avec un essai de / with an essay by Serge Lemoine
PROJET D’ÉDITION / EDITORIAL PROJECT Forma Edizioni srl, Firenze, Italia redazione@formaedizioni.it www.formaedizioni.it RÉALISATION ÉDITORIALE / EDITORIAL PRODUCTION Archea Associati COORDINATION ÉDITORIALE ET RÉDACTIONNELLE / PUBLISHING AND EDITORIAL COORDINATION Laura Andreini SUPERVISION RÉDACTIONNELLE / TEXTUAL SUPERVISION Riccardo Bruscagli RÉDACTION / EDITORIAL STAFF Valentina Muscedra Maria Giulia Caliri Beatrice Papucci Elena Ronchi CRÉATION GRAPHIQUE / GRAPHIC DESIGN Silvia Agozzino Elisa Balducci Sara Castelluccio Vitoria Muzi Mauro Sampaolesi PHOTOLITHOGRAPHIE ET IMPRIMERIE / PHOTOLITHOGRAPHY AND PRINTING Forma Edizioni srl, Firenze, Italia
ALBERTO BIASI Tornabuoni Art 16, avenue Matignon, Paris 27 mars - 27 juin 2015
TRADUCTIONS / TRANSLATIONS Liza Gabaston
TEXTE / TEXT Serge Lemoine © 2015 Serge Lemoine Pour le texte / For the text L’éditeur est à la disposition des ayant-droits pour les éventuelles sources iconographiques non identifiées / The editor is available to copyright holders for any questions about unidentified iconographic sources.
CATALOGUE / CATALOG Forma Edizioni SUIVI ÉDITORIAL / EDITORIAL COORDINATION Francesca Piccolboni ORGANISATION / ORGANIZATION Tornabuoni Art Paris en collaboration avec / in collaboration with Alberto Biasi
© 2015 Forma Edizioni srl, Firenze, Italy Aucune partie de ce catalogue ne peut être reproduite ou transmise sous aucune forme et avec aucun moyen électronique, mécanique ou autre sans l’autorisation écrite des propriétaires des droits et de l’éditeur / All rights reserved, no part of this publication may be reproduced in any form or by any means without the prior permission in writing of the publisher. Première édition : mars 2015 First edition: March 2015 ISBN: 978-88-96780-77-0
REMERCIEMENTS AUX PRêTEURS / WE WOULD LIkE TO THANk THE LENDERS Roberto Casamonti, Tornabuoni Arte Michael Biasi, MAAB Et à tous les collectionneurs qui ont préféré rester anonymes / And all the other lenders who preferred to remain anonymous REMERCIEMENTS à CEUX QUI ONT COLLABORÉ à LA RÉALISATION DU CATALOGUE / WE WOULD LIkE TO THANk EvERYONE WHO HAS CONTRIBUTED TO THE MAkING OF THE CATALOG Gloria Franchi, Alberto Biasi, Michael Biasi, Domitille Duprat, Camille Misson, Maël Guenon des Mesnards, Elizabeth de Bertier, Audrey Frégolent
8 Alberto Biasi, IL maestro SERGE Lemoine 40 ナ置vres Works 152 Annexes Appendices
ALBERTO BIASI, IL MAESTRO Serge Lemoine
p.3 Alberto Biasi, Proiezione di luce e ombra, 1961, cube projecteur, lampe, ventilateur électrique et tôles perforées, 60×60×60 cm / Alberto Biasi, Proiezione di luce e ombra, 1961, projector cube, lamp, electric fan and perforated sheet-metal, in 23.6x23.6 x23.6 p. 4 Alberto Biasi et l’œuvre Proiezione di luce e ombra, 1961. Photographie Sergio Orlandini / Alberto Biasi and the work Proiezione di luce e ombra, 1961. Photograph by Sergio Orlandini pp. 6-7 Alberto Biasi, Trama, 1959, papier perforé superposé, 35×5 cm (détail). Œuvre exposée dans l’exposition « La nuova concezione artistica », au Circolo del Pozzetto, Padoue, 9-20 avril 1960 / Alberto Biasi, Trama, 1959, superimposed perforated paper, in 13.8x1.9 (detail). Work displayed in the exhibition entitled “La nuova concezione artistica” at the Circolo del Pozzetto, Padua, 9-20 April 1960
