Études sur Léonard de Vinci volume 1

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ETUDES SUR

LÉONARD DE

VIPiCI

CEUX QU'IL A LUS ET CEUX QUI L'ONT LU PAR

Pierre

DUHEM

CORRESPONDAISÏ DE l'iNSTITUT DE .FRANCE

PROFESSEUR A LA FACULTÉ DES SCIENCES DE BORDEAUX

PREMIÈRE SÉRIE

PARIS LIBRAIRIE SCIENTIFIQUE Libraire de 6,

S.

M.

le

A.

Roi de Suède.

RUE DE LA SORBONNE, 6

1906

HERMANN


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ETUDES SUR

LÉONARD DE

VINCI

CEUX QU'IL A LUS ET CEUX QUI L'ONT LU PAH

Pierre

DUHEM

COKRESPOJNDANT DE l'iNSTITUT DE FRANCE

PROFESSEUR A LA FACULTÉ DES SCIENCES DE BORDEAUX

PREMIÈRE SÉRIE

PARIS LIBRAIRIE SCIENTIFIQUE Libraire de 6,

S.

M.

RUE DE LA

le

A.

Roi de Suéde,

SORBOISIVE, 6

1906

HERMAISTN


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PRÉFACE

Lorsque nous contemplons une grande découverte, nous

éprouvons tout d'abord une admiration mêlée regard étonné mesure la hauteur à laquelle

nous sentons à quel point auxquelles notre

humble

le

d'efProi; notre

génie

s'est élevé;

hauteur surpasse toutes celles

cette

une

esprit saurait atteindre, et

sorte

de vertige s'empare de nous. Puis, au fur et à

mesure que

méditation nous rend plus

la

familière la découverte qui

nous avait

change de nature; non pas,

certes, qu'elle

sité

;

mais

elle se

et

et d'irréfléchi

perde de son inten-

;

devient de plus en plus

elle

raisonnée. Si colossal que le génie nous appa-

nous comprenons

raisse,

qu'il n'est

pas d'autre nature que

notre modeste intelligence; qu'il procède par les qu'elle,

parables seul

encore qu'avec une sûreté ;

bond

admiration

dépouille peu à peu de tout ce que la surprise

y mêlait d'instinctif consciente

ravis, notre

nous voyons clairement

et

mêmes

voies

une promptitude incom-

qu'il

ne

s'est

pas élevé d'un

à la hauteur oii nous le contemplons; qu'il y est

parvenu par une longue

suite d'efforts tout semblables à

dont nous sommes capables

alors naît en

;

nous

le

connaître chacun de ces efforts et l'ordre dans lequel

succédé; nous réclamons

le récit détaillé

ceux

désir de

ils

se sont

de l'ascension qui a

conduit l'inventeur à sa découverte.

Mais ce précis

récit,

combien

découvre

une ample

hommes

qu'il a prises

au

de l'obtenir exact

et

!

Bien souvent, celui qui

autres

est difficile

il

loin,

il

est

parvenu au sommet

vérité n'a souci

le spectacle

pour atteindre

les a oubliées,

il

d'oii

se

que de décrire aux

qui s'offre à lui

;

quant aux peines

le

pic d'où sa vue peut s'étendre

les

juge misères sans importance,


ETUDES SUR LEONARD DE VINCI

IV

indignes de nous être contées

mais

il

mais

nous

son œuvre achevée,

livre

au feu ses esquisses.

jette

comment

D'autres nous disent ter;

il

;

il

ils s'y

sont pris pour inven-

toujours prudent de se

n'est pas

fier

à leurs

confessions.

Du

point culminant, on aperçoit tous les chemins propres à

y conduire; on ne

les

soupçonnait pas tandis qu'on gravissait

Parmi ces chemins, on en voit un, parfois, qui est tout simple et facile, par lequel on eût évité les longs détours et les mauvais pas. C'est cette route aisée que l'inventeur nous

la pente.

non

décrit, suivi.

((

Ma découverte

me reste Il

est

le sentier

pénible et dangereux qu'il a vraiment achevée, fait-on dire à Gauss;

est

plus qu'à trouver

comment

je l'aurais

ne

il

faire. »

donc des inventeurs qui nous cachent avec une sorte

de pudeur

les

longues

et

pénibles démarches de leur esprit en

quête de vérité; ceux-là nous montrent seulement la route royale par laquelle

eût été facile d'atteindre la découverte

il

qui leur a coûté tant d'efforts. faire

parade de leur vigueur

disent,

ou nous

guide dont l'expérience la

qui tiennent à

est aussi

de leur habileté

les sentiers les

plus scabreux;

les

en

;

ceux-ci

nous

laissent croire, qu'ils ont, seuls et par leurs

propres forces, deviné passages

et

II

main secourable

les a

ils se

les a

plus cachés, franchi les

gardent bien de

empêchés de

nommer

se fourvoyer,

préservés d'une chute;

ils

le

dont

nous décri-

vent avec complaisance les lacets compliqués de leurs déductions et la profondeur de leurs méditations

;

ne nous disent

ils

pas quelles lectures ont orienté ces déductions et soutenu ces méditations. Il

est

l'esprit

donc bien malaisé de suivre de l'inventeur

lesquelles elle a passé

Pour que notre

et

le

de développer

pour atteindre

curiosité fût

progrès de l'idée en

la série

des formes par

sa perfection.

pleinement

satisfaite,

il

faudrait

que l'inventeur eût minutieusement jalonné son chemin au fur et à mesure qu'il l'accomplissait, qu'il eût marqué, pour ainsi dire, la trace de

chacune de

chacun de

ses pensées eût été

moment même

ses pas.

Nous aimerions que

saisie et fixée

par l'écriture au

qu'elle prenait naissance en son esprit;

les


PREFACE

notes ainsi recueillies nous permettraient de comprendre com-

ment

peu à peu, depuis

s'est éclaircie

l'idée

brumes du doute, jusqu'à en pleine évidence, dans

l'instant oii

la

que

pour

la

contempler

humain

à l'intelligence

est

un qui nous

a laissé cette

ainsi dire, le journal

fut sa vie

s'offrait à ses rité,

pu

minutieuse des démarches de sa pensée, qui a

description rédigé,

en

il

a

oii

splendeur du vrai.

Or, parmi ceux qui ont initié l'esprit

de nouvelles vérités,

il

moment

au travers des

génie en a soupçonné la vague silhouette

le

le

;

au fur

et

du voyage de découvertes

mesure qu'une proposition nouvelle

à

méditations,

il

la notait

avec une entière sincé-

sans dissimuler aucune de ses hésitations, aucun de ses

tâtonnements, aucun de

pour lui-même, en

ses

repentirs, car

il

n'écrivait

que

que ces précieux brouillons nous

sorte

permettent de suivre, depuis

la

première esquisse jusqu'au

dessin arrêté et détaillé, les formes diverses qu'une invention a prises

en

la

raison géniale de Léonard de Vinci.

Les manuscrits de Léonard de Vinci sont des documents

d'un prix inestimable, car

ils

sont uniques en leur genre

;

aucun de ceux dont les méditations ont enrichi la Science ne nous a donné, au sujet de la marche suivie par ses pensées, des

indications

nombreuses,

aussi

aussi

détaillées,

aussi

immédiates.

Ce coup

n'est pas et

sans

que ces documents nous livrent du premier

un labeur prolongé

les

renseignements qu'ils

recèlent en abondance.

Ces

courtes notes écrites de droite à gauche, difficiles à

déchiffrer, souvent obscures

rarement datées;

en leur extrême concision, sont

cahiers qui les gardent ont été remplis

les

tantôt dans le sens de la pagination, tantôt en sens contraire;

quelques-uns de ces carnets semblent porter des réflexions qui ont été engendrées à différentes époques de la vie du grand peintre; d'autres, en grand Dii sein de ce chaos,

ments qui ont l'ordre des

marquent

trait à

une

temps où

les

ils

il

nombre, ont été perdus. s'agit d'exhumer les divers frag-

même

découverte, de les ranger dans

furent conçus, de telle sorte qu'ils

étapes successives de l'idée en progrès; cette

143


ÉTUDES SUR LEONARO DE VINCI

VI

tâche est bien souvent malaisée et les résultats n'en sont point toujours d'une certitude absolue. Si

pénible que soit cette tâche, elle n'est peut-être pas la

plus ardue qu'il

faille

accomplir pour retracer l'histoire d'une

invention de Léonard.

Lorsqu'une idée nouvelle naissait dans

ne

s'y

engendrait pas d'elle-même

l'esprit

du Vinci,

sans cause

et

elle

;

y

elle

était

produite par quelque circonstance extérieure, par l'observation

d'un phénomène naturel, par la conversation d'un

homme,

plus souvent encore par la lecture d'un livre.

semblable à une terre rase

n'était point sées, été

vigoureuses

et pressées,

implantées par

entendus

et

tomber ce germe de pensée

l'esprit oii venait

D'ailleurs,

nue; d'autres pen-

l'occupaient déjà; elles y avaient

des maîtres que Léonard avait

les leçons

surtout par les enseignements des écrits qu'il avait

médités. Pour germer et grandir, velle

et

venue

se servît

il

fallait

que

la

graine nou-

de cette végétation déjà développée ou

qu'elle luttât contre elle.

veut donc suivre l'évolution d'une idée dans

Si l'on

gence du Vinci, on tion

:

((

doit, tout d'abord,

Qu'avait-il lu?

»

Et

la

répondre à

l'intelli-

cette ques-

réponse ne se peut donner sans

des recherches longues et minutieuses. D'une part, en

en rédigeant ses notes hâtives

rarement suggérait

nommé telle

son œuvre à avait

ou

et

concises, Léonard a bien

l'auteur dont la lecture telle

celle

effet,

ou

le

souvenir lui

proposition. D'autre part, en comparant

de ses devanciers, on reconnaît bientôt qu'il

beaucoup lu

et qu'il avait étudié

bon nombre des

traités

scientifiques prisés de son temps.

L'un des objets de ces Études est de

faire

connaître quel-

ques-unes des sources auxquelles Léonard a puisées discerner

ce

que chacune

a versé

d'elles

au

et

de

courant des

pensées du grand inventeur.

Mais pour apprécier exactement

comme ceux

initiateur,

qu'il

a lus;

il

il

ne

suffit

le

rôle

que Léonard a joué

pas de déterminer et d'étudier

faut encore découvrir ceux qui Vont lu.

L'idée au progrès de laquelle l'inventeur a travaillé n'ac-

quiert pas sa plénitude et son

achèvement en

la raison

de son


PREFACE

VII

auteur; lorsqu'il la publie, elle est encore grosse de vérités nouvelles;

qui accueilleront la découverte lopper.

produira par l'œuvre de ceux

et ces vérités, elle les

11

est juste

de louer

et le

qui s'efforceront de la déve-

premier initiateur non pas

seulement de ce qu'il a mis en acte dans son invention, mais encore de ce qu'il y a laissé en puissance; peut connaître qu'en étudiant

les

ment

pillées et plagiées, elles

ces

le

;

un

manuscrites ne

ses notes

impudemaux quatre vents du

stérile oubli;

ont jeté

semences de vérité qu'elles contenaient en abondance

ciel les

et

on ne

travaux de ses successeurs.

Or, Léonard a eu des successeurs

sont point demeurées intactes en

et cela,

semences ont porté

xvi^ siècle.

Nommer

fleur et fruit

en

la

;

du

science

quelques-uns de ceux qui ont eu connais-

sance de ces notes, mettre leur plagiat en évidence, évaluer ce qu'ils doivent

Entre ceux

au Vinci,

c'est le

qu'il a lus et

second objet de ces Études.

ceux qui Vonl

lu,

du

apparaît à sa véritable place; solidaire recueilli et

médité

les

enseignements,

La plupart de Bulletin italien.

est

il

de l'avenir dont ses pensées ont fécondé

la

passé, dont

cette publication,

a

encore solidaire

ces Études ont paru, tout d'abord,

En

il

la science.

dans

le

dont leur dévouement

assure la prospérité, M. G. Radet et M. E.

accordé

Léonard de Vinci

Bouvy nous ont

plus large hospitalité. Qu'ils nous permettent de

leur en témoigner notre très vive gratitude* Bordeaux, 27 juillet 190G.



I

ALBERT DE SAXE ET

LÉONARD DE VINCI



ALBERT DE SAXE ET

LÉONARD DE VINCI Dans son beau livre sur Léonard de Vinci^ M. Eug. Mûntz a « Pour apprécier à sa juste valeur l'œuvre écrit de écrit ceci ^

:

Léonard,

faut,

il

qu'en littérature

nous avons

avant tout, nous pénétrer de celte conviction et

en philosophie, non moins qu'en science,

affaire à l'autodidacte

par excellence.

»

Léonard a abordé une

L'originalité puissante avec laquelle

foule de problèmes scientifiques ne saurait être mise en doute

par qui a

feuilleté,

ne fut-ce qu'une seule

nuscrites laissées par le grand artiste. Mais

demander

si

la

nature

fois, les il

ma-

notes

permis de

est

se

de cette origi-

et le caractère particulier

nalité ont été étudiés jusqu'ici avec assez de soin.

L'histoire des sciences est faussée par

deux préjugés,

un

blables qu'on pourrait les confondre en

couramment que

le

progrès scientifique se

de découvertes soudaines

et

imprévues;

il

fait

seul;

si

sem-

on pense

par une suite

est, croit-on,

l'œuvre

d'hommes de génie qui n'ont point de précurseurs. C'est faire utile besogne que de marquer avec insistance à quel point ces idées sont erronées, à quel point l'histoire du développement scientifique

est

soumise à

la loi

de continuité.

Les grandes découvertes sont presque toujours le fruit d'une

poursuivie au cours des

préparation, lente et compliquée, siècles.

Les doctrines professées par les plus puissants pen-

seurs résultent d'une multitude d'efforts, accumulés par foule de travailleurs obscurs. Ceux-là

d'appeler créateurs,

les

Galilée,

les

même

qu'il est

de

une

mode

Descartes, les Newton,

n'ont formulé aucune doctrine qui ne se rattache par des liens I.

innombrables aux enseignements de ceux qui

Eugène Mùnlz, Léonard de p.

DUIIEM.

Vinci, l'artiste,

le

penseur,

le

les

ont

savant, Paris, 1899, p. 278.


ÉTLDES SLR LÉU>ARI> DE M>C1

3

précédés.

Une

nous

histoire trop simpliste

admirer en

fait

eux des colosses nés d'une génération spontanée, incompréhensibles et monstrueux dans leur isolement; une histoire mieux informée nous retrace

Léonard de Yinci

la

fait-il

longue

dont

filiation

exception à cette

sont issus.

ils

qui pèse sur les

loi

plus grands savants? Tout ce qu'il sait en Mécanique et en

Physique,

le doit-il

méditations? N'a-t

il

exclusivement à ses expériences point

tiré

une

et à ses

partie de ses connaissances,

voire la plus grande partie, des traités composés par ceux qui l'ont précédé?

serait invraisemblable qu'il

11

que rien au passé

;

il

est

ne dût rien ou pres-

certainement vrai qu'il lui doit beaucoup.

Bien souvent, ceux qui ont salué en lui l'inventeur

et le

créateur avaient négligé de s'enquérir des sources auxquelles

pu auraient pu il

avait

cet obscur

et

lui servir

A quoi bon

s'informer de ceux qui

de précurseurs? Ne vivaient-ils point en

Moyen-Age, où

Comment

pensée?

puiser.

la

parole d'Aristote tenait lieu de

cette stérile Scolastique aurait-elle

pu

sug-

gérer au grand artiste de Vinci les idées neuves et fécondes

qui abondent dans ses notes? Fort de ces prémisses, on

mait avec une naïveté d'enfant que

le

affir-

chêne aux vertes fron-

daisons ne se rattachait par aucun lien au sol aride sur lequel il

était

Si

simplement posé.

les

ramures du chêne sont

ont tant de fraîcheur,

c'est

si

étendues,

ses

si

feuilles

que des racines, vigoureuses

nombreuses, mais cachées à tous

et

vont puiser au

les regards,

plus profond du sol les sucs accumulés par les antiques végé-

Ces racines apparaissent à ceux qui se donnent

tations.

la

peine de fouiller la terre.

Nous nous sommes

efforcé de mettre

par lesquelles

des racines

de Léonard plongent dans reconnaître

Cène la

la

»

p.

la

Mécanique

le

passé.

nu quelques-unes la

et

nous avons pu

Déjà,

plupart de ses nombreuses réflexions sur

Duhem,

Léonard de

Vinci.

Physique

quelles lectures avaient suggéré à l'auteur de la

balance, sur

I.

à

le

plan incliné

Les Origines de

(Recw

la Statique.

et

sur

Chapitre

drs Questions scientifiques,

le

sur

principe des déplace-

VlH La :

o'

le levier,

série,

Statique du t.

VI,

Moyen-Age

p. ^C)^\

et

octobre


ALDEHT DE SAXE ET LEON AU D DE VINCI

ments

virtuels.

Un

O

simple nom, Pelacano, jeté par Léonard

avec une proposition de Mécanique, nous

manière certaine une de ces lectures,

le

a

révélé

d'une

Tractatus de ponde-

ou au commencement du XV* siècle par Biagio Pelacani, surnommé Biaise de Parme. Mais les objections mêmes adressées à Biaise de Parme, non

composé

ribus

moins

qu'une plus

influence XLU''

du

à la fin

xiv^ siècle

d'autres

foule

ancienne,

fragments,

mécaniciens

des

celle

trahissaient qui,

une au

formaient l'École de Jordanus de Nemore.

siècle,

Nous voudrions, aujourd'hui, exhumer une autre racine par laquelle la science de Léonard s'est alimentée des sucs de la

Scolastique

;

nous voudrions signaler ce que

le

grand peintre

doit à Albert de Saxe. I

Albert de Saxe. Albert de Saxe est

— Ce

que nous savons de sa

un des docteurs

les

vie.

plus puissants et les

plus originaux qui, au xiv® siècle, aient illustré la Scolastique.

La tradition de

ses

enseignements

fut

de longue durée. Les

maîtres de l'École, à la fin du Moyen-Age et au début de la

Renaissance, les Niphus, les Soto, les ïolet, citent souvent ses

ou

écrits

s'en inspirent.

n'eurent pas moins

Ses doctrines

d'influence sur les penseurs que la Science positive préoccu-

que

pait plus

la

Philosophie

et la

Cardan, Copernic, Guido Ubaldo lilée

et,

par Guido Ubaldo, Ga-

ont subi cette influence, dont leurs œuvres portent la

trace reconnaissable. Cependant, rot

Théologie; Biaise de Parme,

I,

le

nom

malgré

d'Albertus de Saxonia est

les

à

efforts

peine

de Thu-

prononcé

aujourd'hui par l'Histoire des Sciences.

Les œuvres d'Albert de Saxe nous sont bien connues; elles ont eu de nombreuses éditions; par contre, nous savons bien

peu de choses de sa la

vie;

une profonde obscurité en dissimule

plus grande partie.

Thurot, Recherches historiques sur le principe d'Archimede, 3' article {Revue nouvelle série, t. XIX, p. 119; 1869). Dans cet écrit, Thurot a signalé l'extrême importance de l'œuvre d'Albert de Saxe pour l'histoire de l'HydroI.

archéologique, statique.


ÉTUDES SUR LÉO-NARD

4

il

t)E

VINCI

Son surnom, de Saxonia, nous fait connaître la contrée où est né. Nous savons également, d'une manière certaine,

:

manuscrit» de

la Biblio

Codex palatlnus n" 1207, contient cette Explicit tractatus de proportionibus Parisius per

thèque Vaticane,

mention

Un

enseigna à Paris.

qu'il séjourna et

«

le

Magistrum Albertum de Saxonia editus. Deo laus. » C'est à Paris, assurément, qu'Albert a composé ses Questions sur la Physique d'Aristote; voulant, quelque part

d'une pierre qui tombe dans l'eau, pierre dans la Seine. la

Nous savons

prendre l'exemple

suppose qu'on

jette cette

d'ailleurs qu'il avait étudié a

Sorbonne. Le court préambule qui, dans quelques éditions^,

précède ses Questions sur ((

il

2,

In quibus

le

De Cœlo

se

termine par ces mots

:

quid minus bene dixero, bénigne correctioni

si

melius dicentium

me

Pro bene

subjicio.

dictis

autemnon mihi

sed magistris meis reverendis de nobili Facultate Artium

soli,

Parisiensi, qui

me

tionem honoris

A

talia

docuerunt, peto dari gratias

et reverentiœ. »

ces renseignements certains,

date.

nous pouvons joindre une

La Bibliothèque nationale possède, en

de manuscrits,

et exhibi-

copie

la

^

sa riche collection

des Questions sur le De cœlo com-

posées par Albert de Saxe, et cette copie est datée de l'an-

née iSyS. Ces quelques indications

précises vont

nous conduire à

retrouver les traces du passage d'Albert de Saxe à l'Université

de Paris.

Georges Lokert, professeur au Collège deMontaigu, puis à i.

B.

la

Boncompagni, Intorno

{BuUetino di Bibliografia

et

di

al Tractatus proportionum dl Alberto di Sassonia Storia délie Scienze matcmaliche e fisiche, t. IV, p. ^198 ;

1871.) 2. Albcrti de Saxonia Quœstiones super libros de Physica Auscultatione ; in quarliun librum Physicorum quœstio V. 3. Questioncs siibtilissimœ Alborli de Saxonia in libros de Cœlo et Mundo. In fine : Expliciunt quœstiones prœclarissimi doctoris Alberti de Saxonia super quatuor libros de Cœlo et Mundo Aristotclis, diligentissime emendaiœ per eximium artium et medicinaï doctorem llieronymum Surianum Venetum, filium Domini Magistri Jacobi

Suriani physici pnustantissimi. Impressaî autem Vcnetiis arle Boncti de Localoilis Bergomensis, impensa vcro nobilis viri OctaViani Scoti, civis Modoetiensis. Anao Salulis noslrœ 1/192, nono kal. novembris, ducante incliio principe Augustino Barbadico. Ix.

Bibliothèque nationale, fonds

hisloriques sur t.

XIX,

le

latin,

principe d'Archiniede^

p. 119, i8Gq).

y

Ms.

n" 1/1723.

Ci".

Thurot, Recherches nouvelle série,

article (Revue archéologique,


ALBERT DE SAXE ET LEONARD DE VINCI

Sorbonne, donna, en i5i6

et

1)

en i5i8, deux éditions

i

des

Questions d'Albert de Saxe, éditions assez médiocres d'ailleurs;

en

l'épître

qui leur sert d'introduction, Georges Lokert, très

au courant, à coup

sûr, des traditions de l'Université de Paris,

nous apprend que, près de deux

siècles

avant

lui, la

Sorbonne

s'enorgueillissait d'un brillant triumvirat de philosophes; les

composaient ce triumvirat

trois maîtres qui

(i3oo-i36o),

Thimon

Juif et Albert de Saxe.

le

Du Boulay nous donne 2, au renseignements précis. avec éclat

la

étaient.leanBuridan

sujet d'Albert de Saxe,

nous apprend qu'Albert a enseigné

Il

Philosophie, en Sorbonne, de i35o à i36i.

plusieurs fois procureur de la Nation Vnglaise. il

fut élu recteur

lui confia la

quelques

fut

i358,

de l'Académie. Enfin, en i36i % l'Université

cure de la paroisse SS.

Les dires de

En juin

Il

Du Boulay

Côme

et

Damien.

sont, d'ailleurs, confirmés par les

Registres de la Nation Anglaise de la Faculté des Arts de VUniversité de Paris

^.

Ces registres mentionnent qu'Albert a présidé

des examens en x352, 1354, i355, i358 et 1359. Tels sont les

de

faits

la

vie d'Albert de

pouvons affirmer avec quelque

1

.

Quœstiones

et decisiones physicales

[

Alberti do Saxonia in

.

)

[

Thimonis

in

Saxe que nous

certitude. Faut-il l'identifier,

insigninm viroriim

:

Octo libros Physicorum. Très libros de Cœlo et Mando.

Duos lib. de Generatione et Corruptione. Quatuor libros Meteorum. Lib. de Sensu et Sensato.

Buridani

in Aristotelis

Recognitœ rursuset emendatœ

.

}

Librum Librum Librum Librum

de

de

Memoria et Reminiscentia Somno et Vigilia.

de Longitudine et Brevitate Vitœ.

de Juventute et Senectute.

samma accuratione etjudicio

Magistri Georgii Lokert Scoti;

Venumdantiir in œdibus Jodoci Badii Ascensii et Conradi Resch, — Au verso du titre se trouAe une Epistola nancupatoria et parenelica de Georges Lokert, avec. ces deux dates: Ex pra^claro Montis acuti coUegio, Idibus Januarii ad supputationem Curiîp Romanœ MDXVI. Et rursus e Sorbona ad Kalen. Octo. MDXVIII. Cette édition est très incomplète. Des questions y font défaut qui se trouvent dans d'autres éditions; de là, dans le numérotage des questions, des divergences que nous aurons soin de mentionner dans nos références. 2. Bulœus, Historia Universitatis Parisiensis, t. IV, p. SGa et 968 MDCLXVIII. 3. A la page gôS, une faute d'impression fait dire à Du Boulay 1867 au lieu a quo sunt tractatus proporlionum addlti.

;

de i36i. 4.

Cf.

Thurot, Analyse d'un ouvrage de Ueberweg (Revue critique d'Histoire

Littérature,

t.

VI, p. 25i, 1868).

et

de


LÉONARD DE V1>CI

ÉÏL'DES SUR

6

comme

l'ont

admis

Graesse

J. T.

\

Adlung

J. G.

et

2

U. Gheva-

avec Albert de Ruckmeisdorff, recteur de TUniversité de Vienne en i365 et évêque d'Halberstadt de i366 à iSgo, date liers,

de sa mort? Gela n'est rien moins que certain. Bien des points demeurent d'ailleurs obscurs à son sujet. Nous ignorons, par

exemple,

s'il

séculier

fut

de ses œuvres,

en

il

est

ou régulier; parmi qui

le

les

éditeurs

disent Augustin, d'autres

Dominicain, d'autres encore Franciscain; beaucoup ne mentionnent point qu'il

appartenu à un ordre, quelconque.

ait

U. Ghevalier^i, se référant à Sbaralea

Albert de Saxe,

surnommé

franciscain au xv® siècle;

il

5,

mentionne un autre

qui aurait été moine

Alhertiilias,

ne nous paraît pas que cet Alber-

tutius doive être distingué de notre Albertus de Saxonia; voici

quelques preuves à l'appui de cette opinion

de Ghieti, natif de

Nicoleto Vernias

Padoue vers

Philosophie à

la

composa, en 1499, un

la

fin

écrit intitulé

:

:

Vicence, enseignait

du xv^ siècle; il y De gravitas et levibus

quœstlo sublillssima. L'éditeur, qui, en i5i6, publia à Venise les

^

Qaœstlones super libros de Physica Auscultatione d'Albert de

Saxe, y joignit ce petit écrit. L'auteur y mentionne et y réfute l'opinion d'Albertutius qui attribue la continuation du mou-

vement des

projectiles

impelas acquis par

le

non

à l'agitation de l'air,

mobile

;

or, cette

mais à un

opinion est bi^n celle

qu'Albert de Saxe, dans ses Questions sur les Physiques et sur le

De

contre Averroes, Saint

Ccelo, soutenait

Thomas d'Aquin

et

iEgidius Golonna. C'est assurément lui que Nicoleto Vernias a

1.

J.

T. Graesse. Le'/irôuc/i einer Litterargeschichte der beriihmsten VÔlker des Miltel-

alters; 2" Abth., 2" Hâlfte, p. G5G. 2.

J.

C.

Lexico, Bd. 3.

Adlung, Fortselzung und Ergànzungen zu I,

C. G. Jôchers allgemeinen Gelehrten

coll. /iBo-^iJO.

U. Chevalier, Hépevloirc des sources historiques du moyen-âge.

Bio-bibliogra;hie.

Paris, i888; col. 69. 4.

U. Chevalier,

loc. cit.

Sbaralea, Sapplementum scriptorum Franciscanorum, p. 738; 1806. C. Acutissiinœ Qaestiones super libros de Physica Auscultatione ab Alberto de Saxonia editœ ; janidia in tenebris torpentes; nuperrinie vero qnani diligentissime a viliis purgatœ : ac 5.

summo

studio

emendatx;

quantum

impressœ. Nicolcli Vernialis perversam Averrois opinionem de unitale intellectus, et de aninuv felicitale Qucsliones divinfc; nuper castigatissime in hicem prodeuntes. Ejusdein eliani de gravibus et levibus qu.rstio subtilissinia. A la dernière page Veneliis, sninplibus luereduin q. D. Oclaviani Scoti Modoeliensis ac sociornin, et

aniti ars potuitjideliter

The-diifii philosophi perspicacissinii contra

ai Aiiffusli l'uCi,

— :


VL13ERÏ

entendu

ne

citer. Il

DE SAXE ET LÉONARD DE VINCI

le

nomme

pas seulement Albertutius, mais

encore Albertas parvus, réservant à Albert

nom

7

le

Grand

le

simple

d'Albertus.

Au

xvi" siècle, le

synonyme parfois

nom

à' Albertutias était si

bien pris pour

d'Albertus de Saxonia que les imprimeurs accolaient

ces

deux noms dans

ouvrages qu'ils publiaient

la

composition

du

titre

des

i.

De son activité intellectuelle, Albert de Saxe nous a laissé des monuments nombreux et importants; bien des générations de philosophes et de savants ont lu et étudié ses ouvrages. De son Tractatus proportionam, on connaît dix éditions 2. Ses Oaœstiones sur le De Cœlo et Mundo d'Aristote furent imprimées à plusieurs reprises ^ dès la fin du xv^ siècle, et le xvi® siècle naissant continua de les méditer. Les Quœstiones sur la Physique

sur le

et

De Generatione

imprimées avant

été

et

Corruptione ne paraissent pas avoir

le xvi* siècle. C'est

en ces divers ouvrages

que nous trouvons exposées, avec une grande grande précision,

les

clarté et

une

doctrines qu'Albert de Saxe professait en

Physique. II

Quelques points de la Physique d'Albert de Saxe Ces doctrines, nous n'avons point l'intention de les exposer ici

dans leur ensemble. L'œuvre mériterait d'être tentée; mais

elle

excéderait les bornes de cet article.

Nous nous conten-

terons de résumer quelques-unes des théories qui ont particu-

lièrement attiré l'attention de Léonard de Vinci. d'ailleurs, et cela n'a rien qui

ces théories sont

parmi

les

Il

se trouve,

puisse nous surprendre, que

plus neuves et les plus intéressantes

qu'ait émises Albert de Saxe.

1.

Témoin

ce titre

:

Logica Alhevlucii perutilis. Logica excellentissimi sacrœ theologiœ

professoris Magistri Wberli de Saxonia, ordinis Ercmitarum divi Augiistini, per Magistrum Aureliam Sanulnm Venelum, Venetiis, œre et soUertio haeredum G. Scoli, MDXXII. Tractatus proportionum di Alberto di Sassonia (Balmatematiche ejîsiche, t. IV, p. '498; 1871). 3. Graîsse {Tré<or des livres rares et précieux, t. I, p. 57) dit que les Quœstiones super quatuor libros Aristotelis de Cœlo et Mundo furent imprimées à Pavie en i^Si, à Venise en 1^192 et 1/197, à Paris en lôiG, de nouveau à Venise en 1620. 2.

B.

Boncompagni, Intorno

ol

letino di Bibliografia et di Storia délie Scienze


rnoF.s sir m:o\\rd nr mnci

8

une théorie de la pesanteur qui a eu la plus grande influence sur le développement de la Mécanique ». Cette théorie, il l'a donnée afin de résoudre les diffi-

On

doit à Albert de Saxe

que présentait la détermination du lieu naturel de la Terre. Selon Aristote, à chaque corps correspond un lieu naturel où

cultés

forme substantielle de ce corps acquerrait sa perfection, où

la

trouverait les conditions les plus propres à assurer

ce corps

sa conservation,

En il

corps est

serait le

est-il écarté? II désire s'y

Quel lier,

de

Pour

par

la voie la

Terre

les

plus courte.

éléments

en particu-

et,

?

uns, qui semblent les plus fidèles interprètes de

pensée du Stagirite, on doit dire que est la surface

qu'il est

actions nuisibles.

Il

est le lieu naturel des divers la

les

y demeure en équilibre. rendre et, s'il n'en est empêché,

en son lieu naturel.^

il

s'y précipite

mieux exposé aux influences

mieux protégé contre

bienfaisantes, le

Un

il

naturel de la Terre

concave qui limite inférieurement

formé par

cette surface et par

termine l'atmosphère. En ticien, le lieu

le lieu

d'un corps,

effet,

une

la

la

mer, ou bien

partie de celle qui

selon l'enseignement péripaté-

c'est la surface interne

des corps qui

l'environnent.

D'autres veulent que le lieu naturel de la Terre soit le centre

du Monde; tout grave, en effet, s'il n'en est empêché, désire gagner le centre du Monde là seulement, dégagé de toute ;

entrave,

il

pourrait demeurer en repos; la Terre, réunion de

graves, ne peut

donc demeurer qu'en ce

lieu.

Tel est le débat que doit trancher la doctrine d'Albert de Saxe. Toutefois, ce n'est pas au sujet de ce débat, mais au sujet

d'une autre discussion qu'il nous en expose Aristote n'avait

aucunement conçu

de masse désigne aujourd'hui pour tait,

I.

principe.

cette notion

les

que

mécaniciens;

il

le

nom

n'exis-

en un corps, aucune résistance extrinsèque au mouvemenl,

aucune

sur

le

inertie; les seules résistances

V.ollo

/.es

le

Philosophe

influence sera étudiée en détail aux chapitres XV et XVI de noire travail la Statique; ces ("liapitres seront prorliaincnient pul)liés dans la

Orujines de

/.Vi'./f' (les

que conçût

(Juestioiis seientiriques.


ALBERT DE SAXE ET LEONARD DE VINCI

que nous

étaient des résistances extrinsèques, ce

aujourd'hui des forces;

de

la résistance

sol;

dans

l'air,

si

un grave

soudainement achevée;

serait

et c'était le

du

lequel Aristote combattait la possibilité

Les

n'admettaient point

scolastiques

beaucoup voulaient que

même

dans

le

vide

instantanément sur

longue qu'en

sa chute, si

le vide,

le

ils

;

mouvement ne

fût

notion de

mêmes

masse

parcours,

vide.

tous

opinion;

cette

fût point instantané,

voulaient que tout corps fût

le siège

pressentaient

ils

essayaient de la tirer des principes

et

d'Aristote, qui

le

le

grand argument par

d'une résistance intrinsèque au mouvement; la

nommons

n'avait pas à lutter contre

se précipiterait

il

9

y étaient

Plusieurs auteurs pensaient^

si «

contraires.

que

les parties

d'un

même

grave s'entravent mutuellement, parce que chacune d'elles a

une inclination à descendre par

comme,

le

;

el

moyenne descend par un telle ligne, latérales; par suite de cet empêchement

les parties

mutuel des diverses dans

ligne la plus courte

seule, la partie

gêne

elle

la

temps

)>,

même

Mais, dit Albert, lieu, elle

parties,

les

graves simples se meuvent

se trouvent

s'ils

dans

le vide.

raison ne peut tenir.

« cette

prétend que chacune des parties d'un

tend à descendre par pas valable

;

la ligne la

En premier

même

grave

plus courte; cette raison n'est

chacune des parties ne tend pas à ce que son

centre devienne

le

centre du Monde, ce qui serait impossible.

C'est son tout qui descend de telle sorte

que son centre devienne

du Monde; et toutes les parties tendent à ce but que le centre du tout devienne le centre du Monde elles ne s'entravent donc pas l'une l'autre... » centre

le

;

Voilà formulée la doctrine dont Albert va faire de multiples applications; le désir de s'unir au centre

du Monde n'appartient

point en propre à chaque partie d'un grave, de le désir

s'unissent en

un

seul

;

ils

Monde un point du grave .

que

d'une partie puisse se trouver en compétition avec

désir d'une autre partie et

I

telle sorte

le

contrecarrer;

tous ces

le

désirs

concourent à placer au centre du qu'Albert

nomme

ici

simplement

Alberti de Saxonia Qiixstiones in libros de Physico Auditii; in libnim IV qnaeslio V. est celle de Rosrer Bacon.

— L'opinion qu'il coml)at en ce passage


ETUDES SUR LEONAUD DE

lO le centre,

gravité;

nommera constamment

qu'il

dans une chute

libre, c'est ce

droite ligne vers le centre

"recherche du lieu naturel de lieu est

il

rNCJ

ensuite le centre de

point qui se dirige en

du Monde.

C'est cette doctrine qui va guider

Ce

A

Vlbert de Saxe dans la

la Terre.

concave de l'eau? Non, car

la surface

il

ne

suffît

pas qu'un grave soit entouré d'eau pour demeurer en repos;

tombe au

sein de l'eau

;

il

n'y est donc pas en son lieu naturel.

du Monde? Pas davantage, car

lieu est-il le centre

il

Ce

Terre n'est

la

un simple point et ne saurait être logée en un point. La Terre est un ensemble de graves elle est en son lieu naturel lorsque le centre de gravité de cet ensemble est au centre du Monde. pas

;

((

La Terre

l'air,

limitée en partie par la surface concave de

^,

en partie par

concave de

la surface

l'eau,

occupe sa

situa-

tion naturelle lorsque le centre de gravité de la dite Terre est

au centre du Monde

;

car

Terre se trouvait hors de

la

si

la

surface qui la situe de la sorte, elle se mettrait à descendre et se

mouvrait jusqu'à ce que

le

centre de l'agrégat qu'elle forme

graves devînt

le

centre

avec tous

les

n'en fût empêchée... « si

A quoi

et qu'elle

y

la

qu'elle

fût retenue

la

concavité de l'orbe de la Lune,

de force; que, d'autre part, on laissât

tomber un grave, ce grave ne mais

lieu,

Terre se trouvait placée hors de son

exemple en

totale de la Terre,

moins

remarques: En premier

j'ajouterai quelques

lieu naturel, par

à

»

masse entière de

la

du Monde,

il

se

mouvrait pas vers

se

la

masse

mouvrait en ligne droite vers

le

du Monde la raison en est qu'une fois parvenu au centre du Monde, il serait en son lieu naturel, pourvu du moins que son centre de gravité soit le centre du Monde; or, centre

;

tout être qui n'en est pas

empêché tend naturellement

placer en son lieu naturel, car et s'y

s'y

il

si les

graves se meuvent vers

à cause de la Terre; c'est parce

Albcrti do

(^uœstio V,

Saxonia

(JuH'sliones

in

la

//fcro.s

Il

résulte

Terre, ce n'est point

qu'en venant à

s'approchent du centre du Monde. 1,

conserve plus longtemps

trouve plus éloigné de ce qui lui est nuisible.

de là que

à se

la

Terre,

ils

»

de

Physira Audilu;

in

librum

IV


ALBERT DE SAXE ET LEONARD DE VINCI Si la

ï I

notion générale du lieu naturel occupait déjà Aristote

en sa Physique,

c'est

surtout le problème

de Saxe développe

Mando,

et

dans

Quœstiones

« Ici, » dit-il I,

voici la première

du

t-il

de Cœlo les

dans

la

longuement, dans

les

dont

la doctrine in libros

Il

Mando

et

de

lieu naturel

qu'il traitait

Terre; aussi Albert

Qaœsliones

a posé les fondements

il

de poser deux distinctions dont

y a deux points qui peuvent être

més milieux ou centres des corps graves, savoir grandeur

et le centre

3

gravité n'est pas

de

Car dans

la gravité.

uniformément

n'est pas le centre de

in libros

de Physico Auditu.

«il convient :

De Cœlo

le

grandeur

;

le

les

nom-

centre de

corps

oii la

répartie, le centre de gravité

tandis que dans les corps de

gravité uniforme le centre de grandeur et le centre de gravité

peuvent bien coïncider. ))

La seconde distinction

est celle-ci

:

Dire qu'un corps est

au milieu du Monde peut s'entendre de deux manières rentes

;

d'une première manière, on entend que son centre de

grandeur

est

au centre du Monde

que son centre de gravité »

est

d'une seconde manière,

;

au centre du Monde.

Or, je suppose que la Terre n'est pas d'une gravité uni-

forme.

»

Gela est évident, car

pas, exposée

aux rayons du

Dès

elle serait

lors,

n'est point le

si

son centre de grandeur

et,

les

cette

seconde conclusion

:

c'est le centre

du Monde. On

partageait pas la

le

de

prouve

:

au centre par leur gra-

donc un plan quelconque passant par

Monde ne

eaux. :

toutes les parties de la Terre lendent

I.

partant, avec le centre

entièrement couverte par

gravité de la Terre qui est au centre

lio

mer ne couvre

on peut poser cette première conclusion Ce centre de grandeur de la Terre qui est au centre

du Monde... Puis

vité. » Si

la

plus dilatée que la partie

soleil, est

coïncidait avec son centre de gravité

du Monde,

que

la partie

recouverte par les eaux. D'ailleurs,

»

diffé-

le

centre du

Terre en deux parties d'égale

Alberti de Saxonia Quœstiones in libros de Cœlo (Ed. 1/192) vel XXIII (Ed. i5i8).

et

Mando;

in librutn II quaes-

XXV

9.. Grandeur a, en général, chez les scolastiques, le sens que les géomètres modernes donnent au mot volume; par centre de grandeur, Albert de Saxe entend sans doute, au moins confusément, ce que nous entendons aujourd'hui pSiV centre de gravité du volume.


irrUDES SUR I-KOWRD DE

12

gravité,

la partie

«

jusqu'à ce que devînt

pousserait la plus légère

du Monde;

même

comme deux

poids en équilibre.

un paradoxe

là,

parties de

même

que l'une surpas-

en grandeur; elles se contrebalanceraient l'une

serait l'autre

De

deux

alors ces

poids demeureraient immobiles, lors

l'autre

INCI

centre de gravité de la Terre tout entière

le

centre

le

plus lourde

la

\

'

:

Lorsque

»

Terre se trouve en son

la

lieu naturel, les diverses parties de la Terre se trouvent vio-

chacune de ces

lentées et hors de leur lieu naturel; en effet, parties serait naturellement située

du Monde;

trouvait au centre

si

son centre de gravité se

et c'est le

centre de gravité de la

Terre qui occupe cette position. Albert de Saxe résout

évidemment

ce paradoxe par les rai-

sons qui lui ont servi à prouver que les diverses parties d'un

grave ne se gênaient pas

ment; ce

n'est point

les

unes

les autres

chaque partie de

son centre de gravité au centre du

la

dans leur mouve-

Terre qui tend à unir

Monde

;

cette

tendance

n'appartient qu'à la Terre en son entier; ou mieux, chaque

que l'ensemble

parlie tend à ce

Monde

centre du ((

L'eau,

tant

que

Monde.

»

le

Il

dit-il

ait

son centre de gravité au

:

%

«

ne forme pas

le lieu

naturel de

ne

suffit

milieu du Monde, et

forme avec

centre du

que

le

Monde

;

du

pas qu'une portion de la Terre se trouve

immobile; car alors son centre de gravité qu'elle

Terre

centre de gravité de la Terre n'est pas le centre

entourée d'eau pour qu'elle soit en son lieu naturel

le

la

et

demeure

n'est point encore

le

centre de gravité de l'agrégat total

le reste

de la Terre n'est point non plus au

elle

continue donc à descendre jusqu'à ce

centre de gravité de tout l'agrégat formé par cette por-

tion de la Terre et tout le reste de la Terre se trouve au centre

du Monde. » De ce principe que le centre de gravité de l'ensemble des corps pesants tend constamment à se placer au centre du Monde, il résulte que la Terre n'a pas nécessairement cette 1

Albert de Saxe,

2.

Alberli de Saxonia Qiixsllones

tioN.

loc. cit.

in

libros de PltYsiro Aiiditu: \n lihruni IN

qiurs-


AI,PEKI

ET LÉONARn DE VINCI

SAXli

niï

l6

immobilité absolue que d'aucuns lui prêtent. Une foule de l'échaufFement par les rayons du Soleil,

causes, telles que

en

font,

gravité en gravité ((

En

continuellement

la

masse

terrestre

fait, » dit

effet,

il

est

une

de

en

l'est

or,

;

au-dessus de

Soleil

cesse; sans

partie de la Terre dont la gravité est

partie qui regarde le Soleil

du

meut sans

Alberta, « la Terre se

diminuée plus qu'elle ne laire

son centre

déplacent

et

de la

la distribution

*

en

cesse,

varier

effet,

opposée;

la partie

mouvement

par suite du la Terre,

c'est

cette

circu-

change

partie

donc que le centre de gravité de Terre demeure au centre du Monde, et puisque la partie de

d'instant en instant; afin

Terre qui s'allège change continuellement,

il

faut

la

que

la

la

la

Terre

meuve sans cesse. » Ces mouvements incessants, Albert de Saxe les considère de nouveau en un autre lieu 3 de ses Questions sur le De Cœlo ; mais, pour montrer que la position du centre de gravité de la se

Terre change continuellement,

quer l'inégal échauffement du

il

sol

ne

contente plus d'invo-

se

par

les

rayons solaires;

il

a

recours à une cause de déplacement plus lente, mais beaucoup plus puissante, l'érosion; et plus d'un géologue sera assuré-

ment frappé de montagnes

lui voir attribuer à

l'érosion la formation des

:

est

u 11

bien vraisemblable que, sans cesse, quelque partie

de la Terre se meut d'un

convaincre par

mouvement

rectiligne;

raisons que voici

les

Terre élémentaire que

les

:

De

on

cette partie de la

eaux ne couvrent pas, sans cesse, de

nombreuses masses terreuses sont entraînées par au fond de

mer

la

;

la

la partie

donc pas au

1.

découverte

même

les fleuves

Terre s'accroît donc sans cesse dans la

partie qui est couverte par les

dans

s'en peut

;

eaux, tandis qu'elle diminue

son centre de gravité ne demeure

point. Aussitôt que le centre de gravité a

Albcrti de Saxonia Qiiœstiones in libros de Physico Auditu; in librum IV (juœsCœlo et Mundo; in librum II quaestio X.

tio V. Quœstiones in libros de 2.

Alberti de

Saxonia Quœstiones

in

libros

de

Cœlo

et

Mundo;

in

librum

Jl

librum

II

quœstio X, 3.

Alberti de Saxonia

qusEstio

XXV

Quœstiones in libros (Ed. 1A92) vcl XXIII (Ed. i5i8).

de Cœlo

et

Mundo;

in


ÉTUDES SUR LEO.NARD DE AJNCl

l4

changé de place, le nonveau centre de gravité se meut pour devenir centre du Monde; quant au point qui était auparavant centre de gravité,

il

remonte vers

la surface

eaux ne couvrent pas. Par cet écoulement continuels, la partie de la Terre qui, à

et

convexe que

par ce

les

mouvement

une certaine époque,

se

trouvait au centre, arrive à la superficie et inversement.

A

((

on peut voir comment

ce propos,

grandes montagnes. de

ties

Il

n'est point

formées

se sont

les

douteux que certaines par-

Terre n'aient plus de cohésion que d'autres;

la

que peu de cohésion s'écoulent à

parties qui n'ont

les

mer,

la

entraînées par les fleuves; pendant ce temps, les parties les

plus cohérentes demeurent en place et forment éminence au-

dessus du terre

sol.

Toutefois, à

ou d'autre façon,

les

la

longue, par tremblement de

montagnes sont renversées, tombent

et se détruisent. »

Jusqu'ici, le lieu

nous avons exposé

la théorie d'Albert

comme

naturel de la Terre en entendant par Terre,

nous avons

l'entend d'ailleurs, le seul élément solide;

abstraction de la masse des eaux.

De

dans

la

et,

il

par-

mer?

ticulièrement, de la

Sur ce point,

eaux

il

fait

quelle manière faut

tenir compte, en cette théorie, de la présence des

même

de Saxe sur

pensée d'Albert a varié;

les Questions

elle

n'est pas la

sur la Physique et dans les Questions

sur le De Cœlo.

En commentant ces lignes

Ce que

ment de

»

la

Physique d'Aristote, Saxonia avait écrit

:

j'ai dit

de

la terre seule,

a il

faut l'entendre égale-

tout l'agrégat formé par la terre et l'eau

éléments forment sans doute une gravité totale le

et

centre de gravité se trouve au centre du Monde. Cette opinion,

mente «

le

On

De Cœlo

de

deux

unique dont »

com-

:

m'objectera qu'il ne semble pas que

Albcrli

ces

Vlbert de Saxe la repousse 2 lorsqu'il

gravité de la terre seule soit au centre I.

;

Saxonia Qucestlones

le

centre de la

du Monde; que

in

Ubros de Pliysico

in

Ubros de

cette

Audilu; in libruni IV

quîcslio V. a.

Albcrli

quit-slio

\\V

(Je

Saxonia Quiestiones

(Ed. i'k.iO vol

WIII

(Ed. i5i6).

Cœlo

cl

Miindo: in

libruin

II


ALBERT DE SAXE ET LIONARO DE MNCI

10

position convient bien plutôt au centre de gravité de l'agrégat

formé par

La

la terre et l'eau.

en

terre,

d'un côté,

est^

effet,

toute couverte d'eau; cette eau se joint à la partie de la terre qu'elle recouvre

pour peser à rencontre de

donc repousser

doit

l'agrégat

formé par

l'autre partie; elle

que

celle-ci jusqu'à ce

centre de tout

le

par l'eau se trouve au centre

la terre et

du Monde. » Nous répondrons en niant que

centre

le

du Monde coïn-

cide avec le centre de gravité de l'agrégat total formé par la terre et leau.

En

effet,

si

Ton imaginait que

toute l'eau fût

enlevée, le centre de gravité de la terre serait encore au centre

du Monde..., l'eau..., quelle

par essence,

car,

que

soit

donc

la

placée d'un côté de la terre et terre

la

n'en recevrait pas,

l'autre partie, plus d'aide

On terre

s'explique

I,

ment grave, en

quantité d'eau qui se trouve

non de

sorte

l'autre, cette partie

pour contrepeser

que par

la terre,

repousser

et

en

«

qu'une partie de

au-dessus de son centre de grandeur;

il

est

se trouve fort

beaucoup plus près

de l'une des calottes convexes qui limitent

que de

la terre

uniformément grave

et

qui tend au

du Monde, coule vers la calotte terrestre qui est voisine du centre de gravité de la terre de sorte que centre

;

partie, l'autre calotte, celle qui est la plus éloignée

de gravité, demeure découverte. reliait ainsi,

»

la

pas uniformé-

effet, n'est

que son centre de gravité

l'autre; alors l'eau, qui est

de

le passé... »

dès lors, sans peine

émerge des eaux;

plus grave que

terre est

la

La théorie de

la

plus

l'autre

du centre

la gravité se

pour Albert de Saxe, aux notions géographiques

qui avaient cours de son temps; elle servait à justifier l'hypothèse d'un hémisphère terrestre couvert par

hypothèse que devait ruiner

la

découverte

un de

vaste océan,

Christophe

Colomb. Si,

de la

dans ses Questions sur

le

De CœlOj Albert

mer exercent aucune pression sur

qu'elles recouvrent,

si,

par conséquent,

il

nie que les eaux

la surface

les

terrestre

regarde

comme

incapables d'écarter le centre de gravité de la Terre du centre 1.

Alborti de

quaestio V.

Saxoiiia

Qaœsliones

in

libros

de

Physico Andita; in

librum

IV


ÉTUDES SUR LÉONARD DE \1NC1

l6

du Monde, ce

point par hasard; c'est en vertu d'une

n'est

théorie que ces Questions exposent avec détail. Cette théorie

un débat

clle-menie a pour objet de trancher l'École

célèbre dans

I.

Un élément

est-il

encore pesant lorsqu'il se trouve en son

Bon nombre de

lieu naturel?

scolastiques soutenaient qu'un

élément cesse d'être pesant lorsqu'il se trouve au lieu où sa forme désire résider; l'eau n'est pas pesante en son lieu naturel

pourquoi on peut

c'est

;

plonger dans un bain sans

se

ressentir le poids de l'eau dont le corps est surmonté. D'autres,

au contraire, soutenaient qu'un élément

pesant

est

même

lorsqu'il

se

trouve dans son propre lieu; à l'appui de leur

opinion,

ils

citaient

mal interprétée

une expérience

— qu'Aristote^

gonflée d'air pèse plus que la

— assurément fausse

Une outre

avait rapportée:

même

Ce débat, Albert de Saxe va

ou

outre vide.

s'efforcer d'y mettre

fin

en

distinguant la gravité potentielle ou habituelle de la gravité actuelle^.

La tendance à unir son centre de gravité au centre du Monde,

un grave le

grave

la

conserve toujours identique k elle-même; lorsque

est à

son lieu naturel,

potentiel

ou

désir de

demeurer où

elle existe

Veut -on l'arracher de ce lieu?

est.

pesanteur potentielle passe aussitôt à feste

l'état

pour ce grave, en un

habituel; elle consiste alors, il

simplement à

l'état actuel et se

la

mani-

sous forme de résistance. Le grave est-il placé hors de

son lieu?

la

pesanteur actuelle

obstacle ne s'y oppose

:

«

Si

le

met en mouvement

quelque support

si

aucun

l'arrête

ou

le

demeure à Tétat actuel il est vrai qu'elle ne communique plus un mouvement actuel au corps pesant, mais ell-e produit un effort actuel pour com-

retient hors de son lieu, la pesanteur

;

primer ce qui retient ce corps par violence. La gravité habituelle,

I.

Au

sujcl

lie

celle

-2.

Arislolc,

t.

XX,

p.

ili,

série,

t.

XVUI,

p. 389,

Principe d'Archi-

le

i8G8

;

t.

XIX,

p.

/12,

1869).

De Cœlo elMundo,

lib, IV.

Albcrli de Saxoiiia Quœstiones Cf. in libruni 1 qiuoslio X. 3,

qu'un élément possède lorsqu'il

ce dcbal, voir Tliiirol, liecherches kistoriques sur

mède (Revue Archéoloyiqiw, nouvelle p. III et p. 28/r,

»

cap. vi.

in libros

de Cœlo et

Mumlo ;

libri III quiçstio III.


ALBERT DE SAXE ET LEONARD DE VINCI

I7

en son lieu naturel, ne saurait produire une semblable

est

pression. L'eau de la mer, qui se trouve en son lieu naturel,

ne presse point l'eau qui

forme

terre qui

trouve au-dessous d'elle *, ni la

se

fond de l'Océan.

le

Si les parties centrales

«

de

la

Terre 2 sont plus denses que les parties externes, ce n'est point

comprimées par

qu'elles soient

trouvent au-dessus d'elles; sous-jacentes.

parties

pèse plus avec

»

ne pèsent pas sur

celles-ci

D'autre part,

contenu dans

l'air

une

a si

renferme que

l'air qu'elle

dégonflée, c'est que

parties terrestres qui se

les

comprimé, ce qui

les

vessie gonflée

la vessie

seule et

cette vessie est

quelque

rend plus lourd que

peu condensé

et

extérieur;

dans un milieu moins grave, un corps plus

et

grave descend.

l'air

»

donc par une

C'est

le

suite logique de

hydro-

ses théories

De Cœlo, admet la doctrine géodésique que nous avons résumée D'une part, Teau est terminée par une sphère qui a son centre au centre du Monde; d'autre part, le centre de gravité de la terre ferme, statiques qu'Albert, dans ses Questions sur le

:

considérée isolément, est également au centre du Monde. Lors

même

que

serait pas

ferme aurait

terre

la

forme sphérique,

la

entièrement recouverte par

les eaux, car

elle

ne

son centre

de gravité ne coïnciderait pas pour cela avec son centre de

doue hors du centre de l'Univers

figure; celui-ci serait

sphère solide ne

serait

concentrique à

pas

la

et la

sphère des

eaux^.

Albert admets

D'ailleurs,

rigoureusement, sphère.

mais

La Terre

«

peut regarder

la

est

))

Mais

ronde,

»

dit-il,

<(

dans

hauteur des montagnes

les

ferme a non pas

terre

la

approximativement,

rapport aux dimensions de

compte.

que

la

Terre entière

arguments

qu'il

la

forme d'une

l'on

petite

par

la limite

comme et

n'en point tenir

apporte à l'appui de cette

thèse tendraient, pour la plupart, à prouver que la sphère Alberti de

1.

Saxonia Quœslioiws

in

libros de

Pliysico

Aiiditu;

in

libriim IV

quaîstio X.

Alberti de Saxonia Qaœstiones in libros de Cœlo et Manda ; libri III quaestio III. Alberti de Saxonia Qaœstiones in libros de Cœlo et Mundo; in librum II quaes*

2.

3.

XXVII

liones [\.

et

XXVIII (Ed.

l'iga) Ael

XXV

et

XXVI

Alberti de Saxonia Qaœstiones in libros de Cœlo

XXVII p.

(Ed.

1/192) vel

DUHEM.

