Bon Gout Automne 2015

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MAGAZINE D’A PRIORI ÉPICURIENS

octobre 2012

# 14

Le plus vieux et le plus authentique bistrot bourgeois de Lyon

automne

2015

Plus qu’un bouchon lyonnais, le Café Comptoir Abel est une institution... Son décor d’époque en témoigne. Parquets cirés, boiseries chatoyantes, plafonds à la française, vastes miroirs, tableaux et objets chinés çà et là par les maîtres des lieux successifs… Chez Abel, le temps s’arrête lors de la dégustation de la véritable quenelle de brochet faite maison, du fameux poulet aux morilles ou encore d’un délicieux gratin d’écrevisses... ••••••••••••••••••

Garant de la tradition des Mères lyonnaises et de leurs fameuses spécialités, le Café Comptoir ABEL vous accueille tous les jours sauf le dimanche soir.

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Quenelle

Saucisson chaud

Poulet à la crème

Rue Guynemer - 69002 Lyon - 04 78 37 46 18 • www.cafecomptoirabel.fr

www.lenaka.net

Ris de veau

CHRISTIAN TÊTEDOIE Cuisinier par vocation


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édito

Au moment où IKEA fait campagne en signant que “toutes les bonnes décisions se prennent autour d’une table”, le bon et le bien manger n’ont jamais fait couler autant d’encre et occupé autant l’écran. Quel paradoxe alors que le temps dédié au déjeuner se réduit à vue d’œil, consacrant le snacking, et que l’Uberisation de notre société touche désormais la restauration avec le développement de la livraison à domicile. Pour autant, si les nouveaux modes de vie et de consommation bouleversent les codes, la table et le repas restent des repères incontournables à l’heure où les vertus du partage et de la convivialité font florès. Plus encore quand on parle d’équilibre, de santé et de vitalité, les bonnes recettes nous ramènent à la table. Bon Goût, dans ce numéro automnal, vous invite à passer à table et à y prendre du plaisir, en parcourant avec gourmandise ses articles, en découvrant quelques recettes (du succès) et en partageant ses bonnes adresses. • Philippe Florentin •

AMBASSADEUR DU GOÛT

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Christian Têtedoie Cuisinier par vocation Par Bruno Metzlé

Installé à force d’audace et d’opiniâtreté sur le site de l’ancien hôpital de l’Antiquaille à Lyon, Christian Têtedoie a choisi un emplacement exceptionnel pour continuer son aventure gastronomique. Christian Têtedoie

••••••••••••• Directeur de la publication : Philippe Florentin Directeurs de la rédaction : Bruno Metzlé - Pascal Auclair Direction artistique et maquette : agence Créadequat Photographies : www.lenaka.net, Richard Haughton, Photo Ohmart, Julien Faure, Pascal Auclair, Benjamin Bechet, P. Monetta, ASLYM Valode et Pistre, Architectes AIA_Architectes Journalistes : Bruno Metzlé - Pascal Auclair Ce numéro a été tiré à 80 000 exemplaires sur papier offset 60 g qualité supérieure. Imprimé par Roularta printing (Belgique). N° ISSN : 2260-975X

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ERRATUM Dans notre édition n°13 : le restaurant La Rotonde est installé au Casino Le Lyon Vert 200 avenue du casino à La Tour de Salvagny 69890. Les photos de Jérôme Bocuse publiées dans notre édition n°11 sont de Jeff Nalin.

Un lieu à la fois contemporain dans sa conception et grandiose par sa situation, conçu comme un parallélépipède rectangle posé en balcon sur le haut de Fourvière. L’élégance discrète du design laisse place au véritable décor du restaurant, la vue époustouflante sur la ville de Lyon. Lyonnais d’adoption, Christian Têtedoie témoigne d’un parcours à la fois brillant et audacieux. Gourmand avant d’être cuisinier, il fonde sa cuisine autour de la mise en valeur et du respect des produits issus pour la plupart du terroir rhônalpin. Un travail de grande précision et un credo, appris auprès de ses maîtres et formateurs, Paul Bocuse et Georges Blanc notamment. Toujours proche du produit, Christian Têtedoie recherche l’émotion. Il s’éloigne de la cuisine plus classique de ses débuts pour évoluer vers une cuisine plus intime, et instinctive. Alain Ducasse m’a dit un jour, “ta cuisine

c’est l’équilibre du bon goût” révèle-t-il. À la carte, des plats de saison ; En entrée, Tomates, escargots et burrata, ou Terrine de foie gras et cerises confites gelée d’amende et salade de champignon. Pour les plats, Lapin Rex du Poitou betteraves et mures ou agneau du Bourbonnais - Côtelettes rôties et épigramme croustillant à la moutarde, oignons, épices douces et menthe fraîche. Côté desserts, les associations font loi ; la Prune et le Sureau (biscuit façon pudding, marmelade de quetsche meringue, prune rôtie et glace au sureau), la Framboise et le Chocolat, ou encore ce beau Soufflé myrtilles (myrtilles et sorbet fromage blanc). Christian Têtedoie n’oublie pas ses grands classiques comme son association signature, le « HTV », le Homard et la Tête de veau. Iconoclaste en apparence, ce duo, à la carte depuis 26 ans, est emblématique de son style. À la fois moderne et traditionnel. Cette belle alliance Terre-Mer est déclinée à

chaque saison d’une façon différente. À côté du restaurant gastronomique, Christian Têtedoie propose une cuisine plus simple à la très aérienne Terrasse de l’Antiquaille. Minute de saumon quinoa citron confit et cacahuètes, volaille des Dombes, Pluma ibérique de Bellota sauce piquillos, Panna-Cotta caramel et gingembre. Enfin, le bar à vins Le Phosphore, propose des formules entrée plat dessert à 22 €, des tapas, des spécialités charcutières (palette ibérique, Figatelli corse ou Mortadelle truffée), des cocottes et tartines (œufs pochés asperges vertes, ou escargots de Bourgogne, ou encore des œufs de poisson avec blinis et crème de vodka). Cuisinier entrepreneur, Christian Têtedoie dirige également 3 autres restaurants à Lyon, le bistro traditionnel La Voûte Chez Léa, sur les quais de Saône, institution de la cuisine lyonnaise traditionnelle, le Flair rue de la Charité,

Lapin et ravigote revisitée

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BON GOÛT   –   Numéro 14  –   AUTOMNE 2015


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France. Mon rôle est de le rappeler et de faire en sorte que les Chefs formés en France le disent et le revendiquent. Par ailleurs, ces pays soutiennent énormément leurs cuisiniers pour leur donner une image dans le monde entier. Mon ambition est de repositionner la cuisine française dans le monde, afin qu’elle tienne sa place.

Quelle est la caractéristique de la cuisine française ?

Salle du restaurant

HTV automne

et l’Arsenic véritable pépinière de jeunes Chefs qui peuvent ici donner libre cours à leur talent. Cuisinier engagé dans la défense de la cuisine française, Christian Têtedoie (MOF 1996, étoilé Michelin en 2000), a été élu Président international de la plus importante association de Chefs au monde : l’Association des Maîtres Cuisiniers de France. Christian Têtedoie consacre aujourd’hui 100% de son temps à son métier et à sa passion de la cuisine. À plus de cinquante ans, il est toujours une étoile montante de la gastronomie lyonnaise. Il semble aujourd’hui être en mesure de franchir un nouveau palier ; la refonte de la salle à manger prévue dans les mois qui viennent, révèle à n’en pas douter un besoin accru d’excellence et d’ambition ! ••••••••••••

CT : Sa plus grande caractéristique est la diversité ; on ne mange pas la même chose du nord au sud. Mon combat, et celui des cuisiniers, est de sauvegarder l’authenticité des particularités régionales. C’est une véritable richesse, un patrimoine inestimable. La France bénéficie d’une extraordinaire diversité de climats et de températures. Ces climats donnent des terroirs et des produits très différents. Prenez l’exemple des bovins de races à viande, il y en a autant que de régions, ou encore les fromages. Pour comprendre la construction extraordinaire de notre cuisine, il faut remonter dans le temps. Dès le moyen âge, la préoccupation des seigneurs était d’accommoder au mieux les meilleurs produits de leur région. En résumé, c’est la richesse des provinces qui a apporté la culture du bien manger que l’on connait aujourd’hui en France.

Carré d’agneau

Vous êtes Président international des Maîtres Cuisiniers de France, quelle est la vocation de cette association ? CT : La mission de notre association est le rayonnement de la cuisine française dans le monde. À travers les 360 Chefs en France et les 220 Chefs dans le reste du monde. À l’instar de la défense de la Francophonie pour notre langue, nous défendons la francophonie culinaire, le savoir faire français et la formation des jeunes. Cet un élément de l’influence de la France au plan international. Ce que les anglo-saxons appellent le soft power.

Partout dans le monde on voit émerger des cuisiniers talentueux, y compris de pays qui n’avaient pas de véritable tradition gastronomique. La cuisine serait elle en train de se mondialiser ? CT : Il y a en effet des pays qui apparaissent dans les classements internationaux ou que l’on voit concourir avec des Chefs de talent au Bocuse d’Or comme les pays scandinaves, ou le Pérou. La vérité est que ces cuisiniers ont appris en

La France continue-t-elle aujourd’hui à tenir ce rôle de formatrice ? CT : La particularité des Chefs français est leur capacité à maitriser les bases et à les adapter aux produits locaux. Depuis un siècle, la France accueille et forme des Chefs venus du monde entier. À travers eux la cuisine française s’est exportée. L’art d’accommoder les produits s’est répandu partout dans le monde. Les Chefs formés en France adaptent cette cuisine avec des produits locaux. Au Brésil par exemple, ils ont fait évoluer la cuisine de leur pays de cette façon.

Devant l’évolution des modes de vie, notre patrimoine culinaire est-il en danger ? CT : Face à la diminution du temps passé à table, à la déstructuration du repas, à la multiplication d’offres de restauration dites rapides, le rôle des cuisiniers en général et des Meilleurs Ouvriers de France en particulier est de sauvegarder la cuisine française. Le goût est en constante évolution. Le vrai danger est la déformation du goût, son appauvrissement par l’uniformisation et par l’oubli de nombreux produits.

Comment se fait l’apprentissage du goût ? CT : Quel que soit le style de cuisine, il faut d’abord trouver les bons produits. Dans les familles, la transmission culinaire d’une génération à l’autre est un élément important. Entre les années 70 et 2000, il n’y a pas eu de transmission du goût et des recettes, de la mère à la fille. Maintenant la tendance s’est inversée, « on se reçoit ». Les français se sont repiqués au jeu.

Vous évoquiez tout à l’heure les changements de modes de vie. Les modes de consommation aussi ? CT : De nouvelles expériences de restauration livrée à domicile ou au bureau sont très intéressantes comme celle de Nos Bons Plats Chez Vous, pour répondre à l’équation « manger vite et bon sans se déplacer ». Le restaurant se déplace sur les lieux de consommation, avec des plats préparés selon les recettes de Chefs, dans le respect de la qualité.

•••••••••• Restaurant gastronomique Christian Têtedoie Montée du Chemin Neuf - 69005 Lyon Tél. : 04 78 29 40 10 Ouvert du lundi au samedi Menus : 62 €, 78 €, 98 €, 120 € •••••••••• La Terrasse de l’Antiquaille cuisine à la plancha •••••••••• Le Phosphore Restaurant & bar à vins •••••••••• La Voûte chez Léa 11 place Antonin Gourju - 69002 Lyon Tél. : 04 78 42 01 33 Ouvert du lundi au samedi Menus 29,50 € et 41,50 € •••••••••• Le Flair 84 rue de la Charité - 69002 Lyon Tél. : 04 72 56 06 31 Ouvert du mardi au samedi Menus : midi 16 € et 29 €, 29 €, 42 € et 55 € ••••••••••

AUTOMNE 2015 –   Numéro 14 – BON GOÛT

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GOÛT DIVIN

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La Bourgogne et ses Climats Par Fabrice Sommier

Le 5 juillet 2015 : date historique pour la Bourgogne et la France

Les climats de Bourgogne sont inscrits à l’UNESCO c’est la reconnaissance de 2000 ans d’histoire. Cette reconnaissance est celle de toute une région, mais aussi d’un pays attaché à ses traditions viti-vinicoles.

Fabrice Sommier, Meilleur Ouvrier de France 2007, élu sommelier de l’année 2015 Gault & Millau, Directeur de la restauration du Groupe Georges Blanc.

Monsieur Aubert de VILAINE propriétaire du domaine de la Romanée Conti et président de l’association des climats du vignoble de Bourgogne a porté à bout de bras ce projet, avec toutes les collectivités locales comme le BIVB (bureau interprofessionnel des vins de Bourgogne) avec son président Claude CHEVALIER et un comité de pilotage efficace. On compte un grand nombre de mécènes et plus de 64000 personnes au comité de soutien.

Mais qu’est-ce qu’un climat

Le mot “Climat” ne doit pas vous tromper. Il ne s’agit en aucun cas de la météorologie, mais correspond à un terme spécifiquement bourguignon. Le mot “Climat” apparait pour la première fois dans les écrits au XVIème siècle. Il est alors synonyme de lieu-dit. C’est un siècle plus tard que son usage se généralise, pour incarner cette nouvelle référence au lieu et caractériser les différences et la hiérarchie entre les vins de la côte bourguignonne. La notion de Climats de Bourgogne, au sens de terroir viticole, serait quant à elle bien antérieure, et remonterait au Haut Moyen Âge. Chaque Climat de Bourgogne est une parcelle de vigne, soigneusement délimitée et nommée depuis des siècles, qui possède son histoire et bénéficie de conditions géologiques et climatiques particulières. Chaque vin issu d’un Climat a son goût et sa place dans la hiérarchie des crus (Appellation Régionale, Village, Premier Cru, Grand Cru). Les Climats sont plus de 1000 à se succéder sur un mince ruban courant de Dijon à Santenay, au sud de Beaune ; certains répondant à des noms illustres comme Chambertin, Romanée-Conti, Clos de Vougeot, Montrachet, Corton, Musigny... La Bourgogne est magique, Elle offre un large éventail de possibilités entre les vins tranquilles et effervescents. Cette palette riche permet tous les accords mets et vins des plus classiques au plus audacieux. Une belle tranche de Jambon persillé avec la fraicheur et l’opulence d’un Puligny de François CARRILLON en 2011. 4

BON GOÛT   –   Numéro 14  –   AUTOMNE 2015

Fabrice Sommier

J’aime la richesse d’un coq au Gevrey Chambertin que l’on déguste avec un premier cru de cette même commune en Cazetiers 2005 de la Maison FAIVELEY. Un brochet au beurre blanc avec la gourmande vivacité d’un Mâcon villages du domaine d’AZENAY. La chaleur de l’Epoisses avec la rondeur d’un Givry rouge du père Sarazin. Et toutes les crèmes de Cassis avec une glace baille turbinée minute. Et pour les amateurs d’eau de vie : • Les Fines et Marcs de Bourgogne sauront mettre vos papilles en exergue avec une pensée pour celui des Hospices de Beaune de la Maison JACOULOT. • La Poire des Monts de Côte d’Or de la Maison Cartron est plus que tout cela, elle est un monument à la gloire du fruit. Et tout plein d’autres possibilités que la Bourgogne vous offre avec amour et générosité, pas celle de l’esbroufe, non la plus noble et la plus belle celle du cœur. Bref la bourgogne c’est le pays des gastronomes et des gourmands. 2015 sera l’année de la Bourgogne, les vendanges se sont terminées avec un état sanitaire très bon. Dès le printemps il semblait que ce millésime serait précoce. La belle floraison du mois de juin annonçait les vendanges tout début septembre. Mais cet été chaud, très chaud a bloqué les maturités en juillet ; heureusement Bacchus était avec la Bourgogne et les averses douces en août ont permis un redémarrage sain et efficace. Bref que du bonheur… ou presque j’ai une grande pensée émue pour nos amis de Chablis qui ont subi les dommages de la grêle avec violence, ce qui a anéanti sur certaines parcelles toute possibilité de vendange. Je souhaite aussi dédier ces quelques mots à Pascal, Delphine et Mélanie qui m’ont fait confiance pour animer ces conférences “ les ateliers de prestige” by Fabrice Sommier, ces moments cousus mains qui en sillonnant la France, présente la Bourgogne, mais resserrent également les liens entre tous les passionnés du vin. Être ambassadeur de la Bourgogne est pour moi un honneur et une joie.


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Claude Chevalier l’homme tranquille Par Bruno Metzlé

Vigneron à Ladoix, situé exactement entre la Côte de Beaune et la Côte de Nuits, Claude Chevalier perpétue une tradition familiale depuis 1850.

