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3.1 Le pignada des Landes de Gascogne, une matrice écologique menacée
Sylviculture et biodiversité, une cohabitation difficile
Sur le plateau landais, la sylviculture du pin maritime suit traditionnellement des itinéraires techniques basés sur la régénération artificielle du pin après coupe rase. Les plants et graines utilisés sont issus d’améliorations génétiques et des engrais phosphatés sont généralement apportés pour pallier à la pauvreté des sols en minéraux. Ces deux opérations (ainsi que les évolutions des techniques sylvicoles) ont permis de faire passer la productivité de la forêt de pin maritime de 4 m3/ha/an dans les années 1950 à plus de 10 m3/ha/an actuellement (CRPF Aquitaine, 2008). Les forêts de pin maritime sont généralement gérées en futaie régulière monospécifique, avec environ 4 à 5 éclaircies et des révolutions de 40 à 50 ans. Les itinéraires techniques évoluent et la tendance est au raccourcissement des rotations et à la production de bois d’œuvre rapide, plutôt en 35 à 40 ans qu’en 50 à 60 ans. De plus, l’exploitation des bois, suite aux tempêtes de 1999 et de 2009, conduit à l’exportation croissante des rémanents forestiers et des souches, pour lesquelles des machines d’extraction et des modalités de stockage (en andain) ont été mises au point. Ces souches sont principalement des sources de biomasse et leur utilisation a débuté de façon conjointe avec l’installation des chaudières de cogénération de chaleur et d’électricité sur les sites industriels.
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Parcelle après labour, Escource
Parcelle âgée de 2 ans, Escource
Parcelle avant 1° éclaircie, Saucats
La monoculture du pin maritime rend cette forêt vulnérable et très fragile. De ce point de vue, cet arbre se démarque des autres essences forestières. La densité du peuplement ainsi que la hauteur ne sont pas des facteurs apparents de vulnérabilité. En revanche, la réalisation, au cours des cinq années précédant la tempête, d’une éclaircie, accroît les risques de manière significative. De plus, le labour en bande, lors de la plantation, semble diminuer la qualité de l’installation et affecter la résistance au vent. D’un point de vue phytosanitaire, suite aux deux tempêtes de 1999 et 2009 et aux chablis non exploités, la forêt est attaquée par des parasites notamment le scolyte en plus des attaques endémiques par les chenilles processionnaires du pin. De plus, la production d’énergie biomasse appauvrit les sols forestiers (cf paragraphe précédent). La minéralomasse* ne peut plus se décomposer et ainsi apporter des minéraux indispensables à la fertilité des sols.
Il est évident que l’enrésinement des Landes de Gascogne a provoqué la disparition, ou du moins la raréfaction, d’un certain nombre de biotopes. Des évolutions mettent en avant cette réduction de la biodiversité au sein du massif. La première est la réduction des zones humides et plus particulièrement des « lagunes ». Cette réduction est liée au drainage des landes marécageuses pour y planter le pin. La deuxième de ces évolutions est la réduction continuelle de la proportion des feuillus, soit par défrichement et enrésinement, soit par élimination directe ou indirecte des parcelles de pins. Enfin, les différentes pratiques sylvicoles mises en œuvre ne prennent que très peu en compte cet enjeu de biodiversité aboutissant à une faible diversité biologique (peuplements purs et équiens). Plus simples que les forêts « naturelles », cela offre donc une plus faible diversité d’habitats et de ressources aux espèces forestières.
Les deux tempêtes successives ont créé des ouvertures dans le massif. Il a été constaté qu’une proportion non négligeable (14 %) de pinèdes endommagées par la tempête Martin n’a pas fait l’objet de reboisement au cours de la dizaine d’années suivantes (Nord Médoc notamment). La tempête Klaus a contribué à augmenter la fragmentation de l’espace ; elle a exposé les terrains forestiers à la pression foncière ; elle a accru les risques sanitaires ainsi que ceux liés aux incendies et au grand gibier. La biodiversité bénéficie de l’augmentation des milieux ouverts, mais elle pâtit, au niveau génétique, de l’homogénéisation qui risque de surgir des trouées, ainsi que de la généralisation des variétés améliorées. De façon profonde et historique, les habitants du territoire des Landes de Gascogne, et plus particulièrement les sylviculteurs, sont sans cesse tiraillés entre logique productiviste et naturaliste, quantité et qualité, dans des rapports aux temps contradictoires mais en nécessaire adéquation avec les pratiques sylvicoles choisies. L’enrésinement du plateau landais et sa vocation de production semble actée dans les grandes lignes, mais des changements sont à prévoir dans les modalités de production notamment (itinéraires sylvicoles, gestion…) au prisme des changements climatiques à venir sur ce territoire. Ces évolutions sylvicoles peuvent-elles réellement être mises en œuvre ? Les changements seront-ils voulus ou subis ?