Alberto Biasi a été dans son pays, l’Italie, et sur la scène internationale au cours des années 1960 l’un des principaux protagonistes de l’art cinétique. Ses œuvres sont au premier coup d’œil – le terme est ici approprié – reconnaissables par leur effet et leur technique : Dinamica visuale [Dynamique visuelle] (collection Parfin, Padoue) par exemple qui date de 1961, un format carré présenté sur la pointe, montre un motif de carré noir aux limites imprécises, inscrit à l’intérieur de la surface gris-blanc du tableau. L’œuvre donne l’impression de vibrer au moindre déplacement du regard et bien qu’elle soit immobile, elle semble être immédiatement animée d’un mouvement plus ou moins rapide quand on se déplace devant elle. L’effet est obtenu au moyen de fines lanières de matière synthétique souple, de couleur blanche, légèrement torsadées, tendues et disposées depuis le centre vers le bord extérieur sur un support en bois peint en noir et qui sert de fond. C’est ce dispositif où alternent les pleins et les vides qui crée la sensation de vibration et engendre l’instabilité de la forme : ces deux caractéristiques définissent exactement le travail d’Alberto Biasi. Tous les artistes de l’époque allant dans le même sens, ceux notamment du groupe qu’il a fondé à Padoue, le Gruppo N 1, ceux d’autres formations identiques en Italie, le Gruppo T 2 à Milan, en Espagne Equipo 57 dont les membres se trouvaient en exil en France, en Allemagne le groupe Zero à Düsseldorf, en France le Groupe de recherche d’art visuel (GRAV) à Paris, ainsi que de très nombreux créateurs indépendants actifs dans toute l’Europe, tous prônaient à la fin des années 1950 et au début de la décennie suivante les mêmes idées et devaient bientôt trouver une audience internationale. À la fin de cette période qui s’étendit sur une dizaine d’années, Alberto Biasi poursuivit son œuvre en l’approfondissant et en l’enrichissant de nouveaux thèmes et d’expériences inédites au point de constituer une véritable exploration du monde de la forme et de ses transformations. Pour son premier catalogue en France, publié par les soins de la galerie Tornabuoni Art à Paris, il n’est pas inutile d’en rappeler les principales étapes et les caractéristiques essentielles.
During the 1960’s, Alberto Biasi was one of the main protagonists of Kinetic art both in his country, Italy, and on the wider international scene. His works are recognizable at first glance – a rather fitting term here – by their effect and technique: Dinamica visuale [Dynamic visual] (Parfin collection, Padua) for example, which dates from 1961 and features a square shape balancing on one of its corners, shows a black square motif with blurry outlines, set against the grey-white surface of the painting. The picture appears to be vibrating at the slightest shift of the gaze, and although it is stationary, it immediately seems to start moving with varying intensity as the viewer’s position changes. This effect results from the use of thin, white strips of flexible synthetic material, which have been lightly twisted, stretched and arranged from the center towards the outside border of the frame, on a wooden base painted in black and serving as a backdrop. This device, in which fullness and emptiness alternate, is what creates the sensation of vibration and instability: these two characteristics are an exact definition of Alberto Biasi’s work. All of the artists of that time who were going in the same direction, including those belonging to the group Biasi formed in Padua, the Gruppo N 1, or other artists from identical movements in Italy, such as the the Gruppo T 2 in Milan, advocated the same ideas by the end of the 1950’s and in the early 1960’s, and were soon to find an international audience. This was also true of Equipo 57 in Spain, whose members were exiled in France, the Zero group in Düsseldorf, Germany, the Groupe de Recherche d’Art Visuel or GRAV in Paris, France, as well as the numerous independent creators who were active all across Europe. Towards the end of that period, which extended over about a decade, Alberto Biasi pursued his work by deepening it and enriching it with new themes and unprecedented experiments, so much so that he engaged in a veritable exploration of form and the way it can be transformed. For the artist’s first French catalog, published on the initiative of the Tornabuoni Art gallery in Paris, it is worth going over the key milestones and essential characteristics of this adventure.
