Nada Diane Fridi mémoire

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2011 Nada Fridi

La chambre de bonne Typologie Parisienne de logement individuel



Texte écrit par : Nada Diane FRIDI 6, rue Poulet 75018 Paris nadafridi@gmail.com

Mémoire Master 2 Enseignants encadrements : Nabil BEYHUM Gérard CHARCOSSET André DEL

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Les combles de Paris abritent une multitude d’histoires. Tant de Parisiens, nés ici, venus de province ou de plus loin encore, sont passés par ces chambres. Ils étaient transis de froid en hiver, ils suffoquaient de chaleur en été. Ils étaient étudiants, poètes, artistes, veufs, pauvres, immigrés africains, maghrébins, chinois ou polonais. Ils y venaient de temps en temps, pour y cacher des amours illicites, pour y réviser et y rêver, pour y mettre à l’abri leurs possessions ou alors y vivaient, n’ayant pas d’autre choix de logements dans cette ville luxueuse et animée. Mais avant tous ceux-là il y’avait les bonnes, celles après lesquelles ont été baptisées ces chambrettes de service, petites et inconfortables. Les bonnes ont petit à petit disparu, mais les immeubles dans les couronnements desquels elles habitaient sont restés. Ils constituent une grande partie du marché immobilier parisien et sont toujours habités, souvent rénovés, rarement détruits. Le temps est passé sur ces immeubles, les embarquant dans les changements de l’histoire et les faisant participer à l’évolution des modes de vie dans la capitale. La façade des immeubles de rapport n’a pas changé mais leur population, leur organisation interne et leur hiérarchie originale ont été bouleversées. À travers une analyse du logement parisien et de ses influences, aussi bien historiques, architecturales que sociologiques, nous arrivons à retracer et à justifier l’histoire de la chambre de bonne depuis sa création au XIXe siècle jusqu'à sa lente disparition dans les années 2000.

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Sommaire Introduction p1 Hier p4 Mise en place du contexte historique de la création de l’espace analysé A. Évolution de l’espace domestique à Paris du XVIIe au XIXe siècle.

p5

1. Évolution de la ville médiévale p5 a. D’Henri IV à Louis XV p5 b. L’organisation spatiale de la famille aristocrate et bourgeoise Parisienne p 6 2. Paris moderne : changements morphologiques et sociaux p7 a. de Napoléon Ier à Napoléon III p7 b. L’esprit du XIXe siècle. p9 c. Les conséquences de l’industrialisation sur le logement p10 B. La place de la bonne, sous les combles

p12

1. La bonne à tout faire. p12 2. Le logement des bonnes. p13 a. L’immeuble p13 b. La chambre. p13 c. la société face aux chambres de bonnes. p15 C.

Après les bonnes, qui habita les mansardes ?

p16

1. Et la bonne disparut p16 2. Les nouveaux locataires du sixième. p18 a. Les immigrés. P18 b. Les étudiants. p21 c. Les autres. p22 Aujourd’hui p24 Vision globale de la transformation actuelle de l’espace analysé A.

La chambre de bonne, typologie particulière de logement parisien

p25

1. La chambre de bonne et la loi 2. Le marché lucratif de la chambre de bonne 3. Les particularités socio-immobilières de Paris. 4. Typologie, la chambre de bonne est-elle un studio comme les autres?

p25

B.

p 28

Les deux tendances contraires d’exploitation de la chambre de bonne

p27 p28

1. La paupérisation p28 2. L’embourgeoisement p29 3. Les habitants de ces nouveaux appartements. p30 Et demain ? Conclusion p34 Notes et images p36, 37 Bibliographie p38-40 5


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Hier Mise en place du contexte historique de la création de l’espace analysé

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A.Évolution de l’espace domestique à Paris du XVIIe au XIXe siècle.

1.Évolution de la ville médiévale

a.

D’Henri IV à Louis XV

Le XVIIe siècle marque une rupture du point de vue de l’urbanisme Parisien. Henri IV prend le pouvoir et entreprend des modifications pour embellir la ville médiévale où il siège, afin de lui donner un rayonnement international. C’est sous son règne que sont construits le Louvre, les Tuileries, le Jardin des plantes, le Jardin du Luxembourg. Une fièvre de la construction et du renouveau s’empare de la ville, des plans prenant compte de Paris dans sa totalité, son dessinés, des ponts sont construits en grand nombre, des places dégagées et aménagées, des hôpitaux sont ajoutés ( hôpital du Val-de-Grace, hôpital Saint-Louis), ainsi que des églises. Des quartiers entiers sont mis en valeur afin d’y construire d’élégants hôtels particuliers. L’opération immobilière la plus marquante de ce type, fut celle du marais où l’on aménagea la place des Vosges et de nombreux hôtels particuliers, dont le pavillon du roi et le pavillon de la reine. Après le règne d’Henri IV, les constructions ralentirent, mais la ville continua sa lente évolution. Sous le règne de Louis XIV les murailles de Paris tombent, le Louvre est achevé, les invalides et l’institut sont construits ; tout cela dans un style classique. Au XVIIIe siècle, Paris devient le centre d’un réseau routier qui permet d’atteindre tout le pays. Louis XV fait construire la place Louis XV (future place de la Concorde) puis les champs de Mars et l’Ecole Militaire. La vogue du quartier du marais s’atténue au profit des faubourgs Saint Germain et Saint Honoré où de grandes opérations privées ont lieu. À la fin du siècle Paris s’étend vers l’Ouest et l’axe qui correspond aujourd’hui aux Champs Elysées est prolongé jusqu’à l’actuel Pont de Neuilly.

b.L’organisation spatiale de la famille aristocrate et bourgeoise Parisienne

La Révolution française a bouleversé l’ordre social féodal établi au Moyen Age. Lentement l’esprit féodal de l’Ancien Régime qui réunissait dans une même maison la famille nucléaire, la famille éloignée, les apprentis, les domestiques et « intégrait (ceux-ci) à la maison des maîtres comme les vassaux à celle de leur suzerain » 1, laisse place à un désir d’intimité de la part des classes aisées et fait lentement évoluer l’espace domestique. Au XVIIe et XVIIIe siècle, les parisiens aisés habitent des hôtels particuliers généralement composés de quatre appartements ; deux pour le maître des lieux et deux pour son épouse. Le mot appartement désigne alors la suite de pièces occupées par une personne ; ainsi les appartements de la maîtresse de maison étaient composés de nombreuses chambres, vestibules, gardes robes, bureaux, salle de réceptions menant les unes dans les autres. La vie des personnes aisées était basée sur la réception. Le rôle de la femme était de maintenir le statut et le rang de sa famille à travers une vie sociale active, et de nombreux domestiques participaient à la bonne marche d’une maison et au bon déroulement des nombreux banquets, dîners et autres événements organisés dans les hôtels particuliers. Les visiteurs étaient admis dans les différentes pièces d’un appartement selon leur rang social et leurs degrés d’intimité avec leurs hôtes. Les domestiques et les enfants étaient logés ensemble dans des pièces inadaptées. Les enfants étaient confiés à des nourrices puis aux domestiques, avant d’être envoyés dans des écoles, collèges et pensionnats. Quand ils résidaient chez leurs parents, le soir venu, ils dormaient dans le bureau, la garde robe de leur mère ou dans d’autres pièces aussi peu prévues pour cet usage. 9


La ville de Paris n’est pas peuplée que d’aristocrates et de grands bourgeois habitant des hôtels particuliers. Les citoyens de la ville habitent des logements adaptés à leurs bourses, allant de l’immeuble à étages ou de la maison au pire taudis. La maison à étage peut abriter la famille du propriétaire ainsi que plusieurs locataires occupant des portions plus ou moins grandes dans les étages. A cette période encore il était inconcevable de revendiquer le droit à l’intimité. La maison était traversée à tout moment par n’importe lequel de ses habitants, et certaines pièces étant traversantes, il n’était pas rare qu’un ouvrier louant une chambre à l’étage traverse la chambre de la fille du propriétaire pour accéder à la sienne. Dans certaines maisons, les escaliers donnaient directement dans des pièces à vivre, la seule cuisine était au rez-de-chaussée et il n’y avait ni vestibule ni couloir servant d’espaces tampons entre les espaces partagés et les espaces privés.