XXV

(Ed. j5i8). et

Mando;

in

librum

II qua.'8tio

(Ed. i5i8). 2


ÉTUDES SUR LÉO.NARD DE VINCI

l8

dont

la surface terrestre est voisine,

plus

en plus, a pour centre

qu'elle

le

centre

elle

s'approche de

même

de l'Univers,

concentrique à

par conséquent,

est,

dont

la

sphère des

eaux. «

un

En premier

lieu,

»

dit-il, «

sol qui n'appartient ni à

lorsque les graves tombent sur

une montagne ni à une

vallée, ils

rencontrent toujours normalement; cela n'aurait point lieu

le

graves ne tendaient tous au

les

si

même

centre; et

comme

toutes les parties de la Terre sont graves, elles tendent toutes

même

au

moins, tende vers

la rotondité.

En second lieu, centre du monde ))

;

déclives,

comme

il

descendra

»

On

toutes les parties de la Terre tendent au

lieux les plus

les

moins qu'elles ne se soutiennent l'une l'autre, arrive pour les parties qui forment les montagnes; le

cours des temps, toute partie de la Terre

et sera précipitée vers le

centre du Monde, ce qui

être la cause de la rotondité terrestre.

voit par là

que

si la

Terre était fluide

que chaque partie ne soutînt pas

sorte

elle s'écoulerait

comme

parties voisines,

les

et

»

semble, d'après ce raisonnement, que tous

mènes produits

en

l'eau,

jusqu'à ce qu'elle soit entièrement ronde

parfaitement sphérique. Il

descendent vers

elles

à

néanmoins, dans semble

du

centre; cela exige que la Terre soit ronde ou,

à la surface

du

sol

les

phéno-

par la pesanteur tendent

une sphère parfaite ayant pour centre centre du Monde, partant une sphère recouverte par les

à faire de la terre ferme le

eaux.

Mais,

selon Albert de Saxe, cette

ne sera jamais

fin

un mouvement de soulèvement du sol, produit par érosions mêmes, en compense à chaque instant l'effet;

atteinte;

ces

nous l'avons déjà entendu développer revient' à la fin «

du second

livre

Le centre de grandeur de

du De Cœlo

la

son centre de gravité; d'un côté,

cette

théorie;

il

y

:

Terre ne coïncide pas avec la

Terre est plus voisine du

Ciel et les eaux la laissent à découvert; de l'autre,

elle

est

plus éloignée du Ciel et recouverte par les eaux; c'est vers ce I.

Albcrli

XXVIll (Ed.

(le

Saionia Quivstiones

i/i<)2)

vel

XXVI

in libros

(Ed. i5i8).

de Cœlo

et

Mundo;

in

librum

II

qujDstio


ALBERT DE SAXE Ef LÉONARD DE \1NGI

jg

côté que s'écoulent toutes les eaux, afin de se rapprocher

du

centre du Monde. »... Mais, direz -vous,

ne peut- on reprendre une précédente

En même temps que les fleuves, des parties de la Terre s'écoulent constamment vers la mer; par là, la Terre finira par être aussi voisine du Ciel du côté oii les eaux la couvrent que du côté découvert; et, lorsque cela aura lieu, objection?

elle sera

entièrement couverte par

les

eaux.

Nous répondrons que cela n'aura jamais

»

pourquoi

:

Quand

l'autre côté

lieu,

sont entraînées vers

les particules terrestres

de la Terre, cet autre côté devient plus lourd

pousse celui-ci vers

le

haut,

une précédente question.

Il

comme nous

ainsi,

»

Une

de

partie

la

ferme demeurera donc

terre

émergée; mais Albert admet ', avec Aristote^ que ne demeurera pas toujours «

Je crois que, par suite du

même

la

immergée

et

changement de

inversement; ce

animaux toujours

cette partie

fait est

:

l'écliptique solaire,

émergée

était autre-

mis en évidence par

Aristote dans le second livre des Météores; fois, qu'il faille l'attribuer

cela,

et

au cours des siècles

cette partie de la Terre qui est aujourd'hui fois

il

cette dissymétrie a été

;

réglée par Dieu, de toute éternité, pour le salut des

des plantes.

et

l'avons expliqué en

en sera toujours

grâce à la dissymétrie de la Terre

et

voici

et

il

ne

dit pas, toute-

à la variation de l'orbite solaire.

»

III

Ce que Léonard de Vinci a emprunté a Albert de Saxe. Parmi jour

le

les

cahiers

manuscrits où Léonard a consigné au

jour ses réflexions de toute nature, et que conserve la

Bibliothèque de

que désigne

l'Institut, l'un

la lettre

des plus importants est celui

F 2. Par une heureuse

constance, ce manuscrit est daté. 1.

En

Albcrti de Saxonia Quœstiones in Ubros de Cœlo (Ed. 1492) vel XXVI (Ed. i5i8).

tête et

et

trop rare cir-

du premier

Mundo;

feuillet,

in libruni II quœslio

XXVIII 2.

de

la

Les Manuscrits de Léonard de Vinci, publiés par Bibliothèque de l'Institut, Paris, 1889.

Cli.

Ravaisson-Mollicn

;

ms, F


ÉTtDES SUR LEONARD DE VINCI

30

on

selon la constante habitude de

cette indication, écrite,

lit

Léonard, de droite à gauche

u

:

Gomincato ammilano addi

— Commencé

12 dissettembre i5o8.

à Milan

septem-

12

le

bre i5o8.

Le verso de

la

couverture de ce cahier est lui-même couvert

on y

d'inscriptions diverses;

de Venise. caves

On y

»

de

» et

)) ,

commence par

trouve, en

que

tels

u

Vitruve

u

u

de Nicolo délia Croce

Albertucco elmarliano decalculatione

((

Alberto decelo e

mundo

Que M. Ravaisson-Mollien u

Albert, de

et

les

le

(^

Dante

— da

bernardino

fra

et

traduit ainsi

Mundo, par

:

»

»

:

Marliano, de calculatione,

Cœlo

»,

que l'on déchiffre ces lignes

((

Albertuccio

miroirs con-

».

C'est à la suite de cette liste

((

Livres

«

Archimède, De centra

Anatomie d'Alesandro Benedetto

\\(

Quels sont

de

:

des titres de livres ou

»,

»,

mots

ces

à côté

effet,

couteaux de Bohême

((

de manuscrits, gravitatis

Cette liste

lui.

une

liste,

Léonard de Vinci ou

sorte d'inventaire d'objets appartenant à

empruntés par

une

voit, entre autres,

»

frère Bernardino.

»

nous

ouvrages dont ces quelques lignes

révèlent la présence entre les mains de Léonard?

Une note de M. Ravaisson-Mollien nous liano,

en

rappelle que Mar-

premier médecin de Jean Galeasz Sforza, mort à Milan

i/i83,

motuum

avait

composé un

in velocitate.

intitulé

écrit

Le sujet de cet

écrit a

De proportione

:

rapport à certaines

questions touchées par Léonard au cours du cahier F

;

il

donc raisonnable de croire que l'ouvrage auquel Léonard

est fait

allusion est bien celui qu'indique M. Ravaisson-Mollien.

Mais

comment

faut-il

précède la mention de propose, avec

interpréter le cet

Albertucco,

qui

ouvrage? M. Ravaisson-Mollien

un point de doute,

Alberti». M. Eug.

nom

la

traduction

Mûntz^ admet, en

effet,

que

:

Leone

Battista

cette indication

se rapporte à Alberti.

1 .

«

Mon

A

la table des matières du nis. K, au mot Alberlucciiis, M. HaVaissoii-MoUien écrit frère Louis llavaisson-Mollien, de la HilDliothèque Ma^ariile, me fait remarquer :

qu'un des deux Alhert de Saxe, Franciscain du xv' a»

Eugène

Paris, 1899.

Miuilz, Léonard de Vinci, l'artiste,

le

siècle, fut

penseur,

le

appelé Albertuccius. »

savant, p. 3oS (en note),


ALBERT DE SAXE RT LEONARD DE VTNCf

21

De prime abord, une remarque rend douteuse prétation

nomme

Léonard

;

cite A^lberti

cette inter-

en d'autres passages

i

il

;

ne

l'y

point Albertucco, mais Battista Alberti. D'autre part,,

nous saA^ons qu'au

on

coutume de désigner Albert de Saxe par le surnom à' Alheriutius ou Albertaccius, INous sommes donc conduits à penser que l'auteur mentionné par

Léonard

xvi" siècle,

n'est point Alberti,

a

mais Albertus de Saxonia.

Cette présomption est confirmée par cette autre

remarque

:

seconde partie du Tractatiis proportiomim d'Albert de Saxe,

souvent imprimée au xv^ siècle intitulée

2

:

du

et à la fin

in

molibus.

rapproché cet

ait

si

xvi^ siècle, est

Tractatas de proporiione velocitatum

semble donc tout naturel que Léonard

La

Il

écrit

de celui de Marliano.

Dans un moment, nous verrons

ces

présomptions

se

changer

en certitude.

La mention

«

:

Albert,

M. Ravaisson-MoUien Mais rien, dans

De Cœlo

comme

les notes

et

Mundo

»

est

regardée par

se rapportant à Albert le

que renferme

le

Grand.

cahier F, ne rappelle

physiques de Maître Albert; nous verrons, au conque l'on y peut reconnaître des emprunts nombreux et

les théories

traire,

importants aux Quaestiones

par Albert de Saxe avait en «

mains

;

c'est

et qu'il

Alberto decelo

e

in libros

de Cœlo

donc sûrement

et

Mundo composées

cet écrit

que Léonard

entendu mentionner par ces mots

a

mundo.

:

»

Les considérations qui précèdent nous montrent que Léonard

de Vinci, lorsqu'il jetait ses pensées sur F, avait sans doute en le

les feuillets

du Cahier

mains deux ouvrages d'Albert de Saxe

:

Tractatas proportionum et les Quœstiones in libros de Cœlo et

Mundo. Mais,

lors

même

qu'il

ne nous en eût point

laissé le

témoignage, l'étude de ses notes nous eût bientôt appris qu'il avait médité les doctrines du vieux maître en Sorbonne. Qu'est-ce que Léonard a

1.

emprunté au Tractatas proportionum

Les Manuscrits de Léonard de Vinci, publiés par Ch. Ravaisson-Mollien ms. F Bibliothèque de l'Institut, fol. 82, recto; ms. G de la Bibliothèque de l'Institut, ;

de

la

fol. 54, recto. 2. B. Boncompagni. Intorno al un comento di-BenedettoTTlttori, medico Faentino, al Tracta tus proportionum di Alberti di Sassonia (Bullelino di Bibliografia e di Storia dcUc Slcienze matematiche e fisiche, t. IV, p. /igS; 187 1).


ETIDES SUR LEO\ARD DE VINCI

32

d'Albert et au traité

De proportione motuum

liano? Sans doute, ces propositions

axiome péripatéticien

vieil

meut

tionnelle à la force qui

sembler bien

difficile

La

:

in velocitale

de Mar-

qui, toutes, découlent

i

mobile

vitesse d'un

A

ce mobile.

est

du

propor-

cet égard,

peut

il

d'émettre une affirmation formelle. Déve-

loppées par tous les commentateurs d'Aristote, depuis Alexandre d'Aphrodisias et Simplicius, ces propositions étaient du

domaine commun. Heureusement, le témoignage même de Léonard nous apporte, à cet égard, une certitude. Voici ce que Albert de Saxe dit, dans nous lisons dans un de ses cahiers ^ son Des proportions, que si une puissance meut un mobile avec ((

:

une certaine double plus

vite. Il

Non moins que Ton peut

ne

me

la

moitié de ce mobile du

paraît pas ainsi, à moi... »

rapprochements

saisissants et probants sont les

mainte note de Léonard

faire entre

d'Albertutius

tions

mouvra

vitesse, elle

sur le

De Cœlo

et

Ques-

et les

Mundo. Prenons, par

exemple, ce que nous lisons dans ces deux auteurs au sujet de la figure

que

l'on voit

dans

la

comment s'exprime

Voici

en quatrième provient de

Albert de Saxe 3

:

«

On demande,

tache qui apparaît dans la Lune

lieu, si cette

la diVersité

Lune.

des parties de la

Lune ou bien

la

si

cause en est extrinsèque à cet astre. »

On

tente de prouver qu'elle ne provient pas de la diversité

des parties de

la

Lune. En premier

lieu,

en

effet, la

Lune

est

un corps simple; or les parties d'un corps simple, considérées sous un même rapport, sont toutes semblables entre elles; cela est apparent

dans

l'eau,

dans

l'air et

dans

les autres

corps

simples. »

En second

lieu, les parties

du

Soleil

ou bien

celles

de toute

autre étoile sont semblables et uniformes en rareté et densité il

en

est

donc de

même

des parties de la Lune;

et,

;

par consé-

quent, cette apparence de tache ne peut provenir de la diversité

des parties de la Lune.

Les Manuscrits de Léonard de Vinci, ms. F, fol. 26, reclo, et fol. 3i, verso. Les manuscrits de Léonard de Vinci, publics par Ch. Ravaisson-Mollicn; ms. la Bibliothèque do l'Institut, fol. lao (72), recto. 1. 2.

3.

tio

Ali)erli

XXIV

(td.

do Saxonia Quaistiones i.',f)^)

vol

XXII (Ed.

in libros

i5i8).

de Cœlo

et

Mundo;

in libruni

11

1

de

quaes-


ALBERT DE SAXE ET LÉONARD DE VINCI »

Troisièmement,

elle avait

si

que diverses parties de moins; mais on prouve

Lune

la

rares; et cela est »

seraient plus rares et d'autres

du

les parties

évidemment

lisse,

de

la

Lune qui sont

plus

les

faux.

semblance

dons cette

comme

Lune, nous y voyons apparence de tache.

un miroir;

est

un

la Terre, se

la

Terre par réflexion,

de

et

sujet de cette question, j'examinerai d'abord la question

émises à son sujet

que

serai l'opinion

En premier

les

diverses opinions qui ont été

et je les réfuterai.

En second

lieu, j'expo-

je crois véritable.

lieu,

il

une opinion selon laquelle la Lune avait pour cause une vapeur

existait

tache qui apparaît dans

la

Lune même; interposée entre

l'astre

et

nous,

vapeur nous obscurcissait certaines parties de

la

Lune.

élevée par la

Un commentateur une

à elle

telle

ajoute que, selon certains, la

eaux

et

Lune

attirait

vapeur pour s'en nourrir.

D'autres disent que la

Lune

a

un grand pouvoir

sur les

l'humidité; sa nature est donc d'attirer au-dessous

une semblable vapeur. Tous ces auteurs s'accordent

d'elle

donc

Lune

la

Lune, y engendre son image et resdans un miroir; lors donc que nous regar-

en elle-même, j'exposerai

cette

de

la

la

Au

même

bien poli et semblable à

trouvant en regard de

))

les

Enfin, on prouve que cette apparence de tache provient

corps

»

dans

Soleil parviendraient jusqu'à

d'une cause extrinsèque. Le corps

»

cause, c'est donc

telle

qu'il n'en est pas ainsi; car,

éclipses de Soleil, les rayons

nous en traversant

une

23

à attribuer la tache qui apparaît

dans

la

à la diversité des parties lunaires, mais à

Lune, non point

une cause

extrin-

sèque. »

Mais cette opinion n'est pas valable. Ces exhalaisons

et ces

vapeurs ne seraient point attirées également en tout temps; elles n'auraient

même, mais

point une figure toujours semblable à

essentiellement changeante.

Au

contraire, cette

tache apparaît constamment et a toujours la

par conséquent,

elle

n'est point causée

exhalaison interposée entre »

On ne

la

Lune

peut, surtout, regarder

et

elle-

même

forme;

par une vapeur ou

nous.

comme

valable

l'opinion


ÉTinrS SUR LEONARD DE VINGT

2^

des premiers, selon lesquels la

Lune

des vapeurs

attire à soi

afin de s'en nourrir; les corps célestes n'ont pas à se nourrir,

car

ils

ne sont sujets ni à

génération, ni à la corruption, ni

la

à l'altération. »

Une

autre opinion prétendait que cette tache est la repré

sentation de quelque objet de ce

monde

inférieur, soit de la

Terre, soit des montagnes, soit de quelque chose d'analogue; ces corps seraient vus dans la

Lune comme des corps peuvent

vus par réflexion dans un miroir,

être

cette opinion, la

Lune

est polie

et cela

comme un

parce que, selon

miroir.

Cette opinion ne vaut pas; car lorsque la

))

la partie

de

la

Lune où

Lune

comme

les

meut,

changer d'un

paraît cette tache devrait

instant à l'autre; exactement

se

images changent de

un miroir en mouvement; et cela n'est point. D'ailleurs, si la Lune avait le pouvoir de réfléchir

place dans »

images des corps, l'image de

la

apparaître dans la Lune; or,

est

il

les

Terre tout entière devrait faux qu'elle y apparaisse,

car la Terre n'a point la forme de cette tache. »

En second

que

lieu, le

Commentateur émet une troisième opinion

je crois véritable

des parties de

Cette tache proviendrait de la diversité

:

Lune qui

la

ou plus ou moins denses en lesquelles

la

et,

unes que

les

ou moins rares

les autres.

Les parties

tache se montre sont les plus rares, ce qui les

rend moins aptes à reluire; plus denses

seraient plus

par

là,

les parties

qui les avoisinent sont

brillent davantage. Cela se

par analogie avec l'albâtre;

les

comprend

parties de l'albâtre qui sont

non transparentes paraissent fort blanches; celles qui sont transparentes comme du verre sont obscures et tirent sur le noir. Si l'on demande pourquoi la Lune pré-

très

denses

et

sente de telles différences entre

répondre que ((

ses diverses parties,

Lune

— Au premier, je répon-

drai

que

cela

nVmpêche

ties,

présenter des dillerences de rareté et de densité.

»

\u second,

entre

le

faut

telle est sa nature... »

Réponses aux arguments du début. la

il

est,

en

ellet,

simple en substance; mais que

pas qu'elle ne puisse, entre ses diverses par-

je répondrai qu'il n'y a point de

Soleil et les étoiles,

d'une part,

et

la

comparaison

Lune, d'autre


ALIJERT DE SAXE ET LEO^VARD DE VINCI

part.

2iD

n'y a pas lieu d'assigner la cause de cette dissem-

Il

blance; elle tient à la nature de ces corps.

du troisième, je dirai qu'une partie de la Lune est, il est vrai, un peu plus rare que l'autre; mais qu'elle n'est pas rare à ce point que les rayons solaires puissent traverser

Au

»

sujet

toute l'épaisseur de la Lune.

Ce

))

qu'il faut

répondre au dernier argument découle de

réfutation de la seconde opinion.

»

Lisons maintenant ce qu'écrit Léonard de Vinci

même

sujet des taches de la

Taches de

«

Lune.

la

la

sur ce

i

Lune.

Quelques-uns disent qu'il s'en élève

des vapeurs semblables à des nuages et qu'elles s'interposent

Lune

entre la

et

nos yeux.

en

S'il

était ainsi,

jamais de

telles

taches ne seraient stables ni de position ni de figure, et en

voyant elles

la

Lune en divers

aspects, ces taches,

ne varieraient pas, changeraient de figure

quand même

comme

fait la

chose qu'on voit par plusieurs côtés. »

la

On

a dit aussi

Lune

ainsi,

en

est,

dans

que

de raretés

soi,

les éclipses

Lune sont dues

taches de la

les

et densités diverses. S'il

de Lune

(sic), les

se ))

voyant pas, ladite opinion en

soi

en

était

un

tel effet

est fausse.

D'autres disent que la surface de la

polie, elle reçoit

que

rayons solaires péné-

treraient par quelque partie dans la susdite rareté;

ne

à ce

comme un

Lune

miroir

la

étant nette et

ressemblance de

la Terre. »

Cette opinion est fausse, puisque la Terre découverte par

quand la taches que quand

l'eau a, sous différents aspects, diverses figures; car

Lune

est à l'orient, elle réfléchirait d'autres

elle est

au-dessus de nous, ou que quand elle est à l'occident;

or, les taches

de

la

Lune,

ne varient jamais dans

comme on

le

le voit à la

mouvement

fait

par

pleine lune,

elle

dans notre

hémisphère, »

Une deuxième

raison est que la chose réfléchie dans la

convexité prend une petite partie du miroir,

prouvé en I.

recto.

la

perspective.

Une

comme

il

troisième raison est qu'à

Les Manuscrits de Léonard de Vinci, ms. F,

fol.

8^,

recto,

8/4,

est la

verso, et 85,


ÉTUDES SUR LEONARD DE VINCI

36

la

voit seulement le milieu de la sphère de

Lune

pleine lune, la

Terre illuminé, dans laquelle l'Océan resplendit avec les

autres eaux, et la Terre

on

et ainsi

verrait

splendeur de

une

moitié de notre Terre ceinte par la

la

mer

la

des taches dans cette splendeur;

fait

éclairée par le Soleil et,

la

Lune,

ressemblance serait une minime partie de celle Lune.

telle

La quatrième raison

que

est

la

chose qui resplendit ne se mire

pas dans une autre splendeur; donc la

deur du

dans

comme

Soleil,

s'y réfléchir

Lune,

fait la

la

mer prenant

la splen-

Terre ne pourrait pas

sans qu'on y vît se réfléchir particulièrement

le

corps du Soleil et de chacune des étoiles à elle opposées. »

D'autres disent que la

Lune

était

comme

ou moins transparentes,

si

composée de parties plus une partie était en sorte

d'albâtre, et

quelque autre en sorte de

s'ensuivrait

que

partie ainsi

le

moins dense montrerait cette

ombres

les

compose-ton

Ainsi

opinion

lumière resterait à

11

la

la surface;

plus dense resterait illuminée, et la partie

partie

obscures.

la

verre.

rayons dans

Soleil frappant avec ses

moins transparente, la

ou de

cristal

la

de

qualité

ses

de

profondeurs

Lune

la

et

plu à beaucoup de philosophes, surtout à

a

Aristote. Et pourtant c'est les divers aspects

que

la

une fausse opinion, parce que sous

Lune

et la

Terre offrent souvent à nos

yeux, nous verrions ces taches varier et se faire tantôt obscures et tantôt claires. Elle se feraient obscures

quand

le Soleil

Lune au milieu du Ciel, car alors les transparentes prendraient ombre jusqu'au plus

est à l'occident et la

concavités

haut des lèvres de ces concavités transparentes, parce que le

Soleil

ne pourrait pas

faire

pénétrer ces rayons dans les

bouches de ces concavités. Elles paraîtraient lune, lorsque la

Lune

claires à la pleine

à l'orient regarde le Soleil à l'occident;

alors le Soleil illuminerait jusqu'aux fonds de telles transpa-

rences; et ainsi, aucune

ombre ne

nous montrerait pas en ce temps

comme

je

l'ai

et

de

dit ci-dessus.

changements du

Lune par rapport

la

Lune ne

les susdites taches; et ainsi,

tantôt plus, tantôt moins, selon les

rapport à la Lune

se produisant, la

à

Soleil par

nos yeux,

»

La comparaison de ces deux textes ne saurait

laisser place


ALBERT DE SAXE ET LEONARD DE VINCI

27

au doute; lorsque Léonard écrivait ses réflexions sur de

Lune,

la

il

venait de

les

taches

discussion d'Albert de Saxe sur

lire la

même sujet. 11 l'avait lue, d'ailleurs, comme peut lire un homme de génie qui, bien rarement, se résigne a suivre servi-

le

lement

la

pensée d'aulrui; aux objections qu'Albertutius avait

adressées à certaines hypothèses, ses propres objections

;

avait ajouté

il

même

et l'explication

ou substitué

à laquelle le vieux

maître en Sorbonne avait accordé ses préférences n'était pas

demeurée sauve des critiques du grand peintre. Nous verrons plus loin que celui-ci avait, à son tour, une explication à proposer. Léonard mais

il

s'inspire encore des Quœstlones d'Albert de

même

avec la

s'en inspire toujours

Saxe,

liberté, lorsqu'il

discute cette question, soulevée par les Pythagoriciens et parles

Platoniciens: Les

mouvements

célestes produisent-ils des sons?

Albert de Saxe avait observé est rapide,

que

i

« le

mouvement,

cause un son, pourvu cependant qu'il soit accom-

pagné des conditions nécessaires

à

la

production du son,

qu'un frottement, un ébranlement de

telles

lorsqu'il

énergique,

car

les

célestes. ((

il

ne

corps

autres le

»

se

produit point de frottement

célestes

cependant un frottement énergique

mouvement

et

conditions font défaut dans

semblables; mais toules ces

mouvement des corps En ce mouvement,

l'air,

sont

lisses

est nécessaire

et

polis;

pour que

et le

un son. » 11 ne faut point se représenter le mouvement de deux orbites voisines à l'image du mouvement de deux roues d'engrenage. « Une orbite n'entraîne point violemment l'orbite voisine; il des corps engendre

n'y a point d'entraînement des orbites l'une par l'autre, car les surfaces des

corps célestes sont parfaitement lisses; elles ne

présentent point d'aspérités par lesquelles une orbite puisse

mouvement. » D'autre part, dans les mouvements célestes, on ne trouve pas cette percussion ou cet ébranlement de l'air qui est s'accrocher à l'autre et l'entraîner dans son

((

nécessaire pour qu'il y ait son.

ébranlement de Pair I.

Alberti de

quapslio

XVI

objectera peut-être que cet

n'est point indispensable à la génération

Saxonia Quœstiones

(Ed. 1/192) vel

On

XV

in

(Ed. i5i8}.

libros de

Cœlo

et

Mundo,

in

librum

II


ÉTUDES

28

SI

LÉOWRD DE

R

VI\CT

à sa propagation. Cette objection est

du son, mais seulement

sans valeur. Je pourrais, en

effet,

un son dans un corps quelconque

prétendre qu'il y a

même,

raisonnant de

en

lorsqu'il

en repos, mais qu'on ne l'entend pas, parce que ce corps

est

communique aucun frémissement

en repos ne

vironne

que ce frémissement

et

entendu, car

soit

diaire de l'air vibrant.

pour que

est nécessaire

du son

la species

à l'air qui l'en-

se

le

son

propage par l'intermé-

»

L'influence de ces raisonnements se reconnaît, mais, parfois,

profondément modifiée, dans ce passage «

Du frottement

est

causé par

des cieux,

l'air

s'il

fait

que

suivrait

frottement

et ce

par Léonard'

:

un son ou non. Tout frottement

frappant un corps dense,

deux corps graves entre eux, entoure;

écrit

c'est

au moyen de

consume

corps

les

par

et s'il est fait l'air

qui les

Donc

frottés.

il

cieux dans leur frottement, pour ne pas avoir

les

d'air entre eux,

ne produiraient pas de son.

Si

cependant ce

frottement avait vérité, ces cieux, en tant de siècles durant lesquels

ont tourné, auraient été consumés par leur

ils

immense

de chaque jour. Et

vitesse

celui-ci

ne pourrait

cussion

faite

se

s'ils

répandre, puisque

faisaient le

si

un

son,

la

per-

son de

sous l'eau s'entend peu, et s'entendrait moins ou

pas du tout dans les corps denses. Le frottement

non plus des

même

qu'il se trou-

corps polis ne

fait

pas de bruit, et c'est de

verait qu'il ne se fait pas de bruit

cieux. Et

si

frottement,

ces cieux il

ne sont pas polis au contact de leur

suit qu'ils sont

contact n'est

au contact ou frottement des

pas continuel,

globuleux ou rugueux, donc leur et

s'il

en

est ainsi,

on conclut ne pas se trouver dans conclu que le frottement aurait consumé

le

vide se

produit, lequel

la nature.

Donc

les

est

il

de chaque

ciel, et

vers les pôles,

puis

il

il

autant

se

il

est plus rapide vers le

termes

milieu que

consumerait plus au milieu qu'aux pôles

n'y aurait plus de frottement et

le

son cesserait, et

;

les

danseurs s'arrêteraient, à moins que des cieux l'un ne tournât à l'orient et l'autre au septentrion.

Entre

les

»

doctrines d'Albert de Saxe et les opinions émises

par Léonard, on pourrait faire maint rapprochement analogue; I.

Us

Manu}tcrits

de

Léomrd de

Vinci, ms. F,

fol. 5C,

verso.


ALlilillT

DE SAXE ET LEONARD DE \HNCI

29

on pourrait, par exemple, comparer ce passage du premier Si un mobile se mouvait dans le vide, il ne causerait aucune chaleur; car le mouvement n'engendre de la chaleur que par le frottement du mobile contre le milieu, » à celte phrase 2 du '

:

((

second

«

:

Le frottement

engendre du

feu. »

rapide de deux corps denses

très

Mais ne nous arrêtons pas à toutes

les

concordances de détail que Ton pourrait relever; portons notre attention sur celles qui ont trait à la théorie de la gravité déve-

loppée par Albertutius; cette théorie, en sollicité

effet,

paraît avoir

d'une manière toute spéciale l'attention de Léonard de

Vinci.

Voici d'abord

un fragment 3 où Léonard reproduit

la distinc-

tion essentielle sur laquelle repose la théorie d'Albert de Saxe. ((

Du

centre

du grave. Tout corps non uniforme a

trois centres,

c'està dire de la grandeur, de la gravité accidentelle^ et de la

gravité naturelle; mais il

manquerait ((

un

on incorporait

si

centre de la gravité accidentelle.

le

Dans

Monde sinon dans

cet autre

part.

le

et

centre de gravité et celui de la

»

fragment

Léonard montre, suivant

5,

d'Albert de Saxe,

comment

subit de perpétuels

changements de

1.

»

centre de gravité naturelle. Et on ne pourra recevoir le

grandeur restera à

être

centre du Monde,

Des corps non uniformes qui ont un centre de grandeur

centre du

((

le

Parce que

le

centre de gravité de la Terre lieu

:

centre de la gravité naturelle de la Terre doit

au centre du Monde, Alberti de

le

l'avis

la

Saxonia Quœstiones

Terre va toujours en s'allégeant in

libros

de Physico

Audita; in librum IV

quaestio IX.

Les Manuscrits de Léonard do Vinci, nis. F, fol. 85, verso. Ce passage me que Ton pourrait invoquer si l'on voulait prétendre que Léonard a connu les Quœstiones sur la Physique ; il est, je crois, insuffisant à établir cette opinion. Léonard n'a probablement connu que les Quœstiones sur le De Cœlo, seules imprimées avant i5o8. 3. Les Manuscrits de Léonard de Vinci, ms. F, fol. 54, recto. t\. Il me parait facile de deviner ce que Léonard entend par centre de la gravité accidentelle; la gravité accidentelle désigne, pour beaucoup de scolastiques, ce que Léonard nomme généralement iinpeto; cette notion confuse correspond plus ou moins exactement à nos idées modernes de vitesse acquise, de quantité de mouvement et de force vive; de même que, pour Léonard, la gravité naturelle a son siège en un point, le centre de gravité naturelle, de même la gravité accidentelle est condensée au centre de gravité accidentelle. Si le grave incorpore le centre du Monde, il y demeure en repos, et la gravité accidentelle disparaît avec son centre. 5, Les Manuscrits de Léonard de Vinci, ms. F, fol. 70, recto. 2.

paraît être le seul


ÉTUDES SLK LEOINARD DE

3o

submerge autant de joigne

le

la partie

pousse en haut,

allégée

et la partie

en quelque partie,

YliNCI

opposée

qu'il

en faut pour qu'elle

du Monde;

centre de la susdite gravité au centre

sphère de Teau tient

constamment

surface

sa

et

et la

équidistante

au centre du Monde.

»

le Soleil est droit

par Fair,

les

eaux

centre du

neige lui ont manqué; du côté opposé,

neiges alourdissent la Terre, la poussent vers

les pluies et les le

et la

au-dessus, la Terre s'allège; couverte

Monde

et

éloignent de ce centre

ainsi la sphère de l'eau conserve l'égalité de distance

gées;

du centre de

sa sphère,

mais non de

Albertutius avait montré

ment

comment

la gravité. »

la

Terre tendait constam-

à la sphéricité; Léonard reprend

rations

mêmes

les

i

considé-

:

Da Monde. Tout grave tend en

«

les parties allé-

bas, et les choses hautes ne

resteront pas à leur hauteur, mais avec le temps elles descen-

dront toutes

et ainsi,

avec

le

temps,

le

Monde

par conséquent, sera tout couvert d'eau.

et,

restera spliérique »

Albert avait reculé devant cette conséquence d'expliquer

comment une

;

il

s'était efforcé

terre ferme émergerait toujours hors

des eaux. C'est en énumérant les opinions à réfuter qu'il avait écrits ces

mots

«

:

Omne

grave tendit deorsum nec perpetuo

sursum sustineri, quare jam totalis terra esset sphieundique aquis cooperta. » Plus audacieux, Léonard pas à annoncer que le jeu même de la gravité tend à

potest sic rica

et

n'hésite

l'inondation totale de l'Univers;

mot pour mot

la

non seulement

phrase d'Albert de Saxe

deorsum nec perpétue potest

sic

:

sursum

totalis terra esset facta sphaerica, »

a

Omne

il

grave tendit

sustineri,

mais encore

il

transcrit

quare jam

revient avec

insistance sur cette prophétie. ((

Si la

Terre était sphérique

découverte par lieux

la

du fond de

spbère de la

mer,

'•,

aucune partie n'en

l'eau... et

les

serait

Perpétuels sont les bas

cimes des monts sont

Les Manuscrits de Léonard de Vinci, ms. F, fol. 84, recto. Alberti de Saxonia Qua'sliones in libros de Cœlo et Mundo; in librum XXVIII (Ed. ihv^;.) vcl \XVI (Ed. i5i8).

le

1.

2.

o.

V

Les Manuscrits de Léonard de ^ inci, ms. F, fol. Les Manuscrits de Léonard de Mnci, nis. F, fol.

8/i,

recto.

I"):!,

verso.

II

qua^stio


ALBERT DE SAXE ET LEONARD DE contraire;

il

suit

que

la

Terre se fera sphérique et toute cou-

verte des eaux, et sera inhabitable.

Dans ce continuel tend à arrondir pluviales joue ce rôle;

il

u

rôle essentiel

;

Albert de Saxe nous a signalé

du

sol.

Léonard reprend ces considérations;

expose* en ingénieur habitué à l'observation minu-

les

tieuse des

ferme, l'érosion produite par les eaux

nous a montré également comment l'érosion avait

il

sculpté le relief

mais

»

travail de la gravité qui, perpétuellement,

la terre

un

3l

VlINCI

phénomènes produits par

les

eaux courantes

:

Si la terre des antipodes qui soutient l'Océan s'élevait et se

découvrait beaucoup hors de cette mer, étant presque plane,

de quelle façon pourraient se créer avec les vallées, et les pierres »

La fange ou

le

temps

monts

les

et

des diverses couches?

sable, d'où l'eau s'écoule,

quand

elle reste

découverte par les inondations des fleuves, nous enseigne ce qui se »

demande

ci-dessus.

L'eau qui s'écoulerait de

quand

cette terre s'élèverait

qu'elle fût presque plane,

pour

les parties

mençant

la terre

découverte par

beaucoup au-dessus de

commencerait

la

la

mer,

mer, bien

à faire divers ruisseaux

plus basses de celle surface, et ceux

ci,

com-

ainsi à se creuser, se feraient réceptacles des autres

eaux environnantes de cette façon ;

ils

acquerraient, dans toute

partie de leur longueur, de la largeur et de la profondeur,

leurs eaux croissant toujours jusqu'à ce soit

écoulée

;

et ces

que toute

cette

eau se

concavités seraient ensuite les cours des

torrents qui reçoivent les eaux des pluies; et ainsi elles iraient

consumant

les

berges de ces fleuves jusqu'à ce que les terres

qui les séparent les uns des autres se fissent monts aigus et

commençassent à se sécher plus ou moins grandes selon

que, l'eau s'écoulant, ces collines et à créer les pierres les

en ci)uches

épaisseurs des fanges que les fleuves auraient portées dans

mer avec leurs déluges. » Albert admet que c'est le centre de gravité de la terre ferme qui occupe le centre du Monde; la présence de l'eau en

la

certaines parties de la surface qui termine la terre solide, son

absence en d'autres parties de cette X.

Les Manuscrits de Léonard de Vinci, ms. F,

même

surface ne sauraient

foi. ii, verso.


ÉTLDES SUR LEONARD DE \I^Cl

32

déranger ce centre de gravité. Léonard de Vinci

a-t-il

admis

cette théorie?

Léonard

rénonce

^

connaît

sur

principe

le

en résumant Albert de Saxe:

lequel a

elle

repose;

Aucun élément simple

n'a de légèreté ni de gravité dans sa propre sphère,

parce que cet air est condensé; et

de

telle

et si la

aux balances qu'étant vide,

vessie pleine d'air pèse plus

le feu

il

c'est

pourrait se condenser

façon qu'il serait plus lourd que

ou égal

l'air

à l'air,

plus lourd que l'eau et devenant égal à la terre.

et peut-être

Mais de ce qu'il a connu de cette théorie, point qu'il

l'ait

en tout cas,

adoptée;

il

n'a pas

il

»

n'en résulte

admis sans

conteste le corollaire qu'Albertutius en avait prétendu tirer.

La modification laire est d'ailleurs

pas lège

la partie ;

il

semble disposé à apporter à ce corol-

qu'il

bien singulière

du globe

principe d'Archimède. Voici

((

opinion

il

pense que l'eau n'alourdit

qu'elle recouvre, mais, au contraire,

regarde cette proposition

cette étrange

;

le

comme une

passage 2

l'al-

conséquence du

oii se

trouve exposée

:

Si la Terre couverte

par

la

sphère de l'eau

est

plus ou moins

grave qu'étant découverte. Je réponds que ce grave pèse plus

Donc

qui est en milieu plus léger. est plus

l'air

Deux

petits

la terre

qui est couverte par

grave que celle qui est couverte par

l'eau... »

croquis représentent des pyramides, en parties

immergées dans une côté de ces croquis,

on

sphère liquide, en partie émergées; à lit

«

:

Je dis que le centre de gravité de

pyramide étant placé au centre du Monde, cette pyramide changera de centre de gravité si elle est ensuite en partie cou-

la

verte par la sphère de l'eau

poids cylindriques égaux

dans l'eau reste à

prouvé.

et

et

;

et

donnes-en exemple avec deux

semblables dont l'un

soit à

moitié

Tautre tout dans cette eau. Je dis que celui qui

moitié hors de l'eau est plus grave,

comme

il

est

))

A une théorie formellement contraire aux lois de rHvdrostatique, Léonard de Vinci en a substitué une autre qui ne s'accorde pas 1.

j.

mieux avec

les

principes de cette science. Nous

Les ManuscrUs do Léonard do Vinci, ms. F, fol. O9, verso. Les Manuscrits de Léonard de Vinci, nis. F, foL 0(j, recto.


ALBERT DE SAXE ET LEONARD DE

mieux

allons voir que le grand peintre fut souvent soit qu'il se

33

VI?» CI

proposât simplement de développer

d'Albert de Saxe, soit qu'il rejetât les doctrines

inspiré,

les

du

pensées

scolastique

en faveur de théories nouvelles.

IV

Ce que Léonard de Vinci a ajouté aux théories d'Albert de Saxe

Léonard de Vinci a donc étudié et

les

Quœsliones

Mando composées par Albert de Saxe

;

il

in libros

ne

de Cœlo

point étu-

les a

diées en lecteur attentif, désireux de pénétrer très complète-

ment il

la

pensée d'un auteur

et

de se l'assimiler très exactement;

avec un sens critique toujours en éveil, avec

les a étudiées

une imaginalion toujours prête à enfanter des hypothèses nouvelles, avec une habileté de géomètre et un talent d'observateur toujours disposé à enrichir les doctrines d'Albert de Saxe ou à leur substituer des théories différentes.

Les discussions que développe Alberlutius suggèrent à Léo-

nard des problèmes nouveaux. Ainsi le vieux maître en Sorbonne examine, après Aristote, cette question

I

deux mondes semblables, con-

Peut-il exister

:

struits

autour de deux centres distincts? Bien qu'avec

sophe,

il

tienne pour la négative,

le

Philo-

examine quelques corollaires

il

de l'hypothèse affirmative.

En chacun de terre; ces

même à deux le

deux

ces

deux mondes semblables,

terres de

l'égard des centres des

terres aurait

centre

tendance à

du monde au

chacune de ces deux d'elles, si

I.

on

l'écartait

nature se comporteraient de

deux mondes; se

y aurait une

c

chacune de ces

mouvoir non seulement vers

sein duquel elle se trouve, mais aussi

vers le centre de l'autre

(Ed.

même

il

monde;»

terres

« il

n'en résulte pas que

tendrait vers

l'autre;

du centre du monde auquel

chacune

elle

Albcrti de Saxonia Quœstiones in libros de Cœlo et Mando; in librum vol \ (Ed. i5i8).

I

appar^

qua^stio XII

i/,(ja)

p.

DLllEM.

3


ÉTUDES SLR LEONARD DE VINCI

34

non

dirigerait vers ce centre et

se

tient,

qu'elle est plus

rapprochée de celui-là; mais

comme un morceau

en équilibre entre eux,

lui arrivait

s'il

deux centres,

d'être placée à égale distance des

parce

vers l'autre,

elle se tiendrait

de

fer

entre deux

aimants qui l'attireraient également». ayant lu ce passage, se pose d'autres questions

Léonard,

analogues à celle qu'a examinée Albert de Saxe. Le premier

problème qui

son attention

sollicite

^

concerne

le

mouvement

d'un grave qui parcourt la perpendiculaire menée à la ligne de jonction de deux centres par ((

Donnés

les

Vun de Vautre, vité soit

milieu de cette ligne.

le

deux mondes sans éléments,

centres de

donné un grave uniforme dont

et

également éloigné des deux

étant laissé tomber, quel sera son »

Il

longtemps

ira

dits centres,

le

centre de gra-

puis un

chacun des deux ligne de son

Léonard 2

mouvement.

chacun des

une égale distance de

au plus prochain lieu qu'ait

la

»

analogues se présentent à

l'esprit

de

:

Donné que

((

s'arrêtera à

il

dits centres,

D'autres questions

grave

mouvant avec un mouvement ayant

se

finalement,

et

tel

mouvement?

toute partie de sa longueur également distante de centres,

très éloignés

serait le contact

de deux corps terrestres avec

leurs éléments, quelle figure prendraient les éléments à leur

contact?

Donné un grave sphérique au contact de

»

l'élément

du feu

avec l'autre élément du feu, qui pèse autant vers l'un des centres

de

tels

éléments que vers

le

grave descendra obliquement

deux corps

terrestres...,

et

centre des autres éléments, ce

et se

posera sur

le

contact des

son mouvement sera oblique.

Léonard entend par ces derniers mots que

la trajectoire

»

de ce

grave, dirigée suivant une perpendiculaire à la ligne qui joint les

deux centres, ne sera verticale ni pour l'une ni pour

l'autre

des deux terres en contact.

Les problèmes

relatifs à l'action

fixes étaient destinés à I.

À.

simultanée de deux centres

solliciter les efforts des

Les Manuscrits de Léonard de Vinci, ms. F, fol. 83, verso. Les Manuscrits de Léonard de Vinci, loc. cit.

géomètres qui


35

ÀLBJikT DÉ SAXE ET LEOiNARt) DE Vl.NCÎ

ont suivi Newton.

A

l'époque où Léonard écrivait ses notes, de

problèmes, loin de pouvoir être résolus, ne pouvaient

tels

même

manière complètement déterminée. posait à lui-même des problèmes mieux

être posés d'une

Léonard

Parfois,

se

adaptés aux connaissances mathématiques qui avaient cours

de son temps

et,

dans ce cas,

en obtenait

il

de ce

la solution;

nombre est la recherche du centre de gravité du tétraèdre. La théorie de la pesanteur développée par Albert de Saxe faisait un constant appel à la considération du centre de gravité des solides; mais la recherche de

presque jamais

immortels

ouvrages,

Archimède

comment on peut déterminer

le

centres de gravité n'avait

Dans

des géomètres.

efforts

les

sollicité

tels

ses

seulement enseigné

avait

centre de pesanteur de figures

planes; assurément, ses recherches sur les corps flottants nous

montrent

qu'il connaissait le centre

de révolution, mais

nous a pas

le

de gravité du paraboloïde

procédé par lequel

été transmis.

il

l'avait

Pappus, tout en donnant

du centre de gravité pour des corps

obtenu ne

la définition

à trois dimensions, n'a

ensuite traité de ce point qu'en des figures planes. C'est seu-

lement au milieu du de

et

Commandin

siècle

xvi'^

que

les

travaux de Maurolycus

ont inauguré l'étude du centre de gravité

des solides. Or, Léonard de Vinci avait, d'un demi-siècle, précédé

rolycus note'

et

Commandin, comme en témoigne

son axe, vers

la

base; et

si

est

cette

intersection aboutira au susdit quart.

telle

dans

le

quart de

tu divises l'axe en 4 [parties] égales,

que tu entrecoupes deux des axes de

et

courte

:

Le centre de toute gravité pyramidale

«

cette

Mau-

pyramide, une

»

Quelle démonstration avait fourni à Léonard de Vinci ce

beau théorème, que Maurolycus devait retrouver seulement en

Nous en sommes réduits, sur ce point, aux conjecque nous suggèrent les figures jointes à l'énoncé. Léonard

i5/^8.^

tures

montrait sans doute que se

le

centre de gravité

trouver sur la ligne qui réunit

gravité de la base opposée; 1.

il'

du

solide devait

un sommet au centre de

reconnaissait alors que ce centre

Les Manuscrits de Léonard de Vinci, ms. F,

fol. 5i, recto.


ÉTUDES SUR LÉONARD

36

de gravité

était le

L>E

M.\C1

point de concours des quatre lignes analo-

gues issues des quatre sommets du tétraèdre Il

i.

douteux que ce problème de Géométrie ne

n'est pas

de Léonard à propos de

soit présenté à l'esprit

la théorie

pesanteur donnée par Albert de Saxe; nous avons vu, en

qu'au

moment

les relations

de

de discuter

la

la terre solide,

la

effet,

de son centre de gravité et de

la

un ensemble

remplacée par une pyramide.

pour développer certaines doctrines d'Albert de Saxe,

Ainsi,

Léonard aussi,

la terre était

de

doctrine de cet auteur touchant

sphère des eaux, Léonard de Vinci considérait ^ analogue, où

se

faisait parfois

il

usait

appel à son talent de géomètre; parfois,

observations

des

qu'avaient

accumulées

sa

curiosité de naturaliste et sa sagacité d'ingénieur.

Albert de Saxe avait nettement caractérisé ces deux sortes

de phénomènes géologiques

par

les

eaux

fluviales,

:

d'une part, l'érosion, produite

continents; d'autre part, des oscillations aller jusqu'à

immerger

mer du sol

qui entraîne à la

la

terre

des

qui peuvent

certains continents et à faire sortir de

l'Océan des terres nouvelles, longtemps couvertes d'eau.

Nous avons vu Léonard résumer avec netteté ces doctrines du vieux maître en Sorbonne; nous l'avons vu décrire les

phénomènes d'érosion en hydraulicien qui sement observés

;

les a

minutieu-

n'hésite pas devant les opinions les plus

il

audacieuses d'Albert de Saxe;

il

admet avec

lui

que

les terres

aujourd'hui habitables ont été jadis submergées.

A

l'appui de ces opinions géologiques empruntées à Albert

de Saxe, Léonard

d'établir à la fois les les

des preuves convaincantes,

capables

phénomènes d'érosion qui ont

constitué

cite

dépôts sous- marins et les soulèvements par lesquels ces

dépôts ont émergé de la surface des eaux; ces preuves sont fournies par les roches sédimentaires que l'on observe jusqu'au

sommet

des montagnes et par les fossiles que l'on y trouve.

Avec son inexactitude habituelle, Lihri (Histoire des Sciences mathématiques en t. III, p. fn i84o) dit « La figure qui accompagne sa note prouve que Léonard décomposait les pyramides en plans parallèles à la base, comme on le fait à présent. » Les deux Hgures qui accompagnent la note de Léonard n'olTrcnt aucune trace de cette décomposition; seules y sont tracées les médianes des bases et les lignes joignant les sommets aux points de concours de ces médianes. 2. Les Manuscrits de Léonard de Vinci, ms. F, fol. G 9, recto. 1.

Italie,

;

:


ALBERT DE SAXE ET LEONARD DE VINCI ((

Si les

monts

3;

n'étaient pas restés en grande partie décou-

^

verts par les eaux,

les

cours des fleuves n'auraient par pu

mer

porter autant de limon dans la être

'

qu'est celui qui vient à

mêlé à une grande hauteur aux animaux qu'elle a ren-

fermés.

Les

»

coquilles

que nombre de roches sédimentaires ren-

ferment en abondance ont dû,

de toute

antiquité,

attirer

hommes. Mais il fallut bien longtemps pour qu'on y vît la preuve des mouvements du sol par lesquels le fond des mers est devenu terre ferme. En ces simulacres des l'attention des

coquillages qui vivent encore aujourd'hui au sein des mers

on prétendait voir d'étranges dispositions

prises par les pierres

sous l'influence de certaines constellations. Léonard s'élève

avec force contre la puérilité de ((

Et

si

opinions

telles

:

tu veux dire que les coquilles sont produites par la

nature dans ces montagnes moyennant quelle

2

voie

montreras -tu

que

les constellations,

constellations

ces

par

font les

coquilles de diverses grandeurs et de divers âges et de diverses

espèces en »

Et

un même endroit?

comment m'expliqueras -tu

le

gravier

congelé par

degrés à diverses hauteurs des hauts monts, parce que

se

trouvent des graviers de diverses régions, apportés de divers

pays par

le

cours des fleuves en cet endroit? Le gravier n'est

pas autre chose que des morceaux de pierre qui ont perdu les angles par leur longue révolution, et par diverses percussions

chutes qu'ils ont eues au

et

les »

ont conduits en ce

Gomment

moyen

des courses des eaux qui

lieu.

prouveras -tu

le

grand nombre d'espèces

très

diverses de feuilles congelées dans les hautes pierres de tels

monts,

et l'algue,

coquilles et

herbe de mer, se trouvant à être mêlée aux

aux sables? Et

ainsi tu verras tputes sortes

choses pétrifiées ensemble, avec des écrevisses de lées et entremêlées de ces coquilles.

Pour

justifier plus

mer morce-

»

complètement

Les Manuscrits de Léonard de Vinci, ms. F, Les Manuscrits de Léonard de Vinci, ms. F, lages des montagnes.

de

l'origine qu'il attribue à

1.

fol. 78, "verso.

2.

fol.

80, verso.

En

titre:

Des coquil-


KTUDES SLR LEONARD DE VINCI

38

animaux, Léonard explique par quel

ces débris végétaux et

mécanisme

se sont

formées

l'on peut observer. Citons

montre observateur

se

((

Quand

la

les

de fossiles que

en entier ce fragment i, où Léonard

sagace et

exact

si

:

nature vient à la formation des pierres, elle pro-

duit une qualité

avec

si

les diverses sortes

d'humeur visqueuse

qui, en séchant, se fige

choses qui s'y enferment sans changer ces choses en

mais en

pierres,

les

conservant avec

elle les a trouvées. C'est

pour cela que

forme avec laquelle

la

sont trouvées

les feuilles

entières au dedans des pierres formées

au bas des montagnes,

mélange de diverses espèces que leur ont laissées inondations des fleuves nées au temps des automnes; là, avec

le

les les

fanges des inondations suivantes les recouvrirent, puis ces fanges s'agrégèrent avec la susdite

humeur

en couches de pierres par degrés, selon ((

Tous

les

animaux ayant

ont été couverts par leurs

les

»

poissons pétrifiés

en dedans de leur peau qui

fanges des eaux des fleuves sortis de

ordinaires ont été à la minute imprimés en ces fanges.

lits

Et avec

les

les os

changèrent

degrés de fange.

les

Des os des poissons qui se trouvent dans

et se

temps,

le

maux imprimés

et

les lits

des fleuves étant abaissés,

ces ani-

enfermés dans ces fanges qui ont consumé

leur chair et leurs organes, les os seuls leur restant, leur orga*

tombés au fond de

nisation étant décomposée, ces os sont

quand

concavité de leur empreinte. Et

la

la

fange, par son éléva-

tion au-dessus des eaux, s'est séchée de l'humidité aqueuse,

dans

celte concavité elle a pris l'humidité visqueuse, qui s'est

enfermant avec

faite pierre,

de soi tous

de

tels

les creux.

animaux,

porosités

de

la

conserve

la

En trouvant

même

qui s'y trouvait, remplissant la

concavité de l'empreinte

pénètre subtilement dans

elle

terre

s'échappe... Cette

elle ce

par lesquelles

l'air

Des animaux qui ont

les

os

colimaçons ou huîtres, capes,

trouvait

les

«

buoli

»

— Quand

Les Manuscrits de Léonard de Vinci, ms. F,

et là

»

au dehors, comme

qui sont d'espèces innombrables. I.

s'y

mêmes

humeur, séchant, se fait pierre légère forme que les animaux qui ont laissé

leur empreinte, et elle en renferme les os. «

qui

les

(9) et les

les coquillages,

de semblables,

inondations des

fol. 80, recto, 79,

verso, et 79, recto.


ALBERT DE SAXE ET LEON AU D DE VINCI

89

fleuves troublés de fine fange la déchargeaient sur les

animaux

qui habitaient sous les eaux voisines des rivages de la mer,

animaux restaient empreints de cette fange et se trouvant beaucoup sous un grand poids de cette fange, ils devaient nécessairement mourir, les animaux dont ils avaient l'habitude de se nourrir leur manquant. La mer s'abaissant avec le temps, ces

;

fange, les eaux salées écoulées, vint à se changer en

cette

pierre; et les coquilles de ces coquillages, dont les

animaux

avaient été consumés, se trouvaient, à la place de ceux-ci,

remplies de fange; ainsi, au milieu de la transformation en pierre de toute la fange environnante, la fange qui était restée à l'intérieur des têts des coquillages

un peu ouverts

s'étant

jointe, par cette ouverture de la coquille, à l'autre fange, vint,

à se convertir en pierre; et ainsi tous les têts de

aussi,

elle

ces coquillages restèrent entre les

deux

pierres, c'est-à-dire

entre celle qui les enfermait et celle qu'ils contenaient.

On en

trouve en beaucoup d'endroits, et presque tous les coquillages pétrifiés

dans

les

rochers des montagnes ont encore leur

naturel, surtout ceux qui avaient assez vieilli

soient

conservés par leur dureté; et

chaux en grande

réduits en

l'humeur visqueuse

En il

les

pour

têt

qu'ils se

jeunes, étant déjà

partie, avaient été

pénétrés par

et pétrifiable. »

écrivant ce fragment, Léonard créait la Paléontologie; et

l'avait écrit

scolastique

pour confirmer

du

les

théories

géologiques d'un

xiv** siècle.

Ce que Léonard de Vinci a opposé aux doctrines d'Albert de Saxe. Inventeur de génie lorsqu'il se propose de confirmer

compléter ni

moins il

les

et

de

enseignements d'Albert de Saxe, Léonard n'est

moins heureux, en certaines circonstances doctrines de son prédécesseur pour leur substi-

original, ni

rejette les

tuer des hypothèses nouvelles.


KTDDES SUR LEONARD DE VINCI

f^O

Souvent, en

effet,

il

vieux maître en Sorbonne,

du

à admettre les théories

refuse

se

son refus n'est pas toujours

et

exempt de rudesse. Les Pythagoriciens

parallèle entre les cinq polyèdres réguliers

un

à établir

sait,

Platoniciens se plaisaient, on le

et les

convexes qu'avaient découverts

les

géomètres

composé.

ces simples dont l'Univers matériel était

buaient

cube à

le

le tétraèdre

au

cinq essen-

et les

Ils

attri-

la terre, l'icosaèdre à l'eau, l'octaèdre à l'air,

dodécaèdre à

feu, enfin le

la

cinquième essence,

à celle dont le ciel est formé. Aristote, et Albert de Saxe après lui

montrent, en particulier, que

ils

construits au

parmi

réguliers;

cube

particules ayant la forme de polyèdres

peuvent paver

un réseau dont

autres

;

polyèdres réguliers, deux seulement,

les

et l'octaèdre,

répétition, les

moyen de

les

% rejettent ces doctrines éléments ne peuvent être

les

l'espace et

composer, par leur

aucun vide;

mailles ne laissent

réseaux

des

constitueraient

le

resteraient

des

espaces vides que la nature ne peut souffrir.

Ce raisonnement, fort sensé cependant, n'est pas du goût de Léonard. Il prend vivement à partie le docteur scolastique, fidèle interprète, «

De

la figure

en ce

cas,

de l'opinion d'Aristote

des éléments

2,

et

l'opinion de Platon, disant que l'un l'autre avec les figures

:

d'abord contre ceux qui nient si

ces éléments se revêtaient

que met Platon,

il

se produirait

du vide entre l'un et l'autre... De sorte que qui a dit qu'il s'engendre du vide a fait un triste discours. Des cinq corps réguliers^. — Contre quelques commenta))

teurs qui

blâment

grammaires

et

les

les

anciens inventeurs, de qui naquirent les

sciences,

et

inventeurs morts; et pourquoi

se font cavaliers

ils

contre les

n'ont pas trouvé à se faire

inventeurs à cause de leur paresse,

et

comment

ils

ne

s'oc-

cupent de tant de livres que pour continuellement reprendre leurs maîtres par de faux arguments.

