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2.2 Sylvigénèse du massif des Landes de Gascogne, entre bouleversement écologique, économique et social

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BIBLIOGRAPHIE

BIBLIOGRAPHIE

De la lande au pignada; une afforestation imposée

Napoléon Bonaparte, manifeste dés sa prise de pouvoir son intérêt pour l’assainissement des zones incultes, marécageuses et insalubres comme les Landes de Gascogne, la Sologne, les Dombes, la Bretagne ou encore la Champagne crayeuse dite pouilleuse. « Je veux faire du département des Landes un des premiers départements de France et, à la paix, un jardin pour ma vieille garde » (Sargos, 1997) aurait dit Napoléon 1 er , à Tartas, en avril 1808, alors qu’il descendait vers Bayonne rencontrer le roi d’Espagne, Ferdinand VII. Cet intérêt pour l’agriculture ainsi que l’idée de progrès fondée sur l’industrie, incitent Napoléon 3 à faire l’acquisition en 1857 de 7 400 hectares au cœur des Landes de Gascogne en Grande-Lande. Il y créera sa ferme impériale qui devient en 1863, le village de Solférino où l’on peut encore observer les vestiges des constructions appartenant au domaine. Ce domaine expérimental fut aménagé par Henry Crouzet en charge de la mise en valeur de celui-ci où il expérimenta de nouvelles manières de tirer profit des landes. La double mission de ce domaine était d’offrir une sorte de laboratoire expérimental utile aux maîtres d’œuvre de la mise en valeur et de devenir un modèle pour toute la région, une vitrine de la régénération.

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La ferme de Taston, Domaine impérial de Solférino (landesenvrac.blogspot.com)

La ferme de Poy, Solférino (landesenvrac.blogspot.com)

Genèse du massif forestier

Comme encore trop souvent, Chambrelent et Crouzet passent pour être les créateurs d’une forêt purement artificielle qui donna naissance au pignada actuel. Cependant, c’est omettre qu’il exista une forêt primitive, des pins maritimes mêlés à des feuillus tels que le chêne pédonculé, déjà présents dés l’Antiquité sur le territoire, soumis aux aléas tels que les incendies, puis plus récemment (Moyen Âge) aux déboisements. Dés le XVII e siècle, des Landais créaient des pignadas, en exploitaient la résine comme l’a cartographié Belleyme. Le pin maritime sera sous Napoléon 3, l’instrument d’une conquête intégrale des landes vouées jadis aux activités pastorales.

A la veille de la loi de 1857, la forêt de pins s’impose déjà comme l’avenir des Landes et menace le système agro-sylvo-pastoral en place. La forêt ne cesse de gagner sur la lande, suscitant la résistance des paysans et des pasteurs qui voient se réduire les pacages et parcours indispensables à leurs troupeaux. La forêt couvre environ 320 000 hectares en 1857 ce qui illustre les dynamiques déjà à l’œuvre depuis plusieurs décennies (carte ci-contre).

La loi de 1857, dite « loi relative à l’assainissement et à la mise en culture des Landes de Gascogne », ne sera que le catalyseur permettant une colonisation exponentielle du territoire, au nom du progrès et de la salubrité. Les terrains communaux soumis au parcours du bétail doivent ainsi être assainis et ensemencés. Outre la prescription du boisement, c’est également l’obligation de ventes qui est faite aux communes lorsqu’elles n’ont pas les moyens de les mettre en culture. Cette législation entraîne une vente massive de terrains, jusqu’alors presque exclusivement en état de landes à parcours, au profit notamment des bourgeoisies landaises et girondines qui s’y taillent d’importants domaines aussitôt plantés en pins maritimes destinés à la production de résine.

Évolution du boisement des Landes de Gascogne

De 1853 à 1873, c'est près de 276 000 hectares de communaux (dont les trois-quarts dans les Landes) qui sont semés en pins. Si on ajoute les forêts anciennes et dunaires ainsi que les forêts privées créées avant cette période, ce sont 64 900 hectares de forêts qui, au début de la Troisième République, recouvrent les Landes de Gascogne (Nougarède, 1995). En un demi-siècle, le massif forestier passe de 130 000 à 843 000 hectares, dont 780 000 en pins maritimes (Thiveaud, 1992). Cette impressionnante évolution des boisements atteindra son apogée dans les années 1940 avant que ne surviennent les incendies des années 1950. Depuis, la surface du massif forestier n’a cessé d’augmenter pour atteindre plus d’un million d’hectares à l’heure actuelle.

Les différentes utilisations du pin maritime au fil du temps

Comme toute ressource, le pin maritime a été exploité pour les différents produits qu’il fournit naturellement tels que la résine et le bois. L’ histoire landaise lui est étroitement liée. Aujourd’hui, celui-ci est à la base d’une des plus performantes filières du territoire français.