1. Son histoire Alberto Biasi est né en 1937 à Padoue. Il effectue ses études supérieures à Venise à la Faculté d’architecture et à l’École de dessin industriel où il découvre l’art du XXe siècle au sein duquel l’intéressent plus particulièrement le futurisme, le dadaïsme et l’art de Mondrian. Alberto Biasi commence son œuvre
1. His story Alberto Biasi was born in 1937 in Padua. He completed his graduate studies in Venice, at the Institute of Architecture and School of Industrial Design, where he discovered 20th century art, and became mainly interested in Futurism, Dadaism and the art of Mondrian. Alberto Biasi started working on
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Chaque œuvre est élaborée dans l’atelier et montée au moyen d’outils et de machines appropriées à la façon des pièces de mécanique, puis expérimentées. La réalisation totalement neutre ne doit rien à l’habileté de la main ni à l’inspiration de son auteur. Les résultats sont proportionnellement inverses aux moyens engagés. Avec les trames, les effets visuels restent discrets. Mais les objets et les reliefs optiquescinétiques se montrent très efficaces : le mouvement ressenti est très puissant, l’œuvre se transforme au changement de position de la personne qui la regarde, les motifs géométriques ou plus informels qui apparaissent dans les reliefs optiques-dynamiques, comme ces Gocce [Gouttes] qu’Alberto Biasi nomme ainsi par analogie, bougent, changent de place et se transforment. Les vibrations sont intenses et la relation installée entre l’œuvre et l’œil de la personne la regardant 18 donne tout son sens à sa démarche. Il utilise lui-même le motif du disque, de la cible, des cercles concentriques, retenu également au cours de la période par Tadasky, Claude Tousignant, Joël Stein, Julio Le Parc et par Kenneth Noland dans un registre autre, tous ces artistes prenant la suite des Disques simultanés de Robert Delaunay et des Prismes électriques de Sonia Delaunay. Fort de sa logique, Alberto Biasi réalise en 1966 une œuvre qu’il intitule Occhio inquieto [Oeil inquiet] (collection particulière, Sacile) : elle est constituée d’un tondo avec un motif de cercle concentrique de couleur rosée, le centre étant bleu, les lanières torsadées permettant à l’ensemble d’irradier. Alberto Biasi a placé le tableau au centre d’un montage en ellipse, formant un cadre, avec les extrémités pincées de sorte que cette disposition représente un œil avec son iris et la pupille. L’analogie est donc parfaitement assumée et l’assimilation totale entre l’œuvre et l’œil qui la regarde.
3. Sa place Alberto Biasi et le Gruppo N avec lui ont figuré au premier rang de la scène artistique des années 1960 et du mouvement lumino-cinétique. Les intérêts manifestés par ses protagonistes viennent de loin, du début du XXe siècle, de Robert et Sonia Delaunay, du futurisme, de Frantisek Kupka. Ils se manifestent de façon plus précise et concrète dans les années 1920-1930 avec Marcel Duchamp et ses machines optiques, avec László Moholy-Nagy, lequel, à côté de ses tableaux, de ses machines lumino-cinétiques et de ses photogrammes, compte aussi avec ses livres fondamentaux que sont Malerei Fotografie Film [Peinture Photographie Film] et plus tard Vision in Motion 19 [Vision en Mouvement], Alexander Calder et ses mobiles,
subdued. But the objects and optico-kinetic reliefs are highly effective: the feeling of movement is very powerful, and the artwork transforms as the viewer changes position. The geometric or more informal motifs that appear in the optico-kinetic reliefs, such as Gocce [Drops] - which Alberto Biasi named this way by analogy, - undergo a series of shifts, changes and transformations. The vibrations are intense, and the relationship established between the work and the gaze of the viewer 18 gives its full meaning to the artist’s approach. Biasi himself played with motifs such as discs, targets, concentric circles, also used over the same period by Tadasky, Claude Tousignant, Joël Stein, Julio Le Parc, and Kenneth Noland, in a different way – all influenced by Robert Delaunay’s Disques simultanés [Simultaneous Discs] and Sonia Delaunay’s Prismes électriques [Electric Prisms]. In keeping with his own logic, Alberto Biasi created, in 1966, a work entitled Occhio inquieto [Anxious Eye] (private collection, Sicily): it is made of a tondo with a motif of a pink-colored concentric circle, with a blue center and twisted strips that make the entire piece radiate. Alberto Biasi placed the picture at the center of an elliptic set up, forming a frame whose extremities are pinched together, in such a way that the layout represents an eye with its iris and pupil. There is, consequently, a perfectly assumed analogy and complete assimilation between the artwork and the eye that contemplates it.