Claude Chevalier entouré de deux de ses filles

Épaulé aujourd’hui par trois de ses filles (Julie, Chloé et Anaïs), les rôles sont bien répartis à l’heure de la vendange, Chloé à la vigne et à la vinification, Julie au commercial et à la logistique, et Anaïs à la comptabilité. Postée au bout de la table de tri, Chloé ne laisse rien passer. Que du beau raisin sain ! C’est l’une des premières exigences pour faire un vin de qualité. Serein, Claude Chevallier offre le visage détendu de celui qui passe progressivement la main à la nouvelle génération. Pourtant, entre lui et son père, la transmission ne

s’est pas faite en douceur. Tenu à l’écart de l’exploitation jusqu’en 1994, Claude Chevalier prend la main à près de 40 ans, à l’approche de la vendange à l’occasion d’une défaillance du paternel. Il décide de retarder la date de celle-ci pour faire gagner un peu de maturité au raisin. Depuis, c’est lui qui vinifie et qui impose sa vision. “Mon père faisait son vin comme tout le monde, sans éclat, plutôt bon vinificateur, mais il produisait trop ! Il a eu le bonheur d’étendre le domaine et d’acheter une parcelle sur le coteau de Corton, dont la moitié était en friche, confie Claude Chevalier. Il distingue les parcelles, observe le raisin, impose un tri drastique, limite les rendements.” À l’époque, un certain Henri Jayer, précurseur et grand innovateur montrait l’exemple en Bourgogne en affirmant “un grand vin est conçu dans le vignoble, pas dans la cave”. Il a initié l’amélioration de la qualité des vins de Bourgogne et aujourd’hui ses cuvées sont les plus chères du monde. Finalement, c’est l’ensemble de la profession qui a évolué avec lui. Ayant adopté ces préceptes, Claude Chevalier n’est pourtant pas satisfait. Il est prêt à se remettre en cause. Mon Corton ne valait pas un mauvais Ladoix. En 2000 il fait appel à Kyriakos Kynigopoulos, œnologue réputé, sorte de gourou pour le vin de Bourgogne. L’élève apprend vite, et s’affranchit du Maître en considérant que la qualité d’un vin ne vient pas que de la standardisation des méthodes, mais aussi du respect des terroirs et de la personnalisation de la vinification. En outre, chaque année est différente et il faut s’y adapter. ”Il faut que le vin soit bon” lâche-t-il comme une évidence. Aujourd’hui Claude Chevalier et ses filles exploitent un domaine de 15 hectares, répartis à 75% en rouges (Bourgognes, Ladoix, Côtes de Nuits Village, Ladoix 1er Cru, Aloxe Corton, Gevrey Chambertin,Aloxe Corton 1er cru, et Corton Grand cru) et 25% en blancs (Bourgogne Aligoté, Bourgogne, Ladoix, Ladoix 1er Cru, Corton Charlemagne

Grand Cru). NB : Il recherche des parcelles en Côtes de Nuits. Élu Président du Bureau Interprofessionnel des vins de Bourgogne (BIVB) en 2013, Claude Chevalier est un fédérateur. Il apprécie le travail de qualité fait dans toutes les appellations qu’elles soient prestigieuses ou non. Si les vins de Bourgogne se vendent bien à travers le monde, contrairement aux idées reçues, ça n’a pas été toujours le cas rappelle Claude Chevalier. De la crise du phylloxera qui a ravagé le vignoble dans les années 1870, aux deux guerres mondiales jusqu’à l’année exceptionnelle de 1959 qui a marqué la renaissance, la Bourgogne ne faisait pas recette mis à part quelques exceptions. Depuis les années 60, la Bourgogne connait des années fastes. La répartition Bourgogne / Bordeaux est plus équilibrée sur les cartes des restaurants. Récemment, les média ont largement insisté sur l’acquisition du Château de Gevrey Chambertin par un investisseur chinois comme la perte d’un “bijou de famille”. Claude Chevalier reste confiant, le vin fait rêver certains, mais pas tout le monde. Cette vente était surtout une opération immobilière. Il fait remarquer à ce sujet que le bordelais n’appartient plus aux bordelais depuis longtemps. “La Bourgogne ne peut pas s’étendre, c’est notre garantie et les efforts faits depuis 15 ans par les viticulteurs portent leurs fruits, les vins plaisent beaucoup, ce sont des vins dans la finesse. Nous autres viticulteurs, nous faisons un métier fabuleux, nous travaillons la terre, nous élaborons un beau produit et nous rencontrons des gens, nos clients qui apprécient ce que nous faisons,” conclut Claude Chevalier. • DOMAINE CHEVALIER Claude Chevalier et ses filles Buisson 21550 Ladoix- Serrigny Tél. : 03 80 26 46 30 www.domaine-chevalier.fr

AUTOMNE 2015 –   Numéro 14 – BON GOÛT

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AFFAIRE DE GOÛT

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Denis Verneau Reçu vingt sur vin ! Par Pascal Auclair

Sacré Meilleur Ouvrier de France en février dernier, Denis Verneau a atteint son Graal. Après de longs mois de sacrifices, le Chef sommelier de La Mère Brazier peut désormais arborer le prestigieux col bleu-blanc-rouge. Tout vient à point à qui sait attendre… Finaliste malheureux en 2011, Denis Verneau a fini par décrocher la lune, en l’occurrence le titre envié de Meilleur Ouvrier de France, en février dernier, à Écully. Une consécration pour le sommelier de La Mère Brazier qui a pourtant longtemps hésité avant de remettre son travail sur l’ouvrage. “En 2011, je m’étais présenté sans ambition ni prétention, avec un certain dilettantisme, considérant le concours des MOF comme une sorte de bilan de compétence à l’aube de mes quarante ans. Cela m’avait beaucoup appris, tant sur le plan humain que professionnel, mais l’investissement personnel est tel que je n’envisageais pas me présenter une seconde fois”.

Une année de préparation intensive Mais Mathieu Viannay, lui-même sacré MOF en 2004, sut trouver les mots justes pour convaincre son sommelier de marcher sur ses traces, celles qui mènent à la reconnaissance suprême de ses pairs. Le début d’une longue et fastidieuse préparation, à l’instar de l’athlète de haut niveau dans la perspective des prochains JO. “Durant un an, je me suis levé une heure et demie plus tôt que d’habitude, et couché deux heures plus tard, en y consacrant aussi un week-end sur deux”. Étude de la législation, révision de toutes les gammes de produits, des vins au thé, des cigares à l’eau, dégustation à l’aveugle et écrite… En novembre 2014, à Paris, Denis Verneau recueille les premiers fruits de son investissement lors des présélections. Il déjoue les pièges pour figurer parmi les douze heureux élus (sur 88 candidats) invités à la grande finale, le 5 février, à Écully. “À partir de là, je me suis surtout préparé physiquement et mentalement, en me contentant de me tenir au courant de l’actualité du vin”, confie le sommelier, serein à l’approche de l’événement. “Je suis d’un tempérament plutôt cool. J’ai juste senti une petite boule à l’estomac quelques jours avant la finale, mais plus l’épreuve approchait, plus j’étais détendu. Le stress est vraiment monté d’un coup, juste avant l’annonce des résultats !”. Une grosse montée d’adrénaline puis le verdict, la délivrance, les congratulations, les effusions, les yeux qui pétillent et les bouchons qui sautent… En un instant, sa vie bascule dans l’excellence (1). “Si je n’avais pas eu ce titre de MOF, je pense que j’aurais réfléchi à mon orientation professionnelle”, souffle Denis Verneau, lui qui s’est découvert une vocation tardive, débutant

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BON GOÛT   –   Numéro 14  –   AUTOMNE 2015

sa formation à 16 ans dans sa Touraine natale. “J’ai commencé comme apprenti serveur au Roc en Val, un restaurant de Montlouis-sur-Loire. Il y avait un jeune sommelier qui m’a pris sous son aile. C’est lui qui m’a fait découvrir les subtilités de la vigne et du vin. Une révélation !”.

“La Mère Brazier, ce n’est

que du bonheur !” Le travail, la persévérance et un brin d’opportunisme feront le reste. “Après mon CAP et une année d’alternance en sommellerie, j’ai envoyé un courrier au 17 trois étoiles Michelin de l’époque… et 16 m’ont répondu favorablement. À la fin des années 80, les sommeliers étaient encore rares sur le marché”. Ayant l’embarras du choix, Denis Verneau opte pour une valeur sûre, la Poularde, à Montrond-les-Bains où officie le déjà réputé Éric Beaumard, futur meilleur sommelier de France (1992) et d’Europe (1994). “À ses côtés, j’ai vécu une année fabuleuse, tant sur le plan humain que professionnel, s’enthousiasme-t-il. Par la suite, je n’ai jamais eu à envoyer le moindre CV”. Recommandé par son mentor, Denis Verneau multiplie ensuite les expériences dans les grandes maisons, de Marc Veyrat à Veyrier du Lac au Pavillon Ledoyen à Paris, en passant par le Domaine de Châteauvieux près de Genève, La Briqueterie à Vinay (Marne), le Relais d’Auteuil, la Marée, Léon de Lyon et la Cave Malleval. Étanchée, sa “soif” de savoir le mène presque naturellement aux portes de La Mère Brazier. Le restaurant de la rue Royale vient d’être racheté par Mathieu Viannay. Il sera sur le pont à la réouverture de l’établissement, le 14 octobre 2008. “Depuis, ce n’est que du bonheur !”, avoue le MOF, qui a noué “une relation très forte” avec le Chef doublement étoilé. “Ensemble, on partage les mêmes origines de l’Ouest, mais aussi une passion pour le vin, une certaine façon d’appréhender la vie et des valeurs indispensables pour mener cette belle maison au plus haut niveau. Il ne manquait que le col bleu-blanc-rouge…”. Cumulant désormais les fonctions de Chef sommelier et de directeur de salle, Denis Verneau souhaite à l’avenir faire partager sa science du vin aux jeunes générations. Une transmission du savoir qu’il assure au quotidien auprès des deux autres sommeliers, mais aussi des deux apprentis présents rue Royale. “Le titre de MOF n’a rien changé dans mon travail quotidien, si ce n’est l’exigence d’être encore plus sérieux et rigoureux pour justifier son statut. En fait,

Denis Verneau

il a surtout changé le regard des clients. Ma parole a plus de poids. J’ai moins besoin d’argumenter pour les accords mets-vins !”, conclut Denis Verneau, fier d’appartenir au “cercle fermé” des cols tricolores. On le serait à moins… (1) Outre Denis Verneau, Pascal Paulze (L’Oasis, à Mandelieu – La Napoule), Philippe Troussard (Les Caudalies, à Arbois) et Romain Iltis (La Villa Lalique, à Wingen-sur-Moder) ont été les trois sommeliers MOF en 2015.

SA RECETTE DE LA RÉUSSITE

Aimer les gens La curiosité, le souci d’apprendre au quotidien Le respect du travail des autres Savoir mettre en valeur les qualités de chacun

LES ACCORDS METS-VINS DE DENIS VERNEAU Quels jolis flacons sont les plus appropriés pour accompagner les grands classiques de Mathieu Viannay ? Les suggestions gouleyantes du sommelier de La Mère Brazier… ARTICHAUT ET FOIE GRAS N°10

CONDRIEU «LES TERRASSES DE L’EMPIRE» 2012 DOMAINE GEORGES VERNAY FRICASSÉE D’ORMEAUX ET CHAMPIGNONS DES BOIS JAMBON CUL NOIR DE BIGORRE ET NAGE AU VIN DE XÉRÈS

CÔTES DU JURA «CHALASSES MARNES BLEUES» 2011 DOMAINE J.F. GANEVAT PIGEON POCHÉ GRILLÉ, JUS À LA GRENADE BETTERAVES MULTICOLORES, POMMES SOUFFLÉES

CÔTE-RÔTIE «RÉSERVE DU DOMAINE» 2007 DOMAINE S. OGIER PLATEAU DE FROMAGE

MOULIN-À-VENT «CLOS DE ROCHEGRÈS» 2010 CHÂTEAU DES JACQUES SOUFFLÉ AU GRAND-MARNIER

RATAFIA DE CHAMPAGNE «SOLÉRA» MAISON H. GIRAUD


PAR AMOUR DU GOÛT

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quatre bêtes”, confie Arnaud Bernollin. Ah, la vache ! Quelle opportunité ! Le temps de négocier le bout de gras et le petit troupeau embarquait en bateau pour une traversée de la Manche, avant de rallier en camion les verts pâturages du Haut Beaujolais. Un cadre bucolique à souhait dont les bestiaux ne profitent que quelques semaines. “Le jeune bœuf reste 9 à 10 mois au pré. Ensuite, il est maintenu dans un enclos fermé jusqu’à son abattage, entre 30 et 36 mois”.

Massage et musique classique dans l’étable

Mathieu Viannay et Arnaud Bernollin

Bernollin-Viannay L’amour vache Par Pascal Auclair

Le cuisiniste et le Chef étoilé lyonnais ont investi dans un troupeau de wagyu. De drôles de bovins d’origine japonaise, installés au cœur du Beaujolais, dont la viande très recherchée sera bientôt dégustée dans les (bonnes) tables lyonnaises. Certains se délectent d’un steak de wagyu, d’autres investissent dedans. Appréciée des carnivores et autres “viandards”, cette race de bétail japonaise, qui produit notamment le fameux bœuf de Kobé, a trouvé refuge au cœur du Beaujolais. Un lieu improbable… sauf pour Arnaud Bernollin et Mathieu Viannay. Le sémillant cuisiniste et le Chef doublement étoilé se sont associés à un

éleveur de Belleville pour y implanter un petit troupeau de quelques têtes dont les cornes font déjà des envieux. “Lors d’un voyage au Japon, on était tombé amoureux de cette viande persillée savoureuse, mais introuvable. Finalement, c’est durant l’été 2014, près de ma résidence secondaire irlandaise, que j’ai eu vent qu’un exploitant voisin voulait se séparer de ses

Durant toute cette période de stabulation, les bovins font l’objet de soins quotidiens. Certes, pas de manucure ni de brushing, mais des massages réguliers avec une large brosse, caresses musclées réalisées par Aurélien Laguiole, l’agriculteur associé. “On leur met aussi de la musique classique en permanence pour les apaiser, éviter le stress”, précise Arnaud Bernollin. Quant à leur festin, il se compose de graines de lin et de bière. Une drôle de mixture qui donne à la viande ce goût persillé et une forte teneur en oméga 3. Excellent pour la santé ! Depuis son arrivée en terre beaujolaise, le petit cheptel s’est déjà agrandi avec la naissance de trois veaux. Dame nature fait bien les choses… pour peu qu’on lui force la main. “Pour éviter le transport, à défaut d’avoir des taureaux sur place, on pratique par insémination artificielle, puis par transfert d’embryons sur des mères porteuses charollaises. On achète des paillettes de sperme congelé en provenance d’Australie ou du Japon. Sachant que la gestation dure 9 mois et que l’on vient d’acquérir un troupeau de 10 bêtes pleines en Belgique, on devrait approcher la quarantaine de têtes dès l’an prochain et avoir une trentaine de veaux par an chaque année”. Une démographie galopante en pays beaujolais… mais aussi très rentable. Une vache wagyu se négocie ente 10 000 et 15 000 euros, alors qu’il vous en coûtera à peine 2 000 euros pour l’acquisition d’une belle Charolaise. Un tarif prohibitif en rapport avec le prix de revente de la viande en boucherie. “Il faut compter entre 250 et 300 euros le kilo pour un filet de wagyu, alors qu’il ne dépasse pas 35 euros pour la Charolaise”.

dont la motivation est décuplée à l’idée de savourer bientôt le fruit de leur propre élevage. “Après un mois de maturation, les premiers morceaux seront à la carte en décembre prochain”, promet Mathieu Viannay, qui cite le filet, le faux-filet, les carrés de cotes et le paleron parmi les morceaux les plus nobles (1). “Cela dit, tout est bon dans la race wagyu. Les morceaux les moins nobles font d’excellents burgers. Quant aux peaux, tannées, elles font de magnifiques tapis et fauteuils”. À ce jour, la France ne recense que quatre élevages de wagyu, dont un à Vonnas. “Mais on est le seul vraiment qualitatif”, assure Arnaud Bernollin, en caressant discrètement la croupe de l’une des belles japonaises… (1) Pour le Chef Viannay, la plupart des morceaux de race wagyu est à poêler et à déguster de préférence saignant, mais pas bleu compte tenu du caractère persillé et très gras de la viande.