2.Paris moderne : changements morphologiques et sociaux

a. De Napoléon Ier à Napoléon III

Au début du XIXe siècle Paris fait le tiers de sa taille actuelle avec ses douze arrondissements délimités en 1795, entourés de l’enceinte des fermiers généraux. La révolution industrielle, l’afflux vers la capitale, la spéculation foncière, les changements sociétaux, et les différents gouvernements vont faire basculer la ville dans l’ère moderne. Napoléon Bonaparte fait de Paris la capitale de son empire et projette de détruire la ‘fourmilière étouffée’ qu’est la ville ancienne. Il n’en fait rien et se contente d’améliorations comme la construction de quatre ponts, le creusement du canal Saint Martin, du canal de l’Ourcq ainsi que des bassins de l’arsenal et de la Villette, la construction de la rue de Rivoli, l’érection de monuments tel l’arc de triomphe, du carrousel du Louvre, la colonne Vendôme et l’arc de triomphe des Champs Elysées. La monarchie est rétablie en 1815 et la mutation de Paris continue. 3 rois se succèdent et participent au diagnostic suivant : le centre ville médiéval situé dans l’enceinte de Philippe Auguste est ‘malade’ , la ville manque d’un réseau routier cohérent et les rives droite et gauche de la ville sont déséquilibrées, en raison du manque d’activités sur la rive Gauche. Ces problèmes sont traités à travers la construction des différentes gares parisiennes par lesquelles passent les chemins de fer construits à partir de 1824 et l’ouverture de 175 rues dont la rue Rambuteau qui coupe à travers le tissu urbain dense du centre, mais la monarchie en place n’est pas assez forte pour aller plus loin dans la transformation de la ville sans l’appui des lobbies classiques et des notables. C’est sous Napoléon III que Paris devient la ville moderne que nous connaissons aujourd’hui. L’empereur nomme George Eugène Haussmann, préfet de Paris en 1853, lançant ainsi une opération urbaine considérable qui fera de Paris un chantier à ciel ouvert pendant plus de 20 ans. L’agglomération Parisienne naît au XIXe siècle. Hormis les communes limitrophes annexées à la ville de Paris (qui compte désormais 20 arrondissements), plusieurs petites villes de la région parisiennes deviennent économiquement dépendantes de Paris et facilement accessibles grâce au chemin de fer. Cette agglomération compte un million d’habitants en 1836, 3 millions en 1886. Le préfet Haussmann s’appuie sur des moyens législatifs et financiers nouveaux établis par le gouvernement de l’empire pour mener ses actions de démolitions et expropriations et pour imposer des normes de constructions. Il établit trois réseaux de circulation, dont le plus connu est la croisée nord sud/est ouest (rue Sébastopol, rue Saint Michel). Les autres réseaux visent à étendre la circulation vers les quartiers extérieurs de Paris et à les relier à la « petite banlieue ». 10


La construction d’églises (la Trinité et Saint Augustin) et d’équipements comme l’Opéra, la Bibliothèque Nationale, le Palais de Justice, la Préfecture de Police, Les Halles Baltard et les Mairies d’arrondissements, contribue à la monumentalité et au prestige de la ville. L’hygiène est très largement améliorée par l’aération et l’assainissement des quartiers anciens et surtout par la construction d’un réseau d’adduction d’eau, qui ramène l’eau de sources lointaines à travers un aqueduc à la Romaine, la distribuant aux abonnés et dans des points d’eau publics et un réseau d’égouts déchargeant la ville de ses détritus. Enfin un système végétal constitué des deux bois de Vincennes et de Boulogne, des parcs des Buttes-Chaumont, de Monceau et de Montsouris, de parcs et de squares de quartiers et surtout d’arbres plantés sur la plupart des avenues et grandes rues, achève l’amélioration de la ville.

b.

L’esprit du XIXe siècle.

Grâce à des mouvements littéraires, artistiques et philosophiques centrés sur l’âme humaine puis sur la vie quotidienne, à l’invention de la photographie et à l’abondance d’écrits dans la presse, le XIXe siècle n’a aucun secret pour nous. L’esprit du siècle est explicité dans les romans de Balzac, Zola, Dumas, Hugo, dans les tableaux de Courbet, puis Manet. Le XIXe siècle est marqué par un retour aux valeurs familiales. La femme a un nouveau rôle, celui de « matrone sociale »2. Elle est une bonne mère et une bonne épouse, elle a de l’intérêt pour la société toute entière. Malgré les multiples exemples de courtisanes et de filles entretenues admirées tout au long du siècle, la bonne mère de famille reste un modèle dans la littérature. La Nana d’Emile Zola, belle et désirable, mène plusieurs hommes à leur perte, mais meurt jeune ravagée par une mystérieuse maladie qui remplace son joli teint rose et blanc par un gris disgracieux qui révèle la couleur de son âme. De la même façon, Esther, héroïne de Splendeurs et misères d’une courtisane d’Honoré de Balzac, déchaîne les passions, brise une famille et se donne la mort, ravagée par le malheur de sa situation. Les femmes vertueuses qui offrent un contraste avec les filles légères décrites ci-dessus sont Mme Arnoux, belle et modeste femme qui consacrera sa vie à ses enfants et à son infidèle mari et refusera l’amour du héros de Flaubert par droiture et par vertu dans l’Education sentimentale et la douce Caroline d’Une Double Famille de Balzac, qui trouve son bonheur et sa satisfaction dans l’amour de son époux et l’éducation de ses deux enfants. C’est en s’appuyant sur les théories humanistes de Jean Jacques Rousseau et d’autres philosophes du XVIIIe siècle et en constatant la mauvaise éducation de leurs enfants abandonnés aux domestiques que les classes aisées remettent l’éducation de leurs enfants au centre de leurs intérêts. C’est ainsi qu’on commence à voir apparaître le mot ‘enfant’ dans les plans d’architecte. À partir du XVIIIe siècle, due à une forte spéculation financière dans la ville intra-muros, la typologie dite ‘immeuble de rapport’ se propage dans Paris, mais ne deviendra dominante qu’au cours du XIXe siècle. Ces immeubles de rapport changent la répartition spatiale de la maison à étage et le mot appartement prend un tout nouveau sens. L’appartement devient dès lors l’unité rassemblant toutes les pièces à vivre d’une cellule familiale : les chambres, les pièces de réception, les salles d’eau et la cuisine. La répartition de l’appartement auquel l’on aboutira pendant la rénovation urbaine d’Haussmann, est influencée par un souci économique mais aussi par le nouvel idéal familial de cette période. Il se met en place une vraie séparation entre les pièces de jour et les pièces de nuit. On trouvera en général dans les appartements conçus à cette période une entrée qui sert de sas entre l’extérieur et l’univers familial, la cuisine, une salle à manger et un ou plusieurs salons avec des portes séparantes que l’on peut ouvrir pour créer un espace de réception adapté 11


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à de grandes fêtes. De l’autre coté de l’appartement, les chambres des membres de la famille et les salles d’eau sont préservées du regard des étrangers et réservées aux interactions familiales.

c.

Les conséquences de l’industrialisation sur le logement

Pendant la seconde moitié du siècle, l’industrialisation gagne la France et Paris en particulier. Progressivement, le développement des secteurs du textile, de la sidérurgie, ensuite la construction des chemins de fer, l’apparition et l’exploitation de l’électricité mènent à la transformation de la ville et de la façon de travailler. On assiste à un important exode rural. Des ouvriers venus des campagnes ou de l’étranger viennent chercher un emploi à Paris et logent là où les loyers sont les moins chers, menant à la paupérisation de zones entières de la ville. Jusqu au XVIIe siècle, malgré la spéculation immobilière déjà présente sous Henri IV, la mixité sociale existait réellement. Ainsi « les nobles hôtels voisinaient avec des bicoques. Les palais royaux eux-mêmes étaient entourés de misérables masures » « Un siècle plus tard tous ceux qui en avaient les moyens cherchent à quitter le centre ancien. Ce qui se dessine alors, c’est la ségrégation entre quartiers résidentiels et quartiers populaires, la formation d’un Paris Ouest pour les riches. » 3 Les pauvres habitent de petits logements dans des habitats ouvriers, dans les quartiers périphériques ou dans des bidonvilles. Les autorités s’inquiètent de la paupérisation de certains quartiers et du danger que représentent ces classes laborieuses et tentent de trouver des solutions pour le logement et le contrôle des mœurs des ouvriers. C’est pourquoi Louis Napoléon Bonaparte, futur empereur de France, fait construire la première cité ouvrière de Paris en 1851. Elle fut construite grâce à des actionnaires philanthropes. Les habitants vivaient encadrés sous contrôle hygiéniste : ils disposaient de commodités modernes, mais devaient être dans leur logement à 22h et se soumettre aux visites régulières d’un inspecteur. Les actions des autorités et des philanthropes ne peuvent répondre aux besoins énormes de logements et Paris développe une peur de ces Faubourgs ; symboles de faiblesse morale et de danger. Dans l’Assommoir, Emile Zola décrit en détail le quartier de la Goutte d’Or, quartier pauvre et bruyant ou vivent les ouvriers, les blanchisseuses et tous les autres Parisiens d’adoptions, incapables de se payer un logement dans un quartier plus décent. Zola décrit les odeurs nauséabondes, la fatigue et le désespoir des travailleurs abrutis par des taches assommantes, l’alcoolisme, le crime et la prostitution, la saleté et la négligence qui y règnent. Les personnages de Zola ont beau se battre pour s’en sortir et acquérir une certaine respectabilité à travers le travail et de bonnes mœurs, ils finissent par s’abandonner aux modes de vie imposés aux ouvriers de la société parisienne du XIXe siècle. Un autre type de ségrégation apparaît en même temps que l’immeuble de rapport : la ségrégation, ou hiérarchisation verticale. Dans le contexte de spéculation immobilière qui durera du milieu du XIXe siècle à la Première Guerre Mondiale, la construction, surtout celle de l’immeuble de rapport, bat son plein. Les immeubles construits à cette époque existent encore pour la plupart. Le principe d’organisation de leurs appartements, ne présente pas, « à première vue » de différences rédhibitoires avec les principes actuels. En outre leurs moyens d’hygiène et de confort sont déjà corrects et ne feront qu’être améliorés jusqu’à aujourd’hui. »4

