de la Touques.
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Axonométrie représentant l’ensemble bâti du château et la cour des communs qui s’inscrivent dans un parc de 7 hectares. 106
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50 m
Limites de la propriĂŠtĂŠ
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Deux bâtiments visibles sur la photographie aérienne et non encore présentés: l’ancienne piscine (en haut) et l’Ermitage de Florence. Ces bâtiments à réhabiliter sont ceux de l’ancien groupe scolaire de l’Aérium de Fervaques (ex-Colonie Sanitaire de la Caisse Régionale de Sécurité Sociale de Normandie). La piscine devrait être détruite et remplacée par une salle polyvalente. Quant à l’Ermitage de Florence, rénové, il offrirait une résidence aux personnes à mobilité réduites ou à celles, plus indépendantes, venant au château. Ces ensembles désaffectés déqualifient les espaces qui les entourent car «interdits d’accès» pour des raisons de sécurité... seule Elyrose, la jument, y voit des espaces à brouter et fouler de ses larges sabots.
l’Ermitage en haut - la piscine en bas
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declinaisons paysageres du parc
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Le parc en quelques images offre un aperçu de la diversité d’ambiance au sein de cette large «clairière» découpée en différentes entités
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La variété des ambiances paysagères du parc du château du Kinnor naît des déclinaisons paysagères de trois grands thèmes: le végétal, l’eau, et l’architecture. L’architecture Ce que j’entends par architecture du parc, c’est l’articulation des pleins et vides autour des ensembles bâtis et le rapport qui s’effectue entre eux. Celuici est particulièrement marquant dans la cour d’honneur et sur la grande pelouse à l’arrière du château. Les contours de la cour sont définis clairement par les ensembles bâtis sur trois côtés : façade, ailes du château et leur prolongement linéaire (les barrières normandes). La limite du quatrième côté est plus floue: est-ce le chemin entre la poterne et l’ermitage, réduisant la cour d’honneur à la pelouse rectangulaire accompagnant le platane et aux pieds de bâtiment en stabilisé l’entourant? est-ce la poterne et le colombier? la touques ? La verticalité tient une place importante dans cet espace : que ce soit les bâtiments ou le platane, tout s’érige, offrant un sentiment de grandiose, appuyé et contrastant avec l’horizontalité du plan de la pelouse. De l’autre côté du château, la grande prairie rase semble offrir le négatif à la cour d’honneur, les douves marquant l’axe de symétrie. Aux pleins du château et du platane contraste «le vide» de la prairie. L’horizontale est marquée par l’herbe rase et les douves miroitant la façade arrière du château. La surface de la pelouse conforte l’échelle de la façade et offre un recul permettant de l’apprécier. 112
1 1- cour d’honneur définie par les ailes du bâtiment et la façade 2- délimitation 2 arrière plus floue 3- le vide de la grande 3 prairie, l’horizontale domine
le bois
la Touques détournée
le vide de la grande pelouse
le plein de la cour d’honneur
les douves (la Touques détournée)
la Touques (lit naturel)
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L’eau C’est la Touques sous toutes ses formes qui s’offre à nous au sein du parc: la Touques bruyante, à l’arrière du vieux colombier, avec ses chutes et ses remous; la rivière calme et limpide en été mais tumultueuse, gonflée et chargée en hiver; la Touques domptée et détournée dans un réseau hydraulique de canaux et de vannes, incluant le large miroir d’eau des douves calmes; la gamme des canaux dont l’eau ronge les bords de terre ou lèche les murs jusqu’à celle tellement ralentie qu’elle en est presque stagnante au fond du parc, pour se décliner en mince filet quasi inexistant en fin de parcours avant de se rejeter dans la rivière-mère. L’eau est miroir silencieux, bouillon sonore, pause réfléchissante.
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Le végétal Lui aussi se décline et se conjugue... parfois discipliné productif sous forme de verger (90 arbres, il se fait pommier, poirier, cognassier, noyer, quetschier, mirabellier); remarquable époustouflant comme le platane d’orient, équilibré tel le hêtre pourpre de chateaubriand, étonnant comme le pin de corse... il se démultiplie et accompagne l’entrée en alignement de hêtres pourpres et verts, marque les limites et se fait peuplier d’Italie fastigié, ou modeste haie taillée. Le long de l’eau, c’est un chapelet d’aulnes, qui ferme la vue en été mais cadence l’ouverture transparente par le jeu de verticales des troncs en hiver. La lisière devient bois où érables, châtaigniers, hêtres, ormes et chênes offrent une ombre rafraîchissante en été. De ci de là, un séquoia, un saule pleureur, et d’autres conifères ponctuent les vues. 115
le parc du chateau du kinnor - denominations et usages
chemin des roses entrée de service, départ en promenade
grand verger (jamais utilisé) espace jeux (bowling, petit vélodrome,..)
« parc au bassin » prairie humide (jamais utilisée) communs réservés au personnel
« parc de la roseraie » pré (jamais utilisé)
petit verger (peu utilisé)
touques détournée (balade en barque)
grande pelouse terrain de tennis
entrée principale (accès visitieurs) cour d’honneur
boisement
pelouse « les arènes » prairie fauchée mini-golf pré d’Elyrose
Ermitage de Florence (désaffecté)
préau arrière condamné
ancienne piscine (désaffectée)
N
116
N
La carte des déplacements durant une semaine de séjour permet de montrer qu’il y a finalement peu de parties où on se rend. De plus, les activités sont quelques peu déconnectées de la nature des lieux malgré un parc aux grandes potentialités. 117
mesures et dimensionnement Couvrant une surface de 7 hectares, le parc est divisé en grandes parcelles dont certaines dépassent l’hectare. Néanmoins, ses dimensionnements et sa topographie plate en font un espace qu’il est aisé de déambuler, moins de 500 mètres séparant les deux points extrêmes nord et sud de la parcelle.