LA MÈRE BRAZIER FAIT DES BULLES ! Inutile de vous faire un dessin. Mathieu Viannay va se muer en héros de BD dans les prochaines semaines. Le Chef aux deux étoiles s’apprête à publier avec le dessinateur Efix un livre tout en images. Intitulé 12, rue Royale ou les 7 défis gourmands, cet ouvrage inédit comprendra notamment 95 pages de BD et 4 recettes. “Le scénario mêle réalité et fiction, avec un caractère historique et une intrigue”, confie Mathieu Viannay. Tirée à 12 000 exemplaires, vendu 19,90 euros, cette bande dessinée gourmande sera diffusée dans le repaire de la Mère Brazier et dans toutes les bonnes librairies.

Une affaire très rentable

Sachant qu’une vache produit en moyenne entre 150 et 180 kilos de viande pour 250 à 300 kilos de carcasse, on comprend mieux l’intérêt de nos investisseurs épicuriens,

LE MONDIAL DE PÂTÉ CROÛTE,

UNE AFFAIRE PLANÉTAIRE… Spécialiste de la conception, de la commercialisation et de l’installation de cuisines haut de gamme pour particuliers, Arnaud Bernollin vient d’ouvrir un nouveau showroom à Anse. Mais il est aussi le cofondateur du Championnat du monde de pâté croûte. Un savoureux tournoi dont la finale 2015 est fixée au 7 décembre prochain, comme toujours

dans le cadre gouleyant de la Maison Chapoutier, à Tain L’Hermitage. “C’est une année de transition, car notre ambition est plus que jamais d’en faire un événement mondial”, assure-t-il. Dans cette optique, le dirigeant lyonnais annonce que des demi-finales seront organisées dès 2016 à New York et Tokyo.

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GOÛT DES SAVEURS

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Patrick Marché L’amour des bons produits Par Pascal Auclair

Président fondateur des Toques Blanches du Monde, l’ancien directeur général de Weiss a créé la première marque de produits d’épicerie fine sélectionnés par des Chefs. Le principe ? Solliciter les grands cuisiniers de la planète pour distribuer les meilleurs produits du terroir. Une gamme bientôt diffusée dans les Monoprix et les aéroports. Comment est né le concept de la marque Les Toques Blanches du Monde ? J’ai fait toute ma carrière dans l’agroalimentaire. Dans ce cadre, j’ai eu à la fois l’occasion de rencontrer de nombreux producteurs, mais aussi des Chefs qui me parlaient toujours de l’importance de cuisiner avec de bons produits. J’ai donc eu l’idée de faire découvrir les meilleurs produits du monde au plus grand nombre, en mettant en valeur les savoir-faire et les terroirs de tous ces pays. Une démarche qui me paraissait logique à l’heure de la mondialisation, du développement des échanges, des nouvelles technologies et des réseaux sociaux.

De quelle manière ? De 2011 à 2014, pour sourcer les produits, j’ai créé une Communauté de Chefs et une database avec un algorithme pour qualifier tous les Chefs cuisiniers, pâtissiers, boulangers et sommeliers de la planète. Ce travail long et fastidieux nous a permis d’alimenter une base de 10  500 Chefs, référencés et qualifiés en fonction de leur cursus, de leurs spécificités, de leur présence sur les réseaux sociaux… Dans chaque pays, nous leur avons ensuite demandé une sélection de leurs meilleurs produits locaux. Grâce à ce référencement exhaustif, nous avons ainsi pu créer une marque premium de food, une gamme complète avec une vraie traçabilité. Tous les produits labellisés Les Toques Blanches du Monde sont validés par nos Chefs avant d’être mis sur le marché. Un gage de sérieux et de qualité, sachant que nous avons aujourd’hui une gamme de 70 produits en provenance d’une vingtaine de pays des quatre coins de la planète.

Comment sont distribués les produits ? Dans chaque pays, nous nous appuyons sur un distributeur local pour une diffusion B-to-B dans les hôtels et restaurants. Aujourd’hui, le challenge consiste à développer la gamme en B-to-C, redonner du goût aux repas dans un monde où la grande distribution a tendance à uniformiser les saveurs.

Quel sera le réseau de distribution pour cette ouverture au grand public ? Nous avons déjà mis en ligne notre site de e-commerce. Début novembre, tous les produits Les Toques Blanches du Monde feront leur apparition chez Monoprix avec un rayon spécifique. Nous sommes aussi en négociation avec d’autres grandes chaînes internationales. Par ailleurs, nous travaillons sur la création de corners dédiés aux produits Les Toques Blanches du Monde dans les aéroports. Le premier sera inauguré fin septembre avec Aelia à l’aéroport de NiceCôte d’Azur. Dans chaque pays, les Chefs qui ont participé au sourcing seront associés au

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Patrick Marché

lancement de ces corners en cautionnant une gamme de produits.

Quelle est la cible commerciale de vos produits ? Notre positionnement est clairement haut de gamme, même si notre gamme de produits n’est pas forcément plus chère que la concurrence. Notre démarche est aussi pédagogique. Nous souhaitons amener le consommateur à comprendre ce qu’il achète. Ainsi, chaque produit dispose de sa propre fiche explicative associée à un blog.

Pourquoi avoir choisi d’introduire Les Toques Blanches du Monde en bourse ? Outre le fait de pouvoir lever des fonds rapidement, cette introduction a permis à notre jeune start-up de gagner en visibilité et surtout en légitimité auprès des grandes marques de distribution.

Quelle est la prochaine étape ? Consolider notre croissance à l’international, avec un objectif de 1,5 million d’euros de chiffre d’affaires en 2015, dont la moitié à l’étranger. Selon notre business plan, dans les trois ans à venir, la France ne devrait plus représenter que 10% de notre activité.

SA RECETTE DE LA RÉUSSITE

Être passionné par son métier Être curieux, à l’écoute, car chaque rencontre fait grandir Être réactif Savoir fédérer autour d’un projet

LES BONNES ADRESSES DE… PATRICK MARCHÉ Installé dans le sixième arrondissement de Lyon et grand amateur de cochonnaille, Patrick Marché est un inconditionnel du Café du Peintre (50, boulevard des Brotteaux, 69006), “à la fois pour l’ambiance et la cuisine de Florence Périer”. Il a aussi un faible pour le Café-Comptoir Abel, à Ainay, “une institution d’une belle régularité”, pour le M Restaurant (47, avenue Maréchal Foch, 69006), bistrot contemporain de Julien Gautier, et pour l’étoilé surdoué Takao Takano (33, rue Malesherbes, 69006). Lorsqu’il est à Paris, le PDG des Toques Blanches du Monde se retrouve souvent à la table du Père Claude, avenue de la Motte-Picquet, “le bistrot parisien par excellence où l’on croise les figures du monde économique et politique”. Enfin, lorsqu’il pique au Sud, Patrick Marché ne rate pas une occasion de goûter à la cuisine de Gérald Passédat (Le Petit Nice), à Marseille, trois macarons Michelin encensé pour sa créativité et ses spécialités de poissons.


GOÛT DE LUXE

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Hôtel La Pyramide Un luxe diabolique Par Bruno Metzlé

On connaissait les qualités d’entrepreneur de Patrick Henriroux à La Pyramide à Vienne. Une affaire qui prospère depuis son arrivée en 1989, qui couvre désormais un domaine de 3800 m² en surface développée et qui comprend un restaurant gastronomique, un bistro chic, un hôtel 4* de 19 chambres, 4 appartements, un centre de séminaires et une salle de fitness à seulement 50 m où les clients de La Pyramide sont les bienvenus. Patrick Henriroux, nous devrions dire la famille Henriroux, vient d’en apporter une nouvelle preuve en investissant dans la rénovation des 19 chambres de l’hôtel, au standard 4*. La Pyramide fait peau neuve petit à petit. Chaque année, un élément de l’ensemble est réhabilité et vient compléter l’existant.

du bon goût et de la gastronomie française, cela devient un évènement. Deux ans de gestation ont été nécessaires pour concevoir et réaliser ce projet ambitieux. Si le diable se cache dans les détails, la somme de détails et d’attentions que l’on trouve à La Pyramide en fait un lieu au luxe diabolique.

la moquette, matelas à semi mémoire de forme, lampes de chevet tactiles (Flos), base de rechargement de portable universelle (Sté Charging-Lyon), sonnette de chambre tactile multifonctions et programmable, salle de fitness à quelques mètres de l’hôtel, une chambre 100% accessible aux personnes à mobilité réduite…

À l’instar du théâtre classique, unité de lieu, de temps et d’action, La Pyramide propose une expérience unique qui se déroule en un seul lieu, du dîner jusqu’au… matin. Unité de style contemporain signé Régis Dho, unité d’exigence entre le restaurant et l’hôtel, et unité de prix de toutes les chambres (toutes en catégorie Deluxe).

Raffinement des matériaux (bois massif, carrelages italiens et tissus), élégance des coloris, de la moquette créée sur mesure en pied de poule noir et beige aux brises vue et aux chemins de lit en cachemire, sans oublier les boutons d’interrupteurs en cristal bleu Swarowski.

Une multitude d’attentions dans chaque chambre, de la bibliothèque d’ouvrage de la collection NRF - Gallimard, au mini bar (utilisable à discrétion), et à la machine à café Lavazza associée aux tasses à double paroi pour ne pas se brûler… jusqu’au préservatif glissé dans le tiroir de la coiffeuse.

La création ou la rénovation d’un hôtel de prestige est un exercice de style particulier. Quand elle a lieu dans un endroit mythique

Des équipements techniques au design remarquable : allumage automatique d’un chemin de leds bleues entre le lit et la salle de bain dès que l’on pose un pied sur

Une réalisation pour laquelle la famille Henriroux a imposé des principes clairs : Travailler en local le plus possible, et

prendre en compte les règles de qualité environnementale et d’économie d’énergie. 30% des travaux et fournitures ont été commandés à des entreprises et des fabriquants locaux. L’économie d’énergie est obtenue grâce à 9 panneaux solaires placés sur le toit. Le résultat est à la hauteur de l’ambition.

•H ÔTEL - RESTAURANT LA PYRAMIDE 14 Bd Fernand Point 38200 Vienne Tel +33 4 74 53 01 96 Fax + 33 4 74 85 69 73 Tarif unique des chambres (hors appartements) 240 € en haute saison et 200 € en basse saison.

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GOÛT DE LÉGENDE

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Léon de Lyon Que ça continue ! Par Bruno Metzlé

Pâté en croûte maison, Pieds de veau en salade, Andouillette “tirée à la ficelle”, Filet de féra poêlé sur peau crème d’écrevisse, Quenelle de brochet, Filet de canette de la Dombes rosé, ou encore Carré de cochon cuit à la broche, découpé et servi à la voiture de tranche ! Léon de Lyon, un nom qui suffit à évoquer une cuisine savoureuse. A la carte les spécialités lyonnaises ou de cuisine bourgeoise, les classiques de brasserie gourmande et les desserts de notre enfance, résonnent en chacun de nous. Jean Paul Lacombe, son talentueux gardien depuis 43 ans, continue d’accueillir chaleureusement la clientèle de fidèles. En prenant la succession de son père aux fourneaux, il a rapidement compris les ressorts de la gourmandise lyonnaise ; On mange bien à Lyon, carrefour des terroirs de la Bresse, des Alpes, de l’Auvergne de l’Ardèche, de la Vallée du Rhône ou du Beaujolais… “Il n’y a pas de mérite à faire de la bonne cuisine avec autant de bons produits”, affirme modestement Jean Paul Lacombe. Léon de Lyon plonge ses racines dans ces terroirs. Les lyonnais aiment manger et ils sont exigeants. Aujourd’hui, fidèle au poste, il est là chaque matin pour s’assurer que la mayonnaise prenne, il se réjouit de la bonne santé de son “Léon”. “La cuisine traditionnelle connait aujourd’hui beaucoup de succès dans ces temps de crise. Elle agit comme un repère rassurant dans un monde qui change vite, une sorte d’antidote face à l’incertitude” analyse-t il. On ne peut parler de gastronomie à Lyon sans évoquer les établissements et les Chefs emblématiques qui ont fait sa réputation. Léon de Lyon est l’un de ceux là, et avec lui Jean Paul Lacombe qui est incontestablement un “poids lourd” dans sa ville et dans sa profession. Cuisinier de talent, il a été à 28 ans le plus jeune cuisinier de France auréolé de 2 étoiles Michelin. “La perte d’une étoile en 1992 a été un coup dur. Si l’étoile est un moteur, la perte d’une étoile est un drame vis-à-vis de

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son entourage, de sa famille, de ses clients”, reconnait-il. Combatif il se remet à l’ouvrage et regagne sa deuxième étoile. Un peu plus tard, c’est lui que le G7 a choisi en 1996 pour recevoir à dîner les puissants de ce monde. Clinton, Chirac, Kohl , et les autres s’en souviennent encore . Ce jour là Léon de Lyon était la capitale mondiale de la gastronomie. Cuisinier de talent et formateur de référence, c’est lui qui a formé des générations de Chefs qui enrichissent aujourd’hui la gastronomie lyonnaise. Des cuisiniers devenus associés et puis finalement amis comme Joseph Viola, Meilleur Ouvrier de France dont le succès des Daniel et Denise ne cesse d’impressionner, Julien Gautier, successeur de Mathieu Viannay au “M” et élu “Bouchon de l’année” aux derniers Trophées de la Gastronomie, Olivier Belval son premier associé, récemment disparu, Claude Bosi qui postule à Londres à la 3ème étoile ou encore Guillaume Mouchel de la Maison Villemanzy. Formé à la gestion en école hôtelière, Jean Paul Lacombe est aussi un entrepreneur visionnaire, un précurseur. Précurseur pour avoir senti très tôt la vague “bistronomique” et créé des bistros de Chefs, ses “bistros de cuisiniers” (Il en a eu jusqu’à 10). Le besoin de développer une cuisine authentique et canaille sans la rigueur guindée des étoilés. Précurseur encore quand en 1974 il choisi de réveiller la rue Mercière de sa torpeur en y créant le Bistrot de Lyon devenu aujourd’hui une institution. De cette constellation d’établissements, en plus du Bistrot de Lyon, il reste quelques fleurons comme le Bouchon aux vins ou encore le Bistrot du Palais.

Jean Paul Lacombe

Précurseur encore quand en 2007 il prend la décision de rendre ses étoiles après 28 ans de cuisine doublement étoilée et de transformer Léon de Lyon en Brasserie gourmande. Une décision qui l’a ému et qui a ému toute la ville, mais qu’il ne regrettera jamais même si par moment ce temps là lui manque avoue-t il avec un sourire. De cette époque, il reste beaucoup de savoir faire, et pour les amateurs de vin, n’hésitez pas à regarder “L’autre carte des vins» ; Une incroyable carte à faire pâlir un sommelier, la carte de l’ancien restaurant gastronomique d’une richesse et d’une variété inouïe. La seule page des Côtes Rôties, où s’alignent

les cuvées prestigieuses suffira à vous en convaincre. Pour l’avenir, Jean Paul Lacombe formule un vœu simple, partagé par beaucoup “que ca continue !” • L ÉON DE LYON 1 rue Pleney 69001 Lyon – Tél. 04 72 10 11 12 Ouvert 7 jours / 7 Menus 22 € – 25,5 € - Déjeuner 22,20 € • L E BISTROT DE LYON 64 rue Mercière 69002 Lyon – Tél. 04 78 38 47 47 Ouvert 7 jours / 7


ONLY GOÛT

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la gastronomie est une chose sérieuse, que l’on évoque simplement le sujet ou que l’on passe à table. Le Lyonnais a une culture gastronomique particulièrement aiguisée. Le bouche à oreille est incontournable dans notre cité. On s’échange les bonnes adresses et celui qui ne tient pas la route en termes de qualité fait long feu… Tout cela contribue à une montée en gamme, une qualité de prestation bien supérieure à la plupart des autres grandes villes. Une garantie de passer un bon moment quelle que soit la nature du repas et du lieu choisi.