3. His place Alberto Biasi and the Gruppo N were at the forefront of the artistic scene and Lumino-Kinetic movement in the 1960’s. These protagonists’ interests can be traced a long way back, to the early 20th century, with Robert and Sonia Delaunay, Futurism and Frantisek Kupka. These principles were more clearly manifested in the 1920’s-1930’s with Marcel Duchamp and his optical machines, or with László Moholy-Nagy, who, in addition to his paintings, Lumino-Kinetic machines and photograms, wrote seminal books such as Malerei Photographie Film and later Vision in Motion. 19 They can also be found in Alexander Calder’s mobiles, and lastly the experimental cinema of Viking Eggeling, Hans Richter, Walter Ruttmann, Oskar Fischinger, among many others. The key starting point, however, remains the “Le Mouvement” show, presented at the Denise René Gallery in Paris in 1955, which brought together, for the first time, four young artists of different origins, all residing in the French capital: Yaacov Agam, Pol Bury, Jesus Rafael Soto and Jean Tinguely, alongside
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Marcel Duchamp avait forgé le terme de « regardeur », affirmant que c’est celui-ci qui « fait le tableau ». / Marcel Duchamp forged the French term “regardeur” [viewer], pointing out that the viewer is the one who “fait le tableau” [makes the painting]. 19 Bauhausbücher 8, Albert Langen, Munich, 1925 et Paul Theobald, Chicago 1947. / Bauhausbücher 8, Albert Langen, Munich, 1925 et Paul Theobald, Chicago 1947.
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Alberto Biasi devant l’œuvre Politipi, 1970 / Alberto Biasi in front of the work Politipi, 1970
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Alberto Biasi, Eco con sedia di Van Gogh, 1974-1997, détrempe fluorescente sur toile et lampe de Wood. C’est une variante de la grande toile réalisée par Biasi durant la décennie de dissolution du Gruppo N comme métaphore de ses rapports avec le groupe
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Alberto Biasi, Eco con sedia di Van Gogh, 1974-1997, phosphorescent tempera on canvas and Wood’s lamp. It is a variant of the large canvas executed by Biasi in the decade of the dissolution of the Gruppo N as a metaphor for his relationship with the group
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ŒUVRES WORKS
Dinamica visiva 1961 relief en PVC sur panneau / PVC relief on panel 21×21×3 cm/ in 8.3×8.3×1.2
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Politipo 1970 relief en PVC sur panneau / PVC relief on panel 80Ă—175 cm / in 31.5Ă—68.9
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Effetto gocce... Su superficie mossa 2000 relief en PVC sur panneau / PVC relief on panel 177×249×4.5 cm / in 69.7×98×1.8
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Dinamica rettangolare 1996 relief en PVC sur panneau / PVC relief on panel 180Ă—110 cm / in 70.9Ă—43.3
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Dinamica visiva rettangolare 1997 relief en PVC sur panneau / PVC relief on panel 180Ă—110 cm / in 70.9Ă—43.3
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Smetti di toccare 2002 acier corten / corten steel 98 cm ø / in ø 38.6
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Mister snob 2009-2010 acrylique sur toiles incisées assemblées en relief / acrylic on relief-assembled incised canvases 70×80×5 cm / in 27.6×31.5×1.9
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Movimento stravagante 2014 acrylique sur toiles incisées assemblées en relief / acrylic on relief-assembled incised canvases 100×116×5 cm / in 39.4×45.7×2
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Agli estremi 2010 acrylique sur toile incisée et bois / acrylic on incised canvas and wood 147×83×4 cm / in 57.9×32.7×1.6
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BungaBunga 2012 acrylique sur toile incisée et bois / acrylic on incised canvas and wood 70×43 cm / in 27.6×16.9
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Biographie