4525 m²
4840 m² 200 m 6520 m²
110 m
1025 m² 260 m 470 m 10 m
45 m 575 m² 1235 m²
21 165 m²
180 m 12375 m²
75 m
7670 m²
N
118
cheminements a travers le grand territoire
château cimetière
chemin de randonnée
forêt communale
Le château se trouve de l’autre côté des rives de la Touques (à cheval sur la commune de Cheffreville-Tonnencourt) et est donc séparé de la majorité des terrains de la commune. Un axe principal reliant le château, l’église, l’ancienne poste et le cimetière monte à l’assaut de la colline vers la grande forêt communale. Cet axe est l’un des points de départ d’un sentier de randonnée (en vert) longeant la forêt et offrant un beau panorama sur la vallée d’Auge. Les traits roses sont d’autres chemins de belle qualité paysagère striant le bocage.
119
N
Plan des sensations visuelles, auditives et gustatives
120
1
2
3
5
6
7
4 1- ombre | 2- bruits des chutes d’eau | 3- fruits à goûter | 4- râle de la circulation 5- chants des oiseaux | 6- voix humaines | 7- Jacquot l’âne
Le bonheur de quelques minutes de repos. Ce petit banc, adossé à quelques plantations, offre une vue sur la cours d’honneur et le grand platane. Il n’a l’air de rien, et pourtant, nombreux sont ceux aimant s’y rendre car est un accessoire facilement accessible permettant de profiter du temps «de rien». 121
esthétique
Montgomery vend le château à la Caisse Régioanale de Sécurité Sociale de Normandie qui en fait un établissement de repos au grand air (aérium) pour enfants en convalescence de primo-infection et en déficience générale ur son caractère ire des sites po scrits à l’inventa e) s abords sont in guerre mondial le château et se ant la seconde l allemand pend ( c’est un hopita
le château est inscrit aux monuments historiques s abords y. Le château et se is aux Montgomer lées; des dé aux Portes, pu des douves comb le domaine es t cé bellis; une partie ; les ex térieurs em sont transformés ndie. s et la cours agra bâtiments abbatu aménagement du potager, plantation d’autres arbres, modernisation des décors intérieurs, ajout de l’escalier à double révolution
château. Châteaubriand demande à Delphine de Custine, marquise de Sabran, d’acheter le Pendant les 20 années suivantes, il aurait planté de nombreux arbres sur le parc. sur ses r 8000 pommiers Bullion fait plante u Annes- Jacques de oximité du châtea et 3 potagers à pr différentes fermes
e IV de Hautemer, r de Normandie du Roi et gouverneu
âteau pour Guillaum
chevalier des ordres
cons truction du ch
noir, du colombier
et de la poterne
122
entre protestants et our négocier l’utinté visite de Henr y IV (p d) Nantes 8 ans plus tar catholiques - Edit de cons truction du ma
histoire de la propriete et du chateau
Chateaubriand» (plus de 200 ans)
désinscription du site «chateau, parc, église et abords» déjà couvert par son classement en tant que monuments historiques classement du hêtre pourpre dit «de ienne remise pour véhicule hypomobile) rénovation du bâtiment des communs (anc
ment aux monum
ents historiques
classement du planate d’orient (plus vieux platane de france, 530 ans)
nouveau classe
nnant beaucoup de dé
gâts sur le verger
implanter revalorisation du site : les douves sont réaménagées pour organiser des loisirs sur l’eau et est retracée. des jets d’eau. le bassin est utilisé comme vivier. une promenade pédestre sur le château le verger est remis en état. mise en place d’un plan dee réaménagement global.
for te tempête occasio
menant au châtea
u es t à maturité,
elle es t remplacé
e par des
l’aérium ferme et l’association le Kinnor rachète une partie de la proprié té. elle ouvre le château aux visites et l’été 1982 voit le premier séjour de vacances pour personnes handicapées
es et de platanes
création du groupe scolaire pour l’aérium et d’une piscine.
allée plantée d’orm hêtres
123
N
N
1820 - 1860 1947
parc à l’anglaise
la douve s’étend encore sur le côté du château
cheminements allant jusque dans l’actuelle pisciculture
aménité sportive plus de covisibilité
absence de haie
densification de la lisière le long de la Touques construction de la piscine
plantation des peupliers
installations de l’aérium
1976 1979
124
absence de haie
carré potager ?
1955 1964 construction de l’aérium
hétérogénéité pouvant refléter une mise en culture des sols
comblement des douves
verger
réaménagement de la cour d’honneur
réorganisation de la parcelle, anciennes jardineries
création d’aménités sportives allée plantée remplacée par des hêtres
replantation le long de la Touques
plantation de la haie
verger clairsemé (tempête)
modifications cheminements redessinés
réorganisation complète de la parcelle
densification du boisement
hangar
réfection des cheminements
désaffectation de la piscine covisibilité complètement obstruée
arrière modifié
1983 2005
125
1
2 3
4
1- parterre en deux parties (19001920) 2- parterre unifiĂŠ (actuel) 3- plantations en massifs autour de la poterne et en face du manoir (date inconnue) 4- absence de massif (actuel)
126
1 2 3 1- arrière nu du manoir (date inconnue) 2- absence de parterre, îlots plantés et symétrie entre conifère et platane (date inconnue) 3- escalier à double révolution et percée traversante sous le château (date inconnue)
127
1- porte de la poterne ouverte, absence d’arbustes, vue dégagée sur la cour d’honneur (date inconnue, probablement années 1970) 2porte fermée, plantations obstruant partiellement la vue (actuel) 3- haies et plantations le long de la Touques (date récente) 4- arbres le long des communs (date inconnue) 5- vue intérieure ancienne, absence de parterre (date inconnue) 6- développement et remplacement de la végétation (actuel)
128
1 2
3
5 6
4
1 2
3
4 5
1- le saule pleureur masque un pavillon du château (actuel) 2- pavillon nu, les douves s’étendent sur les côtés (date inconnue) 3- promenade dessinée le long des douves et plantations (1900-1920) 7- pelouse et plantations d’arbustes en pied de bâtiment (actuel) 9- saule et plantations plus denses (date inconnue)
129
1 2
3
4
5
6
7
1- covisibilité depuis la pisciculture (1900-1920) 2- végétation arborée (date inconnue) 3- prés et installations de jeux d’enfants du temps de l’aérium (1980 environ) 4- manoir sous la végétation (date inconnue) 5- façade nue (actuel) 6- le manoir dégagé (actuel) 7- manoir et massifs (date inconnue)
130
131
interieur, exterieur et « pelures du site »
N
appartement particulier
cuisines réfectoire
132
salle historique du manoir salle des gardes
appartements chapelle
Une étude sommaire des relations établies entre l’intérieur des bâtiments et l’extérieur montre plusieurs choses. D’une part, comme on peut le constater dans l’architecture des plus anciens bâtiments (le manoir), les ouvertures sont petites, peu nombreuses, et les murs épais. Il existe donc une véritable imperméabilité entre l’intérieur et l’extérieur. Plus tard, sur les photos de 1900, l’intérieur est décoré selon les codes de l’époque, et même si la taille des fenêtres a largement augmenté, elles restent obstruées par des rideaux. De nos jours, la lumière et les vues pénètrent généreusement par les ouvertures mais du fait de la hauteur, la relation qui se tisse à l’extérieur se limite à une domination optique. Exception faite pour la salle à manger à demi-enterrée, au niveau des douves, de laquelle les soupiraux laissent entrevoir les houppiers des arbres de la lisière au fond du parc. On se trouve rarement au niveau du «rez de jardin», ce qui donne le sentiment de deux mondes assez séparés... un peu à l’image, à plus large échelle, du château contenu dans son écrin de verdure et qui se coupe des vues sur la campagne environnante à la belle saison. < Occupation du rez de chaussée. Les étages sont des chambres équipées de salle de bain. Il y a aussi un théâtre au dessus des cuisines; des bureaux et une salle de réunion.