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B. La place de la bonne, sous les combles.

1.La bonne à tout faire.

Au XIXe siècle, « avoir au moins une bonne est un symbole social : c’est le signe qu’on est du côté des bourgeois. N’être pas servi vous rejette du côté des prolétaires. La pauvreté commence, pourrait-on dire, là où on ne trouve pas de bonne. »5 Ainsi il n’est pas rare de trouver chez certains petits-bourgeois une bonne dans un petit appartement minable entouré de maîtres mal nourris. Les jeunes provinciales qui montent à Paris se placer en tant que bonnes à tout faire sont parfois amenées par un maître ayant une résidence secondaire hors de la capitale mais le plus souvent elles viennent seules, espérant être reçue un temps chez un membre de leur famille ou chez une personne de leur région ; de leur village, habitant à Paris. Elle trouve du travail grâce à leur contact à Paris, au bouche-à-oreille colporté par les fournisseurs et les domestiques ou à travers un bureau de placement. La capitale attire les jeunes bretonnes, normandes, savoyardes, auvergnates qui viennent y chercher une meilleure vie. Les domestiques de fermes et plus généralement de province sont soumis à des tâches et des horaires bien plus durs que ceux de la capitale. Hormis l’attrait d’un travail plus facile et de gages élevés, Paris fait rêver par sa vie grouillante, son luxe et ses promesses de liberté. En raison de la demande élevée de domestiques et à l’afflux des jeunes filles convoitant ces postes, on recense à Paris en 1896 : 159747 domestiques féminines dites « couchantes » attachées au seul service personnel.

2. Le logement des bonnes.

Les bonnes dites couchantes sont les plus répandues au XIXe siècle. Elles sont logées dans le même immeuble que leur maître, généralement un immeuble de rapport. a. L’immeuble L’immeuble de rapport obéit à une organisation du programme selon l’axe vertical lisible sur la façade. Au rez-de-chaussée, on trouve des commerces ou la loge des concierges, dans les quartiers résidentiels. Les grands appartements bourgeois se trouvent au premier ou au deuxième étage, avec au-dessus des appartements de plus en plus petit dans les étages supérieurs. Enfin viennent les chambres de bonnes sous les combles, desservies par un escalier de service séparé de la circulation principale, donnant sur une petite cour d’aération sur laquelle donne aussi les cuisines, royaumes des bonnes b.La chambre. Loger les bonnes sous les combles est une pratique qui existe dès le début du XIXe siècle mais s’est surtout développée dans la seconde moitié de celui-ci. Aux siècles passés les bonnes « couchantes » étaient logées dans des réduits, placards et autres espaces perdus de l’appartement avec d’autres domestiques, tous sexes confondus. La bonne logeant dans l’appartement de son maître n’a aucune liberté ; elle se lave dans la cuisine, ne peut recevoir personne, n’a pas le droit aux loisirs et doit répondre au désir de ses maîtres même pendant la nuit. Cela explique pourquoi les domestiques tiennent à la liberté que leur procure leurs étroites chambres sous les toits, malgré tous les inconvénients de celles-ci. Les domestiques sont logés au cinquième, sixième, septième étage selon les cas pour des raisons financières. L’intense spéculation immobilière sous le second empire fait flamber le coût 14


des terrains. Pour rentabiliser le prix de la terre, on construit des maisons de plus en plus hautes et on en exploite et loue chaque mètre carré. Le décret du 23 Juillet 1884 sur la hauteur des maisons de Paris et la taille des combles et des lucarnes vient renforcer cette pratique, car l’étage des bonnes n’est accessible qu’après une douloureuse ascension, qu’il faut éviter aux locataires fortunés. L’historien et homme politique Jules Simon ajoute que « si on donne les chambres du sixième aux domestiques, c’est qu’on ne peut vraiment rien en faire d’autre. Ces cellules sont évidemment et nécessairement inhabitables ; car, si l’on pouvait si tenir debout, y respirer, y vivre, on les mettrait en location, et on trouverait un peu plus haut ou , s’il n’ a pas de grenier, dans les caves, les cages d’escaliers, la place d’un matelas pour les domestiques .»6 L’étage des bonnes est accessible par un escalier de service étroit, sombre, sale, qui le relie au rez-de-chaussée. Les chambres donnent sur une petite cour qui sert, aussi, d’aération aux cuisines et aux cabinets d’aisance. Les conditions d’hygiène dans cet escalier et surtout autour de cette cour ont été maintes fois dénoncées par des médecins, philanthropes et penseurs ayant vécu pendant leur pleine activité. Arrivé au sixième, on trouve un long couloir étroit desservant jusqu'à 80 chambres pour les plus grands immeubles. Dans ce couloir sont installés un ou deux postes d’eau, peu importe le nombre de personnes qui s’en servent. La promiscuité est complète à cet étage où les parois séparatrices sont très fines et où les portes s’ouvrent facilement, étant donné que souvent une clé s’adapte à toutes les serrures. Dans Pot Bouille de Zola, les bonnes possèdent des clés distinctes pour chaque chambre, mais « toutes ferment leurs portes à double tour, même pour aller simplement au bout du corridor, tellement elles craignaient entre elles d’être volées. »7 Les chambres sont souvent des cellules mansardées, on ne peut s’y tenir debout que sur un espace très réduit. Il n’y a pas de fenêtre dans les chambres de bonnes mais des tabatières, c’est à dire des lucarnes pratiquées dans le toit, qui ne permettaient pas une véritable aération de la pièce. Dus à la finesse des parois, au manque d’isolement au niveau du toit, à l’absence d’aération, les changements de température sont très rudes pour les habitants du sixième ; elles gèlent en hiver et brûlent en été. En hiver elles ne peuvent se défendre du froid qu’en accumulant des vêtements et des papiers autour des lucarnes, en été, aucune solution ne peut améliorer leur condition. Dans ces espaces réduits, le mobilier des résidentes se limite à « un lit de fer, une table en bois blanc, une cuvette, un pot à eau, une chaise »8, si la pièce n’est pas déjà encombrée d’objets entreposés là par les maîtres. c.La société face aux chambres de bonnes. À la fin du XIXe siècle, la France est obsédée par l’hygiène. Les chambres de bonnes deviennent alors un sujet d’actualité et les maladies qui s’y développent et qui migrent dans les étages inférieurs font peur. L’étage insalubre est un repère de choix pour la tuberculose, la syphilis, les microbes. Le Syndicat national des employés gens de maison du 28 août 1908 affirme dans un rapport que « 80% des bonnes sont atteintes de chlorose », on parle de d’ « asphyxie lente »9 de la bonne Les maîtres ne montent jamais à l’étage des domestiques, mais celles-ci ont d’autres visites. Les domestiques n’ayant pas le temps de sortir faire des achats ou profiter de certains services, ce sont les vendeurs et autres personnages qui viennent à eux. Ainsi se croisent dans les couloirs crasseux du sixième vendeurs de parfumeries, rubans, cols, souliers plats, bonnets ronds ; diseuses de bonne aventure, écrivains publics, artistes qui débitent des poèmes et histoires romantiques pour 10 sous et enfin anciennes bonnes devenues courtisanes, tombées dans la misère, venues quémander de la nourriture auprès de leurs camarades d’autrefois. De la fin du XIXe siècle au début de la Première Guerre Mondiale, « la question du sixième » déchaîne les passions et occupe une bonne place dans la presse. 15