Alberto Biasi, fils de Giuseppe Biasi et Silvia Zappi Recordati, est né à Padoue le 2 juin 1937. Sa famille avait déjà produit un artiste, Lavinia Fontana, nom bien connu de la peinture du 17e siècle, et un poète, Tirsi Leucasio, fondateur de l’Académie de l’Arcadie avec Métastase. Alberto perd tôt sa mère, pendant la guerre, et part vivre chez sa grand-mère paternelle à Carrara San Giorgio, un petit village des environs de Padoue, où celle-ci tenait une taverne. Il grandit au contact des gens de la région, dans une atmosphère familiale, avant de retourner à Padoue pour poursuivre ses études secondaires. Il étudie ensuite à l’Ecole d’architecture et à l’Ecole de dessin industriel de Venise, où il bénéficie d’une bourse créée par Paolo Venini. Ces années marquent le début de la passion de Biasi pour l’art, et son étude approfondie des mouvements clés du 20e siècle : le Néoplatonisme, le Futurisme et Dada sont au cœur de la formation du jeune Biasi. Il commence à enseigner le dessin industriel et l’histoire de l’art dans les écoles publiques en 1958, et obtient un poste permanent d’enseignement des arts graphiques appliqués à la publicité, qu’il occupera sans interruption de 1969 à 1988. Sa propre activité artistique prend forme au même moment, et il reçoit, des mains de Virgilio Guidi, le premier prix lors de la 4e Biennale des jeunes artistes de Cittadella, en 1959 : c’est la première récompense publique reçue par un artiste qui, malgré son jeune âge, commence déjà à développer sa propre personnalité, sous l’influence de diverses sollicitations, aspirations politiques et préoccupations artistiques. Le Gruppo N est formé à Padoue et Biasi, son guide spirituel, travaille avec ce collectif jusqu’à sa dissolution définitive en 1967. Il développe très vite ses contacts à l’échelle nationale et internationale, et expose son travail dans les années ʼ60 avec Manzoni et Castellani, de même que les artistes européens du groupe Nouvelle Conscience Artistique. Profondément engagé dans le bouillonnement de ces années d’innovation, il rejoint le mouvement Nuove Tendenze en 1961 et prend part à la fondation du mouvement Arte Programmata en 1962, avec le reste du Gruppo N, Bruno Munari, Enzo Mari et le Gruppo T. Biasi fonde sa propre création sur de nouveaux principes au cours de ces premières années. L’interaction entre l’œuvre et le spectateur devient un pilier indispensable de sa recherche artistique, et le mouvement – au sens passif de déplacement virtuel, apparence du mouvement – conduit l’artiste à aborder le problème de la kinésie et l’exploration complémentaire de la perception visuelle et de la réaction individuelle
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aux stimuli lumineux. L’activité de cette période est marquée par les Trame (Trames), première étude de l’interférence du mouvement de la vision et de la lumière naturelle, sur une surface statique d’origine naturelle faite de couches superposées, fruit de l’observation d’éléments primitifs complexes tels que les ruches. Parallèlement aux Trame, il se lance bientôt dans la production des Rilievi ottico-dinamici (Reliefs optico-dynamiques) : des structures laminées faites de la superposition de couleurs contrastées, qui produisent un évènement visuel dépendant du mouvement du spectateur, lequel devient de ce fait un « acteur » conjointement associé à l’œuvre. Parmi les autres séries qui font leur apparition au cours de cette période, on peut mentionner Forme dinamiche (Formes dynamiques), obtenues par la torsion de fines plaques issues de divers matériaux disposées sur des supports de différentes couleurs, selon une organisation géométrique rigoureusement calculée, les Fotoriflessioni (Photoréflexions), animées d’un mouvement véritable, et les Ambienti (Ambiances), atmosphères de lumière et de liquide en mouvement, soumises à un changement permanent. Parmi les exemples les plus significatifs de cette dernière entreprise, on peut citer Grande Tuffo nell’arcobaleno (Grande Plongée dans l’arc-en-ciel), Eco (Echo), et le triptyque Io sono, tu sei, egli è… quindi siamo (Je suis, tu es, il est… donc nous sommes). Entre temps, le Gruppo N s’est dissout, marquant la fin d’une approche collective adoptée dans la logique d’un fort engagement politique et idéologique (illustré par le fait que Biasi s’est décrit lui-même, durant cette période, comme un « opérateur artistique », soulignant ainsi la dimension sociale de son activité). Il continue alors, en solitaire, à développer les thèmes qui sont restés son « heureuse obsession » depuis lors. Son