133
le chateau
134
unique ouverture visuelle estivale
Placé dans le creux de la vallée, à côté de la Touques, dans son écrin de verdure et entouré de collines de 130 m de dénivelé, la vision sur le château depuis l’extérieur est plongeante et «écrase» l’architecture. Le bâti semble se cacher de par sa proximité avec le village et son parc se fond dans la campagne environnante.
N
135
En été, comme les houpiers le laissent deviner, l’écran visuel devient quasiment imperméable. Le relief n’est plus perçu depuis l’intérieur du parc qui se coupe de son paysage environnant. Les saisons jouent donc un rôle important dans l’évolution de la covibilité. Le château est à une centaine de mètres du coeur du village, mais en été, on l’oublie complètement. Pour avoir vécu le site à la belle saison, j’ai été frappée, en y retournant en hiver, de voir que certaines entités que j’avais découvertes grâce à la photo aérienne étaient en réalité très proches des limites.
les étangs de pisciculture
136
1 2
1- percée hivernale vers le village, la Touques faisant office de frontière 2- rideau végétal estival masquant l’entrée du château
à l’arrière, le haras et ses prés
Bien que la topographie soit, à grande échelle, vectrice de barrières visuelles, ce sont ici les chapelets d’arbres et de haies, typiques du bocage normand, qui limitent les covisibilités et partagent les espaces et leurs usages. Les bâtiments sont aussi barrières, notamment dans le cas de l’Ermitage. Physiquement, l’eau délimite l’enveloppe extérieure du parc, alors que les haies et les barrières normandes le divisent en son sein. Ces dernières, très répandues, permettent une continuité visuelle mais limitent l’accès à de grandes portions du parc. Elles sont quasi omniprésentes : il n’y a que dans la grande prairie et l’orée boisée qu’elles s’absentent. Une certaine porosité se met alors ici en place.
vue sur le côteau à travers la lisière N
137
Le kinnor histoire d'une association Le domaine du château de Fervaques est propriété depuis 1982 du Kinnor, une association qui relève en France plusieurs défis depuis 1970. Les fondateurs, JeanClaude Lhotel et sa femme, Thérèse-Marie, veulent que : – l’éducation, la formation, les vacances et les activités culturelles soient un bien proposé aux jeunes et adultes handicapés mentaux – les handicapés et non handicapés aient des lieux communs et s’apprécient dans leur différence – des leitmotivs : la recherche, la prise de risque, interpeller l’autre, créer l’ambiance ; intégrer et faire ensemble par un fort engagement intergénérationnel L’association le Kinnor n’a pas toujours été basée à Fervaques. Elle a occupé d’autres lieux pour ses séjours de vacances durant ses 40 ans d’existence; notamment une maison rurale en vendée, des préfabriqués, une maison dans l’Yonne, une ancienne école privée… Le choix de s’installer à Fervaques, il y a 33 ans, a permis de multiplier le nombre de séjours. L’accès a la propriété a largement facilité l’utilisation des locaux à disposition. Les nombreuses agrégations de l’association participent de sa reconnaissance. Des personnes de toute la France (handicapées ou non) contactent le Kinnor pour y être accueillis. L’association jouit d’une grande réputation d’accueil et d’une bonne qualité d’équipement. Elle a donc sa base de centre de loisir à Fervaques mais également d’autres activités sur Paris (conservatoire, chorale..), ce qui en fait une association «décentralisée». Sa vie externe au château est importante et participe grandement de sa renommée. Par ailleurs, le Kinnor a déjà fait l’objet de documentaires réalisés par l’éducation nationale et diffusés sur la télévision française. Risque, responsabilité, recherche : trois mots qui caractérisent l’entreprise de l’association.
138
139
geographie humaine et jeux d'acteurs autour du site
La coloration du site change au fil des mois de par la nature des personnes fréquentant le site : – des séjours adaptés : vacances pour personnes handicapées d’une durée de 3 semaines (un au printemps et deux en été) – séjours familiaux ( handicapés+ non handicapés) Toussaint chantier partage, noël/nouvel an, printemps) – accueil en qualité de centre agréé : projets scolaires, familiaux, paroissiaux, artistiques, associations... les personnes restent jusqu’à deux semaines, le château a une capacité d’accueil de 150 lits et cumule environ 4000 nuitées par an. Il semble cependant que l'implication des personnes géographiquement proches de l'association soit faible. Les personnes qui interagissent avec les handicapés sont déjà acquises à leur cause (moniteurs, familles, bénévoles, employés). Des touristes viennent pour visiter le château (environ 300 par an). Aspect financier: c'est l'accueil en qualité de centre agréé qui rapporte de l'argent; l'accueil de handicapés est tout juste remboursé par les frais de séjour. Les dons particuliers s’élèvent à environ 14 000 euros/an; il est impossible pour l’association d'engager des frais dans des projets. 140
le mot des elus
qui sont les habitants de fervaques ?
