LYDIE HADERMANN-MISGUICH Images de Ninfa Peinteures médiévales dans une ville ruinée du Latium

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FONDAZIONE CAMILLO CAETANI

CENTRO DI STUDI INTERNAZIONALI GIUSEPPE ERMINI FERENTINO

ROMA

Riproduzione digitale

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LYDIE HADERMANN-MISGUICH

Images de Ninfa Peinteures médiévales dans une ville ruinée du Latium

Roma 1986


QUADERNI DELLA FONDAZIONE CAMILLO CAETANI

VII

Lydie Hadermann-Misguich

lmages de Ninfa Peintures médiévales dans une ville ruinée du Latium

ROMA 1986


QUADERNI DELLA FONDAZIONE CAMILLO CAETANI A CURA DI LUIGI FIORANI

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Lydie Hadermann-Misguich chargé de cours à l'Université Li~re de Bruxelles

Images de Ninfa Peintures médiévales dans une ville ruinée du Latium

Préface par Paul Philippot

·ROMA 1986


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© 1986 FONDAZIONE CAMILLO CAETANI VIA DELLE BOTTEGHE OSCURE, 32 - ROMA


Table des mdtières

PRESENTAZIONE PRÉFACE

di Giacomo Antonelli

par Paul Philippot

AVANT-PROPOS

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I. NINFA: HISTOIRE ET PRESENTATION DU SITE

. 23

II. LES EGLISES DE NINFA ET LEURS PEINTURES

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1. Les églises et les peintures romanes Santa Maria Maggiore San Giovanni San Biagio San Pietro fuori le mura Sant'Angelo sopra Ninfa San Salvatore 2. Les peintures de l' époque gothique San Pietro fuori le mura San Salvatore Les Vierge trònant de San Giovanni et de San BMgio

Sant'Angelo et Santa Maria sopra Ninfa Santa Maria Maggiore

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54 66 74 83 93 102 108 109 117 120 123

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CONCLUSIONS

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BIBLIOGRAPHIE

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T ABLE DES SCHÉMAS DANS LI'; TEXTE

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TABLE DES PLANCHES EN COULEURS

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TABLE DES ILLUSTRATIONS HORS-TEXTE

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A mes parents


Presentazione

La Fondazione Camilla Caetani è lieta di pubblicare, in questo suo «Quaderno», lo studio che la Pro/ssa Lydie Hadermann-Misguich, docente all'Università libera di Bruxelles, ha dedicato alle pitture medioevali di Ninfa. Un Quaderno su Ninfa non poteva mancare, tanto quel nome è, da sempre, legato a quello dei Caetani. Senza andare troppo lontano nel tempo ricordiamo l'amore e la cura che a Ninfa hanno dedicato gli ultimi esponenti della famiglia Caetani: Gelasio, Rof/redo con la moglie Marguerite Chapin, Lelia ed il marito Hubert Howard. Grazie alla loro opera costante, discreta e intelligente il complesso di Ninfa è divenuto un «unicum» per la singolare unione tra arte, natura e sapienza botanica: il tutto è frutto non solo del piacere-dovere di ben conservare un così prezioso bene di famiglia, ma anche del desiderio di farne godere - nei modi e nei tempi compatibili co1:_1 la sua peculiarità - anche la collettività. E dell'aspetto artistico di Ninfa che si occupa lo studio qui pubblicato che finalmente ci offre un approfondito esame delle pitture murali ridotte a pochi ma pregevoli /rammenti: questo studio non si esaurisce sul piano 11


della storia dell'arte, ma è un contributo al salvataggio di preziosi restz~ che testimoniano la presenza di quel centro artistico di grande livello che il Prof Philippot, nella sua prefazione, definisce scuola di pittura italo-bizantina di Ninfa. La Fondazione Rof/redo Caetani - che dopo la morte di Lelia Caetani e sotto la Presidenza di Hubert Howard possiede e cura il complesso di Ninfa - si accinge a por mano - con la collaborazione di studiosi e di centri di studio - ad una graduale opera di restauro conservativo dei monumenti. Un tale proponimento è certo rafforzato da questo studio che è ulteriore stimolo a sempre meglio conoscere e salvaguardare Ninfa: ringraziamo anche per ciò, oltreché per l'impegno ed il rigore scientifico della sua opera, la Prof ssa Hadermann. Il nostro ringraziamento si estende al Prof Philippot per la sua autorevole prefazione e per l'amichevole attenzione che, anche quale Presidente dell'ICCROM, egli ha sempre dedicato a Ninfa.

Giacomo Antonelli Presidente della Fondazione Camillo Caetani

Roma, Palazzo Caetani 1° dicembre 1986

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Préface

r race aux soins amoureux et attentifs de ses propriétaires, la famille Caetani, Ninfa, ville médiévale en ruines, nous a été préservée comme un admirable jardin anglais, exemple unique en Italie de conservation «ruskinienne». Quelques restes de peinture murale y subsistaient encore dans les vingt dernières années, que cependant le visiteur, séduit par le charme poétique des lieux, y remarquait à peine, à moins d' ètre un spécialiste de l' archéologie médiévale. Leur dégradation avancée, autant que leur rareté, les réduisait en effet au rang de simples accidents particuliers dans le pittoresque des ruines: couleurs passées, enduits craquelés aux bords déchiquetés. Aucun exemple, peut-ètre, ne justifiait mieux la réflexion fugitive de Hemingway dans A Farewell to Arms: «Ali frescoes are nice when they begin to peal». Frescoes. La décision de sauver ce qu'il en restait - des traces insuffisantes pour que la Surintendance aux monuments et galeries, . toujours surchargée d'urgences et sans moyens suffisants, puisse songer à leur accorder son attention - devait résulter de l' intérèt convergent de la regrettée Princesse Lelia Caetani, de son époux Sir Hubert Howard, de l'Istituto Centrale

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del Restauro et du Centre international d'études pour la conservation et la restauration des biens culturels, qui y virent l' occasion de sauver les derniers restes d'ceuvres condamnées, tout en faisant de cette opération un chantier didactique international de restauration. Il est évident que, si la règle en matière de conservation des peintures murales exige leur conservation in situ, son application à Ninfa ne pouvait signifier que la disparition complète, à brève échéance, de témoignages dont la rapidité croissante de dégradation était attestée par une comparaison avec les relevés à l'aquarelle réalisés dans les années 1920 par Maria Barasso. D'autre part, les ruines ne pouvaient rien perdre de leur charme ét de leur signification en se voyant privées des derniers restes de fresques. Dépose et transposition s'imposaient donc, et offraient un excellent exemple pratique et méthodologique. Mais Ninfa réservait davantage. Un examen attentif des restes, préalable à l'intervention, faisait rapidement apparaitre, dans quelques parties mieux conservées, en particulier à Santa Maria Maggiore età San Biagio, une qualité artistique tout autre que secondaire et des rapports particulièrement étroits avec la culture figurative byzantine. Dès lors, conserver les restes ne pouvait signifier (mais est-ce jamais le cas d'ailleurs?) se limiterà assurer leur sauvegarde matérielle. Il s'imposait de savoir de quoi il s' agissait, afin d' assurer pour l' avenir la connaissance, la diffusion et la présentation adéquate de ce qui apparaissait indiscutablement comme une redécouverte. Histoire de l'art et muséologie se révélaient ainsi, une fois de plus, indissociables dans la démarche 14


générale de restauration, car l' essentiel, finalement, était bien de ressusciter la mémoire d'une école de peinture italo-byzantine de Ninfa. Signification qui ne pouvait etre pleinement dégagée que par l' étude d'un spécialiste. C' est cette étude que nous livre aujourd'hui Lydie Hadermann, qui y a consacré toute son érudition, sa patiente recherche, sa sensibilité. Partant de restes si réduits qu'ils semblaient voués, par résignation, à une disparition totale, elle arrache in extremis à l' oubli et restitue à l'histoire un atelier de peinture dont les réalisations à Ninfa, aux environs de 1200, devaient soutenir la comparaison avec celles d 'Aquileia. Quelquesuns des plus beaux fragments d' ailleurs, se trouvent aujourd'hui encore in situ, dans l'abside branlante de l' église de San Pietro, hors les murs, encerclée par une mer d' orties géantes. Puisse ce beau travail d 'histoire de l'art susciter en leur faveur, par une sorte de /eed back, une nouvelle campagne de restauration, avant que la poésie des ruines n' engloutisse à jamais ce chapitre d'art et d'histoire. Paul Philippot

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Lydie Hadermann-Misguich IMAGES DE NINFA


Avant-propos

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ur les murs, et, par-ci par-là, sur une tribune recouverte de lierre on retrouve des traces de fresques. Elles représentent de vieux chrétiens, la palme à la main et les instruments de leur martyre au céìté. La tete pale, entourée de nimbes d'or, couverts de dalmatiques dorées, l'étole sur l'épaule, ils regardent d'un oeil sévère à travers leurs voiles de fleurs et semblent irrités de voir les enfants de Flore, la déesse pai:enne, célébrer un culte sacrilège dans les églises abandonnées 1.

Depuis la vision émerveillée de Ninfa qu'eut l'historien allemand Ferdinand Gregorovius, vers le milieu du XIXe siècle, les descriptions des ruines de la petite ville médiévale se succédèrent, souvent très romantiques, toujours imprégnées du charme unique que dégage l'alliance des eaux calmes ou vives, d'une végétation exubérante et fleurie et des vestiges d'une cité morte. Les fresques y sont évoquées, comme d' autres fantòmes, mais elles sont rarement décrites et jamais de façon systématique. Mème Giuseppe T omassettì et, à sa suite, Camille Enlart qui, dans le premier quart de ce 1 F. GREGOROVIUS, Promenades en Italie. Le Ghetto - Subiaco - Ravenne - Les Monts Volsques - La Campagne romaine, Paris, Hachette, 1894, p. 187 (traduit de l'allemand avec une préface de E. Gebhard.) . Pour les références aux éditions allemandes ainsi que pour les ouvrages des auteurs mentionnés ultérieurement dans cet avant-propos, voir la Bibliographie, I, pp. 143-145.

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siècle, mentionnèrent ou décrivirent les particularités artistiques de la ville, s' attachèrent surtout aux peintures les mieux conservées, restèrent souvent vagues pour les autres, quand ils ne les passèrent pas sous silence. Mais le peu qu'ils évoquent, ou ce qu'ils reproduisent en photographie, est très précieux aujourd'hui car souvent déjà du domaine du passé: à San Giovanni, par exemple, la moitié de l'abside s' est effondrée depuis la photo que publia Enlart en 1919 et les «quelques bonnes fresques du XIIe siècle et du XIIIe: translation d'un corps saint et guérison d'un aveugle» auxquelles il fait allusion, ont disparu ou ne sont plus discernables. Gelasio Caetani, dans sa Domus Caietana, et l' archéologue italienne Maria Barasso, par ses études, ses dessins et ses aquarelles, ont heureusement contribué à fixer le souvenir des peintures en meilleur état dans les années 1920. · Le sauvetage matériel des «fresques» de Ninfa a eu lieu de 1968 à 1971 lorsque le Centre International d'Etudes pour la Conservation et la Restauration des Biens Culturels à Rome a entrepris, à l'initiative de son directeur adjoint, le professeur Paul Philippot, de détacher la majeure partie des fragments les mieux conservés. Ces ceuvres sont actuellement abritées au chàteau de Sermoneta, propriété des Caetani, comme Ninfa. Le présent ouvrage a été conçu comme un complément à cette opération de sauvetage. Pour que les peintures médiévales de Ninfa, de très belle qualité mais mutilées, isolées et parfois meme difficilement déchiffrables retrouvent un contexte, il fallait non seulement, par la description et la photographie réunir les fragments actuellement séparés mais il fallait surtout 20


tenter de reconstituer - ne fùt-ce que partiellement les ensembles initiaux, et, par la comparaison avec d' autres fresques, les situer dans le temps et dans leur sphère culturelle. Les éléments conservés ont généralement été suffisants pour permettre une analyse stylistique mais, pour l' étude iconographique, les indices trouvés dans les descriptions anciennes ont été fort utiles. Les travaux de Maria Barosso se sont révélés particulièrement précieux. L'histoire de Ninfa est bien connue de nos jours. Giuseppe T omassetti et Gelasio Caetani en furent les priricipaux spécialistes. G. Marchetti-Longhi, H. Stoob et A.G. Saggi en ont donné des synthèses plus récentes et toutes les présentations du site en reprennent les grandes lignes. Pour la facilité du lecteur, d'une part, mais surtout afin de pouvoir braquer un éclairage particulier sur les événements liés à la vie monumentale de la cité, sur ses moments d'épanouissement ou sur les relations culturelles possibles avec d' autres centres, il a paru indispensable d'introduire l'étude des fresques par les grandes pages de l'histoire du lieu. Il y sera d'ailleurs maintes fois fait allusion pour étayer une datation proposée sur base d'une analyse stylistique et iconographique. L'histoire retracée ici n' a pas été limitée à la période pour laquelle on a trouvé des peintures: les origines de la petite ville devaient etre rappelées, de mème qu'il a semblé utile de montrer quelle fut la vie du site des monuments notamment - après le sac de 1382 jusqu'à nos jours où, tel un écrin, un des plus beaux jardins anglais abrite les vestiges d'une cité fortifiée et de ses sanctuaires. 21


Je suis très reconnaissante à man ami et collègue Paul Philippot de m'avoir proposé l'étude des peintures murales de Ninfa et d'en avoir suivi l'élaboration; elle m'a procuré des joies profondes par la qualité et le grand intérèt des oeuvres en question mais aussi par l'exceptionnel halo qui entoure le site pour lequel elles ont été créées. Ma reconnaissance s'adresse, également vive, à Sir Hubert Howard qui m'a très aimablement accueillie dans son domaine latin et a largement facilité mes recherches. Je tiens aussi à exprimer ma gratitude aux professeurs Charles Delvoye et Otto Demus qui, dès le début de mes travaux, ont amicalement marqué leur intérèt pour les fresques de Ninfa et m'ont donné leurs avis à ce sujet. Mes remerciements chaleureux vont également à Monsieur Léon Gilissen, de la Bibliothèque Royale de Belgique, et à mes collègues de l'Université Libre de Bruxelles, Messieurs Jean-Jacques Ho<;banx et Pierre Jodogne qui ont prèté leur concours à l'examen difficile des restes d'inscriptions figurant sur les fresques, Monsieur Georges Despy qui a accepté de refi.re la partie historique, Monsieur Jean-Marie Sansterre qui m'a guidée dans le dédale de la bibliographie sur Rame, à Monsieur Luigi Fiorani, archiviste de la Fondation Camillo Caetani de Rome ainsi qu'à Monsieur et Madame Paolo Mora, restaurateurs à l'Istituto Centrale del Restauro et membres du Conseil d'administration de la Fondation Roffredo Caetani de Sermoneta, qui ont suivi mes travaux et m'ont procuré des documents, au Centre International d'Etudes pour la Conservation et la Restauration des Biens Culturels qui m'a fourni une grande partie des photographies des peintures, aux personnes et institutions qui m'ont procuré des documents de comparaison, ainsi qu'à Messieurs Guy Gemoets et Paul Verstichel, photographes de l'Université Libre de Bruxelles, qui, avec art et patience, ont su donner à chaque pellicule son meilleur rendement . Au moment où cette étude devient livre, j'exprime toute ma gratitude à la Faculté de Philòsophie et Lettres de l'Université Libre de Bruxelles et à son président, Monsieur Christian Peeters, pour leur aide et leurs encouragements, au Centre lnternational d'Etudes pour la Conservation et la Restauration des Biens Culturels et à son directeur, Monsieur Servar Herder, pour le subside octroyé ainsi qu'à la Fondation Camillo Caetani qui m'a fait l'honneur d'inserire ce texte dans la série de ses Quaderni. J' adresse des remerciements particulièrement chaleureux à mon mari pour nos nombreux voyages à la recherche de fresques, pour ses encouragements et ses conseils toujours judicieux, ainsi qu'à tous les amis - spécialement à Bernadette Struelens - et collègues, qui, d'une manière ou d'une autre, m'ont aidée à tracer ces Images de Ninfa.

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I. Ninfa: histoite et présentation du site

ans un magnifique jardin à l' anglaise, où l' été naissant fait s'épanouir le lys, la rose, l'iris, l'arum, D l' astilbe et cent autres fleurs, où l' eau connait des rythmes différents entre des pins altiers, de jeunes bouleaux ou de robustes bambous, dorment les ruines de la cité médiévale de Ninfa. La tour du chàteau de Pietro Caetani les domine au bord du petit làc qui double son image (figg. 3-5). Ce lieu, où le temps est suspendu dans une magie de végétation, est, depuis la fin du Xllle siècle, la propriété de la famille noble des Caetani. La regrettée princesse Donna Lelia Caetani et son époux Sir Hubert Howard lui ont donné sa poésie actuelle. Déjà Gelasio Caetani, onde de Donna Lelia, avait, dans le premier quart de ce siècle, commencé à dégager et consolider les ruines et transformé ce site sauvage en un jardin planté de roses. Ninfa est située dans la plaine pontine, à environ 65 kilomètres de Rome, au sud-ouest des Monts Lepini (sch. 1). Elle s'étend au pied du Mont Mirteto où se dressent les ruines de l' antique Norba aux murs cyclopéens. Née de l'eau puisqu'elle porte le nom de sa rivière, Ninfa est gardée par son lac au nord, par le canal 23


Sch. 1. Région de Rome. Ninfa


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NINrA ~CALA~ . ............... • , a- . . . . . . . . . . . . . . .

Sci, 2. Pfoo d, Ninfa, d',p,i,, Domu, Cu,CMn,, I, 1, p 308.

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d'évacuation de celui-ci à l'ouest et au sud, tandis que la Ninfa la traverse plus à l'est (sch. 2). La Via Appia passe à quelque cinq kilomètres au sud-ouest de la pe- , tite cité. De Norma, la ville médiévale qui succéda à la Norba des Volsques, on a encore aujourd'hui une vue impressionnante sur cette région des anciens marais pontins et l'on retrouve l'émotion d'un Gregorovius qui, vers le milieu du XIXe siècle, découvrit un soir de la fenètre de son auberge: une sorte de cirque dont les murs étaient couverts de lierre et dans l'enceinte duquel s'élevaient de curieuses collines qui semblaient etre faites de fleurs; quelques tours grises émergeaient de-ci de-là, ruines recouvertes de mousse. Au milieu de ce bizarre cercle coulait un ruisseau argenté, qui traversait ensuite les Marais Pontins, et allait se jeter au loin dans un lac lumineux près de la mer 2 •

On considère généralement que dans l' Antiquité Ninfa était uniquement un lieu de culte dédié aux nymphes qui fréquentaient les sources du Monte Mirteto et l'endroit d'où le Nymphaeus s'échappait du lac. Des blocs de tuf découverts dans le fond de la rivière ainsi que des bases de mur en grand appareil régulier dans l'église San Salvatore seraient les vestiges d'un antique sanctuaire aux divinités des eaux 3 • Pline mentionne le Nymphaeus parmi les cours d'eau du Latium et e' est sans doute pourquoi plusieurs auteurs moder2

F. GREGOROVIUS, op. cit., p. 178. G. TOMASSETTI, La Campagna romana,

antica, medioevale e moderna, II (Via Appia, Ardeatina ed Aurelia), Banco di Roma, 1975 2 , p. 459 . Sauf pour des cas particuliers, !es références à ce volume, paru d'abord en 1910, seront faites d'après l'édition de 1975. Les blocs de tuf dans la rivière se trouvent près du pont ruiné; à San Salvatore, ils se situent à la base des murs extérieurs, à hauteur des nefs. 3

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nes ont voulu voir une allusion à la marécageuse Ninfa latine dans ces sites nommés «Nymphée» où de petites iles dansent au son de la musique et au rythme des pieds, où les eaux pluviales font jaillir des flammes d'un rocher 4 • Mais pour certains exégètes, Pline se réfèrerait plutòt là à des «Nymphées» de Lydie et d'Illyrie5. Ninfa la médiévale engendrera, elle, des légendes où se melent la jeunesse des eaux vives et le pouvoir maléfique des eaux dormantes. Le site s'est peuplé au haut moyen àge suite à la préférence accordée, dès le début du VIIIe siècle, à un itinéraire passant par Ninfa (Via Consolare) pour rejoindre la cote, au détriment de l' ancien tra jet rectili-

4 PLJNE L'ANCIEN, Histoire naturelle, III, 57 (Nymphaeus, fleuve du Latium). Les deux passages souvent considérés comme se rapportant à Ninfa sont: «Sunt et in Nymphaeo parvae Saliares dictae, quoniam in symphoniae cantu ad ictus modulantium pedum moventur» (II, 209) et «In Nymphaeo exit e petra flamma, guae pluviis accenditur» (II, 240). Giuseppe TOMASSETTI (op . cit., p. 459) et Gdasio CAETANI (Domus Caietana, I, 1, Sancasciano Val di Pesa, 1927, p. 107) sont les principaux historiens qui ont rattaché ces passages à Ninfa. lls ont été largement suivis. ' Etant donné les brusques sauts géographiques effectués par Pline dans ses descriptions de phénomènes et le fait qu'il mentionne plusieurs fleuves ou lacs du nom de Nymphaeus ou Nymphaeum, les exégètes ne s'accordent pas sur la localisation de ceux-ci. A titre d'exemples, dans l'index de l'édition Teubner (Leipzig 1898, p. 268) L. IANUS considère comme identiques le fleuve du Latium et le Nymphaeus aux iles mouvantes tandis qu'il lie le phénomène des flammes sortant de la pierre au promontoire d'lliyrie mentionné au Livre III, 145. Dans l'édition Loeb, (Londres et Cambridge (Mass), I, 1938) H. RACKHAM fait exactement !'inverse. Pour Jean BEAUJEU (Paris, Les Belles Lettres, 1950), le Nymphaeum aux «sauteuses » provient de Varron et se situe en Lydie (commentaire, pp. 250-251) tandis que les flammes jaillissant du rocher pourraient se rapporter au célèbre Nymphaeum du territoire d'Apollonie en lliyrie (p. 263) .

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gne de l'Appia 6. Ninfa et Norma faisaient alors partie du domaine impérial byzantin et c' est à ce titre qu' elles furent données, vers 750, par l' empereur iconoclaste Constantin V, dit Copronyme, au pape grec Zacharie. Ce dernier, habile diplomate, joua le rqle de négociateur entre Byzance et les Lombards, ce qui lui permit d'accroitre le territoire de l'Eglise. Toute l'histoire de Ninfa, au moyen àge, sera marquée et déterminée par l'importance relative du pouvoir pontifical et de la puissance de la féodalité locale. Les deux forces se combinaient d'ailleurs lorsque les intérets de l'Eglise se confondaient avec les intérets familiaux du pape. La ville s' accrut du IXe au Xle siècle; elle bénéficia du déclin des cités maritimes dù partiellement aux nombreux raids arabes mais surtout aux inondations de l'Appia et aux dépòts d' alluvions dans les systèmes de drainage qui se détérioraient depuis la fin de l' antiquité. L'importance stratégique et économique de Ninfa en fit un des principaux enjeux dans la lutte entre Pascal II et le comte rebelle de Tusculum, Tolomeo, qui s' était emparé de biens dont le pape lui avait confié l' administration. Le Liber Censuum conserve, pour l'année 1110, l'énumération des obligations que le pontife imposa à la cité lorsqu'il la reprit. La plus lourde est, sans conteste, celle de raser les murs d'enceinte avec interdiction de les reconstruire sans autorisation

6 Les ouvrages sur l'histoire <le Ninfa sont groupés dans la Bibliographie, I, 1, pp. 143-145. Des références seront données en note, pour !es événements ou les faits qui ne fom pas partie des données historiques couramment reprises, ainsi que pour des renvois à e.Ics textes précis.

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de la Curie 7 • Pascal II voulait ainsi briser la vocation militaire de Ninfa; il en exploita les ressources, notamment celle des nombreux moulins, et fit de ses habitants des vassaux. En 1146, Eugène III concéda Ninfa en fief à la puissante famille des Frangipani qui gardèrent leurs droits sur la petite ville jusqu'en 1198 mais y conservèrent des biens jusque vers 1217 8 • Cette époque fut aussi mouvementée mais elle marqua certainement un premier redressement de la cité et fut meme très probablement témoin d'un important essor artistique, tant sur le plan de la construction que de la décoration des édifices. La famille des Frangipani, dont la première mention apparaìt en 1014, devrait son nom - du moins d' après une tradition - à la fonction exercée à la cour pontificale par Petrus Fraiapane de Imperatore, c'est-àdire celle de rompre le pain à la table du pape 9 • Ses descendants restèrent attachés à la papauté et c'est ainsi qu' en 1159 Alexandre III, dont l' élection romaine était contestée par les partisans de Frédéric Barberousse qui soutenaient l'antipape Victor IV, se réfugia à Ninfa sous la protection d'Odon Frangipane. L'entente des Frangipani avec la papauté ainsi que ce choix de Ninfa laissent supposer que la ville avait déjà alors pu relever ses murailles. Le 20 septembre le pape est

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Liber Censuum. Ed.

FABRE-DUCHESNE,

I, Paris 1910, CXXXII, pp. 407-

408. 8 G. CAETANI, Domus Caietana, I, 9 G. MARCHETTI-LONGHI, Castelli

1, pp. 108-109, 112. italiani. Ninfa nella regione pontina, dans Palladio, XIV, 1964, fase. I -III, pp. 3-27; p. 12.

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couronné dans la grande basilique à trois nefs de Santa Maria Maggiore de Ninfa, encore majestueuse aujourd'hui par les dimensions de ses ruines (figg. 9-11). La cérémonie se déroula en présence de plusieurs personnalités du clergé et de la noblesse et d'une foule nombreuse. La précieuse croix d' argent doré, ornée de reliefs et de camées antiques, qui servit à l'intronisation, a disparu mais on sait qu'après l'abandon de Ninfa en 1382, elle fut emportée à Sermoneta où elle était eneo re conservée dans l' église Santa Maria dans la seconde moitié du XVIIIe siècle mais dépouillée de ses camées 10 • Un des premiers historiens de Ninfa, Pietro Pantanelli, rapporte d'après diverses sources qu'à l'occasion de cette consécration, Alexandre III concéda le nom et l'indulgence des sept églises de Rome à autant de sanctuaires de Ninfa 11 • Etant donné les titulaires des sept principaux lieux de pèlerinage romains, on peut supposer qu'en plus de Sainte-Marie-Majeure, Saint-Jean, Saint-Paul et Saint-Pierre étaient déjà érigés ou, plus probablement, en voie de l'ètre. On n'a plus de trace d'éventuels Saint-Laurent, Saint-Sébastien ou SainteCroix à moins que l'église connue comme Saint-Sauveur ait été assimilée à un sanctuaire de la Croix 12 • 10 G. CAETANI, Domus Caietana, I, 1, p. 108 (d'après Pantanelli, I, p. 236 cf. n. suivante). 11 Pietro PANTANELLI vécut au XVIIle siècle (1710-1787) . Son ouvrage a été édité au début de ce siècle-ci par Leone CAETANI: Notizie istoriche, e sacre e profane, appartenenti alla terra di Sermoneta in distretto di Roma, 2 vol., Rome, Forzani, 1906-1908; 191!2, I, pp. 236-237. 12 La plupart des auteurs, dont Pantanelli lui-meme, considèrent que ces sept églises sont celles dont les ruines subsistent à Ninfa ou qui sont mentionnées dans les textes, sans tenir compte ni de leurs noms ni de ceux des sane-

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Les murailles de la ville, probablement relevées à la hàte sous les Frangipani à cause de la menace d'une attaque de Barberousse, se composent d'une enceinte intérieure à six portes doni plusieurs tours subsistent encore et d'une enceinte extérieure, sorte de circuit de garde 13 (fig. 2). L'origine de la forteresse, que développa vers 1300 Pietro Caetani, doit se situer à la meme époque, de meme, sans doute, que la construction du palais communal. Les liens entre Alexandre III et les F rangiparti, ses banquiers, restèrent étroits. Le pape, qui était en rapport avec l' empereur byzantin Manuel Ier Comnène à propos d'une éventuelle union des Eglises et des pouvoirs, négocia et bénit le mariage d'Odon Frangipane avec Eudocie, nièce de Manuel. Les noces solennelles eurent lieu à Veroli en 1170, en présence d'une importante délégation byzantine 14 • Frédéric Barberousse qui avait redouté l'union entre Manuel et le pape lança en 1166-67 une expédition en Italie. Ninfa paya cher son hospitalité envers Alexandre III: elle fut assiégée en 1171, les soldats de l'empereur la saccagèrent et l'incendièrent; ils détruisirent le monastère voisin de Santa Maria di Marmosolio. La ville se releva mais la puissance des Frangipani tuaires romains considérés camme formant les «sette chiese». Il se peut que l'idée d'Alexandre III n'ait été que partiellement réalisée puisque sur !es noms des sept églises ce sont ceux des quatre basiliques patriarcales (basilicae maiores) qui se retrouvent certainement à Ninfa. 13 G. CAETANI, Domus Caietana, I, 1, p. 117. 14 P. PARTNER, The Lands o/ S. Peter. The Papal.State in the Middle Ages and the Early Renaissance, Londres, Methuen, 1972, pp. 206-209. G. SPERDUTI, Vero/i nel secolo XII e Alessandro III, dans Fatti e figure del Lazio medievale (Lunario Romano, VIII), Rome, Palombi, 1979, pp. 319-328; pp. 325-326.