Le pin maritime, comme tout être vivant, réagit aux blessures qu’il reçoit provenant de frottis d’animaux, d’attaques d’insectes ou d’outils tranchants, en sécrétant un liquide visqueux servant de cicatrisant : la résine. Les hommes ont rapidement compris qu’ils pouvaient tirer parti de ce phénomène naturel en incisant régulièrement l’arbre pour l‘empêcher de cicatriser. Le gemmage est né. Au fil des ans, les techniques évoluèrent tout comme les outils utilisés, permettant une augmentation de la production de gemme. LE GEMMAGE

Apparue dans les années 1980 liée notamment aux avancées et progrès technologiques, la chimie verte utilise les fibres du bois pour en extraire des composants naturels via des procédés chimiques. Ces derniers serviront par la suite à la réalisation de produits ménagers, cosmétiques, chewing-gum ou encore boissons. LA CHIMIE VERTE

Une fois récoltée, la gemme permettait la fabrication de produits résineux tels que la térébenthine, la poix, le goudron. Quant aux arbres qui étaient à la fin gemmés « à mort », leur bois très dur, dû aux « attaques » qu’ils avaient subies, servait à la fabrication de traverses de chemins de fer. Certains soulignent que cette période, marquée également par l’exploitation des bois pour la fabrication de poteaux de mines, constitue « l’âge d’or de la forêt landaise » (Lerat, 1960). BOIS ET PRODUITS DÉRIVÉS DE LA RÉSINE

Depuis la disparition du gemmage, la sylviculture est axée sur la production de bois d’industrie et de trituration. L’une servant uniquement pour la construction et la seconde à la fabrication de pâte à papier. D’autres sous produits sont issus du pin maritime tel que le charbon indispensable pour alimenter les forges alors nombreuses sur le territoire. BOIS D’INDUSTRIE ET DE TRITURATION

Avec le Second Empire, la conquête des Landes de Gascogne pris des allures de miracle. Le désert passait de région la plus malsaine de France à haut lieu de la santé. Les vertus curatives des pins étaient vantées par bon nombre de médecins. Un engouement se développa autour des bienfaits que procurait cet arbre. Sirops, dragées, chocolats à la résine, apéritifs et liqueurs digestives aux bourgeons de pin, sirops et pâtes de pin maritime, baume de pin…. Toutes ces médications étaient censées guérir les infections, rhumatismes et douleurs névralgiques… LE PIN, ARBRE DE LA SANTÉ

Émergence d’un nouvel éco-système

Du système agro-pastoral* à l’industrie de la gemme puis à l’industrie du bois: une douloureuse transition

Cette loi autoritaire de 1857 déclencha de nombreuses contestations auprès de l’ensemble de la société landaise. Brutalement privée de pacages, la paysannerie locale sombra dans la misère, condamnée à l’exode. Des révoltes pastorales saluèrent par le feu la fin du Second Empire en anéantissant une partie des forêts récemment plantées. Ce sont deux générations de paysans et pasteurs qui furent « sacrifiées » au progrès.

Ce passé tumultueux des Landes de Gascogne, l’histoire avec son aspect socialement conflictuel (partage des communaux aux bénéfices de la propriété privée, conflits sociaux opposant métayers et propriétaires, mise en place de la domanialité sur une partie du littoral) est peu évoqué dans les nombreux documents et ouvrages que j’ai pu consulter. Est-ce un simple oubli, un désintérêt ou bien de l’ignorance ? Cela est difficile à déterminer. « les Landes, c’est quand même ça, la forêt c’est aussi le symbole du servage de la population » (Aude Pottier, 2012.)

Le schéma, ci-contre, illustre les différentes transitions qui se sont opérées au sein du massif forestier. Il met en lien l’évolution des boisements (courbe verte) avec les grands évènements qui sont survenu depuis le 18 e siècle jusqu’à aujourd’hui. Sur la partie supérieure, on peut observer les différents «systèmes» agro-pastoral, agro-sylvo-pastoral, sylvicoles et industriels, qui se sont succédés sur ce territoire. Cette mise en exergue des liens entre la société et le massif permet de comprendre comment celui-ci a évolué et surtout de s'interroger sur ce qu’il sera d’ici 30, 40 voire 50 ans.

Une évolution économique et sociale

Cette évolution économique, fondée sur l’industrie de la gemme, amène une évolution sociale. L’éternelle guerre entre les riches et les pauvres a touché ce territoire, ou plus précisément, une guerre qui oppose les pasteurs et les petits paysans aux propriétaires de forêts. L’enjeu de ce conflit est la lande, dont les pasteurs ont besoin pour mener paître leurs troupeaux et couper la bruyère contrairement aux propriétaires forestiers qui veulent soustraire cet usage commun afin d’y cultiver le pin. De nombreux pasteurs incendièrent les jeunes semis de pins afin de protester contre cette « privatisation des landes ». C’est toute une partie de la société landaise qui ne veut pas mourir et qui s’insurge par ce geste. La transformation des paysages a induit de nouveaux métiers et donc de nouvelles formes de travail.