Nous avons i .

cité

»

plus haut la réfutation, par Léonard, de

Alberli de Saxonia Quœstlones

in libros

de Cœlo et

Mando;

ol ultinia. •j.

3.

Les Manuscrits de Léonard de A inci, ins. F, Les Manuscrits de Léonard de Vinci, ms. F,

fol. 27, recto. fol. 27,

verso.

libri III qusestio XIII


ALBERT DE SAXE ET LÉONARD DE VINCI

4l

donnée de la tache lunaire point, comme celle qu'on vient de lire,

l'explication qu'Albertulius avait cette réfutation n'est

;

empreinte d'une vivacité qui va jusqu'à

pour garder une forme impersonnelle, nette. C'est qu'à l'explication se proposait d'en substituer

elle

une autre qui avait

elle consistait; selon

presque entièrement recouverte d'eau

vivement

reflétant

la

n'en est pas moins

donnée par Albertutius, Léonard

lumière du

ses préférences.

nous permettent de

Cette explication, quelques fragments

deviner en quoi

mais,

brutalité;

la

Léonard, cet

et

Lune

la

était

océan lunaire,

formait les parties

Soleil,

brillantes de l'astre des nuits; les taches obscures étaient des terres fermes.

un fragment

Voici

mais bien dans et qui,

^

qui ne se trouve pas dans

les feuillets

le

cahier F,

que Libri avait arrachés au cahier B

grâce aux efforts de M. Léopold Delisle, sont redevenus

propriété de

la

Bibliothèque nationale; or, bien des raisons

indiquent que ces feuillets sont postérieurs au cahier F

Prouve comment plus

«

Soleil, plus le Soleil te le Soleil agit

tu seras près de ta cause des rayons

paraitragrand réfléchi sur

par son éclat avec son centre

sance de tout son corps, s'éloignent, plus

il

est nécessaire

aillent s'ouvrant. S'il

ils

la

fortifié

que plus en

mer.

de

la

forme de ce

ce

rayons du

quand

serait

le

couchant, tu verras

Soleil est

au midi

et

le Soleil se réfléchir

Si

rayons

ses

est ainsi, toi qui

soleil porter sur la surface

Soleil réfléchi; et si tu es près

du

la puis-

une

es avec l'œil près de l'eau qui réfléchit le Soleil, tu vois

petite partie des

:

du

que

de l'eau

Soleil, la

très

comme

mer

est

au

de très grande forme

sur ladite mer, parce que étant plus près du Soleil, ton œil,

prenant

les

rayons près du point, en prend plus, ce dont

résulte plus l'éclat. la

Lune

est

un

Pour

cette cause,

monde, semblable au nôtre, que la partie est une mer qui réfléchit le Soleil et que

celle qui n'a pas d'éclat est les

une

terre,

o

eaux lunaires formaient une sphère

lisse, cette

I.

on pourrait prouver que

autre

qui en a de l'éclat

Si

il

sphère se comporterait

comme un

parfaitement

miroir convexe

;

Les Manuscrits de Léonard de A'inci. Ms. 2o38 (italien) de la Bibliothèque natio-

nale, fol. i6, verso.


ÉTUDES SUR LEONARD DE YlNCl

43

l'image

du

le reste

de

Soleil y formerait

comment

ainsi

très petite

tache brillante et

demeurerait sans éclat; on ne pourrait

la surface

comprendre

une

la

Lune

tout entière nous paraît

éclairée. ((

De

LaneK

la

Si

— Tu en

l'œil

qu'elle illumine environ la moitié de la boule,

bien

ne voit qu'une petite partie de sa surface

cela,

demeure

reste

même

polie,

pour

invisible, l'œil étant éloigné de la boule.

dense,

et

comme

si

elle

corps qui

sont les

était réflé-

»

On comprend, au

comme

les

rident la surface

;

lumière solaire

contraire,

que

Lune nous

la

paraisse

admet que les océans lunaires sont nôtres et que des vagues nombreuses en ces mers houleuses diffusent en tout sens

entièrement éclairée

«

ténèbres qui l'entourent;

arriverait à la surface de la Lune,

luisante

chissent.

agités

les

et tout le reste

n'y paraît que le simulacre de la lumière, et tout

il

Cela

la

sur une petite partie de sa

ténèbres avec une lumière placée loin

les

de cette surface réfléchit

le

et

verras la preuve en prenant une boule d'or

bruni placée dans d'elle;

simulacre du

est polie et sphérique, le

puissamment lumineux,

Soleil y est

surface.

elle

si

l'on

:

Des rayons solaires réfléchis ^ sur

font paraître le simulacre

du

soleil

la surface

être

de l'eau ondulée

constamment dans

toute l'eau qui est entre l'Univers et le Soleil. »

Léonard revient à plusieurs reprises 3 à Soleil lois

dans une eau houleuse.

de cette réflexion,

ment de

((

cherche à expliquer, par

les particularités

'i

qui a immédiatement

I.

3.

Les extrémités de

la

^.

l'éclaire-

trait

à

Lune sont plus illuminées

Les Manuscrits de

Léonard de Vinci, ms. F, Léonard de Vinci, ms, F, Les Manuscrits de Léonard de Vinci, ms. F, Les Manuscrits de

verso, fol.

les

cette

:

montreront plus lumineuses parce

a.

que présente

du

Lune.

un fragment

Voici théorie

la

Il

cette réflexion

verso et roclo. Les Manuscrits de Léonard de A inci,

qu'il n'y apparaît

et

se

que

les

fol. 98, recto,

fol. 38,

verso.

fol. Sg, recto, fol.

(î3,

nis. F, fol. 77, verso.

Or, verso, fol. Ga,


ALBERT DE SAXE ET LEONARD DE M\CI

sommets des ondes de

ses eaux; et les

43

profondeurs ombreuses

des vallées de telles ondes ne changent pas les espèces de ces parties lumineuses qui viennent des extrémités des l'œil.

ondes à

y>

Nous savons que

cette

explication de la clarté lunaire n'est

point celle qu'admet Albert de Saxe; selon lui», la Lune est

un

translucide analogue à l'albâtre. Mais de

solide

Léonard adopte une opinion qui il

n'est point celle d'Albertutius,

n'en résulte pas que sa propre opinion ne lui

suggérée parla lecture des Questions sur

germe de

ce que

pas été

ait

De cœlo. Que

le

cette

on en sera convaincu si l'on compare les divers fragments que nous venons de citer, avec ce passage, composé par le Maître en Sorbonne lecture ait été le

sa théorie,

:

y a doute au sujet du procédé par lequel la Lune

« 11

reçoit sa lumière

du

Soleil.

Il

y

à cet égard,

a,

plusieurs

opinions. »

Certains disent que la surface de la

Lune

est

parfaitement

lisse,

sans nulle aspérité, en sorte qu'elle réfléchit bien vers

nous

la

lumière du

sont réfléchies par cette réflexion

de

Soleil, tout

comme

un miroir bien bruni la

diverses couleurs

les

et

bien poli

;

lumière solaire à sa surface que

par

c'est la

Lune

nous paraît lumineuse. «

Mais cette opinion n'est pas recevable

lisse et

;

sans doute

bien poli réfléchit les rayons vers l'œil; mais cette

réflexion ne provient point de toute partie

miroir en est un exemple patent. Lorsque

du corps

ma

devant un miroir, chaque partie du miroir

lisse.

Le

figure se trouve

me

réfléchit

une

un rayon venant de ma figure mais n'importe partie du miroir ne renvoie pas à mon œil n'importe

espèce ou quelle

un corps

;

quel rayon

;

telle partie

me

renvoie

En

tel

rayon

autre

et telle

pour qu'une partie du miroir me renvoie un certain rayon, il faut que ce rayon qui, venu de ma figure, tombe sur le miroir et le rayon qui partie,

tels

parvient à

autres rayons.

mon

effet,

œil forment, à la surface du miroir, des angles

d'incidence et de réflexion égaux entre eux. Or, cela n'a point I.

tio

Alberti de Saxonia Qaœstiones in libros de Cœlo vel \X (Ed, i5i8).

XXII (Ed. 1492)

et

Mundo;

in

librum

II

quoes-


KTTIDES SUR Tj':0>l\RD DE YfNCl

t\t\

en toute partie du miroir... Si donc

lieu

du

vers nous la lumière

comme un

la

Lune

réfléchissait

Soleil de ladite manière, c'est-à-dire

Lune

miroir, sans doute la surface entière de la

pourrait bien nous offrir une faible clarté

mais nous ne per-

;

cevrions de clarté intense qu'en une petite partie,

que

telle

l'angle d'incidence soit égal à l'angle de réflexion vers notre œil.

Mais peut être fera-ton une objection à ce raisonnement.

»

lumière du Soleil frappe un mur, ce

Si la

éclairé en toute sa surface et

mur nous semble

non pas seulement au point qui

correspond à un angle de réflexion égal à l'angle d'incidence. Celte objection est sans valeur.

comme du

Il

corps de la Lune. Grâce aux rugosités de

une foule de

parties

notre œil; dès lors, paraît éclairée. Mais

la surface,

du mur peuvent réfléchir des rayons à une large étendue de la muraille nous

si la

un miroir ou comme

mur

n'en est point de ce

le

paroi était parfaitement lisse

corps de

Lune,

la

les

comme

rayons solaires,

en frappant ce mur, ne l'éclaireraient point vivement en toute sa surface,

mais seulement en un point où

venant du Soleil l'œil

et le

le

rayon incident

rayon que l'on supposerait réfléchi vers

donneraient des angles d'incidence

de réflexion égaux

et

entre eux. Gela se voit fort bien en une eau tranquille. Seule,

une

avec intensité si

de

petite partie

l'on

d'être

agite

la

de cette eau nous représente

la surface

lumière du Soleil ou d'un autre

quelque peu

parfaitement

lisse,

Mais

astre.

la

surface de cette eau, elle cesse

et

la

lumière du Soleil nous

est

renvoyée avec intensité par une région bien plus étendue de cette surface.

»

Voilà, bien reconnaissable déjà, le

sance

à la théorie

germe qui donnera

de Léonard.

Selon cette théorie, la Lune, avec océans, est donc la

Lune

est

pour

nais-

un corps semblable la Terre, la

ses

continents et

ses

à notre Terre; ce que

Terre doit

l'être

pour

la

Lune.

La pensée de Léonard de Vinci semble avoir été longuement préoccupée de ce parallélisme; de cette préoccupation, les notes consignées au cahier F nous apportent maint témoignage « I.

Prouve' comment

tu étais dans la

si

Les Manuscrits do [.('onard de

\

:

Lune ou dans une

inci, n»s. F, fol. ()3. recto.


ALIiERT DE SAXE ET EÉO.NARD DE VINCI

étoile

notre Terre

fait la

Lune.

te

/|5

que

paraîtrait faire, avec le Soleil, l'office

»

«La Lune

des jours et des nuits

a

I

comme

Terre; la

la

nuit dans la partie qui ne luit pas et le jour dans celle qui luit. Ici, la

nuit de la

de son eau.

Pour

Lune

voit la lumière de la Terre, c'est-à-dire

»

la Terre,

comme pour

la

réfléchissent surtout la lumière

Lune, ce sont

du

océans qui

les

Soleil, tandis

que

les conti-

nents demeurent plus sombres; l'hémisphère que nous habitons doit

donc

peu

éclairer fort

la

Lune;

il

l'éclairait

davantage à

em-

l'époque où, selon la théorie géologique que Léonard

prunte à Albert de Saxe, cet hémisphère ((

Comment

la

couvert d'eau

était

:

Terre ^ faisant office de Lune, a perdu beau-

coup de l'antique lumière dans notre hémisphère par sement des eaux,

comme

est

il

prouvé au

monde et des eaux. » La Lune n'éclaire pas seulement de dominatrice des humidités,

monde, sur toute chose

elle

la

l'abais-

livre quatre

Terre

;

:

Du

en sa qualité

exerce son influence, en ce

froide et

humide;

l'unanime

c'est

croyance des contemporains de Léonard. La Terre doit exercer

une influence semblable sur «

Mon

livre

3

les

fait,

moyennant

monde en manière de Lune, prouve.

«

Lune

((

L'eau est froide

froide et

n'est

et

le Soleil,

resplendir notre

aux plus éloignés paraît une

))

humide et

».

humide. Notre mer a sur

influence telle que celle de la

La Terre

:

pour objet de montrer comment l'Océan,

a

avec les autres mers,

étoile, et je le

humidités lunaires

donc

Lune sur nous

plus, dans l'Univers,

la

Lune une

».

un corps excep-

tionnel par sa nature, ses dimensions, son importance; est

analogue à

étoiles.

la

Lune

et aussi^

Léonard vient de

Les étoiles n'ont point de

le dire,

lumière propre;

elle

aux

toutes,

grâce aux eaux qui les recouvrent, elles réfléchissent vers nous la

lumière du

1.

a. 3.

Soleil.

Les Manuscrits de Léonard de Vinci, ms. F, fol. 6/j, verso, Les Manuscrits de Léonard de Vinci, ms. F, foL 69, verso. Les Manuscrits de Léonard de Vinci, ms. F, fol. 9/i, verso.


ÉTUDES SLR LEONARD DE VlNCl

46

Saxe qui a suggéré à

C'est encore la lecture d'Albert de

Léonard son opinion sur remarque' que

Moyen-Age

et six raisons militent

Les astres autres que

du

Soleil

Il

le

les étoiles

Lune, leur lumière du Soleil; Avicenne,

la

une lumière propre.

aient

opinion.

veut que toutes

attribuait à Aristote,

au contraire,

pas que

des Éléments^ apocryphe arabe que

le livre

comme

tiennent,

Non

stellaire.

bien fortement cette

affirmé

scolastique ait

le

lumière

la

te

Bref

«

en sa faveur, veut qu'elles

», ajoute-t-il, a

Soleil et la

Lune

cette question

tiennent-ils leur lumière

comme un problème

peut être regardée

:

neutre

;

les

Ton donne en faveur d'un parti sont aisées à réfuter comme celles que l'on donne en faveur de l'autre. Donc, par amour d'Aristote, prince des philosophes, je réfuterai les raisons que

six objections déjà faites contre l'opinion d'Aristote,

de l'opinion toutes

d' Avicenne,

soient planètes

ou

avec Aristote, j'admeltrai que

et,

autres que

étoiles,

les

en faveur

Soleil

le

et

la

Lune, qu'elles

lumière du

étoiles fixes, tirent leur

La réfutation donnée par Albert de Saxe

est

Soleil.

souvent

»

insuffi-

sante; Léonard s'emploie à la corroborer, et ses raisons sont

d'une saine Physique.

tirées

La première objection d'Avicenne termes

par

s'éloignent

Albertutius

du

Soleil, les étoiles devraient

comme

en forme de croissant,

marquerait surtout en Vénus

du

et

la

Lune;

prendre une figure

et cette

apparence se

en Mercure qui sont au-dessous

Soleil. »

Vénus lumière du

Voici la réponse d'Albert: telle

transparence que

astres et la

formulée en ces

Selon qu'elles s'approchent ou

«

:

était

Lune.

nard ^ ((

est

la

en imbibe toutes »

«

et

Mercure sont d'une

Soleil s'incorpore à ces

les parties^ ce

qui n'a pas lieu pour

Cette réponse laisse fort à désirer. Celle de Léo-

autrement satisfaisante

et

conforme à

la vérité

:

Pourquoi tout lumineux de figure longue à longue

tance parait-il rond?

en advient ce qui a

Il

n'est

lieu

dis-

jamais parfaitement rond, mais

pour

le

dé de plomb qui, battu

1. Albcrti de Saxonia Quxstiones in Ubros de Cœlo et Mutidn; in lihruiii \Xll(l':d. 149:0 vci XX (Ed. i5i8j. a. Les Manuscrits de Léonard de Vinci, ms. K, fol. 6^, rcclo.

II

il

et for-

quavslio


ALBERT DE SAXE ET LÉONARD DE VINCI

tement écrasé, à

se fait

47

de forme circulaire. Ainsi celte lumière

longue distance acquiert tant de largeur en tout sens que, ce

qui a été acquis étant égal,

pour rien relativement à

formément que

le

premier fonds de lumière compte

cet acquis, et

le fait paraître

pour cela l'acquis uni-

rond. Et ceci est bon pour prouver

cornes de toute étoile ne sont pas sensibles à longue

les

distance.

»

C'est encore par la transparence de

Vénus

qu'Albert de Saxe résolvait cette objection

Vénus

et

:

de Mercure

Supposons que

«

Mercure, qui sont moins élevés que

et

n'aient

le Soleil,

point de lumière propre, mais qu'ils tiennent leur lumière Soleil; lorsque

Vénus ou Mercure s'interposent entre notre

œil et le Soleil, la

Lune Mieux Si

devraient éclipser cet astre,

ils

qu'on ne voit pas.

et c'est ce

instruit des

Léonard

tius, ((

;

du

écrit

les étoiles

^

eff'ets

de

la

comme

fait

»

lumière que ne Test Albertu-

:

ont la lumière

da

Soleil

ou de

qu'elles ont la lumière de soi, alléguant

soi.

que

Ils

Vénus

disent

et

Mer-

cure n'avaient pas de lumière propre, quand ces étoiles

s'in-

terposent entre

notre

œil et le

Soleil,

si

elles

obscurciraient

autant de ce Soleil qu'elles en couvrent pour notre œil. Ceci est faux,

dans

le

comment l'ombreux,

parce qu'il est prouvé

lumineux,

couvert par les rayons laté-

est ceint et tout

raux du reste de ce lumineux,

démontre ton que quand

et

devient ainsi invisible. Ainsi

le Soleil est

vu par

a lieu

pour

les susdites

elles-mêmes sans

éclat,

la

ramification

rameaux n'ocpour nos yeux. La même chose

des plantes sans feuille à longue distance,

cupent aucune partie du Soleil

placé

les

planètes qui, bien qu'elles soient par

comme

n'occupent,

du Soleil pour notre œil. » Léonard continue en ces termes Ils disent que les étoiles dans

il

est dit,

aucune

partie

:

((

la nuit paraissent avoir

d'autant plus d'éclat qu'elles sont plus au-dessus de nous, et

que

si

elles n'avaient

la Terre,

pas de lumière propre, l'ombre que

qui s'interpose entre elles et

le Soleil,

fait

viendrait à les

obscurcir, ces étoiles ne voyant pas le corps solaire et n'en I.

Les Manuscrits de Léonard de Vinci, ms. F,

fol. 57, rcclo.


ÉTUDES SUR LÉONARD DE VINCI

48

étant pas vues. Mais ceux-ci n'ont pas considéré que l'ombre

pyramidale de

pour

la

Terre n'atteint pas beaucoup d'étoiles et que,

celles qu'elle atteint, la

occupe peu du corps de

pyramide

l'étoile;

reste

le

diminuée

est si

qu'elle

illuminé par

est

le Soleil. »

Ce passage était destiné à répondre à une objection d'Avicenne qu'Albert de Saxe formulait en ces termes » Par inter:

position de la Terre entre le Soleil d'une part, et Mars, Jupiter

ou Saturne d'autre

part,

il

devrait y avoir éclipse ou extinction

de Mars, de Jupiter ou de Saturne.

Tombre de situés au delà du

répondu que

déjà

jusqu'aux astres

«

A quoi

»

Albertutius avait

Terre ne s'étendait pas

la

Soleil.

»

Quelle est la grandeur de ces étoiles, qui sont semblables

de nature à

Terre

que par

éclairées Elles

la

et à la

Lune

comme

et qui,

elles,

ne sont

le Soleil?

nous semblent extrêmement

petites,

parce qu'elles sont

très éloignées

de nous; mais

que

Les plus grosses cependant sont d'une extrême

la Terre.

petitesse par rapport ((

la

presque semblable à

de beaucoup plus grosses

est

à conclure la

Lune,

que

»

Si lu les

fine aiguille,

et

prouveras

tu

et ainsi

un discours

d'étoiles, selon les auteurs.

regardes 3 les étoiles sans rayons

voyant par un

Terre est une

la

noblesse de notre Monde; et ainsi tu feras

grandeurs de beaucoup

en

en

aux dimensions de l'Univers.

Tout son discours^ a

étoile

il

»

(comme on

petit trou fait avec l'extrême pointe

placé jusqu'à toucher l'œil),

tu

des

le fait

d'une

verras ces

minimes qu'aucune chose ne puisse paraître moindre, et vraiment la longue distance leur donne raisonnable diminution, bien qu'il y en ait beaucoup qui soient un très grand nombre de fois plus grandes que l'étoile formée par étoiles

la

être

si

Terre avec l'eau. Pense maintenant ce que paraîtrait notre

étoile à

une

on mettrait

si

grande distance,

d'étoiles, et

étoiles qui sont

et

puis considère combien

en longueur

et

en largeur, entre ces

semées dans l'espace ténébreux,

I. Les Manuscrits de Léonard de Vinci, nns. F, fol. 56, recto. Ordre pour prouver que la Terre est une étoile. a. I.es Manuscrits de Léonard (}e Vinci, nis. F, fol. 5, recto.

n

Cf. fol.

35, verso:


ALBERT DE SAXE ET LÉONARD DE VINCI

Le globe ciel,

un

étoiles

buer à

terrestre est

u

donc une des innombrables

astre semblable à la

Lune

aux planètes,

et

Terre

la

un

lieu spécial et privilégié

qu'elle réside au centre

de l'antique hypothèse géocentrique

Comment

Terre

la

^

il

lors, attri-

dans l'Univers,

du Monde? C'en

serait sur la

Lune, autant

même

que

office

lui

et

elle est

Soleil, autant paraîtrait notre

:

ses

sont unis. Et pour qui

au-dessus de nous avec

le

Terre avec l'élément de l'eau,

fait la

Lune pour nous.

»

déchue de ce rang exceptionnel où

Si la Terre est

est

pas au milieu du cercle du

n'est

éléments, qui l'accompagnent

du

est des

au milieu du Monde, mais bien au milieu de

Soleil, ni

faisant le

étoiles

et

beaucoup plus importantes; comment, dès

comment supposer fait

49

la mettait

l'hypothèse géocentrique, quel astre doit prendre cette place

La réponse que Léonard eût faite à cette question ne saurait être douteuse pour nous; selon lui, l'astre central est

délaissée?

assurément

le Soleil

de cet Éloge du «

;

Soleil ^

n'est-ce point la conclusion qui découle ?

Les raisons de sa grandeur

quatrième

livre,

de sa vertu, je

et

les réserve

mais je m'étonne bien que Socrate

ait

au

blâmé

ce corps-là et qu'il ait dit qu'il était à la ressemblance d'une pierre ardente; et certes, qui le tira d'une telle erreur n'eut

guère

Mais je voudrais avoir des mots qui

tort.

me

servissent

blâmer ceux qui trouvent plus louable d'adorer les hommes que ce Soleil, car je ne vois pas dans l'Univers un corps de plus grande grandeur et vertu que celui-là, dont la lumière à

illumine tous les corps célestes qui se trouvent dans l'Univers.

âmes descendent de lui, parce que la chaleur qui est dans les animaux vivants vient des âmes. Il n'y a aucune autre chaleur ni lumière dans l'Univers, comme je le »

Toutes

les

montrerai dans adorer et

les

quatrième livre;

hommes pour

de semblables, ont

que quand il

le

fait

I.

une

même l'homme

paraîtrait semblable

3.

dieux,

à

et certes,

comme Jupiter,

très

DUHEM.

Saturne, Mars,

grande erreur, puisqu'on voit

serait aussi

grand que notre monde,

une minime

Les Manuscrits de Léonard de Vinci, ms. F, Les Manascrits de Léonard de Vinci, ms. F, p.

ceux qui ont voulu

étoile, laquelle paraît

fol. tii,

verso.

fol. 4, recto. A


ETUDES SUR LEONARD DE VlNCl

5o

un point dans

hommes

l'Univers, et qu'on voit encore ces

mortels, putrescibles et corruptibles dans leurs sépultures. Pareils accents

en l'honneur du

»

source de toute

Soleil,

lumière, de toute chaleur et de toute vie, se retrouvent dans les écrits

En

du plus ardent

i5o8, alors

méditations sur trois

années

(i

le

disciple de Copernic, de Kepler.

que Copernic commençait seulement

système du Monde, qui devaient durer vingt-

607-1 53o),

Léonard de Vinci

En nets

du Monde,

i5o8, également,

touchant

il

l'origine

était déjà

parvenu

déclarer que la Terre

à rejeter l'hypothèse géocentrique, à n'est ni au centre

ses

ni au centre

du

du

cercle

Soleil.

avait formulé les principes les plus

des fossiles;

et

ces

ne

principes

devaient être énoncés de nouveau que par Bernard Palissy,

dans des cours donnés à Paris en 1675. Certes,

Léonard a bien mérité

initiateur de la pensée

moderne

d'être

appelé'

a

grand

le

».

Mais lorsque Léonard analysait

si

exactement

les

divers

modes de formation des fossiles, il avait pour objet de prouver une thèse sur l'érosion et les mouvements du sol, thèse formulée par Albert de Saxe. Lorsqu'il chassait la Terre du centre du monde, il le faisait en vertu d'une théorie sur la tache qui paraît dans la

Lune;

pour

et cette théorie avait été construite

supplanter celle qu'Albert de Saxe avait donnée. Ainsi,

au

moment

riiême où

il

se faisait l'initiateur

de

pensée moderne, Léonard de Vinci demandait sa propre tiation

ini-

aux Commentaires sur Aristote qu'Albertutius avait

exposés au xiv"

siècle,

en sa chaire de

la

Sorbonne.

Peut-on souhaiter preuve plus saisissante de

la continuité

selon laquelle se développe la Science? Peut-on, par

ment plus convaincant, expliquer

la

un argu-

réfuter l'erreur de ceux qui pensent

genèse de nos connaissances sur

qu'ils font abstraction et

la

de ce

mouvement

le

Monde,

alors

intellectuel, intense

prolongé, que fut la Scolastique.^ I.

Félix Uavaisson,

Rapports sur

les

La Philosophie en France au XlX' progrès des Lettres et des Sciences, 1868).

siècle, p.

5

(Recueil de


II

LÉONARD DE VINCI ET

VILLALPAND



LÉONARD DE VINCI ET

VILLALPAND

Comment

se sont répandues les pensées

de Léonard de Vinci.

Lorsqu'en 1797, Venturi eut annoncé que Ton retrouvait, dans les manuscrits de Léonard de Vinci, quelques-unes des lois essentielles

de

la

Mécanique moderne,

sieurs géomètres dut se

la surprise

mêler d'un regret. Sur certains points,

grand peintre avait devancé Galilée d'un

le

pu, de son vivant, publier des poids qu'il préparait; cation, les

fragments

de plu-

du mouvement

le Traité

si,

qu'il

siècle.

du moins, laissait

avait

S'il

et le Traité

à défaut de cette publi-

avaient

pu

être

connus

aussitôt après sa mort, quelle impulsion aurait reçue la

Méca-

nique! Galilée, Simon Stevin, Descartes, eussent, au début de leurs travaux, trouvé cette science plus avancée d'un stade sur

chemin du progrès; par un effort égal à celui qu'ils ont donné, ils eussent pu la mener plus loin qu'ils ne l'ont réellement conduite tout le développement des sciences positives le

;

en eût

été hâté. Ainsi l'oubli, à

jamais déplorable, dans lequel

sont demeurées, pendant des siècles, les pensées de Léonard

principes de la Mécanique a imposé à la

de Vinci touchant

les

marche de

humain un irrémédiable

l'esprit

retard.

L'opinion que les pensées scientifiques, souvent des, de

si

profon-

Léonard sont demeurées absolument inconnues

qu'au jour

011

Venturi

les révéla; qu'elles

quent, influer à aucun degré sur

le

jus-

n'ont pu, par consé-

développement de nos

connaissances; que, dès lors, rhistorien des Sciences, soucieux

de

la

marche générale de

l'esprit

humain, n'a point à en

tenir


ETUDES SUU LEONARD DE VINCI

54

compte;

cette

opinion, dis -je, est presque

universellement

admise.

Eugène Mûntz exprime

Cette opinion est celle que M. ces termes «

^

en

:

La gloire de notre grand Léonard a

ceci de particulier

ne saurait porter ombrage à n'importe quel savant de

qu'elle

nos jours.

de ses manuscrits permet de reculer de

Si l'étude

deux, parfois

même

de trois ou quatre

de découvertes capitales, restent pas

moins

les

siècles, la date

de tant

droits de ses successeurs n'en

intacts. Je m'explique. Les

manuscrits du

Maître étant restés inédits jusqu'à ces dernières années, cha-

cune des seconde

lois qu'il a établies foise

Quelque

ou devinées a dû

être trouvée

pour

flatteuses qu'aient été

sa

ces confirmations spontanées, dont la plupart se

duites

si

longtemps après sa mort,

ne diminue en rien

aux mêmes

arrivés

sont pro-

;

ils

sont

résultats par des voies diff"érentes et n'ont

pas à compter avec

prendre date.

mémoire

l'antériorité de ses litres

mérite de ses successeurs

le

une

lui,

du moment où

il

avait négligé de

»

A rencontre

de cette opinion, M. E. Wohlwill a émis^, très

incidemment, l'hypothèse que

les

découvertes de Léonard de

Vinci avaient pu exercer quelque influence sur les recherches

poursuivies en Mécanique par Cardan et par Tartaglia.

L'étude approfondie des écrits sur la Mécanique qui furent

composés au

nous a conduit à énoncer une conclu-

xvi° siècle

sion toute semblable;

nous

il

a

semblé

3,

notamment, que

la

marque de Léonard de Vinci se retrouvait, très reconnaissable, en mainte proposition de Jérôme Cardan et de Jean- Baptiste Benedetti.

Nous nous proposons d'apporter aujourd'hui une preuve qui nous semble particulièrement nette de l'influence exercée par

Léonard de Vinci sur seurs 1.

2.

les théories

notre objet est de montrer

;

comment

les

ses succes-

théorèmes sur

Eugène Mûnlz, Léonard de

Vinci, l'artiste, le penseur, le savant, p. 3o6, Paris, 1899. E. Wolilwill, Die Entdeckung des Bcharrungsgeset:es {Zeilschrift fiir Vôlkerpsy-

chologie iind Sprachivisscnscliaft, 3.

mécaniques de

P.

Duhcm,

Questions scientifiques,

Jordanus

:

Band XIV,

Les Origines de 3* série,

Guido Ubaldo

et

t.

en note; i883). Jérôme Cardan (Revue des Chapitre X La réaction contre IV, octobre igoS). la

p. 380,

Statique. Chapitre III

Benedetti (ibid.,

3* série,

t.

:

:

VI, octobre 1904).


LÉONARD DE VINCI ET VILLALPAND le

55

centre de gravité, attribués par Mersenne à Villalpand, ont

été,

en

empruntés par Villalpand à Léonard de Vinci.

réalité,

marques auxquelles se peut reconnous semble bon d'examiner en peu de

Mais avant d'exposer naître cet

emprunt,

mots comment

il

les

les théories

de Léonard ont pu, en l'absence

de tout livre publié par ce grand sance des savants du xvi^

siècle.

Deux courants ont pu porter qui venaient après lui;

dans

la diffusion

venir à la connais-

artiste,

de Léonard à ceux

la tradition

ces courants prenaient source l'un

des manuscrits du grand peintre, l'autre dans

l'enseignement qu'il avait donné à son Académie de Milan.

Que les manuscrits de Léonard de Vinci aient du xvi** siècle, en butte à un véritable pillage', malheureusement trop certain; on connaît

la

été,

au cours

c'est

un

fait

négligence avec

laquelle s'acquittèrent de leur mission ceux qui avaient la

garde de ce précieux dépôt

:

a

Non seulement

rédigés par le grand peintre ont péri,

perdu aussi

la

plupart des livres où

il

»

dit Libri^,

la propriété

a

mais on a

écrivait ses notes.

sa mort, tous ses manuscrits, ses dessins et

devinrent

ouvrages

les

Après

ses instruments

de François Melzi, son élève, à qui

avait légués. Melzi, qui n'était

il

les

qu'un amateur, plaça ce pré-

cieux héritage dans la maison de Vaprio, près de Milan; ses

descendants n'en tinrent aucun compte, Gavardi, parent d'Aide cette famille,

collection,

le

un

certain Lelio

jeune, et précepteur dans

ayant remarqué qu'on laissait perdre cette belle

déroba

Toscane pour

Manuce

et

les

treize

de

ces manuscrits et les porta en

vendre au Grand- duc François

1"^;

mais ce

prince venait de mourir, et ils furent déposés à Pise, chez Alde^ qui les montra à son ami Mazenta. Celui-ci désapprouva forte-

ment

la

conduite de Gavardi, qui, honteux de sa mauvaise

action, le chargea de rapporter à Milan et de restituer ces

ma-

nuscrits aux Melzi. Horace, alors chef de cette famille, igno-

rant la valeur de ces treize volumes, en lui dit

fît

cadeau à Mazenta

et

qu'on avait oublié dans un coin de sa maison de Vaprio

1. Voir pour l'histoire de ces manuscrits, l'introduction mise par M. Charles Ravaisson-MoUien en tète du premier volume de sa belle publication Les Manuscrits de Léonard de Vinci, Paris, 1881, :

2.

Libri, Histoire des Sciences mathématiques en Italie,

t.

Ill,

p. 33, Paris, i8/jo.


ETUDES SUR LEONARD DE VINCI

56

beaucoup d'autres dessins

manuscrits de Léonard. Plusieurs

et

amateurs obtinrent ensuite

dessins, les instruments, les

les

préparations anatomiques, enfin tout ce qui restait du cabinet

de Léonard. Pompée Leoni, sculpteur au service de Philippe des

fut

mieux

partagés...

»

Les manuscrits qui

lui

II,

furent

donnés sont devenus, après maintes péripéties, le célèbre Codice Atiantico de la Bibliothèque Ambrosienne de Milan. Ainsi, dans le trésor

amassé par Léonard, chacun

fouillait à

sa guise et prenait ce qui lui plaisait. Les traités étaient rete-

nus par ceux qui y prenaient intérêt ou circulaient de main en

main jusqu'à

ce qu'ils fussent égarés; parfois,

un

lecteur plus

soigneux en prenait copie.

Nous savons par Luca

ment achevé dans

la

que Léonard avait complète-

Paciolii

rédaction de son Traité de

la peinture.

Vies des meilleurs peintres^ sculpteurs

ses

et

Yasari,

architectes,

raconte avoir vu ce traité autographe entre les mains d'un

Rome. Cette aujourd'hui perdue. Une grande

peintre milanais qui voulait le faire

rédaction

autographe

partie des minutes au

est

moyen

imprimer

à

desquelles Léonard en avait pré-

paré la rédaction ont été publiées de nos jours par M. Richter. Les nombreuses éditions du Traité de celles

la

peinture données avant

de M. Richter ont pour sources deux copies manuscrites.

La première de ces copies, conservée aujourd'hui à Rome, Bibliothèque Barberini, est xvii^ siècle,

par

le

celle

qui fut

à la

communiquée au

chevalier Del Pozzo, à Roland Fréart, sieur

de Ghambray; ce dernier en donna, en i65i, deux éditions, l'une en italien, l'autre en français, ornées de dessins de Poussin.

La seconde, propriété de

beaucoup plus complète; fois,

la

Bibliothèque Vaticane, est

elle fui

publiée pour la première

en 1817, par Manzi.

L'histoire

du

Traité de la peinture,

que nous venons de

retra-

sommairement, nous montre de quelle manière les idées de Léonard ont pu se répandre au xvi** siècle. Certains traités ont pu, comme celui de la peinture, parvenir plus ou moins intégralement jusqu'à nous; tel l'ouvrage intitulé Del

cer très

:

moto I.

e delta Luca

misura

deW

acqua, qui fut seulement

Pacioli, Divina proportione, fol.

i,

Venetiis, iSog.

imprimé en


LÉONARD DE VINCI ET VÏLLALPAND 1828, à Bologne. D'autres, livrés de

b']

bonne heure

à toutes les

déprédations, ont été perdus.

Léonard, par exemple, avait achevé de

perspective ;

Gellini,

s'était

et

rendu acquéreur de ce

que

celui-ci

en avait

rédaction d'un Traité

dans l'ouvrage

même

rence, en i568, sur le

la

qu'il

publia à Flo-

sujet, dit a plusieurs reprises qu'il traité, qu'il l'avait

prêté à Sarlio,

y a de mieux dans son

tiré ce qu'il

ouvrage.

Cardan, qui a

fait

tant d'emprunts à la Statique et à la

Dyna-

mique de Léonard, mentionne dans son De Subtilitate les recherches anatomiques du grand peintre. Biondo, dans V Éloge de la peinture, paru en i549, mentionne également le Traité d'anatomie

du peintre de

la

Joconde.

Ces divers témoignages, en nous marquant à quelles déprédations les écrits de Léonard furent en butte, nous montrent

avec quelle Il

est

purent être plagiés.

facilité ils

probable que

par un autre canal

;

les idées

de Léonard se répandirent aussi

nous voulons parler de

la tradition créée

par l'enseignement qu'il donnait à son Académie.

Nous ne savons presque rien de 1' « Accademia Leonardi Vinci » que le grand peintre avait fondée à Milan; son existence même a pu être révoquée en doute par M. Uzielli, sans que ce doute, cependant,

d'ailleurs, rencontrât créance. Et

justement M. Eug. Mûntzi,

serait

« il

comme

le dit fort

d'un intérêt capital de

connaître l'organisation de l'Académie de Milan, ne fût-ce que

pour savoir dans quelle mesure ont pu se répandre,

venues à

la

et si

découvertes de Léonard

plusieurs d'entre elles ne sont pas

connaissance de ses successeurs immédiats par

voie de tradition orale. à

les

»

D'autant qu'en général^

considérer les manuscrits de Léonard

ments de l'enseignement Milan.

qu'il

«

on s'accorde

comme

des

frag-

donna devant l'Académie de

»

comprendre comment une théorie de Mécanique, composée par Léonard, a pu être reproduite, sous un nom d'emprunt, vers la fin du Ces

quelques

considérations

font

xvi^ siècle. I.

Eug. Mûntz, Léonard de

Vinci, l'artiste, le penseur,

le

savant, p. aSo.


ÉTUDES SUR I^ÉONARD DE VINCI

58

II

La THEORIE DE l'ÉQUILIBRE DES MERS SELON ArISTOTE, Adraste et Théon de Smyrne, Si

nous voulons constater

très

exactement en quoi

de Léonard de Vinci a été plagiée,

nous

il

quer avec une entière précision ce qui, en en propre au grand

tenait

reconnaître à quelles sources

artiste il

;

la théorie

faut d'abord mar-

cette théorie, appar-

pour

cela,

nous faut

il

avait puisé.

Pour retrouver ces sources, il nous faut rétrograder dans le passé, il nous faut remonter jusqu'à Aristote.

Un ment

très loin

des plus remarquables chapitres du De Cœlo est assuré-

du deuxième

ce XIV® chapitre

prend de prouver

Parmi donnent

ses

la sphéricité

arguments,

la rotondité

de l'ombre de

la

cette observation

il

de la

le

le Stagirite entre-

la Terre.

y a des raisons a posteriori qui nous Terre comme un fait; telle la forme

Terre dans

que

de

livre,

les éclipses

de Lune

;

telle

voyageur, s'avançant du Nord au Sud,

voit certaines constellations s'abaisser et disparaître,

que d'autres, qui devant

lui.

lui étaient tout

tandis

d'abord inconnues, se lèvent

Cette observation peut

même

dimensions du globe terrestre

les

encore

et

servir à déterminer

Aristote en

donne une

évaluation qu'il tenait peut-être d'Eudoxei; cette détermination, à

coup

sûr, est fort erronée; elle n'en est pas

moins

la

plus ancienne qui soit parvenue à notre connaissance.

L'étude de la pesanteur fournit à Aristote

un nouvel argu-

ment a posteriori en faveur de la sphéricité de la Terre; Aristote admet que tous les graves tendent au même point, le centre du Monde; or la trajectoire de la chute des corps pesants, la verticale, variable

est toujours

en direction d'un point à l'autre de

normale

celle-ci a

donc

la Terre,

forme

à

sa surface;

la

pesanteur fournit à Aristote un argu-

la

sphérique.

La considération de I.

Cf. p.

Tannery, Recherches sur

l'histoire de

l'Astronomie ancienne (Mémoires de la

Société des Sciences pliysiques et naturelles de Bordeaux, 'y série,

t.

I,

p.

i

lo; iSgS).


LÉONARD DE VINCI ET VILLALPAND

ment d'un

un argument

autre ordre,

69

a priori, ce que l'on appe-

de son temps une preuve physique, ce que l'on appelle

lait

aujourd'hui une preuve mécanique; et cette preuve lui paraît

importante qu'il 11

((

faut,

la place

au premier rang.

dit Aristote, «

»

si

que

la

Terre

forme sphérique,

ait la

car chacune de ses parcelles est douée d'une gravité par laquelle

tend au centre du Monde; la moins lourde de deux par-

elle

poussée par

celles voisines,

la

tantôt en haut, tantôt en bas

mée

et finit

;

plus lourde, ne peut se mouvoir

de plus en plus compri-

elle est

par céder à celle qui

la presse

jusqu'à ce que, de

toutes parts, tout grave vienne vers le centre,

Sous une forme bien sommaire passage contient

et

bien vague encore, ce

germe d'une grande

le

développant à travers

les siècles

c'est à la

:

»

vérité qui

ira

pesanteur que

se la

Terre doit sa figure.

De

la

pesanteur de

qu'elle soit sphérique,

ferme, on ne saurait conclure

la terre

mais seulement qu'elle tend à l'être grâce ;

à leur solidité, ses diverses parties s'étayent les unes les autres

gênent en leurs mouvements.

et se

l'eau;

la fluidité

changement de

Il

n'en est pas de

même

de

de cet élément supprime tout obstacle au

figure;

dent au centre du

une eau dont

Monde ne

les diverses parties ten-

saurait être en équilibre

que

sa

une sphère concentrique à l'Univers. fort bien reconnu cette vérité; il a entrepris de

surface ne soit Aristote a

démontrer géométriquement eaux.

si

sphéricité de la surface des

Voici en quels termes, trop concis, le De Cœlo nous

rapporte ((

la

'

sa

démonstration

:

Que la surface de l'eau soit sphérique, cela Ton accepte cette hypothèse la nature de :

est

manifeste

l'eau

est

de

s'écouler vers les lieux les plus bas, et ce lieu est le plus bas

qui est

le

plus voisin du centre.

deux lignes a^

et ay;

joignons

du centre

diculaire ao

courte que l'on puisse sera

I.

donc

le

Aristote,

a

gy. Si

et

effet,

du centre

nous abaissons

a

menons

la

perpen-

sur la ligne ^v, cette ligne sera la plus

mener du

plus bas de la ligne

De Cœlo

En

Mando,

centre a à la ligne py. Le point |3y,

lib. II, cap. IV.

B

en sorte que l'eau coulera


ÉTUDES SUR LÉONARD DE AINCI

6o

de tout côté vers ce point, jusqu'à ce que sa surface toutes parts équidistante

Dans

du

centre...

soit

»

raisonnement d'Aristote

sa brièveté extrême, le

quelque peu obscur. Nous allons

de

est

retrouver sous une forme

le

plus nette dans l'œuvre d'Adraste.

Élève immédiat du Stagirite, Adraste vécut, pense-t-on, de

36o à 317 avant J.-G. Ses écrits sont entièrement perdus. Mais de son enseignement touchant la rotondité de

la Terre,

nous

trouvons une copie ou un résumé très étendu dans un ouvrage de Théon de Smyrne

connue que

;

ce dernier vécut à

^

une époque mal

l'on doit placer entre le règne de Tibère et celui

d'Antonin-le-Pieux.

Pour prouver développant

les

d'Aristote; ((

il

de

la sphéricité

la Terre,

quelques-uns des arguments

et les précisant,

reprend d'abord

La sphéricité de

la

Adraste reprend, en

arguments a

les

posteriori

:

Terre est démontrée par cette raison

que, de chaque partie de la Terre, notre regard embrasse la

moitié du Ciel, tandis que

nous

l'autre moitié,

cachée parla Terre, ne pouvant l'apercevoir... ((

le

jugeons

»

Et d'abord la Terre est sphéroïdale de l'Orient à l'Occident;

lever et le coucher des

ont lieu plus tôt pour

les

mêmes

astres le

prouvent bien;

encore, c'est une

même

éclipse de

un même espace de temps peuvent

sera vers l'Orient, plus vite

Il

Midi;

est »

on

effet,

;

elle se

le

montre

produit dans

pour tous ceux qui

des instants différents; plus on la

verra et plus tôt on en aura

partie... »

encore évident que

en

Lune;

assez court

la voir, elle paraîtra à

vu une plus grande

ils

habitants des régions orientales, plus

pour ceux des régions occidentales. Ce qui

tard

«

la

les

la

habitants

Terre est convexe du Nord au des

contrées

septentrionales

voient des étoiles que les méridionaux n'aperçoivent pas, et

inversement.

A

ces preuves, Adraste ajoute la raison

mécanique donnée

OEQNOÏ IMÏPNAlOr lIAAïtiNIKGÏ tîÔv xarà to [j.aO/][jLaTtxbv xp/)TiVwv el; nXocTwvo; àvâyvwTtv. T. -Théon de Smyrne, philosophe platonicien, Exposition des connaissances mathématiques utiles pour la lecture de Platon, traduite pour la première fois du grec en français par J. Dupuis; Paris, 1892. Troisième partie Astronomie. I.

TT,v

:

De

la

forme sphorique de

la

Terre, p. 198.


LÉONARD DE VINCI ET VILLALPAND

par Aristote; cette raison, termes

la précise et la

il

6l

développe en ces

:

D'ailleurs, tout corps pesant se portant naturellement vers

«

le centre, si

nous concevions que certaines parties de

fussent plus éloignées

du

centre,

il

Terre

la

faudrait nécessairement, à

cause de leur grandeur, que les petites parties qui les entourent fussent pressées, repoussées et éloignées du centre, jusqu'à ce que l'égalité de distance et de pression étant obtenue, tout

qui se soutiennent

même

comme deux poutres mutuellement ou comme deux athlètes de

en équilibre

soit constitué

et

en repos,

mutuellement embrassés.

force qui se tiennent

également éloignées du

différentes parties de la Terre sont

centre, »

En

il

que sa forme

faut

Si les

soit sphérique.

outre, puisque la chute des corps pesants se fait toujours

et

partout vers

et

qu'enfin chaque corps

le centre,

que tout converge vers

tombe verticalement,

le

même

point

c'est-à-dire qu'il

avec la surface de la Terre des angles égaux, on doit

fait

conclure que la surface de la Terre est sphérique.

».

Adraste, jusqu'ici, a paraphrasé, en les précisant quelque

peu, les preuves de

son maître Aristote. et

la sphéricité

Mais,

«

»

de

ajoute-t-il,

des eaux tranquilles est aussi

encore du Stagirite, ((

Souvent,

a

mer

meurée

que

On

qui faisait obstacle.

la

mer

s'inspirant

ou un vaisseau

haut d'un mât

les

convexité

»

cette preuve, bien insuffisante

mais de-

classique, de la sphéricité de la mer, le philosophe :

peut démontrer physiquement

la surface

rique.

et,

comme dominant la

péripatéticien poursuit en ces termes u

la terre

matelots grimpés au

Après avoir donné

»

de

pendant une navigation, alors que du

aperçoivent, étant plus élevés et

de la

la surface

justifier cette affirmation.

pont du navire on ne voit pas encore qui s'avance, des

«

ferme données par

sphérique

entreprend de

il

» dit-il,

la terre

et

mathématiquement

de toute eau tranquille doit être de forme sphé-

L'eau tend, en

effet,

toujours à couler des parties les

plus hautes vers les parties les plus creuses. Or, les parties

hautes sont celles qui sont

le

plus éloignées du centre de la

Terre, les parties creuses sont celles qui le sont le moins.

»


ÉTUDES SUR LEONARD DE VINCI

63

un

Adraste suppose, pour soit limitée

instant,

par une surface plane;

existerait sur cette surface a (S y

centre de la Terre le

y.

que

qu'une partie de

montre sans peine

il

un point

pied de la perpendiculaire abaissée du point

s'écoulera

donc des points

que

a, y,...

les

qu'il

du

g situé plus près

les autres points a, y,...

ce point p est, dès lors, plus bas

mer

la

7.

points

;

ce point

sur

plan

le

a, y,...

;

a

est

(3

ay

l'eau

vers le point g moins élevé,

jusqu'à ce que ce dernier point, entouré de nouvelle eau, soit aussi éloigné

du point

que de

y.

a et y. Pareillement, tous les

points de la surface de l'eau devront se trouver à égale distance

de

7. ;

donc

forme sphérique

l'eau offre la

l'eau et de la terre est sphérique.

Ce

premier

d'équilibre des

essai

mers

et la

masse entière de

»

mécanique pour déterminer

la

forme

suscita, dès l'Antiquité, d'autres tentatives

analogues. Archimède s'efforça, à son tour, de prouver que,

par

le fait

de

la

pesanteur, la surface des eaux tranquilles est

une sphère dont le centre est aussi celui du Monde. La démonstration d'Archimède semble plus savante que celle d'Aristote cependant une critique un peu sévère ne tarde et d'Adraste ;

pas à reconnaître

de

la

I

qu'elle

ne repose pas sur une exacte notion

pression hydrostatique. Mais nous n'insisterons pas

sur la démonstration d'Archimède, qui, jusqu'au

xvi''

siècle,

ici

ne

parait guère avoir attiré l'attention des physiciens.

Plus simple que

le

raisonnement du grand Syracusain,

gumentation d'Aristote

et

d'Adraste a

pu

ravir l'adhésion de

maint philosophe. Théon de Smyrne nous a conservé sition d'Adraste, et Pline l'Ancien, sous

précise, paraphrase 2 ce

une preuve de 1.

p.

2.

la subtilité

Duhem, Archimède

matica, 3 Folge, Bd. C. Plinii

rotunditatc.

même argument

I,

a-t-il

l'ar-

l'expo-

une forme assez imqu'il regarde

comme

géométrique des Grecs.

connu

le

paradoxe hydrostatique? (Bibliotheca mathe-

p. i5; 1900).

Secundi Historia

naturalisa liber II;

de antipodibus, an

sint, et

aquac


63

LÉONARD DE VJNCI ET VILLALPAND

i

III

La sphéricité de la terre et des mers selon Albert de Saxe.

comme Claude Ptocomme Sacro-Bosco, ne

Les astronomes de l'École d'Alexandrie, lémée, ou du Moyen-Age occidental,

paraissent point s'être attachés aux preuves mécaniques de la sphéricité de la Terre et des mers; au contraire, les philosophes

qui ont

commenté

De Cœlo d'Aristote y ont arrêté leur

le

attention.

Simplicius développe longuement ce qu'Aristote avait dit de

de

la figure

Terre;

la

corrige, d'après les déterminations

il

d'Eratosthène, les dimensions que le Stagirite avait attribuées à notre globe.

Il

expose, sous une forme claire

raisonnement par lequel

A

prouvée au De Cœlo.

la

sphérique des mers est

figure

cette preuve,

qui n'est point d'Aristote

penser que

la

:

«

et explicite, le

il

en ajoute une autre i,

Une observation nous conduit

à

sphérique; lorsque des

surface de l'eau est

tombent sur une surface polie, comme une feuille de roseau ou une feuille d'arbre, elles se pelotonnent sur elles-mêmes et^ lorsqu'elles ont pris la forme sphérique,

gouttes

elles

d'eau

demeurent en

équilibre... Si l'on remplit d'eau

un

calice

doucement dans cette eau des pièces de monnaie ou d'autres masses, on voit la surface du liquide prendre la forme sphérique et l'eau ne s'écoule qu'après qu'elle et si l'on

introduit

a surpassé la surface de la sphère.

»

Nous savons aujourd'hui combien fautives sont ces comparaisons qui confondent les phénomènes dus à la seule action de

la

pesanteur avec

n'était point

les

effets

de capillarité;

au Moyen-Age,

faite

et

la

distinction

plus d'un physicien se

pouvait prendre à ces analogies; Pline les avait invoquées

avant Simplicius,

Au

et

les

sujet de la figure de la Terre

bre des mers, saint I.

Sacro-Bosco

ad Rhenum,

comme au

Thomas d'Aquin

Simplicii Coinmentarias

teni, Trajecti

admit après

in

IV

se

p. i86.

sujet de l'équili-

borne à exposer

libros Aristotelis de Caelo

MDCCGLXV,

lui.

très

recensione Sim. Kara-


ÉTUDES SUR LÉONARD DE VINCI

64

fidèlement et très clairement la pensée d'Aristote.

Il

nous

faut

arriver jusqu'au xiv^ siècle et à l'enseignement d'Albert de Saxe

pour trouver quelque addition essentielle à

entière est-elle sphérique?

a

il

cette question

assurément sous

commentaire de Simplicius

d'Aristote et le

doctrine péripa-

nous occupent.

téticienne touchant les questions qui

Lorsque Albert de Saxe examine

la

;

les

i

:

La Terre

yeux

mais

il

le texte

consulte

Théon de Smyrne ou bien un exposé que ce texte a inspiré; une foule d'indices permettent de le reconnaître. Lisons, par exemple, dans les Questions du vieux maître aussi le texte de

nous y

scolastique, les preuves de la sphéricité de la Terre;

arguments d'Adraste,

retrouverons les

même où Théon de Smyrne nous «

les a

rangés dans Vordre

présentés

:

Première conclusion. La Terre n'est pas rigoureusement

sphérique

;

cela est évident, car elle présente

un grand nombre

de montagnes et de vallées. »

Seconde conclusion. La Terre est ronde de l'Orient à l'Occi-

On

dent.

le

prouve; en

effet, s'il

étoiles se lèveraient et se

mes qui habitent

mêmes pour les hom-

n'en était pas ainsi, les

coucheraient aussi tôt

vers l'Occident que pour ceux qui habitent

vers l'Orient... Or, cette conséquence est fausse; le jour et la

commencent plus

nuit

tôt

pour ceux qui habitent à l'Orient

que pour ceux qui habitent à l'Occident;

ment de

ce

souvent constaté, qu'une

fait,

Lune, aperçue par nuit, est

vue par

cela résulte

orientaux à

les

les

occidentaux à

éclipse de

troisième heure de la

la

la

même

évidem-

première ou à

la

seconde

heure, selon qu'ils habitent plus ou moins à l'Ouest des pre-

miers

;

et cela n'aurait

point lieu

de meilleure heure pour »

On

le

ment du Nord

1.

commençait pas

les orientaux.

De même, la Terre est ronde du Nord prouve; car si un voyageur s'avance suffisam-

vers le Sud,

il

voit le pôle s'élever sensiblement;

ne peut provenir que du renflement présenté par

entre le »

nuit ne

Troisième conclusion.

au Midi.

cela

si la

Nord

et le

En second

Terre

Sud.

lieu,

un voyageur

pourrait s'avancer du Nord

Albcrli de Saxonia Quœstiones in libros de Cœlo (Ed. 149a) vel XXV (Ed. i5i8).

XXVII

la

et

Mundo; iu iibrum

II

quocslio


LÉONARD DE VTNGI ET VlLLALPAND

Sud

vers le

ne

assez

pour voir certaines

étoiles qui, auparavant,

même

temps, certaines constel-

en

lui apparaissaient point;

yeux qui, auparavant,

lations se cachent à ses

Cela ne peut être qu'un

lui.

entre le

Nord

et le

65

se

montraient à

du renflement de

effet

la

Terre

Sud.

Quatrième conclusion. La Terre est ronde à ce point que,

»

par rapport h

la

sont petites et

comme

Terre entière,

élévations des

les

On

négligeables.

le

montagnes

prouve, en premier

parce que lorsque les graves tombent sur un sol qui n'est

lieu,

point celui d'une montagne ni d'une vallée,

ils

tombent

angles égaux [normalement]. Cela n'aurait point lieu

graves ne tendaient point au

de la Terre sont graves,

les parties

toutes au

même

même

il

comme

centre; et

à

les

si

toutes

en résulte qu'elles tendent

centre. Cela ne serait point

si la

Terre n'était

pas ronde ou ne tendait pas naturellement à la rondeur.

En second

»

lement vers

le

lieu, les parties

centre du

de

Monde;

la

Terre tendent toutes éga-

elles

descendent aux lieux

les

plus bas, à moins qu'elles ne se soutiennent l'une l'autre,

comme on

le voit

des montagnes; néanmoins, au cours des

temps, toute chose descendra et se précipitera vers

du Monde

;

il

semble que ce

soit là la

cause de

le

centre

la rotondité

de

la Terre.

on peut connaître que si la Terre était fluide comme de telle sorte que ses diverses parties ne se soutinssent

De

»

l'eau^

là^

point l'une l'autre, elle coulerait vers une rotondité uniforme et

une sphéricité

parfaite.