« La présence du château est une fierté pour la commune, car c’est un objet de patrimoine remarquable. Cependant, sa privatisation limite son accès et les habitants se sentent quelque peu dépossédés de cet emblème présent sur leur territoire. Ils ne disent y avoir accès qu’un weekend par an, durant les journées du patrimoine. »
L’étude de statistiques sur la commune permet de dresser un aperçu des habitants de Fervaques. Sur les 723 habitants, un peu moins de la moitié sont des actifs et le revenu moyen par foyer fiscal est inférieur à la moyenne nationale. La catégorie sociale la plus importante est celle des ouvriers (40%) puis les retraités (30%), mais étonnament il se semble pas y avoir d’agriculteurs.
Or, le château est ouvert à tous ceux qui veulent le visiter, durant la présence des propriétaires... mais entre vivre et visiter, la différence d’appropriation est grande! L’incompréhension des objectifs de l’association semblent cristalliser des relations un peu tendues. L’origine parisienne de Mr et Mme Lhotel ne doivent pas non plus jouer en leur faveur: les habitants du pays d’auge ont, depuis toujours, vu les parisiens y installer leur résidences secondaires, sans réellement s’investir dans la vie quotidienne de ces territoires qui les accueillent.
Du point de vue des secteurs d’activité, Fervaques n’est pas si mal pourvu pour une commune de sa taille : on trouve 2 établissements d’entreprises dans le secteur d’activité de l’agriculture et de la pêche (7 salariés); un établissement dans la fabrication de denrées alimentaires (3 salariés); un établissement faisant de la fabrication d’équipements électroniques et de machines (25 salariés, c’est le premier secteur d’activité de la commune). L’administration publique, l’enseignement, la santé humaine et l’action sociale englobe 9 établissements pour un total de 19 employés (30 %).
Il est intéressant de noter que 52 personnes travaillent à Fervaque alors que 251 travaillent dans une autre commune; 15 dans un autre département et 16 dans une autre région. Les mouvements pendulaires sont donc relativement importants et la proximité de Lisieux doit en être l’une des principales raisons.
Fervaques offre à ses habitants un certain nombre d’équipements : pour les activités sportives, on trouve un terrain de tennis, un ensemble multisport, un terrain de football et de rugby ainsi qu’un circuit de randonnée en boucle autour de la commune. Ceux préférant les activités culturelles se tourneront vers la bibliothèque municipale qui organise également des activités à thèmes. Concernant les commerces, il y a un salon de coiffure, une boucherie charcuterie, une boulangerie, une épicerie et un garage. Les parents de jeunes enfants, assez nombreux dans la commune (la tranche d’âge la plus importante à Fervaques est celle de moins de 14 ans avec 162 habitants, celle des 25/54 ans en regroupant 300 environ), les inscriront à l’école maternelle ou l’école primaire, dotées d’une cantine. Les écoles regroupent 140 élèves (dont 50 maternelles), les enfants venant quasiment exclusivement de Fervaques. Quelques moments forts ponctuent l’année: le 18 mai aura lieu la fête du four à pain (un ancien four a été restauré dans la commune et fait l’objet d’une certaine fierté) et une course cycliste autour de la commune; une semaine plus tard aura lieu la fête des 100 ans de l’école. Le bal d’été se tiendra la veille de la fête nationale dans la cour d’école. Je m’étonne alors que ces événements aient lieu en dehors du château... 141
Le caractère privé de la propriété et sa délimitation par la Touques forme deux entités distinctes avec le village, bien qu’extrêmement proches. Visuellement, en été, elles sont déconnectées. Leur proximité surprend en hiver. Seul le pont, prolongés des deux allées de hêtres, les rattache. Quelles relations imaginer à l’avenir entre deux mondes qui, pour le moment, s’ignorent ? 142
143
144
Livret
3 - en marche vers le projet
Mon parti pris de projet Mon ambition, dans ce travail de fin d’étude, a été de développer une méthode de projet innovante basée sur la spécificité d’une population qui expérimente l’environnement paysager d’une façon différente de la nôtre. Nombreuses sont les personnes autistes vivant des expériences sensorielles particulières les plaçant dans un monde perceptif bien différent de celui que nous connaissons. Tout l’enjeu du projet est de voir comment répondre à leurs besoins en exploitant les potentialités déjà présentes sur le « site témoin » du château de Fervaques. Mon étude s’est déroulée en deux temps distincts et le projet naît du frottement entre les approches paysagère et humaine. Cependant, il est apparu au cours de l’étude la nécessité, dans le cadre du TFE, de m’émanciper du strict cadre du Kinnor afin de proposer plus qu’un simple accompagnement au projet associatif. Ainsi, mon projet se veut plus ambitieux, voire expérimental, concernant l’autisme. Cette volonté m’amène à l’élaboration d’un programme basé sur l’hypothèse d’inclusion d’un groupe résidant de façon permanente au château, constitué d’une vingtaine de personnes autistes et du personnel soignant accompagnant. Un programme de soin, basé sur l’environnement extérieur, permettrait le développement individuel par la mise en place d’actions d’appropriation de l’espace offert. Ce programme inclurait également l’accueil de personnalités extérieures : celles présentes dans l’environnement proche du château, au sein de la commune, comme les écoles maternelles et primaires ou les habitants, et celles éprouvant un fort intérêt pour la question de l’autisme ou de la différence en général (artistes en résidence, universitaires, …). Par ailleurs, le château, toujours propriété de l’association, pérenniserait ses actions déjà mises en place d’accueil d’une population variée.
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la palette du contenu ...