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était ébranlée. Dans les années 1190, ceux-ci durent abandonner, par une série d' actes successifs, leurs droits sur Ninfa; en 1198, ces derniers sont passés à des membres de la famille des Paparoni qui eux-mèmes les cédèrent en 1204 à Ottaviano Conti. En 1213, Innocent III, véritable fondateur des Etats pontificaux, transféra le droit de fief octroyé jadis aux Frangipani à son cousin, le $énéral des armées de Sicile, Giacomo Conti 15 • C' est à cette époque, en 1216 exactement, qu'un membre illustre de la famille Conti d' Anagni, Ugolino, évèque de Velletri, futur Grégoire IX, fonda l' abbaye et l' église de Santa Maria di Monte Mirteto près de la Grotte de Saint-Michel Archange qui attirait de nombreux pèlerins depuis sa consécration· en 1183 16 • Jusqu'en 1216, le sanctuaire de Saint-Michel releva du clergé de Ninfa mais la nouvelle et somptueuse fondation fut confiée aux moines cisterciens de San Giovanni de Flora, en Calabre. Des cisterciens occupaient également les abbayes voisines de Fossanova et de Marmosolio. L' abbaye du Mont Mirteto « super Nympham » devint un des plus fameux centres de la congrégation de Flora; elle acquit des territoires et des privilèges, notamment sur les terres de Ninfa. Déjà en 1216, les églises Saint-Clément «extra muros Nymphe» et SaintErasme de Ninfa en dépendaient. Les papes Alexandre

15 Pour la politique d'Innocent III, voir, en outre, P. PARTNER, op. cit., chap. VII, pp. 229 et ss. 16 D. MAURO CASSONI, La Badia nin{ana di Sant'Angelo o del Monte Mirteto nei Volsci/ondata da Gregorio IX, dans Rivista Storica Benedettina, XIV, 1923, pp. 170-189; 252-263; XV, 1924, pp. 51-77.

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IV (1254-61) et Boniface VIII (1294-1303) non se{ilement confirmèrent les privilèges de l' abbaye du Mont Mirteto mais lui en conférèrent de nouveaux. Après le pontificat de Boniface VIII, le déclin de la communauté commença. En 1432, elle fut annexée au couvent de Sainte-Scolastique à Subiaco pour éviter sa ruine totale. A partir des XVI e et XVIIe ·siècles les Ca etani entrèrent en possession de presque tous les biens qui avaient appartenu au monatère du Mirteto. Dans les années 1230-50, la famille des Annibaldi, apparentée aux Conti et aux Ceccano, prit une puissance nouvelle à Rome et dans la Marittima. Ils possédèrent Ninfa et construisirent la forteresse de Sermoneta. Leur domination ne fut cependant pas longue car bientot allaient s' affronter dans le Latium les Colonna et les Caetani. Les Caetani devaient probablement leur nom à leur ancètre présumé, Anatole, due de Gaète au début du IXe siècle; un siècle plus tard, de nombreux actes désignent ses descendants camme Gaetani. Ils semblent avoir des liens de parenté avec les ducs de Naples. On trouve des Gaetani à Pise au XIe siècle, et, de là, en Espagne. L'installation d'une branche de la famille à Rame, dans l'ile tibérine, parait remonter aux environs de 1139; il se pourrait que les Caetani d'Anagni en procèdent mais, pour Gelasio Caetani, ils dériveraient plutot de ceux de Gaète 17 • Le cardinal Benedetto Caetani, natif d' Anagni et élu pape sous le nom de Bonifa-

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17 G. CAETAN I , Domus Caietana, I, 1, pp. 5-7 . Consulter aussi les nombreux articles Caetani (et Gaet,mi à paraitre) dans Dizionario biografico degli Italiani.

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ce VIII en 1294, après l' abdication de Célestin V, joua un role primordial pour l'avenir de la «gens caietana». Cet éminent pontife, à la personnalité controversée, affirma le caractère théocratique de l' autorité papale et eut une politique italienne, notamment face à la France de Philippe le Bel. Il fut un ennemi détesté et la haine qu'il suscita, entre autres par sa guerre contre les Colonna, résonne toujours dans les vers de Dante 18 . Il pratiqua largement le népotisme et assura la puissance des Caetani face à celle des Conti, des Orsini et des Colonna. Pour des raisons qui n' apparaissent toujours pas clairement aux historiens, la ville de Ninfa qui jouissait alors d'une autonomie politique, qui nommait ses magistrats et exerçait la haute et basse justice, avait élu le cardinal Pietro Colonna comme suzerain, l'avait nommé recteur et podestat de la ville et lui avait accordé en 1296 les pleins pouvoirs pour une durée de trois ans. C'est alors que se déroula, en mai 1297, le premier épisode de la «guerre» entre Boniface VIII et les Colonna: le train de mules transportant un trésor de 200.000 florins destiné aux acquisitions territoriales des Caetani est dévalisé par un Colonna; les cardinaux Pietro et Jacopo sont convoqués par le pontife, notamment pour savoir s'ils reconnaissent sa légitimité. Ils se rebellent ouvertement et, au chàteau de Lunghezza, ils rédigent le fameux manifeste faisant appel à un concile pour décider de la légitimité de l' élection de Boniface VIII. La bulle In excelso trono excommunie et dépouille de 18 Enfer, XIX, 52-57 ; XXVII, 69-109. Pour le siège d'Anagni, cf. Purgatoire, XX, 85-93 .

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leurs biens les Colonna, la « croisade » de Boniface VIII se déchaìne 19 . Parallèlement à ces événements, dès 1297, les Caetani avaient commencé à traiter avec les différents propriétaires de la région de Ninfa en vue d' acquérir leurs biens. Malgré les droits de l'Eglise, le territoire était alors fortement morcelé et les tractations des Caetani avec les particuliers, les institutions religieuses, la commune etc ... durèrent quatorze mois au terme desquels, en septembre 1298, les anciens propriétaires étaient devenus vassaux de Pietro Caetani, comte de Caserta, marquis de la Marche d' Ancòne, neveu préféré de Boniface VIII. Le domaine pontin, aux mains des Caetani, était désormais dominé par les forteresses de Sermoneta, Bassiano, San Donato et Norma (déjà acquise par Benedetto en 1292). Ninfa en était un des plus beaux fleurons; Pietro Caetani allait, par ses travaux, l' embellir . . et la fortifier encore, en faire le centre de sa se1gneune. Boniface VIII tint à ce que cette propriété ne s'émiettàt plus et le 2 octobre 1300, au nom du SaintSiège, le recteur de la Campagna et de la Marittima céda en fief perpétuel le domaine de Ninfa à Pietro Caetani et à ses descendants en échange du palais et de la tour d'Orvieto, ainsi que d' autres biens acquis dans cette ville. La donation de Constantin Copronyme à l'Eglise passait ainsi, de par la politique familiale de Boniface VIII, à la Casa Caetani qui allait la conserver jusqu'à nos jours. Pietro Caetani reçut l'hommage des 19 Ces faits on été récemment rappelés par R. LEFEVRE, Anno 1297: Il « Manifesto» di Lunghezza, dans Fatti e Figure ... , Lunario Romano VIII, pp. 445-468.

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habitants de Ninfa mais il aurait laissé l' administration interne à la commune 20 . L' ancien palais communal est une des constructions les plus complètes aujourd'hui. Il est situé le long de la Ninfa, au sud des moulins. Il fut partiellement rebati et transformé en grenier en 1765 par Francesco Caetani. Sa salle gothique, sans doute l' ancienne salle du conseil, fut habitée par Gelasio Caetani. Le batiment sert toujours d'habitation à Sir Hubert Howard. La haute tour qui surgit des murailles ruinées de la forteresse de Ninfa et se reflète romantiquement dans son lac est le souvenir le plus marquant de la prise de possession de Pietro Caetani (figg. 4-6) . Elle était le centre d'un chateau carré dont l'enceinte comprenait quatre tours d' angle. Du coté de la ville et des jardins, un petit palais y fut aménagé par Pietro et son fils Roffredo III. Il est presque totalement détruit mais ses gracieuses fenetres géminées animent encore les façades vieux-rose (fig. 6) . Les documents d' archives et l' examen des ruines de Ninfa ont permis à Gelasio Caetani de brosser un tableau rapide de ce que devait etre la petite cité au moment de son plein épanouissement, c'est-à-dire vers 1300 lorsque Pietro y dressa son donjon et son chateau 21 • (voir plan, sch.2). La population avait alors augmenté; on vit notamment arriver à Ninfa des gens d'Anagni, lieu de naissance du pontife. Au sud du lac, de la forteresse, des moulins et du 20 G . T OMASSE TTI , Campagna romana, II, p. 463. Pour G . Caetani, Domus Caieta11a, I, 1, p. 115, la commune de Ninfa aurait dès lors ipso facto cessé

d'exister. 21 G. CAETANI ,

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Domus Caietana, I, 1, pp. 117-120.


palais communal, s'étendait la ville elle-meme avec ses quelque 150 maisons, ses demeures nobles que signalaient de puissantes tours et sa dizaine d'églises. Comme dans la plupart des agglomérations de l' époque, les rues étaient étroites et pavées seulement devant les édifices principaux. La via del Ponte qui passait au sud de Santa Maria Maggiore et enjambait la Ninfa était un des axes plus importants. On sait que c' est sur la place devant cette meme église que furent convoqués le 8 septembre 1298, les citoyens de Ninfa pour reconnaitre les droits et les propriétés de Pietro Caetani avant que ne soit consigné en sa faveur, au palais communal, l' abandon par la commune de tous ses droits, biens et juridictions. La grande esplanade au nord-est de San Biagio a été identifiée comme la Piazza della Gloria. Un hòpital était dédié à saint Matthieu. Les portes avaient reçu le nom des sanctuaires voisins: il en est ainsi des portes Saint-Jean, Sainte-Marie, Saint-Blaise, Saint-Sauveur et Saint-Paul. Beaucoup de toponymes connus par les textes n'évoquent plus aujourd'hui aucun endroit précis. Plusieurs églises et monastères étaient batis en dehors de l' enceinte. La mise en valeur de la région amena probablement Boniface VIII à entreprendre certains travaux d' assèchement des marais pontins mais sa politique en ce domaine n' est pas connue exactement. D' après certains, elle se serait limitée à faire évacuer les eaux des environs de Sermoneta vers des territoires «étrangers», notamment ceux de Sezze 22 • Cela a pu etre une des causes du 22 T. BERTI, Paludi Pontine, Rome 1884, p. 91. v. ORSOLINO CENCELLI, Le paludi pontine, Bergame 1934, pp. 12-13 reprend la meme opinion mais en pré-

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ressentiment des habitants de cette ville contre ceux de Ninfa, mais le fait n' est absolument pas prouvé. La mort de Boniface VIII (11 octobre 1303) marqua, pour Ninfa, le début d'une période de troubles qui devait aboutir à la destruction de la cité. Les ennemis dµ pape cherchèrent à prendre leur revanche sur les Caetani, particulièrement les Colonna qui s' étaient déjà manifestés avec violence lors du siège que dirigea Nogaret et que dut subir le pontife à Anagni, en septembre 1303. Ninfa fut une première fois mise à sac et incendiée, de mème que le chàteau de Pietro Caetani, à la suite de l' alliance des Annibaldi (dont les Caetani avaient mis à mort un des membres) avec les Colonna et avec le peuple romain arrivé au pouvoir après le décès de Benoìt XI en 1304. Les Romains se plaignaient des impots que percevaient les Caetani sur les troupeaux qui paissaient sur les terres de Ninfa et mème de pillage de bétail. Après l' assassinat de Pietro Caetani, en 1308, la guerre se poursuivit entre Colonna et Caetani; elle ne connut son épilogue que vers 1327. A partir de 1355, le territoire de Ninfa, qui appartenait alors aux Caetani Palatini, fut plusieurs fois partagé par héritage ou par vente entre les différentes branches de la famille. Les conflits familiaux allaient d' ailleurs entraìner la ruine définitive de la ville. En efcisant que cela n'était pas «positivement documenté». G. TOMASSETTI (op. cit., p. 464) et G. MARCHETTI LONGHI (op. cit., p. 22) ne soulignent que l'aspect positif des travau x mentionnés par T. Berti. Pour G. CAETANI (Domus Caietana, I, 2, p. 147) l'affirmation de l'inondation voulue du territoire de Sezze n'a aucun fondement et !es travaux hydrauliques de Boniface VIII ne sont attestés par aucun document.

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fet, au moment du Schisme d'Occident, en 1378-79, les Caetani sont divisés entre partisans d'Urbain VI (l'archevèque de Bari) et partisans de l' antipape Clément VII (Robert de Genève). Onorato Caetani, comte de Fondi, de la Campagna et de la Marittima, appuie ce dernier et reçoit les terres de Bassiano et de Sermoneta lorsque ses cousins, comtes Palatini, sont déclarés déchus de leurs fiefs. Lors de la victoire d'Urbain VI, en 1379, Onorato est, à son tour, déchu de ses droits mais il faudra vingt ans pour que la mesure soit appliquée. En 1380, déjà, il avait repris Ninfa, Sermoneta et Norma, et en 1381 ses cousins Palatini se rallièrent à son parti mais une brusque coalition des gens de Sermoneta, de Bassiano et de Sezze décida alors la destruction de Ninfa. Ce fut un sac systématique et terrible. Les murailles, la forteresse, les palais et les maisons furent détruits puis livrés aux flammes. De nombreux habitants périrent, d' autres s' enfuirent, notamment à Norma et à Sermoneta. Ninfa en tant que ville avait cessé d'exister. Dans la Domus Caietana, après avoir signalé que la forteresse fut reconstruite, qu' elle servit pendant tout le XVe siècle et que les églises, elles aussi, restèrent en activité, Gelasio Caetani dépeint romantiquement «l'antique cité de Ninfa» se transformant en «un silencieux et mystérieux labyrinthe de ruines» auxquelles s'accroche le lierre, et où «les places et les rues désertes sont envahies de ronces » 23 • 23 G. CAETANI, Domus Caietana, Il, p. 307. Les événements concernant Ninfa entre la mort de Boniface VIII et le sac de 1382 ont été résumés ci-dessus d'après la Domus Caietana, I, 1, pp. 181-306.

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S'il est plus que probable que les demeures abandonnées et ruinées devinrent rapidement la praie de la végétation, s'il est certain que Ninfa cessa alors de vivre en tant qu' agglomération urbaine, le site continua néanmoins à ètre fréquenté camme siège de garnison, camme lieu de culte, camme petit centre industrie!, camme pecherie et camme jardin de plaisance des Caetani de Sermoneta. Plusieurs faits relevés dans la suite de la Domus Caietana montrent que Ninfa ne s'est pas endormie totalement et brusquement camme une «Pompéi médiévale». Cette vision qu'en eut Ferdinand Gregorovius au milieu du XIXe siècle semble avoir surtout été l' reuvre des deux siècles précédents. ~La région du lac, du chateau, des moulins et de l'ancien palais communal, c'est-à-dire la partie nord de la ville, paraìt avoir concentré l' essentiel des activités qui se déroulèrent à Ninfa après le sac de 1382. En effet, après la destruction de la cité, la forteresse resta le siège de la garnison d'Onorato ler qui, pendant près de vingt ans, demeura maìtre de la région. Durant tout le XVe siècle, elle fut une des places-fortes des Caetani de Sermoneta. Elle servait également de prison camme l' apprend l' épisode de la pénitence infligée à Onorato III, pour avoir précipité du donjon des prisonniers rebelles dont un ecclésiastique. Le jeune noble fut condamné, en aoùt 1447, à s'agenouiller sur le seuil de Santa Maria Maggiore, à demi-nu et une verge à la main, et à confesser sa faute avant d' etre fouetté. Escorté de membres du clergé et d' autres spectateurs il dut ensuite se rendre à San Paolo où le meme rite se répéta. Il fut absous devant l' autel de Santa Maria Maggiore. Camme ce monument était fort endommagé 40


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et que son toit menaçait ruine, il donna de l' argent pour la réparation de ce dernier. Ce témoignage atteste évidemment le mauvais état de conservation du principal sanctuaire de Ninfa mais il montre aussi que des cérémonies s'y déroulaient, qu'un clergé y était toujours rattaché (de meme qu'à San Paolo) et que des tentatives étaient encore faites pour le préserver de la ruine totale 24 • Le don d'Onorato III ne suffit pas aux restaurations puisque l' année suivante l' archipretre de l'église fut autorisé à vendre des immeubles pour réparer l' édifice, toujours en ruines 25 • Les actes du dernier quart du XVe siècle mentionnent le «castrum dirutum» de Ninfa. En 1499, Alexandre VI ayant confisqué les biens de Giacomo Caetani, le territoire est vendu à Lucrèce Borgia et passe à son fils Rodrigo. En 1504 il est déjà récupéré par les Caetani, grace à Jules II 26 • Dans la seconde moitié du XVle siècle, la ruine des églises de Ninfa et leur abandon sont définitifs. Le cardinal Nicolò Caetani (1560-1585) obtint que leurs bénéfices soient transférés à d' autres sanctuaires dépendant de sa famille. Les partes des églises de la petite cité ruinée furent alors murées. 27 • L'eau qui présida à la naissance de Ninfa a toujours joué un ròle important dans son économie. Ses moulins étaient une de ses richesses; déjà en 1110, le pape en 24

ibidem, I, 2, pp. 86-87. Campagna romana, II, p. 467 n. a (d'après Varia, pp. 140-141). 26 ibidem, p. 469. 17 G. CAETANI, Domus Caietana, II, p. 168 n. d. "G. TOMASS ETTI ,

G. CAETANI,

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possédait treize. Les problèmes d'inondations, de navigation, ou de peche, furent de tout temps causes de conflits avec les régions voisines. Aux XVe et XVIe siècles, les Caetani renforcèrent l' exploitation de la force hydraulique à Ninfa. Onorato III fit construire une forge, un four à vent pour la réduction du minerai de fer («ignenia») et un appareillage pour la teinture des tissus de laine; le tout actionné par la force de l'eau. En 1487, son fils Nicolas fit installer un mouton hydraulique et une enclume pour la forge. Ce centre industrie! se développa encore au XVIe siècle. Les forges avaient disparu au XVIIe siècle mais non les moulins, ni les machines à traiter les tissus de laine, toujours d'un bon rendement 28 • La peche était également une des ressources du territoire de Ninfa. Les Caetani en avaient l' exclusivité sur tout leur domaine . Les truites de la rivière Ninfa étaient particulièrement recherchées. Il s' agit d'une espèce rare, qui serait d'origine africaine, et qui constitua pendant des siècles un présent de choix que les Caetani adressaient aux papes et aux grands seigneurs de Rome. Cette truite, aux grandes taches (macrostigma), existe toujours dans les viviers de Ninfa. La Ninfa du XVIe siècle, c' est aussi un nouveau jardin, les «délices» du cardinal Nicolò de Sermoneta. Celui-ci demanda, en effet, à son architecte Francesco Capriani da Volterra (t 1594), futur auteur de la chapelle Caetani à Sainte-Pudentienne, de redessiner l'ancien jardin près de la forteresse et de le ceindre de murs: deux allées s'y coupent orthogonalement autour d'un vaste 28

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ibidem, II, p. 169 n. a.


bassin de pierre; des niches inspirées des grottes des nymphées antiques y abritent des fontaines dont l' eau s'écoule vers les viviers. En 1593 s'y déroula une fète pour les noces de Pietro Caetani et Felice Maria Orsini. Encore aujourd'hui, l'entrée du jardin est gardée par l' élégant portai! érigé par da Volterra. Il est orné des armes des Caetani et la clé de son are porte les mots: Horti / Nymphar [um] / Domus / Caeta [norum]29 • Deux causes fort différentes semblent avoir empèché Ninfa de connaitre un nouveau développement en tant que cité. La première est la moindre efficacité de sa forteresse devant les armes à feu. Si, en 1592 encore, Marco Sciarra, redoutable chef de bandits, renonça à s'en emparer, elle ne pouvait néanmoins se défendre contre des canons placés sur les hauteurs avoisinantes. Sermoneta, par contre, constituait une sorte de nid d' aigle inattaquable. Les Caetani de la Renaissance, et particulièrement Onorato III, avaient agrandi et renforcé sa forteresse ; ils avaient embelli ses pièces d'habitation30. La deuxième des causes de l' abandon progressif de Ninfa est la malaria. Alors que la ville était encore habitée, le mal y était si répandu qu' aucun habitant ne dépassait la quarantaine. C' est du moins ce que rapporte Pantanelli au XVIIIe siècle. D' après Gelasio Caetani, au XVIe siècle tous les membres et les familiers de la Casa étaient atteints de cette affection à cause de 29 ibidem, Il, p. 168, avec dessin du portail. Il n'y a, à ma connaissance, pasde monographie sur Francesco Capriani da Volterra. On consultera à son sujet l'arride et la bibliographie de M. T AFURI, dans Dizionario biografico degli Italiani, Rome 1976, XIX, pp. 189- 194. 30 G . GAETAN I , Domus Caietana, II, p. 317; I, 2, pp. 87-90.

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leurs fréquents séjours dans les Marais Pontins et Camille Enlart en 1919 signale que les ouvriers de l'usine de force électrique devaient se relayer chaque semaine pour éviter la malaria 31 • Au cours des siècles, les papes firent plusieurs tentatives pour l' assèchement de ces marais, mais seules les techniques du XX:e siècle parvinrent vraiment à assainir la région. Le paludisme dut augmenter au XVIIe siècle puisque, d' après des rapports de visiteurs, on peut préciser que Ninfa fut abandonnée entre 1675 et 1680 32 • On la trouve d' ailleurs encore représentée sur une carte du Cadastre Alexandrin de 1659 (fig. 1) alors que sur la carte du Latium par Ameti en 1693 on rencontre pour la première fois la mention «Ninfa diruta» 33 • Dans les années 1770, le due de Sermoneta Francesco Caetani essaya encore de la ranimer et y fit faire différents travaux, mais la petite cité était entrée en léthargie et revetait l' aspect d' abandon et de ruines qu' avait déjà évoqué Pantanelli, et que connaìtront au XIXe siècle un Edward Lear, un Gregorovius, ou un Augustus John Cuthbert Hare 34 • C' est sans doute alors aussi que reprirent vigueur 31 P . PANTANELLI,

op. cit., II, p. 47; G. CAETANI , op. cit., II, p. 324; c. ENVilles mortes du Moyen Age, Paris, E. de Boccard, 1920, p. 74. (Dans La Renaissance de l'Art /rançais et des Industries de luxe, janv. 1919, p. 159). 32 G. TOMASSETTI, Campagna romana, II, p. 471. 33 ibidem. A.P. FRUTAZ, Le Carte del Lazio, Rome, Istituto di Studi romani, 3 voi, 1972; I, pp. 58-59; II, pi. 107, 5° segmento: ibidem, I, pp. 75-77, II, pi. 176. 34 P. PANTANELLI, op. ctt. , pp. 14-15. F. GREGOROVIUS, Promenades, pp. 177178; pp. 183-191. Edward LEAR (1812-1888), paysagiste et humoriste anglais, grand voyageur, laissa de nombreux dessins d'Italie où il vécut dix ans; Augustus John Cuthbert HARE (1834-1903), également Anglais et voyageur, écrivit des LART,

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les légendes de Ninfa, la jeune noble, se jetant par désespoir dans le lac, du haut du donjon. Selon l'une d' elles, qui se passe au temps de Charles Ier d' Anjou, Ninfa se tua après les morts successives de son amant Conradin, le dernier des Hohenstaufen, de son frère et de son père, Giovanni Frangipane, qui avait traìtreusement vendu le Souabe à Charles d' Anjou. Selon une autre légende, davantage liée au caractère du site, la princesse devait etre donnée en mariage à celui de ses prétendants qui réussirait à conduire ~ la mer les eaux stagnantes qui empestaient le royaume. Le roi Martino, aimé par la jeune fille, fit immédiatement entreprendre le creusement d'un profond canal tandis que le roi Moro contait fleurette à la belle. Au moment où allaient s' achever les travaux du roi Martino, le roi Moro prit une baguette et aussitot les eaux quittèrent le rio Martino (dont le tracé est encore visible en amont de San Donato) pour se précipiter à la mer par la voie tracée par le prince magicien. C'est alors que Ninfa se noya. Dans les deux légendes, elle devint une fée maléfique vivant dans les grottes profondes du lac d'où montent des miasmes 35 • L' envoùtement du lieu se subit encore aujourd'hui, qu'une brume languisse sur les eaux ou que les cigales guides des nombreux sitcs et villes qu 'il visita. Leurs rapports avec Ninfa sont évoqués dans: Alvilde LEES-MILNF. A Garden in the Ruins of a Town, dans Country Lz/e, 7 nov 1968, pp. 1176-78. 35 Ces légendes sont narrées, entre autres, dans G. MARCHETTI-LONGHI, Ninfa, « Città del Sogno» , dans Capitolium, XXX, 1955, pp. 239-246. Dans une évocation pleine d'atmosphère, Augusto SINDICI a repris la légende médiévale de la fée, amante désespérée, appelant sans fin Conradin et transformant en vieillards !es jeunes gens qu'elle touchait: La Fata di Ninfa. Leggenda, dans Nuova Antologia, ler juin 1907, pp. 436-441.

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aiguisentl'. air de leur stridulation et; dans l'actuelle magie des fleurs, on revit les pages de- Gregorovius: On épròuve une inexprimable émotion .à pénétret dans c'ette ville de lierre, à parcòurir les rues cachées sous l'hei,-be et les fleurs, à errer entre ces murs où le vent se. joue dans le feuillage. Aucun bruit n'y retentit,, sauf le cri _d u corbeau perché sur la tour, le bruissement du ruisseau Nympheus, le murmure des roseaux autour de l'étang, òu le ;chant émélodieux et doux qui s!e;xhale des herbes agitées par la brise. Lei, . fleurs fourmillent dans _les rues; eijes se pressent en procession vers les ég_lises en ruines; -elles se nichent en riant dans les fenetres béarites; elles harricadent toutes les portes, ·derrière· lesquelles demeurent les EJfes, les Fées, les Nai:ades, les Nyinphes et tout le monde enchanté de la Fable 36 •

36 F. GREGOROVIUS,

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Promenades, pp. 184-185.


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II. Les églises de Ninfa et leurs peintures

es nombreuses églises qui s'élevaient à Ninfa et D dans les environs immédiats au moment du sac de la cité, en 1382, il ne subsiste plus aujourd'hui que quatre ruines imposantes dans la ville meme et un bel édifice, un peu moins délabré, en dehors des murailles. Ce sont les églises San Giovanni, non loin du déversoir occidental du lac, près des remparts; San Biagio, dans l'angle sud-ouest de l'enceinte; Santa Maria Maggiore entre les deux précédentes mais plus à l'est et, au delà de la rivière Ninfa, en face de Santa Maria Maggiore en suivant la via del Ponte, l' église San Salvatore, encastrée dans la partie orientale du rempart. Hors les murs, du coté de la pointe nord-est du lac, se trouve San Pietro. Les dénominations reprises ici sont celles qu' a adoptées Gelasio Caetani dans la Domus Caietana 37 (plan, p. 25). En réunissant les différents écrits sur Ninfa, qui 37 II, plan de la page 308. Ces dénominations diffèrent partiellement de celles adoptées sur le pian dressé par l'ingénieur BARLUZZI et paru dans G. GAETANI, Regesta Chartarum I, Pérouse, 1925, face p. 108. Ces anciennes appellations corrcspondaient aux descriptions dc G. TOMASSETTI. La construction située au nord de S. Giovanni est la perite église de la Vierge érigée en 1771 lors de la tentative de rénovation du due Francesco Caetani.

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eux-memes puisent à diverses sources, on trouve eneore mention de sanctuaires consacrés aux saints Paul, Vinentianus (?), Erasme, Léon, Martin, Clément, Quentin et à sainte Parascève. Un monastère aurait été dédié à sainte Euphémie. D' après Gelasio Caetani, les ruines de Saint-Paul pourraient se situer dans la région où l' enceinte est la plus proche du Palais Communal; une salle voutée y subsiste encore aujourd'hui. Le monastère de Saint-Clément - comme d'autres très probablement - était bàti hors les murs; cette église, de meme que Saint-Erasme, dépendait de l'abbaye du Monte Mirteto 38 • On ne sait si, à cause des privilèges accordés par Alexandre III, il faut considérer que Ninfa aurait également compté des églises dédiées à la Sainte Croix, à saint Laurent et à saint Sébastien (voir supra, p. 30). Les quatre églises médiévales de Ninfa, San Pietrohors-les-murs, de meme que le sanctuaire du Monte Mirteto et la grotte de Saint-Michel ont conservé jusqu' à ce siècle, des fragments de leur décoration peinte. Excepté les peintures de la dite grotte qui ont 38 G. CAETANI, Domus Caietana, I, 1, p. 118, n. a; G. TOMASSETTI, Campagna romana, II, p. 464 (Sant'Angelo doit etre identifié à San Giovanni, cf. infra, pp. 66-67), p. 465 n. a, p. 466 finn. a; Saint-Erasme n'est mentionné que par D. MAURO CASSONI, op. cit., dans Rivista storica Benedettina, XIV, 1923, p. 260, dans la liste des sanctuaires sur lesquels s'étendit la domination de l'abbaye du Mont Mirteto en 1216. «S. Quinziano» est cité, sans références, par A.G. SAGGI, Reminiscenze medievali di Norma e Ninfa, dans Fatti e Figure ... , Lunario Romano VIII, pp. 163-182, p. 167. Les extraits d'archives sont réunis dans H. STOOB, Norba, Ninfa, Norma, Sermoneta. Latinische Modelle zu Problemen von Fortdauer und Abbruch stiidtischen Lebens, dans Die Stadt in der Europiiischen Geschichte. (Festsch. Edith Ennen), Bonn, Rohrscheid, 1972, pp. 91-107, pp. 9597. (Chacune des dates qui y sont ajoutées, p. 96, au pian CAETANI-BARLUZZI doit ètre considérée comme un terminus ante quem).

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été copiées et étudiées par Maria Barosso en 1938, trois «fresques» reproduites en dessin dans la Domus Caietana, les saints tronant de l'abside de Santa Maria Maggiore · photographiés par Gelasio Caetani, ainsi que deux détails que j' ai eu l'occasion de publier, ces ceuvres sont totalement inédites 39 . Les meilleurs fragments ·ont été détachés et sont actuellement abrités au chàteau de Sermoneta. Les peintures conservées appartiennent à différentes époques qui révèlent deux grandes étapes dans la décoration de tous les sanctuaires médiévaux de Ninfa: la première parait se situer des environs de 1150 à ceux de 1230, c'est-à-dire surtout sous les Frangipani et les Conti; la seconde, déjà marquée par ce qui caractérisera le style nouveau, semble avoir eu lieu vers 1300, avec quelques prolongements dans le courant du XIVe siècle, c'est-à-dire sous Pietro Caetani et ses descendants. Nous envisagerons d'abord les peintures qui se rattachent à la première étape; elles appartiennent essentiellement au décor des absides et témoignent, pour celles-ci, d'une certaine unité de conception entre les différents sanctuaires. Nous examinerons ensuite les réalisations plus récentes; il s' agit surtout de panneaux isolés, parfois superposés à l'ancien décor, notamment au centre des absides; il en reste aussi dans les nefs ou sur les murs latéraux.