»

Jusqu'ici, Albert de Saxe n'a guère fait

que mettre en forme

scolastique les arguments qu'Adraste avait donnés en faveur

de

la sphéricité

de

forme de l'ombre de

ment Puis «

la

la

y joint l'argument tiré de la Terre dans les éclipses de Lune, argu-

Terre.

11

qu'Aristote avait produit, mais qu'Adraste avait négligé. il

Au

ajoute ce passage

:

sujet de cette conclusion,

déterminer par l'expérience

si

la

il

faut savoir

que l'on peut

Terre est ronde, du moins du

Sud au Nord. Qu'un observateur, partant d'un certain lieu, se déplace vers le Nord jusqu'à ce que le pôle lui semble plus élevé d'un degré qu'auparavant, p.

DUHEM.

et qu'il

mesure

le

chemin parcouru. 5


ÉTUDES SUR LÉONAtlD DE

^6

Gela

son point de départ

qu'il revienne à

fait,

de ce lieu,

VIlNCi

et

se dirige vers le Midi, jusqu'à ce

il

que, partant

que

pôle lui

le

moins élevé d'un degré qu'il n'était au lieu marqué comme point de départ; qu'il mesure de nouveau le chemin parcouru. Si ces deux chemins se trouvent être égaux, c'est un signe certain que la Terre est circulaire du Nord au Sud; si, au paraisse

contraire,

il

ne fussent point égaux, ce

se trouvait qu'ils

un signe que

la

serait

Terre n'est point ronde du Nord au Sud.

»

Les Anciens avaient trouvé dans la mesure de l'arc d'un degré le

moyen de déterminer

rique;

grandeur de

la

nous avons vu que

cette

la

Terre supposée sphé-

méthode

d'Aristote, qui la tenait peut-être d'Eudoxe;

déjà

était

connue

mais que

la

me-

sure d'un degré du méridien, répétée sous diverses latitudes,

pût servir à déterminer

la

forme

réelle

du globe^

c'est

une

idée qui ne paraît point s'être présentée à l'esprit des astrono-

mes de

l'Antiquité

venons de

citer

Le passage d'Albert de Saxe que nous

I.

montre que

nettement formulée.

la

Scolastique du xiv^ siècle l'avait

appartenait à

Il

la

science

du

i^yif siècle

d'en aborder la réalisation.

Albert de Saxe ne sphéricité

la

s'est

terrestre,

pas contenté d'exposer, au sujet de les

arguments d'Aristote

un point important;

d'Adraste, perfectionnés en

une

divers

il

et

y a joint

de corollaires curieux, d'allure paradoxale, destinés

série

sans doute à frapper l'esprit de ses disciples. Pour l'objet que

nous nous proposons, ces corollaires sont d'une importance

donc

particulière; citons-les ((

I"

De

ce

normales à

que

la

la

in extenso.

Terre est ronde,

il

résulte

que

les

lignes

surface de la Terre, lorsqu'on les prolonge vers le

centre, vont sans cesse en se rapprochant les unes des autres et

concourent au centre. » 2" Il

en résulte que

si

l'on

construisait

deux tours

verti-

cales, plus elles s'élèveraient et plus elles s'écarteraient l'une

de

l'autre; et plus elles seraient basses, plus elles seraient proches. » 3"

Si l'on creusait

un

puits au

fil

à

plomb, ce puits

serait

plus large au voisinage de l'orifice qu'au fond. I.

de

la

Cf.

Paul Tannery, Recherches sur V histoire de V Astronomie ancienne {Mémoires

Société des Sciences physiques et naturelles de Bordeaux, k' série,

t. I,

p. io4; iSgS).


LÉONARD DE VINCI ET VILLALPAND 4°

»

Toute ligne dont tous

du centre

points sont à égale distance

les

une ligne courbe; car

est

67

si elle était

droite, certains

de ses points seraient plus près du centre et d'autres plus

gnés ils

;

éloi-

ne seraient pas équidistanls du centre;

ses divers points

ne seraient pas aussi bas

les

uns que

autres.

les

Si

une

ligne droite touche la surface terrestre en son point milieu,

son point milieu

est plus voisin

ensuite;

il

il

descendrait, en

point qui est

le

du moment

oii

en

que durant

la

cherait sans cesse rait

durant

la

Terre que ses

si

effet,

tant qu'il se dirigerait vers le

plus voisin du centre de la Terre;

à partir effet,

la

un homme marchait suivant cette descendrait une partie du temps et monterait

extrémités, lien résulte que ligne droite,

du centre de

monterait

il

s'éloignerait de ce point;

il

est clair,

première partie du temps^

il

s'appro-

il

du centre de

seconde partie

;

la Terre, et qu'il s'en éloigne-

du centre de

or, s'approcher

la

Terre, c'est descendre et s'en éloigner, c'est monter. ))

On

peut conclure de

donnés, décrit un fort

qu'un mobile qui, entre deux termes

qui sans cesse monte ou descend peut

trajet

bien faire moins de chemin que

s'il

allait

de l'un de ces

termes à l'autre sans monter ni descendre. Gela se voit

ment en supposant que la

premier

le

trajet soit

Terre, tandis que le second serait la

a ce diamètre »

5"

claire-

un diamètre de

demi circonférence qui

pour corde.

Lorsqu'un

homme

se

promène

à la surface

de

la Terre,

meut plus vite que ses pieds; car la tête, qui est en l'air, décrit une plus grande circonférence que les pieds qui touchent le sol. On pourrait concevoir un homme si grand que sa

sa tête se

tête se

mouvrait en

l'air

deux

fois

plus vite que ses pieds sur

le sol. »

Ces corollaires de la sphéricité terrestre, bien capables de frapper l'imagination des

«

escholiers

de Sorbonne

pressaient au pied de la chaire de maître

qui se

Albert de Saxe,

devaient conduire Léonard de Vinci à découvrir

théorème de Mécanique.

»

un important


ÉTUDES SUR LÉOlSARD DE VlNCt

6S

IV

La sphéricité de la terre et des mers dans les écrits DE Léonard de Vinci. n'est pas impossible

Il

que Léonard de Vinci

Théon de Smyrne;

livre de

naturelle de Pline

médité

est

in

libros

connu

le

probable qu'il a lu ï Histoire

mais à coup sûr 2,

»;

Qaœstiones

les

il

ait

de Cœlo

il

profondément

a

Miindo

et

d'Albert

de Saxe.

Parmi peu qui

questions examinées par Albert de Saxe,

les

que

aient, autant

la théorie

de

la figure

des mers, sollicité l'attention de Léonard;

aisément;

grand

le

artiste

était,

en

de

cela

même

la

il

en

est

Terre

et

conçoit

se

temps,

le

plus

savant ingénieur hydraulicien de son époque; rien de ce qui

touche à l'équilibre pouvait

et

au mouvement des eaux naturelles ne

le laisser indifférent.

Dans ce cahier F où sont consignées au jour le jour les réflexions que lui a suggérées la lecture d'Albert de Saxe, il consacre tout un feuillet ^ à répéter, sous des formes variées,

l'argument d'Aristote rique des mers «

se

la

elle

preuve

ne

la

ici

si elle

elle est

et se

mouvant

»

sphère de Veau ne peut se mouvoir par

la

entourée d'eau d'égale hauteur qui V enfer me,

peut surpasser par aucun côté.

en marge.

Léonard dessine, en

»

autres points a et 6; puis

il

On en montre effet,

la

une circon-

marque un point c entre deux ajoute: « Soit c une quantité d'eau

férence de cercle sur laquelle

1.

ne descend pas,

suit qu'elle descend.

il

Aucune partie de

elle-même car

la figure sphé-

sphère de Veau est parfaitement ronde. L'eau ne

meut pas d'elle-même

((

en faveur de

:

Preuve que

d'elle-même,

et

et d'Adraste

il

Le Codtce af/an^ico renferme une liste des livres que possédait Léonard; on y un Pline (Cf. E. Mûnlz, Léonard de Vinci, l'artiste, le penseur, le savant,

voit figurer p. 282.) 2.

Voir notre précédente étude: Albert de Saxe

Italien, o.

t.

V, p.

i

et p.

It^i Maniiscriis

1

et

Léonard

13).

do Léonard de Vinci,

mi>. V, fol. 82, verso.

de

Vinci

(Bulletin


LÉONARD DE VINCI ET VILLALPAND

entourée

et

enfermée par l'eau ab; je dis par

passées que l'eau c ne se

mouvra

conclusions

les

pas, parce qu'elle ne trouve

du

cercle; puisque a et 6

pas de descente, selon

la définition

sont éloignés du centre

du Monde comme

immobile.

69

suit

c, il

que

c reste

»

Les passages que nous venons de citer rappellent surtout les considérations de Pline l'Ancien

;

ceux qui suivent ont une

plus grande analogie avec l'exposition

par Théon de Smyrne «

les ((

Donné un plan

«

:

d'eau, à la surface de la sphère de l'eau,

extrémités de ce plan s'en iront en son milieu.

Le grave sphérique, placé sur

est glacée,

mais

sphère de l'eau là où

Léonard.

par

preuve de

la sphéricité

raisonnement de Pline, fragment suivant

^

Tout élément

face sphérique.

d'abord

il

en

parfait,

ne

au milieu du plan.

»

sont fréquemment

ce feuillet

forme donnée à

la

des mers, celle qui paraît refléter

le

La

première

se retrouve, plus

développée dans

le

:

flexible et liquide a,

On

le

prouve avec

la

par nécessité, sa sursphère de l'eau, mais

faut poser quelques conceptions et conclusions.

Cette chose est plus haute, qui est plus éloignée

du Monde,

elle

»

s'en ira tout de suite

pensées esquissées

reprises

((

»

Le grave sphérique, placé à l'extrémité du plan

Les

((

la

ne changera pas de place.

s'arrêtera pas,

rapportée

d'Adraste,

et celle-là est

»

du centre

plus basse qui est plus voisine de ce

meut pas de soi si elle ne descend pas, et se mouvant, elle descend. Que ces quatre conceptions, placées deux à deux, me servent à prouver que l'eau qui ne se meut pas de soi a sa surface équidistante du centre du Monde (en ne parlant pas des gouttes ou autres petites quantités qui s'attirent centre. L'eau ne se

l'une

l'autre

comme

l'acier

sa

limaille,

mais des grandes

quantités). »

Je dis qu'aucune partie de la surface de l'eau ne se

soi-même,

si

elle

ne descend pas; donc

la

meut de

sphère de l'eau

n'ayant en aucune partie de surface à pouvoir descendre, est nécessaire I.

il

par la première conception qu'elle ne se meuve

Les Manuscrits de Léonard de Vinci, ms. F,

fol. 37, recto, et fol. 26,

verso.


ETUDES SUR LEONARD DE VINCI

-yO

pas d'elle-même. Et

si

tu considères bien toute

minime

parti-

cule de cette surface, tu la trouveras entourée d'autres parti-

du

cules semblables, qui sont à égales distances entre elles

centre

du Monde,

qu'entourent

et à cette

distance est celte particule la

troisième conception la

mouvra pas d'elle-même parce

qu'elle

entourée de bords d'égales hauteurs. Ainsi chaque cercle

est

de

donc, par

les autres;

particule de l'eau ne se

même

vase pour la particule que contient

telles particules se fait

ce cercle, vase qui a le circuit de ses bords de hauteur égale ainsi

est

cette

par rapport aux autres particules

particule

semblables qui composent Nécessairement,

;

la surface

de

sphère de

la

l'eau.

par elle-même sans mouvement;

elle sera

et,

par conséquent, chacune étant à égale hauleur du centre du

Monde, nécessité Ce qui

((

est dit

fait

de

que

cette surface est sphérique...

de l'eau qui confine avec

la surface

s'entend être dit de la surface de

l'air

qui confine avec

ments

fluides sont sphériques,

mon

l'air

le feu.

La vérité de ces sphères ayant donc prouvé que

«

»

»

.

les élé-

intention est de descen-

dre à la nature dans son universalité et dans les particularités

de chacun de ses éléments, d'abord

Ce

le feu,

n'est plus l'influence de Pline,

puis

mais

puis l'eau.

l'air,

celle d'Adraste et

»

de

Théon, perçue au travers des Questions d'Albert de Saxe, que

nous reconnaissons en ce passage^: Si la terre était sphérique,

«

verte par la sphère de l'eau. « Il

soit

aucune partie n'en

serait décou-

»

ne se trouvera pas de terre plane sur laquelle Teau ne

pas de figure convexe^ et réunie au milieu de cette surface

plane; et cette eau n'aura jamais de

mités de cette plaine.

Une

mouvement

vers les extré-

»

figure représente

un plan qui coupe une

partie de la

sphère terrestre; sur ce plan, une masse d'eau est posée, que

termine une calote sphérique concentrique à dessous de cette figure, Léonard écrit: est ((

mont Il

est

escarpé.

»

Puis

il

«

la Terre.

Ce qui paraît

plan

continue en ces termes:

impossible de trouver aucune partie plane sur

surface de n'importe quelle grande étendue d'eau. I.

ici

Au-

Les Manuscrits de Léonard de Vinci, ms. F,

fol.

5a, verso.

»

la


LÉONARD DE VINCI ET VILLALPAND ((

du fond de

Perpétuels sont les bas lieux

cimes des monts sont sphérique

le

contraire

il

;

que

suit

7I

la

mer,

et les

la terre se fera

couverte des eaux, et sera inhabitable.

et toute

»

Cette dernière phrase est textuellement traduite d'Albert de

Saxe.

De

la

pensée d'Albert de Saxe, d'autres traces bien nettes

reconnaissent dans les passages que nous venons de

Parmi ces

vestiges,

En démontrant que

l'eau, prise

il

en

se

citer.

est qui méritent d'être signalés.

selon les principes d'Aristote et jd'Adraste

en grandes masses, doit être terminée par une

marquer que cette argumentation ne rendrait pas compte de la forme des masses d'eau très petites, des gouttes de rosée, par exemple ce n'est surface sphérique, Léonard a eu soin de

;

pas la pesanteur qui explique la figure de ces gouttes, mais

une

attraction mutuelle de leurs diverses particules, semblable

que l'aimant exerce sur

à l'attraction limaille

le fer

ou

sur sa

« l'acier

».

En posant

cette distinction,

Léonard marquait

la frontière

où confinent deux branches de la Physique théorique L'Hy drostatique des liquides soumis à la seule action de la pesanteur et la théorie de la capillarité; ce n'est pas une de ses :

moins profondes

et

moins prophétiques divinations.

Cette distinction n'avait pas

manière aussi

claire;

et la figure d'équilibre

pour Sacro -Bosco,

vait la sphéricité

été

aperçue d'une

bon nombre de physiciens avaient

un intime rapprochement et

toujours

établi

entre la figure des gouttes de rosée

des mers; pour Pline, pour Simplicius la rotondité des gouttes

de rosée prou-

de l'Océan.

Pour Léonard, au contraire, la goutte de rosée est bonne seulement à fournir une image, une comparaison qui rendent sensibles aux yeux les considérations dont la sphère des eaux peut être «

Dans

l'objet.

la

goutte de rosée bien ronde % on peut considérer

beaucoup de cas

comment

elle

différents de l'office

contient en soi

le

corps de

tion de la sphéricité de sa surface. I.

delà sphère de la terre

l'eau;

sans destruc-

Que d'abord on prenne un

Les Manuscrits de Léonard de Vinci, ms. F,

fol. G2,

verso.


ÉTUDES SUR LÉONARD DE VINCI

-ya

cube de plomb de qu'avec un

on

très fin à lui joint,

fil

on verra que

goutte;

grandeur d'un grain de panic, puis

la

submerge dans

le

ne perd pas sa première

cette goutte

rondeur, bien qu'elle soit agrandie d'autant qu'est

enfermé dans

cette rosée.

cube

le

»

En distinguant nettement effets

cette

les

phénomènes

capillaires des

explicables par la pesanteur, tels que la forme sphérique

des mers, Léonard émettait une idée que la science

moderne

amplement développée; mais à la formation de cette idée, Albert de Saxe avait pris une part notable. Dans la dernière relatives au De Cœlo, Albertutius avait rangé des Questions au nombre des objections à réfuter cette proposition a En un corps homogène, le tout doit avoir la même figure que les parties; sinon, ce ne serait point un homogène; mais les para

^

:

ticules de l'eau

montrent

semblent tendre vers

la sphéricité,

gouttes de rosée ou de pluie

les

l'eau doit donc, elle aussi, être sphérique.

nous l'avons

dit, était

Albertutius,

termes dis

:

«

Au

que ce

tielle

»

admise par Simplicius

masse

sujet de la figure

totale de

et

par Sacro-Bosco.

répond en ces

sphérique des gouttes d'eau, je

une conséquence de

la

forme substan-

de l'eau; elle résulte plutôt de la fuite des contraires, car

le

sphérique

est celle

plus étroitement unies,

résister à

les diverses parties se trouoii

une cause de corruption

masse tend

elle à

elles

;

peuvent

le

aussi n'importe quelle

comme

la

en petite quantité;

I.

elle

les liquides,

le voit

Alberti de Saxonia, Quaestiones in libros de Cœlo

ultima.

le

ne convient pas seulement à

comme on

et

avec

le vif

Mundo;

soit

dureté ou la

pesanteur. Cette tendance se remarque surtout lorsque

mais à tous

mieux

prendre cette figure pourvu qu'elle n'en

pas empêchée par quelque autre cause,

est

le

Cette proposition,

à l'image d'Albert le Grand, y

n'est point

cette figure

vent

la

;

comme

corps l'eau,

argent.

libri 111,

»

quaestio


LÉONARD DE

VliNCI

ET VILLALPAISD

78

Le centre de gravité et l'équilibre dans les écrits DE Léonard de Vinci. Albert de Saxe n'avait pas seulement reproduit les argu-

ments d'Arislote

et

d'Adraste en faveur de la sphéricité de la

y avait joint certains corollaires, de forme paradoxale, tirés de cette proposition; ces corollaires, eux aussi, Terre;

il

avaient attiré l'attention de Léonard de Vinci; les réflexions

remplissent tout un feuillet

qu'ils lui avaient suggérées

de

'

ses notes.

L'homme

«

de Saxe,

écrit Albert

pieds.

qui chemine,

dit

Léonard, répétant ce qu'avait

va plus vite avec

qu'avec

la tête

qui,

cheminant, traverse tout un endroit

va penché, d'abord en avant, puis autant en arrière.

tours au

plomb,

à

fil

que

tant plus

les

les

»

si

deux tours seraient plus hautes. Léonard

retourne, en quelque sorte cette remarque; certain lieu de la Terre,

la

part et d'autre de ce lieu, à

verticale

il

mène, en un

de ce lieu;

conséquent, parallèles entre

une certaine distance, elles.

Il

tours devront forcément s'écrouler

si

textuellement

a

une

((

se

capitale

elles soient parallèles,

deux tours s'écrouleront Vune contre

deux

ces

par

deux

reproduisons-le

;

toujours avec

il

est

et

que

les

sans doute que

l'autre, si la construction

une égale hauteur pour

chacune

des

tours. »

Soient

[fig.

i]

les

deux

verticales des

continuant en continuelle droiture. Si I.

et,

:

espaces compris entre

continue

ima-

il

elles sont assez hautes.

Si l'on fait deux tours en continuelle droiture,

«

les

importance

montre que

de

puis,

gine qu'on élève deux tours parallèles à cette verticale

passage

plat,

Ton construisait deux couronnements s'écarteraient d'au-

Albert de Saxe avait remarqué que

Le

les

»

L'homme

«

«

»

Les Manuscrits de Léonard de Vinci, ms. F,

fol.

deux points B elles

83, recto.

et

G,

coupent une de


ETUDES SUR LEONARD DE VINCI

74 ces

G G

tours en

passent pas par

KLG

le

en B F,

que ces lignes ne centre de gravité de leur longueur; donc

et l'autre

il

suit

que son

G, partie de l'une, pèse plus

reste

G G D,

et

de

choses inégales, l'une l'emporte sur l'autre; de sorte que, par

grand poids de

nécessité, le plus

la tour entraînera toute la

tour opposée; et l'autre tour fera de

première.

même,

à l'inverse de la

»

Au-dessous du croquis que nous avons reproduit, Léonard trace

un

autre croquis, fort analogue, où les deux tours cylin-

driques sont remplacées par deux

mides

très élevées, et

il

écrit

:

«

Les axes

des deux pyramides étant parallèles,

sont de grande hauteur, elles l'une contre l'autre

pyra-

si

elles

tomberont

)>.

En cherchant à présenter sous une forme un peu différente une conclusion d'Albert de Saxe, Léonard a

fait

usage de ce théo-

rème que nul ne paraît avoir énoncé avant lui Pour qu'un corps pesant, reposant sur le sol, demeure en équilibre, il faut et il :

FlG.

suffit

ne

que

le

centre de gravité de ce corps

pas en dehors de sa base.

se projette

Ge théorème a une grande importance; les applications en sont innombrables; dans le fragment que nous avons cité, Léonard en a entrevu toute

en ce cas

fait

seulement un usage bien spécial;

la généralité

très particulier?

a-t-il

de la proposition qu'il a découverte

On

n'en saurait douter.

Léonard réclame sans cesse du peintre qu'il soit un esprit universel; il l'était lui-même au plus haut degré. Il était universel

non pas

à la façon

de ces gens qui juxtaposent une foule

de connaissances disparates entre lesquelles n'existe aucun lien; nul,

au contraire, n'a senti plus vivement à quel point

sont solidaires

les

unes des autres

les

diverses branches

du

savoir humain. Aussitôt qu'une vérité lui apparaissait en l'un

des domaines où s'exerçait son activité intellectuelle, vait le reflet de

cette vérité

qu'explorait son esprit.

il

aperce-

en chacun des autres domaines

En même temps

qu'il tire des Ques-


LÉONARD DE VINCI ET VILLA.LPAND

de Saxe des pensées propres au Traité de Veau

lions d'Albert

qu'il

a rintention d'écrire,

cahier de notes peinture

la

;

^

le

sur les feuillets de son

jette

il

brouillon de certains chapitres du Traité de

ou bien encore

oiseaux% sujet constant de démonstration de

la

ses méditations.

il

au peintre qui veut donner à il

Aussi, dès là que l'a

amené

en

tire aussitôt

des mers

la sphéricité

pose raisonnée; ou bien encore

du vol des

revient à l'étude

il

voir une propriété du centre de gravité, règles utiles

76

ses

à conce-

des

personnages une

en déduit l'explication des

diverses allures des oiseaux.

Nous avons déjà vu Léonard, commentant

les corollaires

d'Albert de Saxe, soucieux des applications que l'on en pouvait faire à la station de

traverse tout

un endroit

puis autant en arrière. portée de ce théorème être

:

plat,

Mais

»

:

«

L'homme

qui,

cheminant,

va penché, d'abord en avant, si

l'on veut connaître toute la

un grave reposant sur

ne peut

le sol

en équilibre lorsque son centre de gravité se projette en

dehors de sa base; diverses

les

l'homme

abandonner

si

l'on désire savoir

article,

A

et

des

il

explique

animaux,

feuilleter le

et

est postérieur

cahier que Venturi a

au cahier F. Dans un prochain

nous aurons occasion d'examiner

les

essais de Léo-

nard de Vinci pour expliquer l'origine des sources le

verrons,

faut

il

cahier F, que nous avons presque exclusive-

le

ment étudié jusqu'ici, marqué de la lettre A. Le cahier

l'homme

postures de

comment

au

cahier

F,

cahier A, reconnaître que

proposer une théorie, cette

;

nous

puis,

au

théorie est erronée et doit

être rejetée. Il

n'est

guère de question traitée au cahier F à laquelle Léo-

nard ne revienne dans

les

notes qui composent le cahier A.

En

particulier, la théorie de la figure de la Terre et de la conver-

gence des verticales, sur laquelle

les

Qaœstiones d'Albert de

Saxe ont appelé l'attention du grand peintre, sont l'objet de

maintes réflexions dans

le

nouveau manuscrit.

i. Comparez, par exemple, le ms. F, fol. i, verso, et le chapitre de la peinture (édition de i65i). 2. Les Manuscrits de Léonard de Vinci, ms. F, fol. 53, verso.

XXIV du

Traité


ÉTUDES SUR LÉONARD DE VINCI

76

En

voici

une

qui est presque la traduction littérale de l'une

^

des conclusions d'Albertutius Si tu fais

((

des

une tour de 4oo brasses

et

mera un commencement de pyramide. Léonard pense,

que tu

la

plombes avec

plus étroite du pied que de la

elle te sera

fils,

:

tête, et for-

»

mesurer

d'ailleurs, qu'il serait possible de

celte différence d'écart entre

deux verticales au sommet

et à la

base d^une tour et d'en déduire la longueur du rayon terrestre.

En même temps que pensées sur l'eau,

il

la

ne cesse d'amasser des documents pour

tions de

A

propriétés

de

la

retrouveront dans ce Traité. l'on

Il

y trouve maint fragment

du centre de gravité servent

à

expliquer

postures et les allures des êtres animés.

les

nombre trouve sur un

De se

perspective qui se

le Traité

un grand nombre de proposi-

contient

donc point étonnant que

les

de Léonard est occupé de ces

Géodésie, par lesquelles s'ébauche son Traité de

peinture; le cahier

n'est

l'esprit

ce

est le

fragment suivant ^

«

:

Toute chose qui

sol plan et parfait de telle sorte

que son pôle

[point d'appui] ne se trouve pas entre des parties d'égal poids,

ne s'arrêtera jamais

;

un exemple

s'en voit

dans ceux qui

sent sur la glace et qui ne s'arrêtent jamais,

deviennent pas équidistantes à leur centre.

si les

glis-

parties

ne

»

nombre encore sont ces remarques 3, dont la première répond à un problème examiné déjà par Aristote dans ses QuesDe

mécaniques

tions

:

Celui qui est assis ne peut pas se lever de son siège

«

tie

ce

si la

par-

qui est en avant du pôle [point d'appui] ne pèse pas plus que

celle qui est ((

en arrière de ce pôle, sans se servir de ses bras.

Celui qui

monte en un

lieu

»

quelconque doit donner une

plus grande partie de son poids en avant de son pied

le

plus

du pôle qu'en arrière du pôle; donc l'homme donnera toujours une plus grande partie de son poids du côté vers lequel il désire se mouvoir élevé qu'en arrière, c'est à-dire en avant

qu'en aucun autre 1.

lieu.

»

Les Manuscrits de Léonard de Vinci, ms. verso.

A de

la

Bibliothèque de Tlnstilut,

fol. 20, 2.

3.

Les Manuscrits de Léonard de Vinci, ms. A, Les Manuscrits de Léonard de Vinci, ms. A,

fol. ai, verso. fol. 28,

verso.


LÉONARD DE VINCI ET VILLALPAND ((

77

Celui qui court penche plus vers le lieu où

il

court et

il

donne plus de son poids en avant de son pôle qu'en arrière, de sorte que celui qui court en montant le fait sur les pointes des pieds, et celui qui court en plaine va d'abord sur les talons et

puis sur la pointe des pieds. ((

)>

Celui-ci ne portera pas son poids,

au poids de devant en toujours

le

pied qui pose se trouve au milieu du poids.

figureront au Traité de «

la

figure pose sur

poids placé au-dessus...

trouve, dans

il

un

pied, ce pied se fait centre

posture des êtres animés, on les

la

sommaire

Pour

jet.

L'homme

centre de la

de l'homme

que l'on consulte

ment

qui chemine aura

jambe qui pose ^

de

\e Traité

le

imparfaite

la peinture.

cette

Là, se

proposition

2

centre de sa pesanteur sur

à terre

>)

en sorte que

;

«

:

le

poids

le

qui se tient planté sur une de ses jambes seule-

sera tousjours esgalement partagé aux

perpendiculaire ou ligne centrale qui ((

et

voir plus parfaites et plus dévelop-

les

rencontrent de multiples variantes de ((

du

cahier A, à côté de notes qui reflètent l'influence

le

suffit

chapitres qui

peinture; nous y voyons que lors-

d'Albert de Saxe. Elles y ont la forme

du premier

un des

^

»

».

Ces considérations sur

pées,

pas équilibre

fait

en arrière, de façon que

se renversant

Et Léonard poursuit en ébauchant

qu'une

ne

s'il

Tousjours

qui soustient

la figure

^

le

deux costez de

soustient

le

la

».

poids sur soy et sur

masse de son corps, doit jeter autant du poids naturel ou accidentel de l'autre côté opposite, qu'il en de

la ligne centrale

la

faudra pour parfaire la ligne centrale

centre

^

le

balancement du poids égal autour de

qui part

de pesanteur de

du centre de

l'homme] qui porte

laquelle passe au travers de la

sur cette partie

la partie

la

du pied [du charge,

masse entière du poids,

du pied qui pose à

terre

c.

On

et

et

tombe

void ordinaire-

Les Manuscrits de Léonard de Vinci, ms A, fol. 28, verso, et fol. 2g, recto. Traité de la peinture de Léonard de Vinci, donné au public et traduit de l'italien en françois par R. F. S. D. C. [Roland Fréart, sieur de Chambrayj; à Paris, de l'imprimerie de Jacques Langlois, MDCLI. Gh. CCII, p. 66. 3. Traité de la peinture de Léonard de Vinci, ch. CGI, p. 66. 1.

2.

4.

Traité de la peinture de

5.

Lig-ne centrale

G.

La

entre

[].

plirase de

Léonard de Vinci,

ch.

= ligne qui va au centre de

Léonard contient un

CGVI,

p. 68.

Terre, verticale. lapsus évident; nous avons rétabli la

le

sens


ÉTUDES SUR LÉONARD DE

-yS

ment qu'un homme qui

VllNGI

un fardeau avec un

lève

des bras

estend naturellement au delà de soy son autre bras, et

ne

suffit

pas à faire contrepoids,

poids en courbant

si

y met encore de son propre

il

corps autant qu'il faut pour estre bastant

le

dont

à soutenir le fardeau

il

est

chargé; on void encore que

celuy qui s'en va tomber à la renverse estend tousjours

de ses bras,

remarquer que

I

ici

porte vers la partie opposite.

et le

plus que

le

poids du corps de

le

centre de la pesanteur est

l'axe qui le soustient.

On

»

faut

l'homme tire d'autant esloigné du centre de

pourrait multiplier ces citations; elles nous montreraient la situation

de gravité du corps occupe par rapport à

Nous avons

dit

que

ornent cette copie,

et

la

que

base qui

le

supporte.

qui sont, sans doute, de grossières imita-

en des postures variées

montrant que

le

;

toujours,

une ligne

humaines

^verticale les tra-

centre de gravité se projette à l'inté-

par laquelle l'homme repose sur

la surface

centre

peinture; les croquis qui

la

tions des dessins de Léonard, représentent des figures

de

le

Bibliothèque Yaticane possédait une

la

copie fort complète du Traité de

rieur

a II

Tun

»

Léonard constamment préoccupé de

verse,

cela

le

sol.

Cette ligne verticale a été conservée en quelques-uns des des-

que Nicolas Poussin exécuta pour

shis

l'édition française

l'édition italienne

données en i65i.

En même temps que Léonard cherche propriétés mécaniques

tudes du corps humain,

«

en font

foi, et

Du mouvement

à expliquer par les

du centre de gravité il

les diverses atti-

n'omet point d'user de ces propriétés

en l'analyse du vol des oiseaux crits

et

;

maints passages de ses manus-

aussi ce chapitre 2

des animaux

et

du

Traité de la peinture

:

de leur course. La figure

qui se montrera plus viste en sa course, sera celle qui tom-

bera d'avantage sur

le

devant. Le corps qui se

aura d'autant plus de vistesse que

le

sera esloigné de son centre de soustien

lement pour

le

mouvement

meut soy-mesme

centre de sa pesanteur ;

cecy est dit principa-

des oyseaux, lesquels sans aucun

battement d'aisles ou sans estre aidez du vent, se remuent I.

Traité de la peinture de

a.

Traité de la peinture de

Léonard de Vinci, ch. GCVII, p. 68. Léonard de Vinci, ch. GCCXlX, p. 9g.


LÉONARD DE VlNGl ET VILLALPAND

d'eux mesmes,

quand

et cela arrive

le

centre de leur pesan-

du centre de leur soustien,

teur est hors

79

c'est à dire

centre de l'estenduë de leurs aisles, parce que

hors du

le

si

milieu

des deux aisles est plus en avant ou plus en arrière que le

milieu ou

oyseau

le

centre de pesanteur de tout l'oyseau, alors cet

son mouvement en haut

portera

et

en bas, mais

d'autant plus ou moins en haut qu'en bas, que le centre de sa

pesanteur sera plus loin ou plus près du milieu des

que

c'est-à-dire

centre de la pesanteur estant esloigné du

le

milieu des aisles, oblique, et

aisles,

que

fait

il

descente de l'oyseau est fort

la

ce centre est voisin des aisles, la descente de

si

l'oyseau aura peu d'obliquité.

»

Lors donc qu'un corps repose en équilibre sur

son

le sol,

centre de gravité se projette à l'intérieur de la surface qui le

Dans

soutient.

le

cahier de notes de Léonard que désigne la

nous avons vu

lettre F,

cet

important théorème de Mécanique

naître d'une conclusion de maître Albert de Saxe; dans le Traité

de

la peinture,

tirer

nous trouvons

les

conséquences que

de cette proposition. Entre

l'artiste

peut

principe à peine ébauché,

le

qui n'a point encore reçu son énoncé général, et les corollaires

qui

éloignés,

sont affirmés

manque visiblement un Que

ce

chaînon

un

esquissé

Traité

ait

quant

i

Au

cette proposition

son mouvement»,

local

gravité,

Léonard

local,

ait

est perdu.

rédigé ou

exposé systématique gravité,

il

nous

que

«

est

c'est-à-dire

tout grave pèse par la ligne de

parla verticale issue de son «

cela se

prouve par

la

g"

du

».

local,

se trouvaient sans

doute

dynamiques du centre de aujourd'hui inconnu; qu'il ait été connu et

les propriétés statiques et

nous

est

exploité au xvi^ siècle, cela semble bien probable, car

nous

allons en trouver la trace fort reconnaissable dans les écrits P. Jean-Baptiste Villalpand. X.

il

Traité de la peinture, Léonard, invo-

Ce Traité du mouvement exposées

un chaînon

du centre de

centre de gravité, déclare que

mouvement

que

existé,

da moavemenl

d'en douter.

aucune démonstration,

intermédiaire;

des propriétés mécaniques difficile

sans

Traité de la peinture de

Léonard de Vinci, ch. CXGVI,

p. 64.

du


ÉTUDES SUR LÉONARD DE

8o

VllNCI

VI Les théorèmes de Jean-Baptiste Villalpand. Jean-Baptiste Villalpand, né à Gordoue en i552, entra dans la Société

de Jésus, où

il

né lui-même en i547, à Bacca. Philippe P.

II

Prado de composer un commentaire de

ayant demandé au la vision d'Ezéchiel,

Prado associa son élève à cet ouvrage auquel

le P.

donner

les

plus vastes proportions

tout d'abord, chargé P.

Jérôme Prado,

eut pour maître le P.

Prado mourut à

inachevé; son élève

que de

Rome le

i.

il

voulait

Le P. Villalpand

n'était,

la partie

archéologique; mais

le

en iSgD, laissant son commentaire

continua

volumes Villalpand mourut

à

et

composa

Rome

seul le troisième

en 1608, sans

avoir

terminé cette gigantesque explication d'Ezéchiel.

Au

archéologiques sur Jérusalem et

cours des études

le

Temple, Villalpand s'attache à réfuter une singulière erreur. Certains commentateurs avaient prétendu ceci

:

La Judée

est

montagneux que la surface du sol y est quatre fois plus considérable qu'en un pays de plaine que délimiteraient les mêmes frontières. Pour prouver l'absurdité, ou mieux

un pays

si

l'inutilité

d'une

telle

démontrer qu'un

sol

supposition,

Villalpand entreprend de

montueux ne peut

porter ni plus d'hom-

mes, ni plus d'animaux, ni plus d'édifices, ni plus d'arbres

qu'une plaine de

même

contour.

La démonstration cherchée

se doit tirer des propriétés stati-

ques du centre de gravité.

Pour définir ce point, pour en marquer les caractères, Villalpand recourt aux auteurs anciens et modernes il cite Aristote, ;

de

Gomman-

paraît d'ailleurs l'avoir presque textuellement

emprunté

Pappus diU;, il

et

Gommandin

;

ce qu'il dit de

Hicronymi Pradi

Pappus

et

et Joannis Baptistoc Villalpaiidi c Societate Jcsu in E^echielem apparalus Ufbis ac Templi Hierosolymitani, commentariis et imaginibus illusLralus. Opus tribus tomis dislinctum. Roma;, MDXCVI-MDCIIII. 2. Tomi III, Apparalus Urbis ac Templi Ilierosolymitani Parles 1 et II, JoannisBaplislic Villalpandi Cordubensis e Socictale Jesu, collaio studio cum II. Prado 1.

explanalioncs

et

ex eadem Societate* llomic, MDGIIII.


LÉONARD DE VINCI ET VILLALPAND

8l

Guidobaldo del Monter. Mais lorsqu'il arrive aux divers

à

théorèmes qui justifieront sa thèse, Ces théorèmes cependant, à qui Villalpand les

il

ne

cite

n'est point malaisé de deviner

il

emprunte; leur ressemblance

fragments que nous avons relevés dans

les

de Léonard de Vinci ou encore dans

scrits

ture, qu'il

nous

les faut,

la

avec

est telle

manu-

les cahiers

le Traité

de

la

pein-

de toute nécessité, attribuer à Léonard.

Le chapitre où Villalpand donne certainement

plus aucun auteur.

la suite

de ces théorèmes est

reproduction, plus ou moins remaniée, d'un

petit traité rédigé

par

le

grand peintre ou par quelqu'un de

ceux qui fréquentaient l'Académie de Vinci. Voici, par exemple, les énoncés des propositions IV et «

Un

:

corps qui repose par un point demeurera en équilibre

dappui passe

ligne verticale qui passe par le point

si la

V

par son centre de gravité; mais

tombera

il

si

aussi

cette ligne passe

hors du centre de gravité^ à moins qu'un impelas impressus^^

communiqué au grave, ne mette obstacle à la chute. » Un grave sphérique, posé sur un plan parfait et sauf de tout empêchement, se mouvra jusqu'à ce qu'il parvienne au ((

seul point

du plan où

il

puisse demeurer en équilibre.

Ne nous souvient-il pas d'avoir parmi cahier

deux propositions,

cahier A, l'autre au

F.^

La proposition VI de Villalpand «

ces

l'une au

notes de Léonard,

les

lu

»

Un

grave qui repose sur

demeurera en équilibre de

la surface

si

toute verticale

si

est

le sol

une

formulée en ces termes:

par une certaine surface

verticale

de soutien passe par

le

menée par

centre de gravité

le

milieu

ou bien

;

menée par un des points extrêmes de

cette

ou bien encore si cette centre de gravité du même côté que la base.

surface passe par le centre de gravité; verticale laisse le

Mais

si le

centre de gravité se trouve de l'autre côté,

tombera assurément.

corps

»

Nous reconnaissons, énoncée sous forme générale, 1.

le

m

Guidi Lbaldi e Marchionibus Monlis

la

propo-

duos Aichiinedis œquiponderanlium

libi-os

paraphrasis, scholiis illustrala, Pisauri, i588. 2.

Au

XVI* siècle, et particulièrement

dans

les écrits

de Léonard, on entend par

impctus impressus une notion assez vague qui s'est dissociée en se précisant et a fourni les notions de vitesse acquise, de quantité de mouvement et de force vive. p.

DUHEM.


ÉTUDES SUR LEONARD DE VINCI

82 sition

par

que Léonard

la lecture

a

formulée pour un cas particulier, suggéré

d'Albert de Saxe;

qui plus

et,

est, la

que Villalpand donne de celte proposition textuellement celle que Léonard avait imaginée. tion

démonstraest

presque

Cette proposition s'applique naturellement à l'équilibre des édifices, aussi bien

qu

ces applications qui

ce sont

l'homme

à la station de

mais ces applications,

il

En pourrions-nous douter en

des animaux;

intéressent surtout Villalpand;

emprunte,

les

et

elles aussi; a

Léonard.

par exemple, ces corol-

lisant,

laires? ((

Lorsqu'un

homme

la verticale issue

par

du bout du pied sur lequel

penche, lever rôle d'un

le

il

que

telle sorte

s'appuie passe

ne pourra, du côté vers lequel

il

bras sans tomber; car ce bras étendu joue

le

centre de gravité,

le

de

se tient sur ses pieds,

il

bras de levier plus grand ou d'un })oids qui pèse

d'autant plus qu'il s'écarte davantage du centre de la balance.» ((

Un homme ne

saurait s'incliner en avant, en arrière,

ou

de côté, que la verticale issue du point extrême de la base sur laquelle

il

s'appuie ne passe par

le

centre de gravité de son

corps; ou bien encore que ce centre de gravité ne surplombe cette base; «

Pour qu'un

proche ((

de

les

homme tombera. « homme assis puisse se lever,

sinon cet

pieds du siège et qu'il avance la

Lorsqu'un oiseau vole, la

la verticale

il

faut qu'il rap-

tète. »

qui passe par

le

milieu

surface des ailes passe aussi par le centre de gravité

du

corps... Lorsqu'il désire élever la partie antérieure de son corps et abaisser la

partie postérieure,

il

c'esl-y-dire la base qui le supporte.

porte en avant ses ailes, Il

les retire

en arrière, au

contraire, lorsqu'il veut diriger son vol vers le bas. Par

parvient aisément à changer en son corps

de gravité.

la

là,

il

position du centre

»

Cette dernière proposition est

constamment

une de

sollicité l'attention

celles qui ont le plus

de Léonard; transcrite dans

l'ouvrage de Villalpand^ elle y garde d'autant mieux la marque du grand peintre, qu'elle y est un véritable hors-d'œuvre, sans utilité

pour

l'objet

que

se

propose

Nous pouvons donc, sans

le

savant Jésuite^

hésitation, attribuer au Vinci les


83

LÉONARD DK VINCI ET VILLALPAND

lliéorcincs de Villalpaiid sur le centre de gravité et les applica-

que

tions

cet auteur en a faites à la station de

animaux; nous pouvons, en proposition

attribuer

lui

extrêmes de

cette surface

de base.

Tun

\c

des points

du même

côté que

»

chose que

cette proposition n'est autre

rème sur

cette

qui passe par ses pieds ou bien lorsqu'il

la surface

trouve^ par rapport à cette verticale,

Or

des

en équilibre lorsque son centre

de gravité se trouve sur une verticale issue de

se

et

:

Un quadiupède demeure

«

particulier,

l'homme

classique théo

le

polygone de susieniallon, enseigné aujourd'hui dans

tous les cours élémentaires de Statique. C'est donc à Léonard

de Vinci qu'il faut remonter pour trouver l'inventeur de cette

moindre bachelier. Villalpand

loi,

familière aujourd'hui au

fait

que nous transmettre, en

du grand

n*a

découverte

se l'appropriant, la

peintre.

Perdus en un vaste ouvrage d'exégèse théorèmes empruntés à Léonard par

et

le P.

d'archéologie, les

Jean-Baptiste Villal-

pand fussent sans doute demeurés inconnus des mathématiciens si l'infatigable curiosité de Mersenne ne les eût découverts et signalés à l'attention des géomètres.

Sans cesse à

l'affût

des idées nouvelles que les savants de

France, d'Italie, de Hollande émettaient touchant la Physique

ou

la

Mécanique,

qu'elles étaient

le

laborieux Minime s'empressait, aussitôt

connues de

lui,

commenter en quelqu'une des publiait sans relâche; par

il

remplit ainsi, sa vie durant,

le

journaux scientifiques

les

reproduire et de les

mettait en circulation;

rôle

imprimés

P.

académiques.

Mersenne

fut

que

le

une

collée

à Paris, en 1626^ chez Robert

Estienne, sous le titre de Synopsis mathemalica.

d'auteur n'accompagnait ce

il

que devaient tenir plus

et les recueils

L'un des premiers ouvrages du tion de petits traités

les

singulières compilations qu'il

là,

tard les

de

titre,

mais

c'est

Aucun nom

au P.

Mersenne

privilège de l'ouvrage était concédé.

Chacun de

ces petits traités se

compose dune

suite de lliéo

rèmos empruntés, sans aucune démonstration ni

tigure,

quelque auteur

exemple.

illustre.

L'un de ces

traités,

par

à


ÉTUDES SUR LÉONARD DE VINCI

84

un

contient tous les théorèmes des éléments d'Euclide; toutes les propositions

autre,

qu'Archimède a formulées dans

ses

divers ouvrages.

Le plus intéressant de tous ces résumés qui a pour

titre

:

Mechanicorwn

assurément celui

Là, les propositions énon-

libri.

Commandin, par Guidobaldo, par Luca

cées par

du centre de gravité des

sujet

est

solides,

Yalerio au

par Guidobaldo

et

Stevin au sujet de la Statique, par Stevin au sujet de l'Hydro-

aux diverses Questions méca-

statique se trouvent réunis et joints

niques d'Aristote.

aussi,

Mersenne reproduit, au

ligne de direction^ c'est-à-dire

centre de gravité,

nomme

sujet de la

de la verticale qui passe par

le

divers théorèmes de Villalpand (qu'il

les

Villapandus) et quelques autres énoncés.

Parmi

ces énoncés, ajoutés par

publiés Villalpand,

il

Mersenne

en est où nous

à

ceux qu'avait

retrouverions la tradi-

tion d'Albert de Saxe qui, sans doute, s'était conservée dans les écoles

jusqu'au

Cette constatation serait bien

xvii^ siècle.

propre à démontrer l'influence considérable qu'eut jadis Alber-

dont

tutius,

le

nom

est à

peine prononcé aujourd'hui. Mais

l'étude des vicissitudes par lesquelles a passé cette influence, si

intéressante soit-elle, ne

le

Synopsis maihemaiica de Mersenne nous intéresse, c'est que,

par

lui,

point partie de notre sujet. Si

les propriétés statiques

vertes par si le

fait

Léonard de Vinci,

et

du centre de

gravité, décou-

publiées par Villalpand

savant jésuite en était l'auteur, sont venues à

sance

commune

la

comme

conhais-

des géomètres.

Nous ne suivrons pas

la trace

de ces propositions parmi

les

divers traités de Statique qui virent le jour au xvii® siècle ou

à des époques plus rapprochées de nous; une intéresserait l'histoire générale de la

Mécanique

toire spéciale des découvertes scientifiques de

temps, croyons-nous, de conclure

le

telle

et

recherche

non

Léonard;

l'hisil

est

chapitre de cette histoire

que nous avions entrepris d'écrire. Nous avons vu une idée, qui devait conduire à d'impor

spéciale

tantes conséquences,

germer

Léonard de Vinci. Cette idée tanée?

Non

point;

si

et se

développer dans

est-elle

l'esprit

de

née par génération spon-

originale soit-elle, sa formation a été


LÉONARD DE VINCI ET VILLALPAND

85

occasionnée, provoquée par des pensées plus anciennes. Ces pensées, qui ont suggéré une découverte au grand peintre de la

Renaissance, se sont-elles présentées à son esprit en quelque

œuvre produite par

l'Antiquité classique? Pas davantage;

ces pensées ont leur principe dans les écrits elles

ont été

élaborées

à

nouveau

par

mêmes la

si

d'Aristote,

Scolastique

du

xiv^ siècle et ce sont les corollaires produits par cette élabo-

ration qui ont fécondé les réflexions de Léonard. Celui-ci a fixé

sur

le

papier, en des notes sommaires, les divers aspects sous

lesquels la vérité se montrait à lui; mais résultats de ces méditations;

perdus pour

la

en

faut-il

il

n'a pas publié les

conclure qu'ils ont été

Science, qu'il a fallu retrouver ce qu'il avait déjà

inventé ? Point encore par tradition écrite ou orale, par la dilapi;

dation de ses manuscrits ou par la diffusion de son enseignement, la loi

de Statique qu'il avait reconnue est parvenue jusqu'aux

géomètres du

xvii^ siècle;

rant de la Science; Ainsi, l'étude soit-elle,

il

par eux,

elle a

pénétré dans

n'y manquait que le

que nous allons clore nous

nom

le

cou-

de l'inventeur.

paraît,

si

restreinte

capable de discréditer quelques-uns des préjugés qui

faussent l'histoire de la Renaissance scientifique.



m LÉONARD DE VINCI ET

BERNARDINO BALDI



LÉONARD DE VINCI ET

BERNARDINO BALDI

Maintes

fois,

Mécanique,

il

au cours de nos recherches sur

nous

idées neuves que

est arrivé

de formuler cette assertion

Léonard de Vinci a semées

ses notes n'ont point été

inconnues de

par de nombreux auteurs,

l'histoire

elles ont,

de :

durant tout

;

Les

dans

à profusion

ses successeurs

la

plagiées

le xvi" siècle,

inspiré les écrits qu'ils publiaient sur la Statique et sur la

Dynamique.

A

du grand ouvrage de Prado et Villalpand sur Jérusalem et son temple nous a fourni un argument saisissant; nous avons vu le P. Villalpand insérer dans sa description de la Judée un petit traité de Statique l'appui de cette assertion, la lecture

^

dont lons,

les divers chapitres se retrouvaient tous, à l'état

dans

les cahiers

nous a permis de inventeur,

le

manuscrits de Léonard;

restituer au

de brouil-

et cette

étude

grand peintre, son véritable

théorème célèbre du polygone de sustentation.

Nous allons retrouver

la trace

des notes de Léonard, et nous

allons la retrouver aussi palpable, aussi

profondément marquée

qu'en l'ouvrage de Villalpand, en analysant un commentaire

aux

Questions

composé avant

mécaniques le

d'Aristote;

monumental

traité

ce

commentaire

du savant

Jésuite,

fut

mais

la

publication en fut longtemps retardée 2.

Ce commentaire a pour auteur Bernardino Baldi. Voir la précédente étude Léonard de Vinci et Villalpand. Bernardini Baldi Urbinatis, Guastallae abbatis, In mechanica Aristotelis problemata exercitationes ; adjecta succincta narrationo de autoris vlta et scriptis. Mogunliœ, typis et sumptibus Viduae Joannis Albini MDCXXl. I.

:

3.

;


ÉTUDES SUR LEONARD DE VINCI

90

La vie de Bernardino Baldi d'Urbin, abbé de Guastalla. L'éditeur qui, quatre ans après la

de Bernardino Baldi,

les Exercices

intéressante

et

Scliarloncini

comme un

'.

les

cette notice,

rédigée

par

Fabricio

Bernardino Baldi nous apparaît

esprit d'une activité et d'une étendue prodigieuses,

capable d'embrasser les connaissances esprits,

tels

l'auteur, publia

précéder d'une courte

fît

biographique

notice

En

mort de

l'Italie

du

xvi'

plus diverses; de

les

montrée productrice

siècle s'est

féconde, plus peut-être qu'aucun autre pays, à aucune autre

époque.

Bernardino Baldi naquit à Urbin

juin i553;

le 6

tenait à

une noble famille de Pérouse,

gallini;

son trisaïeul

nom

patronymique

Sa mère se plaisait k conter

contre celui de Baldi.

extraordinaire dont Bernardino avait

appar-

famille des Canta-

la

son

avait troqué

il

fait

la

piété

preuve dès ses plus

jeunes années. Ses premiers maîtres furent Giovanni-Andrea Palazi

en

tenait

grecque

haute estime latine.

tèrent

et

à

Turonei

;

ce

dernier était

Paolo Manuzi (Aide Manuce l'Ancien) qui

avec

relation

les

Giovanni-Antonio

et

Baldi

pour

en le

connaissance des langues

sa

Les leçons de ce savant humaniste profi-

qui,

tout jeune

encore,

traduisait

en vers

Phénomènes d'Aratus.

En

Padoue pour y nous l'y voyons s'atta-

1573, âgé de vingt ans, Baldi se rend à

compléter

sa

formation intellectuelle

cher de suite à érudit,

il

Emmanuele Margunii

approfondit l'étude de

d'œuvre de

la

littérature

;

;

sous

l'Iliade;

grecque

et,

la

direction de cet

il

étudie les chefs

particulièrement,

les

Son commerce avec les poètes grecs fut si assidu que sa mémoire garda, sa vie durant, de longs morceaux de poésie hellénique; il répétait volontiers que la

idylles de Théocrite.

Le litre de celle notice est le suivant De vila et scriptis Bernardini Baldi Urbiex literis Fabritii Scharloncini, ad Illastrissimuni et neverendissimum Dominum Lxlium Buinuni Episcopum Balneoregiemem, ex-Nunlitun ipontoUrum ad Pohni.r I.

:

natis,

liegem

etc.


LÉONARD DE VINCI Kï BERNAHDINO H\LD1

9I

Iraduction d'un orateur grec lui coulait parfois quelque peine, tandis que la traduction d'un poète ne lui en coûtait aucune.

Son

aptitude

acquérir

à

connaissance d'une langue

la

étrangère tenait, du reste, du prodige.

Il

ment, à Padoue, en relation avec des

«

fréquem-

se trouvait

transalpins

»

;

il

se lia

d'amitié avec certains d'entre eux; honteux de ne pas entendre leur langage,

apprit

il

français et

le

l'allemand avec une

devenu abbé de Guastalla,

rapidité extraordinaire. Plus tard,

veut adonner aux études d'Écriture Sainte

se

apprend l'hébreu

chaldaïque

et le

;

joint la connaissance de l'arabe et

et,

en

trois ans,

quelque temps après,

il il

il

y Tesclavon, appris au cours

d'un voyage à Rome. Son épitaphe, citée par Nicéron

',

lui

attribue la connaissance de douze langues; mais Grescimbeni,

dont Nicéron rapporte également seize

:

témoignage, en énumère

le

l'hébraïque, la chaldaïque,

l'étrusque,

la

grecque,

la

latine, l'arabe, la persane, l'esclavone, la turque, l'allemande^

la hongroise, l'espagnole, la française, la provençale,

la sici-

lienne et l'italienne. D'ailleurs, dès l'époque de son séjour à Padoue, se manifester,

en

son goût pour

les

pose un

traité

même

sa vocation philologique,

études historiques et scientifiques

sur les canons

Chassé de Padoue par dit Scharloncini,

là,

temps que

nous voyons

il

et

;

il

com

sur ceux qui les ont inventés.

la peste,

il

revient à Urbin, sa patrie;

pendant cinq ans dans Tintimité

vit

du grand géomètre Frédéric Commandin, poursuivant en compagnie l'étude des diverses sciences mathématiques; Taide à dessiner d'Euclide, de

La douleur

Pappus

qu'il

figures

les

et

qui

illustrent

les

sa il

traductions

Commandin a données. mort de Commandin pousse

de Héron que

ressent de la

Baldi à écrire la vie de son ami; mais bientôt ce projet se

change en un dessein bien plus vaste tous les grands géomètres

;

et,

:

celui d'écrire la vie de

en douze années, Baldi mène ce

dessein jusqu'à complète exécution.

Comme 1.

remarque

fort

justement Nicéron \ ce

Nicéron, Mémoires pour servir à l'histoire des lionimes illustres de

des Lettres, 2.

le

t.

XXXI X,

t.

XXXIX,

de

la

République

la

République

p. 'i6i.

Nicéron, Mémoires pour servir à

des Lettres,

récit

p. 357.

l'histoire des

hommes

illustres

de


ÉTUDES SUR LÉONARD DE VINCI

92

Scharloncini ne peut être exact,

Gommandin

car

était

mort

en 1675, un an avant que Baldi ne revînt en sa patrie s'il y eut amitié et collaboration entre ces deux hommes, ce ne put être ;

que durant

jeunesse de Baldi, avant son départ pour l'Uni-

Padoue.

versité de

Après

la

la

mort de Gommandin, Baldi

se lie d'amitié avec

un

autre géomètre et mécanicien illustre, Guidobaldo, marquis del

Monte; l'influence de

celui-ci,

complétant

din, pousse notre érudit vers l'étude de

sous cette influence qu'en 1682,

il

la

compose

aux Questions mécaniques d'Aristote dont va

celle de

Gomman-

Mécanique; les

c'est

commentaires

traiter le

présent

article.

La réputation que valaient à Baldi sa science

et ses

vertus

parvint jusqu'à Ferdinand de Gonzague, prince de Molfelta et

seigneur de Guastalla; celui-ci l'appela à sa cour,

sans

astreindre d'ailleurs le savant érudit à la vie fastueuse qu'on

y menait;

Baldi put continuer paisiblement ses travaux

demande de Vespasien de Gonzague, duc de mener à bien ses commentaires sur Vitruve.