engagement civique, toutefois, se poursuit au cours des années, et il participe pleinement à la vie de sa cité. En tant que directeur de l’Agence provinciale du tourisme de Padoue à la fin des années 1970 et au début des années 1980, il développe des projets culturels et artistiques autour de la ville de Padoue, de son histoire culturelle et de son environnement naturel. Au même moment, sa création traverse de nouvelles phases d’étude et d’expérimentation. Des explorations plus poussées sur l’impact de la lumière naturelle conduisent aux Politipi (Polytypes), nouvelle série d’œuvres au pouvoir hypnotique indéniable, résultant de la torsion, de l’étagement et du tissage de plaques et de bandes issues de différents matériaux, dont l’interaction reflète la quête d’un mouvement
harmonique, auquel s’ajoute la troisième dimension de la profondeur, évoquée plus que mise en scène. Les Politipi des années 1970 évoluent au cours de la décennie suivante en incorporant des éléments de figuration. Les effets de perception deviennent de plus en plus complexes, marqués par une tentation figurative qui inclut des effets tridimensionnels de profondeur, ainsi que l’illusion ou la réalité d’une lumière interceptée entre les couches de matériaux superposés. Le jeu qui s’établit entre le spectateuracteur et l’œuvre d’art devient à la fois plus structuré et plus libre, et la forme s’enrichit d’images aisément reconnaissables, auxquelles l’œil peut se fier avec certitude. Tapies dans ces œuvres et circonscrites en leur sein, toutefois, émergent de nouvelles « astuces » optiques résultant d’une manipulation de la lumière, qui se modifie selon les changements de point de vue, témoignant de ce fait de la variabilité absolue de la perception chez le spectateur. Interpellé et mis au défi de la sorte au cours de la vaste exposition organisée à Padoue au Musée des Eremitani en 1988, le public répond avec enthousiasme et se presse en grand nombre (42.000 visiteurs). Les Politipi s’enrichissent ensuite, au cours des années 1990, d’un élément que Biasi avait jusque-là en quelque sorte négligé, à savoir la peinture, à travers l’insertion de couleurs, de traces, d’ombres et d’allusions, qui servent de contrepoint à la structure complexe de surfaces étagées. Issue de cette expérience, la série intitulée Assemblaggi (Assemblages), donne souvent lieu à des diptyques et triptyques, qui se sont développés, au cours de ces dernières années, dans le sens d’une utilisation de plus en plus stricte, cohérente et rigoureuse de la couleur, qui tend vers le monochromatisme. Dans cette combinaison et cette superposition de surfaces assemblées, l’extrême rigueur du monochrome souligne le « point limite » de la crise de la lecture linéaire de l’œuvre, où des plans de couleurs convergent vers une source en trois dimensions, évoquant ainsi un espace générateur d’énergie. Et c’est cet espace qui constitue le point de départ du mouvement de Biasi vers la sculpture, un intérêt nouveau mais qui était en fait implicite dans l’ensemble de son œuvre. L’acier patinable, l’aluminium et le méthacrylate sont les matériaux utilisés par Biasi pour répondre au défi de la profondeur dans des œuvres de grande échelle, dont certaines sont conçues pour des espaces ouverts. Des blocs verticaux en forme de totems, des spirales interrompues, des structures hélicoïdales faites de tuyaux métalliques étroitement soudés sont autant de transpositions et de réinventions, résultat de l’« heureuse obsession » de Biasi et
de ses explorations permanentes dans le champ de la perception visuelle. Après sa contribution aux douze expositions du Gruppo N, Biasi a participé à plus de cent expositions individuelles, tout en participant à d’innombrables évènements collectifs, tels que la Biennale de Venise (32e et 42e éditions), la Quadriennale de Rome (10e, 11e et 14e éditions), la Biennale de São Paulo (11e édition), et les plus importantes biennales d’art graphique. Parmi les nombreuses récompenses internationales de premier plan qui ont couronné son travail, on peut citer le prix obtenu pour Io sono à la Compétition mondiale de lithographie, organisée conjointement par le California College of Arts and Crafts et le San Francisco Museum of Art. L’exposition de trente œuvres au musée de l’Hermitage à Saint-Pétersbourg en 