Le métayage*, statut traditionnel dominait encore dans les années 1950, mais le lien des populations à ce statut a basculé. Les rapports qu’entretenait le maître avec ses métayers s’infléchissent et s’apparentent de plus en plus à ceux qui existent entre un patron et son ouvrier. Le propriétaire jouissait d’une position favorisée, contrairement aux métayers frustrés de voir leur situation inchangée et que leur travail permettait un enrichissement des propriétaires. Dans ce contexte, un mouvement syndical se constitua afin de revendiquer de meilleures conditions de partage du revenu entre propriétaires et métayers, mais aussi un meilleur statut plus stable. Cependant, cette image est à nuancer puisque bon nombre de propriétaires étaient aussi exploitants et partageaient donc la même vie que les métayers/gemmeurs, à la seule différence qu’ils ne partageaient pas le fruit de leur travail.

Pâtres landais sur leurs échasses, Haute-Lande (Félix Arnaudin)

Gemmeur sur son pitey, Grande-Lande (Félix Arnaudin)

De nouveaux paysages….

Les évolutions d’utilisation du pin maritime, le progrès mécanique ou encore les avancées technologiques, ont eu des impacts sur les pratiques culturales mises en œuvre au sein du massif forestier. Celles-ci se sont adaptées à la demande et aux débouchés du bois. Les paysages ont par conséquent subi des modifications d’organisation, de formes, pour la plupart anthropiques.

Le massif actuel se caractérise par des paysages forestiers modelés par une exploitation intensive du pin maritime sous forme de parcelles équiennes. La géométrie caractérise ce paysage forestier gascon. Le linéaire des semis et des plantations est complété par la rigueur du parcellaire, des pistes DFCI et des fossés d’assainissement. (Aude Pottier, 2013)

Vu de l’extérieur, ce paysage forestier donne l’impression d’un écran, dont les seules ouvertures visuelles sont souvent formées par les airials, les champs de maïs, les pistes forestières et les coupes rases. Ces dernières, dont les formes rectilignes continuent d’appuyer la géométrie du paysage, marquent d’autant plus la logique économique du pignada.

En passant des landes marécageuses à une forêt de production, le paysage landais n’a pas forcément gagné en plus-value. Même si la forêt a succédé au « désert », l’alignement sans fin de parcelles monospécifiques, de pins bien alignés, calibrés, associés à un relief plat, lui vaut bien souvent la dénomination de monotone, et même parfois de champs de pins. (Aude Pottier, 2013). Cela se ressent dans le discours des landais, qui à leur yeux, le massif s'apparente plus à un "champs" de pins qu'à une forêt.

Landes à parcours, Haute-Lande (Félix Arnaudin)

Pins maritimes, Escource

Dynamiques territoriales

A quoi s’attendre d’ici 2050 ?

Du point de vue des mobilités et de l’urbanisation, avec une croissance démographique essentiellement liée aux migrations (néo-ruraux) et une attractivité de plus en plus importante du littoral, les processus de périurbanisation et le repeuplement des espaces ruraux vont s’intensifier. Ces dynamiques auront des conséquences sur cet espace à dominante rurale qui devra modifier son armature caractérisée par un habitat dispersé et un tissu lâche.

Avec l’arrivée de nouvelles populations, de nouvelles attentes sociales sont en train d’émerger et notamment vis-à-vis du cadre et de la qualité de vie. Dans cette optique, la santé sera un des leviers majeurs. La forêt aura elle aussi un rôle important avec l’articulation de sa dimension plurielle (nature, cadre de vie, loisir, production).

Les conséquences du changement climatique sur la disponibilité en eau, notamment pour l’irrigation auront un impact sur la productivité agricole. De plus, la production d’énergie renouvelable (biomasse) va devenir un enjeu marquant.

En ce qui concerne la forêt et la filière Forêt-bois, on pourrait assister à une intensification des itinéraires sylvicoles en lien avec l’augmentation de la demande en biomasse. Du côté des sylviculteurs, la prise en compte des évènements passés, amène de nombreuses incertitudes dans leur stratégie. Cela aura un impact sur la gestion des forêts avec une volonté de reboiser, mais aussi de minimiser les risques en diversifiant les itinéraires sylvicoles.

La montée en puissance des pouvoirs métropolitains, le développement de l’intercommunalité auront des conséquences sur l’organisation territoriale des Landes de Gascogne avec l’affirmation d’opérateurs sectoriels (Mora et al., 2012).

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