39 Le terme de «fresgue» sera employé dans cette étude au sens large de «peinture murale», aucun examen de laboratoire n'ayant déterminé si !es peintures de Ninfa furent exécutées entièrement a fresco . Les références bibliographigues concernant !es sujets déjà publiés seront données lors de l'examen de chacun d'eux.

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I

1. Les églises et les peintures romanes Les peintures réalisées à Ninfa à l'époque romane et dont celles de Santa Maria Maggiore semblent ètre les plus anciennes - se situent toutes dans un meme courant artistique marqué par l' esthétique raffinée et quelque peu sophistiquée de l'art byzantin sous les empereurs Comnènes et Angelo-Comnènes 40 (figg. 13, 28, 30, 39, 86-88). Des environs de 1150 à ceux de 1250, la peinture italienne connut, en effet, un regain d'influences byzantines animé, sur piace, par les foyers artistiques de Venise, de Sicile et d'Italie méridionale (figg. 38, 89). L'art de Rome et du Latium jusqu'alors essentiellement replié sur sa propre tradition - subit l'influence de ces foyers et, dès le deuxième quart du XIIe siècle, s' amorça le mouvement général de retour aux sources byzantines qui allait s'amplifier dans la seconde moitié du siècle et se maintenir jusque vers 1250 41 • Les artistes qui décorèrent l' ancien campanile de l'abbaye de Farfa, probablement dans le courant du Xle siècle 42 et, surtout, ceux qui ceuvrèrent à San Pie40 Pour des ouvrages sur la peinture byzantine du Xlle siècle, voir la Bibliographie, III, 1, pp. 146-148. 4 1 Les études d'ensemble sur la peinture romane, particulièrement en Italie et dans le Latium, sont regroupées dans la Bibliographie, III, 1, pp . 146-148. 42 La datation de ces peintures est difficile, à cause de leur mauvais état de conservation mais surtout à cause de leur caractère exceptionnel. Comme pour les autres ensembles, je rapellerai les opinions les plus généralement admises ou celles qui me semblent les plus probantes: P. MARKTHALER (Sulle recenti scoperte nell'Abbazia imperiale di Far/a, dans Rivista di Archeologia cristiana, V, 1928, pp. 36-88, p. 86) situe ces peintures un peu avant le milieu du Xle siècle. G. MATTHIAE (Pittura romana del Medioevo, II, Rome, Palombi, 1966, pp. 92-93)

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tro de Tuscania, sans doute dans la première moitié du Xlle 43 , sont parmi les pionniers de la nouvelle esthétique latine (figg. 90-91). Les formules graphiques, les nuances de coloris et meme certains éléments iconographiques que ces derniers empruntèrent à l'art byzantin contemporain sont assimilés à leur propre tradition et traduits avec autorité. C'est dans le meme sens que travaillèrent, à l' extreme fin du XIIe siècle ou à l' aube du XIIIe, les peintres de San Giovanni a Porta Latina de Rome et de Santa Maria in Monte Dominici de Marcellina 44 • Dans ce dernier monument, le byzantinisme est

ne précise rien à ce sujet mais il étudie les fresques de Farfa camme «documento della presenza di modi fortemente bizantineggianti, quasi alle porte di Roma », immédiatement avant l!é!s fresques de Sta Croce in Gerusalemme, ce qui laisse supposer une datation dans la lère moitié du Xlle siècle. o . DEMUS (Romanische Wandmalerei, Munich, Hirmer 1968, p. 122) n'examine pas ces oeuvres mais il signale qu'il ne les considère pas comme proches parentes des peintures de San Pietro in Tuscania, comme l'avait fait Chr. A. ISERMEYER (voir n. 43). Dans l'étude la plus récente (B. PREMOLI, La Chiesa abbaziale di Far/a, dans Rivista dell'Istituto Nazionale d'Archeologia e Storia dell'Arte, XXI-XXII, 1974-75, pp. 5-77 , p. 64), cetre date est remontée «entre la fin du Xe et lepremier quart du Xle siècle» et les peintres sont rattachés à l'Italie septentrionale. Personnellement, si je crois plus probable une datation au Xle siècle, je n'exclus pas totalement la possibilité du XIIe. 43 Ces fresques sont le plus souvent datées du XIe siècle: Chr. A. ISERMEYER, Die mittelalterlichen Malereien der Kirche S. Pietro in Tuscania, dans Kunstgeschichtliches ]ahrbuch der Bibliotheca Hertziana, II, 1938, pp. 289-310, p. 303 : dernier tiers du Xle siècle, p. 307: rapprochement avec Farfa; G. MATTHIAE, op. cit., II, pp. 31-33: fin du Xle siècle, peut-etre après 1093; dans o. DEM US, op. cit., p. 122, elles le sont du deuxième quart du XIIe siècle; c'est la datation que je propose également. 44 G. MATTHIAE, A. MISSORI, M. RAOSS, A. FIORETTI, G. MASSARINI, P . MARCO-

San Giovanni a Porta Latina e l'Oratorio di S. Giovanni in Oleo, Rome, s.d. (Le chiese di Roma illustrate, 51) ; G. MATTHIAE, Les /resques de Marcellina , dans Cahiers Archéologiques, V, 1951, pp. 71-81; G. MATTHIAE, Pittura romana, pp. 102-119; o. DEMUS, op. cit., p. 57. NI, M. PETRIGNANI,

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évident, style et technique en témoignent, mais la simplicité des formes, la spatialité, le role fondamenta! de l' ornementation et des bandes colorées, sont, parmi d' autres, des éléments qui marquent une distance vis-àvis des références byzantines (fig. 92). L' école qui prit naissance aux environs de 1200 à San Silvestro de Tivoli et dont les disciples travaillèrent jusque vers 1250 à San Nicola de Filettino, aux Quatre-Saints-Couronnés de Rome, dans la crypte de la cathédrale d'Anagni et, peut-etre, à Sant'Egidio de Filacciano restera plus proche des modèles byzantins (notamment de Sicile), mais elle en perdra souvent les nuances, l' élégance et la vitalité profonde du graphisme au profit d'une expressivité savoureuse ou d'une fra1cheur un peu na'ive 45 (figg. 47, 93, 94). Un art d'épigones, aux solutions fort semblables, se développa vers la meme époque dans. les anciens territoires de l' empire

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G. MATTHIAE, op. cit., pp. 97-101 (± entre 1157 et 1170)); o. DEop. cit. , pp. 124-125 (admet la datation de Urban: 1205-1210, je retiens également !es environs de 1200). Filettino: M. LIVERANI, Contributi allo studio della pittura medievale nel Lazio. A/freschi a Filettino, dans Commentari, 1968, pp. 40-51 ; B. ANDBERG, Gli affreschi di San Nicola a Filettino, dans Acta ad archaeologiam Institutum Romanum Norvegiae, 4, 1969, pp. 127-142; Quatre-

Tivoli:

MUS,

Saints-Couronnés: MATTHIAE, pp. 146-152; DEMUS, pp. 126-127. Anagni: P. Gli a/freschi della cattedrale di Anagni; Le Gallerie nazionali Italiane, 5, 1902; MATTHIAE, pp. 131-145; DEMUS, pp . 125-126. Malgré !es différences stylistiques importantes qui caractérisent !es peintures de chacun des trois maitres de la crypte d'Anagni, je suis restée fidèle à la thèse la plus généralement admise depuis la monographie de Toesca, celle du décor de la crypte durant le deuxième quart du XIIIe s. Une étude récente explique néanmoins le prétendu archai:sme du premier maitre par une datation de son oeuvre au début du XIIe s. (M . BOSKOVITS, Gli affreschi del Duomo di Anagni: un capitolo di pittura romana, dans Paragone, 1979, n° 357, pp. 3-41} . Filacciano: I. TOESCA, Affreschi a Filaccz'ano, dans Paragone, XIX, 1968, n. 221 , pp. 3-9. TOESCA,

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byzantin, notamment à la Mavriotissa de Castoria ou dans l'église du Sauveur, près de Mégare 46 . Par ailleurs, la présence, à Rome et dans le Latium, d'artistes formés dans l'univers culturel de Byzance est attestée durant toute la période qui nous intéresse ici par une série de peintures-jalons portant l'empreinte directe de l' esthétique byzantine. Les figures de l' are triomphal de San Clemente, déjà, mais•plus encore les médaillons aux prophètes du mur de droite à Santa Croce in Gerusalemme, la Pentecote de Grottaferrata (fig. 88) et les apotres de Santa Maria Maggiore de Tuscania peuvent ètre cités à cet égard 47 • L'examen des peintures romanes de Ninfa tentera de définir la place de celles-ci au sein du coutant byzantinisant dominant à l' époque. Il essaiera aussi, dans la mesure du possible, de reconstituer les programmes iconographiques absidaux et de juger s'ils sont purement romans ou si, là aussi, certaines influences byzantines particulières peuvent ètre décelées. 46 N.K. MOUTSOPOULOS, Kastoria; Panaghia Mavriotissa (en grec et en anglais), Athènes, 1967; v.J. DJURié, La peinture murale byzantine, XI!e et XI!Ie siècles, Rapport dans Actes du XVe Congrès International d'Etudes Byzantines, Athènes septembre 1976, I, Athènes, 1979, pp. 157-252 (p. 225 ; pi. XIV, fig. 26). Je reste partisante de la datation tardive du décor de la Mavriotissa (v. 1200). D. MOURIKI (Dumbarton Oaks Papers, XXXIV-XXXV, 1980-81, pp. 100-102) et A. WHARTON EPSTEIN (Art Bulletin LXII, 1980, pp. 202-206 et Gesta, XXI, 1982, pp. 21-29) datent la majorité de ses peintures des environs de 1100. 47 San Clemente (probablement avant 1128) : G. MATTHIAE, op. cit., pp. 5354; Santa Croce (1144-45) : ibid, pp. 93-94, ID., Gli a/freschi medioevali di S. Croce in Gerusalemme, Rome, De Luca, 1968; Grottaferrata (fin Xlle s.): ID., I mosaici dell'Abbazia di Grottaferrata, dans Rendiconti della pontificia Accademia di Archeologia, XLII, 1970, pp. 267-282; Tuscania (Xllle s.): o. DEMUS, Byzantine Art and the West, Londres, Weidenfeld & Nicolson, 1970, p. 228.

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I

Santa Maria Maggiore Pénétrer dans Santa Maria Maggiore par ce qui fut son entrée principale est encore impressionnant aujourd'hui: au-delà d'une brèche, remplaçant l' ancien porche, dans le mur occidental conservé partiellement jusqu'à son faite, on découvre une vaste esplanade-jardin, la grand-nef, que closent à quelque 30 mètres les ruines élevées de l'abside (pl. I; fig. 10). Un pan de mur percé de deux larges arcs en prolonge le còté sud 48 • Au sud-ouest se dresse, gracieux et puissant, le campanile, conservé sur deux étages (fig. 9). Santa Maria Maggiore était le plus grand et le plus important des sancuaires de Ninfa. Nous avons déjà vu qu' entre ses murs fut intronisé le pape Alexandre III en 1159 et què, dans cette église, encore, le jeune Onorato III reçut l'absolution publique en 1447. C'était une vaste basilique à trois nefs dont la couverture parait avoir été en charpente dans le vaisseau centra! et voutée sur les bas-còtés. Ceux-ci étaient séparés de la nef principale par des arcs reposant sur de puissants piliers. Les nefs latérales se prolongeaient au delà du chevet (voir plan, p. 25). La construction est en moellons. Une crypte à voutes se trouve sous le choeur. La façade occidentale était, à sa partie supérieure, percée de trois fenètres en plein cintre; sous son fronton courait une comiche composée de modillons de marbre et de cordons de dents de scie en briques 48 Une photo prisc par Camille Enlart, avant 1920, montre non seulement l'abside complète et une grande partie de !'are triomphal mais aussi le départ du mur nord jusqu'à son faite (c. ENLART, Villes mortes, face p. 78).

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(figg. 7-8). Un décor semblable orne encore le sommet du mur du .chevet. A droite de l' entrée, postérieurement à la construction originale, un imposant campanile a ·été encastré dans la première travée du collatéral 49 . C' est, avec l' abside de San Pietro, le plus beau vestige de l'architecture médiévale de Ninfa; ces deux monuments, bien que ruinés, figurent d' ailleurs dans plusieurs histoires de l'art du Latium 50 • Le campanile de Santa Maria Maggiore est en petits moellons de tuf soigneusement équarris jusqu'à la première grande comiche; en briques, au dessus. Le rezde-chaussée est aveugle sauf du còté de la grand-nef avec laquelle la tour communique par une large baie; une niche creuse le mur donnant sur le bas-còté. Le premier étage s'orne de deux baies aveugles percées de meurtrières (une fenetre y a été ajoutée du còté est); le deuxième, de quatre baies géminées dont les colonnettes ont disparu. Les étages sont séparés par de fortes corniches composées de modillons de marbre et de cordons de briques disposées en dents de scie tournées alternativement vers la gauche et vers le droite. Ce dernier motif unit également les baies entre elles (les baies aveugles ne sont pas reliées au sein d'une meme face). De nombreux plats de céramique parachevaient ce décor soigné; à l'étage des baies aveugles, ils se trou-

49 Pour c. ENLART (op. cit., p. 76) et A. SERAFINI (Torri campanarie di Roma e del Lazio nel medioevo, Rame, P. Sansaini, 1927, p. 211) le campanile aurait été antérieur à l' église. 50 Notamment dans F. HERMANIN, L'arte in Roma dal secolo VIII al XIV, Bologne, Licinio Cappelli, 1945, p. 93, pl. XIII, 2; XXXII, 2.

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vaient, sur chaque còté, sous l' are des baies et entre elles; à l' étage des fenetres géminées, ils se répartissaient sur les piédroits, de part et d' autre des cordons de dents de scie. Actuellement, beaucoup de ces plats ont disparu; d' autres, il ne subsiste plus que le fond de la coupelle; deux sont brisés et deux paraissent merveilleusement intacts. Camille Enlart les avait signalés «ornés l'un d'une fleur et l' autre d'un dragon» 51 . Lepremier se trouve sur la façade qui regarde la nef; son gracieux décor bleu et noir sur fond paille est une stylisation florale; l' autre coupe se trouve sur la face sud, un grand cyprès la cache en partie mais l' animal qui l' orne (dragon? oiseau?) semble tenir un rameau dans son bec. L'origine de ces plats, certainement importés, est incertaine 52 • Ce campanile est typiquement romain par ses matériaux, son rythme et son ornementation. Si l' on admet la reconstitution très vraisemblable de l' archéologue Maria Barosso qui superpose aux étages conservés deux étages de doubles bifores (fig. 8), on peut citer parmi les exemples romains les plus proches, les campaniles de Santa Croce in Gerusalemme (1144-45), des Santi Giovanni e Paolo (1154-59?), de Santa Francesca Romana (Santa Maria Nova - avant 1161), de San Lorenzo in Lucina (1196?-1210?) et des Santi Bonifacio ed Alessio (fin XII es.? 1217?), c'est-à-dire des monuments datés ou datables du milieu du Xlle siècle au début du Xllle 53 • Ces tours, étroitement apparentées entre elles par la structu51

Op. cit., p. 77. J'espère étudier bientéìt ces deux plats de façon plus approfondie. 53 Pour !es campaniles romains, en plus des ouvrages de SERAFINI et HERMANIN déjà cités, voir R. KRAUTHEIMER, Rame. Pro/ile o/ a City, 312-1308, New 52

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re, ont aussi en commun un décor de disques de porphyre, de serpentine et des plats de faience aux couleurs vives. Le campanile des Santi Giovanni e Paolo était, en outre, comme celui de Ninfa, incrusté de précieux plats de céramique d'importation 54 . L' église de Santa Maria Maggiore a probablement été construite dans la première moitié du XIIe siècle, en tout cas avant 1159. Son campanile doit dater de la seconde moitié ou de la fin du XIIe siècle, période où, nous le verrons, plusieurs décorations peintes furent réalisées à Ninfa. Il semble que tout l'intérieur de l'édifice ait été décoré de fresques. Celles qui sont conservées se situent dans une niche de la tour et, surtout, dans l'abside; certaines de ces dernières ont été détachées en 1971 (fig. 11). Le cul-de-four absidal, en grande partie effondré, n' a plus gardé de décor figuré. On y distingue encore les empreintes de la natte de vannerie qui recouvrait le cintrage et, à l'extrémité gauche, un petit fragment d' enduit peint. A gauche encore, sur une longueur d'un mètre environ, une ligne rouge sépare la conque du registre suivant où subsistent plusieurs personnages, de meme que dans le registre inférieur. Jersey, Princeton University Press, 1980, pp. 161-173 et, au nom des sanctuaires, w. BUCHOWIECKI, Handbuch der Kirchen Roms, Vienne, Hollinek, 1967 - (3 volumes parus). 4 ' Une étude approfondie de ce campanile figure dans : A. PRANDI, Il complesso monumentale della basilica celimontana dei SS. Giovanni e Paolo, Rame, «L'Erma» di Bretschneider, 1953, pp. 325-354, 357-358; pour !es céramiques: pp. 495-527. L'auteur considère que le campanile a été construit en deux étapes: au début puis à la fin ou, au moins, dans la seconde moitié du XIIe s. (p. 358).

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Sous le cul-de-four, on peut reconstituer une double procession convergeant vers trois figures centrales plus statiques. Les cinq dernières figures de droite, fortement endommagées, sont encore en place (fig. 15); une aquarelle de Maria Barasso - que je n' ai pu retrouver mais dont une photographie en noir et blanc est conservée au Palais Caetani de Rome (fig. 17) montre qu'en 1921 elles étaient déjà fort effacées mais presque complètes. Le personnage du centre, ses deux acolytes et le premier saint de la file de gauche sont détachés et conservés à Sermoneta (figg. 12, 16). Ce grand fragment (287 x 27 4 cm) est un des plus précieux car il est révélateur non seulement du style de l' artiste mais encore du sujet traité. La figure centrale est en orante, avec les mains devant le poitrine. Elle est vetue d'un vaste manteau de pourpre rouge sombre et d'une tunique blanche; ses chaussures sont également rouges. A sa droite se trouve un ange qui semble indiquer le ciel; il en était très vraisemblablement de méme à sa gauche car un pan d'himation clair subsiste encore, identique à celui de l' ange conservé. A la droite de l' ange, à la gauche du fragment, s' avance un homme nimbé aux cheveux et à la barbe blancs et bouclés, aux mains levées (pl. II). Il regarde vers le haut. Son type physique ainsi que sa place permettent de l'identifier comme saint Pierre tandis que la situation, l' attitude et les vétements du personnage centra! évoquent une image de la Vierge. Les cinq figures vétues du chiton et de l'himation qui sont encore en place à Ninfa mais dont les tétes ont disparu sont donc cinq apòtres et nous trouvons ainsi, sous le cul-de-four, la disposition classique à Byzance des figu58


rants de l'Ascension , sous la gloire du Christ qu' emportent d' autres anges. On peut citer comme exemples proches de celui de Ninfa (notamment pour le geste de l' ange) les Ascensions de Saint-Nicolas Kasnitsi de Castoria ou de Saint-Georges de Kurbinovo, dans la seconde moitié du XIIe siècle 55 (fig. 13). En Italie, à l' époque romane, on rencontre différentes adaptations de ce schéma au décor absidal. Nous en examinerons plus loin. Le registre suivant a reçu deux décorations successives. La première fait partie du programme originai. Il s' agit d'un alignement de saints et de saintes en pied représentés frontalement. Dans le fragment détaché, sous l'ange à gauche de la Vierge, deux mitres nimbées indiquent l'ancienne présence d'évèques tandis que les trois figures encore en piace, à droite, sont celles de saintes. Celle du centre est coiffée de blanc, celle de droite de rouge. La première, actuellement très détériorée, est presque entière sur l' aquarelle de Maria Barasso: elle y porte un petit bonnet et une langue robe clairs, un manteau plus sombre (rouge?) avec un pan médian; elle tient les mains devant sa poitrine. Entre ces figures masculines et féminines, deux panneaux au cadre multiple se sont interposés ultérieurement. Ils représentent deux saints personnages tronant (pl. III figg. 15, 18-23) . Leur meilleur état de conservation les a fait mentionner dans la plupart des descriptions de Ninfa. Ce sont des ceuvres du XIVe " s. PELEKANIDIS , K rvn opéa, I, Bu,av,,va, ,o,xoypacpéa,, Salonique, Société des études macédoniennes, 1953, pii. 43-45 . L. H ADERMAN N -MISG UICH , Kurbinovo, Les fresques de Saint-Georges et la peinture hyzantine du Xlle siècle, Bruxelles, Ed. de Byzantion, 1975, II, figg. 81-83.

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siècle que nous étudierons dans l' ensemble des peintures réalisées à cette époque. Le dernier registre absidal a totalement disparu; il était assez élevé et vraisemblablement ornemental. Il est impossible de se prononcer avec précision aujourd'hui sur le caractère originai ou traditionnel du programme absidal de Santa Maria Maggiore, étant donné la destruction totale de l'image du cul-de-four. La présence des ·témoins de l' Ascension sous la conque impliquait l' existence d'un Christ entouré d' anges dans celle-ci; vu l' aspect très byzantin des personnages conservés, il est vraisemblable que ce Christ était en gioire et, sans doute, mème tronant. L' adaptation de l' Ascension byzantine à une abside romane constitue un type de décor assez rare dont on a surtout des témoins en Campanie. Les exemples de Sant' Angelo di Lauro et de Santa Maria di Trocchio représentent deux variantes du XIIe siècle qui peuvent donner une idée de la composition originale de Santa Maria Maggiore de Ninfa 56 • Dans le cul-de-four de la première église, le Christ en gioire trone en Majesté; les anges qui le flanquent sont debout sur des nuages; sous la conque, Marie, en orante, est entourée des apotres mais non d' anges. Dans le second monument, le Christ 56 Je tiendrai surtout compte ici d'exemples qui témoignent d'une adaptation de la formule byzantine et non de transcriptions littérales camme celle de l'abside de Santa Maria delle Cerrate de Squinzano (Pouilles) réalisée vers 1200, probablement par un Grec (v. PACE, Pittura bizantina nell'Italia meridionale (secoli XI-XIV), dans I Bizantini in Italia, Milan, Scheiwiller, 1982, pp. 459-460, fig. 415); c. BERTELLI et A. GRELLE-rusco, Sant'Angelo di Lauro, dans Paragone, n° 255, mai 1971, pp. 3-20 (reconstitution de l'Ascension, p. 7, fig. B); A. PANTONI, Santa Maria di Trocchio e le sue pitture, dans Bollettino d'Arte, XXVIII, 1953, n° 1, pp. 14-20.

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est debout (ce qui implique le souvenir de modèles paléochrétiens); quatre anges, en plein vol. emportent sa gloire; la Vierge orante est encadrée par deux anges et par les disciples. Dans l'un et l' autre èas, comme à Ninfa, un bandeau sépare la conque du registre suivant mais l' agitation des apòtres, les mains levées vers le ciel, préserve un lien entre les deux zones et, par là meme; l'idée d' Ascension. A Sant' Angelo di Lauro, la li~ite est matériellement franchie par une paire d'oliv1ers. L'image absidale de San Pietro de Tuscania, malheureusement presque entièrement détruite par le tremblement de terre de 1971, constituait un des rares exemples d' Ascension absidale dans le Latium, mais malgré l' évidente influence stylistique de Byzance elle réalisait, avec son gigantesque Christ en pied qui brandissait le globe, une sorte de compromis entre l'image absidale héritée de la tradition paléochrétienne et l' Ascension byzantine (fig. 91). Le Christ n'y était d'ailleurs pas entouré d'une mandorle 57 . Une fresque - probablement de la fin du XIIe siècle - découverte en 1961 dans le baptistère de SaintMare de Venise montre que la formule de l' Ascension byzantine coupée par une césure tout ornementale a connu une certaine vogue dans le monde italo-byzantin58. Au dessus des tetes de Marie orante, des deux Voir références n. 43. Ritrovamenti a San Marco, II. Un affresco del Duecento, dans Arte Veneta, XVII, 1963, pp. 223-224; o. DEMUS, op. cit., p. 127; Venezia e Bisanzio (Palazzo Ducale, 8 giugno - 30 settembre 1974), Venise, Electa editrice, 1974, n° 50. A Santa Maria di Ronzano, près de Castelcastagna (Abruzzes), des peintures de style nordique (1181?-1281?) montrent une césure comparable en57

58 F. FORLATI,

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, anges et des disciples s'y déploie en effet un riche bandeau décoratif qui isolait les témoins de l' Ascension du Christ aujourd'hui disparu (fig. 14). Comme à Ninfa, le geste de Pierre invite le regard à franchir cette séparation. Le dernier registre conservé à Santa Maria Maggiore nous apprend peu de choses. Il est fréquent de représenter à cet endroit des saints et des saintes de face, en pied ou dans des médaillons, et dans l'art roman, le choix en est varié. Le fragment de l' Ascension détaché et gardé à Sermoneta permet de juger de la haute qualité de la peinture. L' artiste qui l' exécuta allie avec maitrise les ressources du linéarisme à certains effets de modelé, tant dans le rendu du visage que dans celui des vetements. Ses formes sont stylisées mais non sèches. Il préfère, en général, les droites aux courbes; ses draperies sont calmes, meme les pans flottants pour lesquels il ne recherche aucun effet de bouillonnement compliqué. Le dessin préliminaire a été gravé dans l' enduit. Le fond était originellement d'un bleu intense. La plupart des effets de coloris sont obtenus à l'aide de trois tons. L'himation rose de l' ange, par exemple, est rendu par un fond d'ocre clair sur lequel se dessinent des plis d'ocre rouge ombrés d' ocre orange plus dilué. Lorsque les tons tre les apòtres indiquant le ciel et le Christ qu'emportent !es anges mais l'Annonciation a été insérée entre !es deux théories d'apòtres. (E. BERTAUX, L'art dans l'Italie méridionale, I, Paris, de Boccard, 1968 (190.3), pp. 287-289; Aggiornamento, Rome, Ecole Française, 1978, IV, p. 502 ; VI, pi. LXIX). Cette insertion pourrait résulter de l'interprétation ou de la mauvaise compréhension des gestes de la Vierge et de l'ange de gauche dans !es Ascensions byzantines.

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i

clairs sont appliqués en surface, ils sont, en général, transparents. Les ombres du visage de Pierre, le seul conservé, sont vertes. L' empreinte de Byzance, que nous avons décelée dans l'iconographie de ce registre, est manifeste également du point de vue stylistique. Ce jeu subtil du pinceau, ce coloris délicat nuancé de trois tons sont typiques de la peinture byzantine des XIe-XIIe siècles, tandis que les ombres vertes sont plus révélatrices du XIIe siècle. Il en est de mème des schémas graphiques utilisés tant dans le rendu de l' anatomie que dans celui des draperies. Je n' en citerai comme exemples que les replis sinueux formés dans le dos, au dessus de la ceinture, par l'himation de Pierre et de l' ange, la manière dont la tète de l' apotre est attachée au cou, la dépression nasale entre les arcades sourcilières ou le trait d' ocre rouge creusant la paupière supérieure (pl. Il; figg. 12, 16): autant d'éléments communs à tout ensemble byzantin du XIIe siècle. Par contre, la régularité et la symétrie des traits de ce visage vu de trois quarts répondent à une interprétation romane des données byzantines telle qu' on la rencontre aussi dans les visages des apotres de l'ancien campanile de Farfa (fig. 90). Etant donné le role joué par l'art byzantin tant dans l'iconographie que dans le style de ces plus anciennes peintures de Ninfa, et le moment de diffusion des formules byzantines dans le Latium, il me semble qu' elles doivent avoir été exécutées au plus tot vers 1150, c'està-dire peut-ètre déjà avant l'intronisation d' Alexandre III dans cette église, en 1159 mais, à différents points de vue, une date plus avancée dans les années 60-70 me paraitrait mieux convenir. Le calme des draperies, 63


I

la simplicité des pans flottants, le caractère et le nombre limité des complications maniéristes n'invitent cependant pas à rapprocher cette datation des environs de 1200. En outre, du point de vue historique les années 1160-70 représentent un moment d'intenses relations diplomatiques entre Alexandre III et Manuel Ier Comnène et ces contacts n' ont, sans doute, pas été sans conséquences dans les milieux artistiques liés à la papauté. Sans vouloir établir un lien précis entre les fresques de Santa Maria Maggiore et le mariage d'Odon Frangipane il faut toutefois rappeler la présence, à partir de 1170, d'une princesse byzantine - venue en Italie avec une importante escorte - au sein de la famille qui possédait Ninfa. La partie in/érieure du campanile de Santa Maria Maggiore comprend une absidiole située jadis à l' extrémité occidentale de la nef latérale sud. Sous ce qui était alors une voùte, le mur de la tour était enduit et recouvert de peintures. Dans le cul-de-four, subsiste une figure nimbée (très effacée) vetue de rouge et représentée frontalement entre deux espèces de colonnettes à chapiteau et poipmeau. De la main droite, ramenée devant la poitrine, elle semble tenir un objet, de la main gauche peut-etre un livre. Sa chevelure paratt longue et bionde, ce qui désignerait une sainte. Son nimbe est rouge (fig. 24). Des bandes, successivement jaune, bianche et rouge, séparent cette image d'un gros tore de feuillages, piqué de fleurons clairs et enserré d'un ruban en spirale, qui orne la bordure de la conque. Sous celle-ci se devinent les traces de deux figures isolées à l'intérieur

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de panneaux entourés d'un cadre à multiples bandes. La couche d' enduit de la conque recouvre légèrement celle des panneaux. Le fond sur lequel se détache le personnage de l' absidiole est jaune dans la partie inférieure, bleu au dessus; les figures du bas se trouvent devant un fond jaune. Le Palais Caetani possède une aquarelle signée par Maria Barosso mais non datée (34,5 x 22,5 cm) qui montre que le personnage sous la conque était représenté assis. Il avait une coiffe bleutée, un nimbe jaune et un manteau rouge. Ni les fresques, ni l' aquarèlle, ne permettent une identification de ces saints pas plus qu'une datation précise ou une estimation esthétique des oeuvres. Leur situation, sur le campanile ajouté à la construction originale, pourrait indiquer une date au plus tot dans la seconde moitié du XIIe siècle. Quant au motif qui achève la conque, il appartient au répertoire antiquisant remis en honneur dès le XIIe siècle mais encore largement exploité au XIIIe 59 . Son traitement, à Ninfa, l'apparente aux interprétations de l' are absidal de Foro Claudio, après 1200, et de la crypte d'Anagni, dans le deuxième quart du XIIIe siècle 60 • Dans ses Villes Mortes du Moyen age, Camille Enlart mentionne ces fresques sans les identifier ou les décrire; il les date du «XIIIe siècle ou du XIVe» 61 . Je serais plutot pour la première datation, notamment à ' 9 Pour des éléments de ce répertoire voir: H. TOUBERT, Le renouveau paléochrétien à Rame au début du XIIe siècle, dans Cahiers archéologiques, XX, 1970, pp. 99-154. 60 o. DEMUS, Romanische Wandmalerei, pl. 34; G. MATTHIAE, Pittura romana, pll. 123-124. 61 c. ENLART, Villes mortes, p. 77.