à la

Ferdinand de Gonzague dut, sur ces Espagne;

il

ne voulut point

Sabionetta,

entrefaites, se rendre

se séparer de Baldi

et,

dont

la

en

conver-

sation le charmait et dont les conseils lui étaient précieux;

l'emmena donc avec lui. Mais dès le début du voyage, le savant philologue tomba malade; il dut s'arrêtera Milan, oii saint Gharles Borromée le reçut chez lui et le garda jusqu'à

il

complet rétablissement. Baldi revint alors à Guastalla

procura de studieux

loisirs.

Guastalla, qu'il n'avait Il

011

En

l'absence de Ferdinand lui i586, la charge d'abbé de

aucunement

sollicitée, lui fut confiée.

résolut alors de s'adonner exclusivement

canon étroit

et d'exégèse;

pour son

mais

il

aux études de droit

ne put se tenir à ce champ, trop

activité; la philologie, l'astronomie, la

géogra-

phie se partagèrent son attention avec l'étude des livres sacrés

nous

le

voyons traduire des géographes arabes

dictionnaire arabe. Enfin, en i6o3,

il

et

;

composer un

entreprit la rédaction

d'une géographie aux proportions monumentales, où devaient être décrits les

moindres

villes et villages

mentionnés par

les


LÉONARD DE VINCI ET BERN\UD1>'0 BALDI

auteurs anciens ou modernes.

Il

ne put terminer cette œuvre

gigantesque; à sa mort, survenue

quarante jours de maladie,

le

n'avait

il

98

12 octobre 1617, après

mené

bonne

à

fin

que

quatre ou cinq volumes de ce dictionnaire géographique; les notes qu'il laissait témoignaient que sept ou huit volumes restaient à composer.

II

Les ŒUVRES de Bernardino Baldi. Scharloncini nous vante les vertus,

désintéressement de Baldi; qui, chez cet érudit, tenait

force de l'âge,

il

se leva

il

nous retrace l'amour du

du prodige;

travail

tant qu'il fut dans la

régulièrement à minuit pour se mettre

à l'étude; pendant ses repas^ çais

la piété, la charité, le

lisait

il

un

allemand, fran-

livre

ou arabe.

Aussi breux.

les écrits

de Baldi sont -ils extraordinairement

L'épi taplie

nombre

à

quatre

titres,

quœdam toutes les

du savant abbé de Guastalla en évalue Scharloncini

quarante-huit.

biographique d'une

alla.

mais

nom-

liste

suivre sa notice

fait

d'ouvrages qui comprend cinquante-

cette liste

se

termine par ces mots

Crescimbeni, qui a eu entre

œuvres de notre

le

les

auteui', assure qu'il

Et

:

mains presque

en

fallait

compter

plus de cent.

Un

certain

nombre

vivant de l'auteur; 1°

santi

tels

des écrits de Baldi furent imprimés du

sont les suivants

Corona delU anno quale corrono

il

tatto

si

Vanno,

contiene tanti sonnettiy quanti

secondo

Vicenza, per A. délia Noce; 1689.

:

il

calenderio

— Cet ouvrage

est

Romano.

une

collec-

tion de 106 sonnets sur les principales fêtes de l'année. 2°

Dl Herone Alessandrino de

moventi,

lihrl

due,

tradotte

gll

aatomati overe machine se

dal greco da Bernardino Baldi. In

Yenetia, appresso Girolamo Porro; 1589.

Une seconde

édition fut donnée,

du vivant de

l'auteur

:

In

\enezia, appresso Gio. Battista Bertoni; lOoi.

L'ouvrage fut imprimé une troisième

fois, à

Venise, en 1661.


ÉTUDES SLU LEONARD DE VI>CI

Cj^4

Monsignor Berwrdino Baldi. Venetia,

Versi e prose di

3"

appresso F. de' Franceschi

;

iSgo.

Imprimé en Fabsence de Fauteur, fautes d'impression.

La

ouvrage fourmille de

contient les pièces suivantes

Il

poème en

nautica,

cet

:

non rimes que Baldi présenta

vers

eu i585 à Ferdinand de Gonzague;

Veglogue mis le; Li sonetti romani;

Le rime varie: La J'avola di Leandro

Museo;

di

Dialogo délia dignilà; L'arciero, overo délia felicila del principe

La

;

descriitione del pallazzo d'Urbino.

La description du palais d'Urbin, qui termine ce recueil, fut reproduite plus tard dans

Memorie concernenti

:

la

di

cilln

Urhino

e

la

descrizione del

palazzo da Behnardino Baldi e Francesco Bianchini, pubblicate dal Cardinale Annibale di S. Clémente. Borna, G. M. Salvioni; 172^1.

D'autre pari,

sous

le titre

:

le

Jai

poème de La

navigation,

de rHalien par M.

naalica fut traduit en français

poème de Bernardino Baldi,

Armand de Galiam.

J.

Paris,

traduit

A. Bertrand

(sans date).

Enfin ce recueil, enrichi par l'adjonction d'autres ouvrages de Baldi, fut public sous

:

Bernardino Baldi, ordinale e annotatc

Versi e prose scelle di

da Filippo Ugolini

le titre

Filippo Luigi Polidori. Firenze, Le Mon-

et

nier; 1869. /f

Les Sonnetti romani, avec une autre pièce, furent publiés

dans l'ouvrage suivant Sonnetti romani; 5"

La

Nenezia; (')"

Deifof)e,

il

8"

lauro. scherzo giovanile.

ovvero

gli oracoli délia Sibilla

Parigi

;

1600.

Cumea, monodie.

i6o/|.

Il diliwio

universale, cantalo

Pavia, per P. Bartoli -"

:

;

i()o/i.

Concelti morali. In

Parma

Carmina

Parma;

latina. \n

con nuova maniera di

;

liio-j.

i6o().

l'crsi.


LIÎONAUD

Impares

if ScaniUli

VINCI El BEK\AKDINO BALDl

Di:

a

Vitruvlani

ratione explicatif refulaiis

f)5

Behnaudino Baldo

nova

prioram inlerpreliim Galielmi Philandri,

Danielis Barbarie Baplistœ Bevlani sealentiis. AugusUïî Yindelico-

ruin, ad insigne Pinus

1612.

;

De Vitravianoram verborum

10"

perpeluiis in

signijicatione sea

commentarias

M. Vitruviam PoUionem, auclore Bernardino Baldo.

Accedit vita Vitruvii,

eodem

auctore.

AugusUr

\

indelicorum,

ad insigne Pinus; 16 12. Les recherches de Baldi sur Vitruve sont, assurément, celles de ses œuvres qui eurent

Aons reproduites dans

le

les

plus de réputation. Nous les trou-

ouvrages suivants

:

— M. ViTRUAii PoLLiOiNis Oper«. Libridecem. Anistelodami,

.1.

apud Ludovicum Elzevirium

;

Acceduni Lexicon

16/19

vianam Bernardini Baldi Urbinatis, Gaaslallœ Abbatis, ScamUli impaves Vitruvlani Lexicon Vitravlanum est

le

(L'écrit :

De

désigné

ici

et

par

ejusdem le titre

verborum

Vitriivlanoriini

Vitrn-

:

slgnlfi-

catlone.)

B.

— JoANNis

PoLEM

Vltruvlame, seu conimen-

Exercltallo/ics

larius crlticus de Vitruvii architectura. Patavii; 1789

M.

Vitruvii Polllonis vlta, auctore

Accedit

Bernardino Baldo.

— M.

Vitruvh Pollioms ArcJdtectura, textu ex recenslone codlcum emendato cuni exercltatlonlbus /iotlsque novlssûnls Joannis C.

Polem et cominentcuiis varioruni addltls. nunc primum sludiis Simone Stratico Utini, apud fratres Mattiuzzi, Vnno 1826, in olïîcina Peciliana.

— Cet ouvrage contient

Marcl Vitruvii Pot

Bernardino Baldo Urblnate, cum annota-

tlonis vlta conscrlpta a tlonlbu.s

:

JoANMS Polem

— Baldi

Bernardim Scanùlll Impares

Vitruvlani nova ratione expllcatl. Il"

Orazlonc dl B. Baldi, Ambasciadore del Ser. IJuca

blnOy alla Serenlta del

nuovo Duca

dl Venetla

d Ur-

M. Antonio Meni-

mlo. In Venetia; 16 13. 12"

Bernardini Bvldj

In

tabulant

leneam Euyublnam^

llngua

Hetrusca veterl perscrlptam. dlvlnatlo. Augusta? Vindelicorum.

ad insigne Pinus, imprimebat D. Francus; 16 i3" latine,

Heronls

Cteslbil Belopoeca.

Jioc

est

lo.

grœce

tellfactiva,

et

interprète et scholiastc Beu\. Baldo, qui Vltam Heronls

addidit» Augustae Vindelicorum^ 'yi>i^ Davidis Franci

;

1616.


ÉTUDES SLR LEONARD DE VINCI

f)6

La traduction dans

rées

de Bernardino Baldi furent insé-

et les notes

Mathemaiicl

collection des

la

donnée par

veteres

l'Imprimerie royale en 1693.

La

également imprimée

Vlta Heronis fut

en 1616.

a part

Héron d'Alexandrie est le dernier écrit de Bernardino Baldi qui ait été imprimé du vivant de l'auteur; mais un grand nombre d'autres ouvrages du savant abbé de Cette étude sur

Guaslalla furent publiés après la mort de celui qui les avait

composés; quelques-uns, même, n'ont pas presse avant la fin

du

livrés à

été

xix'' siècle.

Parmi ceux de ces ouvrages posthumes qui sont venus notre connaissance,

occuper en cet i4°

le

article

la

premier en date

est celui

à

qui va nous

:

Bernardini Baldi Lrbinatis, Guastalla3 abbatis, la mecha-

nlca Avistotelis problemata exercitationes tione de aatoris vita et scriptis.

;

adjecta succincla narra-

Moguntiœ, typis

et

sumptibus

Yiduœ Joannis Albini; MDCXXI. Il

cet

comme une

faut sans doute regarder

ouvrage

le livre

theca malhemalica,

t.

seconde édition de

mentionné par Murhard

suivant, 111, p. 6)

(Biblio-

:

Sylloge commeniarioriim et exercitatlonum in quœstiones mecha-

cum proemio Bart. Lausanni. œuvre, nous pouvons citer

nicas Avistotelis,

Après cette i5"

La

Yenetiis; 1623.

:

difesa di Procopio, contre

le

catumnle di Flavio Biondo,

con alcune considerationi intovno al luogo, ove segui Ira Totila e Narsete. In

la

giornata

Urbino, per M. A. Mazzantini; 1627.

16° / cento apologhi di M. Bern. Baldi, portati in versi da Gio.

Mario de Crescimbeni,

Roma, per Ces été

colle

moralità di Malatesta Strinati. In

A. de Rossi; 1702.

apologues,

originaux

composés, nous

Battista Alberti;

mais

très

sommaires, avaient

dit Scharloncini, à l'imitation

Crescimbeni a pris

la

peine de

de Leone mettre

les

en vers.

Une deuxième lip.

édition

du

même ouvrage

fut

donnée

:

Roma.

Perego Salvioni; 1828.

17"

Encomio

delta pair ia de

M. Bernardino Baldi, da Urbino.

In Urbino, per A. A. Monticelli; 1706.


LÉONARD DE AINCI ET BERNARDINO BALDI

Cet écrit a été reproduit en

pour

titre

léle

du

97

recueil, déjà cité, qui a

:

Memorie concernenti

dl Urbino e

ait là

la

del

ta descrizzione

palazzo da Bernaudino Baldi e Francesco Bianghini, pubblicatc

Cardinale Annibale di

dal

Clémente. Roma, G. M. Sal-

S.

vioni; 1724.

epUome deWistoria

18" Cronica de' Malemaiici, overo

mie

délie

Urbino, per M. A. Moniicelli; 1707.

lovo.

Ce

qu'un court abrégé du grand ouvrage auquel Baldi

n'est

travailla

pendant douze ans.

Cet écrit a été réimprimé dans

Versi e prose scelle di

les

Bernardino Baldi, publiés à Florence en iSôg

ment

et

précédem-

cités.

19''

Epislola de asse sive pondère Elrusco.

insérée au livre

20°

ch. VII de l'ouvrage suivant

1,

JusTi FoNTANiiM

Cette

De

Viia di Federigo

:

Roma^

anliquilatibus Hortœ.

lettre est

;

1708.

Commandino.

un des ouvrages les plus remarquables de imprimée à Venise dans le Glornale de' letlcraii

Cette vie, qui est Baldi,

a été

d'Ilalia, vol.

Elle a été

XIX,

p. i/|o; 1714.

réimprimée dans

les Versi e

prose

scelle di

Bernar

DiNO Baldi. Firenze; 1859. 21"

Bernardim Baldi

elegantisslme egloghe rasticali. Venezia

;

22" Delhi viia e de' falli di Gaibaldo

d'Urbino, tri

;

libri

Inséré dans Quallro

Vorlo.

Celeo,

XII; di Bernardino

1760.

I da Monlefellro, Daca

Baldi.

Milano, G. Silves-

1821.

iZ" Viia e falli dl Federigo da Monlefellro, isloria di

Bernar-

un manoscrilto inedilo con osservazione Zuccardi. Roma, presso Perego Salvioni; 1824. De scribenda hisloria Iraclalus, auctore Bernardino

dino Baldi estratta da di Fr.

24"

Baldo inséré dans ;

25**

delU

Spicilegiani

Viia di Arislide

Accademia

musique

Roma;

dans

Bomanuni, tomus I.

Quinliliano

ponlificia di

écrit est reproduit

p.

:

:

et

d' Arislide Quinlilien relalif

;

da Bernardino Baldi

Nuovi Lincei,

Vincent

Romœ

t.

1839. (.1///

XVIIl; i865.) Cet

Martin, Passage du

Irailé

au nombre nuplialde Platon.

i865.

DUHEM.

de

n


ÉTUDES SUR LÉO.NARD

(^8

Vita di Giovanni Eligerio

26"

pubblicato

Yl>Gt

da Beknardlno Baldi (Bulletino

di storia délie scienze

e

bibliogvafia

di

Di:

rnatcnialiche

da Baldassare Boncompagni,

Cet écrit est reproduit dans

p.

I,

1868).

3/19;

P. D. ïimoteo, Barnabita^ Stdla

:

épis Lola di Pietro Peregrino di Mavicoiivl.., p. 107.

t.

e Jisiche,

Menwria seconda...,

Borna; 1868.

27° Lettere di

sono a Parma

Behnahdino Baldi, cavate degli aulograti chc Archivio di Stata; pubblicale da Aniadio

nell'

Bonchini. Parma, per conto délia B. Deputazione di Storia patria; 1870. 28" Vite inédite di

niaieniatici iialiani,

scritti

da Behnaiidi>o

Baldi e pubblicati da Enrico Narducci {Balletino... pubblicalo

da B. Boncompagni, 29"

dans

Vita di :

t.

XIX; 1886).

Paolo di Middelbuvg da Beknaudino Baldi

Demetrio Mauzi, La questione

insère

;

delta rijbrnui det calendario

nel quinto concitio Laleranense (i5i2-i5i7). Firenze; 1896.

Le nombre des œuvres de Baldi qui ont jusqu'à ce jour est très considérable;

que Ton

ait

publié toutes

que

celles

nombre de

celles qui sont

en premier

lieu, cette collection

il

s'en faut, cependant, cite Scliarloncini.

encore inédites,

liciens qui avait coûté à Baldi

collection n'est point perdue

;

il

convient de

douze années de

citer,

le

travail. Cette

manuscrit original

et

deux

Boncom-

prince

'.

Bien d'autres œuvres inédites figurent encore dans

donnée par Scharloncini. Ces œuvres ont, les

Au

de vies des grands mathéma-

copies se trouvaient en la bibliothèque du

pagni

imprimées

été

la liste

d'ailleurs, les objets

plus variés.

Nous y trouvons des morceaux prose;

telle

la

traduction

en vers

littéraires,

italiens

en vers ou en des

Phénomènes

un

recueil de

poésies et de discours pieux, intitulé Scala cœleslisl

une com-

d'Aratus, première

paraison entre

œuvre de notre auteur;

la vie

sur la cour; des

monastique

poèmes

tels

et la vie séculière; six livres

satiri(iues sur le

même

sujet,

plétés par la traduction des Misères de courtisa/is de I.

com-

Lucien

;

(Jatatoyo di iiuinoscrilla ara posseduli du IL Baldassare UoncoiniHHjni, coinpiUUo dd

Enrico Narducci. lloiua,

Tip. délie Scienze laalenialiche e (isiclie; i8Ga.


LÉONAKI)

DIC

\1NCI ET BERNARDJ>0 BALDl

99

dépigrammes; des dialogues, dont l'un, traite de l'humanité, dont un autre, intitulé

des livres d'odes et intitulé Goselin,

Le Tasse, a la prosodie pour sujet.

A

riiistoire des

intitulée V

:

inventions scientifiques se rattache

De lonnenlis

l'étude des langues et à

traductions

eorum

bellicis ci

la pièce

itiventoribus.

appartiennent

la Pliilologie

les

des Fables de Musée, de VHomeri paralipomenou

composépar Quintus de Smyrne,

la

composition d'un Diction-

naire arabe.

La passion de Baldi pour l'Archéologie a inspiré

aux conservateurs de Rome en vue d'assurer quités de cette

ville

un

et

la

le

Discours

sauvegarde des

anti-

livre sur les Antiquités de Guastalla. et

du Nouveau Testa-

ment sont nombreuses dans l'œuvre de

l'infatigable érudit;

Les recherches au sujet de l'Ancien

nous y relevons, en Jérémie d'après

une traduction des Lamentations de

effet,

texte grec des Septante, enrichie de notes

le

d'après le texte hébreu; une paraphrase

posée sur

le texte latin et

annotée d'après

traduction de la Paraphrase sur

chaldaïque par Onkelos d'Ézéchiel; enfin,

L'Astronomie de Baldi, Cinq universel,

un

;

le texte

Job,

hébreu

une Description

nouvelle du

sur

le

écrit

Sur

le

une

;

temple

V Évangile selon saint Matthieu.

Géographie revendiquent, parmi

livres

com-

Pentateuque écrite en langue

le

une Étude sur

et la

du Livre de

les écrits

nouveau calendrier, un Cadran solaire firmament

et les

eaux, la traduction

d'un Jardin géographique arabe dont l'auteur est inconnu, enfin le vaste Dictionnaire

slalla laissa

géographique universel que l'abbé de Gua-

inachevé.

Mentionnons encore un ouvrage de géomètre, le Paradoxoram mathemaiicorum liber, dont le titre seul nous est connu et

nous aurons achevé

cette

revue des écrits composés par

Bernardino Baldi; revue sans doute incomplète; revue sante*

cependant, pour nous donner un

aperçu du labeul*

comme

des multiples apti-

prodigieusement tudes

Une bien

suffi-

actif et continu,

dont

intellectuelles, telle

témoigne une

puissance de travail, une

communes au

taisons modernes,

xvi' si

siècle,

telle

pareille

souplesse de lesprit,

étonnent jusqu'à

vite rebutées par

œuvre.

l'effroi

nos

une étude longue

et


ETUDES SUR LEONA.RD DE VINCI

100

moindre changement de méthode, si volontiers satisfaites d'avoir, en un tout petit livre, effleuré la surface d'un domaine minuscule.

pénible,

si

aisément déroutées par

le

m Les emprunts de Bernardino Baldi a la Mécanique

DE Léonard de Vinci. Scharloncini nous apprend que les Exercices sur

mécaniques d'Aristote furent composées

les

questions

par Baldi en i582.

moment, l'ami de Guidobaldo, marquis del Monte. Celui-ci venait de composer un traité de Mécanique qui, pendant un siècle, eut grande renommée; il allait y joindre un commentaire aux recherches d'Archimède sur les cenL'auteur était, à ce

'

tres

de gravité

^,

commentaire ne devait guère avoir

ce

et

moins de vogue que Les méchaniques. L'influence de Guidobaldo sur les doctrines mécaniques exposées par Bernardino Baldi ne

saurait

donc

être

révoquée en doute; bien loin

de nier celte influence, Baldi se plaît à citer à maintes reprises le

nom

de son ami.

Ses connaissances

Mechanicorum il

en

est qu'il

liber

ont, d'ailleurs, d'autres sources

du Marquis

nous

del

Monte

et,

que

le

parmi ces sources,

connaître. Telle, en premier lieu, la

fait

traduction des Questions mécaniques d'Aristote donnée, avec de brefs

commentaires, par Nicolas Leoniceni^;

savante et importante Paraphrase des niques

composée par

Baldi va 1.

même jusqu'à

le

très

mêmes

telle

encore

la

Questions méca-

docte Alexandre Piccolomini^.

nous apprendre, en sa préface, que

Guidi Ubaldi e Marchionibus MonVis Mechanicorum

liber.

Pisauri,

le

apud Hiero-

nymum

Concordiam; MDLXXVII. 2. Guidi Ubaldi e Marchionibus Morilis In duos Archimedis œquiponderantiuni libtios paraphrasis, sclioliis illustrala. Pisauri, apud Hieronynium Concordiam; MDLXXXVIII. 3. Nicolai Lconici (sic) Tliomœi Opuscula nuper in lucem œdila quorum noinina proxima habentur pagella... Conversio mechanicarum quœslionum Aristolelis cunifiguris Opusculum hoc ex imprcssione rcprcsenlavil et onnotationibus quibusdani. Colophon Hernardinus Vilalis Vtnelus, Anno Domini MCGGCCXXV, Die XXI II Februarii, ex :

Vcnctiis. 4.

Alexandri Piccolomini In niechanicas quœstiones Arislotelis paraphrasis paulo qui-

dem plenior, ad Nicolauni A rding hélium Cardinaleni amplissiinuni.... MDXLVII. In line vExcussum Uomae apudAutonium Bladiim Asulanuui. Tertio Non. lanuarii MDXLVII.

:

'-*/"


LEONARD DE VINCI ET BERNARDIISO BALDT

lOI

du Hollandais Simon Stevin est venu jusqu'à lui, mais qu'il n'a point vu les travaux de cet auteur'. Mais il est une influence que Baldi a profondément éprouvée bruit des recherches

et

que, cependant,

de Vinci ses

à

;

il

ne

pas

cite

Léonard de Vinci,

commentaires, attirent

il

:

c'est l'influence

de Léonard

doit tous les passages qui,

dans

plus vivement l'attention; de ces

le

passages, nous trouvons en quelque sorte le brouillon dans les cahiers que conserve la Bibliothèque de l'Institut; ce sont ces

mêmes

cahiers qui nous ont permis de suivre les

éveillées

en

l'esprit

du grand peintre par

la lecture

pensées

d'Albert de

Saxe; ce sont eux également qui nous ont gardé les esquisses des théorèmes reproduits par Villalpand.

Ces théorèmes,

si

curieusement insérés par Villalpand en sa

description de la Judée, nous les retrouvons presque tous en l'écrit

de Bernardino Baldi.

donne quelques-uns dans le chapitre ^ où il examine cette question d'Aristote Si deux hommes portent un poids suspendu à un bâton, pourquoi celui qui est moins distant du Baldi en

:

fardeau supporte-t-il une charge plus grande?

demander pourquoi ceux qui portent un grand poids marchent courbés et à réponCette question l'amène, en

effet,

à se

dre qu'ils prennent cette position pour mettre leur centre de

du point d'appui.

gravité dans la verticale

commence

11

alors à développer ces considérations sur les

avait

l'homme

animaux que Léonard esquissées au cahier ^^ puis plus complètement exposées

diverses postures de

au Traité de

la

3,

Pourquoi ceux qui sont telle sorte

il

examine

cette question d'Aristote

:

assis et veulent se lever placent-ils les

qu'elles

cuisses et rapprochent-ils de En

des

peinture. Ces considérations, Baldi les poursuit

au chapitre suivant

jambes de

et

fassent

même la

un angle aigu avec

les

poitrine des cuisses? Cette

Statique de Stevin, rédig^ée en flamand, ne fut imprimée qu'en i586 De Bcghinselen der Weeghconst, beschreven deur Simon Stevir. van Brugghe. TotLeyden,inde Druckerye van ChristofTel Planlijn, bij Françoys van Raphe1.

sous ce

effet, la

titre

:

linghen, MDLXXXVI. Ainsi, quatre ans avant qu'elles fussent imprimées, les recherches du grand géomètre de Bruges étaient déjà annoncées en Italie. 2. Bernardin! Baldi In mechanica Aristotelis problemata exercitationes; Quœstio

XXIX, 3.

p. i66.

B. Baldi, loc.

cit.,

Quœstio XXX,

p. i6G.


1-TUDES SUR LEONARD DE VINCI

Ï02

question était précisément

première

la

par

eût cherclié h résoudre

que Léonard de Vinci

'

considération du

la

centre de

gravité.

Baldi explique en détail la solution de Léonard

il

;

rend

compte d'une manière analogue de diverses allures de l'homme et des animaux; il n'oublie pas, d'ailleurs, d'appliquer la même théorie aux objets inanimés l'exemple du trépied le ^

;

conduit à formuler

du polygone de sustentation. L'équi-

la loi

que

libre des tours penchées, telles

de Garisendi à Bologne, est

tour de Pise et la tour

la

traité

presque dans

mêmes

les

termes qu'au livre de Yillalpand.

Ce

en ce

n'est point

livre,

cependant, que Baldi a pu

lire les

théorèmes de Léonard; l'œuvre de l'abbé de Guastalla achevée bien avant que ne parût n'est

pas admissible non

celle

du savant

était

Jésuite.

Il

plus que Yillalpand n'ait eu des

théorèmes de Léonard qu'une connaissance indirecte, par

la

communication d'une copie manuscrite des ExercUationes de Baldi; certains passages donnés par Villalpand, tel le passage si

le

caractéristique sur le vol des oiseaux, ne se trouvent pas dans livre de Baldi. Ils ont

dû puiser tous deux

leurs connais

commune, et cette source devait être soit un manuscrit de Léonard, soit un cahier copié sur les notes du sauces à une source

grand peintre.

Il

se peut, d'ailleurs,

que Villalpand

Baldi la connaissance de ce document; selon

composé un

point surprenant qu'il

ait été

traité

tenu de

Scharloncini,

Baldi s'était occupé, lui aussi, de la description d'Ezéchiel et avait

ait

sur ce sujet

;

du temple il

ne serait

mis, à cette occasion, en rapport

avec Villalpand.

Quoi

qu'il

en

soit, les

emprunts

faits

par Baldi à

Statique

la

de Léonard sont autrement étendus que ceux dont Villalpand est débiteur.

Parmi ces emprunts, la

l'un des plus caractéristiques

pesanteur apparente d'un grave suv un plan incliné.

La plus ancienne solution de ce problème

I.

dp

concerne

due

a

Pappus,

manuscnii- de Léonard do Vinci, publiés par Ch. Ravaisson-Mollion. M<. \ de l'Institut, fol. 28, verso. H. Riddi In inechonirn AristotcUs prohleinata t'J'crcitatinne:^; Qvtvpsi'io \\X, p. 173.

Lf's

la liil)IiothcqiiP 9.

est


BERNA RDTNO RVLDl

IKOIVVRD DE VINCI El

qui

efforcé de déterminer celle pesanteur apparente en

s'étail

roidement

étudiant

le

incliné

appuyé

;

sur

dun

un

sphérique sur un

corps

le

nous

que

liypothèses

des

aujourdliui inadmissibles, sait à

Io3

plan

jugeons

raisonnement de Pappus conduiévaluation de la pesanteur

résultat taux. L'exacte

apparente d'un corps placé sur un plan incliné avait été

xnr Jordanus de Nemore

obtenue dès

;

et la

méthode proposée par

la

répéter

cours de Statique sans y changer un seul mot.

les

Léonard, qui connaissait probablement par ce géomètre du

un

ce géomètre

que l'on pourrait, aujourd'hui encore,

était si parfaite

dans

par un mécanicien de l'École de

siècle

le

xni'' siècle, s'est

analogue à celui de

artifice

la règle

découverte

etTorcé de la retrouver par

Pappus;

sa démonstration,

inacceptable en bonne logique, n'en est pas moins ingénieuse; il

une certaine impor-

est à croire, d'ailleurs, qu'il y attachait

tance, car

il

l'a

exposée à plusieurs reprises

Or, cette solution

Bernardino Baldi

la

si

originale,

si

particulière à

reproduit très exactement

de remarque, à propos d'une question où

que

faire

Léonard diffère

^

Il

'.

a soin, d'ailleurs, de noter

offre des analogies

et,

elle

el

chose digne

semble n'avoir

que

la

solution de

avec celle de Pappus, et qu'elle en

en des points essentiels.

Tandis que Baldi adoptait cette solution dont moins,

Léonard,

était correct,

le résultat,

du

Guidobaldo, aveuglé par son admiration

exclusive des anciens, s'en tenait au raisonnement de Pappus.

Toute occasion semblait bonne à Baldi pour exposer, en

marge

d'Aristote, les

remarques

qu'il

empruntait aux notes de

Léonard. Aristote,

par exemple, pose cette question

:

Pourquoi

les

corps flottants, saisis par un tourbillon liquide, sont-ils tous

amenés au centre du tourbillon? Les circonstances se prêtent à une étude sur la formation des tourbillons au sein des eaux courantes. Cette étude, Baldi nous en donne

finalement

Les manuscrits de Léonard de Vinci, publiés par Gh, Ravaisson-^IoUieri, Ms. A Bibliothèque de l'Inslitut, fol. 53, recto et fol. n, verso. Cf. P. Dulieni, Les origines de la Statique, Ch. II, et Cb, VIII, S 3. 2. Bernardini Baldi fn mechanica Aristotelis probleniata exercitationes : Ousestio Vfll Qua^ritur ciir ex figuris omnibus rotunda* facilius moveantur. p. Oj. 1.

de

la

:


ETUDES SUR LEONARD DE VINCI

fo4

mais ces éléments, nous ne sommes point

les

éléments';

fort

embarrassés pour en reconnaître presque dans

trouvons exposés,

la

mêmes

les

nous

les

termes, en

un

provenance

;

cahier de Léonard de Vinci.

Lisons d'abord ce que Baldi nous enseigne de tourbillons ((

genèse des

:

ABCD

Soit

la

courbe

i) la rive

(fig.

rapide courant

A

G avec

se précipite

en

violence, épousant la forme de la

se détache de la rive, l'eau poursuit

il

tournoiement commencé,

le iC

EFDC. qui

s'enroule en tourbillon; lorsqu'en

rive,

B

concave d'un fleuve. Le

et

courbe en spirale

GHFIK

dont

le

et

se

elle

le-

forme un tourbillon

centre est en K.

Les tourbillons peuvent encore naître

»

d'une autre cause, savoir, du conlact entre

en

Soit,

effet,

une eau courante et une eau dormante. ABC (fig. 2j une rive de fleuve qui forme

golfe; par suite de l'arrêt

opposé par

la rive, ce golfe

renferme

une nappe d'eau tranquille; supposons que

fleuve coure librement et direc-

le

tement entre

les

deux droites VC

AC

Tandis que l'eau qui avoisine

rapidement vers A,

elle

sion latérale, suivant

ABG

;

la partie

DE.

se porle

donne une impul-

G A, à

entraîne avec

elle

et

l'eau tranquille

elle,

de F vers G,

de cette eau qu'elle touche. Mais

tandis que cette eau entraînée court de vers G, l'eau tranquille qui

s'oppose à

elle et la

est à

repousse de

F

côté

G vers

H.

commence donc un mouvement en spirale; elle s'incurve selon la ligne GHK,

L'eau

point

I

touchent

les

les

diverses parties de l'eau

unes

les

autres. D'ailleurs,

ces masses d'eau roulant en spirale, I.

Bernardini

XXXV,p.

187.

Baldi

In

et

parvient

au

tourbillonnante se ces

tourbillons ou

que nous avons observés

inechaiica Aristotelis problemata exercitationes

;

Quaeslio


LÉONARD DE VINCI ET BERNARDINO BALDl

en naviguant sur

Pô, l'Adige ou d'autres grands fleuves,

le

ne demeurent point en un lieu invariable;

mouvement Teau,

de l'eau qui

les

entraîne

s'évanouissent peu à peu'.

ils

Lisons maintenant Léonard «

On observe

Io5

parfois,

»

et,

transportés au

la fin

dit-ib,

«

de nombreux tourbillons

du courant, plus

ils

sont grands.

eaux qui retournent en

arrière

après la percussion

qu'a

rapide.

Les eaux lentement mobiles que frappe

liquide

mue rapidement

et

produite

le

courant la

plus

masse

transforment aussitôt leur mouve-

acquièrent ladite vitesse; par suite, l'eau qui est en

contact avec attirée

les

s'appro-

ils

par

ment

de

:

se créent à la surface

» Ils

fil

le

»

sur les côtés d'un grand courant d'eau, et plus

chent de

suivent

ils

le courant;,

par force,

et

et

arrachée de l'autre eau; de sorte que, de

proche en proche, toute acquerrait ce

par derrière, se trouve attachée,

eau qui se mouvait lentement

cette

même mouvement

rapide; mais

un

tel

courant

ne pourrait recevoir toute cette eau à moins qu'elle ne s'élève au-dessus de lui;

comme

cela

ne peut

être,

il

est nécessaire

consume en soi-même de tels mouvements. Dès lors, lesdits tourbillons vont, consommant en diverses circulations les mouvements commencés. Et que

ils

cette

eau retourne en arrière

ne restent pas aux

mêmes

et

endroits, mais, après qu'ils sont

formés, tout en continuant à tourner ainsi, et sans changer de figure, ils sont portés

font à la fois deux

par l'impulsion de l'eau; en sorte qu'ils

mouvements,

l'un est

un mouvement de

révolution sur soi-même, l'autre consiste à suivre l'eau; et cette le

défasse.

eau transporte

le

le

cours de

tourbillon jusqu'à ce qu'elle

»

1. Nous verrons, dans une prochaine étude, que les Exercitationes de Baldi onl exercé une puissante influence sur la Mécanique du xvii° siècle; dès maintenant, mentionnons que l'ouvrage de Baldi est souvent cité dans les commentaires aux Questions Mécaniques d'Aristole composés par Jean de Guevara «. D'ailleurs, dans cet ouvrage, bon nombre d'emprunts sont faits à Baldi et, par son intermédiaire, à Léonard de Vinci, sans qu'aucun auteur soit cité; c'est ainsi que les considérations sur les tourbillons exposées ci-dessus sont reproduites par Guevara (Quaîst. XXXV). 2. Les manuscrits de Léonard de Vinci, publiés par Ch. Ravaisson-Mollien Ms. F de la Bibliothèque de l'Institut, V 78 [3o], verso et recto. ;

a. Joannis de Guevara, cler. reg. min, In AristoteUs mechanicas commentarii, una cuin annotât ionibus quibusdam ad eandem materiim pertinentibus. Romae, apud Jacobum

Mascardum; MDCXXVIL


LKONARD DE VINCI

ÉTf DES SUR

To6

Le second de ces morceaux n'est

il

pas, on quelque soiio.

le

brouillon du premier? Arislote se pose la question suivante'

Pourquoi

:

les pièces

de

bois se brisent-elles d'autant plus aisément qu'elles sont plus

longues P Baldi s'empresse de profiter de cette question pour exposer ses idées sur

la résistance

des matériaux:

opinions à ce sujet, nous trouvons presque toujours

dans

les

manuscrits de Léonard^ au cahier

Bibliothèque de

de ses

oi',

trace

la

que conserve

l,

la

l'Institut.

Baldi s'occupe d'abord (p. 98) de la résistance d'une poutre

chargée debout.

entreprend d'expliquer pourquoi

11

poutre

la

soutiendra sans fléchir ni se rompre un poids très considérable

pourvu que de

la

le

du poids

centre de gravité

même

poutre se trouvent sur une

rencontre

le

centre de

la

que

le

verticale, et

surface par laquelle

sur le sol. Or Léonard avait dit^ de

de gravité

et le centre

même

:

support qui a son centre placé sous

que

celle-ci

poutre repose

la

est

a 11

impossible

centre du poids

le

superposé par ligne perpendiculaire se puisse jamais ployer,

mais d'abord ((

il

poussera sous terre sa base.

Mais, on dira peut-êlre,

ainsi, plus

une poutre

soutenir

poids, et

aux

le

»

remarque

Baldi,

a

que

s'il

en

sera grêle, plus elle aura de force

moins

elle se brisera, ce

Nous répondrons que

faits.

»

est

pour

qui est contraire

cette rupture

provient de

la

non des proportions géométriques... Deux choses importent donc à la force d'un support un rapport convenable entre la longueur et l'épaisseur, et une faiblesse de la matière et

:

certaine solidité et résistance de la matière. «

»

Bien qu'on ne puisse pas bien déterminer par

nombre

quel est l'accroissement de la puissance d'un corps de double quantité par rapport à u

un

autre,

approcher quelque peu de

remarques"' sur cette

situdinem I.

»

que Baldi

«

on peut pourtant, la vérité

))

;

et

il

n

dit

Léonard.

multiplie les

débita proportio longitudinis ad cras se

contente de signaler.

l'crnardini Baldi In mrrhnnica AristoU'Us prohU'inala orercifalioneu

:

Ouccslio XVI,

p. 95. a. f*

Les manuscrits

'i5,

verso.

;i.

//)/</..

loi.

'if»,

(U;

Léonard de Vinci; Ms.

verso,

fol.

'|(i,

reolo

\

ol vorsc», el

do fol.

la

'17.

Bibliolliôquc do l'inslilul, rorlo.


LÉONARD DE VIXCI

I-

T DKRNARDINO BALDI

\0^

Pour prouver qu'une poulie chargée debout ne peut courber ni se briser, Baldi considère tout d'abord poutre horizontale, encastrée à ses extrémités

et

se

une

(p. 99)

qui porte un

poids en son milieu: cette poutre résiste d'autant mieux que

le

rapport de sa longueur à son épaisseur est plus petit; l'abbé de Guastalla en conclut qu'une poutre chargée debout, où les

dimensions horizontales sont

fort

hauteur, a une très grande résistance étrange;

il

ne se trouve point dans

du moins,

les

;

le

raisonnement

est

notes de Léonard; mais,

voyons-nous l'étude de

>

par rapport à la

petites

la

flexion d'une poutre

horizontale chargée en son milieu se mêler'

à

l'étude de

la

résistance de la poutre chargée debout. D'ailleurs, les consi-

dérations par lesquelles Baldi prouve qu'une poutre encastrée à ses extrémités portera

un poids d'autant plus grand

est plus épaisse, rappellent

Léonard

qu'elle

de fort près celles par lesquelles

qu'un arc dont on double l'épaisseur portera

établit^

un poids quadruple. Côte à côte, Léonard dessine un arc en cintre surbaissé arc ogival.

L'arc peu courbé,

«

par lui-même, mais ses épaules.

parlant

»

«

«

si

on

épaules,

se

rompra

chaque arc

partir

vient à étie chargé,

s'il

davantage

sui'

du premier^

dit-il

le

est

charge; »

et si

tu as

partiel, à

peu près au

ajoute-t-il en et

le

devieni

peu de souci de

tiers

comme

ses

de sa longueur à

l'esquisse la

de ce que

résistance de ces

d'arcs.

Baldi, toutefois, y ajoute de son cru

forme où

se

une amère critique

complurent étrangement

au déclin de l'Empire, envahirent Les manuscrUs do Léonard de Vinci;

l'Italie et

Ms A de

les

»

de

barbares qui,

qui faussèrent hon-

la

Bibliothèque de

do

la

Bibliothèque do l'institul,

Les manuscrits de Léonard do Vinci; Ms. A de verso.

la

Bibliothèque de l'Institut,

/|8,

a.

»

du sommet.

deux sortes

I.

sûr

est

en deux points que Léonard marque

Bernardino Baldi enseigne'' au sujet de

fol.

u

un

faut bien armei'

par lui-même faible

Ces courtes indications sonl

cette

il

L'arc de grande courbure,

du second,

il

»

et

l'Institut,

recto.

Les mamisrritis de I-éonard de Vinci; Ms. verso.

V

fol. /i9,

3.

fol. 5o, 'i.

Bernardini Baldi In mechanica Aristotelis pvohlemata exercitationes, pp.

io6 107.


ÉTUDES SUR LÉONARD DE VINCI

I08

ieusement

bonnes

les

établies par les anciens

et

utile

que tous

l'usage en

les autres,

fut-il

règles

de

construction

».

arrive alors à traiter

Il

correctes

^

de l'arc en plein cintre

qui est de beaucoup

extrêmement familier

le

qui est plus

«

plus beau; aussi

à tous les architectes de

Ce que Baldi nous enseigne au sujet de la résistance de cet arc semble encore un simple développement de ce qu'en a dit Léonard ^ Léonard avait sans doute, dans un cahier que nous ne posl'antiquité

»

.

sédons pas, développé des arcs que

les

quelques indications sur

nous lisons au cahier A;

le

la résistance

manuscrit ainsi

rédigé ou une copie de ce manuscrit a dû venir aux mains de

Bernardino Baldi.

IV

Les emprunts de Bernardino Baldi a la Mécanique

DE Léonard de Vinci

(suite).

Le centre de la gravité

accidentelle

Notre attention va être attirée vers d'autres emprunts que Baldi a

faits

à

la

Mécanique de Léonard,

emprunts auront sur une puissante

et

le

et

ces

développement ultérieur de

nouveaux la

Science

féconde influence. Par l'intermédiaire du livre

composé par l'abbé de Guastalla, certaines idées de Léonard seront communiquées à Descartes et à Boberval; elles provoqueront entre ces deux grands géomètres un débat qui ne sera pas exempt d'aigreur; portées par Mersenne, par le P. Fabry, par Pierre Mousnier à la connaissance du jeune Christiaan Huygens, les affirmations contradictoires de Roberval et de Descaries suggéreront à ce physicien de génie la théorie du pendule composé; et la genèse de cette grande découverte de 1.

2.

Bernardini Baldi In mcchanica Aristotelis problemata exercitationes, p. 108. Les rîianuscrits de Léonard de Vinci; Ms. A de la Bibliothèque de l'Institut,

fol. 49,

verso.


LÉONARD DE VINCI ET BERNARDINO BALDI

Dynamique pourra sur

le

Il

ainsi être suivie à partir des notes jetées

papier par Léonard de Vinci

i.

nous faut tout d'abord, pour comprendre

notes qui furent

le

IO9

sens exact des

le

point de départ de cette genèse, dire quel-

ques mots d'une notion qui joue un grand rôle dans

nements de Léonard nous voulons parler de ;

Cette

même,

notion

l'exacte signification

l'Antiquité et le

vement des Aristote,

ne

l'on

Moyen -Age ont

point

notion àUmpelo.

possible

d'en

saisir

aux opinions que

se reporte

professées touchant

mou-

le

projectiles.

aux

struit toute sa

Toute chose

moteur

si

n'est

il

la

les raison-

livres Vil et VIII de sa

<Ï>u7'.7.y;

Mécanique sur ces principes

mue

x/.pcajtc,

a con-

:

qui n'est pas animée tient son mouvement

d\m

distinct d'elle-même.

Le moteur accompagne nécessairement

Dans une semblable

doctrine, le

la

chose qu'il meut.

mouvement d'un

projectile,

mouvement de la flèche après qu'elle a quitté l'arc, apparaît comme un phénomène qu'il est malaisé d'expliquer. A cette flèche en mouvement, il faut adjoindre un moteur le

qui soit distinct d'elle et qui, cependant, pendant toute la

durée du mouvement,

contigu avec

soit

elle.

Ce moteur ne

peut pas être une certaine impulsion, une certaine propriété conférée à la flèche par l'arc qui

lancée, car le

moteur

mue. Ce moteur ne peut

alors intrinsèque à la chose l'air

l'a

serait

être

que

qui environne la flèche.

C'est

donc

l'air,

ébranlé par

le

moteur

initial,

qui maintient

le

mouvement du

le

maintient en mouvement.^ La difficulté n'est point résolue;

elle n'est

projectile.

que déplacée.

Il

Mais cet air même, quel moteur

faudra accorder à

l'air

ce qu'on a

demeurer en mouvement premier moteur sera revenu au repos; il faudra

refusé à la flèche, la propriété de

après que

le

admettre que cet

air,

une

fois agité, peut,

pendant un certain

temps, non seulement demeurer son propre moteur, mais

encore servir de moteur au projectile.

Semblable illogisme n'a point arrêté Aristote; î. Cette genèse sera exposée daas Roberval et Descartes.

il

n*a point

une prochaine étude sur Bernardino

Baldl,


ETUDES SUR LEONARD DE VINCI

110

commenlateurs, depuis rAnliquité

plus illustres

arrêlé ses

jusqu'au début du xiv' siècle; Alexandre d'Aphrodisie, The-

Thomas, Romanus), Gau-

mistius, Simplicius, Averroës, Albert le Grand, saint

Colonna

Pierre d'Auvergne, Gilles

(./Egidius

Jandun consentent tous en ce point qu'un moteur peut communiquer à l'air, à l'eau, aux divers fluides non seulement la propriété de demeurer en mouvement lorsque le moteur est revenu au repos, mais encore d'entraîner dans tier

Burley, Jean de

mouvement

leur

les solides qu'ils

compara après que le

Alexandre d'Aphrodisie

communique

l'eau;

à

entourent. Cette puissance, à la chaleur

la

feu

que

le feu

éloigné,

a été

l'eau

demeure chaude et capable d'échauffer les corps que l'on y plonge. Cette comparaison fit fortune dans les écoles. Beaucoup de penseurs devaient réputer étrange cette opposi tion entre les solides et les fluides;

l'eau

une

mobiles

v.vn-v/Sr^ cjvajj/.ç l'.lzyirr^

moteurs après

et

ment, pourquoi refuser

on

la lui

Vristote et ses

Que

cette

opinion se

moins que

Tandis qu'en

flèche cette

la

la

soit,

même

Et

si

préoccupé

se trouve telle pas résolue?

dont l'attribution

nous en apportent

XXXI V'

yhy.\)Az''>

dès l'Antiquité, offerte à certains

::::6>.r,;;.aTa,

certaine,

la

un premier ébranle

difficulté qui a si fort

commentateurs ne

esprits, les Mr^yav./.z

rien

par laquelle ces corps demeurent

qu'ils ont reçu

à

accorde, toute

l'on accorde à l'air et à

si

à Aristote n'est

le

témoignage.

Question, l'auteur de cet ouvrage

admet que l'air ébranlé est la cause qui entretient le mouvement des projectiles, nous le voyons, aux deux questions qui portent les

n*'"

XVllI

et

XX, assimiler

le

mouvement

(©opi)

à

une pesanteur additionnelle. L'opinion, bien indistincte encore, que laissent soupçonner ces passages, se précisa

Thomas d'Aquin

et

ceux qui attribuent l'arc aurait

dont

il

assurément au Moyen-Age, car saint

Gautier Burley prennent soin de réfuter

le

mouvement de

imprimée en

la flèche à

cette flèche;

et

une verlu que

déjà* à cette qualité le

nom

Luculellu^.

i^yii

ne veut pas admettre l'existence, Burley donne'

de (/mvilé accidentelle. 1. [).

Burleu.'?

Aj'j, col. c.

Hujjer otio

libros

Physkvrum;

Vciieliis,

LioucUis


LEONAUn DE VINCI ET BERWRDINO

L'opinion que saint

et

I

I

Gautier Builey se refusaient

\i\' siècle,

par Albert de Saxe'.

imprime

Celui qui lance un projectile

((

l

nettement formulée, explicitement enseignée,

à adopter va être

au milieu du

Thomas

B/iLDI

à ce projectile

une

naturemêmeest dans la direction où le moteur l'a lancé. »

certaine vertu motrice; c'est unequalité dont la

de mouvoir Plus

le

rentraîne. et

le

projectile

est massif, plus est inlense la vertu qui

[)rojectilc «

Comme

une pierre

quelle est plus dense,

motrice; elle

pourquoi

elle reçoit

de malièie qu'une plume

davantage de cette vertu

garde plus longtemps que

la

meut plus longtemps

elle se

l'instrument qui

davantage de

a plus

vertu

plume

et voilà

ai)rès qu'elle a quitté

C'est aussi parce ({u'elle possède

la projette.

cette

la

motrice imprimée qu'elle produit

une percussion plus violente.

»

Cette vir/us itnpre.ssa n'est pas impérissable; elle s'atténue

peu

peu

à

relle

par s'anéantir, car

et finit

au mobile

et

qui l'incline à

«

le projectile

vertu imprimée

finit

un mouvement

:

contraire,

«

par se corrompre; alors

mou\ement qu'on

de se mouvoir du

lui a

le

programme de

maint passage de

la

» dit

cette

mobile cesse

donné en

lejelant.

Ces quelques phrases écrites par Albert de Saxe sont le

natu-

Comme, par nature, tend à un mouvement opposé,

lutte sans cesse contre cette vertu

Vlbertde Saxe,

la gravité, qualité

»

comme

Dynamique que Léonard développe

ej»

ses notes.

Nous ne pouvons songer à reproduire ici tous ces passages; bornons- nous à en noter quelques-uns qui résument et condensent, pour ainsi dire, la pensée du Vinci. La virtus motiva Impressa à laquelle Albert de Saxe attribue le

mouvement du

de Vinci

lui

donne divers noms;

souvent, /mpe/o; notes'

:

projectile qui a quitté son moteur,

a

il

l'appelle forza et,

le

Vlmpelo a de vie.

plus

Définition de Yimpeto,^) lisons-nous en ses

mouvement et de mouvement ce que

(dJimpelo est une vertu créée par

transmise par

Léonard

moteur au mobile qui

a

le

»

I. Acutissinue quséstiones sitijcr libros de physlca Auscallalione ah Alberto de Savonia editœ; in librum VIII quœslio XIII.

2.

Les manuscrits de Léonard de \inci; Ms. E do

fol. j-^t recto.

la

[jibliotlièquc de l'Institut,


I

I

ETUDES SUR LEONARD DE VINCI

3

Le mobile a de mouvement ce que V'impelo a de

vie;

de Yimpeio n'est point éternelle; cette qualité va

la vie

gnant peu

à

peu

finit

<ît

par mourir d'elle-même;

consumant par degrés de mouvement » u Ldi forza^ court avec furie à sa mort

mais s'élei-

elle «

va se

^ ;

désirée... Elle naît par

violence et meurt par liberté. Et plus elle est grande, plus vite

consume.

elle se

»

Mortelle parce qu'elle a pour origine la violence, la forza

en cela du poids qui est perpétuel parce qu'il est

diffère

naturel

:

toujours

«

Si

poids désire

le

en désir de

que

fatigue, tandis

la

poids tombe, plus

diminue.

elle

est naturel et

la

il

si

forza est

la

poids est par lui-même sans

le

forza n'en est jamais exempte. Plus

augmente^,

et

Isl

le

plus la /or;:a tombe, plus

Le poids

forza accidentelle. Le poids désire stabilité et forza désire fuite et mort d'elle-même.

la.

plupart des

»

mouvements que nous observons, Vimpelo

pesanteur interviennent tous deux

et la

et

3

Si l'un est éternel, l'autre est mortelle.

puis immobilité;

En

fuite,

stabilité

la

et,

bien souvent,

ils

s'opposent l'un à l'autre; lorsque Vimpeto est suffisamment fort,

il

annule

la

pesanteur

et

mouvement

le

violent; mais la pesanteur^ à son tour, tue

vement devient exclusivement

est

mixtes ou composés; d'abord violent,

soumis à

l'action de Vimpeto; puis

l'influence de la pesanteur. été accidentel

;

La 1.

il

trajectoire

un de il il

fait

mouvements monter le projecretomber sous

le fait

tombe

a d'abord été portée il

montait

et

»

d'un projectile se compose donc de deux

verso.

Les manuscrits de Léonard de Vinci; Ms.

A

de

Bibliothèque de

la

Les manuscrits de Léonard de Vinci; Ms.

loi. 34,

l'Institut,

loi. 34, verso. 3.

mou-

ces

appelé accidentel quand

descendait.

le

Les manuscrits de Léonard de Vinci; Ms. F. de la Bibliothèque de l'Institut,

loi. 7/4, 2.

quand

l'a

forza et

Le mouvement naturel ^ a d'abord

ainsi la pierre qui

ou jetée en haut; on naturel

«

purement

naturel.

Le mouvement d'un projectile

tile

Isl

est

A de

Bibliothèque de l'institut,

la

verso.

Plus un mobile s'approche 4. C'est la doctrine d'Aristote et de ses commentateurs de son lieu naturel, plus sa tendance vers ce lieu est intense. 5. Les manuscrits de Léonard de Vinci; Ms. A de la Bibliothèque de l'Institut, :

fol. 3i,

verso.


LÉONARD DE VINCI LT lîEriNARDIXO parties distinctes,

soumises à des

et

engendrées par des puissances différentes lois diff'érentes.

pesante', jetée avec

chemin. Et

à moitié

à 200 brasses,

Il3

13ALDI

changera

furie,

si

tu connais

place-toi à

La pierre ou autre chose

«

de sa course

la ligne

une tienne arbalète qui

tire

une distance de 100 brasses d'un

clocher, mets le point de mire au-dessus de ce clocher et tire

qu'à 100 brasses au delà de ce clocher, la

ta flèche; tu verras

flèche se fichera en ligne perpendiculaire

quelle avait

ainsi, c'est signe

qu'elle entrait dans le

pesante, elle tombait, libre, vers

Les deux portions de

mouvement

violent

violent et

le centre. »

celle qui

correspond au

mouvement

provient du

qui

celle

trouves

naturel, c'est-à-dire qu'étant

la trajectoire,

et

et si tu la

mouvement

fini le

mouvement

;

naturel, ne se succèdent cependant pas sans transition;

du

route

comme

de

la

forme d'une parabole;

Gomment lent et le

de

descendant

rapproche

se

l'air,

le talent

d'observateur qui carac-

la trajectoire réelle

prend, par suite de la

une forme semblable à

celle qu'il dessine.

s'explique cette transition entre le

mouvement vio-

mouvement naturel.^ Uimpelo ne passe pas brusquement

la pleine

bien avant affaibli

en évidence

Léonard, car

résistance de

l'arc

plus que l'arc ascendant; mais cette particu-

même met

térisait

continuité,

parfaite

marquent tous les dessins de Léonard; sans doute, ne donne pas encore à la trajectoire d'un mobile

la verticale

larité

une

avec

s'incurve

le

celui-ci

pesant

mobile

la

puissance à la mort; qu'il

pour que

ait

la

il

s'évanouit graduellement;

entièrement cessé d'être,

tendance naturelle vers

le

assez

est

il

centre

des

graves puisse se faire sentir; ainsi entre la période où ïimpeto entraîne le mobile dont la gravité est alors anéantie et la

période où la gravité, victorieuse, exerce seule son action,

une période de lutte entre ces deux puissances. Cette lutte, nous en sommes témoins lorsque nous suivons

s'écoule

mouvement d'une toupie rapidité de son mouvement de

des yeux les diverses phases du

La toupie^ qui, par

((

Les manuscrits de Léonard de Vinci; ms.

1.

fol.

/|,

2.

la

:

A

de

la

Bibliotlièque de l'Institut,

recto.

Les manuscrits de

Léonard de Vinci; ms. E de

la Bibliotlièque

de l'Institut,

loi. 5o, verso.

p.

DUUEM.

8


\i\

i:iLJ)ES sili

bt \\y(A

i.foNVivn

circoiivolulion, perd la puissance qu'a rinégalilc de sa pesau-

autour du centre de sa circonvolution, par cause de

leur

domine

Yiinpelo qui

tendance

à

ce corps, est

un corps qui n'aura jamais

la

l'abaissement que désire l'inégalitë de sa pesanteur,

tant que la puissance de Vimpeto

moteur de ce corps ne

se

l'ait

pas moindre que cette puissance de l'inégalité. »

Mais quand

la

puissance de l'inégalité surpasse

sance de Vinipclo, alors

circonvolution; et ainsi ce corps, sur ce centre »

le reste

quand

Et

la

du

centre du

elle se fait

amené

la puis-

mouvement de

à rester gisant, finit

susdit i/npeto.

puissance de l'inégalité se

Tait

égale à la puis-

sance de Vimpeto, alors la toupie s'infléchit obliquement

et les

deux puissances combattent avec mouvement composé, et elles se meuvent l'une l'autre avec un grand circuit, jusqu'à ce que s'établisse le centre de la

en

seconde espèce de circonvolution;

Vimpeto termine sa puissance.

lui,

»

entre la pesanteur et Vimpeto est

période de lutte

Cette

et,

précédée d'une période où cette qualité, victorieuse, annihile entièrement

pesanteur; au cours de cette période, un projec-

la

meut en

tile se

ligne droite dans la direction

lorsque, par exemple,

ment,

une bombarde

il

a été lancé;

a été pointée horizontale-

meut d'abord a dans la position d'égalité ». suivant une ligne horizontale; il n'éprouve alors

le l)oulet se

c'est-à-dire

aucune pesanteur suivant la direction

la verticale;

il

pèse seulement, dans

de son mouvement, de celte gravité accidentelle

meut selon la position de l'égalité' ne pèse ([ue par la ligne de son mouvement. On le prouve dans la première partie que fait le mouvement du boulot de la bombarde, mouvement qui est dans la position de qu'est Vimpeto

l'égalité.