Sachant que bonne cuisine est aussi synonyme de bons produits…

François Gaillard

François Gaillard “À Lyon, la gastronomie est une chose sérieuse” Par Pascal Auclair

En mettant en scène Paul Bocuse dans une campagne de promotion internationale, la Ville de Lyon entend placer la gastronomie au cœur de sa stratégie de communication. Pourquoi ? Comment ? Les explications de François Gaillard, directeur de ONLYLYON Tourisme. Dans le cadre des Contrats de Destination, l‘Etat a récemment choisi Lyon comme ambassadeur de la gastronomie française. Nos élus ont-ils enfin compris que nos traditions culinaires constituaient un formidable argument de promotion à l’étranger ? Oui, et cette décision s’inscrit dans le cadre d’une vraie volonté politique. Depuis mon arrivée à Lyon, il y a onze ans, j’ai pu constater que la ville avait énormément d’atouts et pouvait prétendre au titre de capitale de la soie, capitale de la gastronomie, capitale de la lumière, capitale du cinéma… Le problème est qu’en marketing, un champion en tout n’est champion en rien, car il perd en lisibilité, et donc en visibilité. Il était nécessaire de recentrer la stratégie de communication autour d’un axe inattaquable, en l’occurrence la gastronomie. Aujourd’hui, cette thématique est vraiment devenue la colonne vertébrale de toute notre communication, associée à l’aspect patrimonial à travers l’inscription de la ville au Patrimoine Mondial par l’Unesco.

Quel est le message que vous souhaitez diffuser à l’international ? Venez à Lyon pour bien manger dans un bel environnement, et découvrir ce que la France a de meilleur à proposer. Une promesse “d’art de vivre à la française”, tout simplement. Et Lyon concentre tous les ingrédients de cet art de vivre à la française. C’est ce que les touristes, qui arrivent à Lyon de plus en plus nombreux grâce au bouche-à-oreille, viennent clairement rechercher. Cela nous a permis de ne pas vivre dans l’ombre de Paris, de développer notre propre identité. C’est aussi la promesse d’un

séjour agréable dans une ville à taille humaine où la notion de “bien manger” n’est pas une vue de l’esprit. On est ici dans une approche purement épicurienne qui balaie le stress de la plupart des grandes métropoles.

Sachant que la gastronomie a toujours été intimement liée au développement de la ville… Oui, c’est d’ailleurs notre différence fondamentale avec toutes les autres villes européennes. La gastronomie locale a construit sa légitimité depuis l’époque des Mères lyonnaises jusqu’à l’épopée des grands Chefs, dont le plus célèbre d’entre eux, Paul Bocuse, a introduit la notion de marketing en cuisine. Aujourd’hui, une ville comme Copenhague voudrait profiter de cet effet de mode autour de la gastronomie pour se positionner comme une destination leader en jouant la carte du Noma, le “meilleur restaurant du monde”. Mais ce n’est qu’une façade. La promesse n’est pas tenue dans la mesure où le reste de l’offre de la cité danoise reste encore très inégal en qualité. C’est juste du marketing.

Mais Lyon peut-elle encore se prévaloir de son statut de “capitale de la gastronomie” ? Ce serait terriblement prétentieux de se présenter ainsi. D’autres villes comme Paris ou Tokyo rassemblent beaucoup plus de restaurants étoilés que Lyon. Lyon est clairement une grande ville de gastronomie, mais cela tient plus à un état d’esprit. Outre une densité d’établissements exceptionnelle, ce que l’on retrouve ici, et nulle part ailleurs, c’est cette notion de “bien manger” inscrite dans l’ADN même des lyonnais. À Lyon, plus qu’ailleurs,

Absolument. “Bons produits, bonne cuisine”… Une maxime chère à “Monsieur Paul”. Lyon bénéficie de la diversité et de la qualité du terroir rhônalpin. C’est une chance unique pour un Chef de pouvoir s’approvisionner quotidiennement, en cycle court, et avec une matière première de qualité optimum.

Quelles sont les autres villes qui évoluent en Champion’s League sur le plan gastronomique ? Aucune dans la mesure où Lyon est hors catégorie. La force de la gastronomie lyonnaise, comme dans le domaine de la lumière par exemple, a été de développer un éco-système puissant qui regroupe des restaurants, des associations de Chefs, des formations de prestige, des grands événements publics ou professionnels comme le Sirha… Lyon a créé DELICE, le réseau mondial des villes gourmandes et, demain, la Cité de la Gastronomie incarnera l’ensemble de cette dynamique. Lyon est ainsi devenue un cas unique, à la fois une référence et une source d’inspiration.

Pourquoi avoir choisi Paul Bocuse pour véhiculer l’image de la ville à l’international ? Parce que c’est une évidence ! Il faudrait être stupide pour ne pas avoir conscience du rôle majeur joué par Paul Bocuse, depuis des années, dans le rayonnement de la ville. Quand je voyage en Chine, en Inde ou en Russie, mes contacts ne savent pas toujours placer Lyon sur une carte… mais ils connaissent tous le nom de Paul Bocuse ! Avec l’Olympique lyonnais, il a énormément fait pour la promotion de Lyon. C’est une réalité, même si elle énerve certains.

Il fallait donc profiter de la célébration de ses cinquante ans consécutifs de trois étoiles au Guide Michelin, un événement inédit dans le monde qui n’arrivera sans doute qu’une fois dans l’histoire de l’Humanité. Nous avons la chance d’avoir le Chef du millénaire dans notre ville, nous n’allions tout de même pas faire profil bas !

Voilà pourquoi Laurent Fabius a retenu Lyon dans ses “Contrats de Destination” ? Oui, le Ministre des Affaires Etrangères a compris qu’il était plus efficace de capitaliser uniquement sur une vingtaine de marques fortes pour la promotion du pays à l’international. C’est beaucoup moins démago, et terriblement plus efficace ! Pour décrocher ce contrat de destination, nous avons profité de notre aura gastronomique, mais aussi de la réussite marketing d’ONLYLYON, saluée par le Ministre.

Cette stratégie de promotion commencet-elle à porter ses fruits ? Oui, les statistiques sont encourageantes. Nous enregistrons entre 80  000 et 100  000 nuitées hôtelières de plus chaque année et la part des visiteurs étrangers ne cesse d’augmenter. Pour l’instant, cela n’influe pas sur le taux d’occupation, car, en parallèle, de nouveaux établissements et près de 3000 chambres ont été ouverts dans la métropole. Mais le trend est clairement positif et le meilleur reste à venir... Le tourisme pèse déjà un milliard d’euros dans l’économie locale !

Assiste-t-on aussi à l’émergence de nouvelles clientèles ? Oui, le lancement de la ligne Lyon-Dubaï par Emirates a été une opportunité formidable d’ouverture sur toute l’Asie, le Moyen-Orient et l’Océanie. Les flux d’Australiens, par exemple, ont progressé de 40% en deux ans. Pour cette clientèle, Lyon constitue désormais une porte d’entrée nouvelle sur la France et sur l’Europe. Les flux de Japonais sont aussi en forte progression. Plus récemment, le lancement d’une ligne directe entre Lyon et Londres par Eurostar au printemps a abouti à la vente de 100 000 billets en quelques mois à peine. En 4h40, le Londonien peut débarquer dans le centre de Lyon et venir goûter à la gastronomie locale. Lyon is so good…

LES BONNES ADRESSES DE… FRANÇOIS GAILLARD Un directeur d’Office de Tourisme a forcément une grande ouverture d’esprit et une approche multiculturelle en matière culinaire. Malgré tout, François Gaillard aime bien réviser ses classiques lorsqu’il pousse la porte du CaféComptoir Abel, dans le quartier d’Ainay, “un endroit chaleureux où j’emmène souvent les personnes qui découvrent Lyon pour la première fois pour déguster une Quenelle”, et de La Voute chez Léa (11, place Antoine Gourju, 69002), autre institution locale. “C’est à côté de mon bureau. Je suis fou de sa quenelle aux écrevisses.” Si le directeur de l’OT en pince pour les bouchons, il effectue aussi de régulières ascensions de la colline de Fourvière pour contempler les lumières de la ville derrière les larges baies de L’Antiquaille (63, montée du Chemin Neuf, 69005), l’étoilé de Christian Têtedoie. “J’aime tout… l’homme, la cuisine, la vue…”, confie François Gaillard, tout aussi élogieux lorsqu’il évoque le Café Sillon (46, avenue Jean Jaurès, 69007) de Mathieu Rostaing. “Un jeune Chef à l’image de tous ces talents émergents qui font l’actualité et l’effervescence de la gastronomie lyonnaise”. Enfin, pour des saveurs plus exotiques, le directeur de l’OT recommande Les Petits Siamois (16, rue du Palais Grillet, 69002). “Un thaï hyper inventif et romantique à souhait. Idéal pour une soirée en amoureux”, souffle ce jeune directeur à l’aise dans son costume d’ambassadeur-testeur de la gastronomie locale.

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GOÛT DE CŒUR

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Bieh entre en bourse ! Par Pascal Auclair

Sept ans après le lancement de Bieh à Lyon, le bistrot new yorkais fait entrer le burger au Palais Brongniart. Une première implantation parisienne qui marque une nouvelle étape dans le développement de l’enseigne en France. Les rois du burgers ont désormais un palais à la taille de leurs ambitions. Depuis cet été, Philippe Florentin et Bruno Metzlé, les fondateurs du concept Bieh (Best I Ever Had) sont “passés à l’action” en investissant les murs du Palais Brongniart, icône de la bourse et de la finance. Une première implantation de l’enseigne dans la capitale favorisée par l’entrée au capital d’Audacia, le fonds d’investissement de Charles Beigbeder. Pourquoi le Palais Brongniart ? “Parce qu’il se situe au cœur d’un quartier emblématique de la vie parisienne. On fait ainsi notre entrée à Paris par la grande porte, dans ce haut lieu de la vie parisienne, riche en événements et animations. Un positionnement stratégique, à la croisée des lieux de culture, de shopping et de business”, explique Philippe Florentin. Un petit coin de Manhattan dans le deuxième arrondissement dont les salles s’animent dès 8 heures du matin, du lundi au samedi, autour du petit déjeuner, avant de connaître l’affluence aux douze coups de midi puis jusque très tard le soir, une fois les amateurs d’apéros-tapas rentrés au bercail. Tables aux couleurs de Bieh, chaises en bois, canapés en cuir brun, lumière tamisée, larges baies ouvrant sur la terrasse extérieure… Le premier Bieh parisien est aussi l’occasion pour les fondateurs de la marque de faire évoluer le concept, de “l’adapter à l’air du temps” en faisant appel à Bernard Boutboul, l’un des papes du marketing dans l’univers de la restauration. “Notre volonté est de positionner plus que jamais Bieh comme une marque premium en imaginant de nouveaux codes. Son origine “dinner” a été depuis copiée par le mass market. Il était temps de se recentrer sur un univers encore plus typique de Tribeca ou de Soho, avec des matériaux, des couleurs, un éclairage, un mobilier…

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inspirés des bistrots chics de NYC”, insiste Philippe Florentin. Ce souci de garder une longueur d’avance sur la concurrence s’est traduit par quelques évolutions majeures, tant dans la forme que sur le fond. Fini le rouge vif et le jaune paille… Place à un design beaucoup plus épuré, moins tape-à-l’œil. En salle, un directeur en costume veille sur du personnel en chemise blanche, nœud papillon, bretelles, pantalon et tablier noir. Quant à la carte, elle fait désormais la part belle à une large palette de spécialités made in america, à l’instar du T-Bone angus, des Fishs & chips, des Bagels pastrami ou du Baby back ribs BBQ sauce, accompagnés de frites maison de préférence... “À l’origine, les burgers représentaient 90% des ventes dans les Bieh. Aujourd’hui, à Paris, ils en représentent à peine 40%. C’est la preuve qu’on vient chez nous pour un mode de vie, une typologie de cuisine plus que pour un plat spécifique”, note Philippe Florentin. Testé avec succès depuis juin dans la capitale, ce nouveau concept va désormais être décliné dans les six autres Bieh (4 à Lyon, 1 à Dijon et 1 dans les Docks de Marseille, ouvert début octobre) avant d’être reproduit dans d’autres villes ou quartiers de l’Hexagone. “L’objectif est de poursuivre et d’accélérer le développement de la marque dans le quart Sud-Est de la France, ainsi qu’à Paris”, confie le président fondateur, qui table sur un réseau d’une vingtaine d’établissements en propre dans les deux ans. “Dès l’an prochain, nous allons aussi aborder une nouvelle étape avec la création de franchises dans toute la France”, conclut Philippe Florentin, dont le business plan prévoit une centaine de Bieh sur le sol français à l’horizon 2020.


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“LE BURGER EST DEVENU TRANSGÉNÉRATIONNEL” Comment est né le concept Bieh ?

Comment expliquer ce succès ?

Il a été créé par mon fils, Baptiste, élève à

Au fil des ans, le marché du burger est devenu

l’Institut Bocuse, qui avait fait son mémoire

transgénérationnel et le burger s’est imposé

de fin d‘études sur le lancement d’un bistrot

peu à peu comme un produit culturel pour

à la new yorkaise en France. À l’époque, cette

tous les budgets. C’est le sandwich de notre

initiative pouvait paraître saugrenue, surtout

enfance qui a l’avantage de pouvoir être décliné

dans cette école considérée comme le Must

à l’envi. Bref, on est entré de plain-pieds dans

du service et de la gastronomie. Par ailleurs,

la génération burger et croyez moi, ça va durer.

au début des années 2000, les amateurs de

C’est tout sauf un phénomène de mode !

burgers n’avaient que des fast-foods pour se faire plaisir. C’était donc une vraie révolution

Pourquoi alors faire évoluer le concept ?

de les servir à l’assiette, avec des produits

Parce que depuis le lancement de Bieh, le

faits-maison. Le 1er Bieh est né rue Tupin à

marché du burger a explosé ! Pionnier dans

Lyon, à l’emplacement d’un ancien bouchon.

le burger fait-maison, ultra frais, servi à l’assiette, Bieh a été depuis beaucoup copié. Il

Comment ce concept a-t-il été développé ?

fallait donc renouveler les codes. En revenant

Après le décès de Baptiste et face au succès

à l’ADN de Bieh qui nous plonge au cœur

du premier Bieh, nous avons suivi sa feuille

de Tribeca ou de Soho, le nouveau concept

de route en ouvrant d’autres Bieh à Lyon,

reprend une longueur d’avance et retrouve la

puis à Dijon, Paris et bientôt Marseille.

première place du marché du burger premium.

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REINE DE GOÛT

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Véronique Margerie La reine du shopping

LES BONNES ADRESSES DE… VÉRONIQUE MARGERIE

Par Pascal Auclair

Plus de 100 000 visiteurs par jour, 2300 employés, 240 commerces… Première femme promue à la tête du Centre de Shopping de la Part-Dieu, Véronique Margerie dirige une véritable “ville dans la ville”. Un pôle dont la prochaine extension s’inscrira dans le cadre de la réhabilitation du quartier. Inauguré en 1975, le Centre de Shopping de la Part-Dieu souffle en cette fin d’année sa quarantième bougie. Promue depuis le 1er juin par Unibail-Rodamco à la direction du plus grand centre de shopping urbain d’Europe, Véronique Margerie a de nombreux challenges à relever : “Mon arrivée s’inscrit dans un contexte de restructuration de l’ensemble du quartier de la Part-Dieu. Il s’agit de mettre le centre commercial en harmonie avec son futur environnement”. Celle qui a succédé à Jean-Philippe PelouDaniel n’en dira pas beaucoup plus sur cette perspective, tenue par le secret d’un projet architectural en phase de finalisation. De bon matin, devant un café serré, madame la Directrice se contentera d’évoquer “une extension de nature à renforcer l’offre loisirs du site”. Par la bande, on apprendra plus tard qu’un projet de grand multiplex cinéma est en gestation du côté d’UGC, alors que les terrasses du centre commercial sont susceptibles d’accueillir divers services, dont des restaurants et une garderie, ainsi qu’un parcours végétal : un îlot de verdure de nature à renforcer l’attractivité de cet ensemble de 120 000 m2 abritant 240 boutiques et employant quelques 2300 salariés.

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Véronique Margerie

Le rush de Noël et des soldes d’hiver

La sécurité des visiteurs, priorité des priorités

Un paradis du shopping fréquenté chaque année par plus de 32 millions de visiteurs, soit une moyenne de 100 000 visiteurs avec des pointes jusqu’à 185 000 personnes/jour lors des soldes d’hiver et durant la période de Noël. Des chiffres prodigieux qui en font le deuxième plus grand centre commercial de France et le troisième en termes de fréquentation, derrière Les Quatre Temps, nouvelle affectation de Jean-Philippe Pelou-Daniel, à la Défense, et le Forum de Halles. “Le Centre de Shopping de la Part-Dieu, c’est comme “une ville” avec ses usagers, ses allées, ses commerces…“Une ville” dont j’ai la responsabilité au quotidien”. Pour mener à bien cette mission, Véronique Margerie s’appuie sur un staff restreint (six personnes) et une équipe de 145 prestataires, en charge de la maintenance, de la propreté, de la sécurité… “Dans un centre de vie comme la Part-Dieu, il se passe toujours quelque chose. Un malaise, un feu de poubelle, une fuite, un enfant perdu… Il faut être hyper réactif, tant pour les clients que pour les commerçants”.