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cause du rnotif ornernental, et les ai donc encore rattachées à la prernière grande étape de décoration des églises de Ninfa. San Giovanni

Irnpressionnantes dans leur précarité, les ruines de San Giovanni se dressent non loin du déversoir occidental du lac. Des photographies ancienne~, cornrne celle que pus blia Enlart en 1919 62 ou celle que conserve le rnusée du palais de Boniface VIII, à Anagni (fig. 25) rnontrent encore l'abside cornplète. Il est poignant de . comparer ces docurnents, relativernent proches de nous, à la réalité actuelle: l'abside est rnutilée plus qu'à rnoitié; du cul-de-four, il ne subsiste plus que le départ de la voute (fig. 26). C'était un édifice de vastes dirnensions, des bases de piliers attestent qu'il avait trois nefs. Sa longueur devait etre d'environ trente rnètres. Des batirnents conventuels ruinés se trouvent encore à sa droite jusqu' aux rernparts. L' appellation de cette église a connu une variante ou, du rnoins, il semble que ce soit à la suite de Gregorovius, que plusieurs auteurs, dont Tornassetti et Enlart, aient nornrné ce rnonurnent Sant'Angelo ou SaintMichel 63 • Ferdinand Gregorovius paraìt, en effet, avoir confondu deux lieux: il parle du ternple des Nyrnphes 62 ibidem, face p. 78 («Saint-Michel»); dans La Renaissance de l'Art /rançais ... , janv. 1919, p. 159. 63 G. TOMASSETTI, Campagna romana II, p. 472; c. ENLART, op. cit., p. 78. Dans G. MARCHETTI-LONGHI, op. cit., p. 23, fig. 16, S. Giovanni est erronément identifié comme S. Biagio.

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r


qui se trouvait «auprès de la source et du lac» et qui fut remplacé par l'église Saint-Miche! et il ajoute: «En 1216, Ugolino Conti fonda au meme endroit l'église de Sainte-Marie des Myrtes» 64 • Cette deuxième phrase paraìt bien prouver qu'il faisait allusion à la grotte de Saint-Miche!, Sant'Angelo ad Myrtetum, située à flanc de montagne, en montant vers Norma. Actuellement, et depuis la publication de la Domus Caietana, on a repris l' appellation San .Giovanni. Dans son ouvrage, écrit vers le milieu du XVIIle siècle, Pietro Pantanelli donne comme preuve de la dévotion des habitants de Ninfa à saint François le fait qu'ils aient concédé l'église de San Giovanni aux Frères Mineurs 65 • En s' écroulant, l'abside de San Giovanni a anéanti un des derniers ensembles de peintures romanes que les visiteurs du XXe siècle purent encore admirer à Ninfa. Alors que pour les autres églises, seules les oeuvres du XIVe siècle parurent valoir la peine d'etre mentionnées, pour celle-ci Giuseppe T omassetti signale de nombreuses fresques; il mentionne la Guérison d'un aveugle et le Transport du corps d'un saint dans une ville66, scènes pour lesquelles Camille Enlart précise qu'il s'agit de «bonnes fresques du Xlle et du XIIIe» 67 • Aujourd'hui encore, malgré la destruction plus avancée de ce sanctuaire, on peut distinguer des fragments de peintures s' étageant sur presque toute la hauteur de 64

Promenades, pp. 190-191; j'ai souligné. op. cit., I, p. 268. S. Iohannes loco minorum est mentionné dans un testament de 1349 (G. CAETANI, Regesta Chartarum, II, Sancasciano Val di Pesa, 1926, p. 146, n. 778). 66 G . TOMASSETTI, op. cit., II, p. 472: «molti affreschi dipinti a chiaroscuro di rosso». Pour les couleurs, voir infra, p. 70. 67 c. ENLART, Villes mortes, p. 78. 65

F. GREGOROVIUS, P. PANTANELLI,

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l'abside. Ils permettent d'esquisser une reconstitution du programme et meme de juger de la qualité et du style de ces oeuvres. A l' extrémité droite de la partie conservée de la conque, deux anges se suivent dans de grands envols de draperies. Ils se dirigent, inclinés et bras avancés, vers le centre de l'abside où devait figurer l' objet de leur vénération (figg. 27, 29, 31) . Deux anges, c'est beaucoup dire: deux fragments de personnages dont les ailes permettent l'identification. Du premier, il subsiste un beau morceau d' aile, prestement brossé, et des détails de vetements ocre rouge dont deux pans flottants l'un par devant, l' autre par derrière, aux courbes nerveuses et aux replis sinueux. Du second ange, on peut encore discerner la trace d'un visage, le dessin du cou, le départ d'une aile et le buste aux bras étendus, revetu d'une tunique bianche. Sous eux, le reste du décor de la conque a totalement disparu. D' après leur emplacement, ils pouvaient constituer le couple inférieur droit d'un ensemble de quatre couples d' anges convergeant vers une figure centrale, vraisemblablement celle du Christ en gioire. Sous le cul-de-four, les peintures se répartissent en quatre registres d'inégale hauteur, les deux supérieurs étant les plus importants. Dans le premier, se déployait une double théorie de personnages se dirigeant vers le centre d'un mouvement rapide. Il en reste quatre fragments, essentiellement le bas de figures vetues du chiton et de l'himation antiques et marchant vers la gauche (fig. 32). La technique picturale s'y révèle de qualité: un premier tracé, sùr et nerveux, a été réalisé au poinçon, en incisions as-

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sez fortes tandis que le dessin à la brosse est à la fois large et délicat pour rendre les subtilités d'un drapé savant, au coloris nuancé (fig. 33). Certains plis de tunique ont des inflexions recherchées, révélatrices d'un style empreint de maniérisme. Dans le deuxième registre en dessous de la conque, on peut encore discerner des traces de figures nimbées debout devant des architectures variées dont l'une se pfésente avec une arète à l'avant-plan. Cette zone de peintures est conçue à plus petite échelle que les deux précédentes (fig. 32). A une époque ultérieure, le centre de ce registre a été orné d'une grande image de la Vierge, au coloris lumineux. Nous l'étudierons avec les peintures de la seconde étape (fig. 34). Le registre suivant est encore plus détérioré. Les personnages, également à petite échelle, semblent y avoir été représentés en une suite assez mouvementée. Deux figures se distinguent un peu mieux que les autres: à l'extrémité gauche, un homme vètu d'un himation ocre et d'un chiton clair se dirige d'un pas rapide vers la gauche tandis qu'à droite, lui tournant le dos, une silhouette à l' allure preste, vètue d'une courte tunique blanche, fait des gestes vifs (fig. 35 a-6). Son bras gauche, tendu vers l' avant, parait tenir un objet, tandis que son bras droit est rejeté vers l' arrière. Ce vètement et la vivacité des mouvements pourraient évoquer un bourreau, personnage qui s'inscrirait éventuellement dans cette frise d' allure narrative dans laquelle certaines scènes étaient peut-ètre consacrées à la vie de saint Jean. On pourrait mème penser qu'il s'agit du «bourreau qui tient son glaive levé » que cite .Gregorovius

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quand il énumère, de façon très littéraire et sans les localiser, différents sujets funèbres de Ninfa 68 • C'est vraisemblablement dans ce registre aussi que devaient figurer la Translation d'un corps saint et la Guérison d'un aveugle cités par T omassetti et Enlart. La zone inférieure de décoration était constituée par une imitation de placages de marbres jaunes et rouges. Les couleurs conservées sont l' ocre rouge, l' ocre jaune et le blanc. Le fond, sans doute bleu à l'origine 69 , est actuellement blanc. Probablement par l' effet du feu, la conque ne conserve plus que de l' ocre rouge et du blanc; dans le premier registre, il s'y ajoute de l'ocre jaune et, dans les deux registres suivants, du jaune. Le panneau ultérieur a des tons plus vifs. La décoration de l'abside de San Giovanni, qui s' étend sur cinq niveaux, répond à la hiérarchie d'un programme absidal roman assez élaboré. On peut lui comparer l'abside de San Silvestro de Tivoli (v. 1200) où les sujets ne sont pas identiques mais se succèdent en des catégories semblables: remise de la Loi par le Christ entre Pierre et Paul, les douze brebis autour de l' Agneau pascal, la Vierge entre des saints et des prophètes, le registre narratif de la légende de saint Sylvestre et un soubassement ornemental (auquel on superposa ultérieurement des panneaux de saints) 70 . A l'in68

F . GREGOROVIUS , Promenades, p. 188. Cette supposition se base, d 'une pan, sur le caractère très byzantinisant des peintures, d' autre part sur la grande parenté avec !es fresques de l'abside de San Biagio où le bleu est attesté derrière !es apòtres. 70 o. DEMUS, Romanische Wandmalerei, p . 124 fig. 6. Les panneaux ultérieurs manquent sur cette photo, la restauration récente de l' église leur a redonné leur imponance. 69

70


térieur de ces catégories, la grande différence entre les deux décors est due au caractère de chacune des images de la conque: celle de San Silvestro est la reprise d'un motif paléochrétien, tandis que celle de San Giovanni - que l' on peut hypothétiquement reconstituer grace aux deux anges et à l' analogie avec l'abside de San Pietro où le Christ en gloire est entouré du vol de quatre anges - est plus exceptionnelle dans la tradition non seulement romaine mais italienne en général. Les réflexions que nous avons faites à propos de l'iconographie de l'abside de Santa Maria Maggiore peuvent se répéter ici avec ces nuances que, d'une part, nous sommes sùrs de la présence d' anges volants dans la conque de San Giovanni mais que, d' autre part, rien n'atteste celle de la Vierge au centre du registre des figures que l' on peut supposer ètre des apòtres. Il est donc possible qu'il se · soit agi d'une variante de l' Ascension mais ce n' est pas certain 71 • Par contre, la notion de Théophanie, au sens large, semble pouvoir s'appliquer à l'image du cul-de-four 72 et il parait à peu près sùr que l'influence byzantine a joué dans sa conception. Au XIIe siècle, on trouve, en effet, dans l'art byzantin, des coupoles où les anges n' entourent pas seulement le Pantocrator comme une escorte mais le vénèrent, profondément inclinés vers lui, les mains, 71 Le geste des anges n'infirme, ni ne confirme cette hypothèse car dans !es adaptations italiennes des Ascensions byzantines, la variété d'attitudes des anges volants est grande. 72 Une représentation de la Vierge me semble à exclure, car dans !es absides romanes, comme dans !es culs-de-four byzantins, la Vierge n'est généralement entourée que de deux anges et ceux-ci se tiennent debout à ses cotés. Voir, notamment, à Foro Claudio et à Castel Appiano (o. DEMUS, op. cit., pii. 34, XXX).

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voilées ou non, étendues en un geste de respect et d' adoratioh. Les coupoles de la Martorana de Palerme ou de Saint-Hiérothée près de Mégare (fig. 28) en sont des exemples 73 • A Ninfa, on trouverait une adaptation de ce thème aux culs-de-four; elle a éventuellement pu se combiner avec l'image de l'Ascension. Plus encore qu'à Santa Maria Maggiore, l'influence stylistique de Byzance est manifeste à San Giovanni. Elle est mème révélatrice d'une période précise: l'extrème fin du Xlle siècle, l' époque des empereurs Angelo-Comnènes. La peinture byzantine connut alors un moment de tension extrème où le raffinement des couleurs et des formes n'eut d'égal que la complication des lignes et des attitudes. Les pans flottants qui précèdent et suivent les anges de San Giovanni sont composés de longs plis aux inflexions nerveuses, aux effets de chevauchement, aux jeux de courbes et de contre-courbes et aux soulèvements en corolles qui n' ont, à ma connaissance, guère d' équivalents dans la peinture romane italienne mais trouvent leur source esthétique dans les plissés de fresques byzantines comme celles de Saint-Pantéleimon de Nerezi (après 1164) (fig. 87), de Saint-Georges de Kurbinovo (1191) (fig. 30 et sch. 3) et de la Panaghia de Lagoudera (1192) (fig. 86) 73 , ou de Saint-Hiérothée près de Mégare (fin Xlle siècle) (fig. 28). Sur le solitalien, ce sont des oeuvres comme les mosai:ques byzantines de Monreale (1180-90), ou les fresques byzantinisantes de peu postérieures de la crypte de la cathédrale 73

v.

Storia della pittura bizantina, Turin, Einaudi, 1967, fig. 356; Mémoire sur les antiquités chrétiennes de la Grèce,Athèncs, 1902, p. 76, fig. 145. LAZAREV,

G. LAMPAKIS,

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74

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DEMUS,

op. dt., pll. 58-63, XXV-XXVII.

7-3


en corolle tandis que les manteaux révèlent de larges mouvements souples aux directions soulignées par de subtils dégradés, très différents du linéarisme monotone et souvent sec de la tradition propre au Latium. Les rapprochements que l' on peut établir avec des peintures tardo-comnènes et la profonde compréhension des formules byzantines que l'on y dénote permettent de dater les fresques de San Giovanni des environs de 1190-1200 75 • C'est le moment où les ateliers de Sicile se sont dispersés après l' achèvement de la décoration en mosa'ique de Monreale et cette dispersion fut certainement une vaie de diffusion des modèles byzantins. D' autre part, il ne faut pas perdre de vue la politique d'alliance avec la Sicile qu'eurent les papes de la seconde moitié du XIIe siècle et du début du XIIle. Dans les fresques de San Biagio de Ninfa, qui sont peut-etre l'ceuvre du peintre qui travailla à San Giovanni, on décèle, d' ailleurs, des parentés étroites avec l'art de Monreale.

San Biagio A l'extrémité sud-ouest de la ville, dans l'angle de l'enceinte intérieure, les murs de San Biagio sont relativement bien conservés. L'abside et l'arc triomphal, situés à l'ouest, se dressent presque intacts (figg. 36-37). 75 Je tiens à remercier spécialement ici M. Otto DEMUS qui a examiné !es photos de San Giovanni, m'a confirmé que le rendu des draperies y était exceptionnel dans le Latium et m'a suggéré une datation un peu plus haute que celle que j'envisageais alors dans In/luence stylistique de Byzance sur les peintures médiévales de Ninfa (Latium) dans XVI. Internationaler Byzantinistenkongress Akten II/5, (Jahrbuch der Osterreichischen Byzantinistik 32/5), 1982, pp. 291299.

74


Lè mur nord présente encore une entrée latérale et des fenetres hautes, en plein cintre, mais seule une partie du mur sud subsiste encore, un pan entier s' étant abattu à l'époque du voyage à Ninfa de Camille Enlart 76 . La façade a totalement disparu. Il s' agit d'une construction en moellons, d'une vingtaine de mètres de long et à une seule nef. L'abside, transformée en bassin d'eau semi-circulaire, dont les reflets mouvants animent les murs vers midi, ne dévoile g1,1ère le secret de son décor. Ses parois sont délabrées et fortement noircies par le feu (figg. 36-38). Dans la conque, on distingue, au centre, à droite, le bord d'une mandorle très claire vers laquelle se dirigent, plus à droite encore, deux personnages (fragmentaires) au pan d'himation flottant devant le corps. A gauche de ce qui fut une figure en gloire, on voit eneore un bras et deux mains tendus vers le centr~, une autre main ouverte, un peu plus bas. Une bande rouge, à la base ponctuée de perles blanches, soulignait le décor de la conque en le séparant du registre suivant; elle est encore visible du còté droit. La dégradation de ces peintures révèle, comme à Santa Maria Maggiore, les empreintes de la natte qui recouvrait le cintrage de la voute. Malgré l' aspect lamentable des fragments visibles, les deux pans flottants, à la lisière gonflée et ondulée, permettent d' établir un rapprochement stylistique avec les peintures de San Giovanni. Celui-ci est confirmé 76

c.

ENLART,

Villes mortes, p. 77.

75


par l' examen du premier registre sous la conque où deux séries de saints en pied, vètus à l' antique, convergeaient vers le centre. Ils élevaient leurs bras et dirigeaient leurs regards vers le haut comme le montrent encore les deux figures les mieux conservées {fig. 41). Ils se découpaient devant un fond bleu que divisaient régulièrement des cadres de différents tons créant un jeu de panneaux. Deux de ces figures, réduites à la moitié inférieure sont encore in situ du còté droit (fig. 40), tandis que trois autres personnages fragmentaires ont été détachés en 1969 (pl. IV; figg. 41-42). Ils se situaient du còté gauche. On ignore ce qui constituait l' axe central de cette double procession, une madone du XIVe siècle s'étant substituée à l'image primitive. Une inscription en majuscules courait sous la séparation perlée; les lettres A 1;3 A se distinguent encore vaguement, à droite. Un deuxième registre et un soubassemnt ornemental complétaient probablement le décor de cette abside. Il est tentant de reconstituer le programme absidal de San Biagio par analogie avec celui des autres églises de Ninfa, et particulièrement avec celui de San Giovanni et de San Pietro. c'est-à-dire d'imaginer un Christ en gloire entouré d'anges dans le cul-de-four et une double procession d' apòtres, convergeant peutètre vers la Vierge, en dessous. Il ne faut pourtant pas perdre de vue que la présence d'une mandorle n'implique pas nécessairement celle du Christ. Il arrive que la Vierge du cul-de-four soit représentée en gloire; c'est, par exemple, le cas dans la conque absidale de la Cathédrale d' Aquilée, vers 1031 et dans celle de la cha76


pelle Sainte-Catherine à Notre-Dame de Montmorillon, vers 1200 77 • D' autre part, dans l' état actuel des peintures, rien ne permet d' affirmer que les personnages aux mains tendues ou aux draperies flottantes aient été des anges plutot que des saints. Par contre, l'identification de figures vetues à l' antique du registre suivant comme des apotres parait certaine, les prophètes tenant, eux, généralement des phylactères. Si la reconstitution du programme absidal de San Biagio reste hypothétique, les fragments conservés permettent d'affirmer que le style de ce décor s'apparentait étroitement à celui des peintures de San Giovanni au point qu'il est permis de penser à un maitre commun. Nous avons déjà noté des similitudes dans le traitement des pans flottants; celles-ci sont encore plus marquées dans le dessin large et monumental des vetements des «apotres» sous la conque (figg. 33 et 40). La forme du décolleté du personnage la mieux conservé est semblable à celle del' ange de droite à San Giovanni (figg. 31 et 42). Et, au delà de ces ressemblances entre des peintures de la meme ville, c'est de nouveau à l'art des Comnènes que les comparaisons nous ramènent. En effet, ces rehauts clairs, au graphisme élégant et nerveux, qui animent le visage du plus jeune apotre (fig. 42), ces lumières en éventail, qui éclairent son cou, ont des équivalents dans l'art de Pskov (fig. 43) ou de Nerezi (de meme, d'ailleurs, que la pointe de son décolleté) mais, comme à Santa Maria Maggiore, l' artiste roman s' affirme par sa façon de nier la perspective du visage, et d'en rendre les traits en une stylisation fron77

o . DEMUS, op. cit., pll. 8, LXIII.

77


tale. Quant aux draperies, qu' elles soient calmes ou agitées, c'est à l'art byzantin de la fin du XIIe siècle qu'elles se rattachent. Une comparaison assez frappante peut etre établie entre les dessins des vetements du premier <<apòtre» de droite à San Biagio et du Christ guérissant le lépreux à Monreale: non seulement le caractère de monumentalité élégante y est pareil mais on · croirait que les deux drapés procèdent d'un meme schéma inversé (sch. 4; figg. 39 et 40). Le fait que les apòtres ne soient pas représentés sur un fond uni mais que des divisions verticales donnent l'impression de panneaux n' est pas unique. On peut en

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Sch. 4. Drapés de Monreale et de San Biagio de Ninfa (à droite).

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dter notamment les exemples de Santa Maria di Ronzano (1181?) et de Foro Claudio (v. 1200) 78 • Sur ce qui subsiste du mur sud de San Biagio, sous une des fenètres de la nef, se trouvait un vaste fragment rectangulaire contenant quatre images juxtaposées (fig. 44). Il a été détaché en 1970 et est actuellement conservé au Chàteau de Sermoneta. Il devait faire suite à des «effigies de saints du XIVe siècle» qui ont été détruites lorsque la partie orientale de ce mur s' est abattue, dans le premier quart de ce siècle 79 • Le fragment détaché se composait, à gauche, d'un panneau représentant une sainte .et un évèque et, à droite, de deux images de la Vierge (figg. 45-46, 4849). La première, immédiatement à droite de l'évèque, se loge sous une arcade trilobée; elle appartient à une couche de décoration ultérieure. En effet, non seulement elle recouvre légèrement les fresques qui l' entourent mais celles-ci ont été martelées de manière à faire adhérer des peintures plus tardives qui ont disparu. Farmi les peintures plus anciennes, la sainte et l'évèque font partie d'un mème ensemble tandis que la Vierge de l'extrème droite semble ètre d'une facture différente. La sainte et l' éveque sont représentés frontalement, devant un mème fond bleu que divisent des cadres bleus et rouges. Ils sont conservés jusqu'à mi-corps (pl. V figg. 45-46). La femme est couronnée, elle porte un manteau rouge. Elle élève la main droite devant la "E. BERTAUX, op. cit., Aggiornamento, VI, pl. LXIX; o. DEMUS, op. cit., pll. 34-35. 79 Cfr. n. 76. Les dimensions respectives des trois panneaux sont 175 x 165 cm, 123 x 180 cm et 138 x 207 cm.

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poitrine et tient ime fiole de la main gauche. Sur le cadre, à droite de son nimbe, subsistent quelques lettres presque illisibles qui ne facilitent pas l'identification 80 • La couronne et le flacon réunis pourraient évoquer sainte Lucie, représentée (sans fiole) dans la grotte de Sant'Angelo ou, éventuellement, sainte Parascève qui avait un sanctuaire à Ninfa mais le vase que tient parfois Lucie et, plus rarement, Parascève est le plus souvent une lampe avec flamme. Couronne et flacon suggèrent aussi une sainte locale, Noémisia d' Anagni qui, avec sa soeur Aurelia, vint d' Asie à Rome. Elles furent grièvement blessées par les Sarrasins et se réfugièrent pour y mourir chez une pieuse femme, près d' Anagni. Cette ville conserve leurs reliques dans la crypte de la cathédrale où leurs images sont figurées 81 (fig. 47). L' éveque est mitré, il semble avoir la barbe et les cheveux blancs. Il porte une chasuble rouge à empiècement blanc timbré de croix formées de points; la bordure en est brochée d'or. Le prélat bénit de la main droite ramenée devant la poitrine et tient sa crosse (?) de la main gauche. On peut éventuellement penser à une image de saint Blaise, le patron de l' église. Eveque de Sébaste, mort en 316 (?), Blaise devint un des «qua-

80

Les lectures suggérées sont ... CÙB! , ... CÙR!, ... MB!, ... MR! Pour l'iconographie des saints, voir la Bibliographie, III, 2, p. 148. Sir Hubert Howard m'a signalé que certains avaient pensé à identifier la sainte cou• ronnée de San Biagio comme Elisabeth de Hongrie (ou de Thuringe), morte en 1231 et canonisée en 1235. Il ne me semble pas qu'il faille retenir cette hypothèse d'abord parce que !es premières images de cette sainte n'apparaissent en Allemagne que vers 1236-49 et, ensuite, parce que rien dans son iconogra• phie ancienne ne s'apparente à l'objet de Ninfa; l'aiguière avec laquelle elle abreuve !es pauvres ne se rencontrant qu'à partir du XVe siècle. 81

80


I. Ninfa, abside de S. Maria Maggiore.


II. Ninfa, S. Maria Maggiore, l'Ap6tre Pierre, v. 1160-70 (Chateau de Sermoneta).


III. Ninfa, S. Maria Maggiore, Urbain V et Thomas d'Aquin (?), panneaux ajoutĂŠs aux fresques romanes vers 1380.


IV. Ninfa, S. Biagio, Ap6tres ( ?) de l'abside, v. 1190-1200 (Chaceau de Sermoneta).


V. Ninfa, S. Biagio, Sainte couronnĂŠe, v. 1200 (Chateau de Sermoneta).


S

. VI. Ninfa

• Pietro , ab SI.d e' et bas-coté nord.


VII. Ninfa, S. Salvatore, Ap6tres de l'abside, v. 1250 (C hateau de Sermoneta).


VIII. Ninfa, S. Salvatore, Nativité, v. 1300 (Chàteau de Sermoneta).


a

torze intercesseurs»; une dizaine d'églises lui auraient été consacrées à Rom e entre le Xe et le XIIIe siècle 82 • Ces deux images de saints ne doivent pas etre très éloignées, chronologiquement, des peintures de l' abside. Le graphisme, bien conservé, du visage féminin, particulièrement l' élégance du tracé des rehauts blancs, n' est pas sans rappeler les traits du plus jeune des apotres. Quant aux coiffures des deux personnages, elles s' apparentent à celles que l' on peut trouver dans des oeuvres de la fin du XIIe siècle et de la première moitié du XIIIe siècle. Je pense, notamment, à la couronne de la Vierge de l'abside de Foro Claudio, à celle de Constantin aux Quatre-Saints-Couronnés de Rome, à la mitre de saint Donat à Santa Lucia de Matera, à celle de saint Basile à San Vito Vecchio de Gravina ou eneore à celle d'un éveque à San Nicola de Filettino 83 • Ces mitres triangulaires, avec décor en T renversé seraient plus typiques du XIIIe siècle et meme de la première moitié du siècle 84 • Le double cadre, qui isole chacune des figures, est courant dans la peinture romane italienne du nord au sud. Seul le fait que les personnages se présentent devant l'encadrement pourrait indiquer une datation relativement tardive. 82 A. GRABAR et c. NORDENFALK, Le peinture romane du Xle au XIIIe siècle, Genève, Skira, 1958, pp. 106-107. si o. DEMUS, Romanische Wandmalerei, pl. 34, p . 118 fig. 3, pl. 55; LASCALETTA, Le Chiese rupestn· di Matera, Rome, De Luca, s.d., fig . 17 ; v. PACE, Pittura bizantina nell'Italia meridionale, fig. 431; B. ANDBERG, op. cit., dans Acta ad archaeologiam Institutum Romanum Norvegiae, 4, 1969, pl. V. 84 Je remercie M.O . DEMUS qui m'a aimablement signalé que la forme de la mitre lui ferait dater la peinture de San Biagio de la première moitié du Xllle siècle.

81


Eléments stylistiques et détails vestimentaires concordent pour situer ce panneau vers 1200 ou dans la première moitié du XIIIe siècle. Deux aquarelles inédites de Maria Barasso, conservées au Gabinetto Communale delle Stampe de Rome (Palais Braschi), non datées, montrent que ces peintures ne se sont presque plus dégradées depuis l'exécution de leurs copies. Seul un montant orné d'un losange et d'une bande ponctuée a disparu, à droite de la sainte 85 . Au-delà de la Vierge appartenant à la seconde couche de décoration de ce mur sud, se trouvait une Vierge tronant qui devait etre contemporaine du premier décor et fut également martelée. Il s'agit d'une Vierge en majesté dont la représentation ne manque pas de charme (fig. 49). La douceur de la mère et la petitesse de l' enfant y sont soulignées. L'inclinaison du visage de Marie vers sa droite et un léger décalage de Jésus, du meme coté, infléchissent vers l'humain le type de la Kyriotissa byzantine par ailleurs fort respecté jusques et y compris dans la position des mains de Marie, dans le geste de bénédiction du Christ, dans l' attitude de ce dernier et, meme, dans l' agencement de ses vetements. Le nimbe de Marie et le cadre sont ponctués de perles blanches. Une sorte de lampe pend à gauche de l'image, tandis qu'à droite se devinent les lettres

81 Il s'agit des aquarelles 13.711 et 13 .712 mesurant 43 x30 cm. L'églisc y est désignée comme «Chiesa di San Biagio detta di San Marco ».

82


A

V.RClS 86 Le manteau de . la Vierge est actuellement · dans les tons verts, son nimbe et sa tunique d'un rouge assez vif, son voile de tete et les vetements de Jésus, blancs ombrés d'ocre rouge. Les ombres les plus profondes et les contours sont très sombres et assez larges. Les visages, au graphisme pur, sont, en outre, modelés assez délicatement. Cette oeuvre, dont le type et meme la facture dénotent une influence byzantine, nous ramène, de nouveau, à la fin du XIIe siècle ou au début du XIIIe mais son style la différencie et des peintures de l'abside et des panneaux du mur sud. Dans les plissés, le graphisme est dur et assez sec. Les effets de courbe et de contre-courbe sont abandonnés. Le repli de l'himation sur le genou gauche du Christ est caractéristique à cet égard: son tracé a des inflexions simples alors qu'un artiste d'esthétique tardo-comnène en aurait accentué le mouvement pour jouer du dynamisme de la ligne contrariée. De la Vierge plus tardive, que nous examinerons ultérieurement, il reste fort peu de chose. San Pietro fuori le Mura

Le troisième monument où se rencontre le style mouvementé et raffiné des décorations absidales de San Giovanni et de San Biagio, est San Pietro (pl. VI). "" Ces lettn.:s pu urra1ent évoquer l'abréviation \TlRCfS de Virginis mais il est difficile d' imaginer par quelle appellation Marie aurait alors été désignée.