:

((Tout grave qui se

))

Nous venons d'entendre Léonard pour désigner ce

et

leciuel,

vertu I.

l'action

mot nous dès

que

servir

du mot

par laquelle Vimpeto entraîne

a rappelé le

nom

temps de Gautier Burley, on

le

mo!(^ur

communique \iiici;

mi>.

le

pesci'

mobile:

de gravité accidentelle par

le

Les mniiUivfUs de Lronaixl de

lui. 77, reclo.

se

désignait cette

au projeclilc. (iaëtan (•

de

la

l>ibli<>llic(iuc

de

de rinslilul,


LEONARD

M.NCl Li

I)i:

Tiènc, qui écrit vers le milieu du

que

«

telle

ix

donnent

certains

le

nom

de gravité ou de légèrelé acciden-

qu'on rappelle

communément

prend parfois

terme de gravité

le

d'impeto ou de

/b/'C(/

«

;

simple

est sa gravité

% nous apprend-

siècle

xv*"

communiquée par

cette vertu

llÔ

|}i:il\AHDL>0 13ALi)i

le

moteur au mobile, mais

impetus». Léonard, lui aussi, accidentelle

comme synonyme

Trois sont les natures du grave^

et

l'une

:

naturelle; la seconde est sa gravité

accidentelle; la troisième est le frottement produit par lui.

Mais

poids naturel

le

est,

en

immuable;

soi,

l'accidentel qui se

joint à lui est infini, avec laforza; et le frottement est variable

selon les lieux où

il

est

fait,

ou

c'est-à-dire âpres

se

le

de gravité accidentelle que reçoit cette dernière qualité, va

conduire Léonard à une conception nouvelle il

»

marquée par

Cette analogie entre la gravité et Vinipeto,

nom

délicats.

bornera à l'indiquer

ment de

la

Selon

la

mais

;

elle

;

cette conception,

exercera sur

Dynamique une profonde

et

le

développe-

féconde influence.

doctrine que l^éonard a empruntée à

Vlbert de

Saxe, la gravité naturelle siège tout entière, pour ainsi dire, en

un

certain point

du grave, son centre de gravité; de même, en un point,

gravité accidentelle se condense

gravité accidentelle

mouvement

de

contre l'autre,

deux centres,

le

\

il

et la

centre de

le

se

meut d'un

forza entrent en jeu

y a lieu de considérer

centre de la gravité naturelle et

la gravité accidentelle

centres

donc qu'un mobile

lors

mixte, où la pesanteur

et luttent l'une

ces

;

c'est-à-dire

:

«

ceux de

à la fois le

centre

Tout corps non uniforme

a trois

la

grandeur, de

dentelle et de la gravité naturelle.

la gravité acci-

»

Les notes où nous voyons Léonard faire appel à

la

ration de ce centre de la gravité accidentelle, qu'il aussi centre du niouvenient

celle \ille

en

1

'i8o,

2.

eu

fol.

:

Impressum

Domini Octaviani

est

cuin

aniiotationibus IcxLuum,

hoc per Bonetum Locatellum, jussu

Scoti civis Modoetiensis.

Anno

et

expensis

Salutis 1/19G.

Les monascrits de Léonard de Vinci; ms. E de la Bibliothèque de rinstitut,

fol. 5/j, h.

malheu-

Tièiio,

Colophon

nobilis viri 3.

nomme

i'i(35. Il

Recolleclœ Gaietaui saper oclo Ubros Physicoi^uni

5i.

fol.

de

centre de ta Jnite, sont

considé-

ne à Viceuce, cnscigiiH la pliilosopliic à l'adoiic; il iiioiiniL on ne laul poinl le coiil'onclre avec Gaëlan de Tiènc, né à Vicenee mort en i.V|-; celui-ci fonda l'ordre des Théalins et fut canonisé.

(îaclaii

1.

ou

la

verso.

Les manuscrits de Léonard de Vinci; lus. F de la Bibliothèque do llnàlilut,

5.'<,

recto.


ÉTUDES SLR LÉONARD DE VINCI

Il6

reusement

fort

peu nombreuses

et fort

devinons que tout plan mené par partager

de

d'impeto

des

l'urre

du mouvement

centre

le

mobile en deux parties

le

peu explicites i. Nous y

telles

que

puissances

exactement

équilibrent

parties

les

doit

les

nous y lisons que, dans

puissances à'impeto de l'autre partie;

choc d'un projectile contre un obstacle, la position du point frappé par rapport au centre da mouvement détermine la viole

lence plus ou moins grande du coup et les

boulet après

choc. Ces pensées à peine esquissées, Léonard

développait en ce Traité da mouvement local qu'il mentionne

les

au Traité de en

le

mouvements du

:

peinture et que nous

qu'en ce Traité de

effet,

sition

la

((

la peinture, il

Tout grave pèse par

ajoute que

u

cela se

la ligne

invoque ^

lors,

cette propo-

de son mouvement,

» il

du mouvement local ». du mouvement local que Bernar-

prouve par

en ce Traité

C'est, sans doute,

possédons plus;

rie

la

g**

dino Baldi avait pris connaissance de ces propositions. Les emprunts de l'abbé de Guastalla à la

Léonard sont, en

effet,

impossible de

méconnaître.

les

Mécanique

assez larges, assez directs

pour

de

qu'il soit

Voici, d'abord, la distinction de la trajectoire d'un projectile trois portions

la

seconde de mouvement mixte,

:

la

mouvement violent, troisième de mouvement

première, décrite de

en

la

Deux de

mouvements^, le mouvement naturel et le mouvement violent, sont rectilignes le troisième mouvement, mélange de ces

naturel,

a

ces

;

FiG. 3

deux-là, est curviligne.

En

que l'on projette violemment un corps grave A (fig. 3); tandis que la violence est prédominante, ce corps se meut en droite ligne vers B lorsque la violence se met à faiblir peu à peu, on voit le mobile se porter en C par une ligne »

effet,

;

courbe

mixte

et

;

c'est

à

la

violence, en

transport en avant, à la nature, son

une I.

fois

qu'il

est

parvenu en C,

Elles se trouvent réunies

au ms.

A

de

effet,

mouvement

la violence la

qu'il

doit son

vers le bas

ayant pris

Bibliothèque de rinslitut,

recto et verso. a.

3.

Traité de la peinture de Léonard de Vinci, cli. GXCVI, p. G'i, Bernardini Baldi In mechanica Aristotelis problemata exercitaliones, p.

k.

fol.

;

fin /j/j,


LEONARD DE

YIINCI

ET RERNARDINO BALDT

tandis que la nature demeure,

le

II7

corps pesant tombe verticale-

ment suivant CD. Ce mouvement naturel

))

et ce

mouvement

comporter de diverses manières.

se

rieure

pousse un corps grave vers

nature

et

la

pousse

le

corps grave vers

une force extécentre du monde, la

en

Si,

violent peuvent

le

effet,

violence s'aideront l'une l'autre

l'autre; enfin,

dans

les

;

cette force

si

elles résisteront l'une à

le haut,

mouvements de

elles

côté,

com-

se

battront l'une l'autre d'autant plus vivement que la trajectoire

montera davantage.

«

La décomposition du mouvement d'un reproduit lorsqu'il analyse qui

frappe

le

mouvement delà hache

un coup de hache

en arrière; puis, brusquement, et le laisse

projectile, Baldi la

il

Celui

rejette

d'abord l'instrument

l'élève

au-dessus de sa

retomber. Tandis que

portion de circonférence, elle

i.

la

hache décrit

ainsi

tête

une

commence par monter d'un

mouvement purement violent; la descente, au contraire, est un mouA^ement mixte où la gravité naturelle est secondée par violence qu'a imprimée le bûcheron.

la

Ces considérations s'accordent de Léonard de Vinci

pu ne

Baldi aurait

;

il

les

fort bien avec la

Dynamique

bon de remarquer, cependant, que pas emprunter directement au grand

est

peintre; Cardan, qui les tenait sans doute de Léonard, les avait

déjà publiées

presque dans

les

mêmes termes

:

Les matières donc qui sont jetées au loing consistent en

«

trois et

^

mouvemens

:

le

premier violent,

moien composé des deux

le

ment porte point

le

dernier du tout naturel,

autres.

corps en droite ligne de

plus haut de la trajectoire.

le

le

«

A

Le premier mouvevers B, qui est le

Or quand

parvenue droitement en son extrême

est

»

la

lieu, elle

boule jetée

ne descend

en faisant la figure du cercle, ni aussi droitement, mais presque par une ligne la ligne

moyenne

entre les deux qui représente presque

environnante d'une quatrième partie du cercle,

comme

Bernardini Baldi In mechanica Aristotelis problemata exercitationes, p. 129. Hieronymi Cardani medici Mediolanensis De sabtilitate Ubri XXL Luo^duni; MDLl. Les livres de Hiérome Cardanus, médecin milannois, intitulés De la subtilité et subtiles inventions... traduis de latin en françois par Richard Le Blanc. Paris, MDLVI 1.

2.

;

p. 49, recto.


ÉTUDES SUR LÉONARD DE VINCI

118

BC; et finalement aucune fois la boule descend de G en D par le mouvement de la matière pesante.

est

»

vraisemblablement inspiré de

de Cardan,

ce passage

Si

tout droit

Léonard, a pu, à son tour, inspirer Bernardino Baldi, d'autres circonstances

celui ci

il

est

montre soumis à Tin-

se

fluence directe de Léonard. N'est-ce pas cette influence que

nous reconnaissons dans auteur explique

«

I

les

considérations par lesquelles notre

comment

les loupios

qui servent aux jeux

des enfants, se tiennent debout tant qu'elles tournent et tom-

bent lorsque leur

A J^

g(

F

(

prend :

I

\h

\?

DE

le

le

rotation

?

Considérons une toupie

dont

centre de graA

plan borizontal

ité

et

AB

est

ABC

U),

{fig.

C soient une verti;

cale qui passe par le centre de gravité

"O

-pv

«

fin »

mouvement de

C

"p*

et ])ar le

point d'appui B. Le centre de

gravité se trouvant sur

la

du

verticale

point d'appui, la toupie demeure en équilibre^ selon ce qui a

démontré. C'est par

été

qu'elle

tombe, à moins qu'elle ne

mouvement de «

rotation.

soit

animée d'un rapide

»

debout tant que

Je dis donc que la toupie se tiendra

mouvement de rotation, mais qu'elle inclinera vers chute lorsque le mouvement se ralentira, et qu'elle tombera

durera la

défaut de sa construction matérielle

le

le

lorsque la rotation prendra

fin.

Imaginons, en

effet,

que par

du manqvie d'homogénéité de la matière, ou du défaut de la fabrication, ou de toute autre cause, le centre de gravité désignons par G, H les côtés soit non pas en C, mais en F suite

;

de

la toupie.

Le centre de gravité

se trouvant

en F, hors de

la

du point d'appui, la toupie tomberait du côté G la vitesse du mouvement empêche qu'il n'en soit ainsi, car elle transporte aussitôt le centre de gravité de l'autre côté, en I. La verticale

;

toupie ne tombe pas davantage vers H, car

ramène

le

la

même

vitesse

centre de gravité en F. Grâce à ce transport conti-

nuel du centre de gravité autour delà verticale du point d'appui, la

toupie ne peut tomber d'aucun côté. Mais le I,

IJcriianliiii

Baldi In

incc'iaiiira Aristotelis

mouvement vient-

problemata crercilationes,

p.

a:i.


LÉONAllI) DE VINCI

à s'alanguir,

il

mouvement de

la

ravi té.

RVLDl

>

toupie s'incline peu à peu

rotation cesse tout à

du point d'appui

côté de la verticale pf

l'.EUN VIU)I\(

ni"

;

oii se

l

f)

lorsqu'enfin ce

toupie

la

fait,

T

trouve

le

tombe du centre de

»

L'imprio, lorscpi'il est 1res violent, supprime,

ici

encore,

la

conformément aux principes de Léonard « Ajoutons, » ditBaldi ', u qu'eu une telle rotation, le corps devient plus léger tant que dure le mouvement, el d'autant plus léger que la rotation est plus rapide. Cet effet a pour cause le mouvement latéral qui oppose un certain obstacle au mouvement

gravité naturelle,

:

qui, par gravité naturelle, tend vers le

Ton pose sur la paume de la tourne rapidement, une de ces toupies qui

rience nous apprend elle que

main, tandis qu'elle

centre; aussi l'expé-

si

servent aux jeux des enfants, on

la

trouve très légère.

»

Cette première période, au cours de laquelle Vimpeto prévaut

annule

et

la gravité, est suivie, selon

période au cours de laquelle la

«

contre la «puissance de Vimpeto Baldi

lutte,

la décrit

l'axe est incliné et

2

puissance de l'inégalité )>

en étudiant

dont

le

Léonard, d'une seconde

et finit

((

un déplacement

Lors donc que

la

Cette étude

la vaincre. Cette

centre se trouve hors de l'axe; la

il

nature, à chaque

du centre du Monde. que la nature prévaudra,

qui l'éloigné

violence cessera et

roue ne tardera pas à s'arrêter d'elle

la

lutte

d'une roue dont

la rotation

nous montre ce centre subissant contre révolution,

par

»

du mouvement de

même.

»

rotation nous fournit encore

d'autres rapprochements entre la pensée de Léonard et celle de

Baldi; en voici

de

un qui

est

particulièrement saisissant;

il

s'agit

rotation d'une roue dont le centre de gravité est sur

la

l'axe.

Au

sujet de ce

lignes-*»

mouvement, Léonard de Vinci

avait écrit ces

:

une roue dont

mouvement

devenu de plus en plus violent, donne d'elle-même, après que son moteur l'abandonne, beaucoup de tours, il paraît clair que si ce moteur « Si

1.

2. ,S.

foK

2

le

est

Bernardini Baldi In mcchanlca Ari^totelis prohleinata exercilalioncs, p. Bernardino Baldi, loc. cit., p. ^fi, Les manuscrit!^ de l/'onard do Vinci; ms. B i]o la Bibliolhrquo de 0,

verso,

7/i.

l'Inslilut,


ETUDES SUR LEONARD DE VINCI

IQO

persévère à

faire

la

tourner en sus de ladite vitesse, cette

persévérance peut avoir lieu avec peu de force. Et je conclus

que pour vouloir maintenir ce mouvement, le moteur n'aura toujours que peu de fatigue, et d'autant plus que, par nature, il

se fixera.

»

Baldi dessine

^

dont

cette roue,

sur l'axe de rotation; puis

(fig. 5),

centre de gravité est en

le

ajoute

il

:

a

En

G

l'absence de

donc à

toute force extérieure, le corps se tient en équilibre. Si

l'une des moitiés de la roue on applique, en

G par exemple, une la

moitié

'^ elle la

force

BGD prévaudra

si

petite soit-elle,

sur la moitié

BAD;

poussera ou l'entraînera, l'obligeant à

suivre son propre

mouvement. Ainsi

la puis-

sance que l'on a appliquée en G, ne rencontrant

un mouvement très rapide, et cet effet sera d'autant plus aisé et plus prompt que la roue est déjà davantage en mouvement, que son diamètre est plus grand et que la puissance mouvante est appliquée plus loin du centre. Nous reconnaissons clairement combien ce mouvement est facile si nous observons que le moteur peut aucun

obstacle^

communiquera

à la roue

cesser toute impulsion et que la roue, cependant, garde très

longtemps s'arrête

le

mouvement

qui lui

a

été

imprimé;

entièrement qu'après une rotation durable.

elle

ne

»

Nous avons vu Bernardino Baldi faire à la Dynamique de Léonard de Vinci de si nombreux emprunts que nous ne nous étonnerons pas de

lui A^oir

adopter

la

notion de centre de

la

gravilé accidentelle.

A

cette

notion, l'abbé de Guastalla accorde

importance; car la

pose à

la

))

par »

1.

2.

notion de centre de

même

de cette science

Le mécanicien considère

Un

la gravilé naturelle, il

base de sa Mécanique; voici, en

définit^ l'objet ((

la

le

grave

une extrême

effet,

comment

il

:

et le léger.

corps peut être grave de deux manières, par nature ou

violence.

Un

corps est dit grave par nature lorsqu'une propension

Bernardini Baldi In mcchamca Arhtoielis problemata exercilationes, p. 78. Bernardino Baldi, /oc. cit., p. i.


LTONARD DE VINGT ET BEUINARDTNO BALDI

T2T

du Monde. Il est dit grave par violence lorsqu'une certaine pesanteur, imprimée de l'extérieur par un moteur, le pousse dans une certaine direction. » Un corps est dit léger lorsque, par nature, il s'éloigne du naturelle lé porte A^ers le centre

centre »

du Monde.

D'ailleurs tout ce qui est grave est grave en

point que l'on gravités, et celui

le cenlre

de gravité;

la violence.

termes ((

'

de Frédéric

et

Commandin,

Nous disions

qu'il

la nature

deux définitions

les

Baldi continue en ces

y avait deux centres de gravité, l'un dû

Nous affirmons maintenant

que ces deux points n'en font qu'un en considérer

que par

y a deux

:

à la nature et l'autre à la violence.

les

il

certain

»

Après avoir donné du centre de gravité de Pappus

comme

y a deux centres de gravité, celui de

il

de

nomme

un

comme deux

la raison et

qu'on ne peut

réalité;

points distincts a

non dans

°

la réalité.

B (fig. 6) le centre de la gravité naturelle du corps A; c'est ce centre Fio. G. qui tombera en G si le grave tombe abandonné à lui-même; si, au contraire, on lui communique une impulsion dans la direction D, il acquerra un autre centre de gravité relatif à la violence qui l'entraîne dans la direction D; ))

en

en

Soit,

efTet,

réalité, ces

mais on rents

si

deux points n'en font qu'un, qui

devra

les

considérer

l'on considère

comme deux

séparément

la

est le point

centres

B;

diffé-

gravité naturelle et la

violence. »

A

ces

deux centres correspondent deux mouvements, tous

deux rectilignes; l'un purement naturel

et

l'autre

purement

violent... »

Cette identification entre le centre de la gravité naturelle et le

centre de la gravité ex violentia surprendrait peut-être

l'on

n'observait que

Baldi

considère

animé d'un simple mouvement de

surtout

un

'

à cette question

1.

Bernardini Baldi In mcchanica Arislotclis problemata exercitationes,

2.

Bcrnardino Baldi,

i8i.

projectile

translation.

Cette analogie lui sert à répondre

loc. cit., p.

si

:

«

p. 3.

Pour-


ETUDES

122

quoi

la partie la

lorsque

le

plus lourde d'un corps se tourne-t-elle en bas

corps tombe, et en avant lorsqu'il est projeté?

Imaginons une en plaçant en

Un

effet

ment;

centre de figure; laissons-la tomber

le

sorte

telle

semblable se produira de

celle-ci s'orientera

violentidy

Dans

sa cliute, la

que

la partie la

plus lourde

plus basse.

marche en avant ex

»

centre de gravité

le

liant la partie la plus lourde.

balle pirouettera de la

dont

balle hétérogène

ne coïncide pas avec

devienne

FJONARD DE TTXCI

SI H

soit celle

lequel

on lance

si

la balle latérale-

manière que

telle

qui contient

le

la partie

qui

centre de la gravité

coïncide précisément avec

le

centre de

reconnaissons

certaines

gravité naturelle.

dans

Or,

nous

exposition,

celle

opinions chères à Léonard. D'une pari, en

effet,

passage de ses notes, Léonard répète cet adage

tombe,

corps

chute.» ((

partie

la

nous lisons dans

D'autre part,

Ce qui

plus lourde se

la

est le plus loin

de celui qui

plus pesant, attendu que

le

le

:

Quand un

guide de sa

fait

ses

«

en maint

manuscrils':

cause, est ce qui est

du boulet qui va

c'est la partie

devant, et qu'elle se trouve sur une ligne passant par l'endroit

qui

l'a

poussé

et

par

centre du poids et de la fuite; et se

le

trouvant ainsi également au milieu de ces deux puissances, elle

en subit une égale action...

Le centre de ce que Baldi

Vinci

lafaife,

nomme

comme pour

dont

le

il

»

est ici question, est

centre de

Baldi,

il

la

violence;

coïncide avec

visiblement

pour Léonard de

le centre

du poids ou

centre de la gravité naturelle.

Nous pourrions multiplier ces rapprochements

Dynamique de Léonard

la

Dynamique de Baldi; nous montrer comment ces deux auteuis et

pourrions, en particulier,

entre

la

analysent d'une manière toute semblable

'

le

rebondissement

d'une balle qui a frappé un mur. Mais ce que nous avons dit suffit,

pensons-nous,

à

prouver

cette

vérité

:

Les doctrines

Les monnscrits de Léonard do Vinci; ms. A de la Bibliothèque de rinstilul, recto; cl', fol. ^4, verso. 3. Les manuscrils de Léonard de Vinci; nis. F. de la Bil)liollièqiio de l'Inslitnt, fol. a.i, recto. Bernardini Baldi //} ineclianica Aristotclis prohlemata c.mrilntiones. I.

fol.

^'i/i,

p.

i83.


I,i:ONARD

exposées au sujet du tirées,

en

très

grande

DE VINCI ET nEIlNARDINO

BATJ)I

I20

mouvement par Bernardino

Baldi ont été

partie, des notes

de Léonard de Vinci.

Dans une prochaine étude, nous verrons quelle influence ont oxorcée sur la Dynamique actuelle ces théories du mouve

ment empruntées par Baldi

à Léonard.

Mais, dès maintenant, les études que nous avons poursuivies jusqu'ici autorisent

une première conclusion

:

L'analyse des

théorèmes de Villalpand, des Exerciialiones de Bernardino Baldi

nous ont prouvé jusqu'à l'évidence que tifiques

les intuitions scien-

de Léonard de Vinci n'étaient nullement demeurées

enfouies dans l'oubli jusqu'à l'époque où Venturi les les

géomètres du xvr

nombreux emprunts, lancèrent dans

la

siècle

en eurent connaissance

exhuma; et,

par de

trop semblables à des plagiats,

circulation générale

ils

les

des doctrines scienti

fiques.

Déjà, la comparaison entre les écrits d'Albert de Saxo et ceux

de Léonard nous avait montré que Léonard n'était nullement l'autodidacte que l'on s'est plu, bieu souvent, à voir en lui

nous avions reconnu que

ses intuitions,

trices et les plus audacieuses, avaient été

par

la science

même

les plus

suggérées

et

;

nova-

guidées

du Moyen Age. Léonard ne nous apparaît donc

comme un génie isolé dans le temps, sans lien avec le passé comme avec l'avenir, sans ancêtres intellectuels comme plus

sans postérité scientifique; nous voyons sa pensée se nourrir des sucs de la science des siècles précédents pour féconder à

son tour

la science

solide et brillant,

des siècles fulurs; maillon admirablement il

tradition scienlifique.

reprend sa place dans

la

chaîne de

la



IV

BEKNARDINO BALDI

ROBERVAL ET DESCARTES



BERNAKDINO BALDl

ROBERVAL ET DESCARTES

Iîehnaudlno Baldi touchvnt les mouvements

Uni: opinion de

agcéléké8.

En bulinanl quelques unes des inluilions de Léonard de Vinci pour en enrichir son œuvre de mécanicien, Bernardino lîaldi' a

rendu à

vices.

la

pensée du grand peintre

plus signalé des ser-

Sans cet heureux larcin, tout ce que cette pensée

riche renfermai et inutile;

ramené est

le

ses

en

I

de

neuf

et

de fécond

la plagiant, l'abbé

eaux

fertilisantes

demeuré ignoré

fût

de Guastalla Ta publiée;

au courant de

si

la

il

a

Science qui s'en

trouvé grandement accru et accéléré.

Suivons ce

germer sous

courant

et

voyons quelles

la bienfaisante

découvertes

vont

inlluencc des idées de Léonard,

transmises par Baldi. Distinguer ce que la Mécanique du le

séparer de ce qu'elle

xvu*' siècle doit à Baldi,

tient d'autres

toujours chose aisée. Baldi n'a point

auteurs ne sera pas

marqué

ce qu'il prenait à

Léonard; à son exemple, ceux qui vont s'inspirer de presseront de cacher la source a laquelle

ils

riionnête Père Mersenne prononcera son

s'em-

lui

auront puisé

;

seul,

nom.

Une minutieuse enquête, semblable à celle qui nous a permis de retrouver la marque de Léonard sous la signature de lialdi ou de Yillalpand, nous permettra seule de rendre t.

Voir noire prcccdeiilc élude sur Léonard de Vinci

et

à Baldi cer-

Bernardino Baldi,


ÉTUDES SLR

128

taines affirmations

DE VINCI

lj':ONAI\D

que nous lirons dans

de Roberval

les écrits

ou de Descaries. Cette enquête nous sera parfois facilitée par la connaissance

de certaine opinion admise par l'abbé de Guastalla. L'opinion

dont nous voulons parler nous semble, en effet, tout à fait propre et personnelle au savant érudit; mais pour en marquer avec précision

les caractères,

différencient la pensée

à quel point

ils

de Baldi des pensées de ses jjrédé-

nous faut remonter assez haut dans le passé, jusqu'à Mécanique du Moyen -Age, source de notre Science

cesseurs, cette

pour montrer

il

moderne.

La Dynamique

Aristotélicienne a légué à la

deux affirmations qui, jusqu'aux temps modernes,

xm'' siècle

furent considérées testables,

sur les

Dynamique du

comme deux

comme deux

propositions également incon-

expérimentales tellement appuyées

lois

qu'elles ne pussent livrer au doute la

faits

prise; et cependant, tandis

que

mations pose une grande

vérité, la

la

moindre

première de ces deux

affir-

seconde énonce une

très

grave erreur. Voici la première de ces affirmations librement descend de plus en plus

pendant

si

longtemps,

consentement universel vient de lancer elle

bénéficia, :

La

commence par

passe par un

vile.

maximum,

:

Un grave qui tombe

Et voici la seconde qui,

comme

la

première,

vitesse d'un projectile

croître;

du

qu'un moteur

au bout d'un certain temps,

puis diminue

et s'a/mule.

Accélération de la chute libre des graves, accélération initiale

du mouvement des donnaient, au faits

projectiles, cette vérité et

même

titre,

comme

cette erreur se

des traductions fidèles des

d'expérience; elles bénéficiaient également de l'autorité

d'Aristote'

Parmi

;

elles étaient l'objet d'explications

analogues.

ces explications, laissons de côté celles qui sont anté-

rieures au

xni''

siècle 2

et

arrivons de suite à saint

Thomas

d'Aquin. La soi-disant accélcralioii du mouvcmon l des projectiles est affirmée par Arislolc, OJpavoO, U, ç (Livre 11, eh. VI). 2. Au sujet de ces explications, voir P. Duhcm, De l'accélération produite par une force constante ; notes pour servir à l'histoire de la Dynamique. (Mémoire présenté au Congrès d'Histoire des Sciences. — Comptes rendus du 2° Congrès de Pliilosophie, p. 85y Genève, 190/».) 1.

llept

:

;


BERJNAUDlNO BALDI, hOi'.i:UVAL ET JJESCARTES

I

29

Avec Aristote et ses plus fidèles commentateurs, saint Thomas admet que le mouvement du projectile, séparé de l'instrument qui

ambiant;

il

l'a

mouvement de l'air demande au mouvement de cet

lancé, est entretenu par le

est naturel qu'il

air d'expliquer la soi-disant accéléralion initiale

aussi est-ce ce qu'il fait

a

:

mouvement

ce

cement, alors que

du mouvement du

rapide qu'au

plus

est

niquée par l'instrument projetant

commence

à s'aftaiblir. cette

un

cation de la prétendue accélération des projectiles,

de Jordanus de Nemore dont traité

De ponderibus

'

le ,

nom

nous

((

est

effet,

est

»

expli-

disciple

inconnu donne,

une explication analogue de

chute accélérée des graves. Voici, en auteur

il

commu-

que l'impression

Thomas d'Aquin propose

l'époque où saint

en son

commen-

quantité d'air ébranlée est petite;

la

aussi plus rapide qu'à la fin, alors

A

projectile;

Lorsqu'une grande quantité d'air

a été agitée, dit-il», c'est-à-dire au milieu projectile,

du

la

ce qu'a écrit cet

:

Une chose grave

meut d'autant plus rapidement

se

descend plus longtemps. Ceci l'eau, car l'air est

est plus vrai

dans

l'air

qu'elle

que dans

propre à toutes sortes de mouvements. Donc

un grave qui descend

tire,

en son premier mouvement,

fluide qui se trouve derrière lui et

met en mouvement

le

le fluide

qui se trouve en dessous, à son contact immédiat; les parties

du milieu

mouvement meuvent

ainsi mises en

suivent, de telle sorte

un moindre

que

celles qui les

celles-ci, déjà ébranlées,

obstacle au grave qui descend. Par

opposent

le fait, celui-ci

devient plus grave et donne une plus forte impulsion aux

du milieu qui cèdent devant lui, au point que celles-ci ne sont plus simplement poussées par lui, mais qu'elles le tirent. 11 arrive ainsi que la gravité du mobile est aidée par parties

1.

Sancti

édita; tomvis

Thomas III,

Aqiiinatis Opéra omnia jussu impensaque Leonis XIII, P. M., Gonimentaria in libres de CacloetMundo, lib. II, cap. VI, lect. VIII,

p. i5o. 2.

De

ce traité, la Bibliothèque Nationale possède

deux exemplaires manuscrits,

(fonds latin, ms. 8680 A et ms. 7878 A). Il a été imprimé au xvi° siècle, d'une manière oxlrèmemeni défectueuse, sous ce titre Jordani Opusculam de ponderositate Nicolai Tartaleœ studio correctum novisque figuris auctum.

tous deux

du

xiii' siècle

:

Vcnetiis,

apud Curtium Trojanum,

MDLW.

Nous avons

dit,

dans nos recherches sur

Les origines de la Slati(iue (ch. VII), de quelle importance avait été ce traité lution de la Slatique. r.

DLUE-M.

pour M

l'évo-


rViLDES

i.')o

el

accru par

gravité,

continuellement

en sorte que ce mouvement accroît

la vitesse

du grave.

Pareille explication de

pouvait

dl vinci

î;<>\aivIj

i

que. réciproqueiiieiit, leur luouvemenl esl

leur Iraclion la

>t:i;

manquer de

»

chute accélérée des

la

graves

iic

ceux qui attribuaient aux mou-

satisfaire

vements de l'air l'entretien du mouvement d'un projectile. Vussi voyons-nous, en la première moitié du \iv' siècle, \\ aller

Burleyi

et

Jean de Jandun-' souscrire à

cette théorie.

Ces explications, admises par Burley, par Jean de Jandun, ne seront naturellement pas acceptées par attribuent la continuation gravité accidentelle, à

du mouvement du

un impelas

physiciens qui

projectile à

une

impvessus.

Déjà Burley nous avait avertis que le

les

certains prétendent que

c

grave, en descendant, acquiert continuellement une nouvelle

gravité

plus en plus grave

et,

par conséquent, qu'il se meut continuel-

lement de plus en plus se rallie les

devient ainsi continuellement de

accidentelle, qu'il

vite ». Cette

opinion est celle à laquelle

nettement Albert de Saxe; à

Physiques d'Aristote où,

de ïitnpetas impressas

et

si

la fin

nettement,

il

de

la Ouesllon'

formule

la

sur

doctrine

l'oppose à la théorie aristotélicienne,

On peut expliquer de la même manière pourquoi le mouvement naturel est plus rapide à la fin qu'au commencement; il faut dire à ce sujet que le mobile animé du mouvement naturel acquiert une certaine aptitude à ce mouvement et cette aptitude acquise, en s'unissant à la s'exprime en ces termes

il

gravité,

:

«

meut plus rapidement

le

mobile.

»

Cette doctrine, Albertutius l'avait déjà formulée en la seconde partie de son Traclalas proporlionam

I.

hoc

;

il

Burlciis, Super oclo Ubros Physicufiiin, lib. Vlll.fol.

l'expose surtout en

n:»;. col. c.

doloplioii': Kl in

exposilio evcelleiitissiiiii i)liiloso])hi Ciualleriide Burley Anglici iu libros oclo de physico auditu Aristolclis Stagerile (àtVj, emeudala diligeutissimc, imp^e^^a (iiiiliir

artc cl diligculia Boncti Locatclli Bergomcnsis, siimptibus vcro et e\pcnsis iiobili>

auno .Salutis nonagcsinioprinio Mipra quadringenlesimum, quarto nonas Deceinbris. -j. Joannis de Janduno In Ubros Aristotelis de Cœlo et Muiido quiesliones subtUissimn\ quil)us nupcr consulte adjecimus Averrois sermonem de substantia orbis cum ejusdcin Joannis commcntario et quœstionibus... Veneliis, apiid Ilieroiiynium Scotum, 155^?. OucTstio \I\, fol. .S:?, col. d. 3. Alberti de Saxoiiia ()u,rstiones in Ubros de physica (uiscuUaUone; in librum VIII (pia">.lio Mil. CI'.: Albcrli do Savonia (Juivstionc» in Ubros de C<v(o el Mundo. lib. ni. (|u;.K|i,, Ml. >iri Octaviaiii Scoti Modoetiensis... Venetiis,

millesimum

et


BËKNARDINO

une question sur

le

UUI5i:il>AL

lîAl.Dl,

De Coelo

' ;

question admirable, où

examine

il

la vitesse

si

entre-

des

de chute des graves croît

temps écoulé

proportionnellement au

il

mouvement

voit la loi de l'inertie et son application au astres;

IOI

ET DESCÎAHTES

;

il

se

demande,

comme

tant d'autres physiciens l'admettront après lui,

comme

Galilée

lui-même l'admettra pendant quelque temps,

si

cette

vitesse croît proportionnellement à l'espace écoulé; où, enfin, il

rejette ces lois qui feraient croître la vitesse

au delà de toute

temps écoulé ou avec l'espace parcouru, pour en adopter une qui la fasse tendre a ers une limite finie. En cette question, Albert s'exprime en ces termes: « Il est limite avec le

une autre opinion au

de l'accélération du mouvement

sujet

naturel, et c'est cette opinion que j'approuve. Selon cette opi-

nion,

il

faut

imaginer qu'un grave qui tombe acquiert, outre

sa gravité naturelle,

un

certain

///iyje/^ii*

cette gravité accidentelle vient

corps

acquiert se

il

en aide à

la

;

gravité naturelle

mouvement plus rapide... Lorsque tombe pendant un temps de plus en plus long, il

pour animer le

ou gravité accidentelle

le

grave d'un

un impetus de plus en plus grand

mouvrait de plus en plus

et,

par conséquent,

vite si la résistance, croissant

plus vite que ïinipetas acquis, n'y mettait obstacle.

»

Albert de Saxe admet donc, au sujet de la chute accélérée des graves, l'opinion que V\ aller Burley rejetait; quant à la

prétendue accélération du qu'il a quitté

du

projectile

après

son moteur, nous ne voyons pas qu'il en

mention dans

lait

mouvement d'un

ses écrits.

xv^ siècle, reproduit

d'Albert de Saxe en

'

ait

Gaétan de Tiène qui, au milieu

presque exactement l'argumentation

faveur de ïinipetas impressiis,

pas à nier cette soi-disant accélération

:

«

n'hésite

Bien loin de se

I. Questiones subtilissinie Alberiï de SdLXoni'd in Uhros de celo et manda. Colophon Kxpliciiml (fuestiones... Impresse autem Venetiis arte Boneti de Locatellis Bergo:

iiieiisis. Impensa veto nobilis viri Octaviani Scoti civis modoeticnsis. Anno salulis nostre 1^9:3. Nono Kalen novembris. Ducante inclito principe Augustino Barbadico. Libri II quaîstio XIIII. Cette question capitale n'a pas été reproduite par Georges

Lokert dans

les

deux éditions du

même

ouvrage qu'il a données

à Paris,

en i5iG

et i5i8. >..

loi.

RecoUecte Gaietani super oclo libros

5o, col. d,

fol.

5i, col. a.

Colophon

:

Physicoruni ciun

Impressum

est

annolationibus

textuum,

hoc Venetiis per Bonetum

Locatelluni jussu et expensis nobilis viri Oclaviaui 8coli civis Modoeticnsis, aiuio >alutis i^yO, iionis sextilibiis.


ETLDES SUU LEOAAllD DE VLXCI

IÔ2

mouvoir plus rapidement à quelque distance de l'arc, la flèche se meut plus lentement. » Les historiens de Léonard ont souvent signalé son caractère hésitant; difficilement, il s'arrêtait à un ferme parti, parce qu'il en reconnaissait, avec trop de clairvoyance,

Dynamique

Au

De

défauts.

et les

cette

continuelle perplexité, ses idées en

un nouvel exemple.

offrent

sujet des principes de celte science,

tous les écrits dont

il

avait eu

avait lu et médité

il

communication, aussi bien ceux

Thomas d'Aquin que ceux

de saint

points faibles

les

d'Albert de Saxe; voici

une note qui nous en apporte le témoignage Du mouvement en général. Quelle chose

^

:

est la cause

c(

mouvement. Quelle chose chose est celle qui est

le

mouvement en

est le

est

Vimpeto; quelle chose est la cause de Vimpeto

elle se crée.

est sa cause. Quelle

percussion

la

Aristote,

de

3''

la

et

Mundo.

Entre

les

quelle chose

Physique,

Thomas,

et Albert, et

de

7*^

la

et les

Physique. De

»

Écoles adverses, Léonard n'a pu se décider à faire

un choix exempt de

tout partage;

il

ne

s'est

Thomas d'Aquin qui du mouvement du mobile à

à suivre l'École de saint les particularités l'air

du milieu

et sa cause.

autres; sur le rebondissement, dans le

Cœlo

;

et

rebondissement. Quelle chose

le

courbure du mouvement droit

est la »

chose est

Quelle

soi.

mouvement. Quelle chose

plus apte au

Quelle chose est

du

ambiant;

il

n'a point,

non

plus,

point résolu

attribue toutes l'agitation

donné son

de

entière adhé-

sion à l'École d'Albert de Saxe qui, pour rendre compte de ces particularités,

invoque seulement Vimpelus.

Entre ces doctrines opposées,

terme

et,

pour tout

dire,

c'est

de cote mal

de Vinci. Avec Albert de Saxe, projectile qui a quitté son

il

moteur

une

taillée,

Les manuscrits de Léonard do Vinci, nis.

i3o

[<S:j|,

verso.

moyen

attribue le

mouvement du

à Vimpeto,

à \diforza, à la

tence et définit les caractères; mais avec saint

1.

de

qu'adopte Léonard

gravité accidentelle dont, à maintes reprises,

fol.

sorte

I

de

la

il

affirme l'exis-

Thomas d'Aquin,

Bibliolliôiiuc

do

rinslilut.


BERNARDINO RVLDI, ROBEKVAL ET DESCAUTES il

explique par l'agitation de

le

Thomas

passage suivant «

'

:

fcnt

mouvement

traversent lair par un et

phénomènes

d'zVquin qui inspire à Léonard de Vinci

Le milieu du chemin direct

sance

les

33

ou supposés.

d'accélération, vrais C'est saint

ambiant tous

l'air

I

par des corps pesants qui

violent est de plus (jrande puis-

de plus grande percussion, sur rotjstacle quits rencontrent,

qu aucune autre partie de ce parcours. »

La raison de ceci

de son moteur,

est

que quand

l'air

mouvement

sans

premier degré de sa résistance;

petite partie de l'air

et,

vitesse.

en

le

et,

bien que

par suite, au

la force

en rester vainqueur chassant, est

meut en

;

il

un peu empêché

mouvements

formés étant semblables à ceux qui

cercle en chassant ainsi la

un

autre,

même

se font

s'approche

même

que

la

dans

tout l'air

trouve

qui se

ligne que lui se trouve préparé

davantage

trouvant moins de résistance dans course; de

;

pour centre. Chaque

au mouvement, mouvement qui s'accroît d'autant que l'air

chasse

lui est toujours centre

l'eau avec l'endroit frappé par la pierre

qui chasse

une

Cet air étant donc poussé, en pousse

circulaires dont le poids qui se

devant son moteur sur

offre

l'air

chasse d'autre, en produisant derrière lui des

les cercles ainsi

la force

du poids poids n'agissant que sur une

le

lair, arrive à

de sa place

dans sa propre et

et,

de résistance plus grande que n'est

qui y est poussé, néanmoins,

donc

poids part, de par

trouve, bien que ce départ soit au premier

il

degré de sa puissance,

somme

le

l'air,

;

par suite,

double

barque menée dans

le le

la vitesse

l'eau,

poids poids

de sa

laquelle

meut avec difficulté dans le premier mouvement, bien que son moteur soit dans sa plus puissante force; mais quand l'eau, avec des ondes arquées, commence à prendre mouvement, la barque, suivant ce mouvement, trouve une faible résistance et, dès lors, se meut avec facilité... o Léonard a formulé à plusieurs reprises', avec une grande se

1.

Les Manuscrits de Léonard de Vinci; ms. verso.

A de

la

Bibliothèque de l'institul,

fol. /|3, 2.

Cf. P.

Duhcni, De l'accélération produile par une force constante; notes pour servir la Dynamique (Comptes rendus du 2' Congrès de Philosophie, p. 85f)

à l'histoire de

;

Genève,

190/1),


ETUDES SIR LKONARD DE VINCI

l8^|

netteté, la loi de l'accélération

uniforme de

Cette accélération, d'ailleurs,

il

la

chute des graves.

comme

en rendait raison

le

un mécanicien de l'École de Jordanus, dont Léonard paraît s'être fréquemment inspiré, et plus dès

faisait,

Walier Burley

tard,

La

«

siècle,

xni''

le

et

Jean de Jandun.

gravité qui descend libre,

dit-il

i,

acquiert à chaque degré

de mouvement un degré de poids. Ceci naît par la deuxième

premier qui

dit

En

résistance.

que

du

corps sera plus grave qui aura une moindre

le

on

cas de la descente libre des corps graves,

voit manifestement, par l'expérience déjà alléguée de l'onde de

que

l'eau,

l'air fait la

même

parce qu'il se trouve poussé dire qu'il fait

A

onde sous

la

chose qui descend,

de l'autre côté,

et,

une onde tournante qui aide

attiré, c'est-à-

à pousser

présent, pour ces raisons-là, l'air qui fuit en avant

qui

le

en bas.

du poids

chasse montre manifestement qu'il ne lui résiste pas

et,

par conséquent, qu'il n'empêche pas ce mouvement; dès lors, plus descend l'onde qui Aa plus vite que la gravité qui la

meut, plus dure nière

Au deux

poids à une facile

le

xvi*" siècle, les

cette gravité; plus la der-

fuite. »

mécaniciens se divisent presque tous entre

partis.

Les uns suivent de

mouvement de

s'en éloigne et d'autant plus elle prépare l'air qui

onde

touche

le

l'air,

ils

ment des

la tradition

attribuent

projectiles,

de Walter Burley; à l'agitation

non seulement

l'entretien

mais encore l'accélération de

du mouvela

chute des

graves; c'est parmi ceux-ci qu'il convient de ranger

car-

le

dinal Gaspard Contarini et le jésuite Benedictus Pererius.

Au Non

Les autres sont nettement les disciples d'Albert de Saxe.

premier rang de ceux-ci, plaçons Jules -César Scaliger. content de développer avec force

les

arguments d'Albert de

Saxe en faveur de l'existence de Vimpetus, Scaliger, dans ses Exercitationes

adversus

Cardanum, explique avec beaucoup

de netteté commerit une gravité persistante engendre à chaque instani

comment I.

f.es

lombe et impetus de plus en plus intense détermine une

im nouvel impetus au cet

mannsrrila do Léonard

fol. ?u, vorso.

cjo

\

inci

sein

;

nis.

d'un grave qui

V flo la

Bibliothèque

ilo

l'Institut,


hF.n\\ni)i\<)

chule accéiéroe, La

nAF.Dt,

ri dtscahifs

u,

luêjnc pensée

non moins de

tard, avec

ii<>i'.r:ii\

i.î.»

Irouve exprimée plus

se

par Jean-Baptiste Benedetli.

clarté,

Entre ces deux Écoles, à l'exemple de Léonard de Vinci,

dont

paraît bien avoir éprouvé la puissante influence. Cardan

il

prend un moyen terme.

11

un impelus

Et quand on suppose' que (ont ce qui

mouvé

est

mouve, l'eau,

acqiiisHus l'est

c'est

:

«

admel que

une impétuosité acquise,

le feu est oslé, l'eau

Mais

brûle

le feu

que

ainsi

par

la

chaleur en

outre nature, et toutefois

main de

la

celui qui la touche.

qu'épiouve un projectile apiès

réalilé

el

et

l'explique

il

«

comme

Léonard de Vinci

«

:

qu'il

comme

moteur. Cette accélération, Cardan,

d'Aquin

esl

»

impelus acquisUns ne peut rendre compte de l'accé-

oel

léralion

la

projecUle

de quelque chose, ce est très vrai; mais ce qui

qui est induite en l'eau par

quand

le

quitté

Arislote,

son

en admet

Thomas au commencement

l'ont

Car

a

saint

fait

l'air

mouvement, sinon (pie bien peu; par succession mouvemeni naturel de l'air, comme il est mouvé,

n'aide point le

de temps,

le

est fait plus valida;...

pouiquoi par

du mouvement

la célérité

estre

lui

mesme

augmentée.

est nécessaire

il

»

Cette action accélératrice de l'air ébranlé. Cardan la étudiée à plusieurs reprises;

novum de

proportlonibiis-',

avant

l'avait fait l'air

dans un

lui,

il

ses derniers

ouvrages, VOpns

décomposée,

comme Léonard

île

l'a

en deux autres actions

condensé à l'avant du mobile

qui vient,

:

une

traction de

une impulsion du fluide en tourbillonnant, occuper la place que le projectile et

évidemment de là qu'en tout mouvement, soit naturel, soit violent, il se fait un certain accroissement de vitesse depuis le début du mouvement jusqu'à un certain instant. C'est pourquoi les machines de guerre de tout genre exigent une certaine distance pour que leur coup laisse

1.

ride derrière

Les livres de

lui.

u II

résulte

Hiérome Cardanus, médecin Milannois,

intitulés de la subtilité et

subtiles inventions, ensemble les choses occultes et raisons d'icelles,

Irançois par Richard le Blanc; Paris, Charles l'Angelier, 2. Cardan, loc. cit., p. ^18, verso.

MDLVI;

traduis de latin eu '17, verso.

p.

3. Hieronymi Cardani Mediolanensis, civisqne Bononiensis, philosophi, medici et mathematici clarissimi, Opus novum de proportionibus namerorum, motuuni, ponderum, sonorum, aliarumque rerum mensurendarum, non solum geometrico more stabilitum, sed etiam variis experimentis et obscrvationihus rernm in natara solerti demonstratione illustratum, ad multipliées usus accomodatum, et in V libros digestum; Basilea*, ex ofRcina

Henricpelrina,

Anno

Salutis

MDLXX, mense

Martio:

lib.

V. prop.

XXX.


ÉTUDES SUR LÉONARD DE VINCI

\'AC)

atleigne sa plus grande violence. lératrice de l'air

ambiant que

»

C'est

donc à

l'action accé-

l'on doit attribuer

la vitesse

^

du mouvement naturel par lequel un grave tombe à terre; sur ce point, comme sur tant d'autres, Cardan se range à l'opinion de Léonard de Vinci. Comme Léonard et Cardan, Tartaglia admet qu'un projectile accélère d'abord sa course et il attribue cette accélération à une croissante

action de l'air mis en branle. Cette action lui sert à répondre

une question^ posée par le Signor Gabriel Tadino di Martinengo, chevalier de Rhodes et prieur de Barletta u Le Prieur à

:

:

même pièce une même hausse, une

l'on tire

Si

coup, avec

charges égales,

les

Sans aucun doute,

deux

ils

d'artillerie

vers

seront inégaux

le

;

coup sur

fois

un même but

seront-ils

tirs

deux

égaux?

avec deux

et

Tartaglia:

second coup portera

— P.

Pour quelle raison? T. Pour deux raisons. La première est que, lors du premier tir, le boulet a trouvé l'air en repos, tandis que, lors du second tir, il le trouve non seulement tout ébranlé par le boulet lancé au plus loin que

premier

tir,

vers lequel

le

premier.

mais encore tendant fortement, courant au lieu

on

tire.

Or,

il

une chose déjà mue

trer

repos fois,

et

est plus facile et

de mouvoir et de péné-

pénétrée qu'une chose qui est en

en équilibre. Par conséquent,

rencontrant un moindre obstacle à son

la première, ira plus loin

que

seconde

la balle tirée la

mouvement que

celle-ci... »

Tartaglia empruntait peut-être ces raisonnements à quel-

qu'une des notes laissées par Léonard de Vinci; peut-être aussi avait-il

les XTii''

siècle,

avons

conçus en lisant

le

traité de

Ponderibus

écrit,

au

par ce mécanicien de l'École de Jordanus que nous

nommé

le

Précurseur de Léonard de Vinci.

On

peut

le

croire d'autant plus volontiers qu'au septième livre des Quesiti et inventioni diverse,

Tartaglia a plagié l'œuvre statique de ce

géomètre avec une impudence que Ferrari

1.

Cardan, Opus novum. de proportionibus,

lib.

V, prop.

lui

a

durement

XXXI.

ad instantiaetrequisitioneet a propria spsse de Nie. Tarlalca Briscianoautore; MDXLVF. // primo libro delli quesiti et inventioni diverse di JMcolo Tartaglia, sopra gli tiri dette artiglierie, et altri suoi varii accidenti. Libro primo. Quesito quarto. Cf. Libro .sfirondo. Quesito primo. 2.

Qaesili et

inventioni diverse di Nicole ïartaloa.

Vineoia, Vont. Riiffinelli,


lîEll>ARDÏNO nAf,DT,

reprochée; on

nOIîRRVAL ET DESGARTES

égalemenl que

sait

de ce géomètre fut

traité

le

publié par Gurtius Trojanus, d'après

187

un manuscrit que

lui

avait légué Tartaglia.

Autant

et plus

que Cardan, Bernardino Baldi

s'est

nourri de

pensée de Léonard de Vinci. Les notes de Léonard de

la

Vinci ne sont cependant pas inspiré;

en

il

dont

parmi ceux-ci,

cite, qu'il a lus, et,

à plusieurs reprises le

seuls écrits

les

il

se

il

soit

mentionne

commentaire aux Questions mécaniques

composé par Alexandre Piccolomini ^. Or, en ce qui concerne la cause du mouvement des projecAlexandie Piccolomini se montre disciple très exact tiles,

d'Aristote qui a été

d'Albert de Saxe;

il

un

attribue à

moteur non seulement

l'entretien

communiqué par le du mouvement du projectile impetiis

après qu'il a quitté ce moteur, mais encore

la

chute accélérée

produite par une gravité permanente.

même temps que dans son XXXVIP cha-

Cette doctrine, Piccolomini l'expose, en toute sa théorie

d'Aristote Il

violent,

consacré à l'examen de

pitre,

((

du mouvement

trente -deuxième

la

:

faut remarquer,

» dit-il,

ou pesanteurs: l'une qui

«qu'il y a

a sa source

corps; l'autre, superficielle, que Celle-ci n'est point autre

les

ou bien ù

En

tendance (qui

deux

dans

Grecs

sortes de gravités

nature

même du

nomment

âriTrôXa'.av.

la

chose qu'un certain impetus non per-

manent, qui peut ou bien s'acquérir dans sa propre

le

corps même,

vel acquirifnr in re ipsa

ex suo

lorsqu'une pieire tend vers

effet,

le

la

elle

pesanteur superficielle)...

mini a exposé Il

par suite du

acquiert une plus grande pesanteur (j'entends

Baldi, qui cite avec éloge ^

ces idées.

natii mota),

bas, elle devient

sans cesse plus rapide, paice que sans cesse,

mouvement,

mû par

imprimé par un moteur mouvant violemment.

être

parler de

question

ses idées

admet

-^

le

»

passage

au sujet de

la

oii

Alexandre Piccolo-

Dynamique, admet

qu'a en un grave qui tombe,

il

toutes

y a deux

1. Alexandri Piccolominei In mechanicas qnrestlones Aristotelis paraphrasis paulo quidem plenior, ad Nicolaum Ardinghellum Cardinalem amplissimum. Excussum Roma^, apud Antoninm Bladum Asulanum, MDXLVII. 2. Bernardini Baldi In mechanica Aristotelis problemata exercitationes, p. 180. .^. Bornardino Baldi, lue. cit., p. iic).


KTUDFS srn ri'iownD

i.'iS

pesanteurs,

savoir la

plus ce

mouvement d'où tombe

le lieu

le fait

même

une pesanteui'

ol

de sou mouvement. Aussi

prolongé, plus

est

vf\r;i

nalurello

pesanloui-

acquise au mobile par

df,

par exemple, est

tiaut,

grave, plus est grande cette pesanteur

le

un plus grand mouvemenl o. Piccolomini n'a poini parlé du prétendu accroissemeid de vitesse qu'éprouverait une flèche après qu'elle a quitté Tare; en cela, il s'est conformé à une tradition constante dans

accidentelle engendrée par

l'École d'Albert de Saxe; ou bien les physiciens de cette École

ne font aucune allusion à celle soi-disant accélération, ou bien

même, comme Gaétan de

Tiène,

ils

en nient

la réalité.

si

rompt avec cette Iradition. Léonard de Vinci, dont il a fréquemment suivi la pensée, a trop nettement insisté sur

la

prétendue accélération

Baldi

moteur pour

vienne à

qu'il lui

du projectile séparé de son

initiale

la

pensée de négliger ou de

nier cette accélération; et cependant,

Thomas d'Aquin, Léonard

saint

et

il

ne veut poinl. avec

Cardan,

l'e\pli(|uer

par

l'ébranlement du milieu. Il

admettra donc

de cette accélération

la réalité

et

l'inter-

il

prétera en imitant l'explication qu'Albert de Saxe et Piccolo-

mini ont donnée de

chute accélérée des graves. La gravité

imprimée par

accidentelle

analogue à

la

la

le

moteur au

gravité naturelle; de

même

projectile

que

est

fort

celle-ci produit

une chute accélérée, de même celle-là déterminera un mouvement accéléré. Toutefois, une différence sera à signaler :

la

gravité

naturelle

persistante;

est

détermine s'accélère-t-elle sans cesse. accidentelle,

ment

née de

qu'elle régit

la

violence,

aussi

Au

est

il

se

ralenlira

chute qu'elle

contraire,

périssable;

commencera donc par

bout de quelque temps

la

cl

le

s'accélérer,

prendra

gravité

la

mouvemais au

fin

de

lui-

même. ((Les projectiles cesseni

dont

la vertu et

relle,

qui

I.

de se mouvoir', car l'impression

rimpéluosité

les

mais purement accidentelle

esl

accidentel

Bernardino

el

entraîne n'est point et violente;

or, rien

nalu-

de ce

violeid, rien de ce ({ui est hors nature.

lîalrli, lor.cil., p.

lyi).


BFRWRDTNO

B\T;DT.

lUmF.RVAÎ. ET DESCARTFS.

l3()

n'est perpétuel. Cette impression aeeideiilelle s'évanouit

s'évanouit graduellement,

et tandis qu'elle

projectile se ralentit et

que

lanl

:

mouvement

devient plus rapide; ensuile,

peu à peu,

même

repos.

mouvement

le

naturel;

il

est plus

même du mouvement, il comme la violence imprimée

puis, par le fait

lent à son début;

nouit en

par atteindre l'immo-

violence prédomine,

la

violent est tout semblable au

s'affaiblit

finit

mouvement du

le

Ajoutons une remarque que beaucoup d'auteurs

bilité absolue.

ne font poini

mobile

le

donc,

il

mouvement

se ralentit; enfin le

temps que Vimpetus

mobile tombe au

et le

Aussi rexjK'rience nous enseigne

s'éva-

elle

t

que

coup

le

porté par un projectile devient plus violent à quelque dislance

du point de départ de son mouvement; ce coup

maximum

au

lorsque

ayant acquis

le projectile,

est nuisible la

plénitude

de son mouvement, est animé de sa plus grande vilesse. Voilà

pourquoi nous voyons

enfants, instruits par la initure, se

les

mur

placer à quelque distance d'un

lorsqu'ils veulent biiser

des noix ou quelque autre chose en les lançant contre ce

vous leur demandez pourquoi

si

vous diront qu'à plus efficace.

et

L'idée

logique;

un

cette distance le

s'y

prennent de

l'on

si

la sorte, ils

coup devient plus vigoureux

»

que Baldi exprime en ce passage

moteur

impetus,

ils

mur;

peut admettre que

permanent,

on n'en

crée

à

saurait conclure

la

est

étrange et peu

graAité naturelle, qui est

chaque instant un nouvel que

la

gravité artificielle,

imprimé au projectile par le moteur, son tour un impetus de second ordre; visiblement,

c'est-à-dire Vimpetas

engendre à

Baldi s'est laissé entraîner par l'analogie entie la gravité naturelle et la gravité

ceptables; ainsi qu'il

accidentelle jusqu'à des

que nul, avant le

donne

lui,

n'ait

à entendre,

corollaires inac-

formulé ces corollaires,

nous ne saurions nous en

étonner.