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Les lois de 1902 et de 1903, relatives à la santé publique, stipulent que toute pièce destinée à l’habitation (ici précisément celle située au dernier étage) : A34 : « A l’étage le plus élevé de la construction, le sol de toute pièce pouvant servir à l’habitation de jour et de nuit aura une surface minimum de huit mètres. Cette surface sera mesurée à un mètre trente de hauteur du sol, sans que le cubage de la pièce puisse être inférieur à vingt mètres cubes. » « Chaque pièce sera munie d’un tuyau de fumée et sera aérée directement par une ou plusieurs baies dont l’ensemble devra présenter une section totale au moins égale au huitième du sol de ladite pièce. « Toute partie lambrissée sera disposée de façon à défendre l’habitation contre les variations de température extérieure. »10 En Mars 1912, Charles Guillard établit un rapport sur le logement des domestiques au nom de la sixième commission du conseil de Paris et arrive à la conclusion que les lois sus-citées, n’ont pas été appliquées. Plusieurs personnes, dont Guillard tenteront de faire avancer la condition des bonnes logées sous les toits, mais au début du XXe siècle, hormis les artistes qui y avaient des studios ensoleillés en duplex, les habitants du sixièmes sont généralement logés dans des conditions déplorables. C. Après les bonnes, qui habita les mansardes ?

1.Et la bonne disparut

Au début du XXe siècle, plusieurs changements sociaux vont mener à la transformation de la fonction de la bonne. Premièrement, la crise de la domesticité de la fin du XIXe siècle mène à une remise en question de la relation de la bonne à la famille, et, étant donné la pénurie de bonne dans Paris, on assiste à « la mise en place d’un discours de glorification de la femme comme gardienne du foyer. » Les mentalités changent et l’on commence à accepter l’idée de se passer de domestiques, de « perdre l’idée qu’il est naturel d’être servi. » « Pour cela, il faut mettre la mère au travail. »11 La mère bourgeoise est rappelée à ses devoirs envers ses enfants, sa famille, son foyer. Dans le même temps, les domestiques forment petit à petit des syndicats de plus en plus organisés. Entre 1906 et 1975 les salariés de tous le pays, domestiques inclus, militent et obtiennent progressivement plusieurs droits. Ils réussissent à réduire leur temps de travail, valoriser leur statut, à obtenir des allocations et la protection sociale. Ils obtiennent ensuite des congés payés, des augmentations de salaire, la création du SMIG puis du SMIC… Accompagnant ces victoires sociales, le rôle de la femme se transforme. La bonne est remplacée par la femme de ménage, employée pour des tâches précises. Les femmes, ayant dorénavant accès à des emplois en usines, en atelier, en boutiques, dans les bureaux… Celles qui acceptent d’être femmes de ménage à plein temps exigent de nombreux avantages et des salaires conséquents. Les progrès techniques de la première moitié du XXe siècle ont rendu les tâches ménagères moins pénibles. « Gloire à la vapeur, qui devient le serviteur du genre humain ! Gloire aussi à l’électricité ! Dans le phalanstère de Beauclair, lieu où se concrétise l’utopie, il n’y a pas de domestiques : « il suffit de tourner des boutons, et la maison s’éclairait, se chauffait, la cuisine se faisait, les diverses machines de métier ou d’usage domestique se mettaient en marche. L’avenir s’annonce lumineux grâce aux femmes de ménage mécaniques, aux valets à vapeur, à des robots aides ménagères. » En effet des inventions comme le réfrigérateur, la machine à laver le linge et la vaisselle, l’aspirateur de poussière, la cuisinière électrique… ont simplifié la tâche de la femme d’intérieur. Les plats prêts à manger, les tissus infroissables, les ustensiles en papiers jetables… ont réduit le 17


temps dévolu aux travaux domestiques, mais la femme reste jusqu’à nos jours « la nourrice, la bonne d’enfants, cuisinière, souillon… »12 Remplaçant ainsi les domestiques d’hier.

2.Les nouveaux locataires du sixième.

Depuis le XIXe siècle, et encore de nos jours, le ‘sixième’ loge aussi des locataires ne faisant pas partie du personnel domestique attaché aux autres appartements d’immeuble de rapport. Parmi eux on trouve quelques ouvriers, des artistes désargentés, de vieux veufs vivant d’une maigre rente, des célibataires, des étudiants et des immigrés dont le statut irrégulier ne permet pas l’accès à un logement plus adapté à leurs besoins. Il y a aussi des personnes logés gratuitement ; un adolescent prenant un peu d’indépendance, une fille au paire, un cousin de province, des amis de passage… Pendant que les domestiques quittaient progressivement leurs logements sous les toits, ces populations à la recherche d’un logement bon marché s’installaient, de plus en plus nombreuses, dans les chambres de bonnes vidées de leurs bonnes. a.Les immigrés La France industrielle de la fin du XIXe siècle manque de main d’œuvre. Tandis que les autres pays européens triplent leur population, celle de la France n’augmente pas : c’est dans ces conditions que commence la longue histoire de l’immigration en France. La première vague d’immigrants travailleurs vient des pays limitrophes, principalement d’Italie, d’Espagne, de Belgique, de Suisse et de Pologne. Ensuite viendront d’autres immigrants désirés, recrutés pour les besoins de l’armée française pendant la première guerre mondiale. Le ministère de l’armement mobilisera 600 000 soldats venant des colonies ; d’Afrique sub-saharienne, d’Afrique du Nord, de Chine et d’Indochine. Après cette guerre, des Russes, Polonais, Arméniens, Italiens et ressortissants d’autres pays dans une situation politique houleuse viendront se réfugier en France, créant ainsi le statut d’immigré politique. Au gré des événements internationaux et de la dureté des lois internes sur l’immigration, des personnes du monde entier viendront en France en quête d’une nouvelle vie dans un pays où ils peuvent espérer un logement, un emploi et des conditions de vie plus agréables. C’est ainsi qu’après la décolonisation, des Algériens, Tunisiens et Marocains ; aidés par le traité de Rome (loi de 1958 instaurant le principe de libre circulation), viendront s’installer en France et constituer le groupe d’étrangers le plus représenté sur le territoire jusqu'à maintenant. Dans les années 70 on assiste à un afflux de Vietnamiens, de Laotiens, de Cambodgiens et de chinois d’Asie du SUD-EST ayant fui les guerres et guerres civiles qui tiraillent leur pays. Viennent ensuite les Africains, Maliens, Sénégalais, Mauritaniens, venant faire fortune, rejoignant leur famille ou venant étudier en France ;et ces dernières années les ressortissants de pays ayant, récemment, intégré l’Union Européenne. Ces immigrés n’ont pas toujours de statut légal leur permettant de travailler et leur fournissant les garanties nécessaires à l’acquisition d’un logement. En 2004, il y’avait entre 200000 et 400000 étrangers en situation irrégulière, entrés en France de manière clandestine ou demeurés sur le territoire après expiration de leur titre de séjour. La chambre de bonnes est souvent la seule possibilité de logement que trouvent des immigrés illégaux ou financièrement limité à Paris. Les propriétaires de ces dernières ont parfois recours à des pratiques douteuses qui leur permettent de s’assurer une rentabilité maximale. Dans un article paru en Février 1981 dans le Gérant, Corinne Riche de l’Institut d’aménagement et d’urbanisme de la Région Ile-de-France, révèle qu’« un peu plus du tiers seulement 18