Depuis son arrivée à Lyon, Véronique Margerie n’a pas été confrontée à trop de situations de crise, à l’exception des trois journées “alerte attentat” et de l’activation du plan Vigipirate, en pleines soldes d’été, au lendemain du drame de Saint-QuentinFallavier. Une relative tranquillité qui tranche avec certains épisodes vécus lors de ses précédentes affectations, d’abord au Passage du Havre (Paris), puis à BAB2, au cœur du Pays Basque, à Nice-Etoile, sur la Côte d’Azur, puis à Cité Europe, près de Calais, au Forum des Halles et enfin à Carrésénart, en Seine-et-Marne. “Partout, j’ai dû prendre des décisions parfois difficiles, mais nécessaires pour la sécurité du public. On ne prend pas le moindre risque avec nos visiteurs”, confie la directrice, évoquant notamment “l’évacuation totale, en moins de 10 minutes, du centre Cité Europe, à Coquelle, dans le Nord”. Plusieurs milliers de personnes priées de quitter précipitamment les lieux pour une forte odeur de gaz au final bien anodine. Principe de précaution oblige. Cette péripétie en terre calaisienne rappelle le tour de France effectué par Véronique

Même si elle est plus salade-poisson que grattons-tablier de sapeur, Véronique Margerie rêve de voir s’implanter, un jour, un vrai bouchon lyonnais au cœur du Centre de Shopping. En attendant, la directrice de la Part-Dieu met les bouchées doubles pour enrichir sa culture gastronomique locale. “J’adore le Café du Peintre, dans le quartier des Brotteaux. J’ai déjà hâte de découvrir le menu à 16 euros de son annexe, le Café du Petit Peintre, ouvert courant octobre”. Entre deux sorties canines du coté du parc de la Tête d’Or, cette globe-trotter des centres commerciaux a été conquise par la terrasse et le service impeccable de deux autres enseignes du quartier : la Brasserie des Brotteaux, le repaire gourmand de Manu Faucon, et la Brasserie de l’Est, toujours aussi populaire. Depuis son arrivée à la fin de printemps, elle a aussi pu apprécier la vue merveilleuse de L’Antiquaille. “Ma première sortie gastronomique à Lyon. Un moment merveilleux sur la terrasse panoramique”, confie Véronique Margerie, dont les fréquentes visites à Paris sont souvent ponctuées d’un dîner au Café Marly, face à la pyramide du Louvre, avant une dernière coupe au bar du Crillon. Bref, une femme de goût…

Margerie depuis son embauche par le groupe Unibail-Rodamco, en 1993. “Mon diplôme d’architecture d’intérieur a sans doute joué dans mes différentes affectations. Partout, j’ai effectué des missions de trois à cinq ans liées à des extensions, des restructurations ou des rénovations de centres”. À Lyon, elle aura donc en charge le lancement d’un vaste chantier programmé à partir de 2017. Un projet urbanistique et architectural ambitieux dont les usagers et commerçants du centre apprécieront l’intérêt à l’horizon 2020. “Un centre comme celui de la Part-Dieu exige une remise en cause permanente. Il faut coller aux attentes du client. La simple notion de shopping ne suffit plus”, conclut madame la directrice, attablée à l’une des 46 enseignes du centre dédiées à la restauration… Et ce n’est sans doute qu’un début !

SA RECETTE DE LA RÉUSSITE L’exigence partagée, on arrive à rien toute seule La passion de son travail Ecouter les autres pour se remettre en question Avoir un socle familial solide


GOÛT DE RÉUSSITE

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Samuel Frugier Le banquier contemporain Par Pascal Auclair

Nommé récemment à la direction du Réseau Rhône Alpes Auvergne de LCL, ce banquier atypique a sillonné la France avant de poser ses valises entre Rhône et Saône. Une promotion de bon aloi pour cet amateur de tables étoilées. “On peut faire un métier sérieux, et sans pour autant se prendre au sérieux. C’est ce que j’essaie de faire sans me soumettre à tous les codes traditionnels de la profession”. Samuel Frugier, de retour d’une réunion à Paris, paraît d’emblée en phase avec son propos, allure décontractée et chemise blanche ouverte. Autour d’une table réputée de Lyon, le nouveau directeur du Réseau Rhône-Alpes Auvergne de LCL conte son ascension professionnelle, depuis son embauche par le Crédit Lyonnais, fraichement diplômé d’Assas-Paris II, jusqu’à son arrivée en terre lyonnaise. Une carrière ponctuée de multiples affectations dans l’Hexagone, à Paris et en province. “Très tôt, j’ai fait le choix d’être au contact des chefs d’entreprises”, confie ce grand voyageur, né au Congo, élevé à Madagascar, qui fera donc ses premières armes dans la banque d’entreprises avant d’élargir son champ d’activités. “Je pense avoir fait presque tous les métiers au sein du groupe, des RH au marketing, de la distribution à la communication et à l’événementiel. J’ai choisi de rejoindre l’animation d’un réseau il y a quatre ans”.

“On vit une révolution bancaire” Basé à Toulouse, Samuel Frugier découvre une nouvelle facette du métier à la tête du réseau Midi-Pyrénées LanguedocRoussillon, puis s’installe progressivement à Lyon, à partir de mai dernier, pour succéder à Jean-Luc Duflot. “J’avais été en poste à Clermont-Ferrand, Vichy, Saint-Etienne, Bourg-en-Bresse, Grenoble… Cela faisait quelques années que je tournais autour de Lyon. Je connaissais déjà bien le tissu et le contexte local. J’avais fait savoir de longue date ma motivation et ma disponibilité. Ma nomination m’a paru presque naturelle…”, sourit le banquier, heureux et fier d’accéder au siège historique du Crédit Lyonnais, rue

de la République. Une institution dont le réseau Rhône Alpes Auvergne revendique 630 000 clients particuliers, 35000 clients professionnels et 17500 clients en banque privée sur douze départements. “Nous sommes notamment très proches des milieux économiques, des grands groupes régionaux, et surtout bien implantés en milieu urbain. Ainsi, 80 de nos 240 agences du réseau sont situées sur le Grand Lyon”, précise Samuel Frugier, désormais responsable du devenir de près de 2 000 salariés. “On vit actuellement une vraie révolution dans l’univers de la banque”, estime-t-il. “La conjoncture morose, avec des taux très bas, nous met sous pression, nous oblige à une nécessaire remise en question, à réviser nos modèles. Le client veut plus d’expertise, plus de valeur ajoutée, plus de proximité. Il faut être capable de lui répondre vite et bien, sous peine de perdre des parts de marché”. Dans ce contexte, le directeur de réseau de LCL travaille à l’émergence de nouveaux systèmes d’information, mais aussi à l’optimisation de son organisation pour des gains de productivité. “Le challenge consiste à pouvoir proposer et rendre possible la souscription de 100% de notre offre en ligne. Parallèlement, il faut former le personnel pour accompagner cette mutation avec des conseillers de plus en plus qualifiés”.

Une âme de restaurateur Un défi qu’il entend relever à Lyon, une métropole dont il a vite adopté le rythme et les singularités depuis son refuge du quai Fulchiron, entouré de son épouse et de quatre de ses six enfants. “Les Lyonnais sont réputés froids et distants. Je n’ai pas du tout ce sentiment. La ville est accueillante, proche de mes racines franc-comtoises, des pistes de ski et de la Corse, mon deuxième

pays de cœur. Je pense que ma petite famille va s’installer durablement ici…”, prédit Samuel Frugier, qui n’exclut pas d’y faire prospérer aussi une petite entreprise familiale… de bon goût. “Je sens se dessiner une vocation dans les métiers de bouche pour trois de mes six enfants. Leur donner un coup de pouce ne serait pas pour me déplaire”, conclut, espiègle, ce banquier décidément très contemporain.

SA RECETTE DE LA RÉUSSITE

L’engagement et les convictions La capacité à décider, y compris dans les situations les plus difficiles Le courage managérial, la confiance et la délégation La disponibilité et l’envie de faire du bien autour de soi Le respect et l’humilité Mais aussi… Carpe Diem : savoir profiter de l’instant présent

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Samuel Frugier

Le bistrot dans l’air du temps www.zinczinc.com

NEUILLY / SEINE - 209 ter avenue Charles de Gaulle 92200 - Tél. : 01 40 88 36 06 MARSEILLE - Les Docks de Marseille 13002 - 10 place de la Joliette LYON - 12 Cours Charlemagne - Centre commercial Confluence 69002 - Tél. : 04 78 95 63 36

LES BONNES ADRESSES DE… SAMUEL FRUGIER Le directeur du réseau RhôneAlpes Auvergne de LCL est tombé tout petit dans la marmite de la grande cuisine. “J’ai eu la chance d’avoir très tôt un apprentissage de la gastronomie. La notion de goût, je l’ai apprise chez les étoilées de Bourgogne”, souffle Samuel Frugier, qui garde notamment un souvenir ému de déjeuners chez Lameloise, l’emblématique Relais & Châteaux de Chagny. “La table reste pour moi un moment d’échange, de convivialité. La preuve, la plupart de mes sorties personnelles se déroulent dans de bons restaurants”. Et le banquier de citer en priorité le roi du poulet à la crème, crêpes vonassiennes, Georges Blanc, “un des premiers grands que j’ai pratiqué”. Mais Samuel Frugier, amateur d’ “ambiance lounge et de belles brasseries” prend aussi beaucoup de plaisir dans le décor suranné du Nord (18 rue Neuve, 69002), près du siège de LCL, dans l’une des nombreuses enseignes de la rue des Marronniers, ou dans le repaire gourmand d’Aurélien, au Potiquet, rue de l’Arbre Sec (69001), “un excellent rapport qualité-prix”. Lors de ses fréquents déplacements dans la capitale, cet amateur de grands crus du SudOuest est souvent croisé à la Villa Corse de l’avenue de Malakoff, dans le 16e, ou dans celle du boulevard de Grenelle, dans le 15e, autour d’un Stufatu de veau, son péché mignon. Une spécialité corse qui lui rappelle ses repas ensoleillés sur l’île de Beauté, du côté du Café de la Plage, sur la plage d’Arone, à Piana.

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ARCHITECTE DU GOÛT

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Albert Constantin Entre passé revisité et futur anticipé Par Pascal Auclair

Star des architectes lyonnais et architecte des stars de l’urbanisme, ce grand épicurien devant l’éternel supervise le chantier du Grand Hôtel Dieu, sur les quais du Rhône, et met la dernière pierre à celui de la tour InCity, dans le quartier de la Part-Dieu. Deux projets… gargantuesques. Confidences. Albert Constantin

À partir de là, quelle a été votre démarche architecturale ? On a essayé de donner du sens à notre projet au regard du riche passé de l’Hôtel Dieu. Faire une “mutation génétique” qui préserve la mémoire du lieu. Demain, par exemple, les cours actuelles seront transformées en cloîtresjardins ou en lieux d’agrément.

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Et le site abritera aussi une Cité de la Gastronomie. Comment est né ce grand dessein, alors que Gérard Collomb semblait à l’origine réticent ? Effectivement, ce projet a été long à démarrer. Il existe actuellement dans le petit dôme un musée des hospices. À l’origine, ce lieu devait devenir un grand musée de la médecine. Mais force a été de constater que ce projet n’intéressait personne, excepté le professeur Mornex, et surtout personne n’était prêt à le financer. Dans ce contexte a été lancée l’idée de créer une Cité Mondiale de la Gastronomie en France. Lyon a mis longtemps à se positionner sur le sujet, Gérard Collomb se trouvant confronté à certaines réalités budgétaires. L’intervention assez spontanée et efficace des Toques Blanches a convaincu le maire de Lyon qui a porté le dossier de façon efficace avec la société Eiffage. À partir de là, je me suis penché sur le sujet. Il était parfaitement légitime de faire émerger ce projet dans le Grand Hôtel Dieu. Se nourrir et se soigner, c’est pareil !

D’autres villes comme Dijon ou Tours auront aussi leur Cité de la Gastronomie. Quelle sera la spécificité lyonnaise ? Cela tournera autour de la problématique “nourriture et santé” avec une exposition permanente pour “apprendre” et des expositions temporaires pour “s’interroger” autour d’ateliers, de démonstrations dans un petit amphithéâtre ou de conférences dans le Centre de Conventions, avec à chaque fois un thème bien précis comme le pain, les champignons, le poisson, la viande, les cuisines du monde… Le principe est d’avoir une approche pédagogique mettant en valeur les ressources

© AIA_Architectes

Où en est le projet du Grand Hôtel Dieu ? Le chantier a débuté avant l’été. Les travaux devraient durer deux bonnes années. Ils interviennent après cinq ans de réflexions et d’études, le temps de trouver la bonne équation économique. On a repris maintes fois notre copie… Bref, une mission passionnante, mais d’une extrême complexité, peut-être la plus complexe de toute ma carrière d’architecte, pour plusieurs raisons : d’une part, on se situe dans le cœur historique de Lyon, dans un lieu classé au patrimoine mondial de l’Unesco ; d’autre part, l’envergure du bâtiment est hors normes, soit 20 000 mètres carrés au sol. Un lieu où l’on retrouve cinq siècles d’architecture, les parties les plus anciennes datant du XVe siècle. De manière assez étonnante, cette concrétion architecturale donne un ensemble assez cohérent, le développement de l’Hôtel Dieu ayant accompagné celui de la Ville de Lyon ; enfin, c’est un lieu qui a été le cadre des plus belles recherches médicales, des premières greffes à la recherche sur le cancer, de la chirurgie orthopédique à l’invention de radio. Tous les grands noms de la médecine y ont opéré ou professé. Le Grand Hôtel Dieu est à la fois un chef-d’œuvre architectural, culturel, social, scientifique. Un lieu d’une telle charge émotionnelle qu’on s’est demandé, avec Didier Repellin, si on avait le droit d’y toucher.

de la planète, la production agricole, à la fois en France et dans le monde, la transformation des produits et ses bienfaits sur l’organisme. De quoi passionner petits et grands. On pourra aussi imaginer des ramifications avec les restaurants et les commerces qui s’implanteront sur le site.

Quand sera inaugurée cette Cité de la Gastronomie ? Ce sera sans doute la dernière étape du projet de Grand Hôtel Dieu, dans trois ans. Eiffage et la Ville de Lyon prospectent pour trouver des partenaires avec le soutien actif de Régis Marcon, un parrain qui s’investit énormément sur le dossier.

Le choix de Régis Marcon, un homme de Haute-Loire, n’a-t-il pas suscité des jalousies en terre lyonnaise ? Non, je ne crois pas, car l’approche est régionale et Régis Marcon a eu le Bocuse d’Or, le Nobel de la Gastronomie. J’ai découvert un homme fabuleux, attaché au terroir, qui est à la fois le fer de lance, le porteparole, un fédérateur d’énergie, mais aussi un concepteur qui s’implique dans le contenu de la Cité de la Gastronomie.

Quelle sera l’offre de restauration développée autour de cette Cité de la Gastronomie ? Elle s’inscrira dans la démarche pédagogique de ce lieu de vie, avec la possibilité de déjeuner ou de dîner dans six ou sept enseignes différentes. Paul Bocuse, avant même de voir le projet, a pris position dans le grand réfectoire et son extraordinaire cuisine historique aux volumes incroyables. Imaginez, 7 mètres de hauteur ! Le Grand Réfectoire, nom déposé par Paul Bocuse, tirera le meilleur parti de ce lieu chargé d’histoire. La disposition des tables s’inspirera de celle en vigueur à l’époque des sœurs hospitalières. Le groupe Bocuse envisage aussi d’y ouvrir un Ouest Express voire une autre brasserie.

En attendant l’inauguration du Grand Hôtel Dieu, l’actualité d’Albert Constantin se situe à la Part-Dieu, avec l’achèvement des travaux de la tour InCity… Et oui, j’avais pourtant dit un jour que je ne ferais jamais de tour… Mais lorsque JeanClaude Condamin m’a proposé ce projet en association avec mon confrère Valode, j’ai immédiatement renié m’a promesse ! Sans Jean-Claude Condamin, il n’y aurait d’ailleurs jamais eu de tour InCity. Il s’est battu durant


© ASLYM

des années, en pleine crise économique, pour boucler l’opération. C’est une réussite due à son opiniâtreté hors du commun.