L’imbrication de trois références m’a permis de dégager certaines bases de mon programme de projet.
la Chesnaie à Chailles - séjours de soin longs - communauté mutuellement consentie - pas de clefs, pas de murs - générer des histoires individuelles et collectives - réunions, activités socialisantes, rencontres... - intervention d’animateurs, sociologues, universitaires, artistes, psychologues ...
jardin thérapeutique de Lucas Garden School soigner, partager
- basé sur la communauté - groupe d’usagers divers - promotion de la stimulation sensorielle - diversité dans le choix des activités - programmes de collecte de fonds
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- produire, offrir un travail et éduquer - ouverture du domaine agricole sur le territoire - modèle d’organisation spatiale alliant l’utile à l’agréable - parcelles productives, allées en balades, pature des prairies les parcs agricoles paysagers
147
la specificite de l'autisme comme base de projet Il est indispensable, dans notre cas, d’entrelacer deux composantes du concept de projet, c’est à dire le processus de « guérison » des personnes et les qualités de l’espace le supportant. L’étude un peu poussée de l’autisme m’a fait dégager quelques traits caractéristiques de cette population dont la connaissance me permet de penser le projet dans le but de servir la personne à qui il est destiné. Ces recherches ont fait naître trois thèmes de projet : - les leçons de choses - le temps de rien pour être bien - l’émergence de la conscience de l’entité corporelle « Les leçons de choses doivent s’étendre à tout ce qui sert à la vie et à tous les phénomènes de la nature. Elles portent d’abord sur des objets familiers aux élèves, et complètent l’idée qu’ils en ont en y ajoutant les qualités qu’ils n’avaient pas tout d’abord remarquées. Elles passent ensuite à des objets que les élèves ne peuvent apprendre à connaître que par des descriptions ou des figures, et finissent par l’étude des actions les plus cachées des forces naturelles. » Bain
Les leçons de choses sont un concept pédagogique datant de la fin du 19ème siècle. Or, nous savons que les personnes autistes sont de purs visuels qui ont la plus grande difficulté à dégager une idée de concept, et pour qui les mots sont parfois des coquilles vides. Faire une leçon de choses, pour les autistes, c’est en quelque sorte établir un alphabet physique des composantes de notre environnement. Dans la leçon, l’objet est étudié par le vecteur des sens et permet de déboucher sur une idée conceptuelle plus complète de celui-ci. Elle permet de décomposer la réalité en partant d’un objet unique. Cette idée ne diffère pas radicalement des méthodes déjà reconnues comme efficaces utilisant des images pour se faire comprendre des personnes autistes. Mais pour expliquer ce qu’est la pluie, l’herbe, un cheval... qu’y a-t-il de mieux que de pouvoir l’expérimenter en vrai? De plus, les autistes sont plongés dans un monde extrêmement complexe et les défaillances de la chaîne du système sensoriel ne leur facilite pas la tâche de compréhension de l’environnement. Décomposer ce dernier, c’est donner des éléments d’appréhension qu’ils vont ensuite pouvoir assimiler et intégrer dans des ensembles plus vastes et complexes. Le temps de rien, c’est un peu un temps de pause où la productivité semble, en apparence, être nulle. Or, il est fondamental pour développer l’imaginaire et se retrouver avec soi. Dans le cas des personnes autistes, souvent si sensibles aux stimulations qu’elles en vivent des surcharges sensorielles, le temps de rien, dans un espace adapté ( «de réalité diminuée»?), peut permettre de se délester de ce trop plein. La question de la conscience de notre corps est cruciale car inexistante chez bon nombre de personnes autistes. Elles ne savent pas que «ce pied, cette main, ou ce dos» sont les leurs ! Ils ont une image très parcellaire du corps. Sentir son corps, sa charpente, ses limites, par l’intermédiaire de l’environnement physique, c’est peut-être commencer à mettre en place les conditions de l’émergence de cette conscience du corps comme formant un tout.
148
l’architecture du contenant
Le parcours
Difficultés sensorielles chez la personne autiste et pistes de réponses spatiales - trouble d’intégration sensorielle (dysfonctionnement dans la chaîne sensation -> perception -> concept ) proposer un espace de «banque paysagère» de sensations et d’objets, base pour la mise en mots de concepts? - perception gestalltiste (dysfonctionnement de la discrimination des stimulis) : permettre de mieux «séparer» les stimulations pour clarifier l’environnement? ouvrir, rétrécir, fermer la vue en limitant la succession des plans; étouffer, isoler, amplifier des sons, des odeurs, diversifier les qualités du toucher... - hyper et hyposensibilité : proposer des lieux de «réalité amplifiée» et d’autres «diminués» - agnosie sensorielle et vulnérabilité à la surcharge : penser un lieu de repos des sens, où les stimulations sont minimales, de façon à se décharger des surplus.
Des étapes L’intime, le public, l’extérieur Le «rétablissement»
Les limites Fermeture sur le territoire Contact, porosité, transparence Ouverture et franchissement
La trame Densité des mailles Gradient d’ouverture Vers plus de complexité
149
0
150
100 N
Le parcours
Les limites
La trame
Il est physique et «psychique», dans le sens où il représente et accompagne une progression de la personne qui le suit. Il débute au niveau du bâtiment de l’ancien groupe scolaire, qui accueillerait les personnes autistes résidant à l’année, créant donc le « noyau ». Ensuite, elles sont invitées à rejoindre le château qui, ouvert à un public varié, est l’espace d’accueil polyvalent. Enfin, la sortie du parc au village incarne l’ouverture sur le grand territoire, la grande échelle. Je propose donc un parcours à travers un emboitement de «mondes concentriques» dont le coeur battant serait le centre d’accueil des personnes autistes.
Sur un site d’une superficie de seulement 7ha, les caractéristiques des limites jouent pour beaucoup sur les ambiances intérieures. Tout au nord, dans un espace à priori appelé à devenir «tampon», les limites se veulent fines mais distinctes. Vers le «noyau autisme», au sud-ouest, la topographie engendre une butte qui obstrue la vue sur le territoire et le ciel, alors qu’au sud, elle se fait poreuse, ouverte vers l’espace lointain des prés du haras. Le contact est alors visuel, mais comme un tableau distant, cadré par le rythme imposé des troncs. A l’est, la limite avec le village se veut transparente, la Touques délimitant deux entités très proches qui s’observent et que le pont se fait se rejoindre.