des occupants qu’ (ils ont) interrogés disposaient d’un contrat écrit sous forme de lettre ou de bail. Les bailleurs préfèrent souvent conclure des accords à l’amiable, afin de se garantir d’éventuelles exactions, de se ménager la possibilité de reprendre facilement la chambre ou bien encore pour que la location demeure secrète. Dès lors, les loyers sont payés en argent liquide, aucune quittance n’étant délivrée, tandis que le nom du véritable occupant ne figure nulle part. Au besoin, les propriétaires fournissent à leurs locataires un document certifiant qu’ils sont logés gratuitement. Ils échappent de la sorte à toute imposition fiscale et n’accordent aucun droit de maintien dans les lieux des occupants qui abuseraient de leur confiance. » C’est ainsi qu’on trouve dans ces logements ‘au noir’ des familles entières d’Africains, de chinois, de polonais, vivant dans des conditions difficiles. Une femme de ménage congolaise témoigne : « On avait d’abord une petite chambre de bonne à Paris. Nous étions trois, d’abord trois: mon mari, sa sœur et moi. Puis ma fille est née. Ça devenait très difficile. J’avais les larmes aux yeux quand je voyais les vapeurs de la marmite sur le réchaud monter au-dessus du berceau de la petite. »18 Après avoir fait un long voyage l’emmenant de Côte d’Ivoire jusqu'à Paris, un jeune étudiant en droit surnommé Koko arrive en Mars 1998 à la Gare du Nord. « Il a pu rejoindre un de ses amis d’enfance qui était parti d’Abidjan deux ans plus tôt. Celui-ci l’a recueilli et l’a emmené avec lui du côté de la Gare de Lyon, dans une chambre de bonne, au 7ème étage d’un immeuble décrépit, qu’il partage avec deux autres Africains, des Maliens. La petite chambre, à peine 2 mètres sur 3 sous-louée au noir, non chauffée, abrite désormais les quatre Africains, tous clandestins. »13 Certains étrangers viennent à la recherche d’un Paris romantique et artistique que l’on trouve dans les romans d’Hemingway et de Garcia Marquez. Le percussionniste colombien Ricardo Lopez est arrivé à Paris en 1984, « Avant de venir, (il) connaissait l’existence ( des chambres de bonne) grâce au récit par Gabriel Garcia Marquez de sa vie estudiantine à Paris, dans les années soixante, quand il était correspondant de El Espectador. Vivre dans un si petit espace, c’est aussi ce qui nous poussait vers la rue, vers le porche ou le restaurant universitaire. Je crois que j’ai construit une douche dans chaque chambre de bonne ou j’ai vécu, au moins une dizaine. La pire chambre que j’ai eue, c’était rue de la Pompe, parce qu’en plus, dans la rue, il ne se passait rien. J’étais au-dessus d’appartements luxueux, les voisins gênés chuchotaient un bonjour en baissant les yeux dans les escaliers. La chambre de bonne dans le seizième, c’est désolant. » b.Les étudiants L’étudiant est dans une période de transition de sa vie. Il a quitté le domicile familial, a une certaine indépendance mais il n’est pas encore entré dans la vie active. Il a un budget limité, est célibataire et a un mode de vie très flexible. C’est pour cela qu’il voit la chambre de bonne comme une solution de logement acceptable, puisque temporaire. Au XIXe siècle l’étudiant habitant la chambre de bonne est décrit d’une façon romantique. Il est idéaliste et affamé, n’a pas de contraintes. Dans les romans de Balzac, il court les événements mondains, courtise des jeunes femmes nobles et des femmes entretenues, est introduit dans la société, dîne dehors, va au théâtre puis rentre dans sa misérable mansarde où il rêve d’une belle situation. Jacques, qui était étudiant à Paris en Mai 1968 se souvient, « Quant au 900 francs, en 68, qui permettaient de se payer sans problème le cinéma après avoir réglé tout le reste, ce ne devait pas être les mêmes que mes 900 francs. Car après avoir payé ma chambre de bonne, 200 francs par mois, mis de l’essence dans ma superbe 4L fourgonnette achetée 500 francs avec 120000km, je ne me souviens pas que j’étais très à l’aise, en buvant mon café en poudre Beaumont ». Malgré son manque de confort, sa superficie n’excédant pas les 9m2, sa mauvaise isolation phonique et thermique, l’absence de WC privé, de moyen de chauffage aux normes et de cir19


cuits électriques de qualité permettant des branchements sécurisés, la chambre de bonne est souvent la dernière possibilité de loyer modéré pour un étudiant, surtout s’il n’a pas eu la chance de bénéficier d’un logement étudiant ou d’un logement social. Dans les années soixante dix, le loyer d’une chambre était d’environ 600 francs ; vingt ans plus tard, du à la spéculation foncière et à la pénurie de logements étudiants à Paris, les loyers ont augmenté et oscillaient entre 1000 et 1500 francs pour 9 à 13 mètres carrés, parfois sans sanitaire. L’étudiant s’accommode de ce monolocale ; il y vient avec ses quelques possessions, le décore avec peu, l’aménage de meubles trouvés ou dénichés à bon prix. Il y organise des dîners frugaux avec ses camarades, y vit ses histoires d’amour sous les toits, y étudie des nuits durant. Il n’est néanmoins pas seul. Il se promène dans le réseau de chambres de ses amis et connaissances ; s’il a besoin de place il va au Crous, dans un café, à la bibliothèque et pendant les fêtes il rentre chez ses parents. c.Les autres La vie mode d’emploi de George Perec donne une bonne idée de la répartition au sein d’un immeuble Haussmannien dans les années 70. C’est plus précisément la description détaillée d’un immeuble de rapport au 11 rue Simon-Crubellier dans le 17eme arrondissement de Paris le 23 Juin 1975 à 20h ; Perec évoque les habitants, objets et histoires qui ont animé cet immeuble de 1875 à 1975 et dont résulte son état au moment de la description. Dans les chambres de bonnes de Perec on croise une jeune fille habitant dans un appartement de l’immeuble et qui a fait de cette chambre son bureau, un vieux peintre, une mère célibataire polonaise, une veuve malade, une fille au pair anglaise, deux domestiques cohabitant dans leur petit espace, un homme célibataire vivant d’une maigre allocation de l ‘état et plusieurs pièces vides appartenant au gérant de l’immeuble qui se les réserve pour différents usages. Sous les combles, on trouvera une grande pauvreté, dépeinte ici dans le témoignage de Sigmund pour le Nouvel Observateur, « Nous avons vécu une année entière dans une chambre de bonne au sixième étage. J’avais huit ans et sur le palier régnait au quotidien la pauvreté, la nôtre et surtout celles de nos voisins avec les bruits, les odeurs, l’alcool, le vin, la bière… C’était l’étage où les bourgeois étaient exclus. Les waters se situaient à l’étage inférieur ainsi que l’eau froide courante. Nous avons vécu là à cinq, mon père, ma mère, mon frère, ma sœur et moi. Seulement voilà, il nous arrivait de « recevoir » dans la journée, des oncles, sans logements fixes, pour qu’ils puissent se reposer un peu de leurs nuits, qu’ils passaient dans des boîtes à la mode, pour ne pas dormir dehors… Au rude hiver 1956, les canalisations de la cage d’escalier avaient gelé, alors, avec tous les occupants de l’immeuble, nous allions dans la cave nous fournir en eau. Les seaux pleins, que l’on montait à pied difficilement jusqu’au sixième étage, débordaient sur les marches de l’escalier et se formaient immédiatement des plaques de glace, tellement il faisait froid. Alors, vite, vite, il fallait s’arranger à faire disparaître ces stigmates de notre passage, avant que les voisins ne disent quelque chose… » On trouvera aussi des artistes, vantant les mérites de leur refuge sous les toits, sa proximité avec le ciel. Dans son documentaire, Chambre de bonne, Marja Lette Rettig filme une illustratrice qui s’exclame, « Il y a quand même des qualités de silence. » « C’est vrai que si on regarde dehors on se croirait au bord de l’océan Atlantique. Alors quand il y’a une tempête dehors, on a l’impression d’être sur un petit bateau. » La dernière catégorie que l’on trouvera là-haut est définie par le fait qu’elle y est logée gratuitement. Cette catégorie inclut la fille au pair ou l’aide à une personne âgée habitant au-dessous et échangeant ses services contre ce logement. IL arrive aussi souvent que les chambres de bonnes restent inoccupées. sur les 120 000 chambres de bonne de Paris, une grande partie reste vide, laissée ainsi par des propriétaires privés méfiants des locataires mauvais payeurs ou indécrustables, par des organismes publics souhaitant les remettre en état avant de les mettre sur la marché, parfois 20


même murées pour éviter les squatteurs. Pendant différentes périodes du XXe siècle la location d’une partie des chambres de bonne a été interdite sous prétexte de surface trop faible, de conditions d’hygiène déplorables, de manque de sécurité. Différentes associations privées et publiques se sont battues pour transformer ces pièces en appartements décents ou pour les mettre à disposition des plus démunis. Le sort de ce grand patrimoine foncier, étendu sur toute la surface de la ville, est encore à déterminer. À la fin du XXe siècle, on constate qu’il y’a une demande importante pour ce genre de logements et que sous la coupe d’investisseurs intéressés, leur prix augmente constamment, changeant progressivement l’image de ces petits appartements sous les toits de Paris.