83


La mieux conservée et peut-etre celle qui fut la plus belle des églises de Ninfa, se situe hors les murs, non loin de l'extrémité orientale du lac. Elle mesure quelque 25 m. de long, a trois nefs et une abside semi-circulaire. Sa façade, très simple et éclairée de deux fenetres hautes, est encore debout (figg. 50, 52). Le décor de son chevet, fort élaboré, est un des meilleurs témoins de la qualité de l' architecture dans la petite ville pòntine; la partie inférieure est en moellons irréguliers, la partie supérieure, plus travaillée, en pierres taillées et en briques (fig. 51). Un dessin de Maria Barosso en a été reproduit dans la Domus Caietana 87 (sch.5). Une arcature à sept éléments enserre l'abside jusqu' aux deux tiers environ de sa hauteur (trois arcades furent percées de fenetres dès l'origine). Le dernier tiers, sous la voute, est orné d'une série de frises: la première était constituée d'une rangée de plats de céramique (leurs emplacements sont encore bien marqués entre les arcades), la seconde est formée de deux rangs de pierres disposées selon l'opus reticulatum, la troisième d'un alignement de grosses pierres rectangulaires, la quatrième de quatre rangs d'opus reticulatum, la cinquième de modillons de pierre séparés par des zigzags de briques, et la septième, de briques en dents de scie. Des arases de briques séparent chacune de ces frises. Le tout atteste un gout très marqué pour les effets picturaux, non seulement dans la diversité des motifs choisis, mais aussi dans celle des couleurs: vivacité ou gaieté de la céramiD 'autre part, on peut noter, à titre de comparaison, que des lampes suspendues encadrent le visage de la Vierge à l'Enfant de Rongolise mentionm:c plu~ haut (O. DEMUS, op. cit., p . 118 fig. 3). 87 G. CAETANI , Domus Caietana, I, 1, p. 305.

84


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Sch. 5. Chevet de San Pietro (dessin de Maria Barosso).

que, douceur de l' alternance des briques rosées et des pierres claires. Ce genre de recherches picturales en architecture s'est développé dans le monde byzantin à partir des Xe-Xle siècles pour culminer aux XIIIe-XIVe siècles 88 • En Italie, on en trouve quelques échos, notamment dans la célèbre Cattolica de Stilo, en Calabre, ou dans ""A.11.s. MU,AW, Byzantine Reticulate Revetments, dans Xapur:f,p,ov dç 'A vacrracr,,,v K. 'n,:}.-xv8,,v, III, Athènes 1966, pp. 10-22, où l'on trouvera plus de bibliographie.

85


)

des églises de Vénétie. Bien que la question soit parfois discutée, on considère généralement comme une influence byzantine sur l' architecture romane italienne, l'emploi de l'opus reticulatum , de décors céramoplastiques, de plats de faience et, de façon plus générale, de briques et de terres cuites polychromes 89 . Giuseppe T omassetti data le style du chevet de San Pietro de Ninfa de 1200-1300; Camille Enlart considéra cette église comme appartenant au XIIIe siècle; d'après un document d'archives, elle est, en tout cas, antérieure à 1237 90 • L'analyse de ses peintures absidales fournit, nous le verrons, la meme fourchette chronologique et indique, par conséquent, que le monument a été décoré peu de temps après sa construction. La nef principale de San Pietro a gardé beaucoup de majesté. Son mur sud est presque intégralement conservé (fig. 52 ); les puissantes arcades et piles qui s'y succèdent ont quelque chose d' antique dans la simplicité de leur rythme. Des fenetres en plein cintre éclairent les parties hautes. Presque certainement couverte en charpente lors de sa construction, l' église a été dotée, à l' époque gothique, de voutes d' aretes sur les nefs latérales. Pour recevoir les nouvelles poussées, les murs médians ont été légèrement évidés au dessus des arcades en plein cintre. Ces transformations sont d'une 89 Ibidem; D E ANGELIS n 'os s AT, Le influenze bizantine nell'architettura romanica, Rome, Palombi, 1942, p. 100. La thèse de l'origine occidentale a été défendue dans s . BETTI NI, Origini romano-ravennati della decorazione ceramoplastica bizantina, dans Atti del V. Congresso di Studi Bizantini, Il, (Studi Bizantini e Neoellenici VI), Rome 1940, pp. 22-30. 90 G. TOMASSETTI, Campagna romana, Il, p. 471 ; c . ENLART, Villes mortes, p. 74; H . STOOB, op. cit., dans Festschrt/t Edith Ennen, p. 95 (d'après G . GAETANI, Regesta Chartarum, I, p. 30, n ° 1975).

86


exécution assez rudimentaire, de meme que d' autres, encore ultérieures comme la construction d'un mur à l'extrémité sud-est de la nef sud (fig. 62). Il semble que l'intérieur de l'église ait été, à un moment du moins, entièrement décoré de fresques. On peut le supposer non seulement à cause de la dissémination des fragments peints dans les ruines actuelles mais aussi à cause du fait que les douelles des arcs en plein cintre portent plusieurs traces de peinture, en tout cas ornementale, peut-etre figurative. Le cul-de-four de l'abside conserve les plus anciennes et les plus remarquables représentations; malheureusement leurs couleurs ont viré, surtout au rouge, par l'effet du feu (figg. 54-58). La Théophanie que nous avons cru pouvoir reconstituer à Santa Maria Maggiore, à San Giovanni et peut-etre à San Biagio est ici certaine. En effet, au centre de la conque, se discerne encore non seulement le còté droit d'une mandorle bleue mais, à l'intérieur de celle-ci la silhouette d'un personnage trònant dont la main gauche tient un livre ouvert où se distinguent encore les lettres: DOAT

MEVM f:,.

(fig. 55)

Un marchepied pourpre constellé de perles se voit à la base de la mandorle. Le personnage en gloire qui, par la présence du livre, peut etre identifié avec certitude au Christ, était entouré d' anges volant, les mains

87


tendues vers lui. Deux d' entre eux subsistent encore à droite, un à gauche. D' après leur disposition et les dimensions de l'abside, il devait y en avoir quatre, superposés deux à deux. Le mieux conservé se trouve en bas, à droite (fig. 56). Il a les yeux grands et la bouche forte, les mains longues et gracieuses. Ses vetements aux plis drus ont un dessin énergique; les pans flottants de son himation rose ont de grands envols, ses ailes sont largement déployées. De son compagnon du dessus, il ne reste que deux mains tendues, un pan bleu battant l' air et une aile. A gauche de la gioire, l'ange du haut a tout à fait disparu; de celui du bas, on peut encore voir, outre une main élégante, quelques plumes et des pans de vetements, un visage où se distinguent surtout un grand oeil très surement dessiné, une arcade sourcilière se prolongeant dans le tracé du nez et le modelé d'une pommette par de fines lignes blanches parallèles (fig. 57). En dessous de la gioire, à droite du marchepied se voit encore très nettement une forme en accent circonflexe, ocre rouge rehaussée de blanc. Il est très difficile de déterminer ce dont il s'agit. Faut-il la rattacher à l'espèce de tete à gros muffle, incertaine celle-là, qui semble exister, un peu plus haut à droite? Y aurait-il là le taureau ou le lion des Evangélistes? Des traces de peintures, au dessus de l' ange supérieur de droite pourraient alors marquer l' emplacement d'un autre des animaux apocalyptiques. Au dessus de la mandorle au sommet de la conque il semble qu'il y ait eu une gioire plus petite et circulaire. Le large bandeau ornemental qui achève le cui-de88


four est fort effacé actuellement mais on peut encore juger de sa qualité et de la sureté de son tracé. Il est constitué d'une tresse végétale à deux brins dans les renflements de laquelle se nichent, sans régularité dans le motif, trois fleurons issus de rinceaux pouvant dessiner des cceurs ou des entrelacs. Les interstices entre les renflements de la tresse sont meublés par des sortes de palmettes. Ce décor semble avoir été bleu et blanc; il se découpe sur un fond rouge. Ce sont également des bandes rouges qui le bordent; celle de l'intérieur de la conque était ponctuée de grosses perles blanches (figg. 58-59) .

Des peintures de la zone in/érieure de l'abside il ne reste rien si ce n'est, à gauche, sous le cul-de-four, le bas d'un vetement et deux pieds se dirigeant vers la droite, . ce qui permet de supposer qu'à San Pietro, còmme dans les autres églises de Ninfa, on avait à cet endroit deux processions convergentes, très probablement la double théorie des apotres. Une composition comme celle de Sant'Angelo di Lauro, où Majestas et Ascension se combinent peut etre envisagée (cf. supra, p. 60). Un registre ornemental devait s'inserire sous ces figures pour parachever le décor absidal. Alors que les peintures des nefs latérales - qui me semblent toutes appartenir au XIVe siècle - ont été mentionnées, décrites ou meme partiellement reproduites en dessin par des auteurs comme Giuseppe T omassetti, Camille Enlart ou Gelasio Caetani, le décor absidal, meme les remarquables figures d'anges, a été totalement passé sous silence par les visiteurs de Ninfa. Le programme absidal de San Pietro para1t avoir 89


été une simplification de celui de San Giovanni: les anges de la conque sont moins nombreux, les deux registres narratifs semblent n' avoir jamais existé. Comme nous l'avons vu, ce voi d'anges vénérant le Christ, les mains tendues vers lui, est exceptionnel dans les culsde-four italiens et pourrait dénoter l'influence de l'iconographie des coupoles byzantines contemporaines. Du point de vue stylistique, les fresques de San Pietro se situent dans la meme veine que celles de San Giovanni et de San Biagio. Les rehauts blancs des visages et des draperies, le mouvement et les schémas linéaires de celles-ci, témoignent, ici encore, de l'influence byzantine, et plus particulièrement de l'art tardocomnène, qu' a subie le peintre de la conque. Les plis plats marqués de transversales parallèles, très visibles dans le drapé de l'himation de l' ange d' en bas, à droite (fig. 56) présentent par exemple, des points de comparaison très proches avec des drapés similaires à Monreale ou dans la crypte d'Aquilée 91 . Les grandes parentés stylistiques qui existent entre les peintures de San Pietro et celles de San Giovanni et de San Biagio ne sont pas dues uniquement à leurs rapports communs avec l'art byzantin. En dehors de similitudes profondes dans la conception générale des formes, on peut relever des analogies de détails; ainsi les dessins des nez, des bouches et des mains se ressemblent à San Biagio et à San Pietro, le rythme · des pans flottants est comparable dans les trois ensembles et les plissés des manteaux des anges à San Pietro et des 91

E. KITZINGER,

59, 60, XXVII.

90

Mosaic(di Mon reale, pll. 22, 54, 77, 8 1 etc.; o.

DEMUS ,

pll.


apotres à San Biagio présentent des tracés fort semblables. Pourtant - est-ce dù à la différence d'usure des fresques ou à des artistes différents? - aucun «morceau» de peinture ne permet de conclure à une identité des maitres dans les trois ensembles. Les tracés des visages comme des draperies - paraissent plus fins, plus recherchés, plus maniérés peut-etre, à San Giovanni et à San Biagio; ils semblent plus simples, plus directs à San Pietro, tout en restant fort élégants. D 'autre part, est-ce dù au hasard de la conservation si des chutes de plis en corolles n' apparaissent plus dans cette église et si le dessin clair des plis parallèles y est plus incisif? Dans l'incertitude, on peut rattacher, je crois, le Maitre de San Pietro à l'atelier du peintre unique semble-t-il - qui reuvra dans les absides de San Giovanni et de San Biagio, sans exclure qu'il se soit agi d'un meme artiste dans les trois cas. Par ailleurs, les différences qui viennent d' etre relevées ainsi que certaines analogies étroites que l'on peut établir, notamment, entre le tracé des bouches à San Pietro et à San Nicola de Filettino, entre des drapés des memes ensembles 92 (fig. 94) ou encore, nous allons le voir, entre l' ornementation de San Pietro et celle de la crypte d' Anagni, me conduisent à croire que l'abside de San Pietro a été décorée deux ou trois décennies après celles de San Giovanni et de San Biagio. Le cul-de-four de San Pietro est le seul aujourd'hui à Ninfa qui permette de juger (meme très approximati92 C.omparer, par excmple, !es bouches des anges de San Pietro et celle de saint Matthi eu à Filettino ou !es drapés de Ninfa avec ceux des apéìtres de Filettino (B. ANDBE RG , op. cit., pll. III-IV) .

91


vement) d'une conception d' ensemble: la manière dont les anges s'y inscrivent autour de la mandorle, la façon dont se déploient autour d'eux leurs ailes et les pans de leurs vètements témoignent d'un sens assez magistral de la composition. Le bandeau ornemental décrit plus haut, qui enserre ce décor avec maitrise et raffinement, est caractéristique de l' école romaine. En effet, dès le Xle siècle, et plus encore aux XIIe-XIIIe siècles, les artistes de Rome et du Latium séparent ou encadrent les panneaux figuratifs de larges motifs décoratifs dont les éléments, ou mème la composition, sont empruntés au répertoire antique. Il suffit de rappeler les frises de Castel Sant'Elia di Nepi, celles de Saint-Clément de Rome et, plus tardivement, de la cathédrale d' Anagni 93 . Aux XIIe et XIIIe siècles, le caractère « archéologique » des motifs s' accentue. La tresse à deux brins de San Pietro présente, dans sa structure, ses composantes et meme son irrégularité, d'étroites analogies avec un motif qui orne le Nymphée de Neptune et Amphitrite, à Herculanum (figg. 59 et 61). Pour l'époque médiévale, c'est parmi les très nombreuses frises ornementales de la crypte de la cathédrale d' Anagni que se trouve un des exemples les plus proches du bandeau de Ninfa: fleurons, coeurs et rinceaux adossés s'y inscrivent de manière fort semblable dans une tresse à deux brins (fig. 60). Ce genre de motifs est d' ailleurs plus fréquent au XIIIe siècle. Les dernières peintures de Ninfa que l'on peut situer aux environs de 1200 ne nous sont plus connues 93

BERT,

92

D EMUS, op. cit., pll. XIV, 37 , XV-XVII, 53 , 54 ; voir à ce sujet, H . TOU op. cit., dans Cahiers Archéologiques, XX, 1970, surtout pp. 101 -105 .

o.


que par des aquarelles. Il s'agit du décor de la grotte de saint Michel.

Sant'Angelo sopra Ninfa Au nord-ouest de Ninfa, en montant vers Norma, au-delà des vignobles, on peut apercevoir les masses grises de murs et de bàtiments tapis à flanc de montagne. Ce sont les ruines de l' abbaye cistercienne de Santa Maria di Monte Mirteto. La grotte dédiée à l'archange Michel se trouve tout près de l'église; elle n'est plus guère fréquentée que par le bétail qui s'y abrite. Pourtant, comme nous l' avons vu, cet antre fut un des hauts lieux du culte de l'archange (supra pp. 32-33). Entre sa consécration en 1183 et la fondation de l'abbaye par le futur Grégoire IX en 1216, il attirait à lui seul des foules de pèlerins et c' est à partir de ce pèlerinage que se développa prestigieusement le monastère. La situation élevée de la grotte, son accès relativement difficile en faisait un lieu idéal pour un sanctuaire michaélien, de meme que la proximité d'une source. Lors de l' aménagement de la grotte du Monte Mirteto en église, les parois n'ont subi aucune transformation, elles sont restées à l'état brut mais le fond del' antre, qui s' articulait en trois espaces, a pu etre considéré comme un chceur tripartite. La région la plus profonde, à gauche, a été pourvue d'un autel orienté; l' « abside» centrale, d'installations liturgiques en pierre locale (fig. 74). Cinq marches menaient à une clòture de chceur constituée de deux murets tandis qu'un degré supplémentaire conduisait à l' autel, lui aussi tourné vers l'est et d'un type assez élaboré. Un banc faisait le 93


tour du chceur. Les parois de la cloture et celle du fond de l'abside avaient été revetues de peintures à deux époques différentes. Cet ensemble a été étudié de façon très détaillée par Maria Barasso. En 1923, elle a relevé le plan de la grotte et de ses installations, elle en a fait des dessins et des aquarelles qui ont été publiés en 1927 dans la première partie de la Domus Caietana de Gelasio Caetani 94 • Ils ont été repris, avec des dessins et des schémas nouveaux dans l'étude que fit paraìtre en 1939 l'archéologue italienne 95 . A ce moment déjà, Maria Barasso signalait que les fresques étaient fort abìmées et qu'elle avait averti la Surintendance des Monuments du Latium du fait que ces peintures nécessitaient une restauration urgente, sinon leur détachement de la paroi 96 • Elle publiait son aquarelle du panneau de la Vierge entre saint Michel et saint Lucie (fig. 76) avec la mention «ora quasi scomparso». Aujourd'hui les parois rocheuses de la grotte, de mème que les installations liturgiques qui y furent construites, sont entièrement recouvertes de mousse. Quelques traces de couleurs, sur le pilier de gauche de la cloture, montrent encore l'emplacement du bas du panneau de la Vierge. Heureusement les aquarelles et les dessins de Maria Barasso sont assez bons pour permettre non seulement d' étayer ses propres datations, mais encore de situer ces ceuvres dans le contexte général des peintures de Ninfa. 94

I , 1, pp. 11 0- 115. lvlùht1e fis A rchangeli supra Nynpham, dans Atti della Pontz/icia Accademia Rumana di A rcht:u!ogia, XIV, 1939, pp. 67-80. % ibidem, p. 73. G. GAETAN I , Domus Caietana, 95 M. BAROsso, Ecdesiae Sancti

94


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Sch. 6. Grotte de S. Angelo: le Christ entre Pierre et Paul et la Peseé des ames (dessin de Maria Barasso).

Notons aussi que, d'après Maria Barosso, les deux autels avaient été entièrement peints comme le prouvaient l'intonaco soigné et les restes de couleurs qu'elle avait pu relever notamment dans les cavités pour les reliques 97, Les peintures situées derrière l' autel, sur la paroi de l'abside, représentaient le Christ entre Pierre et Paul et, plus à gauche, l' archange Michel tenant la balance de la pesée des ames et la lance avec laquelle il perforait le dragon ou le démon (sch, 6), Ces ceuvres ont été datées par Maria Barosso du XIVe siècle. Il semble donc 97

ibidem, pp . 74, 80.

95


qu' elles aient appartenu à la deuxième étape de décoration des églises de Ninfa que nous envisagerons ultérieurement. Sur la paroi gauche de la cloture du chceur, se trouvait le panneau, déjà mentionné, de la Vierge allaitant entourée de l'archange Miche! et de sainte Lucie 98 (fig. 76). Il s'agit-là, incontestablement, de l'image qui devait etre la plus vénérée dans le sanctuaire. Son emplacement l'indique, tout comme les personnages représentés: la Vierge, qui sera titulaire de la future église abbatiale, le titulaire du sanctuaire rupestre et sainte Lucie dont la situation, en pendant à l' archange, est la marque d'un culte particulier. Bien qu'on ne puisse juger de cette image que par une copie, son caractère byzantin est évident, tant dans son iconographie que dans son style (qui transparait heureusement dans l' aquarelle) et ceci jusque dans les moindres détails des vetements, des attitudes, des ornements et meme jusque dans les mouvements des drapés. La Vierge, en effet, est représentée tronant tenant l' enfant de profil, le soutenant du bras droit et lui offrant le sein de la main gauche. Jésus bénit de la droite et tient l'Evangile fermé de la gauche. Les attitudes détendues de la mère et de son fils, l' absence de hiératisme dans la pose de l' enfant répondent bien aux nouveaux critères de l'iconographie mariale byzantine dès

•• Ce panneau mesurait 1,55 x 1,55 m (ibidem, p. 71) . L'aquarelle, conservée au Palais Caetani , mesure 48,5 x 63,5 cm, de meme que celle qui représente l'ensemble de la grotte.

96


l' époque des Comnènes 99 • Le type choisi est un des plus humains puisqu'il s'agit de la Galaktotrophousa, la Vierge allaitant, dont les premiers exemples apparaissent dans l'art paléobyzantin d'Egypte et qui connait de nouveau une certaine faveur à partir des Xle-Xlle siècles 100 • A cette meme époque et d'après ce modèle naitront les images semblables d' Anne ou d'Elisabeth allaitant leur enfant. Marie porte une tunique bleue et le maphorion (voile) de pourpre rouge, timbré d'une croix de perles au front et aux épaules, des Vierges byzantines. Son fils est également vetu d'une tunique bleue sur laquelle est drapé un manteau d'or (traduit en fresque et sur l'aquarelle par du jaune). Le nimbe de Marie, comme ceux de Michel et de Lucie est jaune cerclé de rouge et de blanc. Celui de J ésus est crucifère. Le trone est du type le plus courant, e' est un simple th6kos (banc) aux montants décorés, garni d'un épais coussin qui s' achève en pointes brodées. Marie posait sans doute ses pieds sur un marchepied au bord orné. Le seul détail qui ne corresponde pas à l'iconographie byzantine est le livre relié que tient Jésus: cet attribut est généralement réservé au Christ adulte alors que l' enfant brandir un rouleau. 99 A l'époque de Maria Barosso, on considérait encore souvent que ces attitudes et ces expressions plus tendres étaient le fait de l'Italie (p. 77 : « lontana dalla rigidità bizantina»). Il est maintenant généralement admis que l'humanisation des images religieuses est un apport de Byzance - et plus particulièrement de l'art des Comnènes - à l'art occidental. 1<XJ Pour !es types byzantins de la Vierge, et, en particulier, pour la Galaktotrophousa voir v. LASAREFF, Studies in the Iconog raphy o/ the Virgin, dans The Art Bulletin , XX, 1938, pp . 26-65, (pp. 27-36) et Maria, Ma rienbild, dans Lexikon der Christlichen Ikonographie, III, 197 1, col. 154-211 (coli. 158, 173 ).

97

,

..


L'archange Michel relève également d'un type émanant de Byzance 101 • Il est vetu, à la manière des empereurs, d'une somptueuse tunique bleue, brodée de perles et d'un motif réticulé blanc, et du loros, la lourde et riche écharpe impériale brochée d'or. On aperçoit les manches pourpre d'une sous-tunique et, sur son épaule gauche, semble-t-il, un manteau pourpre aussi 102 • De la main gauche, Michel porte un globe timbré d'une croix et, de la main droite, un long «bàton» orné, à son sommet, de trois perles. Le coté inférieur gauche de la figure était déjà détruit lors de la copie. En bas, à droite, à l' extrémité du « bàton », se distingue un zigzag oblique dans une tache rouge. Maria Barosso a considéré que l' archange était en train de percer le dragon de sa lance comme il le fait dans la figuration absidale 103 • Des exemples italiens postérieurs peuvent accréditer cette interprétation 104 mais le combat contre le dragon serait alors un élément d'iconographie occidentale, en rupture avec le caractère profondément byzantinisant de l' ensemble de la composition. Si la reconstitution de Maria Barosso était erronée, on pourrait supposer que Miche! tenait un long sceptre et qu'il était debout sur un suppedaneum. 101 Michael, Erzengel, ibidem, III, col. 255-265 . O n trouvera de la documentation et de la bibliographie complémentaires dans M illénaire monastique du Mont Saint-Miche!, III, Paris, Bibliothèque d'Histoire et d 'Archéologie chrétiennes, 1971 et dans M . MARTENS, A. VAN RIE, M . DE WAHA , Saint Miche! et sa symbolique, Bruxelles, Lucien de Meyer, 1979. 102 Dans l'art byzantin, la tenue impériale d 'apparat exclut, en principe, le manteau pourpre que porte, d'autre part, Miche! lorsqu 'il est en costume militaire ou, meme, vetu à l'antique. lOJ M . BAROSSO, op. cit., p . 79. 104 Par exemple une peinture du Maitre de Varlungo, vers 1290 (G. KAFTAL , Saints in italian A rt, I, Florence, Sansoni, 1952, col. 965-966).

98


En pendant à Michel souverain, sainte Lucie est également en costume impérial. Sa robe bleue brodée de blanc est, comme la tunique de l' archange, ornée de bandes de brocarts; un manteau rouge la recouvre. Les cheveux blonds-roux de la sainte sont emprisonnés dans un bonnet clair et dans un résille perlée qu' achèvent de petits pendentifs. Elle tient la main gauche levée, paume vers l' avant, en un geste traditionnel de dévotion. Sa main droite présente un attribut. Le recours aux images byzantines permet, me semble-t-il, de comprendre un élément peu clair pour l' aquarelliste ellememe. Ce que la jeune martyre tient n' est pas, à mon sens, un «plat d'or» qui «devait contenir les yeux de la sainte » et qui serait représenté selon une « étrange perspective» 105 mais bien une couronne fermée au sommet, du genre Kamelaukion 106 • La couronne est, en effet, un des attributs de Lucie et son interprétation graphique sur l'image de Sant'Angelo se rapproche de celle qui se trouve sur la représentation de sainte Barbe à Calvi Risorta 107 • Lucie est donc figurée en «fiancée du Seigneur», ce qui lui donne droit aux vetements ainsi qu' au marchepied princiers. La couronne peut se rattacher soit à son habillement soit, plutot, à son titre de martyre. C'est dans une tenue comparable que s'avancent vers 0 ' ' M. BAROSSO , op. cit., p. 79. Les yeux ne font, d'ailleurs, partie des attribu ts de Lucie qu 'à partir du XIVe siècle. 106 J'emploie ce terme dans son sens le plus courant acruellement c'est- à-dire camme désignant la coiffure des souverains Comnènes telle que la portent Jean II ou Alexis à Sainte-Sophie de Constantinople. 107 G. KAFTAL, Sai11ts in Italian Art, II, Florence, Sansoni, 1965, col. 150, fig. 168.

99


les archanges et Marie les vierges de l'abside de Castel Sant'Elia di Nepi 108 • Dans cette représentation de la Vierge tronant entre saint Michel et sainte Lucie, aux types iconographiques byzantins, que nous venons d' analyser, s' ajoutent des attitudes et des formes non seulement byzantines mais ìneme plus précisément tardo-comnènes. Je n'en dannerai camme exemples que les gestes de Marie et de Jésus avec les mouvements de drapé qu'ils engendrent: cet enfant au corps de profil, au visage rejeté en arrière et tourné de trois quarts vers le spectateur, au bras tendu avec un gracieuse inflexion du poignet, à l'himation en S dans le dos, appelle des comparaisons avec de nombreux personnages peints dans la seconde moitié du XIIe siècle dans les églises de Castoria, de Kurbinovo ou de Chypre 109 • De meme, le geste de Marie pour soutenir son fils, les doigts très allongés, ou le mouvement en courbe et contre-courbe du pan de son maphorion ramené sur le genou droit, trouvent des équivalents dans les images mariales de Monreale, de Patmos, de Kurbinovo, de Lagoudera, etc. 11 0 • Autant que l' on puisse encore en juger, les motifs décoratifs qui ornaient les brocarts des deux saints et le pied du trone de Marie appartenaient au genre des rinceaux vermiculés, c'est-à-dire le motif le plus courant dans la peinture byzantine du XIIe siècle. L' aquarelle et la description scrupuleuses de Maria 108

Romanische Wandmalerei, pi. 37. Kurbinovo, figg. 36, 38, 46, 66, 67. Mu11re,de, pi. 86: I.. HAD E RMANN-M ISGUICH, Kurbinovo, figg. 12, 9; A. et J. STYLTANOU, The Painted Churches o/ Cyprus, Londres, Probsthain, 1964, p. 81 fig. 36.

o.