Suivant la logique du parcours, renforçant l’impulsion données par les limites, une trame maillée, vocabulaire paysager déjà présent à plus grande échelle sur ce territoire bocager, prendra place au sein du parc. La maille serrée et régulière au départ du parcours s’émancipera de cet ordonnancement pour se déliter. Les espaces contenus, au départ rangés et individualisés (pour former cet alphabet spatial) gagneront alors en liberté et en complexité. C’est une succession de mondes aux ambiances et aux échelles différentes que je propose, menant au grandiose et à l’ouverture sur le territoire et la variété des êtres vivants qui le composent.
recherche d'ambiances paysagères : déclinaisons de l’idée de trame à l’origine de chambres
l’ordre - la séquence - la fermeture 1
4
2
5
3
l’unité - la simplicité - l’alphabet
6
151
9
10
11
12
s’émanciper des limites - gagner en liberté
13
152
14
s’ouvrir à l’extérieur - se connecter au territoire environnant
17
16
15
18
19
20
153
21
articuler les ĂŠchelles des lieux - les chambres et leur ordonnancement
154
22
23
24
29
25
26
30
27
31
la gestion des limites - géométrie - séquencement - fluidité - transparence
32
28
15533
34
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repos - intimitĂŠ // complexitĂŠ - stimulation des sens
38
156
36
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vers l’émergence d’une conscience de l’entité corporelle Ernesto Neto s’intéresse aux relations qui se créent entre tous les éléments qui constituent ses installations : l’œuvre, le spectateur et l’histoire, la sensibilité inhérentes au lieu d’exposition. L’œuvre sollicite le spectateur physiquement (odorat, touché, utilisation…), et psychologiquement, et devient un espace contemplatif et interactif. L’art de Néto est constitué d’expériences faisant appel à nos sens afin de créer des associations entre notre corps et quelque chose de plus organique. Il décrit son travail comme une exploration et une représentation du «paysage corporel» par l’intérieur. Les projets conçus par Tomás Saraceno défient les notions traditionnelles d’espace, de temps, de conscience, de perception, et de gravité. Dans ses installations, le ciel et la terre sont interchangeables, les jardins flottent dans l’air et les personnages réalisent leur rêve de pouvoir voler. Animé par la volonté de changer notre façon de vivre et de percevoir la réalité, chaque œuvre se présente comme une invitation à expérimenter des voies alternatives de connaissances, de partage et d’échanges.
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In the Corner of Life
The Edges of the World
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le projet prend forme type de fréquentation des lieux Dans le cas de la fréquentation d’un même lieu par des populations très variées aux besoins et objectifs parfois divergents, il est important de spatialiser des espaces et d’en définir le type de fréquentation supportée. L’espace dictionnaire est en lien avec le bâtiment qui hébergerait à l’année des personnes autistes et son personnel soignant. Cet espace a une vocation médicale et le public n’y est pas admis (sauf peut-être, pour les écoles maternelles ou primaires qui verraient un intérêt pédagogique). L’ autre pôle, le château, accueille un public divers (handicapé et non handicapé), pour des durées et des événements de nature variées (conférence, exposition, logement de groupes, séjours adaptés de vacances, festivités,...). Entre ces deux pôles radicalement différents se crée une tension dont les animaux se font les médiateurs. Ils sont un médium entre ces populations, un espace «tampon» de la rencontre et du contact. Symétriquement opposé aux animaux se trouve la lisière des sens, l’espace du ressentir, du être et faire ensemble. C’est peut-être en ce lieu que les questions des stimulations sensorielles et de la conscience corporelle pourraient être travaillées et que des actions créatives sur l’espace et d’appropriation des lieux prendraient place. De l’autre côté du canal, l’ailleurs s’ouvre sur le territoire environnant dans ce qui est actuellement une grande prairie humide. Cet espace offre une vue assez pittoresque sur le château au loin. A côté, en face du verger aux fruitiers variés, on pourrait imaginer un potager dont les récoltes seraient utilisées par les cuisines du château ou du lieu de vie pour les personnes autistes. Au fond, «l’espace tampon» peut se faire stationnement pour l’accueil d’un public venu occasionnelement en plus grand nombre. On soignera également le lien entre la cour d’honneur (espace de représentation et de valorisation des activités) et la place de l’église, car c’est le cordon ombilical reliant le château au village. On permettra une certaine transparence entre ces deux entités afin qu’elles cessent de s’ignorer.
qualité des espaces
objectifs et enjeux
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public varié
autistes
Espace «tampon»
l’ailleurs Espace de production
la lisière des sens
accueil au château
les animaux Espace dictionnaire
fermeture, cloisonnement, maille serrée médicalisé, intime, privé ordonnancement, simplification
ouverture, transparence, maille lâche public, ouvert, extérieur, agencement, complexité
- «soigner» les personnes autistes - promouvoir leur bien-être - incarner leur présence au monde - développer leurs capacités relationnelles
- découvrir la différence - démarginaliser une population - partager des activités et des espaces - s’approprier un «second centre» de Fervaques
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50 N
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vers la définition d’un vocabulaire : chambres, limites et cheminements
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Dans les pages précédentes, mes références ont été délibérément très formelles pour illustrer mon propos, mais c’est dans le frottement avec cette recherche abstraite qu’elles trouveront une expression moins littérale dans le projet
leçon de choses
ordonnancement inoffensif
repoussé au bord par des mottes rondes
aspiration de «l’oeil du cyclone», faufilement
déstructuration pédagogique, émancipation
respiration, effleurement, et niche cachée
cadencement, picotement, le vent qui siffle
cachettes palmées dans les broussailles
rebondissement, attraction, tension de pôles
L’espace dans lequel nous évoluons a la capacité de nous faire sentir notre propre corps. Cette perception est accrue quand il contraint nos mouvements. L’apesanteur fait oublier le corps; l’eau nous porte mais chaque goutte nous rappelle nos limites corporelles; dans un large espace vide, notre échelle n’a que peu d’importance... Mais dans une forêt dense, se frayer un passage nous fait rapidement prendre conscience des dimensions de notre corps et de nos capacités de flexion. Chaque point de contact de l’environnement sur notre peau nous décrit les coordonnées d’un point de notre corps. La multiplication de cette expérience nous apprend nos limites comme on prendrait conscience de celles d’un espace en suivant le pourtour du bout du doigt, comme l’aveugle sondant le vide avec sa canne à la recherche d’une aspérité qui l’informe.