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Aujourd’hui Vision globale de la transformation actuelle de l’espace analysé

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A. La chambre de bonne, typologie particulière de logement parisien. En 1990, sur les 110 000 à 120 000 chambres de bonnes à Paris, 54% accueillaient des locataires, 16% des sous-locataires, 10% des personnes logées gratuitement et 14% du personnel logé sur place. Ces chiffres publiés par l’Institut d’Aménagement et d’Urbanisme de la région Ile-de-France sont flous étant donné que seulement le tiers des locataires bénéficie d’un bail. On note toutefois que cette même année, 9% des occupants de ce genre de logement en sont propriétaires, ce qui est un signe de changement du statut des chambres de bonne.

1. La chambre de bonne et la loi

Des lois récentes tentant de réguler les transactions locatives, l’attribution et les conditions de vie dans les chambres de bonne ont façonné ce secteur du marché immobilier actuel. Ces lois viennent améliorer la loi du 1er septembre 1948 « portant modification et codification de la législation relative au rapport des bailleurs et locataires ou occupants de locaux d’habitation ou à usage professionnel et instituant des allocations de logement ». Dans les années 90 la pénurie de logements poussent les associations d’aides aux démunis à confronter le gouvernement et à demander pourquoi les chambres de bonnes ne sont pas mises à dispositions des sans domicile fixe et des mal logés de la capitale. En 1994 dans un article paru dans le Parisien, l’association Droit au Logement (D.A.L) accuse le gouvernement et certaines compagnies d’assurance de ne pas agir au mieux pour aider les 10 000 sans domicile fixe et les 15 788 inscrits sur les listes d’attente de logement social à Paris en débloquant au moins les 3500 chambres de bonnes vides existantes. L’adjoint au Maire de Paris Jean Tibéri répond, « on ne peut pas loger les gens au rabais ». Il déclare que la ville ne souhaite pas faire disparaître ces logements mais qu’on ne peut pas accepter d’y loger des gens sans un minimum de confort. Une campagne de rénovation a lieu à ce moment-là, et dans le courant de l’année environ 600 chambres de bonne ont été rénovées de façon à être habitables. Article le parisien 94 La loi Solidarité et renouvellement urbain (SRU) du 13 décembre 2000 marque le début de plusieurs mesures de l’état visant à faire basculer la ville dans le XXIe siècle. Cette loi doit lutter contre la périurbanisation et favoriser le développement urbain en incitant à la mixité urbaine et sociale. En ce qui concerne le logement, la loi exige que chaque commune comporte 20% de logements sociaux, assure une meilleure protection de l’acquéreur immobilier et du locataire et lutte contre l’insalubrité et la mise en péril des immeubles. La loi Robien-Borloo-Scellier a été mise en place en 2000 pour corriger et assouplir certains aspects de la loi SRU. Elle a subi des changements de 2000 à 2010 et dans son évolution, a déterminé les règles régissant le marché immobilier de la chambre de bonne. Dans le cadre de cette loi, un décret fixant la surface minimum définissant un logement décent à 9m2 a été voté le 30 Janvier 2002. Une exception a par la suite été débattue au Parlement ; elle devait permettre la location de chambres entre 7 et 9m2 avec un bail écrit donnant droit à des allocations logement en passant par l’intermédiaire d’un CROUS (Conseil régional des œuvres universitaires) ou par l’intermédiaire d’associations ; mais elle a été rejetée publiquement par le ministre de l’Emploi et du Logement Jean –Louis Borloo le 25 Mai 2005. Malgré les lourdes sanctions encourues par le non respect de cette loi, on trouve sur le marché des annonces pour louer des chambres allant de 5 à 8m2 facilement.

2. Le marché lucratif de la chambre de bonne.

Les lois, la demande toujours croissante, les nouveaux locataires, la pénurie de logement dans la capitale, la valorisation de l’urbanité et la spéculation immobilière poussent à l’exploitation et à la mise en valeur de ces chambres jugées inhabitables même en 1850, lors de leur conception. 25


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Selon un article paru dans le Figaro le 9 Avril 2007, « le marché de la chambre de bonne se porte bien. En raison du déséquilibre entre l’offre et la demande, leur prix au mètre carré est supérieur à celui d’un appartement… (en 2006) le nombre de transaction portant sur des chambres de service a augmenté de 2,6% et le chiffre d’affaires a cru de 25% à 160,5 millions d’euros. » les chambres de bonnes les plus chères se trouvaient dans le Ve, VIe et VIIe arrondissements où elles coûtaient en 2006 de 45 000 à 50 000 euros en moyenne et se louaient entre 300 et 400 euros par mois. En consultant des offres de chambres de services en Janvier 2010, on croise ce genre d’annonces : À l’achat : « Paris 6- Métro Duroc. Dans un bel immeuble Haussmannien. Chambre de service au dernier étage avec ascenseur et vue dégagée sur la tour Montparnasse. 7m2 environ. Douche. Evier. Faibles charges. Exposition Sud. Digicode. Gardien. 89 600 euros. » « Paris 15. Volontaires- studette située au 7ème étage avec ascenseur, vue Tour Eiffel, comprenant pièce principale environ 9m2 avec mezzanine, kitchenette équipée, salle d’eau , interphone, digicode, gardien, balcon terrasse en jouissance. 97 200 euros. » « Paris 5. Contrescarpe. Studette de 9, 46m2 loi Carrez au dernier étage d’un immeuble de 1900 entièrement ravalé avec coin cuisine, douche et vrai WC. Idéal investisseur ! 132 000 euros. » À la location : « Paris 7. Studette meublée environ 11m2 rue Sainte Dominique au 6eme étage refaire à neuf avec vue dégagée. Honoraires TTC en sus : 500 euros. Loyer 500 euros. » « Paris 19. Métro Pyrénées. Studette de 10m2 au sixième étage avec ascenseur. En cours de rénovation avec création d’une salle d’eau. Honoraires TTC en sus : 400 euros. Dépôt de garantie : 370 euros. Loyer 400 euros. » La chambre de bonne est donc un très bon investissement. Selon les témoignages recueillis auprès d’agents immobiliers les nouveaux propriétaires sont de « jeunes cadres, rompus aux méthodes de la Bourse, cherchant dans ces petites surfaces des revenus rapides avec des taux de rentabilité situés entre 10% et 15%. Ils n’ont aucun souci à se faire : elles se louent en un rien de temps. »14

3.Les particularités socio-immobilières de Paris.

En s’appuyant sur des études menées par des organisations d’observation du logement parisien tel que l’APUR on peut affirmer que Paris est la capitale des jeunes adultes. Ce phénomène est dû principalement aux migrations de, et vers la capitale. Les immigrés étrangers, les sans domicile fixe et les réfugiés politiques sont attirés par les possibilités offertes par la ville dense qu’est la capitale ; les jeunes gens de différentes régions de la France aussi. Les 20-25 ans viennent y faire leurs études et les 26-30 ans y trouver du travail. Cette catégorie d’âges est très représentée à Paris aussi parce que c’est l ville « laboratoire des transformations familiales. » C’est à Paris que l’on trouvera le plus de personnes seules qui représentent 27% de la population de la ville et occupent 54% des logements du centre. On y trouvera aussi la plus grande proportion de familles monoparentales, de personnes divorcées et de personnes âgées vivant seules. Paris est donc une ville de jeunes grâce au 20-30 ans, mais elle manque d’enfants en raison de l’autre flux migratoire important qui la caractérise qui est le départ des familles avec de jeunes enfants vers la banlieue ou la province où l’on trouve de plus grands logements, de meilleure qualité et moins chers. Dans les années 60, 70 et 80, une partie de la population de la capitale a fui celle-ci, sa pollution, ses logements vétustes et ses conditions de vie stressantes. C’est cette migration qui a mené à l’embourgeoisement de la ville. Les personnes aisées qui ont investi certaines parties de la capitale à ce moment-là avaient les moyens d’exiger de plus grands logements ; c’est 27


ainsi qu’on est passé de 20m2 par personne en 1950 à 31m2 par personne aujourd’hui dans le logement parisien. Cet aspect de l’embourgeoisement de Paris est néanmoins limité par la réalité de son parc immobilier composé à 60% de logements à une ou deux pièces et dont 10% n’incluent pas de salle d’eau et de WC.