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Landes à molinie, Haute-Lande
Paysage sylvicole, paysage uniforme ? Un territoire aux multiples faciès
Ce territoire constitue 30 % des réservoirs de biodiversité de la région et abrite au-delà des apparences, une grande diversité de milieux et d’espèces. L’effet mosaïque engendré par le mode de faire valoir (monoculture) de la forêt cultivée, est sans doute un atout aussi important que la richesse des zones humides qu’il abrite (crastes et lagunes, maillage hydraulique, forêts-galeries*, étangs...). La biodiversité qu’il renferme est ainsi la résultante d’un milieu particulier (landes sableuses à micro-relief) et de la culture de la forêt.
Les éléments les plus remarquables de la biodiversité du massif sont lies aux milieux aquatiques et aux milieux ouverts étroitement associés aux boisements : les cours d’eau avec leurs ripisylves et leurs marais, les plans d’eau littoraux, les prairies résiduelles, d’anciennes exploitations minières (Arjuzanx, Hostens) ou des champs de tir (Captieux) avec des formations de landes de grande superficie, et les lagunes riches en espèces végétales endémiques (Faux cresson de Thore) et abritant des espèces d’intérêt patrimonial (le Fadet des Laiches).
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Forêt-galerie de la Leyre, Commensacq
Delta de la Leyre, Le Teich (Photo PNRLG) Lagune, Saucats
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Le massif constitue en outre une « zone tampon » pour des secteurs à forte biodiversité : vallée de la Leyre ou du Ciron, lacs d’arrière dune du Médoc et des Landes… Celle-ci est l’une des valeurs d’intérêt public qui justifient une intervention de la puissance publique et le classement (Natura 2000, ZNIEFF…) pour la protéger. Il importe donc que la gestion forestière continue à être garante du maintien de cette biodiversité, et perçue comme telle, notamment par les nouveaux habitants du massif… (cf enjeux environnementaux et sociaux-culturels)
Le maintien et la restauration de la biodiversité sur cet espace sont un véritable enjeu du fait des évolutions consécutives liés aux défrichements, dégradation du petit chevelu du réseau hydrographique (réseau de tous les menus écoulements et petits rus qui finissent par former un ruisseau), de la régression des lagunes ou encore de l’artificialisation des sols et du morcellement. La prise en compte de ces éléments rejaillit diversement sur la sylviculture où de nouveaux itinéraires sylvicoles sont proposés pour renforcer la résilience des forêts de pins maritimes en implantant notamment des îlots ou des lisières de feuillus dans les forêts de pin. (Mora et Banos, 2014). La biodiversité du massif landais est plus élevée que celle de la lande d’origine. Cependant, celle-ci peut encore être améliorée par une gestion plus durable privilégiant les dynamiques naturelles, l’entretien et la protection de ces espaces en faveur de cette mosaïque de milieux.
Ces paysages sylvicoles, qui caractérisent le territoire, vont donc être amenés à évoluer, et tout particulièrement à cause de l’augmentation des températures, des sécheresses plus longues et plus rudes, de la baisse des précipitations. Ces changements vont impacter la phénologie du pin maritime et plus globalement des espèces forestières. Pour répondre à cela, les espèces ont deux mécanismes : l’adaptation locale ou la migration vers d’autres milieux plus cléments, quand elles ne disparaissent pas par extinction. En une même région donnée, les Landes de Gascogne, la composition future des forêts résultera donc de la conjonction de ces deux processus, auxquels contribue très largement l’action de l’homme. Ce dernier peut d’une part modifier la sylviculture pour faciliter l’adaptation ou contribuer à la migration par la transplantation d’espèces, voire faire appel à d’autres espèces non autochtones (Programme CLIMACQ, INRA).
Les enjeux écologiques A RETENIR
Promouvoir une biodiversité forestière au sein du massif des Landes de Gascogne - Préserver une diversité de milieux naturels identitaires du territoire tels que les landes, lagunes ou encore forêt galerie - Favoriser les services éco-systémiques pour un massif forestier résilient - Favoriser l’amélioration de la qualité des boisements
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Repenser les pratiques sylvicoles actuelles pour une gestion durable de la forêt
- Amener une diversité des essences forestières intra et inter-parcellaires - Diversifier les modèles sylvicoles en fonction des ressources locales (essences forestières, pédologie, activités annexes) - Promouvoir une gestion sylvicole adaptative pour un massif résilient