2006, et l’exposition « Kaleidoscope: dalle trame agli assemblaggi » au Museo del Palazzo Reale de Gênes, en 2009, ont toutes deux été de grands succès. Les œuvres de Biasi sont exposées au Museum of Modern Art à New York, à la Galleria Nazionale de Rome, au musée de l’Hermitage à Saint-Pétersbourg, dans des musées de Belgrade, Bolzano, Bratislava, Buenos Aires, Ciudad Bolivar, Epinal, Gallarate, Guayaquil, Livourne, Lodz, Ljubljana, Middletown, Padoue, Prague, San Francisco, Saint Louis, Tokyo, Turin, Ulm, Venise, Waldenbuch, Wroclaw et Zagreb, ainsi que dans de nombreuses collections en Italie et dans d’autres pays. Rédigée par Isabella Panfido
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· Astri e particelle. Le parole dell’universo, sous la dir. de Roberto Battiston, Palazzo delle Esposizioni, Roma, 27 octobre 2009-14 février 2010 · Oltre il Paesaggio, Villa Brandolini, Pieve di Soligo, 15 février-19 avril 2009 · Futurismo: Avanguardia delle Avanguardie, Studio 2B Boggi Arte, Bergamo, 20 février-20 mars 2009 · Continuità in movimento, LACLagorio Arte Contemporanea, Brescia, 23 mai-18 juin 2009 · Premio Michetti 2009, MUMIMuseo Michetti, Francavilla al Mare, 25-31 juillet 2009 · Viaggio in Italia, sous la dir. de Piero Boccuzzi, Calandra Arte Contemporanea, Manarola, 8-23 août 2009 · Leggere dagli anni ’60: da Milano al gruppo N di Padova, Kanalidarte, Brescia, 2009 · Le Edizioni di Arte Struktura, Sala esposizione Pallizza - Il Brunitoio, Ghiffa, 2009 · Piccoli contemporanei, Fioretto Arte Contemporanea-Galleria Al Montirone, Abano Terme, 5 décembre 2009-30 janvier 2010 · Percorso immaginario, Bonioni Arte, Reggio Emilia, 5 décembre 2009-31 janvier 2010 · Capolavori del Novecento, Galleria Perl’A, Venezia, 23 décembre 2009-20 janvier 2010 2010 · Il grande gioco, forme d’arte in Italia 1947- 89, Rotonda della Besana, Milano, 24 février-9 mai 2010 · Percorsi dello sguardo-arte del novecento e oltre, sous la dir. de Nicola Galvan, Centro Culturale Altinate-San Gaetano, Padova, 30 octobre 2010-9 janvier 2011 · L’avanguardia gestaltica degli anni sessanta, sous la dir. d’Enrico Baleri, Galleria del Tasso, Bergamo, 6 mars-6 mai 2010 · Arte cinetica e programmataL’arte del movimento, Galleria Edieuropa-Qui arte contemporanea, Roma, 21 novembre 2010-12 février 2011
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· Oltre il grande rettile: finestre sull’arte contemporanea a Livorno, Museo Civico Giovanni Fattori-Villa Mimbelli, Livorno, 15 juillet-12 septembre 2010 · Brainstorming. Combattimento per un’immagine, Studio 2B Boggi Arte, Bergamo, 2010 2011 · 54. Esposizione Internazionale d’Arte: ILLUMInazioni, Padiglione Italia, Corderie dell’Arsenale di Venezia, Venezia, 4 juin-27 novembre 2011 · Edge Of Becoming, Museo Palazzo Fortuny, Venezia, 4 juin-27 novembre 2011 · Italian Zero & Avantgarde ‘60s, sous la dir. d’Allegra Ravizza, MAMM, Moscow, 13 septembre-30 octobre 2011 · Cinquat’anni: l’avanguardia gestaltica degli anni sessanta, Kanalidarte, Brescia, 2011 · L’arte delle meraviglie. Capolavori tra Novecento e terzo millenio, Borgo Cardigliano, Specchia, 13-27 août 2011 2012 · Vincenzo Balena-Alberto Biasi. Dalla 54a biennale di Venezia, Valmore Studio d’Arte, Vicenza, 3 février-23 mars 2012 · Ritratto di una collezione: dal Tintoretto al Gruppo Enne, Fondazione Cassa di Risparmio di Padova e Rovigo, Palazzo del Monte, Padova, 16 mars-31 juillet 2012 · Biasi e Licata, Casa Cillo, Cappella Maggiore, 2012 · Arte programmata e cinetica da Munari a Biasi, Colombo e…, sous la dir. de Giovanni Granzotto, Mariastella Margozzi, Galleria nazionale d’arte moderna, Roma, 22 mars-27 mai 2012 · Géométrie, Galerie Lélia Mordoch, Paris, 2012 · Programmare l’arte. Olivetti e le neo avanguardie cinetiche, sous la dir. de Marco Meneguzzo, Enrico Morteo, Alberto Saibene, Negozio Olivetti, Venezia, 30 août-28 octobre 2012