4. Typologie, la chambre de bonne est-elle un studio?

Une chambre de bonne est une pièce séparée d’un appartement au sein d’une maison bourgeoise, généralement aménagée sous les toits et accessible par des escaliers spécifiques dits de service, mais quand elle n’est plus rattachée à un logement dans le même immeuble ou louée en tant de logement individuel, n’est-elle pas tout simplement un studio? Une fois équipée d’électricité, ou même d’un réchaud d’appoint pour qu’on puisse y cuisiner, ne peut-on pas y accomplir toutes les taches de la vie domestique? Qu’est ce qui différencie la chambre de bonne d’un autre logement individuel de petite taille? Justement sa petite taille innadaptée à de multiples usages. Construire un studio à louer de 5 à 8m2 est impensable, et pourtant les chambres de bonne de cette taille ne sont pas difficiles à trouver. Leur volume ‘utile’ est souvent réduit par la pente du toit qui les couvre. Pourtant ces logements sociaux de fait sont aménagés, bricolés, regroupés, décorés, en bref rendu vivable à différents degrés par leurs habitants. Leur aménagement va du très sommaire au très luxueux, du matelas et réchaud aux meubles sur mesure exploitant chaque centimètre astucieusement pour rendre l’espace si fonctionnel que sa petite taille en devient moins oppressante. B. Les deux tendances contraires d’exploitation de la chambre de bonne

1. La paupérisation.

L’immeuble Haussmannien est très courant dans la ville de Paris, on peut même dire qu il est le stéréotype du logement parisien. Il a su rester séduisant au yeux de locataires et propriétaires que les cheminées, moulures et parquets convainquent souvent plus que les attributs plus dépouillés et fonctionnels des immeubles récents. Bien qu’adaptés à la vie contemporaines, les immeubles Haussmanniens vieillissent et demandent un entretien qu’il est difficile de garantir. Refaire les toits, les façades, parfois consolider la structure, changer les fenêtres est très coûteux et souvent les chambres de bonnes ne bénéficient pas d’un traitement spécifique lors du ravalement de l’immeuble ( hormis les travaux des toits). Il va sans dire que ces logements se sont donc dégradés et sans travaux conséquents, ce qui était inacceptable en 1870 l’est encore moins en 2011. Les populations actuelles du 6ème étage, les étudiants pauvres, les étrangers, les vieux, les isolés, les mal logés, voient ce logis comme provisoire, ils n’envisagent pas d’évoluer socialement dans un tel environnement. Un étudiant interviewé dans sa chambre de bonne dit, « Je me pose des questions sur mon avenir, mais j’ai la foi, J’ai 26 ans, je suis jeune. Si j’avais 45 ans et j’étais encore ici alors ça serait autre chose» 19 Hors, certaines personnes n’auront jamais la chance de changer de logement. Une vielle dame habitant le même immeuble que le jeune homme sus-cité explique «‘j’habitais ici avec ma mère, je travaillais dans le livre, dans la brochure, c’etait très dur. Maintenant j’habite seule ici. Le pire c’est la solitude, mais bon je ne me plaints pas, au moins on est chez soi dans sa mansarde, c’est mieux que les maisons de retraites avec tout monde dans des dortoirs.»20 Une possibilité d’évolution immobilière, surtout pour les familles mal logées, est l’acquisition d’un HLM. Souvent situé hors de Paris, le HLM a l’avantage d’être spacieux, moderne et de comporter assez de pièces pour préserver l’intimité des membres de la familles et permettre une utilisation spécifique de l’espace. Les immigrés venus de pays moins développés que 28


la France viennent ici à la recherche d’une vie meilleure. La situation de certains parents et d’amis déjà installés ne dément pas ces espoirs, ils sont installés dans des logements ( sociaux ) confortables et bien meublés. L’arrivée dans une chambre de bonne est une déception énorme pour ces personnes qui sont résignées face à la misère en Afrique mais la trouve intolérable dans un pays comme la France qui devait leur garantir sécurité et prospérité. ‘Notre chambre à Paris, il n’y avait pas de douche. Il y avait une douche publique près de là ou nous habitions. Quand nous sommes arrivés ( dans ce HLM) nous avons trouvé une grande différence. Nous avons tout, vraiment c’est bien,» témoigne un Musicien congolais de 43 ans. 21 Les locataires contraints à vivre dans des soupentes minuscules et sales sont considérées comme des sous-habitants dans leurs immeubles. Leur présence est gênante pour les vrais locataires qui peuvent se permettre légalement et financièrement un habitat digne. Surtout dans des immeubles ou les locataires sont homogènement aisés et proches les uns des autres socialement, des locataires pauvres et souvent dans une situation irrégulière entache leur quotidien bourgeois, jettent une ombre sur la blanche façade de leur maison.

2. L’embourgeoisement

Il n’y a pas que de la misère sous les toits de Paris, la chambre de bonne peut être transformée, aménagée et jointe à un autre pour former un logement de qualité près du ciel. La spéculation immobilière et les spécificités socio-immobilières parisiennes font que même ces quelques mètres carrés sont exploités et mis en valeur. Pour pouvoir louer une chambre à un prix intéressant pour le propriétaire et attirer une population ayant les moyens financiers correspondants il faut investir une certaine somme dans cet espace. Un ravalement complet inclus les prestations suivantes : isolation phonique et thermique, peinture, installation de l’eau puis d’un évier et d’une douche, installation de l’électricité et d’une petite cuisine, raccordement au réseau d’évacuation des eaux usées, restauration du sol, pose de Velux et d’une porte blindée et éventuellement aménagements tel que la création de rangements. Il faut compter plus de 12 000 euros de travaux pour un 13m2 selon le devis du site de travaux Travaux.com, cela sans faire appel un architecte. En 1970 on recensait 140 500 chambres de bonnes dans Paris intra-muros ; ce chiffre descend à 120 000 au début des années 90 et en 2002 l’Atelier Parisien d’Urbanisme ( APUR) en dénombre 105 000. Les chambres ‘manquantes’ ne disparaissent pas, elles fusionnent avec d’autres chambres pour former des appartements, des lofts sous les toits, ou pour faire, après réunion avec l’appartement bourgeois du dernier étage, un duplex spacieux. 73,5% des chambres initiales ont une superficie comprise entre 5 et 7m2, les autres font entre 10 et 14m2 avec une exception de 3% de chambres d’une surface de 15 à 19m2. Grâce à l’invention de l’ascenseur en 1900 et à beaucoup d’autres avancées technologiques dans le bâtiment et l’aménagement intérieur tout au long du XXe siècle, la hiérarchie verticale des immeubles Haussmanniens s’est petit à petit effacée. Vivre au 1er étage implique une pollution sonore et une pollution de l’air certaine depuis que la rue est devenue principalement une voie de circulation. D’ailleurs les constructions du XXe siècle, si elle comportent des logements pour domestiques, relèguent ceux-ci au fond de la cour, au rez-de-chaussée ou dans l’entresol. Désormais le dernier niveau est conservé pour abriter le plus bel appartement ; dans les meilleurs des cas un duplex. Cet appartement jouira d’un ensoleillement supplémentaire, d’une vue dégagée sur le ciel et sur le paysage, et d’une extraction des nuisances de la rue. Les prix varient au sein d’un même immeuble selon le niveau de l’appartement, c’est une valorisation de la hauteur.