Mais que cette théorie, assez étrange, porte

profondément gravée, de Bernardino Baldi. très

précieuse pour l'histoiien; elle lui

reconnaître,

en des

écrits

plus

récents,

la

marque,

très

c'est particularité

permet en

effet

de

l'influence qu'ont

exercée les doctrines de l'érudit abbé de Guastalla,


ÉTUDES Sun LÉONARD DE VINCI

l/|0

H MeRSENNE.

lÎALDI ET IF P.

I>EK\ VUDIN!)

Bernardino Bakii ont exercé une

profonde influence sur

très

recherches des géomètres qui, vers

les

Dynamique, par

(lochines professées, au sujet de la

Los

ï^ouis XIII et

au déhut du règne de

au progrès de

cette science.

recueilli les idées

de Baldi

du règne de

fin

la

XIV, oui contrihué

T^ouis

Mersenne, Roherval, Descaries ont ;

quelques-unes de ces idées ont

germé en leur esprit et y ont produit d'amples théories. Que Mersenne ait connu les Exercices composés par Bernardino Baldi sur les Questions mécaniques d'Arisiote, nous le savons par son propre témoignage. Contrairement à un usage trop répandu au

nomme

Minime

xvi*"

siècle et

au

xvii^ siècle, le

probe

et loyal

volontiers les auteurs qu'il a lus et dont

il

s'est inspiré.

C'est en ses Questions théologiques, physiques, morales et mathé-

matiques, imprimées en i634i,

que

le P.

Mersenne

fait

mention

des Exercices de Bernardino Baldi.

La question IX, examinée par Mersenne, termes

:

romaine

que

le Il

((

Peut-on donner

les

ont

11

raison de tout ce qui arrive à ta

aux balances? C'est eu répondant

et

laborieux religieux écrit ^ ces lignes faut

pesans en

en

la

donc conclure que

les

les

faire plus

à celte question

:

poids peuvent estrc rendus

éloignant dudit point de

en approchant; que

formulée eu ces

est

la

la capacité,

balance, et plus légers et la

puissance qu'ils

de chemin ou à descendre plus

de leur plus grande pesanteur; que tous

Mechanique, dont parle Aristote dans Blancan, Monantolius,

et

les

viste, est

cause

instruments de

la

ses Questions, et Balde,

Gueuare dans leurs Commentaires,

tirent leurs forces de ces raisons.

»

Les Questions théologiqiies, physiques, morales et mathématiques, oh chacun troudu conlcnlcmont, ou do l'oxorcicc. Composées par L. P. M. à Paris, MDCXWIN Clic/ Henry Guenon, rue sainct Jacques, près les Jacobins, à rimage saitict Bernard. 1.

vera

2,

.

Mersenne,

loc. cit.,

pp. 87-38.


liEll.NAUDlNO BALDl,

tion

de Baldi. La Queslion VIII

aux

sert

(/ui

niée lianiq lies ?

4

I

£;a:er-

Quelle esl la ligne de direc-

:

eu

1

emprunts aux

d'ailleurs, a lait crassoz larges

Merscnne, citationes

IIOBEUYAL ET DESCARÏES

est pres([ue

textuellement

nous apprenons combien il est ulile, j)our rendre compte des diverses attitudes de riiomme, de considérer la verticale issue du centre de gravité. Déjà en

En

extraite.

cette

{|uestion,

1626, dans son Synopsis malhemalica, Merscnne avait produit

des considérations semblables;

il

les

extrayait alors

du volu-

mineux ouvrage du P. Villalpand. Il les demande maintenant, on le reconnaît sans peine, non plus au savant Jésuite, mais à l'érudit abbé Guastalla; lun et l'autre, d'ailleurs, lui transmettent, à peine modifiées,

Parmi

recueillies, telle la

au sujet duquel

D'où

le

il

en

est

que Villalpand n'avait pas

notion du centre de

Minime s'exprime en de conclure que

est aisé

il

intuitions de Léonard de Vinci.

vues de Léonard de Vinci que Berna rdi no Baldi

les

a transmises à Merscnne,

«

les

la gravité accidentelle,

ces termes

^

:

point, dont les corps

le

sont suspendus, se rencontre toujours dans la ligne de direc-

Mais

tion.

il

faut

remarquer que

cette

ligne a 3

sortes de

du milieu, qui concurre avec le centre de pesanteur; et que chaque corps peut estre suspendu par l'un de ces 3 points, que l'on appelle pour points, à sçavoir le supérieur, l'inférieur, et celui

ce sujet, points de rétention, et de suspension, autour desquels le

corps se peut mouvoir. L'on peut encore de violence, ou du

mouvement

corps pesant, ou qu'on jetlée

en bas

le jclle

est portée

les

Niolenl,

nommer

lors

qu'on lève un

en haut, ou en bas, car

par ces

2

centres,

centres

la

pierre

ou par un mesme

centre, lequel est double en puissance. L'on peut aussi mettre

un

centre de légèreté dans les corps légers, mais

dans

la

puissance de nostre Meclianique,

pesanteur.

ne sont pas

ils

comme

est celay

de

»

Ce passage, que d'évidentes omissions, que des lapsus à corriger rendent quelque peu confus, est presque tion des Exercices de Bernardino Baldi.

Il

faciles

une traduc-

nous montre que

la

notion de centre de violence avait attiré l'attention de Merscnne.

r.

Merscnne,

loc. cit., p. 34.


ÉTUDES SLU

l',2

l-LO.NAKD

DL Vl^Cl

Or, altirer rtitleutioii de Meiseime, c'était, par le

de tous

attirer l'alleiilion

entretenaient

Minime;

un

tes

fait

même,

géomètres français; tous, en

commerce

assidu

avec

l'actif

et

curieux

ne cessait de leur communiquer ce

celui-ci

effet,

qu'il

avait appris par la lecture des savants étrangers et de leur

soumettre

les

problèmes que

cette lecture lui suggérait.

Nous

ne nous étonnerons donc pas de voir les idées de Bernardino Baldi connues de Roberval, qu'une étroile amitié liait à Mersenne, et de Descartes, dont

correspondance avec

la

le

Minime

était incessante.

Mais ni Roberval ni Descartes n'avaient pris de leur religieuv

ami

la

raient;

loyale

coutume de

Roberval, en ses

auteurs auxquels

il

écrits,

ne devait rien;

mentionnait

pondance,

citer les auteurs

quelque

souvent pour entamer avec bientôt le ton

dune

lui

Descartes l'aveu de ce Baldi;

portent

cherchons la

([u'ils

plutôt,

marque,

ils

s'inspi-

ne nommait guère que et si Descartes,

géomètre,

les

en sa corres-

c'était

plus

le

une discussion qui prenait

condamner par un

querelle ou pour le

jugement hautain et tranchant. Ne cherchons donc point dans

dont

les écrits

de Roberval

de

et

ont pu emprunter à Bernardino

parmi leurs

encore

pensées,

reconnaissable,

de

celles

l'abbé

qui

de

Guastalla.

111

Bernardino Baldi et Roberval. Roberval avait rédigé à l'usage, semble-t-il, des artisans, un petit traité

de Mécanique

et

d'Hydraulique qu'il avait intitulé

:

Tralclé de Méchaiiujiie et spécialemenl de la vondidtte et élévation deff

eaux, par M.

imprimé; Nationale

de Roberval.

Cet ouvrage ne fui jamais

une copie manuscrite, conservée ï

à la Bibliolhèque

avec les copies d'autres ouvrages du

même

auteur,

nous la seule gardé.

1.

lUbliollièquc Naliuiiiilc,

loiul!? laliii.

ms.

viijO, fol. 85. roclo, ù lui. ju;. >cr>o.


UERNAKDl-NO lîALDl. KOBr.KNAl, ET DKS(JAlVJi;s

Ce

de Mécanique nesl pas daté.

Irailo

de ces pièces dont

époques diverses;

Un

en

il

passage de ce

de l'époque où

il

traité

fut

eaux au moyen du termes'

<<

de 160G, d'autres de

des

à

i6/i5.

nous donne une indication au

sujet

composé. Parlant de l'élévation des syphon », Roberval s'exprime en ces

:

Et quoyqlie par ce

«

se trouve;

il

connue appartiennent

la date est

est

même,

de

est

avec lesquelles

d'ailleurs, de plusienrs des pièces celles

en

Il

l/|3

moyen

il

senijjle

qu'on peut

faire passer

par une haute montaigne, touttefois on se souviendra

l'eau

qu'une

telle

haults que

conduitte d'eau

3'j

est

impossible aux lieux

plus

pieds de France, et qu'un peu au dessoubs de

32 pieds elle est fort mal asseurée par deux raisons. La pre-

mière qu'il est

que

l'air

fort difficile

que

le

syphon

soit

si

bien soudé

moyen le syphon

n'y trouve bientost passage, et par ce

s'emplissant d'air l'eau ne coule plus. L'autre raison est qu'en

une grande haulteur subject à crever,

il

faut

un syphon trop

hault, ainsy

il

est

n

L'expérience de Torricelli a placé en la pression de l'atmo-

sphère la raison véritable des Il

est clair

effets

que mentionne Roberval.

que celui-ci n'a encore, à l'époque où

il

rédige

son Traicté de Méchanique, aucune idée de cette expérience célèbre. Or, c'est en i6^i4 qu'au retour d'im

voyage en

Mersenne répéta a Paris l'expérience de Torricelli

gua en France, non sans l'admiration de tous curieux

les

«

la divul-

savans et

» '.

Familier de Mersenne, Roberval dut connaître

miers l'importante

expérience d'Italie

a

en son Traicté de Méchaniqiie^ fulTédigé avant

Du

et

Italie,

c'est

un des

donc

pre-

il

l'ignore

apparemment que

celui-ci

».

Si

i6W

Traicté de Méclianiqae de Roberval,

une boime part

est

Dynamique la Dynamique qu'enseigne le a pro fesseur en la chaire de Ramus, au Collège de France », c'est, le plus souvent, la Dynamique de Léonard de Vinci; mais, habi consacrée à la

1.

Roberval,

loc. cit., fol.

;

17G, versO.

Noacelles expériences touchant Biaise Pascal, éd. Hachetle, 1880. p. i). •i.

lt*ii.i^cA\,

le

olde:

au Iccleur {Œuvres complètes

tic


ÉTUDES SLR LÉuNAKD DE M>Cl

l'j^

tuellement,

il

puiser

dii

également est,

11

la

serait malaisé d'indiquer les sources

il

en a

connaissance; Tartaglia, Cardan, Baldi ont pu fournir.

la lui

un passage où rinllucnce de Bernardino

toutefois,

semble particulièrement reconnaissablc; nous

Baldi nous

trouvons, en

pour expliquer

avait imaginée

que labbé de Guastalla

l'élrange théorie

effet,

la

y

prétendue accélération des

projectiles.

Voici ce passage

:

La violence d'un boulet de canon

composée de deux impressions. L'une est purement violente venant du canon mesme et de la poudre enflammée à pousser le boulel. L'autre ((

est naturelle, estant

De

la

causée par

première impression

augmentée jusques degrez acquis par

à

le

la

la

est

pesanteur propre du boulet.

violence après s'estre

quelque distance du canon

mouvement,

à

un peu

cause des

lesquels degrez s'adjoustent

à l'impression de la poudre, avant que cette impression soit

insensiblement diminuée,

il

arrive ensuite que cette impres-

sion diminuant beaucoup plus de soy qu'elle n'est augmentée

par

les

degrez acquis,

elle

qu'au bout de certain temps

continuellement,

s'allentit

au

elle finit; or,

tant

commencement

la ligne

de direction de cette impression violente est dressée

vers

part où est pointé

la

nuellement

et la

le

canon

puis elle change conti-

cause de ce changement est l'impression

naturelle, c'est-à-dire la pesanteur le

;

centre de la terre. Car

le

du corps, qui

le

porte vers

meslange de ces deux impressions

violente et naturelle faict que le boulet ne suit précisément ny l'une

ny

rement que

l'autre; la

mais au commencement

il

suit

presque entiè-

violente laquelle est sans comparaison plus grande

la naturelle.

Ensuite

la violente s'allentit petit à petit,' la

naturelle se rend sensible, et ainsy le boulet

cendre une ligne courbe,

et ce d'autant

commence

à des-

plus que l'impression

violente diminue, et la pesanteur naturelle s'augmente par les

degrez acquis.

En

1.

cette

Kobcrxyl,

»

impression

loc. cil., fol.

laC»,

violente

rcclo.

qui

<(

s'augmente un peu


BERNARDINO BALDI, ROBERVAL ET DESCARTES

l45

jusques à quelque distance du canon à cause des degrez acquis

par

le

mouvement», nous reconnaissons bien aisément une

supposition dont Bernardino Baldi a revendiqué l'invention. D'autres marques des doctrines qu'il a développées dans ses Exercitationes se retrouvent, d'ailleurs,

au Traicté de Méchanique

de Roberval; mentionnons seulement

la théorie

de la sensibilité de la balance

et

i.

de la stabilité

Ces rapprochements nous

assurent que Roberval avait lu les Exercices de Bernardino Baldi sur les Questions mécaniques

d'Aristote

avait

qu'il

et

parfois adopté les opinions qu'exposait cet ouvrage.

IV

Bernardino Baldi et Descartes. Descartes

dans ses

Nous n'avons rien trouvé qui nous permît de donner à cette question

a-t-il

écrits

lu le livre de Baldi.^

une réponse catégorique. Du moins pouvons-nous affirmer que Mersenne, qui avait lu ce grand philosophe

livre,

communiquait

les réflexions et

parfois au

problèmes que

les

cette

lecture lui avait suggérés.

Le 26 avril i643. Descaries répond à une lettre

dont

le texte

nous

ce que nous lisons

^

est

lettre

de Mersenne,

malheureusement inconnu;

en celle missive

:

Pour

a

la

voici

plus grande

force d'une espée, ie ne double point qu'elle ne fust au centre

de gravité,

main;

et,

si,

en donnant

le

coup, on

au contraire, qu'elle ne

la laissoit aller

fust tout

au bout de

de

la

l'cspée,

on tenoit parfaitement ferme car ce bout est meu plus viste que le reste. Mais, pource qu'on ne la tient iamais extrêmement si

;

ferme, et aussy qu'on ne

grande force

la laisse

est entre le centre

pas aller tout à

de gravité

et le

fait,

cete plus

bout de

l'espée,

aprochant plus ou moins de l'un que de Tautre, selon que

et

celuy qui s'en sert a la

t.

Roberval,

p.

DUHEM.

»

loc. cit., fol. 89.

Œuvres de Descartes, publiées par Gh. Adam CGC, t. III, p. 658.

2.

art.

main plus ferme.

et

Paul Tannery, Correspondance^

10


ETUDES SUR LEONARD DE VINCI

i46

A

quelle question de Mersenne Descartes répondait- il en ce

passage? Nous pouvons, je crois, avait sans doute proposé et qu'il avait

peut

dans

lire

A

deviner; Mersenne lui

le

un problème que

prétendu résoudre les Exercitaliones

'

en

voici,

;

Baldi avait formulé ce que l'on

effet,

:

une fort belle question se présente à notre esprit.* On peut se demander si le coup porté par une épée est plus efficace quand on frappe avec la partie voisine de la pointe, ou avec la partie médiane, ou avec la partie voisine de ((

la

ce sujet,

garde

on peut, en

;

sens, soit ))

Soit

en

effet,

invoquer des raisons

en un

soit

l'autre.

AB

une épée

(fig. /^,

A

garde de cette épée, B

la

pointe,

D

G

centre de gravité,

le

la partie voisine

Si l'on assène

épée, cle,

de la garde.

un coup de

cette

décrit trois arcs de cer-

BE, G F, DG. On demande

oii le

E,

on

la

coup sera

plus fort, en

le

en F ou en GP

11

semble

qu'il

sera plus fort en E, car, grâce à la plus

grande longueur du

rayon AB,

l'arc

BE

de cercle

Fig.

est le plus

quent,

le

mouvement

en E. D'autre part,

il

le

pesanteur.

la

semble que

le

puissant se produise en G, bien que lent

que partout

comme un que

la

levier

ailleurs;

dont

en D,

le

par consé-

le

si,

en

le

fait

de B

en F,

fort

toute l'impression

fait

le

coup

mouvement y

le

plus

soit

plus

on regarde Tépée

effet,

point d'appui serait en A, tandis

puissance qui presse serait en B,

l'objet frappé

,

coup sera plus

peut sembler encore que

11

et

plus rapide est celui qui est

car c'est là que, grâce au centre G, se

de

grand

rapport de

BA

à

et la résistance

AD

sera plus

de

grand

BA

à

A G, en

sera plus violente en

D

qu'en G. Tout bien considéré, je serais

que

le

rapport de

porté à croire que le coup

I.

le

sorte

que

la

pression du coup

plus violent est frappé en F par

Hernardiiii liakli In inechanicu Arislotelis problemata excrcilalioiies, p. loi


tJERNÀRDiNO BALDI, ROBERVAL ET t>ESCAt\tES

milieu C, plutôt qu'aux extrémités E, G.

le

vitesse est la plus grande,

mais

considérons de nouveau

l'épée

A

points d'appui

où et

effet,

où deux

placé en G, là

deux longueurs A G

;

petite valeur.

par suite de

il

le

perd en poids. D, au con-

davantage du poids, mais

traire, participe

poids s'y

les

En

il

pointe B gagne en vitesse,

la

levier

la

efl'et,

y aurait seulement en B une pression moitié du poids G donc ce que le coup frappé par

étaient égales,

égale à la

comme un

de gravité. Si

B, en

fait défaut.

B soutiennent un poids

et

se trouve le centre

BG

poids

le

En

1^7

En

la vitesse

G, la vitesse est médiocre,

il

y a sa plus mais,

est vrai,

présence du centre de gravité, l'impression du

la

fait sentir

tout entière.

»

Le rapprochement de ces deux citations ne saurait

laisser

place au doute; Descartes n'avait peut-être pas lu les Exerci-

de Bernardino Baldi; mais, à coup sûr,

tationes

il

connaissait

par Mersenne certaines des idées émises en cet ouvrage.

La discussion entre Roberval et Descartes AU sujet du centre d'agitation.

Le

p.

Honoré Fabry.

Ghristiaan Huygens.

Parmi

les idées

que Baldi exposait en son ouvrage,

il

en

peu qui fussent aussi nettement mises en évidence que

est

l'ana-

logie entre le centre de violence et le centre de gravité; cette idée

n'avait point échappé à tationes

;

Mersenne

lorsqu'il avait lu les Exerci-

ni Roberval, ni Descartes n'ont ignoré cette

impor-

tante notion de centre de la gravité accidentelle que Baldi lui-

même

tenait de

Roberval de

la

il

s'est

à

les

mouvement a

préoccupé sans cesse de donner aux théories

Mécanique

cherché le

Léonard de Vinci.

la

plus

grande

généralité possible;

mettre sous une forme qui comprît à naturel et

constamment

fait

générale de puissance

le

mouvement

il

a

la fois

violent; dans ce

but_,

porter ses raisonnements sur la notion :

a

Nous appelons en général une puis-


ÉTUDES SUR LÉONARD DE VINCI

l48

sancei cette qualité par

que ce

tend ou aspire

soit

moyen de laquelle quelque chose à un autre lieu que celuy où elle est,

le

en bas, en haut ou à côté,

soit

naturellement à

la

communiquée par

lui

soit

convienne

communiquée

que l'impression qui

lui

peut

violence.

L'examen des circonstances

un corps

cette qualité

des puissances, Roberval range donc

aussi bien le poids d'un corps être

que

chose ou qu'elle

Au nombre

d'ailleurs. »

soit

solide admettent

un

oii les

puissances appliquées à

centre, la

centre lorsqu'il existe, semblent avoir

détermination de ce

constamment

sollicité

l'attention de Roberval; les résultats qu'il avait tirés de cette

recherche

vont mettre aux prises avec Descartes.

le

Une question posée par Mersenne au philosophe de qu'il

nomme

faire

donne occasion au sujet du point

à Descartes

connaître ses idées

centre d'agitation, et qui est précisément le centre

de violence de Baldi.

Un

corps

solide

de forme quelconque, pendu à un axe,

exécute des oscillations d'une durée déterminée. Imaginons qu'à

un

petites

fil

de masse négligeable, on pende un poids de très

dimensions, de manière à former ce qu'au xvn^ siècle

on nommait un funépendule,

un pendule

simple. Quelle

ce

que nous

nommons

longueur devrait avoir ce funépen-

dule pour que ses oscillations fussent de oscillations

du

en

est le

i6/i6,

même

durée que

les

solide considéré en premier lieu? Cette déter-

mination du pendule

donné

aujourd'hui

simple synchrone

d'un pendule

composé

beau problème que Mersenne proposait à Descartes

dans une

lettre

aujourd'hui perdue.

La réponse de Descartes, envoyée d'Egmond le nous a été conservée 2; nous y lisons ce qui suit

2

mars i646,

:

L'autre point de vostre lettre, auquel ie ne veux pas différer

((

de répondre, est

la

question touchant

grandeur que doit

la

avoir chaque corps, de quelque figure qu'il soit, estant sus-

1

.

Lettre de Monsieur de Roberval à Monsieur de Fermâtes (sic) conseiller de Tliou-

loaze contenant quelques propositions ineclianiqucs (Bibliothèque Nationale, fonds latin, fol. 3/j, recto, à fol. 5/i, verso. — Œuvres de Fermai, publiées par Paul ïanncry et Ch. Henry, t. Il, p. yS-Sa). Cette lettre est du octobre iG36. a. Œuvres de Descartes publiées par Gh. Adam et P. Tannery, Correspondance, Art. CDXXIII, t. IV, p. 363.

ms. n° 7226,

1

1

fi


BERNARDINO BALDl, ROBRRVAL ET DESGARTES

pendu en tours

et

l'air

par l'une de ses extremitez, pour y faire ses

plomb pendu

retours égaux à ceux d'un

longueur donnée. Car celle question, et ie

huit jours

I,

l/jQ

voy que vous

ie

vous en ay

que mesme

ie

ne

escrit si

me

faites

à

un

grand

filet

de

estât de

négligemment,

souviens pas de ce que

y a

il

vous

ie

en ay mandé, aussi que vous ne m'aviez proposé qu'un seul

La règle générale que

cas. il

y a

un

donne en cecy

est que,

comme

centre de gravité dans tous les corps pesans,

aussy dans qu'ils se

ie

les

mesmes corps un

meuvent

y a

il

centre de leur agitation, lors-

estant suspendus par l'un de leurs points, et

que tous ceux en qui ce centre d'agitation

est

également

di-

du point par lequel ils sont suspendus, font leurs tours et retours en temps égaux, pourveu toutes fois qu'on excepte ce que la résistance de l'air peut changer dans cette proporstant

tion...

»

Peu de temps après

qu'il

eut écrit cette lettre à Mersenne,

Descartes, consulté par Gavendish au sujet lui adressait 2 ces

éclaircissements

du

même

problème,

:

y a environ un mois que, le R. P. Mersenne m'ayant proposé la mesme difficulté, je luy fis response que, comme il u II

y a un centre de gravité en tous les cors, selon lequel ils descendent librement en l'air, ainsy ceux qui se meuvent estant suspendus, ont

un

centre de leur agitation, lequel

durée de ce que vous

nommez

règle la

leurs vibrations, en sorte

que

tous ceux en qui ce centre d'agitation est également distant de l'aissieu

autour duquel

ils

se

meuvent, font leurs vibrations en

tems égal. »

Premièrement,

situé,

comme

le

centre de gravité est tellement

au milieu d'un cors pesant, qu'il n'y a aucune partie de

ce corps qui puisse, par sa pesanteur, détourner ce centre de la

ligne suivant laquelle

il

descend, dont

l'effect

pesché par une autre partie qui luy est opposée

et

ne

soit

em-

qui a juste-

ment autant de force qu'elle; d'oii il suit que ce centre de gravité se meut tous jours, en descendant, par la mesme ligne 1.

2.

Dans une lettre aujourd'hui perdue. Œuvres de Descartes, publiées par Ch.

dance, Art. P- 379.

CDXXVII;

Adam

et

Paul Tannery;

Descartes à Gavendish; d'Egmond,

le

3o

Correspon-

mars i646;

t.

IV,


ETUDES SUR LEONARD DE VINCI

l50

quç toutes

cstoit seul, et

qu'il feroit

s'il

cors dont

est le centre fussent ostées,

il

les autres parties

ainsy ce que je

du

nomme

centre d'agitation d'un corps suspendu, est le point auquel

le

se rapportent

si

également

les diverses agitations

de toutes les

autres parties de ce cors, que la force que peut avoir chascune d'elles à faire qu'il se

d'où

;

celle

mesme

avec la

l'aissieu

vitesse qu'il feroit

un plomb pendu

feroit

si

que ce centre d'agitation auquel

il

suspendu,

est

tout le reste

du cors dont

mesme vitesse mesme distance de

par conséquent, de

est partie estoit osté, et

que

fait,

d'une autre qui luy est op-

suit aussy (ex definilione)

il

mouvoir autour de

se doit

il

plus ou moins viste qu'il ne

empeschée par

est toujours

posée

meuve

à

un

filet

à

l'aissieu. »

par ces deux passages que

clair

11 est

dont Descartes

d'agitation,

fait

la

notion de centre

usage pour déterminer

la lon-

gueur du pendule simple synchrone d'un pendule donné, a source dans la notion de centre de de

la

gravité accidentelle

conçue par Léonard de Yinci

la violence

et

sa

ou

par Bernardino

Baldi.

Descartes ne

s'est

pas borné à définir cette notion

;

il

a tenté

de marquer, en certaines figures, la position du centre d'agitation.

La règle par laquelle

n'était point correcte.

en

compte de

cette

des points de

quantité de

dans

du centre d'agitation, tenait quantité de mouvement de chacun

détermination la

mais point de

la figure,

mouvement en ;

où tous

cas

le

problème

nous nous bornerons à dire que Des-

grandeur de

la

a prétendu résoudre ce

Sans entrer en des détails techniques qui

seraient déplacés ici^, cartes,

il

les

sorte

que

la direction

de cette

sa règle n'est exacte

que

points de la figure ont des vitesses

pareillement dirigées.

Roberval, par sa discussion avec Fermât au sujet des pro-

du contre de

priétés

gravité,

était

rompu

à

la

composition

d'actions qui oui, aux divers points d'un corps, des directions différentes; l'erreur de Descartes lui apparut

A

I.

voir

donc tout d'abord.

:

ce sujet et au sujet de la querelle qui survint entre Descartes et Roberval, Paul Tanncry, Les autographes de Descartes à la Bibliothèque Nationale, X, XI,

XII, XIII et 3oi et 3o7

;

XIV

1891

(Bulletin des Sciences mathématiques,

t.

XVI, pp. 33

et 35

;

1892).

série,

t.

XV, pp.

287, 291,


BERNARDINO BVLDl, ROBEUVaL ET DESGARTES

en mai i646, à Gavendish s en y joignant une

signalait,

Il la

moins

autre critique bien «

Nous convenons de

justifiée

sa conclusion

le

Monsieur Descartes

poinct qu'il appelle

nommons

nous

:

définition,

touchant

disait Roberval,

tation, lequel

l5l

centre d'agi-

icy le centre de percussion;

entièrement différente de

est

le

moy,

et

la

laquelle pourtant j'ay la démonstration absolue.

mais

mienne, de Il

y a donc

quelque deffaut en son raisonnement... Mais nostre démonstration est trop longue

nement agité,

est qu'il

pour ce

Le defTaut de ce raison-

considère l'agitation seule des parties du corps

chacune de ces

oidDliant la direction de l'agitation de

parties; laquelle direction ((

lieu...

et est différente... »

quoyque

Je passe encore que,

d'agitation fust assigné

change

comme

le

centre de percussion ou

dessus,

il

neparoist pas qu'il

ou distance requise pour les vibrations ou balancement des corps, auquel balancement le centre de gravité

fust la règle

contribue quelque chose, aussy bien que

Car

le

le

centre d'agitation.

centre de gravité est la cause de la réciprocation de ce

balancement de gauche à

A rencontre avait raison,

droite... »

de l'opinion émise lorsqu'il

ici

par Roberval, Descartes

déterminait la longueur du pendule

simple synchrone d'un pendule donné, de considérer

le

centre

d'agitation et point le centre de gravité; mais de sa géniale intuition,

il

ne pouvait rendre un

Dynamique dont trop inexacte;

il

il

se réclamait était

compte

satisfaisant;

encore trop incomplète

la et

n'opposait donc à Roberval qu'une affirmation

accompagnée de considérations

fort

obscures

:

«

Je trouve aussi,

% qu'il s'est mépris en pensant que le centre de gravité du mobile contribue quelqu'autre chose à la mesure de ses disait-il

vibrations,

que ne

fait le

centre d'agitation

;

car

le

mot de

meuvent librement, meuvent point du tout; et pour ceux qui

centre de gravité est relatif aux corps qui se

ou bien qui ne

1.

art.

p.

se

Œuvres de Descartes, publiées par Gh. Adam et Paul Tannery; Correspondance, à Cavendish pour Descartes, de Paris, mai i646; tome IV,

GDXXXVI, Roberval

[\20. 2.

Adam et Paul Tannery; CorresponGavendish, d'Egmond, i5 juin i6/t6 t. IV,

Œuvres de Descartes publiées par Gh.

dance, art. p. 433.

GDXXXVII,

Descartes à

;


ÉTUDES SUR LEONARD DE VINCI

l52

meuvent autour d'un essieu auquel ils sont attachez, ils n'ont aucun centre de gravité au regard de cette position et de ce mouvement, mais seulement un centre d'agitation. »

se

Aux

de

affirmations

Roberval

Descartes,

contentait

se

d'opposer d'autres affirmations, arguant toujours de

gueur de telle

démonstrations pour ne

ses

les

discussion ne pouvait guère être

bientôt très acerbe et se termina par

la

lon-

point publier ».

Une

féconde

;

elle

devint

une complète rupture

entre Roberval et Descartes.

Les efforts de Roberval et de Descartes n'avaient pu amener

l'immédiate solution du problème qu'ils avaient abordé;

Dynamique

la

devait encore progresser avant qu'elle pût être

donnée; toutefois,

les tentatives

de Roberval

et

de Descartes

ne furent pas sans influence sur l'achèvement de cette solution.

Parmi

les

hommes

de science qui vivaient dans

de Mersenne se trouvait un savant jésuite,

rité

Fabry;

ses écrits,

Honoré comme ceux de Mersenne, nous montrent

lorsqu'il s'agissait de résoudre

quelque

le P.

efforts

en com-

difficile

question

que ces deux religieux mettaient souvent leurs

mun

la familia-

de Mécanique ou de Physique. Fort au courant des doctrines

du

comme

xvi^ siècle,

de Descartes

et

des recherches plus récentes de Galilée,

de Gassendi,

le P.

Fabry entreprit de donner

un exposé systématique de la Dynamique. Le Traité physique du mouvement local qu'il composa ne fut pas publié sous son nom, mais sous le nom de son ami, Pierre Mousnier, docteur en médecines Ce livre fut en grande faveur, notamment dans la Compagnie de Jésus; était le fruit

il

méritait,

d'ailleurs,

cette

faveur,

car

il

d'un très grand effort logique. Cette vogue ne fut

1. Parmi les«crits inédits de Roberval que renferme le ms. 7226 (fonds latin) de Bibliothèque Nationale, on trouve (fol. 2, recto, à fol. 3o, verso) un fragment rédigé en latin et intitulé Traclatus mechanicus a D. D. Roberval, anno i6l\5. Avec un grand appareil logique, Roberval se propose d'y traiter des centres de toutes sortes de puissances. Mais ce fragment inachevé examine seulement le cas où toutes les puissances appliquées au corps sont parallèles entre elles. 2. Traclatus physicus de inota locali, in quo effectus omnes qui ad impetum, molum naturalem, violentum et mixtum pertinent, expiicantur, et ex principiis phy. sicis dcmonstrantur; auctore Petro Mousnerio, Doctore medico; cuncta excerpta ex prœlectionibus R. P. Honorati Fabry, Societatis Jesu; Lugduni, apud Joannem Champion, in foro Cambii, MDGXLVI.

la

:


BERNARDINO BALDI, ROBERVAL ET DESCARTES

l53 la jalousie

point sans inquiéter Descartes, toujours enclin à «

me

Fabri n'escrit rien contre moy, je ne

Si le P.

:

soucie pas

escrivoit toute la

pour ce qu'on vous avoit dit qu'il philosophie beaucoup mieux et en meilleur

ordre que je n'ay

fait,

de

aussy

voir^; mais

le

moy,

sein de l'opposer à

son

pourtant

si

par mer.

»

et

de tascher de

livre, afin

que

pressé,

que

je pensois

je

eussent des-

les Jésuites

en ce cas je serais obligé de voir

me

défendre; mais rien ne seroit

ne peusse bien attendre à

le

recevoir

Les craintes que Descartes manifestait en ce passage étaient

peu

non seulement

justifiées;

Tractatus physicus de

mécaniques y

trines

en particulier,

eût

il

P. Fabry, sous le

nom

centre de percussion

n'était point attaqué

il

mais l'influence de

dans

le

ses doc-

motu

locali,

était

reconnaissable en maint passage; tout ce que le

pu revendiquer presque

de Pierre Mousnier, avançait au sujet du

Non seulement

2.

des critiques de Roberval, déterminait

Fabry, en dépit

le P. le

centre de percussion

suivant la règle erronée que Descartes avait formulée 3, mais

encore

de

la

donnait raison à Descartes contre Roberval au sujet

il

théorie

du pendule synchrone

:

«

Dans ce mouvement

circulaire, disait-il^, le centre de percussion régit le

de tous

qui joue

les autres points, car c'est lui

de gravité... Ce point se comporte donc

en

lui le

poids total et

la totalité

semblable à un funépendule,

masse du

la

tion a

En allait

fil,

durée que

bientôt éclater à

soumet au

P.

Mersenne

qu'il lui adresse

Mais

la force.

oii l'on

la

il

serait alors

ne tient aucun compte de

5

se

;

sa vibra»

dix-sept ans, dont le génie

tous les yeux, ses

réunissait

s'il

vibration de ce funépendule.

un jeune géomètre de

i646,

comme

rôle de centre

mais seulement du poids suspendu

même

donc

de

le

mouvement

premiers

Ghristiaan

La première

essais.

termine par ces mots

Huygens,

:

«

lettre

Et en attendant

Œuvres de Descartes, publiées par Ch. Adam et Paul Tannery; Correspondance, CDLV, Descartes à Mersenne, d'Egmond, 2 nov. i646; t. IV, p. 55/i.

1.

art.

2.

Petrus Mousnerius,

loc. cit.,

Appendix prima, physico-mathematica, de centre

loc. cit.,

theorema theorema

percussionis. 3. h. 5.

Petrus Mousnerius, Petrus Mousnerius,

loc. cit.,

17, p. 427.

3o, p. /|35.

Œuvres complètes de Ghristiaan Huygens publiées par la Société Hollandaise tome premier, Correspondance, n° i/| Ghristiaan Huygens à Mersenne,

des Sciences

;

28 octobre 1646

:

;

p. 28.


ÉTUDES SUR LÉOINARD DE VINCI

l54

avecq grand désir quelque particularitez des centres de percussion, je demeureray, Monsieur, votre très

Huygens.

A «

le

Christien

»

demande, Mersenne répond en

cette

humble

J'eusse plustost satisfait à vostre désir

ces termes

^

:

pour ce qui concerne

centre de percussion, ou d'agitation des corps suspendus

comme

qui ont leurs vibrations libres,

plomb pendu

le

suspendu, lequel j'appelle fanépendale, pour fuyre

filet

un

à

les cir-

conlocutions, mais parce qu'il y a tant de différentes figures

dans

les

corps qui font tousjours de nouvelles diffîcultez, je ne

voy pas qu'une seule règle y puisse satisfaire, si ce n'est que Mr. Des Cartes, le plus excellent esprit du monde à advis, a donné, laquelle je vous repeterois icy,

commandement puisque

qu'ayant cette source inépuisable a

amy

sçay qu'il est vostre

la

et

»

A quelque temps

de

là,

Mersenne

Huygens, père du grand géomètre faut

Il

dont

la

^

r" est la

partie de la

in/i"

faire

Gonstantyn

à

donner une demie

d'une nouvelle philosophie,

Logique démonstrée

Physique,

écrit

:

que vous vous résolviez de

pour deux volumes

pistole

que vous avez bien plus

de vous faire boire d'un ruisseau, quand vous avez

source chez vous.

((

je

comme

intime, ce seroit vous faire tort

a luy aussi, de vous envoyer d'icy ce

proche

mon

ne croiois

je

si

celle

et la

qui apartient aux

2'"^

première

la

mouvemens

tant

naturels que violents, tant simples que composez d'un

ou

plusieurs plans ou directions,

un

traité particulier

faire baler dez

il

y a 10 Livres... Et

des centres de percussion à la

demain ce

1'^

fin

;

il

si

pour vous

où sont lettre,

le faire tenir,

les centres

je

a

peux

volume pour vous l'envoyer après

tout entier avec le sieur ïassin espiant l'occasion, la dité

y

mais seulement

les 2

ou

commo-

3 feuillets

de percussion, je vous l'enverray avec cette

car je brusle d'envie que Mr. vostre

fils le

voye ce

traité

et qu'il

l'examine, peut estre, que l'envie luy en prendra à luy

mesme

de

le

mieux démonstrer... Pleust

à Dieu que vostre

fils

I. Œuvres complètes de Christiaan Huygens tome premier, Correspondance, n° a3 Mersenne à Christiaan Huygens, 8 décembre iG/jS p. /|5. 2. Œuvres complètes de Christiaan Huygens; tome premier, Correspondance, n* a!^ Mersenne à Gonstantyn Huygens, père, 3 janvier iGiy. ;

:

;

:

I


BERNAKDINO BALDI, ROBERVAL ET DESCARTES

l55

voulust démonstrer tout ce qui est à sa manière plus noble, car je crains bien qu'il s'y trouve quantité de paralogismes; krÀyjLù

tamen, jusques aux examens.

L'écrit sur lequel

^)

Mersenne appelle

de Christiaan Huygens n'est autre que

motu

du

locali

Le

envoyer un

s'imprimer»; l'auteur

que

physicas de

à Christiaan

fois,

traité des centres

ajoute

il

je

Mersenne annonce de nouveau »,

1647,

directement cette lui

le Tractai us

l'attention

P. Fabry, publié par Pierre Mousnier.

janvier

8

instamment

si

a

:

Je

Huygens

u

et

qu'il attend à

de percussion qui vient de

m'asseure

qu'aprez avoir vu

vous envoyé des centres de percussion, vous

renchairez dessus, et que vous trouverez quelque règle plus

ou plus exquisite

excelente,

gismes, vous

En

me

;

ferez plaisir

vous y apercevez des paralode m'en avertir. »

et si

montrée singulièrement clairvoyante dix-sept ans, qui lui envoyait la

chute des corps,

l'avait

jugé capable de

de

loi il

si

de Mersenne

cette circonstance la bienveillance

il

;

en ce jeune

homme

une démonstration fausse de

avait deviné le génie

tirer

s'était

au

de la

du géomètre;

clair la doctrine si

confuse et

controversée des centres d'oscillation; l'avenir devait prou-

ver

n'avait

qu'il

point

trop

ptréjugé

du jeune Christiaan

Huygens.

En

Huygens donnait son immortel traité de l'horloge à pendule ^ le problème sur lequel Mersenne avait appelé l'attention du jeune géomètre vingt six ans plus tard, en 1678,

effet,

;

hollandais y était résolu d'une manière complète et définitive; la

querelle qui s'était élevée' entre Roberval et Descartes était

jugée sans appel. Une Dynamique enfin assurée prouvait que Descartes avait eu, contre Roberval, raison de prendre d'oscillation

d'un corps

synchrone à ce corps table règle était celle

extrémité

le

du funépendule

centre d'oscillation d'une figure

que Roberval avait énoncée, proposée.

centre

montrait, d'autre part, que la véri-

elle

pour déterminer

Descartes avait 1.

;

comme

le

et

non point

celle

que

Ainsi les vérités aperçues par ces

Œuvres complètes de Christiaan Huygens

;

tome premier, Correspondance,

n° 25,

p. 5o. 2.

Horologiiun oscillaiorium, sive de motu pendulorum ad horologia aptato démons tra-

tiones geometricx, auctore Christiano

Hugenio

;

Lutetioe, 1G73.


ÉTUDES SUR LÉONARD DE VINCI

l56

deux irréconciliables adversaires prenaient place dans une théorie mise hors de doute, tandis que tombaient dans l'oubli opposées l'un à l'autre avec passion.

les erreurs qu'ils s'étaient

y a là, sans contredit, a écrit Paul Tannery, un des exemples les plus remarquables de l'influence exercée par la ((

Il

correspondance du Minime sur xvn" siècle.

le

progrès des Sciences au

»

Nous pouvons dire plus Il y a, dans l'histoire que nous venons de retracer, un des exemples les plus remarquables de :

continuité

la

suivant laquelle s'enchaînent les découvertes

scientifiques.

Avant

du jeune Huygens sur Mersenne avait suscité, à

d'attirer l'attention

des centres d'oscillation, ce

problème,

P.

Fabry;

géomètres

il

le

les

de Roberval,

efforts

les

avait

livre

ou

problème

l'endroit de

de Descartes

en faisant connaître

suscités les

le

et

du

à

ces

pensées de Bernardino Baldi. Mais

Bernardino Baldi, à son tour, avait emprunté à Léonard de Vinci

la

notion

notion de centre de

s'était

la

gravité accidentelle ; et cette

présentée à l'esprit de Léonard

comme une

suite

naturelle de la théorie de Vimpetus, développée par les physiciens

du

xiv" siècle.

Non

plus que la Nature,

la

Science ne

fait

point de saut brusque.

I.

Paul Tannery, Les autographes de Descaries à

des Sciences mathématiques, 2* série,

t.

XV,

p.

296

;

la

Bibliothèque Nationale (Bulletin

1891).

i '5l


THÉMON LK FILS DU

JUIF

ET

LÉONARD DE VINCI



THÉMON LE

FILS DU JUIF ET

LÉONARD DE VINCI

Les Questions sur les Météores de Thémon, le fils du

juif.

Léonard de Vinci a dû beaucoup aux ouvrages composés, au milieu du xiv"

siècle,

conservé k

nuscrit

la

par Albert de Saxe'. Le cahier made

Bibliothèque

sous

l'Institut

rubrique F est rempli de réflexions qu'ont suggérées

la

les dis-

cussions scolastiques du vieux maître de l'Université de Paris, et ces

discussions ont provoqué l'éclosion, en l'esprit du grand

peintre, de ses plus

quelques-unes de

ses idées les plus originales,

de

profondes intuitions.

Le cahier F, qui porte tant de marques de l'influence exer-

nombre

cée sur Léonard par Albert de Saxe, contient aussi

de pensées qui ne doivent rien à Albertutius. Parmi ces pensées,

il

en

est

un grand nombre sur

la perspective^

sur

le clair-

obscur, sur la lumière et les couleurs, qui se retrouvent, sous

une forme plus achevée, au Traité de pour objets

la figure

ses

les divers

MsxeœpoXoY'./.a,

conservaient

le

t.

nom

Voir Albert de Saxe

marées ou de

l'arc -en -ciel,

en

phénomènes dont Aristote avait traité dans auxquels le Moyen-Age et la Renaissance de Météores; de ces pensées,

retrouvent au traité Del moto

igoB).

Peinture. D'autres ont

des mers, l'origine des sources, la forma-

tion des nuages, la cause des

un mot,

la

et

e

la

plupart se

misura delV acqaa.

Léonard de Vinci

(Bulletin- Italien,

t.

V, p.

i

et p. ii3;


ÉTUDES SUR LEONARD DE VINCI

l6o

De ces ébauches relatives au mouvement des eaux, il en est un grand nombre qui porlent, bien visible, la marque originale de Léonard

qu'affectent les eaux

diverses figures

les

;

courantes, les ondes variées qui en rident la surface, les tourbillons qui roulent en leurs profondeurs et en afîouillent le

tous ces effets nature, ont été

lit,

longuement étudiés sur minutieusement décrits et dessinés par le grand complexes ont

si

été

ingénieur hydraulicien.

Mais à côté de ces observations où Léonard n'a eu d'autre guide que l'expérience, on trouve, au cahier F, des considérations théoriques analogues à celles dont

quemment dans

les écoles.

on disputait

fré-

Ces considérations sont- elles aussi

des fruits spontanés du génie de Léonard? ne sont- elles pas plutôt des

réflexions

suggérées

par

quelque

lecture de

la

commentaire aux Météores d'Aristote ?

Que Léonard,

si

curieux de tout ce qui concerne

du globe, n'eût point cherché dans

mer

les écoles, ce serait

la

Physique

à connaître ce qu'on en disait

chose bien peu vraisemblable;

l'affir-

une erreur; nous en avons pour garant

serait professer

son propre témoignage.

Recourons à

inventaire inscrit par

cet

Léonard

sur la

couverture du cahier F, à cet inventaire qui nous a révélé

la

présence, en la bibliothèque du peintre, du Tractatas propor-

tionam et des Qaœstiones Saxe; «

là,

mède. De centra ».

temps que météores

Quel

Une que

et,

,

entre ces titres

gravitatis »,

:

et

Mando

indication

tête cette «

Yitruve

d'Albert de

et a

»

nous trouvons ce mot

:

«

Qaœstiones d'Albert de

vraisemblablement, un

Archi-

Meteura,

Léonard avait donc en mains, en i5o8, en les

:

même

un traité des imprimé à Venise.

Saxe,

traité

sur les météores possédé par le Vinci?

foule de rapprochements nous ont permis de reconnaître

le traité

:

»

était cet écrit

était celui titre

de Cœlo

en une colonne qui porte en

Livres de Venise

météores

in libros

des météores lu et

commenté par Léonard de Vinci

que l'imprimerie a fréquemment reproduit sous ce

Qaœstiones saper cjaataor libros nieleorani conipilatae per

doctissimani philosophiœ professoreni Thinionem.

L'écossais Georges Lokert, qui, en i5i6, enseignait à Paris,


THÉMON LE

FILS

au Collège de Montaigu

deux

ces

DU JUIF ET LÉOxNARD DE VINCI

en i5i8,

et,

deux éditions

dates,

à la

Physique donnés, au milieu du

les

xiv''

Sorbonne, publia, à

même ouvrages

d'un

ouvrage avait pour objet de réunir

l6i

Cet

enseignements sur par

siècle,

la

brillante

la

école nominaliste qui occupait alors les principales chaires de l'Université de Paris.

Il

reproduisait d'abord les

Quœstiones

De physico aadltUy sur le De generatione et corruptione, sur le De Cœlo et. Mundo; venaient ensuite les Quœstiones saper quatuor libros meteorum de Thimon enfin la d'Albert de Saxe sur

le

;

collection était complétée par les Quœstiones

où Jean Buridan

des divers écrits d'Aristote que réunit la

traitait

commune

désignation de Parva naturalia.

En publiant

ces Quœstiones et declsiones de Philosophie natu-

composées

«

depuis près de deux cents ans par ces trois

hommes éminents

qui formaient alors une sorte de triumvirat

relle,

en

célèbre École de Paris

la

que

avertir

qu'alors

;

érudition

il

écrits

les

de Buridan étaient seuls inédits jus-

nous apprend que

»

Vénitiens; que ceux

œuvres des deux afln

«

grande

la solide doctrine et la

Thimon

d'Albert de Saxe et de

demeurées inconnues des

«

Georges Lokert a soin de nous

»,

Italiens

n'étaient

point

particulièrement, des

et,

avaient pris soin de faire imprimer les

ci

de l'Université de Paris,

illustres professeurs

que nous ressentions une honte méritée de notre cou-

pable négligence, nous qui avons

si

longtemps

souffert

que

nos grands auteurs demeurassent ensevelis dans l'abandon

et

la poussière. »

Les Questions sur les

Météores,

compilées

par Thimon,

avaient donc été imprimées à Venise bien avant i5i6

;

elles le

furent encore après cette date; en 1622, les héritiers

d'Octa-

viano Scoto

les

adjoignirent à

édition des

la belle

Commen-

composés antérieurement à 1476 par Gaétan de Tiène, qu'ils donnèrent à cette époque 3. Les Questions sur les Météores, composées par Thimon, ont

taires

aux Météores

d'Aristote,

t. En noire étude sut Albert de Saxe et Léonard de Vinci, nous avons indications bibliographiques complètes au sujet de cet ouvrage.

2.

Gaietanus super Metheo. Habes solertissime lector

Aristotelis Stagirite

DUHEM.

hoc codice libros Metheororam

peripatheticorum (sic) principis cuni commentariis fidelissimi expo-

sitoris Gaietani de Thienis p.

in

donné des

:

iina

ciiin

duplici translatione, videlicet Francisci

Vatabli I I

et


ÉTUDES SUR LEONARD DE VINCI

l63

exactement

même

forme que

sur le De Cœlo, sur

le

De

les

Questions sur la Physique,

generatione et corruptione, rédigées

par Albert de Saxe; celles-là sont visiblement destinées à faire suite à celles-ci, de telle sorte

que leur ensemble forme un

commentaire complet de l'œuvre physique du Stagirite. Ce commentaire, profondément original parfois, où le respect au sens de

éclairé de la tradition péripatéticienne s'unit

vation

à

et

un

esprit

l'obser-

vraiment scientifique, a exercé une

influence profonde et durable; de cette influence la trace se reconnaît, bien visible, en maint écrit de la Renaissance et

même du

xvii^ siècle.

Mais

si

les

physiciens

les

plus célèbres

de ces temps n'ont point hésité à recevoir l'inspiration des

deux maîtres nominalistes, par une sorte de convention

tacite,

jamais nommer, alors

même

ils

se sont

entendus pour ne

les

impudemment; ils ont traité les pensées d'Albert de Saxe et de Thimon comme des idées tombées dans le domaine commun, auxquelles il n'est plus dû de droits d'auteur. A quel point la mémoire d'Albert de Saxe fut victime de celte conspiration du silence, inexplicable et inexcusable,

qu'ils les plagiaient

nous avons eu l'occasion de

Thimon

ou, plus

le

exactement^

montrer

ailleurs

'

le

;

nom

de

de Thémon, n'a pas moins

soulTert de cet oubli systématique et injuste.

Il

Ce que nous savons de Thémon, Ce

le fils du juif

parti pris, de la part des physiciens qui ont succédé à

la brillante

à laquelle

ils

École nominaliste de Paris, de cacher puisaient, explique que nous soyons

mal renseignés au

sujet des

si

la,

source

peu

et si

maîtres qui composaient cette

Antiqua: noviter impressos : ac mendis erroribusque purgalos.— Tractatuin de reactione. Questiones pcrspicacissimi EL Iractalum de intensione et remissione ejasdem Gaietani. philosopki Thimonis super quatuor libros metheororum. Colophon Opuscula hoc impressa fuerunt Veneliis nutu ac impendio hcredum quondam nobilis viri dominl Octaviani Scoli civis Modoetiensis : ac sociorum. Anno salutis 1522. Die 20 Xnvcinbris. Les propriétés inécaniijue^ I. V. P. Duhem, Les origines de ta Statique. Chapitre du centre de gravité, d'Albert de Saxe à Ëvangelista Torrirelli.

:

W

:


THÈMON LE

DU JUIF ET LEONARD DE VINCI

PILS

particulier,

nous ne savions presque

ces dernières années.

Aux quelques mots que

De Thimon, en

École.

rien jusqu'à

Georges Lokert nous en a

nous ne pouvions joindre qu'un

dits,

Du Boùlay Témon ou Timon

court passage emprunté à

Temo Judœus,

((

Westphalie,

comme

était

un

Voici ce passage

'.

originaire de la

le Juif,

clerc de la ville de

:

Munster;

il

débuta

maître es arts, sous maître Dominique de Ghivasso,

en 1349; pl^s tard,

procureur de

fut élu

il

26 août i353, puis, de nouveau, le 18

le

l63

qu'il était procureur,

Nation anglaise,

la

novembre

i355. Alors

on rendit une ordonnance qui prescrivait

à tous les maîtres de l'Université de dire leurs leçons et de ne

point dicter. Ce

les

un

d'ailleurs,

fut,

très célèbre

professeur

de philosophie; nos lectures nous ont montré que bon nombre d'étudiants

avaient subi devant lui les épreuves

lauréat

ou de

débuté

comme

la

licence,

maître es

avaient,

qu'ils arts.

du bacca-

sous sa direction,

»

Pendant longtemps, on ne sut rien de plus de ce physicien. Aujourd'hui,

il

nous

ces renseignements P. Denifle et à

est possible d'ajouter plus

si

concis et

insuffisants, et cela grâce

au

M. Châtelain.

Ges deux érudits, en

effet,

Livre des Procureurs de Paris

si

d'un détail à

la

ont entrepris

la

publication

du

Nation anglaise en l'Université de

3

La

Nation anglaise

était

une des quatre Nations

entre

lesquelles se partageaient professeurs et élèves de l'Université

parisienne; elle réunissait les maîtres et

les

étudiants

qui

avaient pour pays d'origine l'une des quatre provinces d'Alle-

magne, d'Ecosse, de Dacie et de Suède. De même que le Recteur présidait à l'Université tout entière, chaque Nation avait à sa tête un Procureur ^ élu, en général, parmi les jeunes maîtres, le Procureur n'était nommé que pour ;

un mois; au bout de 1.

ce temps,

devait être réélu

il

Bulaeus, Historia Univcrsilatis Parisiensis,

t.

IV, p. ggi

;

ou céder

MDCLVlll.

Auctarium chartalarii Universitatis Pafisiensis sub auspiciis Consilii generalis f acultatum Parisiensium ediderunt Henricus Denifle O. P. et .Emilius Châtelain Tomus I Liber Procuratoram Nationis Anglicanae (Alemanniœ) in Universitate Parisiensi; ïomus I, ab anno MGGCXXXIII usque ad annum MGCGCVI. Parisiis, apud fratres 2.

;

:

Delalain, 3.

anno MDGCGLXXXXIIII. tomus I, Introductio,

Auctariunij

p. xxi.


ÉTUDES SUR LÉONARD DE VINCI

l6A

ses le

fondions à un autre. D'après un règlement datant de 1288,

nom

procureur devait, aussitôt élu, inscrire son

et la date

de son élection sur un registre spécialement consacré à cet

en outre,

objet;

s'engageait par serment à noter sur ce

il

registre tous les faits, importants

pour

Nation, qui se pro-

la

noms

duiraient au cours de sa procuration, en particulier les

de ceux auxquels un grade universitaire serait conféré. Ainsi fut

composé ce Livre des Procureurs de la Nation anglaise qui nous permet de reconstituer, de i33o à 1/192, la vie d'une partie de l'Université parisienne.

Ce

livre

nous fournit, au

sujet

du physicien qui nous occupe,

de multiples renseignements.

nous permet, en premier

11

les divers

libros

nom. Ce nom,

lieu, d'en fixer le

imprimeurs qui ont publié

les

in

quatuor

Du Boulay

l'a écrit

Quxstiones

Melheoruni l'ont orthographié Thinio

;

Tenio; la forme que le Livre des Procureurs lui attribue inva-

riablement est Themo; cette

il

forme authentique

:

convient donc de garder à ce Thénion.

Le Livre des Procureurs de

la

Nation anglaise ne nous permet

pas seulement de rectifier l'orthographe du il

nous conduit

à modifier son

Temo Judœus, en

Juif,

sorte

Boulay. Or,

si

le

nom

de

surnom. Du Boulay

ïhémon;

l'appelle

le

que certains biographes ont

traduit par rabbin le titre de clericus

Du

nom

que

lui

donne

le

Liber Procuratorwn adopte cette

même même

forme, Themo Judœus^ c'est d'une manière tout accidentelle;

presque invariablement,

il

nomme Thémon non

pas

le

Juif,

du Juif Themo Judœi; et c'est, notamment, ce surnom que Thémon lui-même se donne dans un passage mais

écrit Il

le fils

de sa main'. est clair,

ïhémon

par

la

forme de ce surnom, que

Thémon lui-même

était juif,

pourrait, d'ailleurs,

donner d'autres preuves,

1.

Auctariuin,

lomus

i3/i9

I,

que

les

deux

frères

;

on en longues

en Sorbonne'.

Thémon

et Nicolas,

col. 319.

Aactarium, tomus I, liilroduclio, p. vvxiv, d'après Bibliothèque de l'Arsenal. 2.

la

en l'année

telles les fit

père de

le

était chrétien

éludes de théologie que notre maître es arts C'est

si

la p.