· 1960. Arte programmata & Gruppo Zero, Palazzo Sturm, Bassano del Grappa, 14 septembre 2012-20 janvier 2013 · Cantiere del ‘900. Opere delle collezioni Intesa Sanpaolo, Gallerie d’Italia Piazza Scala, Milano, 25 octobre 2012-18 janvier 2014 · Programmare l’arte. Olivetti e le neo avanguardie cinetiche, sous la dir. de Marco Meneguzzo, Enrico Morteo, Alberto Saibene, Museo del Novecento, Milano, 9 novembre 2012-3 mars 2013 2013 · Pittori d’oggi: Francia-Italia, sous la dir. de Giovanna Barbero, Frédérique Malaval, Palazzo delle Promozioni delle Belle Arti, Torino, 21 février-30 mars 2013 · Bianco Italia, sous la dir. de Dominique Stella, Galerie Tornabuoni Art, Paris, 26 avril-13 juillet 2013 · DeltArte-il Delta della creatività, Parco Regionale Veneto del Delta del Po, Taglio di Po, 27 mai-29 septembre 2013 · Percezione e Illusione: Arte Programmata e Cinetica italiana, sous la dir. de Giovanni Granzotto, Micol Di Veroli, Museo Macba, Buenos Aires, 10 octobre-8 décembre 2013 · Visioni –Arte Programmata e cinetica, Galleria Nuovo Spazio, Palazzo Manin, Udine, 28 septembre-2 novembre 2013 · Buongiorno Rovereto! La linea e il circolo, Galleria PoliArt, Rovereto, 18 mai-7 septembre 2013 · Con l’armonia che temperi e discerni, TOMAV-Torre di Moresco Centro Arti Visive, Moresco, 3 août-8 septembre 2013 · Oggettualità #1, Galleria PoliArt, Milano, 2013 · Esperienze veneziane. Ricerche sullo spazio dal dopoguerra ai giorni nostri, Torre Alioth, Jesolo, 21 décembre 2013-12 janvier 2014 · La leggerezza della Scultura
2013. VIII Edizione, Parco dell’Arte di Cerrina, Cerrina, 6 octobre-10 décembre 2013 · Artisti nello spazio da Lucio Fontana ad oggi: una storia dell’arte ambientale italiana, Complesso Monumentale di San Giovanni, Catanzaro, 19 octobre-29 décembre 2013 · Sconfinamenti / digressions gioielli e oltre...oggetti e sculture, Piano Nobile Pedrocchi, Padova, 10 octobre-15 décembre 2013 · Bianco Italia, sous la dir. de Dominique Stella, Galleria Tornabuoni Arte, Firenze, 4 octobre-9 novembre 2013 · Percezione e Illusione: Arte Programmata e cinetica in Italia anni ’60 e ‘70, sous la dir. de Giovanni Granzotto, Micol Di Veroli, Museo Macla, La Plata, 18 décembre 2013-15 mars 2014 2014 · Objets ludiques-L’art des possibilités, Museo Tinguely, Basel, 19 février-11 mai 2014 · Black, Galleria Dep Art, Milano, 8 avril-12 juillet 2014 · Arte Cinetica e Programmata in Italia 1958-1968, sous la dir. de Marco Meneguzzo, Yamanashi Prefectural Museum of Art, Yamanashi, 26 avril-15 juin 2014 · Repetita iuvant. Il multiplo d’autore nel Novecento, Galleria La Rinascente, Padova, 22 mars-27 avril 2014 · Black & white, Galleria E 3 Arte Contemporanea, Brescia, 10 mai-28 juin 2014 · La percezione creativa a Nordest, Palazzo Todesco, Vittorio Veneto, 3 mai-6 juillet 2014 · EremitArte. Sculture in piazza Eremitani, Piazza Eremitani, Padova, 16 mai-14 septembre 2014 · Arte cinetica, Museo Santa Giulia, Sala dell’Affresco, Brescia, 23 mai-8 juin 2014 · Licht und bewegung/light and movement/luce e movimento, Galleria Kanalidarte, Brescia, 24 mai-10 septembre 2014
· Rubedo, sous la dir. de Alberto Zanchetta, Menhir Arte Contemporanea, La Spezia, 14 juin-17 août 2014 · Dinamiche visive tra naturale e artificiale, Colossi Arte Contemporanea, Brescia, 21 juin-30 juillet 2014 · The movements of things, Galerie Stefan Hildebrandt, St. Moritz, 25 juillet-27 septembre 2014 · Arte Cinetica e Programmata in Italia 1958 -1968, sous la dir. de Marco Meneguzzo, Sompo Japan Museum of Art, Tokyo, 8 juillet-24 août 2014 · AZIMUT/H. Continuità e nuovo, sous la dir. de Luca Massimo Barbero, Peggy Guggenheim Collection, Venezia, 20 septembre 2014-19 janvier 2015 · A new visual dialogue, De Buck Gallery, Saint-Paul De Vence, 9 octobre-8 novembre 2014 · GREAT EXPECTATIONS#1. The sense of the Future in the Art of the Sixties, sous la dir. de Marco Meneguzzo, Cortesi Contemporary, Lugano, 24 septembre 2014 · A new visual dialogue, De Buck Gallery, New York, 9 octobre-8 novembre 2014 · Around Zero, Padiglione delle Arti, Marcon, 10 octobre-30 novembre 2014 · A new visual dialogue, De Buck Gallery, Antwerpen, 9 octobre-8 novembre 2014 · Zero in Aspen, Gallery 1949, Aspen, 23 décembre 2014-30 janvier 2015 2015 · The archers of light, The Mayor Gallery, London, 8 janvier-12 février 2015
Première apparition du terme « OP ART » dans la revue Time le 23 octobre 1963. L’œuvre reproduite p. 11, en haut : Gruppo N – exécution Alberto Biasi, Geometric transformation, 1960 / First occurance of the term “OP ART” in Time magazine on the 23 October 1963. The work reproduced p. 11, above: Gruppo N – execution by Alberto Biasi, Geometric transformation, 1960
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