Quelle a été la démarche architecturale ? Cette tour s’inscrit dans le cadre de la requalification de la rue Garibaldi et de la PartDieu. À l’origine, les urbanistes voyaient cette artère comme les futurs Champs-Elysées de Lyon. Mais au fil des décennies, sous la contrainte du ministère de l’Equipement, cette rue est devenue une autoroute urbaine. Aujourd’hui, avec la requalification de Garibaldi, c’est tout le quartier de la Part-Dieu qui change de physionomie. Et la tour Incity en est l’illustration la plus monumentale, le marqueur de l’entrée Nord aux confins des îlots haussmanniens des Brotteaux.

La restauration sera-t-elle présente au sein de cette tour ? Bien sûr. Il y aura même plusieurs types de restauration dans les étages bas, sur trois niveaux. Sachant que le déjeuner est devenu un vrai lieu de travail et d’échanges, on a prévu une restauration d’entreprise innovante avec des petits salons, beaucoup de convivialité, de vrais lieux de vie. Rien à voir avec l’antique selfservice. En revanche, il n’y aura pas d’enseignes ouvertes au public.

© ASLYM © Valode et Pistre Architectes

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Un mot sur la rénovation du Marriott (exHilton) à la Cité Internationale dont vous êtes aussi l’architecte. Où en est le projet ? Le chantier avance. Dans quelques jours sera inauguré le restaurant italien, baptisé Zucca, ainsi que les ballrooms, les plus beaux de Lyon, avec d’immenses baies face au parc de la Tête d’Or. On va aussi mettre en valeur la terrasse du restaurant et, à la place du Blue Elephant, créer un vrai bar d’hôtel doté d’un fumoir pour les amateurs de Havane avec un système d’extraction de fumée révolutionnaire imaginé par Vahé Gérard.

SA RECETTE DE LA RÉUSSITE

Aimer le contact humain S’enrichir au quotidien en écoutant les autres Savoir saisir les opportunités Faire les bons choix Entraîner les autres avec ses convictions

Incity

LES BONNES ADRESSES DE… D’ALBERT CONSTANTIN Grand épicurien devant l’éternel, la star des architectes lyonnais est lui même un fin cuisinier, toujours prêt à enfiler le tablier pour combler les papilles de ses amis. Lorsqu’il n’est pas au piano, Albert Constantin est souvent repéré du côté de la rue Royale, dans le repère de Mathieu Viannay, le Chef étoilé de la Mère Brazier. “Une maison remarquable qui a su préserver son histoire. Ah, sa volaille demi deuil, c’est comme mon Hôtel Dieu… un passé revisité !”, s’enthousiasme le concepteur lyonnais, tout aussi dithyrambique lorsqu’il évoque la Maison Orsi, l’homme, sa générosité, et Geneviève, son épouse et “âme de la maison” et le pigeon rôti, “le meilleur du monde”, l’une des spécialités de maître Pierre. Parmi les autres institutions gastronomiques lyonnaises, le concepteur lyonnais cite en priorité La Voûte, place Antonin Gourju (69002) “pour le gratin dauphinois et l’âme de Léa”, le Café-Comptoir Abel, “le premier restaurant que j‘ai fréquenté lorsque je suis devenu architecte”, et Daniel et Denise, rue de Créqui, “un lieu où j’aimais inviter mon père, récemment disparu, pour partager un foie de veau accompagné d’un gratin de macaroni”. Vous risquez aussi de croiser Albert Constantin au bar de L’Argenson, dans le quartier de Gerland, sur la banquette du 33 Cité, à la Cité Internationale, ou à la terrasse dans les arbres du Bistrot des Maquignons, dés les beaux jours… En attendant l’ouverture du Zucca !!

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RENCONTRES DE BON GOÛT

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Cyril Tramon “À fonds” dans le financement des PME Par Pascal Auclair

Fondateur et co-gérant des fonds d’investissement de Phillimore, une société de gestion de “private equity” créée en 2003, Cyril Tramon finance et accompagne des entrepreneurs de talent. Une vingtaine depuis 2003, presque autant de réussites. Son prochain challenge ? De la finance encore, mais surtout participative, via le lancement d’une plateforme dédiée au financement des PME sous forme d’emprunts obligataires. Diplômé de Sup de Co Rouen (renommée Néomia), Cyril a d’abord fait ses armes outre-Manche, notamment comme banquier d’affaires chez JP Morgan. Dans la capitale britannique, les talents du jeune Français arrivent aux oreilles des fondateurs de Consodata, une startup en vue au début des années 2000. Débauché en 2000, à 29 ans, Cyril prend la responsabilité du pôle développement/ acquisitions. Rapidement, l’entreprise est vendue 600 millions d’euros pour à peine 30 millions d’euros de chiffre d’affaires… Les fondateurs font fortune, et le nouvel actionnaire majoritaire met les moyens pour mondialiser le groupe. Annoncée le 31 juillet 2000, la vente marquera la fin de la bulle internet et de ses incroyables multiples. En l’espace de deux ans, l’entreprise et ses filiales se développent et deviennent mondiales. En 2002, elles pèsent 150 millions de chiffres d’affaires. Fin 2002, les fondateurs sont remerciés et Cyril décide de revenir en France. En 2003, il fonde la société de gestion Phillimore avec le soutien de Marc Hénon (fondateur de Consodata) et Frédéric Arnaud, passé comme lui par les bancs de Sup de Co Rouen. Ils seront rejoints par la suite par une quarantaine d’investisseurs, dont nombre d’entrepreneurs à succès, comme Pierre Kosciusko-Morizet (PriceMinister). Pourquoi ce nom “Phillimore” ? “Parce qu’à Londres, je résidais sur Phillimore Garden alors que Marc Hénon vivait sur Phillimore Terrace, et il est probable qu’il y a un Phillimore à Shanghai où résidait Frédéric Arnaud». Dédié aux PME, le fonds principal de

Phillimore investit depuis 12 ans entre 1 et 5 millions d’euros par opération. “Principalement du petit LBO ou dans une moindre mesure du capital développement, toujours en actionnaire minoritaire impliqué», souligne Cyril, qui annonce avoir une dizaine de millions d’euros à investir dans les deux ans. “On est présent dans tous les secteurs. L’essentiel pour nous est que l’entrepreneur soit bon, idéalement l’entreprise est déjà profitable en EBITBA avec un chiffre d’affaires de 5 à 50 millions d’euros, et surtout avec un business plan crédible pour faire croître l’EBITDA, généralement en le doublant en 5 ans. En ce sens, la période est compliquée, car, en raison de la conjoncture, les entreprises capables de doubler leur EBITDA se font rares et les prix sont donc élevés”. En revanche, les investissements dits ISF qui visent à récupérer 120% de l’investissement prospèrent. Phillimore entend développer son offre sur ce marché très lucratif et complémentaire du financement ISF en proposant d’accompagner les PME. “C’est un marché en plein boom. L’investisseur déduit 50% de son ISF et récupère en moyenne 2,5 fois sa mise net de l’économie d’impôts au bout de cinq ans et demi lorsque l’entreprise et l’entrepreneurs sont bien choisis». Une opportunité dont profitent plus de 100 000 des 450 000 contribuables français soumis à l’Impôt sur la Fortune et une alternative crédible pour les entrepreneurs en mal de financements bancaires et qui grâce aux capitaux investis

peuvent mobiliser autant auprès des banques. Toujours dans ce souci d’offrir des nouveaux moyens de financement aux entrepreneurs, Cyril Tramon s’apprête à créer et mettre en ligne une plateforme de financement participatif spécialisée dans les placements obligataires. La cible ? “Vous, moi, les épargnants cherchant une gestion dynamique de leur trésorerie, et bien sûr les souscripteurs aux fonds fiscaux (ISF,IR) sans oublier les holdings patrimoniales”. La rémunération est à la hauteur de la prise de risque : entre 5 et 12% par an. Une perspective qui passionne le patron de Phillimore connecté en permanence avec le marché des PME. “Depuis des années, nous recevons 300 dossiers par an dont moins de 1% font l’objet d’un investissement par le fonds principal, car nous cherchons des entreprises capables de générer 25% ou plus de rendement. Mais dans le lot, nombre d’entreprises mériteraient d’être financées autrement. C’est notamment parmi la cinquantaine par an qui font l’objet d’un rendez-vous, et d’une analyse, que nous pensons trouver de bons investissements ISF ou pour la plateforme obligataire.” “Au final, mes associés et

LES BONNES ADRESSES DE… CYRIL TRAMON Epicurien aux goûts hétéroclites, le président-fondateur de Phillimore cite aussi bien les gnocchis d’Il Barone (5, rue Léopold Robert, 75014), “un petit restaurant italien tenu par une famille calabraise”, que le bar grillé du Duc (243, boulevard Raspail, 75014), une des bonnes adresses de la capitale pour les amateurs de poissons et fruits de mer. Mais Cyril Tramon avoue aussi un vrai coup de cœur pour la “cuisine bistronomique” de L’Ourcine (92, rue Broca, 75013), les viandes du Bieh-Palais Brongniart (33, place de la Bourse, 75002) et les quenelles d’Abel à Lyon. Enfin, l’investisseur garde pour la bonne bouche Guy Savoye et son incroyable terrine de pamplemousse à l’Hôtel de la Monnaie (11, quai de Conti, 75006). Un penchant pour les douceurs qui le mène aussi régulière du côté des pâtisseries de Pierre Hermé, rue de Vaugirard. 18

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moi gagnons beaucoup moins que dans nos précédents métiers de banquier, mais nous nous amusons beaucoup plus et ce que nous faisons a du sens !”, conclut Cyril Tramon, qui conseille à l’avenir d’investir dans des niches en bonne santé comme certains métiers de l’informatique (cloud, edm, datacenter, software…), de la santé, du luxe, de l’aéronautique et les métiers de service et du second œuvre de la construction. Foi d’expert… SA VISION DE LA RÉUSSITE

Avoir des valeurs et s’y tenir pour ne pas perdre le cap Savoir bien s’entourer, écouter, choisir, parfois se tromper et corriger, Etre très exigeant, notamment envers soi-même, et accepter et détester l’échec Identifier et faire croître les talents Prendre du plaisir dans le travail


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Sylvain Forestier renaît avec La Maison Bleue

LES BONNES ADRESSES DE… SYLVAIN FORESTIER Toujours à l’affut de bonnes petites tables, Sylvain Forestier est tombé récemment sous le charme d’Helen (5, rue Berryer, 75008), dont les poissons frétillent dans l’ambiance tamisée du quartier de l’Etoile. Proche de son siège de Boulogne, le patron de La Maison Bleue conseille aussi A Tavola, un Italien de bon goût, à la fois restaurant et épicerie fine, situé au 23 rue d’Aguesseau. Amateur de fruits de mer, marié à une Bretonne, il profite de chacun de ses déplacements à Dinard pour visiter l’antre d’Olivier Rœllinger (Le Coquillage) à Cancale. Quelques centaines de kilomètres plus au sud, ses fréquents séjours en Corse sont autant d’occasions de déguster un denti grillé, “un poisson de la Méditerranée très rare” dans la chaleur du Rouf, à Sainte-Lucie dePorto-Vecchio. “Je ne mange plus de viande rouge depuis quinze ans”, précise Sylvain Forestier qui vante encore “la cuisine incroyable, dans l’esprit de Marc Veyrat” de Benoît Vidal, un deux étoiles Michelin dont le talent s’exprime à haute altitude, dans un chalet du village du Fornet, à Val d’Isère.

Par Pascal Auclair

Enfant sacrifié de la bulle internet, le fondateur de D Interactive a tourné le dos au monde du web pour se reconvertir dans la gestion de crèches. Aujourd’hui, avec La Maison Bleue, le numéro 3 de la petite enfance en France, il gazouille de bonheur… Géniteur d’entreprises, le présidentfondateur de La Maison Bleue portait encore des couches culottes – ou presque – lorsqu’il s’est lancé dans la grande aventure de l’entrepreneuriat. A 24 ans, tout juste sorti de l’ESSEC, Sylvain Forestier crée Countdown, une société pionnière sur le marché des cartes de réduction pour les particuliers. Tellement pionnière que le projet fait long feu. “À l’époque, le concept était déjà en vogue en Angleterre, mais il ne correspondait pas à la mentalité française. On a donc recentré la société vers le marketing direct autour de la fidélisation clients», explique le dirigeant parisien, qui se résoudra à revendre la société en 1990. Soucieux de ne pas rater le bon wagon d’internet, Sylvain Forestier fonde alors Groupe D - qui deviendra par la suite D Interactive – en 1990. “L’idée était de surfer sur la vague web en misant sur la gestion de la relation clients via les bases de données, le numérique et le web”. Danone, Renault, L’Oréal, Heineken… Les grandes marques s’arrachent les services de la start-up. L’affaire devient vite rentable, mais la machine s’emballe sous la pression des investisseurs. Pour tenir le rythme, Sylvain Forestier et son associé,

Jean-François Lanièce, multiplient les opérations de croissance externe, en France et à l’étranger. Un miroir aux alouettes qui finira pas transformer le bel oiseau en étoile filante, fauchée en plein vol par l’éclatement de la bulle internet. “On a pris la bulle de plein fouet”, admet Sylvain Forestier, contraint de déposer le bilan en 2002 avant de perdre définitivement la partie à la barre du tribunal. L’essentiel de la société, endettée, mais saine, sera reprise par le groupe Bertelsmann.

Une longue traversée du désert Fin – brutale - d’une belle aventure et début d’une – longue – “traversée du désert”, selon les propres termes de l’intéressé. Ruiné, le bonhomme ne peut se contenter longtemps d’un statut de salarié, même au sein d’un groupe de communication comme Bertelsmann. “À l’époque, Jean-François Coppé m’avait soufflé que le secteur de la petite enfance s’ouvrait au privé. Il y avait une opportunité à saisir…”. C’est ainsi qu’en 2005, Sylvain Forestier s’associe à Antonia Ryckbosch, une puéricultrice expérimentée, pour fonder La Maison Bleue. “On a ouvert notre première crèche à Montrouge, en 2007, grâce à la confiance de la ville”, se

souvient-il. L’embryon de projet devient vite un beau bébé, dodu à souhait, et surtout rentable ! De fait, ayant retenu la leçon de son expérience antérieure, le dirigeant parisien – le siège de La Maison est implanté Boulogne – se développe par croissance organique et non plus externe. Sur la seule année 2014, il ouvre 25 crèches en France. “Un record !”, assure-t-il.

Des fondements solides

Aujourd’hui, La Maison Bleue s’appuie sur un réseau de 180 crèches dans tout le pays, mais aussi en Suisse, dont un tiers en délégation de service public et deux tiers en propre. “Nous construisons et aménageons de plus en plus de crèches réservées conjointement par les entreprises et les mairies”, explique l’ancien président de CroissancePlus, dont les clients se nomment American Express, Carrefour, Nissan ou Airbus. Le profil-type des crèches ? “Environ 500 mètres carrés, une quinzaine de salariés et une quarantaine de berceaux pour des bébés de 0 à 3 ans”. La Maison Bleue, qui emploie près de 2 000 personnes, a réalisé un chiffre d’affaires de 72 millions d’euros en 2014 et devrait tutoyer la barre symbolique des 100 millions d’euros dès cette année. “Cela nous

place dans le Top 3 national sur un marché en pleine croissance”, se réjouit Sylvain Forestier, de nouveau titillé par des envies de croissance externe. “Mais cette fois, La Maison Bleue repose sur des fondements plus solides et de vraies perspectives de développement à long terme”, assure le dirigeant. Ses velléités d’acquisition viennent de se traduire par le rachat de La Part de Rêve, opération donnant naissance au numéro trois de la petite enfance en France, et devraient se concrétiser rapidement en Angleterre et en Allemagne. Parallèlement, Sylvain Forestier envisage d’élargir son champ d’activités aux enfants plus âgés. “On enregistre une forte demande des entreprises pour une prise en charge des 3-10 ans”. Un partenariat avec O2 et Acadomia serait dans les tuyaux… Vive la jeunesse ! SA RECETTE DE LA RÉUSSITE

Être lucide sur son environnement Penser chiffre d’affaires, mais aussi cash car on n’arrive à rien sans argent Travailler avec une vision à long terme

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LES (BONNES) ADRESSES DE

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L’ESPLAÏ,

LE GRAND BAR DES GOUDES LE BONHEUR DU BOUT DU MONDE •••••••••••••••••••••

© Benjamin Bechet

Par Bruno Metzlé

La Bastide du XVIIIème siècle au romantisme méridional donne sur une belle terrasse ombragée dont la vue embrasse les toits de la ville jusqu’aux falaises du “Marseille Vert”.