D EMUS,

'"'' L. H ADERMANN- MT SGUICH , II O E . KITZINGER, Mosaici di

100


Barosso montrent qu'en tant que signes iconographiques les couleurs on été appliquées selon les normes byzantines. En outre, les termes mèmes choisis par cette archéologue reflètent assez bien le raffinement aux tons chauds de la palette Comnène, ainsi que les rehauts blancs nerveux de la peinture de cette époque: «sua ricca policromia ove predominano i rossi porporini, i bei gialli ocracei e forti pennellate di azzurro oltremarino e qualche po' di ceruleo. I contorni sono bruni, terra d'ombra e lumeggiati da abbondanti filettature e punti di bianco-calce imitanti le perle» 111 • Par contre, le triple cadre devant lequel se détache le groupe, en en débordant d'ailleurs, (fond bleu, bandes bleu clair et pourpre) me semble davantage se rattacher à une tradition italienne. Il en a déjà été question à propos des peintures de San Biagio de Ninfa (supra, pp. 78-79). Pour Maria Barasso, cette peinture date du début du XIIIe siècle, pour Gelasio Caetani de la fin du XII e 11 2 • Les environs de 1200 représentent effectivement le moment où j' ai été amenée à situer le plus de fresques de Ninfa mais, dans ce cas précis, étant donné le grand nombre de rapprochements effectués à tous les niveaux avec des ceuvres byzantines du dernier quart du XIIe siècle et le peu d'éléments romans perceptibles, j'aurais tendance à ne pas trop séparer l'exécution de ce panneau de dévotion de la consécration

M. BAROSSO, op. cit., p . 77 . ibidem, p . 73; G. CAF.TAN I , Domus Caietana, I, 1, p . 111, mais p . 115 la légende d u d<:ssin d 'après l'aquarclle de Maria Barasso porte la mention « princ. sec. Xlll » .. 111

112

101


de la grotte à l' archange Michel en 1183 et à dater l'ceuvre des années 1183-90. Sur le pilier de droite de cette mème clòture de chceur, Maria Barosso a relevé les traces d'une image pastorale dont il restait essentiellement les traits. Elle y a distingué un jeune berger, court vètu, chaussé de noir, les jambes bandées et tenant sur son épaule un bàton d'où pendaient un sac et d'autres objets; son troupeau était constitué de moutons et de chèvres. L' auteur pensait que cette scène pouvait se rapporter à un des épisodes ruraux de la légende de l'archange 113 ; elle n' avançait aucun élément de datation. Cette ceuvre ayant tout à fait disparu, je la mentionne ici parmi les peintures de l' époque romane à cause de sa situation en pendant au panneau que je crois se rapporter à la consécration du sanctuaire mais rien n'exclut son appartenance à la seconde étape de décoration, celle du XIVe siècle. San Salvatore

Encastrée dans la partie orientale de l' enceinte, à la droite d'une tour, l'église consacrée au Christ a son abside tournée vers l'extérieur de la ville, en direction de Sermoneta. C' est un édifice d'une bonne vingtaine de mètres de long, à trois nefs semble-t-il, et possédant, comme Santa Maria Maggiore, une crypte sous l'abside. La construction est en moellons; sous l'emplacement de la conque (effondrée), le chevet s'orne encore d'un bandeau de trois rangs de pierres disposées en w M. BAROSSO ,

102

op. cit., p. 71 fig. 4; p . 79.


opus reticulatum et enserrées entre deux cordons de briques (fig. 78). Les murs du chceur sont encore relativement bien conservés (fig. 79), mais l'ensemble de l'édifice est fortement ruiné et d'une interprétation parfois difficile. La base des murs extérieurs, à hauteur des nefs, est d'un grand appareil de tuf soigneusement taillé; nous avons vu qu'il peut s'agir des vestiges d'une construction antique, peut-ètre d'un tempie. Ce qui subsiste du décor peint de l'abside, c' est-à- · dire quelques figures du registre médian, révèle qu'ici, comme dans les autres églises de Ninfa, une double procession convergeait vers le centre. De mème qu'à Santa Maria Maggiore, ce centre était occupé par trois figures plus statiques, représentées frontalement. Ces peintures se répartissent aujourd'hui en trois fragments: ceux de gauche et du centre ont été détachés, respectivement en 1968 et 1969, et sont conservés au chateau de Sermoneta; celui de droite, très effacé, est encore en piace. Le fragment de gauche est le plus grand et le mieux conservé. Il montre - ou laisse deviner - cinq figures masculines tournées vers la droite (pl. VII fig. 81). Les regards sont plutot dirigés vers le haut et trois personnages, au moins, élèvent leurs mains vers le ciel. Un splendide bandeau ornemental séparait ces figures du décor de la conque; il est encore en bon état. Le fragment centrai, lui, est très endommagé (fig. 80). Le personnage du milieu, à la robe bianche, au voile de tète et au manteau actuellement rouges, est vraisemblablement la Vierge, et les figures aux vètements clairs qui le flanquent, sont peut-ètre des anges. Le morceau encore in situ révèle 103


une figure de jeune homme drapé (fig. 83); lui aussi se dirige vers le centre, il r~garde vers le haut et élève les mains. L'inscription IOHS (Iohannes), très claire sous le personnage qui devait le précéder, paraìt bien confirmer ce que laissent supposer les images, c'est-à-dire que nous aurions sous la conque de San Salvatore, exacte~ ment comme à Santa Maria Maggiore, l' alignement des témoins d'une Ascension. Le registre suivant, au décor géométrique, constituait le sode ornemental des peintures. Nous l'examinerons ultérieurement. Si le registre médian du décor absidal de San Salvatore offre une composition semblable à celle du registre correspondant de Santa Maria Maggiore, le style des deux ceuvres est nettement différent. lei nous quittons progressivement le domaine d'influence byzantine et la peinture romane pour nous acheminer vers ce qui constituera les nouvelles valeurs de l'art italien. Les visages, particulièrement ceux de l' apòtre à barbe et cheveux blancs et du jeune disciple imberbe de gauche, sont surtout rendus par le modelé; le graphisme est réduit à l'essentiel; les volumes, les effets d' ombre et de lumière sont traduits par un travail de brosse, large et rapide (fig. 82). La morphologie ellemème est nouvelle: les nez sont plus courts et les tètes plus rondes. Il semble qu'il s'agisse davantage d'individus que de types. Le visage du jeune apòtre de droite s'apparente encore néanmoins à ceux des anges de la conque de San Pietro, entre autre par le dessin des arcades sourcilières (fig. 57) mais la comparaison fait ressortir la densité plastique de la forme à San Salvatore. De mème, le peu d' éléments de draperies conservés 104


montrent que les schémas graphiques romans ou byzantins ne sous-tendent plus les formes modelées; ils ont perdu de leur acuité pour s'intégrer dans l'impression générale de dégradé. Stylistiquement, il semble qu'il faille situer les peintures de San Salvatore entre les deux grandes étapes de décoration des églises de Ninfa, entre le moment le plus byzantinisant vers 1200 et celui où, vers 1300, la peinture italienne entre dans la voie qui lui est propre. L' artiste qui les exécuta semble avoir repris le programme iconographique des autres absides de la ville mais il le réalisa en un style nouveau; l' expressivité et le dynamisme de la ligne ont fait piace aux nuances et aux qualités des valeurs tactiles. Les seules couleurs qui subsistent étant le rouge et le blanc, il est impossible de parler de coloris mais les morceaux conservés laissent à penser que, dans ce domaine également, la douceur l' a emporté sur l' expressivité. Le bandeau ornemental qui surmonte la double théorie de personnages est de très belle qualité. Son tracé est élégant et sùr. Des bandes blanches et rouges y enserrent symétriquement une large frise où court un rinceau dessinant des cceurs disposés alternativement pointe en haut et pointe en bas, trois fleurons blancs s' échappant de chacune des pointes pour meubler le cceur. Actuellement un cceur sur trois est rouge, les deux autres ont la meme couleur claire indéterminée que le fond de la «procession». A l'origine, du bleu devait certainement intervenir. La première bande bianche soulignant la frise était ponctuée, la seconde crénelée. Le groupement de fleurons ou de fleurs de lys par 105


trois pour meubler un bandeau vertical est assez courant dans la peinture de Rome et du Latium au XIIIe siècle. J'en citerai les exemples de l'oratoire de SaintSylvestre aux Quatre-Saints-Couronnés, de Sainte-Passera, à Rome également, et de la crypte de la cathédrale d'Anagni 114 • La combinaison des méandres horizontaux du rinceau et des _bouquets disposés tète-bèche paraìt plus exceptionnelle; l'exemple le plus proche de celui de San Salvatore se rencontre à Anagni encore mais les mouvements du rinceau ne s'y resserrent pas en cceurs et les fleurons (rouge et bleu) y sont davantage groupés, dessinant presque une palmette 115 • Encore in situ à San Salvatore, à hauteur des restes d'inscriptions, quelques éléments géométriques permettent de se faire une idée du soubassement décoratif qui constituait le troisième registre de peintures; il semble avoir été assez élevé. Sous la bande rouge où s'inscrivaient les noms des apotres se distinguent, successivement, une bande bianche plus large, une nouvelle bande rouge identique à la première, des demi-cercles blancs cernés de rouge accolés à cette dernière et, sous ceux-ci, un large zigzag blanc. Ce sode ornemental devait avoir au moins le double de sa hauteur actuelle. Dans l' état où il se trouve, il peut difficilement faire l' objet de comparaisons mais on peut noter que le gout des soubassements à décor géométrique, où les cercles, demi-cercles, cercles sécants interviennent, s'est répandu à partir des XIe-XIIe siècles par imita11 • G . MATT HI AE, Pittura romana, figg . 192, 194; o. Wandmalerei, pll. 54, 56, 57 . 1 " G. MATTH IAE, op. cit. , face p. 136.

106

DEMUS ,

Romanische


tion des mosa'iques et des marqueteries de marbre antiques ou paléochrétiennes 116 • Un soubassement peint de la crypte d'Anagni, où un jeu de cercles sécants se rattache par des demi-cercles à une triple bande horizontale, peut donner une idée des motifs et des proportions du sode de San Salvatore (fig. 84). La datation vers le milieu du XIIIe siècle, suggérée par le style des peintures de San Salvatore peut donc ètre confirmée par le type du bandeau ornemental qui séparait la conque du premier registre. En outre, la forme des quelques lettres conservées sous les figures de la «procession» invite également à situer ces reuvres à l' époque gothique 117 • Si donc les peintures de San Salvatore sont à peu près contemporaines de celles de la crypte d'Anagni, elles représentent un courant plus novateµr en rupture avec la tradition tardo-comnène que l' école de TivoliAnagni se plaisait à prolonger. Elles témoignent de la permanence d'une activité picturale à Ninfa et nous acheminent vers les reuvres réalisées lors de la seconde grande étape de décoration, celle des environs de 1300 représentée, à San Salvatore meme, par une charmante Nativité.

H. TOUBERT, op. cit., p . 105. Les !ettres pattées s'apparemem étroitement à celles que !'on trouve, par exemple, dans l'abside de Sant'Egidio de Filacciano qu 'llaria TOESCA date des environs de 1250 (Paragone, XIX, 1968, pp . 3-9, fig. 4). 11 6

11 7

107


2. Les peintures de l' époque gothique Dans chacun des sanctuaires de Ninfa, meme dans la grotte de Sant'Angelo, nous avons trouvé des traces, plus ou moins importantes, d'une deuxième étape de décoration. Il s' agit, le plus souvent, de panneaux isolés, de grandes images encadrées, introduisant une note au goùt du jour - le XIVe siècle - parmi les fresques romanes. Cette impression d 'ajout à un décor plus ancien et de moindre importance des nouvelles peintures est peut-etre due à la destruction des nefs de la plupart des églises. San Pietro, en effet, la mieux conservée, est aussi celle qui témoigne de l'existence de cycles narratifs introduits dans les vieux sanctuaires, au moment, d'ailleurs, où l'on modernisait leur architecture. De meme, l' église de Santa Maria di Monte Mirteto, construite au XIIIe siècle, fut jusqu'au XVIIIe siècle «tutta dipinta alla gotica» 118 ; actuellement seule une gracieuse Vierge à l'enfant, dans l'abside, rend encore compte de la frakheur de ce décor. Nous commencerons l'examen des peintures de l'époque gothique de Ninfa par celles de San Pietro. Ceci tant à cause de leur importance que de leur datation qui semble devoir se situer à l' aube du XIVe siècle.

118 P . PANTANELLI , Nott:r.ie istoriche, I. p. 16. D'après D . MAURO CASSON I , op. cit., d ans Rivista Storica Benedettina, XV, 1924, p. 72, en février 1703 un tremblement dc terre aurait déjà ruiné l'église.

108


San Pietro fuori le Mura

Il a été vu plus haut que les nefs latérales de cette église romane avaient été couvertes de voùtes d' aretes à l' époque gothique et que, postérieurement à ce voùtement, certaines modifications architecturales avaient été exécutées comme la construction d'un mur à l'extrémité orientale de la nef sud ou l'obturation de certaines arcades de la nef nord. C' est alors que ces bascotés reçurent un décor peint qui semble avoir présenté une certaine unité. Les fragments de panneaux, encore en place, paraissent, en effet, appartenir à la meme couche picturale; ils sont encadrés de manière semblable et dénotent meme des analogies stylistiques. Des scènes évangéliques sont encore conservées: une Annonciation sur le mur ajouté dans la nef de droite et une Crucifixion à l' extrémité orientale de la nef de gauche; des épisodes de la vie de Jean-Baptiste subsistent sur le mur nord de cette meme nef. Actuellement ces peintures sont détériorées et très effacées; leur lecture devient presque aussi difficile que celle des fresques romanes mais, jusqu' au début de ce siècle, elles devaient avoir conservé plus de présence puisque Giuseppe T omassetti en donne les sujets alors qu'il ne mentionne meme pas la théophanie absidale. Il signale, en outre, dans cette meme nef de gauche, la présence de deux saints (Nicolas et Benolt) acéphales et, « près de la porte d' entrée, une peinture du XVIe siècle avec la Vierge à l'Enfant tronant et d' autres saints parmi lesquels saint Pierre dont on aperçoit les clés qui pendent» 119 • Je n'ai 11

G. TOMASSETTI ,

Campagna romana , II, p. 471.

109


plus trouvé de traces de ces représentations à moins que la Vierge et les saints ne se soient trouvés sur le grand panneau d'enduit qui, à l'extrémité occidentale de la nef centrale, recouvre partiellement le mur original et en partie le mur de briques obturant la première arcade (fig. 53). Outre deux taches vermillon et pourpre vers la gauche, on peut y relever un beau morceau de draperie jaune, plus à droite. Il pourrait s'etre agi d'un lourd manteau (celui de Pierre est généralement jaune) porté sur deux bras tendus. Camille Enlart énumère les memes sujets (sans doute en se référant à Tomassetti); pour lui, ce sont de « bonnes fresques » 120 • Gelasio Caetani ne mentionne plus que la «Décapitation deJean-Baptiste» et la «Scène de Salomé» dontil reproduit un dessin de Maria Barasso encore conservé au Palais Caetani 121 (fig. 73). L'Annonciation de la nef de droite est fort endommagée mais ce qui en subsiste est lisible (fig. 63). Gabriel - dont il ne reste plus que le nimbe, une aile et la main droite bénissant - se découpait devant le fond bleu tandis que Marie, debout semble-t-il, se tient devant la niche cintrée d'un petit édicule classique, à fronton triangulaire et à colonnes corinthiennes, représenté frontalement . L'image, rectangulaire, avait un triple encadrement: un bord ocre jaune, un liséré blanc et un pourtour rouge. Si ce n'est l'effet de perspective de la niche, - qui nous oriente vers le XIVe siècle - aucun élément d'ordre stylistique ne permet de dater cette peinture. Sur le bord rouge supérieur se discer120

c.

121

G. CAETAN l ,

110

ENLART,

Villes mortes, p. 75. Domus Caietana, I, 1, p. 119.


nent encore des fragments d'une inscription illisible. Les empattements des lettres peuvent corroborer la datation approximative que suggère l' architecture figurée 122. De l' autre coté de l'abside, à l' extrémité de la nef de gauche, se devine une grande Cruci/ixion qui s'inserir sous l' are de la voute (figg. 64-65, 67). Elle semble avoir été très bien équilibrée mais, aujourd'hui, ses composantes se distinguent mal. Outre le Crucifié, il semble que la scène ait compris quatre personnages. La silhouette de Marie, à gauche au delà d'une fenètre et de l' emplacement de la croix, est encore discernable; le bas de son ampie manteau bleu et de sa robe rouge sont bien visibles. Derrière elle, il semble qu'il y ait eu une autre figure, sans doute une sainte femme. Jean, à droite du Christ, est le mieux conservé. Sa tete, au nimbe strié, est tournée vers Jésus; ses mains se joignent en une étreinte serrée. Sa tunique ocre et son manteau pourpre ont encore des qualités tactiles qui permettent de juger du style de l' oeuvre. Il était suivi du centurion dont la tète nimbée se devine et dont on voit encore le bas de la cuirasse et de la tunique ainsi que le grand bouclier ovale, à l' extrème droite de la scène. La figure centrale de Jésus est totalement détruite au dessus de la taille mais le drapé souple de son perizonium transparent dénote un travail subtil. Entre le Christ et Jean, quelques éléments floraux meublent le fond. Comme l'Annonciation, cette Crucifixion était 122

Voir, par exemple, !es empattemems comparables dans !es inscriptions des mosa"iques de Santa Maria in Trastevere. Seuls des A, un T et un long tilde · som surement déchiffrables dans certe inscription de Ninfa.

111


encadrée d'un bandeau jaune-ocre, d'un liséré blanc et d'un bandeau extérieur rouge, Cette triple bordure est presque intacte du coté droit, derrière le centurion. Les fragments les mieux conservés révèlent un modelé essentiellement pictural où tout graphisme roman ou byzantin a disparu. La monumentalité et la simplicité .des formes, jointes à cette subtilité du modelé, inscrivent cette Crucifixion dans le courant novateur de la peinture italienne de la fin du Dugento et du début du Trecento. La sérénité qui se dégage du personnage de Jean, la douceur des courbes qui construisent sa silhouette, l' arrondi des formes en général évoquent, en outre, plus particulièrement l'art d'un Pietro Cavallini et de son atelier. Le décolleté, la poitrine et les manches traités en courbes et en volumes souples et paisibles, les plis laineux du manteau rouge travaillés en larges coups de pinceau modelant les ombres et les lumières du pourpre sombre à l' ocre clair pour traduire les valeurs tactiles et jusqu' aux mains, délicatement ombrées mais un peu molles, comme sans ossature, appellent la comparaison avec les figures du Jugement dernier de Santa Cecilia in Trastevere, à Rome (fig. 66). Il en est de mème des cernes importants, surajoutés au modelé qui peuvent procéder de la technique du mosai:ste et s'expliquent parfaitement dans la carrière d'un Cavallini 123 • 123 ]'ai eu l'occasion de publier ce rapp rochement ainsi qu 'une photographie de détail de la Crucifi xion dans: Une Crucifixion «cavallinesque» à San Pietro de Ninfa dans !es Anna/es d'Histoire Je /'art et d'A rchéologie, III, 1981, pp. 11511 9. Pour P . Cavallini voir : P . TOF.SCA . Pietro Cavallini, Milan, Amilcare Pizzi, 1959; G . M ATTH IAE, Pietro Cavallini, Rome, De Luca, 1972 ; P . HETH ER I NGTON, Pietro Cavallini: a Study in the Art o/ Late Medieval Rame, Londres, Sagittarius

112


Le nimbe cannelé pourrait également ètre mentionné mais il est assez courant à l' époque. Il est impossible de juger actuellement de l' es pace de l' oeuvre mais les éléments végétaux disposés entre le Christ et saint Jean suggèrent plutòt un pian de pose au devant duquel les personnages se situent dans toute leur corporéité plutòt qu'un paysage ou une évocation de lointain. S'il en était ainsi, l'espace de cette Crucifixion était comparable à celui d'un relief et, par làmeme, à celui de compositions · de Cavallini, telle la mosai'que de Bertoldo Stefaneschi à Santa Maria in Trastevere (années 1290) ou la lunette, en fresque, de la tombe du cardinal Matteo d'Acquasparta (t 1302) à Santa Maria d'Aracoeli 124 . Les rapports étroits qu'on peut établir entre la Crucifixion de San Pietro et l' ceuvre de Cavallini - ainsi que, nous le verrons, les rapprochemeilts plus généraux entre cette meme ceuvre et d' autres peintures de Ninfa - indiquent, en tout cas, une datation aux environs de 1300. En outre, l'hypothèse de la collaboration de Pietro Cavallini - ou de son atelier - à la deuxième décoration de San Pietro n' est pas à exclure. Le moment suggéré par le style de la Crucifixion correspond à l'époque de gioire de Pietro Caetani, c'est-àdire à une période de nombreux contacts entre Rome et Ninfa. La résidence-place forte du neveu de Boniface VIII fait alors l' objet de plusieurs travaux de consPress, 1979 ainsi que !es nombreuses contributions sur ce sujet dans Rnma anno 1300, Ra me, L'Erma di Bretschneider, 1983. 124 P . HET H ERI NGTON , up. cii., figp . 2' . 79, 81. Pour cet auteur, !es mu » 1'i'ques de Santa Maria in Trastevere dateraient des ·années 1293-1300 (ibid., p. 133) .

113


truction et d' embellissement, notamment ceux du Castello et du donjon. L'ajout de peintures murales dans l' église qui fut celle du saint patron du seigneur du lieu et dans d' autres sanctuaires de la ville, a pu se réaliser à cette époque de prospérité et par les soins d'un atelier célèbre, fort actif alors, et qui travaillait, en outre, pour les fidèles du pape 125 • S'il en était ainsi, il faudrait situer cette activité avant 1308, année de l' assassinat de Pietro Caetani et de l'activité de Cavallini à Naples. A San Pietro toujours, dans cette meme nef latérale de gauche, sur le mur nord, quatre panneaux, en très mauvais état, peuvent encore etre repérés. Les deux premiers, en partant du coté de l' entrée, sont presque «indéchiffrables». Dans le premier, on distingue, à droite, une table (ou un autel?) recouverte d'une longue nappe au bord brodé et posée sur une estrade, tandis que, dans le second, il semble que l' on puisse discerner, à gauche, une forme allongée sur une couche et, au dessus d' elle, une femme apparaissant dans une ouverture cintrée (figg. 68-69). Les panneaux suivants, qui se situent de part et d' autre d'une fenetre, sont un peu mieux conservés; en outre ils ont été dessinés par Maria Barosso alors qu'ils étaient nettement plus lisibles (fig. 73). Ils représentent le Banquet d'H érode avec Salomé et la Décollation de ]ean-Baptiste (figg. 71-72). Dans la scène du banquet, la partie de droite est en meilleur état. On peut y voir une table, dressée devant une tapisserie rouge à motifs losangés et svastikas, pendue au mur; Hérode et Hérodiade, en vetements de "' Le cardinal Matteo d'Acquasparta fut , notamment, un des partisans de Boniface VIII qui lui confia plusieurs missions diplomatiques.

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grand apparat brodés de perles, se tiennent derrière la table tandis que la petite Salomé, au premier plan à droite, leur présente la tete du Prodrome sur un plat rond. Les couleurs sont le rouge (tapisserie, robes d'Hérodiade et de Salomé), le bleu (couronnes, loros d'Hérodiade, nappe?), l'ocre jaune et le blanc mais leur répartition, notamment par bandes, témoigne d'une altération. A gauche, au premier plan, on <levine la silhouette d'un personnage en longs vetements rouges. De la Décollation de Jean-Baptiste, subsistent des fragments du corps prostré de Jean et de celui de son bourreau, debout à gauche, vetu d'une cuirasse. Le dessin de Maria Barosso montre encore la tete du décapité au premier plan, sur le sol, ainsi qu'une sorte d' arbuste derrière les deux hommes. Il révèle aussi qu'entre les deux scènes, le décor entourant la fenetre était constitué d'étoiles à huit branches et que le registre inférieur était orné d'une draperie feinte. Si l' on admet que pour ces deux images le sens du récit a été inversé, on peut se demander si les deux panneaux précédents n' auraient pas aussi été consacrés à la vie du Prodrome et si l'épisode où subsiste une table, sans doute un autel, ne pourrait pas se rapporter à l'Annonce à Zachàrie, tandis que celui du personnage allongé sur une couche serait la Naissance de ]ean-Baptiste. On aurait alors eu là, dans la succession Comme dans la disposition des personnages et des meubles, deux représentations semblables à celles qui se trouvaient, par exemple, au dessus du Bapteme du Christ à San Pietro de Tuscania 126 • Outre les quelques éléments w, Ch. A. ISERMEYER, op. cit., dans Kunstgeschichtliches ]ahrbuch der Bibliotheca Hertziana, 2, 1938; figg. 257-258.

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L


conservés et la proximité des derniers épisodes de l'histoire du Baptiste, ce qui peut corroborer ces identifications est la présence, dans l'inscription à peu près illisible qui court dans le bandeau rouge sous la deuxième scène, d'un mot que Messieurs Léon Gilissen et Pierre Jodogne ont pu déchiffrer comme ZACHAIA ou ZACARIA (fig. 70). Les lettres ou les signes qu'on peut encore distinguer sous l' épisode présumé de la naissance de Jean sont: çACJ:I~IA SJ:.lS · P. Leur morphologie est nettement gothique 127 • Sous les deux derniers panneaux, il ne reste que quelques traces de lettres. Elles sont plus nombreuses sur le dessin de Maria Barasso mais seule la forme verbale PETIIT peut s'y reconnaitre. Sans qu'il soit certain que l'on ait eu là des versets précis de la Bible, on peut supposer que la première partie de l'inscription se rapportait soit au récit de l'annonce à Zacharie dans le tempie, soit à un des épisodes de la naissance de son fils, peut-etre le don du nom 128 et que la forme petiit, sous le Banquet évoquait la demande de Salomé 129 • Les panneaux sont isolés par le triple cadre déjà décrit pour l'Annonciation et la Crucifixion. La datation des environs de 1300, proposée pour la Crucifixion, semble également convenir pour les scènes de la vie de Jean-Baptiste. La forme des lettres de l'inscription ne s'y oppose pas et le style des éléments les 127 Le e cédille très visible est, dans l'écriture médiévale latine, l'équivalem du z. Les lettres s'apparentent étroitement, par exemple, à celles d'Andrea Pisano au Baptistère de Florence (1330-36) . Je remercic encore vivemem ici Messieurs Gilissen et J odogne de leur aide. 128 Luc I, 5-59. 129 Mare VI, 24-25.

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mieux conservés donne la mème indication 130 • Picturalement, le meilleur morceau est le corps prostré de J ean, dont le vètement est rendu par un modelé subtil, tant dans les drapés que dans les parties lisses (fig. 72). Le caractère cavallinesque de la Crucifixion ne se retrouve pas avec la mème acuité dans l' Annonciation ou dans les panneaux que nous venons d' examiner, déjà à cause de l'état de détérioration de ces oeuvres, mais de minces indices permettent néanmoins d'envisager que le peintre de la Crucifixion - ou son atelier ait réalisé l' ensemble de la seconde décoration de San Pietro. L'identité des encadrements a déjà été mentionnée de mème que la qualité du modelé des vètements de Jean décapité. On peut aussi remarquer des analogies entre l' architecture de l' Annonciation ou le décor du Banquet d'Hérode et des éléments semblables dans les mosai:ques de Santa Maria in Trastevere 13 1• La fresque de Ninfa qui présente le plus d' analogies avec la Crucifixion de San Pietro est la N ativité de San Salvatore. San Salvatore

Du mur gauche du chreur surélevé de San Salvatore a été détachée, en 1968, une des peintures les mieux conservées de toutes celles que nous a laissées le petit 0 " Gelasio Caetan i attribuait ces peintures au XIVe siècle dans son texte mais la légende du dessin de Maria Barasso mentionne le Xllle (Domus Caietana, I , 1, p. 119). 131 L'édicule de l'Annonciation de San Pietro est, par exemple, fort semblable à la partie médiane de l'architecture encad rant le tr6ne de Marie dans la meme scène à Santa Maria in Trastevere. D e meme, le décor du Banquet d'H é-

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I

centre urbain. C'est une Nativité exposée actuellement à Sermoneta (pi.VIII; fig. 85). Camille Enlart l'avait particulièrement remarquée: « Une jolie fresque de la N ativité du XVe siècle y est presque intacte » 132 • Son évocation se limite malheureusement à cela et il est donc impossible de reconstituer la partie supérieure de la composition aujourd'hui totalement détruite. Ce qui subsiste est, en effet, assez joli et a gardé une certaine fraìcheur de tons malgré une dominante rouge due sans doute à l'altération de certaines couleurs. Le centre est occupé par la crèche ocre rouge dans laquelle repose l' enfant emmailloté de bandelettes. Devant, et à droite de celle-ci, la Vierge est mi-assise, mi-allongée sur une couche ocreclair bordée de sombre. Marie est vètue d'une robe ocreclair (? ) et d'un manteau lie-devin. Son visage a tout à fait disparu; elle étend la main droite vers la tète de Jésus. A sa gauche, à petite échelle, un donateur est agenouillé, les mains jointes. En pendant à la Vierge, dans l' angle inférieur gauche de la composition, saint Joseph est assis sur le sol; lui aussi joint les mains. Sa tunique est ocreclair, un vaste et souple manteau rose l' enveloppe; son nimbe est ocre rouge foncé. J oseph est la figure la mieux conservée de la scène, celle qui permet de juger de sa qualité picturale. Au delà du saint, à hauteur de la crèche, trois brebis évoquent encore l' arrivée des bergers. Deux larges bandes rouges, séparées par une fine bande bianche et bordées d'un liséré blanc isolaient la rode de Ninfa peut se comparcr à l'espace intérieur peu rnmplexe de la Naissance de la Vierge, à Santa Ma ria in T rastevere. P. HETH E RINGT ON, op. cit., figg. 5, 2. 132 c. ENLART, Villes mortes, p. 76. Détachée, elle mesure 196x 127 cm.

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Nativité d'autres panneaux dont il ne reste plus rien actuellement. Le style de cette peinture nous ramène de nouveau aux environs de 1300 et la figure de Joseph, en particulier, présente, par la souplesse de son attitude, l' ampleur du drapé, la délicatesse du modelé et l' arrondi des formes, une parenté évidente avec celle de J ean dans la Crucifixion. C'est-à-dire qu'ici aussi on peut penser à un artiste travaillant dans la ligne de Pietro Cavallini. La structure du cràne de Joseph, et jusqu'à sa coiffure font en outre penser à certaines tetes des réprouvés dans le J ugement Dernier de Santa Cecilia in Trastevere 133 • Meme la raideur na'ive du petit donateur peut se concilier avec des modèles cavallinesques 134 • L'iconographie de la Nativité de San Salvatore confirme la datation que suggère son style. Bien que la partie supérieure en soit détruite, il semble bien que l'iconographie byzantine ait encore été suivie ici dans ses grandes lignes: l'enfant emmailloté déposé dans la mangeoire, la Vierge teposant sur la couche ainsi que la situation de J oseph sont autant de traits traditionnels à Byzance que garde aussi Pietro Cavallini dans sa mosa'ique de Santa Maria in Trastevere (1290') 135 . Par contre, le geste des mains jointes de Joseph (et du donateur) est un élément tout nouveau; il est lié à l'iconographie que répandront les Franciscains à partir de 1300: celle de l'adoration de Jésus par Marie et Jo111

P . TOESCA, Cavallini, pp. 15, 17. Voir à ce point de vue !es figures de Bertoldo Stefaneschi et du cardinal d'Acquasparta (P. HETHERINGTON , figg. 23 , 81). m ibidem, fig. 9. "

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seph 136 . On ne peut savoir si l'étable - que représentera, entre autres, Giotto à Padoue et qui fait partie des éléments novateurs - était peinte à Ninfa, mais ce qui subsiste est d'une image de transition: schéma byzantin interprété dans le style nouveau et modifié par un détail qui révèle l'influence des idées de saint François. Les Vierges trònant de San Giovanni et de San Biagio

Nous avons déjà relevé qu'au centre du deuxième registre sous le cul-de-four de San Giovanni et au milieu de la «procession» de saints de San Biagio, des panneaux rectangulaires avaient été ajoutés. Ils contiennent de grandes images de la Vierge insérées pour «moderniser» le décor roman, comme cela s'est fait dans de nombreux ensembles italiens. Dans le Latium, on peut citer l' exemple de San Silvestro de Tivoli où plusieurs panneaux, encadrés d'un multiple cadre peint, sont venus s'encastrer entre l'histoire de saint Sylvestre et le registre inférieur aux grands médaillons décoratifs ou encore celui de San Nicola de Filettino où une Vierge gothique, trònant sur un majestueux siège vu en perspective, voisine avec les saints romano-byzantins 137 • A San Giovanni de Ninfa, l'image est particulièrement ruinée mais le manteau bleu sur la tunique pale, la position assise du personnage principal (indiquée notamment par le drapé sur la jambe gauche) , la petite 136 G. SC HILLER, Ikonographie der christlichen Kunst, Giitersloh, Gerd Mohn, I, I 966. pp . 86-87. P . WI LH ELM -RED, dans Lex1kon der Christlichen Ikonographie. II, col. 11.3. m G. MATTH IAE, Pittura romana, fig. 76; Filettino: référence personnelle.