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La demande pour des chambres de bonnes, à réunir, est bien supérieure à l’offre explique Antoine Davy de la société Ad Valorem. « Sauf dans les immeubles vendus à la découpe par les institutionnels ou les grands propriétaires. C’est lors d’une opération de ce type qu’un architecte a acheté en Septembre (2007) dix chambres d’un coup dans le 8eme arrondissement. Il a prévu d’en faire un 100m2 qu’il transformera ensuite en deuxième étage de son appartement. Il possède en effet déjà les 80m2 du dessous. » Article nouvel obs. 2007 Regardons une opération de réunion de chambres de bonnes de plus prêt. En 2003, l’agence Levenok, basée à Paris, réalise un projet de réunion d’appartements au dernier étage et des chambres attenantes dans un immeuble Haussmannien. L’immeuble appartient à un unique propriétaire qui souhaite rentabiliser l’étage de service, qui est enfin entièrement inoccupé. Pour commencer, les architectes divisent le grand appartement du dernier étage en deux et installent un escalier interne dans chacun des nouveaux appartements créés. Ensuite ils démolissent les cloisons de l’étage de service, ne conservant que les refends et les murs à conduits. L’étape suivante consiste à assainir l’étage, installer des velux, isoler la totalité de la surface obtenue. Après l’installation du réseau électrique et de l’eau courante les salles de bain sont créées, le plancher posé, et les chambres divisées, aménagées. Avant l’opération, il y avait un appartement de 140m2 et un étage de service de 112 m2 découpé en 14 chambres ; après, deux duplex, un de 100m2 et l’autre de 150m2. Le coût total de l’opération est de 181 400 euros, hors frais d’architecte. Le détail des coûts est le suivant : -Démolition de l’existant et réfection de la chape 50 000 euros - Remplacement des tabatières par les Velux 22 500 euros - Traitement de la charpente 7800 euros - Aménagement 101 000 euros

3. Les habitants de ces nouveaux appartements sous les toits

Les étudiants d’aujourd’hui ne peuvent pas vivre des 900 francs des universitaires des années 60. Leur loyer varie entre 300 et 600 euros ; ils doivent ensuite se nourrir, payer leur abonnement téléphonique et Internet etc… Pourtant ils restent l’un des groupes les plus représentés au 6e étage. Des sites d’annonces comme www.ecole-de-commerce.com et www.bacplusdeux.com leur proposent spécifiquement des chambres de bonne en location. Le prestige des études dépend de l’université où les études sont faites, Marcel de Nazelle, agent immobilier dans le 5eme arrondissement raconte à ce propos, « j’ai ainsi vu des parents habitant en province débourser 50 000 euros ( en 2004) pour une studette de 8,5m2 destinée à leur fille étudiante à Paris. »15 Certains parents n’attendent pas l’université pour tracer le parcours académique de leurs enfants ; ils louent une chambre dans un autre secteur de la ville pour envoyer leur progéniture dans le bon lycée ou le bon collège, contournant ainsi le découpage scolaire. On trouve aussi dans des appartements mansardés, le siège de sociétés à la recherche d’une adresse prestigieuse, ainsi qu’une population qu’on ne trouvait avant que dans le reste de l’immeuble de rapport. Elizabeth Gouslan, journaliste à Madame Figaro fait une interview de l’actrice Sylvie Testud chez elle. Voici comment elle décrit l’appartement de la célébrité : « Son appartement, situé dans le quartier popu-bobo des Grands Boulevards, est un astucieux lot à terrasse, né de la réunion de chambres de bonnes du dernier étage de l’immeuble. À l’intérieur règne un désordre arty, un mélange de fauteuils Régence vintage, de canapés moelleux hippies chic, de tapis persans effilochés. »16 Ceci est un exemple parmi d’autres de réunion e chambres de bonnes ‘bobos’ qui sont devenus l’équivalent des autres appartements Haussamannien, avec un plus du cachet, de l’originalité, de la lumière, une vue imprenable. Ceux-là ne peuvent pas être appelés chambre de bonnes. 30


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Et demain ? Conclusion sur les possibilités offertes par l’espace analysé

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Les locataires dans le parc privé, les jeunes cadres, gagnent plus d’argent en travaillant dans la capitale qu’ailleurs en France, mais ils ont des loyers plus élevés dans des appartements anciens, petits et de mauvaise qualité. Ils ont donc accepté de vivre dans ce genre de logements pour pouvoir profiter de la centralité, de l’offre de services et de loisirs et de la dimension internationale qu’offre Paris. Ils ont remplacé les ouvriers qui ont quitté la ville quand les usines ont fermé et que la vie en banlieue devenait du coup moins coûteuse et de meilleure qualité pour eux. C’est en s’appuyant sur la demande de ce genre de clients que les investisseurs ont pu exploiter les logements centraux que sont les chambres de bonnes. Dans la ville dense de Paris, pas un centimètre ne peut être perdu. La ville est 6 fois moins grande que Madrid, quinze fois moins que Londres mais elle est beaucoup plus dense, bien mieux tramée en matière de transport en commun. Paris est une ville sans temps mort ; elle a une population de jour de trois millions de personnes, touristes, travailleurs, visiteurs. En dehors de ce genre de réflexion sociologiques et économique, l’engouement pour Paris et la demande de petits logements peut aussi être expliqué par un retour vers l’urbanité ces dernières années. La prise de conscience collective du danger de l’étalement urbain, des gaz produits par les véhicules individuels, poussent certains groupes sociaux vers un mode de vie de proximité trouvé dans les grandes villes. Soulignons aussi que « les médias de communications ont percé les murs de nos appartements »17, étendant la surface d’une pièce à un monde infini d’informations, multipliant les possibilités d’activités dans un petit espace mansardé. Concluons en disant que le terme chambre de bonne est inadapté aujourd’hui, il contribue à l’aura nostalgique de la ville de Paris mais ne définit plus les usages qui sont faits des logements que l’on trouve sous les toits parisiens. La chambre de bonne est morte, vive la chambre de bonne.

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Notes

1. Martin-Fugier Anne. La place des bonnes. La domesticité féminine à Paris en 1900. Editions Perrin, 2004. p38 2. Martin-Fugier Anne. La place des bonnes. La domesticité féminine à Paris en 1900. Editions Perrin, 2004.p131 3. Hazan Eric. L’invention de Paris, il n’y a pas de pas perdus. Editions Seuil. 2002.p153 4. Moley Christian. Regard sur l’immeuble privé, Architecture d’un habitat ( 1880-1970). LE MONITEUR, 1999.p17 5. Martin-Fugier Anne. La place des bonnes. La domesticité féminine à Paris en 1900. Editions Perrin, 2004. 6. Martin-Fugier Anne. La place des bonnes. La domesticité féminine à Paris en 1900. Editions Perrin, 2004.p92 7. Martin-Fugier Anne. La place des bonnes. La domesticité féminine à Paris en 1900. Editions Perrin, 2004.p120 8. Martin-Fugier Anne. La place des bonnes. La domesticité féminine à Paris en 1900. Editions Perrin, 2004.p122 9. Martin-Fugier Anne. La place des bonnes. La domesticité féminine à Paris en 1900. Editions Perrin, 2004.p123 10. Martin-Fugier Anne. La place des bonnes. La domesticité féminine à Paris en 1900. Editions Perrin, 2004.p132 11. Martin-Fugier Anne. La place des bonnes. La domesticité féminine à Paris en 1900. Editions Perrin, 2004.p342 12. Martin-Fugier Anne. La place des bonnes. La domesticité féminine à Paris en 1900. Editions Perrin, 2004.p347 13. Le Courrier ACP-UE. Koko, ou quand le reve d’Eldorado se transforme en cauchemar (en ligne). Juillet-aout 2001 ( Décembre 2009). Disponible sur http://ec.europa.eu/development/ body/publications/courier/courier187/fr/fr_051.pdf 14. Jeudi Noir, le site des galériens du logement (en ligne). RECIT-FP Partenaires. Article 30 janvier 2007 ( 1 Décembre 2009). Disponible sur http://www.jeudi-noir.org/Le-Parisien-Le-drole-de-business.html 16. Gouslan Elizabeth. Sylvie Testud, la fille d’à côté. Madame Figaro. 04/01/08 17. Seraji Nasrine. Logement, matière de nos villes. Chronique européenne 1900-2007. Édi36


tions Picard, 2007.p425 18. Boudimbou Guy. Habitat et modes de vie des immigrés africains en France. Editions l’Harmattan, 2000.p36 19. Jean-PIerre Gallo. Sous les toits de Paris. Office national de radiodiffusion television française. DVD Cam . 1968. 25’45. 20. Jean-PIerre Gallo. Sous les toits de Paris. Office national de radiodiffusion television française. DVD Cam . 1968. 25’45. 21. Boudimbou Guy. Habitat et modes de vie des immigrés africains en France. Editions l’Harmattan, 2000.p36 Images 1. Jean Siméon Chardin, La Gouvernante, XVIIe siècle. 2. Bertail, Etages du monde parisien. 1845 3. Gustave Caillebotte, Rue Halevy , vue du sixème étage, 1848 4. Gustave Caillebotte, Un Balcon, 1880, 5. Jean-PIerre Gallo. Sous les toits de Paris. Office national de radiodiffusion television française. DVD Cam . 1968. 25’45. 6. Lene-Rettig Maja. Chambre de bonne. Les Films du Village/ARTE/ZDF. DVD Cam . 2002. 59’15 7. Maximilien Luce, le cordonnier dans la mansarde, 1858 le hermite dans la chambre de bonne exemple de ravalement de chambres de bonne état original de chambres de bonne Michel Piccoli dans ‘Les toits de Paris» Hiner Saleem, 2007

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