L’Esplaï du Grand Bar des Goudes 29 Rue Désirée Pellaprat – Les Goudes 13008 Marseille Tél. : 04 91 73 43 69 •••••••••••••••••••••

Menus : Poissons 45 e, Bourride 42 e, Bouillabaisse 60 e Fermeture selon la saison

Avec ses allures de village du bout du monde, les Goudes, ne sont qu’à 20 minutes du centre de Marseille. Dans ce paysage minéral quasi lunaire, quelques maisons de pêcheurs se serrent les unes aux autres. Au milieu d’elles, l’Esplaï, le Grand Bar des Goudes. Ici, c’est le domaine de Didier Tani, un personnage, un minot de 45 ans, comme il se revendique fièrement. Digne représentant de la plus vielle famille des Goudes, Didier Tani ne triche pas, “Le poisson, je suis tombé dedans quand j’étais petit”, il se fournit chaque matin à l’Estaque et dans les criées locales. “Je connais tous les pêcheurs dans un rayon de 25 kms” rappelle t-il. Et chaque jour il propose ce que la mer à concédé à ses amis pêcheurs. Didier Tani ne plaisante pas avec la fraicheur du poisson. C’est pour lui un dogme. Tous les poissons sont ultra-frais dit-il. Chez moi pas de poisson citronné pour maintenir les apparences. La Bouillabaisse elle-même n’est préparée que sur commande, pour donner l’assurance que le poisson soit frais.

Massimo Birindelli est ici à la manœuvre. Il accueille et régale aussitôt ses clients en énonçant les plats avec son délicieux accent toscan. Personnage talentueux et modeste, déjà connu des marseillais dans d’autres vies, il insuffle son esprit maison de bonne table et de service sans “chichi”. La cuisine toscane ici, à l’honneur, donne envie de tout commander. Méli mélo de beignets d’artichauts et de fleurs de courgettes, Salade de poulpe, Charcuteries toscanes, Burrata à partager. Belle offre de pâtes, gnocchi et risotti : Linguine aux clovisses, Penne aux scampi ou Papardelle à la truffe blanche et cèpes, Risotti milanais, cèpes ou artichaut… Des plats de viande ou de poisson : Piccata de veau au citron, Foie de veau à la vénitienne, Carpaccio de bœuf, artichauts et Gorgonzola tiède, ou encore Poêlée de St-Jacques au safran et risotto, Fritto misto (calamars, gambas et petits rougets). Des plats exécutés avec justesse. La carte des vins fait la part belle aux vins de Provence, Côteaux d’Aix, Cassis, Bandol, St-Tropez (Château de Pampelonne), Côtes de Provence Rimauresq cru classé et aussi des vins de Chianti. Le résultat a beaucoup de charme et beaucoup d’allure.

Alexandre Mazzia

AM

LE CUISINIER PHÉNOMÈNE •••••••••••••••••••••

L’Esplaï – Le Grand Bar de Goudes a tout de l’attrape touriste, décor simple, service en bermuda, mais l’apparence s’arrête là. Les poissons défilent dans les assiettes, éclatants de vérité : Fricassées de sèches marinées en persillade ou supions selon la saison, Rougets (maille 13), véritables Merlans palangre justes enfarinés, Dentis, Sars, Thons rouges, Anchois simplement poêlés et au jus de poivron. Le tout accompagné de vins locaux, Côteaux d’Aix ou Bandol… Didier Tani et son Chef Christophe Thullier délivrent une cuisine de famille, “comme chez la Mère”. Les cuissons sont réalisées au four (rosé à l’arête), ou à la poêle, mais jamais à la friteuse. “Aux Goudes, on est un village modeste, on faisait beaucoup avec pas grand-chose”, souligne Didier Tani. “Mon plaisir est de vous faire vivre comme si vous aviez un cabanon aux Goudes”. La clientèle ne s’y trompe pas. Des touristes en saison bien sûr, mais aussi des “vieux marseillais” toute l’année, ce qui est bon signe. Pour bien comprendre Didier Tani, bien plus qu’un lieu ou un restaurant, Les Goudes c’est tout un univers, un mode de vie simple (le travail le matin et la partie de boules l’après midi avec les anciens), un art de vivre ; “Les Goudes c’est ma vie !”.

LA BASTIDE DE MASSIMO UNE SURPRISE DE CHARME.

AM : 9 rue François Rocca - 13008 Marseille Tél. : 04 91 24 83 63 •••••••••••••••••••••

Menus déjeuner : 35 e, 45 e Menus dîner : 69 e, 87 e Ouvert du mardi au samedi

Nom de code AM. Des initiales que les marseillais n’ont pas tardé à déchiffrer. AM comme Alexandre Mazzia, cuisinier phénomène, couronné il y a peu par un macaron Michelin et élu Créateur 2015 du Omnivore World Tour. Maintenant installé dans le quartier du Prado en lieu et place du ventre de l’architecte, Alexandre Mazzia, s’est taillé un lieu sur mesure. Décoration contemporaine, béton brut, tranche de chêne massif (235 ans d’âge s’il vous plait)… Une impression d’épure qui accorde une place plus importante à la cuisine. La cuisine ouverte sur la salle permet au Chef de partager ses créations avec une vingtaine de convives. Si vous recherchez une expérience forte, La meilleure table est sans aucun doute celle, où il met la dernière touche à ses assiettes, à la manière d’un magicien, en close up. Alexandre Mazzia pratique une cuisine d’auteur, personnelle, spontanée . Il trouve son inspiration dans ses émotions et ses souvenirs avec le seul engagement de faire vivre un bon moment. Il ose et il surprend. On vient ici pour vivre une histoire, un voyage, prévient Alexandre Mazzia. Seul le prix “du voyage” plus ou moins grand est choisi. Pour chaque convive, il trouve l’équilibre et la cohérence dans la succession des plats.

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La Bastide de Massimo 30 rue Poucel – 13004 Marseille Tél. : 09 86 26 56 72 •••••••••••••••••••••

Fermé lundi soir, samedi midi et dimanche

Ouverte depuis décembre dernier dans le quartier de la Blancarde à Marseille, la Bastide de Massimo est une très belle surprise. étape de charme loin de l’agitation, elle conjugue trois atouts qui se complètent et se répondent : un lieu, un homme et une cuisine.

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BON GOÛT   –   Numéro 14  –   AUTOMNE 2015

Pour y parvenir, Alexandre Mazzia surprend à nouveau. il choisit chaque matin ses produits avec ses fournisseurs et herboristes (il en a près de 200). Des produits rares du moment, des produits d’arrière saison, des produits de la mer, poissons et végétaux… et il veille à ce que le goût de chaque ingrédient utilisé soit vif et lisible.

amende fraiche, cerise - Eau de pastèque granité orange Campari avec eau de radis.

Expérience gustative, mais aussi visuelle. Ce jour là, Huitres pochées au saté et aubergine brulée au manioc, framboise et harissa - Girolles au suc de volaille grillée,

Des associations étonnantes dans lesquelles Alexandre Mazzia, recherche la transformation de la matière. Cette transformation est essentielle. C’est elle qui donne de la

La Bastide de Massimo

légèreté et qui peut rendre soyeux quelque chose d’aride ajoute Alexandre Mazzia. Chaque jour, ses exercices de style font merveille. L’homme à la stature de basketteur donne beaucoup de lui-même. Il le résume ainsi, “au début on fait pour faire, après on fait ce qu’on est”.


BON GOÛT

MARSEILLE

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LA CANTINETTA

LE ROWING CLUB

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24 Cours Julien - 13005 Marseille

34 Bd Charles Livon - 13007 Marseille

Tél. : 04 91 48 10 48

Tél. : 04 91 900 778

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Ouvert tous les jours sauf le dimanche

Ouvert 7jours/7 sauf le dimanche soir et le lundi soir

QUE DU BON !

C’EST FOU

À la carte : compter 45 e pour entrée plat dessert vin

Dès la lecture de l’ardoise, on se lèche les babines ; une cuisine italienne simple et pertinente ; très belle sélection de Jambons de Parme et de Mozzarella di bufala pour une assiette composée, Salade de légumes parfaitement assaisonnée avec une pointe d’anchois, Sèches en persillade remarquables de fraîcheur, Spaghettis alla vongole, un classique, Caponata agrémentée d’un œuf mollet... Pour les amateurs, on trouvera toujours ici des pâtes fraiches, des raviolis, un risotto fait minute, une escalope de veau, ou une viande en sauce accompagnée de polenta. Côté vin, les sélections de crus italiens sont à la hauteur. Un vrai coup de cœur !

LA BOITE À SARDINES

POISSONNERIE MARSEILLAISE ••••••••••••••••••••••••

et café, brunch 28 e

Un lieu à la fois “corporate business” décontracté le midi et très convivial le soir et le week-end. Le Tout-Marseille se bouscule dans ce roof top new-yorkais aux beaux jours, ou son restaurant signé Le Corbusier au 1er étage du club d’aviron, à la sortie du Vieux Port, entre les forts St-Jean et St-Nicolas. Dans l’assiette, Christian Ernst nous rsérve le meilleur. Des produits de producteurs, du poisson exclusivement sauvage, des cuissons justes, le tout à un excellent rapport qualité/prix. Petit extrait choisi, car ici le marché fait loi : — Loup aux palourdes et jus de coriandre — Dos de turbot rôti à l’étuvée épinards cresson et champignons du moment — Pigeon (désossé) rôti et petite pastilla laquée aux fruits d’automne — fromages de la Maison Ranieri…

2 boulevard de la Libération - 13001 Marseille Tél. : 04 91 50 95 95 ••••••••••••••••••••••••

Ouvert le midi du mardi au samedi et le jeudi soir

Le Grand Bar de Goudes

Christian Ernst

Quel bonheur de s’attabler dans cette “poissonnerie marseillaise”, au milieu d’un bric-à-brac déjanté d’objets marins et d’une sérieuse collection de “boites à sardines”. À la fois poissonnerie et bistro de la mer, ce petit établissement en sifflet est tributaire de la pêche du jour. Sous des apparences de joyeux drille, Fabien Rugi s’y connait en poissons et crustacés. Diplômé d’aquaculture et d’ostréiculture, il soigne ses approvisionnements comme nul autre, et notamment une très belle sélection d’huitres de la méditerranée et de Papins de l’océan en arrivages directs.

ZINC ZINC

LE BISTROT DANS L’AIR DU TEMPS ••••••••••••••••••••••••

Les Docks de Marseille 10 place de la Joliette - 13002 Marseille ••••••••••••••••••••••••

Pour ses planches de charcuterie, ses viandes succulantes et ses tapas.

BIEH

LE BISTROT NEW-YORKAIS ••••••••••••••••••••••••

Ici la bonne franquette est surtout bonne, grâce à Céline, la cuisinière, qui taille, découpe et assaisonne. Les supions, calamars et autres couteaux sont jetés sur la plancha et servis en persillade, les anémones juste farinées et plongées dans la friture, les grosses pièces mises au four dans le plus simple appareil, si ce n’est un petit filet d’huile d’olive…

Les Docks de Marseille 10 place de la Joliette - 13002 Marseille ••••••••••••••••••••••••

Ambiance typique pour ce bistrot qui nous plonge au cœur de soho ou de tribecca, on s’y régale de burgers “ultra” frais et de spécialités americaines revisitées à la française.

La Boite à Sardines

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LE GOÛT DES AUTRES

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Pascal Blache “Il faut sauver le Chalet du Parc !” Par Pascal Auclair

Élu en mars 2014, le maire du sixième arrondissement a bouclé sa première année de mandat. Un apprentissage instructif pour ce novice de la chose politique qui rêve de faire du quartier un haut-lieu de la gastronomie lyonnaise. Et le Chalet du Parc, au cœur du parc la Tête d’Or, la future vitrine gourmande en vogue. Confidences autour d’une belle quenelle de brochet...

L’une de vos premières initiatives, après votre élection, a été d’inviter à la mairie les Toques Blanches Lyonnaises et le Chef de l’Elysée, Guillaume Gomez. Un signe fort en direction du monde de la gastronomie lyonnaise? Exact. Historiquement, la gastronomie a toujours fait partie de l’ADN de cet arrondissement qui profite de sa structure socio-démographique et de sa situation géographique pour abriter de nombreuses Toques Blanches et cinq étoilés (1), un record à Lyon. Un homme comme Pierre Orsi joue un rôle moteur pour promouvoir la gastronomie dans le quartier et aider les jeunes Chefs qui s’installent. Une sorte de parrain. Un fédérateur d’énergie. On a aussi la chance de voir éclore toute une génération de nouveaux Chefs de grands talents, à l’instar de Marc Boissieux, le vainqueur de Master Chef, qui vient d’ouvrir son établissement, L’Inattendu, rue Bossuet. Ce mixage intergénérationnel est une vraie chance pour le sixième qui recense, par ailleurs, 484 terrasses sur son territoire, dont certaines ouvertes à l’année comme le Splendid, le Rive Gauche, le Café du Pond, la Brasserie des Brotteaux…

Et de nouveaux lieux gastronomicofestifs ont vu le jour ces dernières années, notamment autour de la gare des Brotteaux… Oui, c’est la preuve que l’on peut faire émerger de nouveaux pôles de restauration attractifs à condition d’avoir une situation privilégiée et surtout un aménagement adéquat. Il y a dix ans, personne ne voulait s’installer dans le secteur. Le parking souterrain, qui a nécessité deux ans de travaux, et la réhabilitation des bâtiments environnants, ont généré un nouveau lieu de vie facile d’accès et de stationnement, avec du shopping à proximité. Résultat, en fin de semaine, avec les terrasses, on comptait cet été jusqu’à trois mille personnes sur l’esplanade de l’avenue Général Brosset et place Jules Ferry. Sans parler des effets colatéraux positifs. Un Chef comme Christophe Roure (Le Neuvième Art), par exemple, a choisi de s’installer dans le sixième parce qu’il a senti que le coin bougeait.

D’autres projets sont-ils en gestation pour doper la fréquentation des restaurants du sixième ? Oui, on va lancer en novembre une application téléchargeable gratuitement, simple d’utilisation, pour valoriser l’offre

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des 1 300 commerçants du quartier, dont les restaurateurs, fédérés au sein de l’association “Le 6.” En quelques clics, le résident comme le touriste pourront ainsi voir en temps réel sur iphone ou ipad toute l’actualité de l’arrondissement, trouver en un mot-clé le produit recherché. L’onglet gastronomierestauration sera à coup sûr l’un des plus cliqués… Si l’initiative, comme je l’espère, est un succès, elle pourra ensuite servir de modèle pour une déclinaison sur l’ensemble de la ville. Les outils numériques sont devenus un moyen formidable de promouvoir nos établissements et leurs spécificités. Il faut les exploiter...

Pascal Blache

Qui va financer ? La mairie ne mettra pas la main à la poche. La partie conception-développement sera financée par quelques partenaires privés. L’exploitation annuelle et la maintenance seront payés par les commerçants qui s’acquitteront d’une cotisation annuelle comprise entre 50 et 80 euros en fonction des formules. Chaque commerce aura sa propre page et disposera d’une interface pour mettre à jour son actualité en temps réel, avec à terme la possibilité d’être géolocalisé.

Il sera par exemple possible de localiser en quelques clics le Chalet du Parc, l’un des plus remarquables lieux de restauration de la ville, au cœur du Parc de la Tête d’Or, aujourd’hui à l’abandon ?... Effectivement, c’est un sujet sensible quand on sait que le Parc de la Tête d’Or accueille jusqu’à 30  000 visiteurs le week-end. Ce restaurant est actuellement vide et fermé. Avec le transfert du musée Guimet à la Confluence, la fermeture du Chalet du Parc est l’autre dossier sur lequel je souhaite vraiment me battre. On a trouvé une solution pour le musée transformé en atelier de la danse, avec la possibilité d’y abriter un restaurant pour assister aux répétitions, derrière une baie vitrée, à l’étage, à l’heure du déjeuner. Maintenant, il faut sortir de l’impasse au Chalet du Parc. Très compliqué…

Motiver les investisseurs à investir au Chalet du Parc Pourquoi ? Parce qu’on est confronté à une triple problématique. Un problème d’exploitation puisque le Chalet du Parc se situe dans un espace fermé au public la nuit. En principe, personne ne doit y circuler après 22h30. Le

Portail principal du Parc de la Tête d’Or

deuxième problème est d’ordre juridique. Le Chalet fait l’objet d’une convention entre la Ville et l’exploitant. Avec des conventions de trois ans sans possibilité de cession du bail, personne ne veut investir le moindre centime car impossible à rentabiliser. Or, le bâtiment est complètement délabré, inadapté pour accueillir du public. On en vient au troisième problème, d’ordre technique et urbanistique. Selon les experts, il faudrait réaliser au moins deux millions d’euros de travaux pour remettre en état le lieu. Sans oublier que le Chalet, créé en 1896 et rénové en 1963, est un site classé, donc soumis à l’approbation de l’architecte des Bâtiments de France.