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silhouette en vetements ocre clair que l' on <levine au dessus de son genou gauche, le décor architectural très élaboré qui subsiste à gauche des figures et culmine en fronton au dessus d' elles évoquent la représentation d'une Vierge à l'Enfant tr6nant (fig. 34). Nous verrons que celle-ci est incontestablement présente dans l'abside de San Biagio. Dans le panneau de San Giovanni, les couleurs sont plus nombreuses et plus lumineuses que dans les fresques antérieures. Non seulement ce qui semble etre le maphorion de la Vierge est d'un bleu assez vif mais le matériau ocre du trone est incrusté d'horizontales rouges ou bleues, de losanges rouges, de cercles verts. Des lisérés blancs, de fines torsades ou des perles bordent chaque élément. Les rampants du fronton sont ornés de fleurons blancs. Le cadre paralt avoir été constitué d'un bandeau vert pomme et d'un bandeau rouge séparés et bordés d'un filet blanc. En dehors de ces couleurs aux tonalités fraiches, c'est l'imposant tr6ne, dont le montant de droite - encore relativement bien conservé - est vu en perspective qui fournit un élément de datation. Ces sièges architecturaux, aux montants composés d' éléments parallélépipédiques incrustés et superposés, au dossier élevé, sont typiques de nombreuses Vierges tr6nant des environs de 1300-1325, notamment parmi les réalisations de Duccio et de ses suiveurs 138 • Le gable du dossier est moins répandu mais il appartient à la meme époque 139 • 138 J . H . STUBBLEBINE, Duccio di Buoninsegna and his School, Princeton, New Jersey, Princeton Unive rsity Prcss, 1979, II, figg. 47. 163. 176,248, 306. 139 Le Maitre de Monte O liveto n pa n iculièrement aimé !es hauts dossiers pointus, pa rfois fleuron nés (ibidem, figg . 209, 2 18, 235, 236) .

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Dans la peinture sur bois, il peut etre amplifié ou, plus souvent, remplacé par le gable du panneau. La Vierge tronant de l'abside de San Biagio est mieux conservée que celle de San Giovanni mais elle est obscurcie par du noir de fumée et l'image est malheureusement détruite à hauteur du visage de Marie (figg. 37, 40). Celle-ci, vetue d'une robe rouge et d'un manteau bleu, est assise sur un large trone sans dossier, garni d'un gros coussin bleu. Le siège est ouvragé et orné d'incrustations; les montants en sont larges. Une tenture rouge, décorée d 'un motif losangé, occupe l' arrière-plan. Elle est fort semblable à celle qui figure sur le fond du Banquet d'Hérode de San Pietro avec cette différence que la svastika qui, là, occupe le centre du motif est ici remplacée par une sorte de quadrilobe dans un losange. La silhouette, petite et très enfantine, de Jésus bénissant assis sur le genou gauche de Marie, est bien reconnaissable mais on ne peut plus distinguer les traits du visage. Il semble que la Vierge tienne de la main droite les pieds de son fils, geste familier qui apparaìt dèjà chez Coppo di Marcovaldo et dont la peinture de chevalet du XIVe siècle offre de nombreux exemples i 4o _ La souplesse et la largeur des formes, et plus eneore le rendu du trone avec le séant vu en perspective, situent cette fresque dans la première moitié du XIVe siècle, comme toutes celles de la seconde étape envisagées jusqu' à présent. 140 Ibzdem, fig. 285 et, à titre d 'exemples, figg . 185, 186, 261 , 295 , 330, 332, 337 , 383 , 444, etc.

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En étudiant les plus anciennes peintures de San Biagio, nous avons rappelé que Camille Enlart avait encore vu le mur gauche de la nef décoré «d'effigies de saints du XIVe siècle» mais que cette paroi s'était en grande partie abattue à l'époque de son passage à Ninfa 141 . De cette série ne subsiste qu'une Vierge, actuellement conservée à Sermoneta (voir supra p. 79) (fig. 48). C'est la plus effacée des peintures qui ont été détachées. Autant que l'on puisse encore en juger par l'emplacement des deux visages étroitement rapprochés et la silhouette de l' enfant, il s' agissait d'une Vierge de Tendresse. Elle est située sous une arcade trilobée. Les contours de celle-ci sont incisés, de meme que les nimbes en relief striés de rayons. Le fond délimité par l' arcade était d'un vert assez vif. Des traces rouges (dossier du trone?) sont visibles à droite de l'enfant. Des traits rouges bordent le voile de la Vierge et la tunique claire de Jésus. Rien ne s'oppose à la datation d'Enlart sans que l' on puisse la préciser davantage. Sant'Angelo et Santa Maria sopra Ninfa

Les peintures de l'époque gothique qui ornaient la Grotte de l' Archange Michel ont totalement disparu. Elles ne nous sont plus connues que par l' aquarelle qu'exécuta Maria Barasso en 1923 (figg. 74-75) et par les quelques dessins et les descriptions qu'elle publia en 1939 (voir supra, pp. 94-95). Comme nous l' avons déjà vu, les fresques datables du XIVe siècle se situaient derrière l' autel. Elles repré141

c.

ENLART,

Villes mortes, p. 77.

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sentaient, à draite, le Christ entre Pierre et Paul et, plus au centre, la Pesée des ames (sch. 6). La partie gauche de «l'abside» avait déjà totalement perdu son intonaco quand l'archéologue l'a étudiée. Il s'agissait d'un ensemble de grandes dimensions, le Christ mesurant 2,20 m. et les apotres 1,70 m. D'après Maria Barasso, le Christ bénissait ou faisait un geste d' allocution de la main draite et tenait un rauleau fermé de la gauche. A sa draite, saint Paul portait un livre fermé et tendait un phylactère avec les mots: Mihi vivere Christus est et mori lucrum; saint Pierre, dans une position symétrique déployait un rauleau où figurait: Et respondit Petrus: tu es Christus Filius Dei vivi. La scène était entourée de deux espèces de colonnes torses à chapiteaux que Maria Barasso a interprétées comme des palmiers par analogie aux représentations paléochrétiennes. Les couleurs étaient, à l' époque, relativement bien conservées. Le fond de la fresque aurait été vert dans la partie supérieure, jaune-raugeàtre dans le bas. Le Christ, dont la téte était entourée d'un nimbe crucifère jaune à craix noire ornée de perles blanches, portait une tunique jaunàtre, un manteau violacé avec des ornements linéaires sur le bord et une fibule ovale perlée sur la poitrine. Il posait les pieds sur une plinthe jaune ornée. La tunique dé Paul était bleu sombre et son palium «sépia-violacé», tandis que les vétements de Pierre étaient respectivement bleuàtre et «violacé-café» 142 • Maria Barasso signale le caractère médiocre et schématique de cette peinture. La paléographie indiquait une 2 " M. BAROSSo,op. cit., dans Atti della Pontt/icia Accademia Romana di Archeologia, XIV, 1939, pp. 74-75.

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datation au XIVe siècle. Sous le phylactère de Paul une cavité de 27 cm. de còté et de 30 cm. de profondeur, entourée d'une bande brune et enduite à l'intérieur, devait servir à déposer des objets liturgiques. L'image de la Pesée des ames, à la gauche de la précédente, était déjà très détériorée 'dans sa partie inférieure quand Maria Barasso en fixa le souvenir: l' archange Miche!, titulaire du sanctuaire, était d'une taille intermédiaire entre celle du Christ et celle des apòtres. Il tenait la balance remplie d'ames de la main gauche et enfonçait de la main droite sa lance dans le corps d'un démon dont il ne restait plus aucune trace et qui, à l'origine, devait faire pencher la balance de son còté. Alors qu'il n'est pas certain que Miche! terrassait ledémon dans le panneau avec la Vierge et sainte Lucie, la reconstruction de cet épisode est ici tout à fait plausible. La liaison de la psychostasie et du triomphe de l'archange sur les forces du mal par la lance a du s'opérer dans l'iconographie occidentale à la fin du moyen age. Elle est suggérée sur un relief du IXe (?) siècle conservé dans le sanctuaire souterrain du Monte Gargano mais il semble qu'elle ne soit explicite qu'à partir du XIVe siècle 143 • Les images qu' en donne le Padouan Guariento - qui travailla vers 1338-1370 - devaient, iconographiquement, ètre fort proches de celle de la grotte du Mirteto 144 • Maria Barasso indique que cette peinture était de qualité supérieure à celle de droite; elle la croit, d' autre 1• J Cfr. n. 101. Illustrations dans M. MARTENS, A. VAN RI E, M . DE W AHA, op. cit., entre pp . 32-33 . 144 ibidem, face p. l 7 ;G.c. ARGAN, Storia dell'arte italiana, Florence, Sansoni, 1968, II, p. 55 fig. 56.

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part, postérieure. L' ange avait « un visage allongé, sévère, non dépourvu de noblesse et qui rappelait les angtes du Trecento, avec un grand nimbe jaune or, en relief de stuc, imprimé de rainures. Son manteau était pourpre, sa tunique violet sombre» 145 • La datation au XIVe siècle peut certainement ètre retenue. Sans qu' aucun indice précis ne soit fourni, on peut néanmoins penser au début du siècle pour le second décor de la grotte puisque l'abbaye (et, par conséquent, son sanctuaire rupestre) fut particulièrement florissante sous Boniface VIII qui lui octroya de nouveaux privilèges. Il est impossible de savoir si des analogies stylistiques existaient entre ces peintures et celles qui, dans la première moitié du Trecento, s'insérèrent parmi les fresques romanes des églises de Ninfa. Il est, par contre, évident qu'un artiste d'un tempérament très différent de ceux que nous avons pu pressentir jusqu'à présent a travaillé dans l'église toute voisine de la grotte, à Santa Maria del Monte Mirteto. La plus jolie des madones conservées sur l' ancien territoire de Ninfa se trouve dans l'abside de ce monument gothique ruiné. Non seulement, c'est une image charmante mais elle est presque intacte et a gardé une grande fraìcheur de coloris (fig. 77). Marie est assise sur un trone bas, sans dossier, qui semble en marbre clair ouvragé. Elle pose les pieds sur un haut marchepied orné de losanges. Le fond de l'image cintrée est occupé par une imitation de tissu bleu sombre sur lequel court une résille de rinceaux ocre clair formant des creurs renversés. La Vierge por14

126

'

M. BAROSSO ,

op. cit., p. 77.


te Jésus, de face, sur le bras droit; de la main gauche, elle lui tient le pied droit. L' enfant bénit et présente le globe du monde que surmonte la croix; une inscription y figure. La mère et l' enfant sont blonds et leur teint est délicatement rosé; leurs traits sont fins et non conventionnels. Leurs nimbes sont décorés de courtes stries et de points évoquant le travail du poinçon dans la feuille d'or. Tous deux sont vétus de clair ce qui est exceptionnel pour la Vierge. Sa robe bleue est, en effet, presque entièrement cachée par un ample manteau ocre pale doublé de vert tendre. Cette fresque marque une rupture avec toutes les autres peintures de Ninfa, méme celles de la seconde étape de décoration. Dans la mesure où l' on pouvait juger de leur style, celles-ci s'inscrivaient dans la ligne esthétique de Cavallini et de ses contemporains, c'està-dire dans le courant qui réagissait contre le linéarisme romano-byzantin tout en plongeant ses racines dans l'art de Byzance et en offrant certains parallèles avec les créations byzantines du XIIIe siècle. La Vierge du Monte Mirteto est, par contre, toute marquée de l'esprit gothique: par sa joliesse, ses proportions allongées, ses couleurs claires; par les jeux d' avers et de revers de la lisière de son manteau; par son attitude aussi, cette façon bien dégagée de regarder le spectateur sans incliner la téte vers J ésus comme le font généralement les madones depuis l' adoption par l'Italie du type de l'Hodighitria tronant. C'est une oeu-

127


vre d'un style plus nordique, sans doute du XIVe siècle, mais difficile à situer 146 • Santa Maria Maggiore

Le plus important sanctuaire de Ninfa est aussi celui qui témoigne de la plus longue activité picturale sur le territoire. En effet, parmi les plus anciennes peintures conservées dans la ville, celles de l'abside de Santa Maria Maggiore, deux panneaux relativement tardifs ont été insérés. Ils se situent entre les saints et les saintes alignés frontalement dans le deuxième registre de décoration, sous le cul-de-four (figg. 15,18-19,23). Non seulement le style de ces peintures, en assez bon état, indique une datation au XIVe siècle mais les personnages figurés fournissent un terminus post quem permettant de situer ces ceuvres parmi les dernières réalisées à Ninfa probablement peu de temps avant le sac de 1382. Les deux panneaux sont d'un mème tenant; ils ont été exécutés en mème temps et présentent, de manière fort semblable, deux saints ecclésiastiques tronant. A cause de leur état de conservation, ces peintures ont été mentionnées, décrites, dessinées ou mème photographiées dans la plupart des livres ou articles sur Ninfa. L'image la plus importante pour la datation des 146

Le globe dans la main de l'enfant Jésus n'est pas courant à cette époque. On peut en citer, en France, l'exemple de Chamalières-sur-Loire (fin Xllle sièd e) ( P. DESC H AMPS et M . THIBOUT , La peinture murale en France au début de l'époq11c gothique, Paris, C. N.R.S., 1963 , pi. LXXXIII, 1). Il n'est pas mentionné comme attribut dans !es 35 types relevés dans: o .e. SHORR, The Christ Child D,:votional Images in Italy during the X IV Century, New York, Willenborn,

i,,

1954.

128

e


-r

fresques, le portrait d'Urbain V, avait déjà été identifiée en 1884 par Mgr Barbier de Montauld 147 • Cette identification fut redécouverte par Maria Barasso dans un article de 1926 qui n'a pas eu l'écho qu'il méritait et" beaucoup d'ouvrages généraux traitant de l'iconographie de ce prélat ignorent toujours la fresque de Santa Maria Maggiore 148 • Le personnage de gauche - Urbain V - est vetu d'une tunique vert clair et d'une ample chape pourprerouge fermée par une fibule circulaire. Les traits de son · visage sont totalement détruits mais on <levine encore la base de la tiare à triple couronne que Maria Barasso a représentée sur l' aquarelle dont une photo existe au Palais Caetani (fig. 17) et dont est tiré le dessin paru dans la Domus Caietana 149 • Le bord du nimbe est perlé. Le saint prélat est assis sur un siège sans dossier dont on voit le séant en perspective. Son marchepied est également conservé. Une tenture rouge, à petits motifs losangés, pend derrière lui sur un fond vert sombre; des plis y sont figurés. Une triple bordure, jaune blanc et rouge, encadre l'image. Les deux premiers 147 E. MUNTZ, La statue du pape Urbain V au Musée d'Avignon, dans Gazette archéologique, 1884, pp. 98-104 (pp. 102-103). 148 M. BAROSSO, Un ignoto affresco di Papa Urbano V, dans Bollettino della Associazione A rcheologica Romana, XVI, 1926, pp. 4-5 . Meme M. BALMELLE, qui cite la fresque de Ninfa en se basant sur E. Mi.intz, ne parait pas supposer que cette peinture existe encore (Iconographie du pape Urbain V, dans Revue du Gévaudan, Mende 1964, pp. 73-88 ; p. 75 ). L'étude de G.B. LADNER, Die Papstbildnisse des Altertums und des Mittelalters, Vatican, Pontificio Istituto di Archeologia Cristiana, I, 1941 ; II, 1970; III, 1984, n'envisage systématiquement !es portraits pontificaux que jusqu'à Benoit XI (1303-04) . Urbain V n'y est donc mentionné que pour des comparaisons. 149 G. GAETANI , Domus Caietana , I 1 1, p. 118.

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bandeaux sont réunis par des chevrons qui créent une impression d' arète saillante. L'essentiel pour l'identification de ce pontife est le double portrait de Pierre et de Paul en bustes qu'il présente des deux mains. Sur une photo faite par Gelasio Caetani au début de ce siècle, on pouvait lire en lettres gothiques BEATUS URBANUS , au dessus de la figure, tandis que s. CESARIUS apparaissait sur la bande rouge inférieure de l' encadrement; les lettres RI se devinent encore aujourd 'hui.Cette deuxième inscription, sans doute plus visible et certainement postérieure, est responsable du fait que Gregorovius lorsqu'il évoque «les saints dont le nom est tracé en vieux caractères latins » cite saint Césarius 150 et que Giuseppe T omassetti, qui publie en 1910 la photo de Gelasio Caetani, croit que la fresque a été retouchée à la coiffure du saint et qu'elle représente Césaire de Terracina «prae/ectus Urbanus», martyr qui fut choisi pour protéger la résidence des Césars au Palatin et dans l' oratoire duquel on exposait l'effigie des deux Augustes; effigies que le saint aurait présentées ici 151 . Cette interprétation est reprise par Camille Enlart qui ne cite pas T omassetti à ce sujet et ne mentionne que l'inscription Urbanus. Assez curieusement, il semble situer ces fresques dans le bascoté sud et les dater des XVe ou XVIe siècles. Dans le moine, il reconnaìt saint François 152 • En 1926, Maria Barasso - qui ne connaìt pas la publication de 1884 - rejette l'identification faite par u o F. G REGOROVIUS, Promenades,

p . 187. II, pp. -P2-474 .

"' G. TOMASSETTI, Campagna romana, 152 c. ENLART , Villes mortes, p . 77.

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Tomassetti et publie ses propres observations: la fresque n' a pas été retouchée et la tiare à triple couronne est bien originale: les portraits représentés sur le « coffret » que tient le pontife sont ceux de Pierre et de Paul et l'inscription supérieure est Beatus Urbanus. Elle condur donc qu'il s'agir d'une rare représentation d'Urbain V, (1362-1370), le pape qui mit provisoirement fin à l'exil d 'Avignon en 1367 et opéra en 1368 la translation des chefs des princes des apotres de l'ancien oratoire Sancta Sanctorum du Latran au Vatican puis dans la basilique de Saint-Jean du Latran où il les fit placer dans des bustes-reliquaires d'argent. Très justement, elle rapproche la fresque de Ninfa du panneau peint par Simone dei Crocefissi dans la seconde moitié du XIVe siède et conservé à la Pinacothèque de Bologne (n° 340) (fig. 20) . C'est, en effet, l'image la plus proche de celle de Ninfa que je connaisse mais le prélat tronant tient le double portrait de la main gauche et bénit de la droite. Dans la crypte de San Domenico à Spolète, il est représenté debout mais, comme à Santa Maria Maggiore, il tient les figures apostoliques des deux mains devant lui (fig. 21). Cette peinture paraìt dater des XIVe-XVe sièdes 153 • Maria Barosso a rattaché le panneau de Ninfa au Quattrocento. En 1927, Gelasio Caetani rectifie les inscriptions publiées par T omassetti, notamment grace à la photo déjà mentionnée; il reprend les condusions de Maria Barosso dont il trans pose l' aquarelle en dessin, mais il ne cite pas l'arride. Pour lui, l'image en question aurait été réalisée entre le moment où s' établit le culte du 15

J

G . KAFTAL ,

Saint.rin Italinn Art, II, col. 1107-1108 , fig . 1291.

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pontife et la destruction de Ninfa en 1382 154 • Je souscris entièrement à cette hypothèse. D' abord simplement pour des raisons stylistiques: la présentation du personnage et l'espace dans lequel il s'inscrit, le type de bordure multiple qui l'encadre et surtout le drapé moelleux de sa chape associé aux effets linéaires des ombres, tout évoque encore l'art du Trecento. Ensuite pour des raisons historiques: la plupart des images connues d'Urbain V datent des années qui suivirent sa mort (sa statue funéraire à Avignon, le panneau de Simone dei Crocefissi, la fresque de la crypte de SaintFrançois à Irsina dont l'encadrement est d'ailleurs presque identique à celui de la peinture de Ninfa, etc. ); il semblerait assez normai que les Caetani, qui avaient bénéficié de la bienveillance et de l'indulgence d'Urbain V au moment du partage de Ninfa en 1369 et 13 70 155 , aient tenu à honorer rapidement le saint prélat défunt en faisant exécuter son image - dont le type venait d'etre créé - dans l'église principale de leur domaine. Cette réalisation a pu avoir lieu au moment du Schisme d'Occident lorsque l' antipape Clément VII (Robert de Genève) - qui ceuvra pour la canonisation d'Urbain V - était appuyé par Onorato Ier Caetani. Excepté Camille Enlart qui identifie le moine nimbé de l'image contigue à celle d'Urbain V comme saint François, aucun commentateur n'a émis d'hypothèse à ,,. G. GAETANI, Domus Caietana, I. 1. p. 118. Si la demande de canonisation J'Crbain V eut lieu dès que se répandit son culte après la translation de son corps ÌI Saint-Victor de Marscillc cn 1372, la confirmation officielle de sa sainteté ne date que de 1870. u, G. GAETAN I , op. cit., pp. 290-320: résumé des événements dans G. TOMASSETTI , op. cit., II, note d. pp. 465-466.

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son su jet. Je voudrais avancer celle de la représentation de saint Thomas d'Aquin. Bien que la figure soit assez effacée, on peut voir que le saint moine est vetu d'un vaste manteau sombre, semble-t-il à capuchon, et d'une tunique claire et qu'il présente devant lui un livre ouvert où subsistent quelques lettres gothiques d'une inscription en trois lignes 156 . De la main droite, il serre ce qui parait etre un rouleau fermé. Le cadre de l'image est identique à celui du portrait d'Urbain V mais il semble que le moine trone sur un siège à haut dossier rouge et pointu se découpant devant un fond vert, et non sur un banc derrière lequel un tissu aurait été tendu. Sauf le détail du rouleau fermé, cette présentation correspond à celle de saint Thomas tel que l' ont figuré Simone Martini sur une peinture du Museo Civico de Pise vers 1320, Francesco Traini à Sainte-Catherine de Pise vers 1345, ou encore Andrea Bonaiuti dans la fresque de Santa Maria Novella vers 1365 (fig. 22) 157 • Malheureusement, l' élément iconographique typique qui certifierait cette identification n' apparait pas sur la fresque abimée de Santa Maria Maggiore: l' étoile ou le rayonnement émanant du saint dominicain. Il n' est pas exclu qu'un tel rayonnement ait été figuré derrière le trone mais les sortes de flammèches qui s'y devinent sont plus probablement les fleurons du dossier pointu. Outre la similitude de présentation entre le saint 6 " Cen e inscription, qui aurait pu etre déterminante pour l'identification, ne peut malheureusement pas etre reconstituée. Si plusieurs lignes se devinent sur !es deux pages, seules une S à la deuxième ligne de la page de gauche et une S à la troisième ligne de la page de droite sont certaines. '" G. KAFTAL, op. cit., I, col. 978, figg . 1100, 1099, G.c. ARGAN, Storia dell'arte italiana, II, p. 49 fig. 44; p. 45 fig. 38.

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peint à Ninfa et les figurations de Thomas d'Aquin, ce qui rend vraisemblable l'identification des deux c' est le · caractère d'actualité du portrait d'Urbain V. Il est, en effet, tentant de penser que son pendant était aussi une image nouvelle, or, celles de Thomas se sont multipliées après sa canonisation en 1323 et, précisément, dans cette seconde moitié du XIVe siècle. De plus, il faut rappeler qu'Urbain V fit transporter les restes de Thomas d'Aquin à Toulouse en 1368 et concéda le bras droit du saint au couvent de Saint-Jacques de Paris 158 _ Les deux images ajoutées dans l'abside de Santa Maria Maggiore auraient donc comme thème commun l' évocation d'importantes translations de reliques effectuées par ce pontife qui fut favorable aux Caetani. Que ces panneaux aient été exécutés vers la fin des années 13 70 - ce que je pense - ou, étant donné leur style, relativement peu de temps après le sac de Ninfa, ils sont des témoins supplémentaires de ce que nous avons relevé tout au long de ces pages: l'actualité des peintures réalisées pendant plus de deux siècles dans ce petit centre urbain. Les rapports constants et continus entre ses dirigeants et Rome expliquent la qualité des artistes qui y ceuvrèrent et la nouveauté des idées et des formes qu'ils y fixèrent.

1~8 Bibliotheca Sanctorum, Rome, Université du Latran, 1961-1970, XII, col. 561. Outre le rapport que cette translation établit entre Urbain V et Thomas J 'Ayuin . on peut voir un lien avec Onorato Cactani qui . en 1367, désira obtenir le corps de saint Thomas à Fondi (G. CAETAN I , op. cit., I, 1, p. 287).

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III. Conclusions

es peintures murales des cinq sanctuaires ruinés de Ninfa révèlent une activité artistique de haute qualité s'étendant sur à peu près deux cents ans. Les vestiges conservés permettent, en effet, malgré leur rareté et leur état lacunaire, de suivre quelques étapes importantes de la peinture médiévale du Latium depuis sa nouvelle « byzantinisation», à partir du deuxième tiers du XIIe siècle, jusqu'à sa conquete d'une certaine perspective et d'un modelé traduisant les valeurs tactiles, au cours du XIVe siècle. Chaque sanctuaire a connu deux périodes de décoration; la première au XIIe ou au XIIIe siècle, la seconde au XIVe siècle. (Il en est de meme de la grotte de Sant' Angelo sopra Ninfa dont les peintures ne sont plus connues que par des copies réalisées par l' archéologue Maria Barasso). Des fresques de la première époque, réalisées surtout sous les Frangipani et les Conti, il subsiste essentiellement des fragments de décors absidaux auxquels on peut joindre quelques panneaux isolés. Les plus anciennes de ces peintures romanes se trouvent dans l'abside de Santa Maria Maggiore; elles dénotent une forte influence byzantine, tant du point

L

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de vue iconographique que stylistique et peuvent dater du deuxième tiers du XIIe siècle. L' artiste qui les réalisa connaissait les procédés de coloris et les schémas graphiques de l'art des Comnènes; il en donna une synthèse personnelle aux formes amples et sereines. L'art tardo-comnène, aux effets raffinés, eut des échos immédiats à Ninfa: le panneau de la Vierge entre saint Miche! et sainte Lucie, autrefois dans la grotte de Sant' Angelo, a du etre exécuté pour la consécration du sanctuaire en 1183, ou peu de temps après; il présente, sur tous les plans, des analogies étroites avec des ceuvres byzantines contemporaines; les fresques des absides de San Giovanni et de San Biagio, qui paraissent se situer vers 1190-1200, offrent un témoignage plus précieux encore. Ces peintures, malheureusement très mutilées, montrent de remarquables morceaux de draperies où se combinent, comme dans les réalisations byzantines de l' époque (notamment dans les mosa1ques de Monreale), de grands mouvements simples, aux directions soulignées par de subtils dégradés, et des flots de plis agités dont les chutes ont des soulèvements gracieux et compliqués. Ces drapés n'ont guère d'équivalents dans la peinture romane du Latium alors que les visages témoignent d'une interprétation occidentale des schémas byzantins. Les fresque absidales de San Pietro, église hors les murs, s'inscrivent exactement dans la meme ligne esthétique mais plusieurs indices - entre autres certaines parentés avec des peintures de l' école de Tivoli-Anagni - semblent devoir leur faire attribuer une date un peu plus tardive, vers 1200-1230. On peut rattacher à la meme époque les plus anciens panneaux du mur sud de San Biagio et les peintures du 136


campanile de Santa Maria Maggiore. Les environs de 1200 semblent d'ailleurs avoir été un moment d'intense activité artistique à Ninfa. Les figures conservées dans le chceur de San Salvatore marquent, elles, une première distanciation vis-àvis de la tradition byzantine: le modelé y prend le pas sur le graphisme, les formes ont une densité plastique accrue, les canons ont des proportions nouvelles. Ces ceuvres pourraient dater du deuxième quart du XIIIe siècle; elles seraient donc contemporaines des fresques de la crypte de la cathédrale d' Anagni mais représenteraient alors un courant plus novateur, déjà orienté vers ce qui fera la spécificité de la peinture du Trecento. Les décors absidaux romans des cinq églises de Ninfa, bien que s' échelonnant sur une période de près de cent ans et attestant une nette évolution stylistique, semblent avoir répété, en une série de variantes, un mème type iconographique: celui de l'Ascension byzantine répartie entre le cul-de-four et le premier registre sous la conque. En fait, l' Ascension est à peu près certaine à Santa Maria Maggiore (le prototype, sans doute), à San Giovanni et à San Salvatore; elle est plus que probable à San Pietro et vraisemblable à San Biagio. Dans les deux cas où l'hypothèse est la plus solidement fondée, à Santa Maria Maggiore et à San Salvatore, les témoins de l'Ascension étaient séparés de l'image du Christ par un bandeau ornemental ou, au minimum, une ligne rouge. On trouve plusieurs versions de cette formule (Ascension de type byzantin et césure sous la représentation du Christ) en Campanie et un exemple dans le baptistère de Saint-Mare de Venise, c'est-à-dire dans des régions fortement byzantinisées. 137