vers l’émergence de la conscience corporelle
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se perdre en géométrique pour mieux se retrouver
définition par le plein, contenu plat homogène
amortissements plans, transparence cadencée
le cocon et l’aimant
trois chambres, trois cellules, trois noyaux
nid vide
Ces petites représentations planes ne sont que des évocations de ce que pourraient êtres ces lieux de repos, de délestage des stimulations sensorielles et des contraintes du vivre ensemble. L’intimité semble être une condition souvent nécessaire à la détente. On limitera donc la taille de ces espaces, à moins que leur architecture séquencée ou alvéolée ne permette d’oublier la proximité d’autres usagers. S’asseoir contre quelque chose, s’allonger sur le sol, se lover dans un creux, se cacher derrière un paravent et s’endormir, respirer une odeur calmante, sentir un brin de vent et le soleil sur sa peau, un chatouillement d’herbe qui se balance, entendre le vrombissement des insectes... autant de griffures abstraites dans un espace clos
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le temps de rien pour être bien
façons de se couper du monde d’actions en se connectant à autre chose d’essentiel. Ne rien faire permet de sentir sa présence au monde; on n’est pas toujours parce qu’on fait. La qualité des limites de tels espaces sont aussi plurielles que les émotions qu’elles créent. Poreuses ou imperméables, vaporeuses ou denses, épaisses à couches multiples ou fines dentelles, cotonneuses ou rugueuses, dures ou molles, sombres ou claires, s’ouvrant sur le ciel ou proposant un toit, architecturales ou géométriques, s’érigeant ou s’enfonçant dans le sol... les chambres se définissent autant par leur contenu que par leur contenant, par leur vide que par leur plein.
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1 la nécessité de l’enclos 2 le territoire de l’anmal domestiqué 3 le territoire humain 4 une nourriture suffisante 5 l’ombre des arbres 6 la fraîcheur de la rivière 7 l’aisance des déplacements
« La biodiversité, il faudrait l’envisager comme le support d’une grammaire générative de gestes et de rapports, de côtoiements et de fuites, comme une gigantesque parade de comportements et d’ouvertures. » (Bailly). Le lien à l’animal est un autre fondamental de la thérapie qui naît de la superposition des territoires humains et animaux. Ces derniers offrent un terrain de communication où les gestes et les attitudes jouent un rôle primordial. Le contact de la peau, sa chaleur et son odeur favorisent l’intégration sensorimotrice. S’occuper d’un animal, le nourrir, l’observer, l’imiter, vouloir le suivre, le toucher, et parfois ne faire qu’un avec lui encouragent le développement psychomoteur souvent déficitaire chez les autistes.
Pour que l’animal puisse développer tout son potentiel, il faut lui offrir un espace de qualité respectant son besoins fondamentaux. Un enclos nu n’est pas un espace de vie. La représentation ci-dessus cherche à montrer que si le vagabondage de certaines espèces n’est pas souhaitable, comme dans le cas des chevaux ou des ânes, alors leur enclos doit leur offrir une espace suffisant pour se déplacer, une nourriture de qualité, un abris, un coin d’ombre... Les interactions qui naissent entre les territoires humains et ceux des animaux domestiqués peuvent se décliner selon plusieurs modes. Parfois, simplement un regard à distance ou plus proche permettant l’observation. Ce peut-être voir depuis sa fenêtre les chevaux au pré.Ensuite, le contact physique de l’apport de nourriture, de soin ou d’attention, amenant la personne à pénétrer dans l’enclos qui est, par définition, le territoire de l’animal. Cela peut mener à monter le cheval, qui se fait alors support, compagnon, thérapeute. Chaque situation d’interaction amène de nouvelles modalités perceptives dans une relation intersubjective. A Fervaques, la jument Elyrose est déjà la mascotte, avec Jacquot l’âne, les deux paons et les cygnes. Je souhaite développer davantage la présence animale et la diversité de leurs modes de présence.
des animaux et des hommes 163
Conclusion et ouverture Nombreux sont les projets paysagers qui considèrent l’homme simplement comme l’une des composantes du projet. Pourtant, il est conçu par et pour lui, il en est l’utilisateur principal ! C’est pourquoi il m’a semblé fondamental dans ce travail de fin d’étude de remettre l’homme au cœur du projet, et plus particulièrement des personnes dont la différence offre une incroyable richesse d’approche. Mon ambition était de penser le paysage à partir d’un regard autre, sans chercher à le ramener vers la normalité; mon dessein étant de tenter des esquisses d’écritures paysagères allant dans le sens d’accompagner les personnes autistes sur le chemin de l’épanouissement. Ce travail de recherche, je l’ai voulu principalement travail d’écriture. Mon obsession de la mise en mots a bâti les fondations de mon projet qui, désormais, doit se traduire dans un autre langage, spatial cette fois-ci pour pouvoir se déployer. La gravure a été l’intermédiaire que j’ai choisi pour esquisser mes intentions sans basculer dans une formalisation directe que je craignais réductrice en comparaison avec la recherche développée au préalable. J’ai donc exprimé des intentions principales constituant la charpente de mon projet (le parcours, les limites, la trame) et son contenu (une palette d’intentions tournées vers les besoins des personnes autistes : les leçons de choses; le temps de rien; la conscience corporelle). J’ai tenté d’articuler ce contenu et ce contenant avec les données inhérentes au site du château de Fervaques : une association déjà présente avec ses ambitions propres, une architecture remarquable et un parc aux fortes potentialités. Mon travail vient se greffer sur l’existant comme un organe au sein d’un corps déjà en fonctionnement. Il se doit tout d’abord de ne pas être perçu comme une entité étrangère afin de ne pas être rejeté, puis il se raccorde au système en place pour s’irriguer. C’est seulement alors qu’il peut alors apporter un plus par ses fonctions. L’hypothèse d’inclusion permanente dans le bâtiment actuellement désaffecté d’un groupe de personnes autistes a la même fonction que cet organe. Il devient un second cœur battant avec le château. La tension entre des deux pôles met en synergie les espaces environnants et influe une nouvelle impulsion au site.