Alors, quelle est la solution ? D’abord, une volonté politique. Il faut une démarche volontariste de la Ville de Lyon pour s’engager dans une réforme juridique d’exploitation du lieu. Pour intéresser des investisseurs, il sera aussi indispensable de signer une convention de longue durée avec la possibilité d’une exploitation élargie, multi activités : le week-end, crèche et activités ludiques pour les enfants au rez-de-chaussée ; en semaine et le weekend, terrasse pour prendre son café ou une salade face au lac et salle de restaurant pour le déjeuner ou l’organisation de soirées privées. L’autre solution, ce serait de faire une DSP (Délégation de Service Public). La Ville financerait les travaux et déléguerait la gestion à un exploitant privé. Mais cette option a peu de chance d’être retenue. Quoi qu’il en soit, ce lieu incroyable doit vivre du lever du soleil jusqu’à tard dans la nuit,

Lac du Parc de la Tête d’Or

avec une mixité naturelle puisque les classes populaires, les familles comme les hommes d’affaires y trouveront leur bonheur.

La Cité Internationale, aux abords du parc de la Tête d’Or, ne souffre-t-elle pas d’une certaine désaffection de ses restaurants ?

C’est un fait que ce n’est pas un lieu de passage naturel. Voilà pourquoi il faut mettre des moyens pour y attirer du monde. Cela passe par une signalétique beaucoup plus visible, tant du côté du Rhône que du côté du parc, et par une animation régulière du site. Cinq ou six événements par an susceptibles de drainer une large clientèle. On peut en faire the place to be ! J’espère que Jean-Claude Lavorel (Ndlr : propriétaire du Marriott) qui a pris la présidence de l’association de la Cité Internationale, va nous aider à faire avancer les choses… (1) Le Neuvième Art (2 étoiles), Orsi, Takao Takano, le Gourmet de Sèze, Maison Clovis.

LES ALLIANCES DE MONSIEUR LE MAIRE Un pot-au-feu avec un Hermitage Un loup grillé avec un rosé Château Minuty Un Saint-Pothin avec un Tokay


COMPTOIR DU GOÛT

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Zinc Zinc L’esprit bistro Par Bruno Metzlé

Zinc Zinc, un nom qui claque comme un fouet et qui revendique doublement l’esprit bistro. “Fondé en 2000”, le Zinc Zinc est devenu depuis une institution de l’ouest parisien

Sous l’œil bienveillant des tours de la Défense, l’imposant comptoir autour duquel les cols blancs des alentours viennent s’attabler au déjeuner, s’anime le soir venu, pour devenir the place to be pour les afterwork et les apéros tapas. Un lieu de rendez vous qui vit à toute heure de la journée. Depuis le petit déjeuner jusqu’au dîner. Bref, du caractère et un bel accueil pour cet endroit qui bourdonne comme une ruche et que certains auraient déjà vu à New York Tribeca, ou à Londres… mais en rêve. Zinc Zinc est bien ici à Neuilly / Seine. Les inscriptions au fronton des fenêtres ne laissent pas de doute sur la cuisine : Bon vivre, Tradition, Terroir. Un répertoire bistronomique revisité qui s’articule autour

d’excellentes charcuteries ibériques, de pièces de viande de race, Salers, Charolaise ou Limousine, des plats bonnes femmes interprétés avec impertinence par le Chef : Superbes planches de charcuterie et Terrines à partager, St-jacques en coquilles rôties au beurre et aux amandes, Poêlées de champignons, Cocote de gambas, Blanquette de veau aux truffes, Os à moelle, Bourguignon au foie gras, Côte de veau oignons et beurre salé, ou l’incontournable Côte de bœuf sauce béarnaise maison, ou encore le fameux Zinc burger dont le succès ne faiblit pas depuis 15 ans. On pourrait ajouter d’autres plats canailles en suggestion, Oeufs au plat et foie gras, St Marcelin rôti au lard fumé et lentilles, Ris de veau aux morilles, et pour finir,

le Pain perdu caramel beurre salé ou la classique charlotte aux fruits sont des Zinc-ontournables ! la Liste est longue. Le choix de vins quant à lui est plutôt malin et accessible. Une adresse qui a depuis longtemps séduit les entreprises qui n’hésitent pas à y recevoir leurs collaborateurs ou clients pour une soirée très conviviale. Fort de ses implantations (Neuilly et Lyon), Zinc Zinc, peut regarder l’avenir sereinement avec sa récente ouverture dans les Docks à Marseille. Dans le cadre prestigieux et historique des Docks, Zinc Zinc, le bistro dans l’air du temps, offre une version modernisée du concept, pour entretenir la flamme de l’esprit bistro.

• ZINC ZINC NEUILLY SUR SEINE • 209 ter avenue Charles de Gaulle 92200 Neuilly / Seine Tél. : 01 40 88 36 06 • ZINC ZINC MARSEILLE • Les Docks de Marseille 10 place de la Joliette 13002 Marseille • ZINC ZINC LYON • 112 Cours Charlemagne Centre commercial de Lyon Confluence 69002 Lyon Tél. : 04 78 95 63 36

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GOÛT D’EXCELLENCE

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Alain Ducasse “La gastronomie française doit défendre son identité” Par Pascal Auclair

Initié à la grande cuisine par Michel Guérard et Roger Vergé, Alain Ducasse (59 ans) a ensuite vécu près de trois ans dans la région lyonnaise, d’abord place Saint-Jean, dans le Vieux-Lyon, puis à Fontaine-sur-Saône et à Mionnay. “Que des bons souvenirs, que du bonheur”, confie l’ancien disciple d’Alain Chapel qui s’est depuis émancipé de son maître spirituel, au point de devenir l’un des porte-drapeaux de la gastronomie française à travers le monde. Désormais à la tête d’un empire gourmand, ce cuisinier de talent reconverti en homme d’affaires était récemment en visite à Lyon, à l’hôtel Globe & Cécil pour célébrer les 40 ans de Châteaux & Hôtels Collection en Rhône-Alpes. L’occasion d’évoquer avec lui le présent et l’avenir de la cuisine française. Avec toujours cet inimitable accent du Sud-Ouest… mais sans langue de bois.

Des Etats-Unis au Japon, de Hong-Kong à Doha, en passant par Monaco et Londres, vous êtes à la tête d’un groupe fort de vingt-quatre établissements à travers le monde, d’une école de cuisine, d’une maison d’édition, de Châteaux & Hôtels Collection... Comment parvient-on à gérer un tel empire tout en gardant une âme de chef ? En envisageant le métier un peu différemment. Aujourd’hui, je me considère comme l’entraîneur d’une équipe de haut niveau. Mes plus anciens collaborateurs sont avec moi en cuisine depuis trente-cinq ans, et la moyenne de mes Chefs dans le monde, c’est vingt ans de maison. Donc, je suis assez serein. Ils continuent de s’entraîner tous les jours, comme un bon joueur de foot, pour rester au top. Ils sont meilleurs que moi… mais je reste l’entraîneur !

Mais le coach n’a-t-il pas envie parfois de revenir sur le terrain ??…

pourquoi tous ceux qui dirigent mes cuisines sont d’anciens de la maison. Il n’y en a pas qui débarquent du jour au lendemain. C’est une école de rigueur, de discipline, d’exigence, sans pour autant tomber dans certains excès qui ont alimenté la chronique dans les journaux.

“La cuisine, un formidable ascenseur social”

Pourquoi la cuisine séduit-elle aujourd’hui autant de jeunes ? Parce que c’est un métier de passion, un métier où l’ascenseur social n’est pas un vain mot. La plupart de mes collaborateurs ont débuté comme simples commis. Ils occupent aujourd’hui de gros postes à la tête de belles et grandes cuisines. C’est ce souci permanent de contribuer à la progression de l’individu, à son épanouissement personnel, qui permet à l’entreprise de croître.

Est-ce aussi ce souci de la transmission qui vous a fait accepter la présidence du jury du concours des MOF (Meilleurs Ouvriers de France) ? Oui, car je suis très attaché à l’excellence du savoir-faire français, aux notions de rigueur, de discipline appliquées à notre métier. C’est comme le solfège en musique. Il faut d’abord maîtriser ses bases pour pouvoir jouer ensuite toutes les partitions de manière harmonieuse. Grâce à ces valeurs, à cette maîtrise professionnelle, la France va conserver son statut de leader durant de longues années, à la différence d’autres mouvements souvent éphémères.

Selon vous, la cuisine française reste “the best in the world” ?

Si, mais à la maison ! Je vais au marché, j’épluche les légumes, je reprends mes basiques de A à Z. Rassurez-vous, je n’ai pas perdu la main ! Et puis, j’ai une mémoire gustative. Cela m’aide dans mon rôle de directeur artistique de mes restaurants, de sélectionneur pour assurer le casting des hommes et des femmes capables d’incarner ma vision. Contrairement à ce que certains disent ou ce que l’on croit, je n’ai rien perdu de la maîtrise de mon métier.

Evidemment. L’influence de la cuisine française n’a jamais été remise en cause. La différence, c’est que d’autres pays ont préempté la gastronomie pour promouvoir des destinations touristiques. Je pense notamment aux pays nordiques, aux pays du Sud de l’Europe, en particulier l’Espagne, aux Etats-Unis. On a jamais aussi bien mangé dans le monde. Cela signifie que la compétition est désormais planétaire. Dans ce contexte, la France doit continuer à créer, à influencer, à essaimer, pour conserver une longueur d’avance et maintenir son statut de leader.

Même si vous passez désormais peu de temps auprès de vos brigades ?

Ce que vous faites à travers vos nombreuses implantations ?

Par la force des choses. Au total, dans le monde, le groupe s’appuie sur les compétences de plus de 420 collaborateurs en blanc. Notre vocation, c’est d‘identifier et de suivre les jeunes talents, faire en sorte qu’ils puissent évoluer, voyager, progresser, grandir au sein de l’entreprise. On est très attaché à la transmission de la connaissance, à la formation interne. Voilà

Oui, la haute gastronomie, c’est comme une marque de luxe, une griffe de haute couture. Il faut sans cesse ouvrir de nouveaux show-rooms dans le monde pour mettre en valeur le savoir-faire français. Avec cinq ou six confrères, on possède une centaine d’adresses dans le monde. C’est pas si mal… Cela contribue fortement à la notoriété de la cuisine tricolore et à son rôle d’influence.

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BON GOÛT   –   Numéro 14  –   AUTOMNE 2015

© P. Monetta

À la tête d’un groupe fort de vingt-quatre établissements, classé parmi les 100 personnalités les plus influentes de la planète selon le magazine Forbes, Alain Ducasse a troqué veste et toque blanches pour un costume d’homme d’affaires. Il n’en demeure pas moins une figure incontournable de la gastronomie française à travers le monde. Confidences.

“Paul Bocuse, notre guide” Pour porter cette vision à long terme, il faut un leader parmi les leaders, une sorte de guide que vous semblez aujourd’hui incarner. Assumez-vous ce statut ? Le leader originel de la cuisine française reste Paul Bocuse. Aujourd’hui, on est une dizaine de confrères à avoir une vision internationale. Je pense à Joël Rebuchon, Pierre Gagnaire, les frères Pourcel et quelques autres. Tous participent à valoriser l’excellence de la cuisine française, à tirer vers le haut l’industrie de la restauration, un pan important de notre économie, tant en termes d’emplois que de chiffre d’affaires.

Mais beaucoup vous considèrent aujourd’hui comme l’“ambassadeur” de la cuisine française… Je ne m’attache pas à ces considérations. Moi, je me contente juste de faire mon métier avec passion, avec sans doute une forme de boulimie, car je veux voir les Chefs formés par mes soins trouver une destination, une cuisine, capables de mettre leur talent en évidence, en France ou à l’étranger.

Et Paul Bocuse dans tout ça ? C’est notre guide. Paul a porté la vision d’une certaine idée de la cuisine française. Si la cuisine connaît aujourd’hui un tel intérêt, en France et dans le monde, c’est en grande partie grâce à lui.

“La haute gastronomie, c’est comme la haute couture”

Justement, un grand débat anime aujourd’hui votre profession et son évolution, avec des Chefs devenus des “stars” de moins en moins aux fourneaux. Cette médiatisation à outrance n’est-elle pas dangereuse ? Non, au contraire. Je suis ravi. C’est bon pour l’industrie de la restauration. En bien ou en mal, l’essentiel, c’est d’en parler. Il en restera toujours quelque chose. Je connais plein de professions qui aimeraient avoir une telle reconnaissance. Bien sûr, la surmédiatisation a toujours des effets pervers. Mais ne nous plaignons pas !

Mais à travers le prisme déformant de la télé, n’est-on pas en train de créer de “fausses vocations”, avec une génération de jeunes mal préparés à la difficulté du métier ? Sans doute. Mais ceux là ne vont pas rester longtemps. Il vont s’auto-éliminer naturellement, car, dans notre métier plus que dans d’autres, c’est l’exigence qui prime.

La haute gastronomie, c’est comme une compétition de haut niveau. On ne peut espérer figurer au Championnat du Monde si on ne se donne pas à fond. C’est cette implication, cet engagement de tous les instants, qui contribuent à une sélection naturelle.

Dans la galaxie Ducasse, l’un des établissements se nomme “Aux Lyonnais”, dans le deuxième arrondissement de Paris. Faut-il y voir des velléités de vous implanter un jour dans la région lyonnaise ? (Sourire) J’ai repris ce bouchon, fondé en 1890, en 2002. C’était à l’origine un restaurant de cochers dans un vieux quartier de la capitale. Mais mon attachement à Lyon s’arrête là. J’ai d’autres projets d’ouverture dans le monde. Pour l’instant, Paris et la Côte d’Azur suffisent à mon bonheur…

“Lyon a su préserver son ADN culinaire”

Alors, qu’est-ce qui fait avancer aujourd’hui Alain Ducasse ? Fédérer une profession afin de préserver notre réputation. Dans un monde globalisé, googelisé, uniformisé, il faut défendre notre différence, cultiver nos aspérités, voire nos imperfections, pour garder notre identité. C’est ainsi que la France restera la destination gastronomique numéro 1 dans le monde.

Et à Lyon, certains sont capables de vous soutenir dans ce grand projet ? Bien sûr. Des Chefs comme Christian Têtedoie ou Mathieu Viannay, mais aussi une génération de jeunes Chefs talentueux venus des départements environnants. C’est cette capacité à se régénérer qui va maintenir la ville au top niveau.

Existe-t-il une “école lyonnaise” de la cuisine ? Plus qu’une école lyonnaise, c’est l’image attachée à la cuisine lyonnaise et une certaine idée de la tradition qui perdure. Cette cuisine a su s’adapter pour s’inscrire durablement dans le nouveau siècle, proposer une cuisine contemporaine sans renier ses traditions et son ADN. Bref, ne rien oublier d’où on vient et savoir où on va…

Qu’est-ce serait votre menu lyonnais type ? D’abord un Gâteau de foie de volaille accompagné de la sauce d’Alain Chapel, composée de truffe, d’une fricassée d’écrevisses, et d’une Hollandaise allégée. Ensuite, une belle Volaille de Bresse aux morilles. Enfin, quelques Fraises associées à une glace vanille ou une crème crue maturée. Le tout arrosé d’un verre de Cerdon…


MAGAZINE D’A PRIORI ÉPICURIENS

octobre 2012

# 14

Le plus vieux et le plus authentique bistrot bourgeois de Lyon

automne

2015

Plus qu’un bouchon lyonnais, le Café Comptoir Abel est une institution... Son décor d’époque en témoigne. Parquets cirés, boiseries chatoyantes, plafonds à la française, vastes miroirs, tableaux et objets chinés çà et là par les maîtres des lieux successifs… Chez Abel, le temps s’arrête lors de la dégustation de la véritable quenelle de brochet faite maison, du fameux poulet aux morilles ou encore d’un délicieux gratin d’écrevisses... ••••••••••••••••••

Garant de la tradition des Mères lyonnaises et de leurs fameuses spécialités, le Café Comptoir ABEL vous accueille tous les jours sauf le dimanche soir.

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Quenelle

Saucisson chaud

Poulet à la crème

Rue Guynemer - 69002 Lyon - 04 78 37 46 18 • www.cafecomptoirabel.fr

www.lenaka.net

Ris de veau

CHRISTIAN TÊTEDOIE Cuisinier par vocation


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