Sous la double théorie des apotres (avec, ou sans, la Vierge et les anges au centre), les absides de San Salvatore et de San Pietro n' avaient probablement qu'un soubassement ornemental; celle de San Biagio présentait peut-etre un registre intermédiaire; celle de Santa Maria Maggiore montre encore un alignement de saints et de saintes en pied au dessus de ce qui devait etre un décor de soubassement. L'abside de San Giovanni est la seule à attester une composition en cinq zones: théophanie du cul-de-four, processions convergentes, personnages devant des architectures, vies ou martyres de saints (?) et imitation de placages de marbres . . Les artistes qui travaillèrent à Ninfa entre le deuxième tiers du XIIe siècle et le deuxième quart du Xllle témoignent d' apports nouveaux dans la peinture du Latium: T ant leur style que ce qu' on peut présumer de l'iconographie des programmes absidaux marquent une rupture avec la tradition locale. L'influence byzantine qui, à la meme époque, se fait sentir dans toute la région et à Rome meme est, ici, particulièrement sensible et sentie. Elle n' est pas une formule mais dans les ensembles les plus byzantinisants de Ninfa, elle semble répondre à une nécessité interne. Il n'est pourtant jamais question d'~uvres byzantines - comme à Grottaferrata, par exemple - mais de créations d' artistes romans ayant intégré le langage formel byzantin à leur propre express1on. Il est hasardeux de vouloir déterminer l'origine de ces peintres ou celle de leur source d'inspiration. A l' époque des rapports entre Alexandre III et Manuel Ier Comnène, c'est-à-dire peut-etre au moment de la décoration de Santa Maria Maggiore, on peut penser à 138


un apport direct de modèles byzantins mais un cheminement de l'influence byzantine via la Sicile, et, éventuellement, l'Italie du Sud et la Campanie, semble plus probable. Ceci, d'une part, à cause du type de décor absidal mais, surtout, des nombreuses parentés stylistiques relevées, en cours d'analyse, avec les mosa'iques siciliennes. S'il est vrai que des parentés semblables existent entre les fresques de Ninfa et celles de la crypte de la cathédrale d' Aquilée ou encore avec des oeuvres vénitiennes, la situation géographique du petit centre urbain et la politique d'entente avec le royaume de Sicile menée par la papauté pendant toute la période qui nous intéresse - et particulièrement d' Alexandre III à Innocent III - incitent à choisir la Sicile comme foyer de diffusion des peintres, de leur culture ou de leurs modèles. Rappelons encore que la fin du XIIe siècle vit l' achèvement de l' énorme chantier de Monreale et, par conséquent, la mise en disponibilité d'un grand nombre d' artistes formés à l' école byzantine. La deuxième étape de décoration des églises de Ninfa a eu lieu, semble-t-il, essentiellement aux alentours de 1300, c'est-à-dire à l'époque de gloire de Pietro Caetani, neveu de Boniface VIII. On ne peut plus mesurer actuellement l'importance de cette campagne qui s'est peut-ètre étendue à l'ensemble de certaines nefs. Seule l' église San Pietro, la plus complète, montre que ce nouveau décor n' était pas constitué seulement de panneaux isolés mais pouvait former des cycles, tel celui de Jean-Baptiste, dans la nef latérale nord de ce monument. Les deux peintures les mieux conservées pour fournir non seulement un indice de datation mais aussi une base d' analyse stylistique sont la Crucifixion 139


de San Pietro et la Nativité de San Salvatore. Toutes deux, mais plus particulièrement la première, évoquent par leur conception, leurs formes et leur coloris, l'art d'un Pietro Cavallini. L'importance de Ninfa à cette époque et ses relations avec Rome peuvent étayer une hypothèse que l' état des fresques ne permet pas de pousser plus loin, celle de la participation de l'atelier de Cavallini à l' embellissement des églises de la ville, à l' aube du XIVe siècle. C 'est probablement aussi au début de ce siècle que de grands panneaux où figure une Vierge à l'Enfant ont été peints au centre du décor roman des absides de San Giovanni et de San Biagio et que, à flanc du Mirteto, a été décoré le «ch~ur» de la grotte de saint Miche!. Si l'on en juge d'après la charmante Vierge à l'Enfant qui subsiste à Santa Maria del Mirteto, l' ensemble de peintures gothiques qui, d' après Pietro Pantanelli, recouvrait les murs de cette église devait se différencier du principal courant novateur de l'art italien du Trecento pour relever d'une tradition plus nordique et d'esprit foncièrement gothique. Le sanctuaire était d'ailleurs tout à fait indépendant du clergé de Ninfa. Dans la ville mème, deux peintures témoignent d'une activité créatrice jusque dans les années qui précédèrent le sac de 1382. Ce sont les panneaux représentant Urbain V et, semble-t-il, Thomas d'Aquin ajoutés parmi les saintes et les saints romans de l'abside de Santa Maria Maggiore. Ces images peuvent se situer à la fin des années 1370; elles sont, par leur style, leur sujet et leur iconographie, de la plus grande actualité. Elles doivent ètre à peu près contemporaines du premier dossier de canonisation d'Urbain V. 140


Les églises de Ninfa restèrent en act1v1te après 1382, du moins les principales, comme Santa Maria Maggiore et San Paolo. Elles ne furent définitivement closes qu'au XVIe siècle. Cependant, plus aucune peinture n' atteste une activité artistique dans les anciens sanctuaires après la fin du XIVe siècle; les mentions de travaux s'y rapportant concernent toutes des réparations, notamment aux toitures. Pour s' expliquer la beauté des vestiges médiévaux de Ninfa, le raffinement et l'actualité de ses peintures pendant deux siècles, il faut avoir présent à la mémoire le ròle stratégique, politique et économique que joua la petite cité au sein des Etats pontificaux, d' abord, du domaine des Caetani, ensuite. L'importance du site et la qualité de ses dirigeants successifs s'étayent mutuellement pour éclairer la piace de choix de ses monuments au sein des grands courants artistiques de l'Italie médiévale.

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Bibliographie

La bibliographie concernant Ninfa, son histoire, ses monuments, ses légendes et meme simplement son site est donnée de manière assez large, sans etre exhaustive pour autant. On y trouvera également les ouvrages plus généraux où figurent des données de base sur l'histoire du lieu. Pour les contextes historique et artistique, sont mentionnés des travaux fondamentaux , généralement récents, ou des études particulièrement utiles. On s'y référera pour une bibliographie plus détaillée. Les titres des monographies consacrées aux monuments cités à titre de comparaison ont été donnés dans les notes. I. NINFA

l. Hi.stoire et présentation du site

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2. Art

Outre les études de G. CAETANI, G. MARCHETTI-LONGHI et citées ci-dessus et qui offrent de nombreux et précieux renseignements sur les monuments de Ninfa, on consultera: M. BAROSSO, Ecclesiae Sancti Michaelis Archangeli supra Nympham, dans Atti della Pontificia Accademia Romana di Archeologia, XIV, 1939,_pp. 67-80. M. BAROSSO, Un ignoto affresco di Papa Urbano V, dans Bollettino della Associazione Archeologica Romana, XVI, 1926, pp. 4-5. c. ENLART, Ninfa, dans Villes mortes du Moyen Age, Paris. E. de Boccard, 1920, pp. 69-82 (l'essai sur Ninfa avait déjà paru dans La Renaissance de l'Art français et des Industries de luxe, janv. 1919, pp. 157-162, sous le titre: Ninfa la ville empoisonnée. L. HADERMANN-MISGUICH, Une Cruci/ixion «cavallinesque» à San Pietro de Ninfa, dans Anna/es d'Histoire de l'art et d'Archéologie, III, 1981, pp. 115-119. L. HADERMANN -M ISGUICH, Influence stylistique de Byzance sur !es peintures médiévales de Ninfa (Latium), dans XVI. Internationaler Byzantinistenkongress -Akten II/5, (Jahrbuch der osterreichischen Byzantinistik 32/5), 1982, pp. 291-299. G. TOMASSETTI,

145


II. CONTEXTE HISTORIQUE En plus des ouvrage généraux déjà mentionnés en I, 1, on consultera: R. BRENTANO, Rame be/ore Avignon. A Socia! History o/ Thirteenth-Century Rame, Londres, Longman Group Limited, 1974.

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der christlichen Kunst, 6 val. , Giitersloh, Gerd Mohn, 1966-1980.

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T able des schémas dans le texte sch. 1. Région de Rome-Ninfa sch. 2. Pian de Ninfa (d'après Domus Caietana , II, p . 108. sch. 3. Pans flottants à S. Giovanni de Ninfa età St-Georges de Kurbinovo sch. 4. Drapés de Monreale et de S. Biagio de Ninfa sch. 5. Chevet de S. Pietro (dessin de Maria Barosso) sch. 6. Grotte de Sant'Angelo: le Christ entre Pierre et Paul et la Pesée des ames (dessin de Maria Baro~~

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T able des planches en couleurs I

Ninfa, abside de S. Maria Maggiore. Ninfa, S. Maria Maggiore, L'Apotre Pierre, v. 1160-70 (Chàteau de Sermoneta) (photo F. Rigamonti). III Ninfa, S. Maria Maggiore, Urbain VetThomasd'Aquin (?), panneaux ajoutés aux fresques romanes vers 1380. IV Ninfa, S. Biagio, Apotres (?) de l'abside, v. 1190-1200 (Chàteau de Sermoneta) (photo F. Rigamonti) . V Ninfa, S. Biagio, Sainte couronnée, v. 1200 (Chàteau de Sermoneta) (photo F. Rigamonti) . VI Ninfa, S. Pietro, abside et bas-coté nord (photo G. Babbo). VII Ninfa, S. Salvatore, Apotres de l'abside, v. 1250 (Chateau de Sermoneta) (photo F. Rigamonti). VIII Ninfa, S. Salvatore, Nativité, v. 1300 (Chateau de Sermoneta) . II

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Table des illustrations hors-texte Les datations proposées pour les peintures de Ninfa résultent de la présente étude. Les photographies et les dessins dont l'origine n'est pas indiquée sont de l'auteur. 1. Environs de Ninfa, carte du Cadastre Alexandrin (détail) , 1659 (d'après A.P. FRUTAZ, Carte del Lazio) . 2. Ninfa vue en descendant de Norma, v. 1925 (d'après J. HAARHAUS , Romische Wanderungen) . 3. V ue actuelle. 4. Le lac et le donjon. 5. Le lac, la forteresse et l'ancien palais communal. 6. La forteresse. 7. Ninfa, S. Maria Maggiore, dessin de Maria Barosso, 1922 (Archives Ca etani). 8. Reconstitution de S. Maria Maggiore, dessin de Maria Barosso, s.d. (Archives Caetani). 9. S. Maria Maggiore, le campanile et le mur occidental vus de la nef. Photo ancienne (Alinari 20290). 10. Abside de S. Maria Maggiore vue de l'entrée. 11. Abside de S. Maria Maggiore pendant le détachement des peintures en 1971 (photo F. Rigamonti). 12. Ninfa, S. Maria Maggiore, saint Pierre, un ange et la Vierge de l'Ascension, v. 1160-70 (Chateau de Sermoneta) (photo F. Rigamonti). 13. Kurbinovo, St-Georges, memes personnages dans I'Ascension , 1191 (photo lnstitut de Skopje). 14. Venise, Baptistère de St-Marc, fragment d'une Ascension, fin Xlle s. (photo Procuratoria di S. Marco - Venezia). 15. Ninfa, S. Maria Maggiore, apotres de droite dans I'Ascension, Urbain V et Thomas d'Aquin (?), trois saintes. 16. Ninfa, S. Maria Maggiore, tete de Pierre dans I'Ascension (photo F. Rigamonti) . 17. Photo d'une aquarelle de Maria Barosso représentant les peintures de la fig. 15, en 1921 (Archives Caetani). 18. Ninfa, S. Maria Maggiore, détail des panneaux d'Urbain V et de Thomas d'Aquin (?), fin des années 1370. 150


19. Ninfa, S. Maria Maggiore, Urbain V. 20. SIMONE DEI CROCEFISSI, Urbain V, Pinacothèque de Bologne, 2e m. XIVe s. (d'après KAFTAL, III). 21. Spolète, crypte de S. Domenico, Urbain V, XIVe-XVe s. (d'après KAFTAL, II). . 22. A. BONAIUTI, Triomphe de saint Thomas (détail), Florence, · S. Maria Novella, v. 1365 (d'après KAFTAL, I). 23. Ninfa, S. Maria Maggiore, Saint Thomas (?). 24. Ninfa, S. Maria Maggiore, Saint ou sainte dans !'absidiole du campanile, XIIIe s.? (photo F . Rigamonti). 25 . Ninfa, S. Giovanni, carte postale ancienne, Anagni, Palais de Boniface VIII (photo U . Frattali). 26. Ninfa, S. Giovanni, état actuel de l'abside. Peintures de v. 1190-1200. 27. Ninfa, S. Giovanni, conque, fragments de deux Anges volant. 28. Mégare, St-Hiérothée, coupole, fin Xlle s. (d'après LAMPAKIS).

29. Ninfa, S. Giovanni, conque, fragment du premier Ange. 30. Kurbinovo, St-Georges, Archange Miche! du cul-de-four, 1191. 31. Ninfa, S. Giovanni, fragment du second Ange. 32. Ninfa, S. Giovanni, premier et deuxième registres sous le cul-de-four. 33 . Ninfa, S. Giovanni, personnages fragmentaires du premier registre. 34. Ninfa, S. Giovanni, fragments de la Vierge tronant, XIVe s. 35. a et b . Ninfa, S. Giovanni, personnage (bourreau?) du troisième registre sous le cul-de-four. 36. Ninfa, S. Biagio, vue vers l'abside (photo F. Rigamonti). 37. Ninfa, S. Biagio, l'abside (photo F. Rigamonti). 38. Ninfa, S. Biagio, détail d'un pan flottant, à droite de la conque. 39. Monreale, Cathédrale, le Christ guérissant le lépreux, 118090, (photo Alinari 29646) . 40. Ninfa, S. Biagio, fragment de personnages (Apotres?) se dirigeant vers le centre de l'abside, v. 1190-1200. 151


41. Ninfa, S. Biagio, fragment de personnages (Apotres?) se dirigeant vers le centre de l'abside (Chateau de Sermoneta) (photo F. Rigamonti). 42. Détail: visage d'un Apotre (?). 43. Pskov, église du monastère de Mirozskij, visage de Gabriel, v. 1156, (d'après LAZAREV, Old Russian Murals and Mosaics) . 44. Ninfa, S. Biagio, mur sud d'où quatte figures ont été détachées en 1970, (photo F. Rigamonti). 45 . Ninfa, S. Biagio, Sainte couronnée (détail), v. 1200 ou lère m. Xllle s. (Chateau de Sermoneta) (photo F. Rigamonti). 46. Ninfa, S. Biagio, Sainte couronnée et éveque, v. 1200 ou lère m. Xllle s. (Chateau de Sermoneta) (photo F. Rigamonti). 47. Anagni, crypte de la cathédrale, Sainte Noémisia, 2e quart Xllle s.? 48. Ninfa, S. Biagio, Vierge de Tendresse, XIVe s.?, (chateau de Sermoneta) (photo F. Rigamonti). 49. Ninfa, S. Biagio, Vierge en majesté, fin Xlle - déb Xllle s., (Chateau de Sermoneta) (photo F. Rigamonti). 50. Ninfa, S. Pietro fuori le Mura, vue du sud-ouest vers 1920, (photo C. Enlart) . 51. Ninfa, S. Pietro, détail du chevet. 52. Ninfa, S. Pietro, mur intérieur sud. 53 . Ninfa, S. Pietro, extrémité nord-ouest de la nef principale. 54 . Ninfa, S. Pietro, la conque. Peintures de v. 1200-1230 (photo P. Philippot). 55 . Ninfa, S. Pietro, conque, main du Christ tenant le livre ouvert et bord de la mandorle (coté droit). . 56. Ninfa, S. Pietro, conque, bord de la mandorle et ange (coté droit) . 57. Ninfa, S. Pietro, conque, Ange (coté gauche) . 58-59. Ninfa, S. Pietro, bandeau ornemental bordant la conque. 60. Anagni, crypte de la cathédrale, bandeau ornemental, 2e quart Xllle s. (d'après DEMUS, Romanische Wandmaleret) . 61. Herculanum, ornement du nymphée de Neptune et Amphitrite (d 'après TOUBERT, Renouveau paléochrétien). 62. Ninfa, S. Pietro, extrémité est de la nef sud. 152


63. Ninfa, S. Pietro, nef sud, Annonciation, déb. XIVe s. 64. Ninfa, S. Pietro, nef nord, Cruci/ixion, v. 1300. 65. Détail: perizonium du Christ et geste de prière de Jean. 66. P. CAVALLINI, saint Philippe, détail du j,ugement dernier, Rome, S. Cecilia in Trastevere, v. 1290 ( 'après P. TOESCA, P. Cavallini). 67. Ninfa, S. Pietro, Cruci/ixion, détail de saint Jean. 68-69. Ninfa, S. Pietro, nef nord, Annonce à Zacharie et Naissance de ]ean-Baptiste (?), v. 1300? 70. Ninfa, S. Pietro, nef nord, inscription sous la Naissance de ]ean-Baptiste (?). 71. Ninfa, S. Pietro, Banquet d'Hérode. 72. Ninfa, S. Pietro, Décollation de ]ean-Baptiste. 73. Ninfa, S. Pietro, Banquet d'Hérode et Décollation de ]eanBaptiste, dessin de Maria Barosso (Archives Caetani). 74-75. S. Angelo sopra Ninfa, intérieur de la grotte, aquarelle de Maria Barosso, 1923, ensemble et détail (Archives Caetani) . 76. S. Angelo sopra Ninfa, Vierge allaitant entre l'archange Miche! et sainte Lucie, v. 1183-90, aquarelle de Maria Barosso, 1923 (Archives Caetani). 77. S. Maria del Mirteto, Vierge à l'En/ant, XIVe s. 78. Ninfa, S. Salvatore, chevet. 79. Ninfa, S. Salvatore, vue vers le chceur. 80. Ninfa, S. Salvatore, Vierge de l'Ascension (?), v. 1250, (Chateau de Sermoneta) (photo F. Rigamonti). 81. Ninfa, S. Salvatore, apotres de l'Ascension (?), partie gauche (Chateau de Sermoneta) (photo F. Rigamonti). 82. Détail, visage d'un jeune apotre (?) (photo F. Rigamonti). 83. Ninfa, S. Salyatore, apòtre de l'Ascension (?), partie droite, in situ. 84. Anagni, crypte de la Cathédrale, détail d'un soubassement peint, 2e quart XIIIe s.? 85. Ninfa, S. Salvatore, Nativité, v. 1300 (chateau de Sermoneta). 86. Lagoudera, Panaghia tou Arakou, Moi'se, 1192 (photo Service des Antiquités de Chypre) . · 153


87. Nerezi; St-Panteleimon, · détail de la Communion des Apotres, 1164. 88. Grottaferrata, détail de la mosa:ique de la Pentecote, fin Xlle s. (photo Bibl. Royale Albert Ier d'après Rendiconti della pont. Ac. di Arch. 1970). 89. Venise, St-Marc, détail de l'Ascension , v. 1200 (photo Bibl. RoyaleAlbert lerd'aprèso. DEMvs,Mosai"kenvonS. Marco). 90. Farfa, ancien campanile, Ascension (détail), Xle s.? 91. Tuscania, S. Pietro, Ascension (détail), 2e quart Xlle s. (d'après o. DEMUS, Romanische Wandmaleret). 92. Marcellina, S. Maria in Monte Dominici, Gabriel de l'Annonciation, v. 1200 (d'après G. MATTHIAE, Pittura romana). 93. Anagni, crypte de la cathédrale, ange, 2e q_uart Xllle s.? 94. Filettino, S. Nicola, ap6tres du Jugement dernier (détail), ler tiers Xllle s.

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ILLUSTRATIONS HORS-TEXTE

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Fig. 1. Environs de Nmfa, carte du Cadastre AlexanJnn (détail), 1659, (d'après A P. FRUTAZ , Carte del Lazio).

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Fig. 2. Ninfa vue en descendant de Norma. ,. 1925 (d'après J Romische Wanderungen). Fig. 3. Vue actuelle.

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Fig. 4. Le lac et le donjon.


Fig. 5. Le lac, la forteresse et l'ancien palais communal. Fig. 6. L1 forteresse.

Fig. 7. Ninfa, S. Maria Maggiore, dessin de Maria Barasso, 1922 (Archives. Ca etani). Fig. 8. Reconstitution de S. Maria Maggiore, dessin de Maria Barasso, s.d. (Archives Caetani).


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Fig. 9. S. Maria Maggiore, le campanile et le mur occidental vus de la nef. Fig. 10. Abside de S. Maria Maggiore vue de l'entrĂŠe.


Fig. 11. Abside de S. Maria Maggiore pendant le dĂŠtachement des peintures en 197 1.


Fig. 12. Ninfa, S. Maria Maggiore, saint Pierre, un ange et la Vierge de l'Ascension, V. 1160-70, (ChiĂŹteau de Sermoneta).

Fig. 13. Kurbinovo, St-Georges, memes personnages dans I'Ascension , 1191.


Fig. 14. Venise, Baptistère de St-Marc, fragment d'une Ascension, fin XIIe s. Fig. 15. Ninfa, S. Maria Maggiore, ap6tres de droite dans l'Ascension, Urbain V et Thomas d'Aquin (?), trois saintes.


Fig. 16. Ninfa, S. Maria Maggiore, tĂŠte de Pierre dans l'Ascension.


Fig. 17. Photo d'une aquarelle de Maria Barosso représentant !es peintures de la fig. 15, en 1921 (Archives Caetani ).

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Fig. 18. Ninfa, S. Maria Maggiore, détail des panneaux d'Urbain V et de Thomas d'Aquin (?), fin des années 1370.

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fig. 20. SIMONE DEI CROCEFISUrbain V, Pinacothèque de Bologne, 2e m. XIVe s. (d'après KAFTAL , III).

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Fig. 19. Ninfa, S. Maria Maggiore, Urbain V. Fig. 21. Spolète, crypte de S. Domenico, Urbain V , XIVe-XVe s. (d'après KAFTAL, II).


Fig. 22. A. BONAIUTI , Triomphe de saint Thomas (dÊtail), Florence, S. Maria Novella, v. 1365 (d'après KAFTAL, I).

Fig. 23. Ninfa, S. Maria Maggiore, Saint Thomas (?). Fig. 24. Ninfa, S. Maria Maggiore, Saint ou sainte dans !'absidiole du campanile, Xllle s.?


Fig. 25. Ninfa, S. Giovanni, carte postale ancienne, Anagni, Palais de Boniface VIII.

Fig. 26. Ninfa, S. Giovanni, ĂŠtat actuel de l'abside. Peintures de v. 1190-1200.


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Fig. 27 . Ninfa, S. Giovanni, conque, fragments de deux Anges volani.

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Fig. 28. Mégare, St-Hiérothée, coupole, fin Xlle s. (d'après LAMPAKI Sl.


Fig. 31. Ninfa, S. Giovanni, fragment du second Ange. Fig. 30. Kurbinovo, St-Georges, Archange Miche! du cul-de-four, 1191. Fig. 29 . Ninfa, S. Giovanni, conque, . fragment du premier Ange.


Fig. 32. Ninfa, S. Giovanni, premier et deuxième registres sous le cul-de-four. Fig. 33. Ninfa, S. Giovanni, personnages fragmentaires du premier registre.


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Fig. 34. Ninfa, S. G iovann i, fragments de la Vierge tr6nant,

XIVe s.

Fig. 35. a et b. Ninfa, S. G iovanni , personnage (bourreau ?) du troisième registre sous le cul-de-four.


Fig. 36. Ninfa, S. Biagio, vue vers l'abside.

Fig . 57. Ninfa, S. Biagio, l'abside.

Fig. 38. Ninfa, S. Biagio , détail d ' un pan flottant , à droite de la conque.


Fig. 39. Monreale, Cathédrale, le Christ guérissant le lépreux, 1180-90.

Fig. 41. Ninfa, S. Biagio, fragment de personnages (Apòtres?) se dirigeant vers le centre de l'abside (Chiìteau de Sermoneta).

Fig. 40 . Ninfa, S. Biagio, fragment dè personnages (Apòtres?) se dirigeant vers le centre de l'abside, V. 1190-1200.


Fig. 42 . Détail: visage d'un Ap6tre (?). Fig. 43. Pskov, église du morìastère de Mirozskij, visage de Gabriel, v. 1156, (d'après LAZAREV, Old Russian Murals and Mosaics).


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Fig. 44 . Ninfa, S. Biagio, mur sud d'où quatre figures ont été détachées en 1970.

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Fig. 45. Ninfa, S. Biagio, Sainte couronnée (détail), v. 1200 ou lère m. Xllle s. (Chateau de Sermoneta) .


Fig. 46 . N infa, S. Biagio, Sainte couronnée et éveque, v. 1200 ou l ère m. XIIIe s. (Chateau de Sermoneta).

Fig. 47. Anagni, crypte de la cathédrale, Sainte Noémisia, 2e quart XIIIe s.?


Fig. 48. Ninfa, S. Biagio, Vierge de Tendresse, XIVe s.,, (chateau de Sermoneta).

Fig. 49. Ninfa, S. Biagio, Vierge en majesté, fin Xlle - déb XIIle s., (Chateau de Sermoneta).


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Fig. 50. Ninfa ' S. p·ietro fuori le Mura vue du sud-o uest vers 1920. '

Fig. 51. Ninfa, S· p tetro, · détail du chevet.

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Fig. 52. Ninfa, S. Pietro, mur intérieur sud. Fig. 53. Ninfa, S. Pietro, extrémité nord-ouest de la nef principale.


Fig. 54. Ninfa, S. Pietro, la conque. Peintures de v. 1200-1230. Fig. 55. Ninfa, S. Pietro, conque, main du Christ tenant le livre ouvert et bord de la mandorle (còtÊ droit).


Fig. 56. Ninfa, S. Pietro, conque, borJ dc la mandorle et ange (coté droit) . Fig. 57. Ninfa, S. Pietro, conque, Ange (coté gauche).


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Fig. 60. Anagni, cryp te de la cathédrale, bandeau ornemental, 2e guart Xllle s. (d'après DEMUS, Romanische WandmaLerez). Fig. 61. H erculanum , ornement du nymphée de Neptune et Amphitrite (d'après TOUBE RT , Renouveau paLéochrétien).

Fig. 58-59. infa , S. Pietro, bandeau ornemental bordant la congue.


Fig. 62. Ninfa, S. Pietro, extrémité est de la nef sud .

Fig. 63. Ninfa, S. Pietro, nef sud, Annonciation, déb. XIVe s.


Fig. 64. Ninfa, S. Pietro, nef nord, Cruczfixion, v. 1300. Fig. 65. Détail: perizonium du Christ et geste de prière de Jean.


Fig. 66. P . CAVALLINI, saint Philippe, détail du Jugement dernier, Rome, S. Cecilia in Trastevere, v. 1290 (d'après P. TOESCA , P é. 1l'allinz). Fig. 67. Ninfa, S. Pietro, Cruci/ix zòn , détail de saint Jean.


Fig. 68 -69. Ninfa , S. Pietro. nef nord , A1111011ce à Zacharie et Naissance de ]ean-Baptiste (?) V. ]300?

é Fig. 70. N in fa, S. Pietro, nef no rd , inscription sous la Naùsance de }ean-Baptiste (?) .


Fig. 72. Ninfa, S. Pietro, Décollation de ]ean-Baptiste .

Fig. 71. Ninfa, S. Pietro, Banquet d'H érode.

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Fig. 73. Ninfa, S. Pietro, Banquet d'Hérode et Décollation de ]ean-Baptiste dessin de Maria Barosso (Archives Caetani).


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Fig. 74-75. S. Angelo sopra Ninfa, intĂŠrieur de la grotte, aquarelle de Maria Barasso, 1923 , ensemble et dĂŠtail (Archives Caetani).


Fig. 76. S. Angelo sopra Ninfa, Vierge allaitant entre l'archange Miche! et sainte Lucie, V. 1183-90, aquarelle de Maria Barosso, 1923 (Archives Caetanil.

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Fig. 77. S. Maria del Mirteto, Vierge Ă l'En/ant, XIVe s.


Fig. 78. Ninfa, S. Salvatore, chevet

Fig. 79. Ninfa, S. Salvatore, vue vers le choeur.


Fig. 80. Ninfa, S. Salvatore, Vierge de l'Ascension (?), v. 1250, (ChiĂŹteau de Sermoneta).

Fig. 81. Ninfa, S. Salvatore, apotres de l'Ascension (?), partie gauche (ChiĂŹteau de Sermoneta).


Fig. 82. Détail, visage d'un jeune apéìtre (?).

Fig. 83. Ninfa, S. Salvatore, apéìtre de l'Ascension (?), partie droite, in situ.

Fig. 84. Anagni, crypte de la Cathédrale, détail d'un soubassement peint, 2e quart XIIIe s.?


Fig. 85. Ninfa, S. Salvatore, NativitĂŠ, v. 1300, (chateau de Sermoneta).


,. Fig. 86. Lagoudera, Panaghia tou Arakou, Moi"se, 1192.

Fig. 87. erezi, St-Panteleimon, détail de la Communion des Ap6tres, 1164.

Fig. 88. Grottaferrata, détail de la mosa"ique de la Pentec6te, fin XIIe s., d'après Rendiconti della pont. Ac. di Arch. 1970 ,

Fig. 89. Venise, St-Marc, détail de l'Ascension, v. 1200 (d'après o. DEMUS, Mosaiken von 5. Marco).


Fig. 91. Tuscania, S. Pietro, Ascension (détail), 2e quart XIIe s. (d'après o. DEMUS, Romanische Wandmalerei).

Fig. 90. Farfa , ancien campanile, Ascension (détail) , Xle s.?


Fig. 94. Filettino, S. Nicola, apotres du Jugement dermer (dérail), l er tiers XIIIe s.

Fig. 92. Marcellina, S. Maria in Monte Dominici, Gabriel de l'Annonciation, v. 1200 (d'après G . MATTHIAE , Pittura romana). Fig. 93. Anagni, crypte de la cathédrale, Ange, 2e quart XIIIe s.?


Finito di stampare ¡nel mese di dicembre 1986 dalla tipografia Città Nuova della P.A.M.O.M. Largo Cristina di Svezia, 17 00165 Roma tel. 5813475/82


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