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Bibliographie Arapi et l’Unapei, 2007, L’autisme, où en est-on aujourd’hui? Etat des connaissances; repères pour les accompagnants, Arapi Jean-Christophe Bailly, 2007, Le versant animal, Bayard Jeunesse Olga Bogdashina, 2012, Questions sensorielles et perceptives dans l’autisme et le syndrome d’asperger, AFD Ed. Italo Calvino, 1963, La journée d’un scrutateur, Folio Clare Cooper, Marcus and Marni Barnes, 1999, Healing Gardens, Therapeutic Benefits and design recommendations, WLEY Natasha Etherington, 2012, Gardening for Children with Autism Spectrum Disorders and Special Educational Needs, JKP Philippe Forest, 2002, Près des acacias : l’autisme, une énigme, actes sud Uta Frith, 2008, Autism, A Very Short Introduction, Oxford University Press Guide Gallimard, 1995, Calvados, les encyclopédies du voyage, Gallimard Nancy Gerlach-Spriggs, Richard Enoch, Kaufman, Sam Bonnie B. Hebert, 2003, Design guidelines of a therapeutic garden for autistic children, Thèse Faculty of the Louisiana State University and Agricultural and Mechanical College Jean-Charles Juhel, 2003, La personnne autiste et le syndrome d’Asperger, Presses Université Laval Les Carnets du Paysage n°21, 2011, A la croisée des mondes. Actes Sud et l’École Nationale Supérieure du Paysage, Arles. Marie Maurer et al, 2010, L’enfant avec autisme et l’animal dans un lien signifiant : des possibilités d’interventions thérapeutiques, P.U.F. article, Université de Sherbrooke Scarlette et Philippe Reliquet, 2011, Ecouter Haendel, Connaissance de l'inconscient chez Gallimard Martha Tyson, 1998, The healing landscape, therapeutic outdoor environments, Mcgraw-Hill Peter Vermeulen, 2005, Comment pense une personne autiste?, Dunod Bass Warner, 1998, Restorative Gardens, The Healing Landscape, JR. Yale University Press
filmographie Marion Gruner et Christopher Sumpton, 2012, L’énigme de l’autisme, documentaire, Cogent/Benger Productions, CBC et ARTE France Sophie Révil, diffusé en 2012, Le cerveau d’Hugo, documentaire-fiction, France 2
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Remerciements Je tiens tout d’abord à remercier mes professeurs, Mme Claire DAUVIAU et M. JeanChristophe BAILLY pour leur accompagnement et leur écoute tout au long de ce travail de fin d’étude. J’adresse un remerciement tout particulier à Jean-Claude et Thérèse-Marie LHOTEL pour leur accueil chaleureux sans cesse renouvelé. Je tiens ici à saluer leur engagement pour la cause du handicap au sein de leur association Le Kinnor. Je tiens également à remercier chacune des personnes qui m’ont permis d’enrichir mes recherches tout au long de la confection de ce mémoire. J’adresse donc mes plus vifs remerciements à: - l’ensemble de l’équipe du Centre Recherche Autisme de Tours, pour le temps qu’ils m’ont consacré et les informations précieuses qu’ils m’ont transmises, et plus particulièrement Serge Berthier, documentaliste, Cindy Le Menn, psychomotricienne - Raphaëlle Chéré pour ses conseils avisés en début de parcours - Chilpéric de Boiscuillé, pour ses anecdotes passionnantes sur l’histoire de sa participation au programme de la Chesnaie ... et bien entendu un grand merci à tous mes amis de promotion pour les cinq années formidables qui se sont écoulées... que de chemin parcouru en votre compagnie ! Merci pour tous ces beaux moments partagés parmi vous... Un remerciement particulier à mes incroyables colocataires et très chers amis de la «maison de l’espace», qui ont su faire de cette dernière année une apothéose de bonne humeur : Bamb’, Sylvain et Arnaud. Un remerciement également à ma famille pour son soutien et son intérêt. Enfin, un message de vifs encouragements à Alex, petit farceur, je sais que tu reviendras plus fort l’année prochaine; on compte sur toi et on fêtera tous ensemble ton diplôme en 2015, promis ! On n’abandonne pas des potes de promo comme ça à l’ENSNP.
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Le paysage est une expérience que nous renouvelons chaque jour de notre présence au monde, il est confrontation des matières de notre corps et du milieu dans lequel nous vivons. Le regard porté sur ce qui nous entoure n’est que pure interprétation à partir d’une réalité donnée pour tous. Les témoignages des personnes autistes esquissent les contours d’un monde sensoriel complètement différent du nôtre dont grande poésie se dégage. Néanmoins, mais ce serait une grave erreur d’occulter le fait qu’il est souvent le siège d’incompréhensions et de peurs menant à la souffrance. Mon ambition dans ce travail est de penser le paysage à partir d’un regard autre, sans chercher à le ramener vers la normalité; mon dessein étant de tenter des esquisses d’écritures paysagères allant dans le sens d’accompagner les personnes autistes sur le chemin de l’épanouissement. Un but, et déjà une foule de questions annexes traversent mon esprit : puisque la différence est richesse, comment, pour tout un chacun, dire la différence sans mots? Faudrait-il inventer un paysage reflétant une sensibilité qu’on ne connaît pas? Peut-on faire du paysage une fenêtre ouverte sur le monde de l’autisme ? Selon quelles modalités organiser la rencontre entre ces mondes si différents?
L école nationale supérieure de la nature et du paysage (ENSNP) 9, rue de la chocolaterie - CS 2902 41029 Blois cedex tél. : +33(0)2.54.78.37.00 fax : +33(0)2.54.78.40.70 ensnp@ensnp.fr www.ensnp.fr