33

1

dii

u" lojt

de


THÉMON LE

de Miinster,

DU JUIF ET LÉONARD DE VINCI

FILS

surnommés

les fils

du

1

65

l'examen de

Juif, subissent

déterminance ou de baccalauréat devant Maître Henri de Herne

de Unna».

De

ce Nicolas de Munster, le Livre des Procureurs ne fait plus

aucune mention, tandis progrès de son

qu'il

En

frère.

nous

tient

même

l'année

au courant des

{l^^g) où

a déter-

il

miné, nous le voyons subir l'examen de licence devant Maître

Walter de WardelaAV^

et

première leçon de maître

faire sa

Dominique de Chivasso^.

es arts sous la présidence de Maître

Le 26 août i353,

les

maîtres de la Nation anglaise se réuni-

rent auprès de l'église Saint- Julien-le-Pauvre afin d'élire

un

procureur; leur choix se porta sans aucune opposition sur

Thémon^. Le derechef à

Thémon

une troisième

On ne anglaise

novembre

i8

les

i355, la Nation devait confier

fonctions deprocureur^; elle lui conféra

fois cette dignité le lo février 1356^.

peut parcourir

ému

sans être surpris et

parmi ces étudiants, venus de

gnements de

Procureurs de

le Livre des

si

de

loin

la

pauvreté qui règne

pour

recueillir les ensei-

examens

qu'ils subissent;

leur faut affirmer sous serment la pénurie où solliciter des délais,

ils

il

se trouvent,

engager leurs livres ou leurs vêtements

qu'au jour de l'échéance

a

Nation

l'Université parisienne. La plupart ne peuvent

acquitter les droits afférents aux

Tel,

la

ils

seront hors d'état de dégager.

comme Wiskin Wenslay ou comme

Albert de Saxe,

déjà rempli les fonctions de procureur de la Nation, qui

n'est point

encore quitte de ses droits de baccalauréat.

Thémon,

le

fils

du

Juif, n'est sans

tunés; lorsqu'il passe des examens, solliciter

il

doute pas de ces inforacquitte les droits sans

de remise^; devenu maître es

arts,

il

est

souvent

le

bailleur de fonds de la Nation anglaise. Soit seule, soit en

anglaise

possédait

1.

Auctariani,

2.

Auctarium, Auctarium, Auctarium, Auctarium, Auctarium, Auctarium,

3. /l. f).

6. 7.

tomus tomus tomus tomus tomus tomus tomus

commun certaines

1,

col. i3o.

I,

col. i34.

I,

col. i38.

1,

col. i6G.

I,

col. 187.

I,

col. 189.

I,

col. i36.

avec

la

écoles;

Nation picarde,

Thémon

était

la

Nation

préposé


ÉTUDES SUR LEONARD DE VINCI

iCG

y pourvoyait de ses deniers, rembourser de ses avances par le trésor de la

à l'entretien de ces écoles; quitte à se faire

Nation.

11

semble que ce trésor

remboursement

le

il

tenue près de l'église Saint-Mathurin,

rembourse ce

et

que

fût lent et laborieux.

en i355, dans une réunion générale de

Ainsi,

lui

mince

fût parfois fort

qu'il a

la

Nation,

Thémon demande qu'on

avancé pour l'entretien des écoles i;

un peu plus tard, le 28 septembre i355, le receveur de la Nation, Wiskin Wenslay, rendant ses comptes avant de quitter sa charge, reconnaît la dette contractée envers le fils du Juif en i356, le nouveau receveur, Jean de Louvain, fait dere^

;

chef mention de cette dette ^;

encore acquittée

le

et

cependant,

elle n'est

point

Thémon réclame

26 juin i356; ce jour-là,

à la Nation assemblée les trois écus dépensés pour l'entretien

des écoles et

est fait droit à sa

il

requête ^

C'étaient, semble-t-il, de francs la

buveurs que

les

maîtres de

Nation anglaise en l'Université de Paris. Le maître es arts

qui venait de débuter,

ment

procureur ou

le

un écu ou un

élu devaient payer

joyeux avènement;

et cet

écu

le

receveur nouvelle-

florin

était aussitôt

comme don

dépensé par

de les

maîtres de la Nation en quelqu'une de leurs tavernes accou-

tumées.

Aux deux

A

épées,

la

grange ou

A

Vépitoge de Gilet.

don du nouveau venu ne suffisait pas à étancher la des nombreux maîtres es arts; de la dépense excédante

Parfois, le soif

chacun, alors, payait son écot. Mais, bien souvent, les nouveaux dignitaires n'étaient point

en fonds;

ne pouvaient acquitter de suite ce que

ils

la

Nation

consommé; ils avaient recours à la bourse obligeante de Thémon, le fils du Juif. Le 5 février i356, en la taverne du faubourg Saint-Jacques

avait

dont l'enseigne porte a

joyeusement

Geneviève

et

fêté la

:

A

l'image de

Notre-Dame,

Auctariuin,

2.

Aiiclarium,

3. /i.

Auctariinn,

Nation

désignation de l'examinateur de Sainte

fclection de maître Jean de Wanczeberch,

Luneburch, aux fonctions de procureur; 1.

la

tomus lomus

I,

col. i86.

I,

col. 187,

Auctarimn, lomiis

I,

col. 189.

lomus

I,

col. 199.

c'est

Thémon

de qui


THÉMOiN LE FILS DU JUIF ET LÉO^ARU DE VINCI

a réglé la dépense.

lui faut,

Il

pour obtenir

de son dû, adresser une réclamation Nation;

jugement de

le

celle-ci oblige

à

le

167

remboursement de

l'assemblée

la

Jean de Wanczeberch

à s'exécuter I.

Une

une réunion de maîtres

autre fois,

écu, sans doute pour quelqu'une de ces

Lwre

des Procureurs fait

l'ordre

au

111s

Thémon

si

Nation anglaise;

beuveries

l'écu; la Nation

en quelque sorte,

était tout

il

«

dont

»

le

complaisante mention; on donne

du Juif de fournir

se trouvait,

d'un

es arts a besoin

le

rembourserai

banquier de

la

désigné pour assumer la charge

de receveur. C'était

une fonction

mission de percevoir dépenses,

monnaies, dont

que

la

Nation, d'en solder les

au courant du change des

très

valeur variait d'un jour à l'autre;

la

ayant

celle de receveur^;

revenus de

les

fallait être

lui

il

délicate

il

était

pécuniairement responsable de toute erreur, de toute libéralité consentie par lui; aussi la fonction de receveur n'était-elle

guère briguée par

les

maîtres peu fortunés; on la confiait, en

général, à des maîtres déjà anciens et d'esprit mûr.

Le 23 septembre iSSy, de

la

Saint-Mathurin,

l'église

Nation anglaise, assemblée près confia

l'importante

charge

de

Thémon, le fils du Juif, en même temps qu'elle élevait Jean de Duns à la dignité de procureur; pour fêter cette double élection, les maîtres se rendirent à une taverne receveur à

de

la

cité,

nommée

le

Cygne, où

ils

dépensèrent 6 livres

et

12 sous^.

Thémon garda

les fonctions

de receveur jusqu'à la fin de

son séjour à l'Université; alors, en octobre i36r,

il

fut

rem-

placé par maître Albert de Saxe 5.

Chaque mois,

le

receveur devait soumettre ses comptes à la

Nation assemblée; mais beaucoup, peu exacts en leur gestion, négligeaient de

se

présenter à

la

réunion.

point, sans doute, de ces fonctionnaires

1.

2.

3. l\.

5.

Auctarium, Auctarium, Auctarium, Auctarium, Auctarium,

tomus lomus tomus tomus tomus

I,

col. 190.

I,

col. 2o5.

I,

Introductio, p. xxii.

I,

col. 221.

1,

col. 267.

peu

Thémon ne zélés;

il

fut

semble


ÉTUDES SUR LÉONAHD DE VINCI

l68

avoir rendu compte à

souvent

même que

Nation de

la

ne l'exigeaient

tembre i358, un an après son doute après exposé

velé, sans

cependant,

il

met de nouveau

des finances le 22 octobre %

de la

même

Parmi

«

beuveries

Egher de Kalker demi;

zèle

renou-

18

Nation au courant de

novembre^

et le 3

^ ;

et

l'état

décembre^

»

nom

de la

tenaient assurément une large place.

on

l'on

et

devait solder au

a élu fête

comme

cette

procureur Henri de

élection en

la

taverne

de Noire-Dame; on dépense cinquante-huit sous et

veur, maître

Le

la

nouveau procureur paye vingt-huit sous

le

est

approbation de sa gestion

Thémon

dépenses que

Ainsi, le 11 février iSBg,

A Vimage

son mandat

année.

les

Nation, les

le

les statuts; ainsi, le 23 sep-

élection, et

de sa caisse plus

l'état

Thémon,

solde le reste

et le rece-

5.

que Thémon semble avoir apporté dans l'accomplis-

sement de

ses fonctions de receveur,

en toute besogne dont

il

était

lui confiait-elle volontiers

il

le

chargé; aussi

mettait sans doute la

Nation anglaise

missions particulièrement dé-

les

licates.

La Nation anglaise

Nation picarde se disputaient parfois

et la

certains étudiants; les provinces qui ressortissaient à d'elles étaient

mal

délimitées.

En

i357, les

deux nations réso-

lurent de mettre fin à ces différends et de fixer, par invariable, la

commune

chacune

un

statut

frontière de leurs départements res-

pectifs.

L'élaboration de ce statut n'alla point sans discussions, déli-

bérations et formalités prolongées.

Le procureur de

la

Nation anglaise, Jean-Nicolas d'Upsal,

devait, à cet efTet, comparaître devant les notaires; le 10 sep-

tembre,

il

avait,

en présence des députés de l'Université, prêté

serment de dire

la vérité;

mais

à peine

ce serment était-il

prêté que des affaires personnelles l'obligeaient à s^absenter

bien

vite,

il

délégua en son lieu lomus

1.

Aiictarium,

2.

Auctarium, ibid. Auctarium, tomus Auctarium, tomus Auctarium, tomus

3. /i.

5.

I,

I,

col. 287.

col. 238.

I,

col. 289.

1,

col. 2^1.

et place

maître

Thémon,

;

le fils


THÉMON LE

du

lendemain

Juif; le

mélites,

FILS

DU JUIF ET LÉONAHD DE VINCI

169

septembre, près du couvent des Car-

1 1

Thémon comparut devant les

notaires mais les Picards ;

refusèrent de le laisser déposer, ne le trouvant point autorisé;

fallut

il

qu'une assemblée de

firmât la délégation donnée à

Thémon

la

par

dûment

Nation anglaise conle

procureur

iNicolas-

Jean d'Upsab. Les théologiens de la Sorbonne ne pouvaient se résoudre à reconnaître la prééminence du recteur ils ne voulaient point ;

admettre qu'on

nommât

le

plusieurs reprises,

ils

chef

et

supérieur de l'Université; à

s'étaient élevés contre les prérogatives

de ce haut fonctionnaire; au début de l'année iSSg,

un exposé de

gèrent

leurs griefs qu'ils envoyèrent

delà Faculté des Arts

aux maîtres de

la

et

des autres Facultés;

Faculté de Droit de juger

ils

ils

rédi-

aux maîtres

demandaient

le litige; à

leur

Pape^ prétention des théologiens excita une grande rumeur

défaut,

ils

Cette

en appelaient à

dans l'Université, cureurs de

la

sentence du

nous en jugeons par

si

le

Livre des Pro-

Nation anglaise.

la

Le i4 février iSSg,

la

Faculté des Arts tout entière, réunie

près de l'église Saint-Julien-le-Pauvre, décide de déléguer quel-

ques-uns de ses membres qui composeront une réponse au «

rotulus

à cet

effet

dépense

des théologiens; huit écus Philippe sont déboursés

»

et

les

;

quatre Nations se partagent également cette

maître

Thémon paye

les

deux écus dus par

la

Nation

anglaise^.

Ce premier débours soulevée

relle

25 février,

la

par

ne* pouvait suffire

les

récriminations

aux

frais

de

que-

théologiens;

des

le

Faculté des Arts, assemblée de nouveau, décide

que chaque Nation versera vingt écus pour couvrir ces en particulier, pour envoyer un député à maître

la

Thémon

la

frais et,

Curie d'Avignon;

acquitte la contribution de la Nation anglaise

à cette dépense^.

Auctarium, tomus I, col. 219. Chartularium Universitatis Parisiensis subauspiciis Consilii generalis FacuUalum Parisiensium collegil Henricus Denifle, O. P, auxilianle /Emilio Châtelain; n" i2^G; 1.

2.

Tomus 3.

III, pp. G1-G9. Parisiis, ex typis fralrum Delalain, anno Auctarium, tomus I, col. 2^1.

4.

/4ucfartum,

tomus

I,

col. 242.

MDCCCLXXXXIIII.


ETUDES SLU Li:ONAKD DE Vl^CI

I-yO

envoyés furent chargés de présenter au

Quels

réponses que

les

Pape

les

Facultés opposaient aux doléances des théo-

logiens? Nous l'ignorons; ces réponses furent Araisemblable-

ment gnon taires

jointes au rôle

que l'on envoyait périodiquement à Avi-

sur lequel se trouvaient consignés les

et

noms

des digni-

des maîtres de l'Université. Le 3o septembre iSSg,

et

l'assemblée de la Nation anglaise charge

Kempen

Thémon

Henri de

et

du rôle qui la concerne; à l'unanimité, elle désigne Thémon pour porter ce rôle à Innocent VI, en compagnie des députés que les autres Nations ont élus ou qu'elles vont élire; rendant grâce de l'honneur qui lui était fait, le fils du Juif promet d'accomplir fidèlement les deux de composer

missions qui

lui

la partie

sont confiées

pourvu du moins que obstacle

en particulier,

et,

manque

le

seconde,

la

d'argent n'y mette point

».

Thémon mena

sans doute à bien son ambassade auprès du

Pape, car, bientôt après, nous voyons la Nation anglaise confier

une

en

lui

autre, en des circonstances particulièrement mar-

quantes. Fait prisonnier à la bataille de Poitiers, Jean le d'être

rendu à

la liberté

par

le traité

Bon

venait

de paix de Brétigny, signé

mai i36o; l'entrée solennelle du roi à Paris était fixée au i3 décembre de la même année. Le 3 novembre, après avoir convoqué l'Université entière

le 8

auprès de

l'église

Saint-Mathurin,

le

recteur proposa d'envoyer

au Pape, en signe de réjouissance, un

rôle exceptionnel.

Sur

instances des théologiens, on décida que ce rôle serait

les

établi avec

une rigueur toute particulière;

véritables

régents

portés et

le délai

seuls, les

noms

des

actuellement présents à Paris y seraient d'inscription serait clos irrévocablement

le

samedi suivant.

Le lo novembre,

la

Faculté des Arts et la Nation anglaise

s'assemblèrent auprès de l'église Saint-Julien le-Pauvre pour

nommer

l'ambassadeur qui remettrait ce rôle extraordinaire

aux mains d'Innocent VI;

i.

Auctarium, tomus

I, col.

aSa.

le

choix se porta sur

le fils

du

Juif;


THEMON LE

FILS

commun

en outre, d'un

un

ouvrirent à leur élu

Thémon fait

les

;

pour

DU JUIF ET LEONARD DE accord,

les

VINCI

maîtres

de

I7I

Nation

la

crédit de cent écus Jean.

accepta avec reconnaissance l'honneur qui lui était

dont

fêter l'élection

était l'objet,

il

emmena

il

tous

maîtres de la Nation anglaise à une taverne voisine de

du Bon Jean

l'hôtel

l'

apothicaire

;

et là,

largement, on but à ses

fraisa Cette joyeuse

Thémon que

rapporte

le

est le dernier trait

»

n'appartint plus à

de

Livre des Procureurs de

son ambassade à Avignon,

Après

anglaise.

beuverie

«

le

la vie

Nation

la

fils

de

du Juif

Faculté des Arts de l'Université de Paris.

la

Que devint -il? Nous

l'ignorons.

La nuit qui enveloppa

premières années nous dérobe aussi

ses

les dernières.

III

Quelques rapprochements entre les doctrines de Thémon et les pensées de léonard de vinci.

une théorie qui

S'il est

tion de

Thémon,

le fils

ait

du

particulièrement sollicité l'atten-

Juif, c'est

assurément

celle de Tarc-

une grande place dans son œuvre; dix-huit

en-ciel; elle tient

questions du troisième

que

à l'étude de VIris; ce

livre

des

Météores sont consacrées

Thémon

dit

de ce

phénomène passe

de beaucoup tout ce qu'en ont dit non seulement les physiciens de l'Antiquité et les commentateurs arabes, mais encore, en la

dernière partie du

Albert

le

Grand

et

xiii" siècle, les

grands scolastiques,

Roger Bacon, ou

le

comme

célèbre opticien Witelo

seules, les considérations développées par Thierry de Saxe,

début du xiv^

siècle,

au sujet de

;

au

peuvent être comparées aux raisonnements de Thémon, qu'elles ont peut-être inspirés et qu'elles dépassent en un point.

En

fait,

Thémon

l'arc-en-ciel,

a expliqué d'une

manière correcte

la for-

mation du premier arc-en-ciel; non seulement l'explication I.

Auciariam, tomus

I,

coll. 260-2G1.


ETUDES SUR LEONARD DE VINCI

172 qu'il

a

donnée

est l'esquisse

mais encore celle-ci provient de celle-là; de

aujourd'hui,

Dominis, que l'on

comme

souvent

cite

ayant

Thémon;

de l'œuvre de

et inintelligent

curseur de Descartes, ce n'est pas de Dominis, et les Questions le

en cette

été,

précurseur de Descartes, ne fut qu'un plagiaire

matière, le

impudent

de celle que nous admettons

sur

le vrai pré-

c'est

Thémon;

quatre livres des Météores^ composées par

les

vieux maître scolastique, étaient peut-être sous

grand philosophe lorsqu'il composait

les

yeux du

ses Météores.

Or, dans le cahier F, 011 Léonard de Vinci jetait, à peine

ébauchées,

les

pensées que suggérait en lui

la lecture

d'Albert

de Saxe ou du traité des Météores qu'il possédait à ce moment,

une page

entière

est

'

Il est difficile

ciel.

idées émises par

consacrée à des réflexions sur

de parcourir cette page sans juger que

Léonard

passages écrits par

l'arc en-

les

rapprochent étroitement de certains

se

Thémon;

rapprochement

et le

est d'autant

plus frappant que certains de ces passages, très caractéristiques

Thémon,

des Questions de

n'ont point leur analogue dans les

divers commentaires sur les Météores qu'il nous a été

de

feuilleter.

Thémon est-elle

se pose, entre autres, la

une forme

question se trouve celle-ci

mée en

nuée ou en

la

analogue à Timage qui

une forme

est

réelle;

auteur avait écrit

vons voir

ment

ces

fragment^' ((

De

l'iris

I.

a.

3. '4.

«

«

:

la pluie;

se

les

on

la

:

«L'iris

nuée, où n'est-elle

réponses données à cette

L'iris est

une forme le

prouve

réelle impri-

:

car elle est

forme dans un miroir; or celle-ci

donc,

etc.

»

Un peu

auparavant-^, notre

L'expérience nous montre que nous pou-

naturel dans

un

miroir.

»

Ce sont

visible-

deux passages qui ont inspiré à Léonard décrire ce :

l'arc-en-ciel. Si l'arc-en-ciel est

à-dire sa rondeur)

la

:

question suivante ^

imprimée en

réelle

qu'une forme imaginaire?» Parmi

de

donné

ou par

le soleil

engendré par

moyennant

le

l'œil (c'est-

nuage.

»

Les manuscrits de Léonard de Vinci, publiés par Ch. Ravaisson-Mollien; ms. F Bibliothèque de l'Institut, fol. 67, verso. Thimonis Quœstiones in quatuor libros Metheorum ; in librum III qua^stio XII. Thimonis Quœstiones in quatuor libros Metheorum ; in librum III qua^stio XI. Léonard de Vinci, loc. cit.


THÉMON LE

FILS

DU JUlF ET LEONARD DE VINCI

Le miroir ne prend d'espèces que

c(

et les

l']3

corps visibles,

celles des

espèces ne se produisent pas sans ces corps; donc

si

cet

arc est vu dans le miroir et que les espèces y concourent qui

ont pour origine cet arc-en-ciel, par

le soleil et

par

nuage.

le

nous poursuivons

Si

controns

ï

Lorsque apparaît

((

suit

de

lecture

la

l'arc,

du

une

cercle de l'horizon) sont sur

déterminé

yeux

et

N'est-ce pas ce passage

ont

centre de l'œil et centre

même

droite idéale...

même

le soleil

passant par

un

un œil

relatif à cet œil; si divers ils

verront des

ligne droite.

se

»

que Léonard nous présente sous

vu dans

derrière et

le

les pluies fines

nuage devant,

et

par

les

cette

tel

le

soleil,

en

centre de l'œil, se terminera au centre de l'arc.

arc ne sera jamais

endroit que par l'autre œil;

nuage où

yeux qui

toujours une ligne

imaginée continuellement droite à partir du centre du Et

Il

:

L'arc-en-ciel est

«

quatre

pour chacun d'eux, ces quatre points

trouveront toujours en une

forme 2

nous ren-

ciel, ces

en des positions différentes,

arcs différents; mais

engendré

cette proposition se rapporte à

au centre de l'horizon

se trouvent

Thémon,

naturel ou l'arc en

l'iris

que

l'arc est

:

points (centre du soleil, centre de

faut bien entendre

que

»

passage suivant

le

il

forme

il

vu par un des yeux au même sera vu en autant d'endroits du

arc est tout dans le

y a d'yeux qui le voient. Donc cet nuage où il s'engendre et tout en chacun

des endroits où

peut se trouver,

il

se

grand ou plus

il

petit,

qu'il

et ainsi

demi, entier, double,

il

paraîtra plus

triple. »

Plus tard, au cahier que Venturi a marqué de la lettre E, et

dont

la

rédaction n'est point antérieure à i5i33, Léonard résu-

mait, en ces termes^', les opinions que nous venons de lui voir

énoncer ((

1.

2.

:

Les couleurs au milieu de l'arc se mêlent entre Thimonis Qiiœstiones in quatuor Léonard de Vinci, loc. cil.

libros

Metheorûm; in librum

elles. »

III

quaestio

XX.

On y lit, en effet, le passage suivant « Je partis de Milan pour Rome au jour septembre i5i3, avec Jean, François de Melzi, Salai, Laurentet leFanfoïa. » {Les manuscrits de Léonard de Vinci, ms. E de la Bibliothèque de l'Institut, fol. i, recto.) Les manuscrits de Léonard de Vinci, ms. E de la Bibliothèque de l'Institut, verso !i. de la couverture. 3.

a4 de

:


ÉTUDES SUR LÉONARD DE VINCI

I-y^

L'arc en soi n'est ni dans la pluie, ni dans l'œil qui le

((

qu'il s'engendre avec

voit, bien

de

la

vu par

les

du

pluie,

soleil et

de

l'œil. »

L'arc céleste est toujours

«

entre la pluie et

corps du soleil

le

donc

;

yeux qui s'interposent

pluie à l'Occident, l'arc s'engendre dans la pluie occi-

et la

dentale.

»

Volontiers, en son étude de l'arc-en-ciel, les

c'est ainsi qu'il

mentionne

produit en hiver, ou pendant l'haleine émise par la

tourne

dos au

le

cette

jette

Qu'on

avec

la

cet

en

homme

Or Léonard

))

forme circulaire; l'haleine dans le

nuque,

et aussi

»

pas toujours

artificiel n'est

:

» dit-il, «

les

couleurs de

elles

l'iris

apparaître dans

sans prendre cependant la

apparaissent ainsi... lorsque l'on souffle

rayon solaire qu'un trou

laisse passer.

»

C'est

pensée que Léonard exprime en cette note marginale

deux sphères de métal envoient

lieu obscur,

les

:

rayon solaire

le

le soleil à la

observe ^ que l'arc-en-ciel

Nous avons vu,

longue.

l'ombre.

encore avec l'eau soufflée dans

une foule d'autres expériences,

Si

froid et serein,

bouche d'un homme, lorsque

soleil et la face vers

de forme circulaire

((

«le petit arc-en-ciel qui se

lumière des torches ou de lune.

même

artificielle-

note en marge du feuillet que nous analysons

fasse

Thémon

la

^

un temps

qui passe en lieu obscur, en ayant

((

Thémon invoque

observations faites sur des arcs-en-ciel obtenus

ment;

«

étant à l'Orient

le soleil

eaux

soufflées

le

:

rayon solaire en un

feront l'arc d'iris de figure

))

La page du cahier F

oii

Léonard

sur l'arc-en-ciel ne contient pas lecture des Questions de

a

consigné ses réflexions

un mot que

n'ait

suggéré

la

Thémon.

Léonard paraît également avoir adopté, au. sujet des marées, l'opinion de

Thémon buent

le

Thémon, qui

est fort originale.

n'ignore pas^ que beaucoup d'astronomes

phénomène de

la

marée

à

une action

ïhimonis Quœstiones in quatuor libros Metheorum ; Thimonis Quœstiones in quatuor libros Metheorum ; 3. Thimonis Quœstiones in quatuor libros Metheorum ; librum II quaestio II. I.

iu libriiiii

:!.

in libriuu in lil)rani

attri-

lunaire, que III

qua^slioXIV.

ill qiia^slio 1

quH'stio

I,

XIX. cl in


THEMON LE

DU JUIF ET LEONARD DE VmCI

FILS

cette action s'exerce par l'intermédiaire

de la lumière ou qu'elle

due à une influence spéciale; mais

soit

paraît sujette à bien des objections;

17^

cette explication lui

en esquisse une autre

il

qui lui parait préférable.

L'un des éléments de

Thémon

lui

Au second livre des existe en mer des courants

par Aristote.

fourni

est

Météores, le Stagirite affirme qu'il

engendrés par

des marées proposée par

la théorie

plus grande hauteur des eaux en certaines

la

régions; la région septentrionale est celle

Teau

en sorte que l'Océan

est la plus élevée,

la surface

oii

de

est le siège

d'un

courant continuel dirigé du nord au sud. Celte doctrine

était

généralement acceptée des scolastiques

Thémon admet' qu'il déclare tirée

mer

»

;

cette

ébuUition sous tions,

il

cette

opinion;

d'un certain

«

hypothèse

le

Grand, en

il

traité

est telle

:

a

y joint une hypothèse du flux et du reflux de

La mer

s'enfle et entre

en

parcours du soleil;» de ces deux supposi-

le

tire cette

Albert

longuement développée.

particulier, l'avait

la

;

explication des marées^:

meut entre les tropiques, ses rayons tombent normalement sur la mer et réchauffent violemment; Tandis que

le soleil se

l'eau qui se trouve

exactement s'enfle

exactement sous

comme

le soleil

entre en ébullition

en une marmite placée sur

le

feu; elle

donc, produisant une extumescence qui se meut d'orient

en occident

comme

le

soleil.

Pendant ce temps, dans

les

régions septentrionales, la lune dont la vertu est propre à créer

vapeurs

l'eau, refroidit les

mer; par

ainsi se trouvent

la raréfaction

et

produit une augmentation de la

engendrées deux pleines mers, l'une

que détermine

par la géné-

le soleil, l'autre

ration d'eau qui provient de la lune.

Cette théorie peut nous sembler enfantine

moins en progrès sur toutes Depuis Ptolémée, les

les

celles

;

elle

n'en était pas

qui l'avaient précédée.

astrologues expliquaient presque tous

vives-eaux des syzygies, les mortes-eaux des quadratures,

en supposant que

le

soleil

pouvait exalter ou atténuer

l'in-

fluence de la lune suivant la position relative des deux astres. 1.

2.

Thimonis Quœstiones Thimonis Quœstioiies

in in

quatuor libros Metheorum ; in librum quatuor libros Metheorum; in librum

II

quaestio

II

quaestio IL

I.


ÉTUDES SUR LÉONARD DE VINCI

176

Pour

la

première

avec Théinon, nous voyons

fois,

la

marée

décomposée en deux marées partielles, de périodes différentes, dont Tune dépend de la marche de la lune et l'autre de

totale

marche du

la

xvi^ siècle,

L'idée sera reprise, au premier tiers

soleil.

par Frédéric Grisogone de Zara',

et cela

du

pour ne

plus être abandonnée. Or, que cette curieuse théorie des marées ait attiré l'attention

de Léonard de Vinci, nous n'en saurions douter lorsque nous lisons le passage suivant ^ ((

:

La mer sous l'équinoxe

s'élève par la chaleur

prend mouvement, en toute partie de l'eau qui s'élève,

à sa sphère.

la colline

ou partie de

rendre

la perfection

l'égalité et

même

théorie qui suggère cet autre passage ^

en un cahier que Léonard composa, nous en aurons

bientôt la preuve, postérieurement au cahier {{

Da mouvement

meut

soleil et

»

C'est encore la inscrit

pour donner

du

de

la

mer

F

:

toutes les six heures... Si le

chaud

humeurs, le froid les arrête, et 011 le froid est plus grand, se trouve une plus grande solidification d'humeurs. »

du

les

quelqu'un voulait dire que ce

Si

froid, qui fit croître et décroître la

cela paraît impossible effet,

pour

augmentatrice

fût la lune,

mer

toutes les six heures,

énoncées. En

les raisons ci-dessus

une chose étant semblable

à

une

autre, elle n'attirera pas

par ressemblance, mais par dissemblance; lu ne verras pas le feu il

chaud

et sec attirer à lui le feu,

attirera le froid et

d'autre eau.

l'humide

tu

;

du

marée

humide par

excellence, sur les

à

ici

en faveur de

Thémon, contre

reflux proposée par

attribue la

1.

ne vois pas Teau

attirée par

»

Léonard combat visiblement flux et

mais bien au contraire,

l'action

sympathique de

humeurs

la théorie

la

du

doctrine qui lune, astre

la

terrestres.

De arlificioso modo collegiandi, pronostiœgrUudinum per dies criticos, necnon de humana Joan. A. de refluxu maris; Voncliis, impr,

Fcderici Chrlsogoni nobilis Jadertini

cûndl cl curandi fcbres felicitale,

ac

deniqiie

et

de pi'ognosticis

de Jlaxu

et

;t

Sabio, i528. 2.

de

la

de

la

3.

Les manusciits de Léonard de Vinci, publiés par (]h. Kavaisson-Mollien Bibliothèque de l'Institut, loi. 70, verso. Les manuscrits de Léonard de Vinci, publiés par Ch. llavaissoa-Mollien Bibliothèque de l'Institut, fol. 07, recto.

;

ms. F

;

ms. A


THÉMON LE

FILS

DU JUIF ET LEONARD DE VINCI

I77

Plus tard encore, au cahier E % Léonard formule de nouveau sa

croyance à une marée solaire ((

haute que

qu'en

soleil

équinoxial.

aucune

nous nous proposions simplement

Météores d'Aristote,

en

par

de ce

partie

il

du Vinci,

le

cercle

que Léonard a

du

le fils

Juif, sur les

serait superflu d'insister; la ;

preuve

est

notre objet est de suivre,

progrès de certaines pensées suggérées

du vieux maître de

la lecture

d'établir

Thémon,

Mais nous voulons davantage

l'esprit

plus

plus haute sous le

et est

autre

est

»

lu les Questions compilées par

faite.

mers équinoxiales

l'eau des

eaux septentrionales,

les

du

corps

Si

comment

Décris...

...

:

l'École nominaliste de Paris.

IV

La mer est -elle plus haute que la^erre? Nous

allons, en effet, prendre quelques-unes des doctrines

qui ont contribué à former le traité Del moto e misura delV acqua,

en

publié

1826

par F.

Gardinali,

nous allons

et

retracer l'évolution par laquelle elles se sont développées

au

du génie de Léonard. Les notes manuscrites du grand peintre nous permettront de suivre pas à pas les démarches sein

par lesquelles

il

s'est efforcé d'atteindre la vérité et,

au cours

de ces démarches, nous constaterons la continuité de

Thémon. C'est premier germe de

fluence exercée par

la lecture

aura déposé

la théorie

le

laquelle travaille Léonard; et

des opinions

du vieux maître

si

de

il

qui

au progrès de

celui-ci s'écarte

scolastique,

Thémon

l'in-

un moment

ne tardera pas à

revenir vers elles.

La mer

est-elle

plus élevée que la terre? Cette question était

souvent agitée au sein des écoles du Moyen-Age. Les quatre

éléments qui forment

au plus léger, I.

le

monde

sont, en allant

la terre, l'eau, l'air et le feu

Les manuscrils de Léonard de Vinci, ms.

E de

la

;

du plus grave

ne convient-il pas

Bibliothèque de

l'Institut,

fol. 12, recto.

p.

DUHEM.

ii


ETUDES SUR LEONARD DE ViNCt

î-jS

qu'ils

succèdent dans cet ordre

se

l'Univers? Et de

même

que

le feu se

du centre de

à partir

trouve au-dessus de

l'air,

ne convient-il pas que la surface des mers soit plus distante du centre du monde que la surface de la terre ferme? Telle était l'opinion soutenue par Averroës.

Assurément, cette opinion avait rencontré, dès

Moyen-

le

Age, de vigoureuses contradictions. Déjà au xni^

siècle,

Cam-

panus de Novare soutenait que partout

terre

ferme

la

oii

monde

émergeait, elle était plus distante du centre du partant, plus haute

qne

la surface

des mers

;

la

et,

doctrine de la

pesanteur exposée par Albert de Saxe prêtait son appui à

Campanus; nombreux

l'affirmation de

étaient toutefois ceux

qui tenaient pour la supposition d'Averroës

ouvertement professée, non encore au milieu du xvi^

Thémon

a développé

ce qui suit

:

seulement au xv"

la trouve,

siècle,

mais

siècle.

sa minutieuse discussion,

La surface qui termine

«

on

avec beaucoup de force l'opinion de

^

Campanus; au cours de

;

nous lisons

eaux de

les

la

mer

est

plus rapprochée du centre de l'Univers que la surface convexe

de

la terre

sur laquelle nous nous trouvons

comme

le

remar-

Aristote, cette proposition peut se constater expérimenta-

que

lement; considérons, en

mer, de

jette à la

nous trouvons,

la

effet, la

rivière;

la terre est

mer,

mais au fur la surface

surface d'une rivière qui se

Seine par exemple; aux lieux où nous

plus éloignée du centre du

la

;

et à

visiblement plus élevée, c'est-à-dire

monde que

la surface

mesure que

la rivière

de l'eau de

la

s'approche de

de ses eaux devient plus voisine du centre du

monde; sinon, l'eau ne descendrait pas plutôt vers la mer que vers une autre région; puisque la mer reçoit cette rivière, c'est que la surface de la mer ne s'éloigne pas davantage du centre que

l'eau

de

plus proche;

rivière,

la la

mais, au contraire, qu'elle

convexité de

la

mer

est

en

est

donc sûrement plus

voisine du centre de l'Univers que la surface de la terre ferme

nous sommes.

011

I.

cdd,

»

in quatuor libros Melheorum; in librum 1 qiuoslio V (ap. i5iG vcl i5i8), vel qii.nestio VI (ap. cd. Vcncliis iSaa). La première premier livre en cette dernière édition manque dans les deux éditions

Thimonis Quxsliones Parisiis

question du données par Georges Lekorl.


THÉMON LE

Ce passage

DU JUIF ET LEONARD DE

1

s où il explique l'illusion qui mer plus haute que la terre

79

fait,

celui-ci

parfois, paraître la

:

Naturellement, jamais aucune partie de

((

VINCI

sans doute sous les yeux de Léonard lors-

était

composait

qu'il

FILS

la terre

que décou-

vrent les eaux n'est plus basse que la surface de la sphère de l'eau.

DB

(flg. i), est

une plaine

où un fleuve court à la mer, cette plaine ayant pour terme la mer ;

en

cette plaine découverte

fait,

n'est

pas dans la

l'égalité 2,

position

puisque^

ainsi, le fleuve

mouvement;

en

s'il

de

était

n'aurait pas de

puisqu'il se meut,

p^^

^

cette position doit plutôt être dite

DB

plage que plaine. Ainsi la plaine à la sphère de l'eau,

que

si

confine de telle manière

l'on s'avançait

en continuelle

recti-

tude suivant BA, elle entrerait sous la mer; de là naît que la

mer ACB

paraît plus haute que la terre découverte.

Chose curieuse, nous allons voir Léonard dans ce passage

qu'il soutient

et

sur l'origine des sources vont

rejeter l'opinion

admettre que

plus élevée que les plus hautes montagnes le

»

la

mer peut

méditations

ses

;

être

conduire à cette singulière

opinion.

Nous admettons aujourd'hui comme un immédiate que les sources proviennent, pour eaux pluviales qui ont imbibé

la terre et se

et si obvie, est,

en

peine à s'accréditer.

pense pas qu'une

réalité,

une de

la plupart,

Au premier

telle

;

il

des

sont infiltrées dans

celles qui

ont eu

si

le

simple plus de

livre des Météores^ Aristote

ne

cause suffise à expliquer la masse des

eaux qui sortent du flanc des montagnes

ait été

d'évidence

des roches. Cette vérité qui nous paraît

les fissures

aux fleuves

fait

et

donnent naissance

veut encore qu'une grande partie de ces eaux

vraiment engendrée au sein de

la terre

;

Thémon

par-

1. Les manuscrits de Léonard de Vinci, publiés par Ch. Ravaisson-Mollien; ms. F de la Bibliothèque de l'Institut, fol. 78, recto. Ce passage est textuellement repro^ duit dans le traité Del moto e misura deW acqua, libre primo, capitolo XIX.

2.

G'est-à-dire

:

n'est pas horizontale.


ÉTUDES SUR LÉONARD DE VINCI

l8o

tage celte opinion'

;

quant à Léonard, observateur

tout ce qui concerne les eaux courantes^

eagace de

si

ne paraît pas, en

il

tout ce qu'il a écrit touchant les sources, qu'il leur ait attribué

un

seul instant

une origine

Pline l'Ancien qu'Aristote;

il

pénètre dans

on

voulait

^

la voit

mer

qu'elles vinssent de la

«

:

La mer

à l'intérieur, à l'extérieur, à la

la terre entière,

canaux qui

la sillonnent

en tous

s'échapper des plus hauts sommets auxquels

parvenue

elle est

aux sources une autre origine

attribuait

surface, par les veines et les

sens;

pluviale.

comme

par un siphon, grâce à

l'effort

des

vents, à la pression produite par le poids des terres; bien loin

donc que en tous

mer ne

la

risque de tomber, on en voit l'eau jaillir

sommets,

les

clairement pourquoi

de fleuves ne

Thémon^

fait

même

quotidien d'un

l'afflux

pas croître la mer.

avait fort

et

;

si

par là on voit

grand nombre

»

sagement réfuté

Pline avait tirés d'une «

les plus élevés

les

raisonnements que

Hydrostatique bien mal informée

:

L'eau des sources ne monte pas aux orifices des fontaines, du

moins en général, par

un

suite de la pression des terres;

si la

terre

ou bien encore si elle était entièrement imprégnée d'eau, elle pourrait comprimer l'eau et la faire monter;

était

fluide,

mais alors

la terre entière

être submergée...

descendrait peu à peu et finirait par

»

monter naturellement jusqu'au déversoir d'une fontaine, mais jamais elle ne peut monter plus haut que «...L'eau peut bien

le lieu d'oii elle vient;

de

la

ce

vertu par laquelle

mouvement est simplement un effet un corps moins grave monte pour

céder sa place à un corps plus grave. Cette vérité apparaît

clairement par et les

en un

les

expériences que nous fournissent les canaux

aqueducs; jamais on ne peut conduire l'eau d'une source lieu plus élevé

Léonard de Vinci

que son

est trop

lieu d'origine.

bon hydraulicien pour mécon-

Thémon

naître la valeur des objections de

de Pline; 1.

il

Thimonis

»

contre l'hypothèse

fonde d'ailleurs toute son Hydrostatique sur ce Quiestiones in quatuor libros

Melheorum;

iii

librum

(ap. edd. Parisiis i5iG et i5i8), vel quaeslio X.X (ap. éd. Veniliis loaa). 3.

C. Plinii

3.

Thémon,

Sccundi Naturalis historix liber loc. cit.

II.

I

qu.Tstio

XI\


THÉMON LE principe

:

«

FILS

L'eau ne se meut pas d'elle-même

Cependant,

est séduit

pas.

»

aux

infiltrations des

lui faut

DU JUIF ET LEONARD DE VINCI

il

par cette hypothèse

eaux de

donc prouver que

mer

la

haut situées, partant que

^

ne descend qui attribue

l'origine des fleuves;

il

mer, ou tout au moins quel-

la

est plus élevée

qu'une de ses parties,

si elle

l8l

que

sources les plus

les

cimes des plus grandes mon-

les

tagnes.

s'imagine, en

Il

avoir obtenu de cette proposition

effet,

une démonstration convaincante découverte,

il

dans sa joie d'une

et,

célèbre la supériorité de la

méthode qui

telle

la lui a

fournie, de l'observation directe de la nature, sur la lecture

des livres qu'il tient de fra Bernardino Si l'eau qui

((

mer, dont

la

le

sourd par

les

2.

hautes cimes des monts vient de

poids la pousse là-haut, afin qu'elle soit plus

haute que ces monts, pourquoi une ainsi possibilité de s'élever à

une

telle particule

grande hauteur

si

pénétrer la terre qu'avec tant de difficulté

quoi

n'a-t-il

même,

de

lequel confine à

la susdite partie?

le

de ne

de temps? Pour-

A

qui n'est pas pour lui résister,

l'air

tout ne s'élève pas à la toi

revient d'apprendre de

il

et

et

pas été accordé au reste de l'élément de l'eau de faire

dételle manière que

que

d'eau a-t-elle

qui as trouvé une

même telle

hauteur

invention,

nouveau par l'observation de

la

nature; car tu te trouveras bientôt pris de court avec toutes les

opinions dont tu as

du

frère,

dont tu

fait

grande provision en lisant

es possesseur

3.

le

fonds

»

Quelle est donc l'invention qui arrache à Léonard ce cri de joie et de

Un

triomphe? La voici en substance

courant constant déverse

autres; ce courant suppose

mers

une pente; par

vellation, le niveau de certaines

plus que ce dernier n'est

les

:

les

les

suite de cette déni-

mers surpasse

dominé par

unes dans

celui de l'Océan,

plus hautes monta-

les

gnes; ainsi, l'eau provenant de ces mers peut sourdre aux N'oublions pas que Léonard possédait une Histoire naturelle de Pline parmi les dont le Codice atlantico nous a conservé la liste. 2. Les manuscrits de Léonard de Vinci, publiés par Ch. RaYaisson-^k)llien ms. F de la Bibliothèque de l'Institut, fol. 7^, verso. 3. La fin de ce passage est peu claire dans le manuscrit de Léonard nous l'avons légèrement paraphrasée, en suivant les indications données par M. Charles Ravaisson1.

livres

;

;

Mollien.


ÉTUDES SUR LÉONARD DE VINCI

l8a

sommets des monts

les

plus élevés. Voyons naître cette hypo-

thèse en l'esprit de Léonard

On demande

((

si

^

:

un fleuve qui passe par un

lac altère Vunifor-

monde que présentait la surface avant que le fleuve passât par le susdit lac. là une belle question; et l'on prouve qu'une telle

mité de la distance au centre du

de ce

lac,

C'est

))

surface ne garde pas l'uniformité de sa dislance au centre

monde

donne passage au

lorsqu'elle

susdit fleuve, par la qua-

trième qui montre que l'eau ne se meut pas pas. Et,

ici, il

semblable à

faut entendre

celle

de l'entrée

que ;

la sortie

s'il

en

si elle

ne descend

lac a

une largeur

du

est ainsi,

il

est nécessaire

que

l'eau soit de cours uniforme, par la septième, qui

que

le

mouvement de

partie de sa

tout fleuve en

temps égaux donne

comme

largeur de l'entrée,

que tout

il

C'est là, selon le

réponse

coup

du

une brasse

de.

est

fleuve

et,

du

si le

est dit, égale à la le fleuve

qui passe ;

ainsi

une distance variée

»

mot de Léonard, une

belle question;

mais

du

lac surpasse de

beau-

du

lac et

incomplète;

la section

il

descente par mille

l'eau d'un tel lac sera, à sa surface, à

du centre du monde. la

est nécessaire

le lac ait, lui aussi,

donc

à toute

une brasse de descente par

mille, la largeur de la sortie étant,

par

montre

longueur un égal poids d'eau. Maintenant,

fleuve émettait de l'eau qui voulût

du

la section

fleuve; les vitesses d'écoulement

partant, les inclinaisons de leurs surfaces sont en

raison inverse de ces sections

;

la

pente de

la surface

du

lac

donc insensible. Cette remarque ruine d'avance toute l'argumentation de Léonard; mais n'y insistons pas; Léonard sera

saura bien se corriger lui-même. Pour

nous de suivre la

le

conséquence

suit

de

que

le

moment, contentons-

développement de sa pensée

de reproduire

qu'il tire des considérations précédentes

la

plus haute partie

:

« Il

mer de Tana^, qui confine au Tanaïs, est la or elle est éloiqu'ait la mer Méditerranée ;

gnée du détroit de Gibraltar de 35oo milles, la carte à

et

comme montre

naviguer, ce qui donne une descente de 35oo brasses^

Les manuscrils de Léonard de Vinci publiés par Ch. Ravaisson-Mollien; nis. F Bibliothèque de l'Institut, fol. 68, verso, et fol. 68, recto. Cf.: Del moto e misura dell' acqua, libro I, cap. XII. 3. La mer d'Azow. 1.

de

la


TIIÉMON LE FILS DU JUIF ET LÉONARD DE VINCI

un

c'est-à-dire

un sixième

mille et

cette

;

mont d'Occident. » Léonard revient un peu plus loin

mer

l83

donc plus

est

haute que tout

«

Pourquoi Veau

au Don,

il

est

'

à cette

en haut des monts

?

y a 35oo milles, c'est-à-dire

même

conclusion

Du détroit un

:

de Gibraltar

un sixième

mille et

de différence de niveau, en donnant une brasse de descente

par mille à toute eau qui se meut médiocrement;

et la

mer

aucun des monts d'Europe ne s'élève d'un mille au-dessus de la peau de nos mers donc on pourrait dire que l'eau qui est aux cimes des monts Caspienne

est

beaucoup plus haute;

et

;

vient de la hauteur des

mers

et

des fleuves qui se déversent en

ces mers, étant plus hauts qu'elles.

Invoquer

la

»

dénivellation des mers pour expliquer la pré-

sence des sources à la cime des montagnes était assurément

même

une idée nouvelle. Mais l'hypothèse tion et de l'écoulement qui

de cette dénivella-

en résulte n'appartenait point en

propre à Léonard; au second livre des Météores, Aristote l'avait très

formellement énoncée

aux colonnes d'Hercule, déclivité terrestre les fleuves.

le

«

Cet ensemble de mers qui aboutit écoule dans

avait-il dit,

eaux que

lui

la

visible.

le

sens de la

amènent une multitude de

Le PalusMéotide coule dans

Euxin dans

moins

:

le

Pont-Euxin

et le

Pont-

mer Egée. L'écoulement des autres mers Gela est dû au grand nombre des fleuves,

Palus-Méotide

et le

est

car

Pont-Euxin reçoivent plusieurs grands

cours d'eau. Gela est dû aussi à la hauteur de la mer. La

semble être d'autant plus basse qu'elle s'avance vers

les

mer

colonnes

d'Hercule. Le Pont-Euxin est plus bas que le Palus-Méotide; la

mer Egée

est plus basse

plus basse que la

que

mer Egée;

Sardaigne sont, de toutes, se

Pont Euxin;

le

la

les

la

mer de

mer Tyrrhénienne

plus basses

;

Sicile est

et la

quant aux eaux qui

trouvent en dehors des Golonnes d'Hercule, elles sont

en une cavité. De

même

que

un courant continuel

comme

l'on voit les fleuves couler des

lieux les plus élevés vers les lieux les plus bas, de

l'Océan,

mer de

s'établit

même, dans

des lieux les plus élevés

1. Les manuscrits de Léonard de Vinci, publiés par Gh. Ravaisson -MoUien; ms. F de la Bibliothèque de l'Institut, fol. 5o, recto. On observera que le ms. F a été, presque en entier, écrit à rebours ; les feuillets qui portent les numéros les plus élevés doivent être lus les premiers.


ÉTUDES SUR

l84

de toute la Terre, qui sont plus bas.

les

Lorsque

DE VINCI

LÉOlNfARD

les

régions arctiques, vers les lieux

))

cette explication des sources qui coulent

au sommet

des montagnes s'était offerte à l'esprit de Léonard,

enthousiasme;

accueillie avec

ne tarda pas à

il

supposer Si,

en

la

mer

effet,

la rejeter,

il

ne

qu'il était

mer;

est

il il

la

dénivellation des mers est entretenue par

plus haute des

la

impossible que ceux-ci tirent leur origine de la

faut qu'ils viennent de certains réservoirs;

ont dû s'épuiser au cours des

ci

absurde de

plus élevée que la terre ferme.

Teau qu'amènent des fleuves plus élevés que mers,

l'avait

pas longtemps;

s'y tint

avouant

il

mais ceux-

siècles, et la surface des

mers

a

dû redevenir horizontale. Telle est, en résumé, l'argumentation par laquelle Léonard dissipe l'illusion qui l'avait un instant séduit.

Voici en quels termes

il

confesse et corrige son erreur

:

Opinion de quelques-uns qui disent que l'eau de quelques mers

((

est

^

plus haute que

plus hauts sommets des montagnes et que

poussée vers ces sommets.

l'eau est

dans un autre que elle

les

si

L^eau n'ira d'un endroit

ce dernier est plus bas que le premier, et

ne pourra jamais remonter par son courant naturel à une

élévation égale à celle de la première place où, en sortant des

monts,

elle

parut au

tu disais % avec

ciel.

Quant à

cette partie

une fausse imagination,

être

si

de

la

mer que

haute qu'elle se

déversât sur les cimes des hautes montagnes, elle serait, après tant de siècles, épuisée et écoulée par les issues de ces monta-

gnes.

Tigre

Tu peux bien penser et

que, depuis tant de temps que le

l'Euphrate se sont déversés par les sommets

montagnes, on peut croire que toute

un

très

grand nombre de

ne crois pas que

le

fois

par

l'eau de l'Océan a passé

les dites

embouchures; or

Nil ait mis plus d'eau dans la

en a à présent dans tout l'élément de

des

l'eau.

11

mer

tu

qu'il n'y

est certain

que

1. Les manuscrits de Léonard de Vinci, publiés par Gh. Ravaisson-Mollien ; ms. A delà Bibliothèque de l'Institut, fol. 56, recto et verso. 2. Ce passage nous permet d'aiïirmer que le ms. A est postérieur au ms. F; des rapprochements de ce genre permettraient, croyons-nous, de classer dans leur ordre chronologique la plupart des manuscrits de Léonard et de suivre, plus exactement qu'on ne l'a fait jusqu'ici, le développement de ses pensées.


THÉMON LE FILS DU JUIF ET LEONARD DE

eau

cette

si

tombée hors de

était

machine aurait

mer aux

la

que toute

et

du

Nil.

mer

et les fleuves

le

même

et

circuit,

ont passé par l'embouchure

))

Débarrassé

de

la

soutenue par

Thémon,

le

imagination

fausse

«

Gampanus de Novare, par du

fils

Juif,

qui

avait,

du monde. A

la

la

doctrine

que

surface

de

surface de la mer,

du

la

de cette affirmation,

l'appui

un

Albert de Saxe, par

à l'affirmation

ferme s'éloigne, plus que

la terre

»

jugement, Léonard revient à

instant, troublé son

centre

mer

l'eau va des fleuves à la

en faisant toujours

fleuves,

la

ce corps de la terre, cette

eau depuis longtemps déjà; en sorte

été sans

que l'on peut conclure que de

l85

VliNCI

accu-

il

mule maintenant les raisons; et dans la forme passionnée qu'il donne parfois à ses arguments, on sent la joie qu'il éprouve d'avoir retrouvé jamais du doute Preuve^ que

«

la terre et est la

vérité, le désir

la

de

la

sauver à

:

la siirjace

de

la

mer

est équidistanfe

plus basse surface du monde.

au centre de

— Les parties

les

plus basses des montagnes sont où elles se rejoignent à leurs

plus basse d'une vallée est sa rivière,

et la partie la

vallées;

cause de cette vallée

les fleuves

;

ont leur partie

la

plus basse

à leur confluent avec le fleuve royal où, en perdant leur forme, ils

perdent leur

royaux

est la

nom;

mer, où

enfin la partie la plus basse des fleuves les fleuves,

avec leurs affluents, se repo-

sent de leurs pérégrinations.» a

Du

le vrai

centre de rocéan^.

forme ronde. Mais

l'élément de la terre, la surface

terre

il

de l'Océan,

ferme

la terre n'a

parties

monde.

centre de notre

d'eau, en

— Le centre de

;

car

il

est

si

la

Celui-ci se

sphère de l'eau est

compose de

terre et

tu voulais trouver le centre de

contenu en un lieu équidistant de

non pas équidistant de la surface de la facile de comprendre que cette boule de

et

est

vraiment rien d'une parfaite rondeur, sinon en ces

que couvrent

la

mer,

les lacs

ou autres eaux mortes,

et

Les manuscrits de Léonard de Vinci, publiés par Ch, Ravaisson-Mollien ms. A Bibliothèque de l'Institut, fol. 56, verso. 2. Les manuscrits de Léonard de Vinci, publiés par Ch. Ravaisson-Mollien; ms. A de la Bibliothèque de l'Institut, fol. 58, verso. Cf. Del moto e misura dell' acqua, 1.

de

;

la

:

libro

I,

cap. IX.


ÉTUDES SUR LEONARD DE YINCl

l86

toute partie de la terre qui centre.

mer

la

s'éloigne de son

»

Preuve

((

émerge de

^

de ce que

la terre n est

elle

voyons

Nil partir des

de ce que, n'étant

— Nous

centre.

méridionales

régions

en courant vers

provinces,

diverses

et

commun

ne peut pas avoir un

pas ronde, le

pas ronde

et arroser

un

sur

septentrion

le

espace de 3ooo milles, puis se jeter dans les eaux méditerra-

néennes, sur

d'Egypte

les rivages

;

que

du cours des

à l'universalité

le Nil est,

fleuves,

le

Danube,

partir des contrées germaniques,

Rhin

le

comme

l'orient, l'autre

au septentrion,

et le

mers, l'un à

les

dernier vers les mers

bien tout, tu verras que

tu considères

si

un concours beaucoup plus hautes cimes des monts maritimes;

plaines d'Europe font

sont les

le

combien

ces cimes sont

rivages maritimes.

terre découverte.

me donne par

le

les

élevé que ne et

fîgure-toi

elles-mêmes plus élevées que

les

»

De quelques-uns qui

«

et

commenle Rhône

d'une sorte de centre

de l'Europe, pour prendre leur course vers

méridionales;

nous trouverons

à la fin, plus bas de dix milles qu'au

cement. Nous voyons encore

commu-

qu'on accorde

à cette descente dix brasses par mille,

nément

nous voulons donner

or, si

disent que

— Certes,

est plus

haute que

la

ce n'est pas peu d'admiration que

commune

l'opinion

Veau

formée, à l'encontre du vrai,

concours universel des jugements des

bent tous d'accord que la surface de la

mer

hommes; est plus

ils

tom-

haute que

plus hautes cimes des montagnes, en alléguant beaucoup

les

de vaines et puériles raisons; contre ces raisons, j'en alléguerai,

moi, une seule, simple

manière évidente que couvrira la terre

si

et la fera

quelle quantité de terre

marines couvrissent

le

et

courte

l'on ôte à la

Cf.

:

Del moto e misura

mer

on enlèverait pour

monde; donc

deW

Nous voyons d'une ses digues,

de parfaite rondeur

plus élevé que les rivages de la mer.

I.

:

acqua, libro

ï,

faire

;

elle

or, considère

que

les

ondes

ce qu'on enlèverait serait »

cap. X.


ÏHÉMON LE

FILS

DU JUIF ET LEONARD DE VINCI

187

Gomment l'eau peut sourdre au sommet des montagnes à la supposition qui plaçait le niveau de cer-

En renonçant taines

mers plus haut que

des montagnes, Léonard

sommet

le

a rejeté la réponse qu'il donnait tout d'abord à cette question

Gomment S'il

en a trouvé une autre qui

Léonard

solution,

Gette

par la comparaison entre

l'homme;

de

dessein d'écrire

plus élevées?

les

lui paraît meilleure.

la justifie le

la

par une comparaison;

corps de la Terre et

comparaison

à cette

qu'il projette

aux cimes

sa première solution de ce problème, c'est

abandonné

a

qu'il

l'eau peut-elle sourdre

:

mettre en

il

tête

corps de

le

donne tant d'importance du Traité de Veau qu'il a

:

Commencement du Traité de Veau — L'homme est dit par les Anciens un petit monde, et certes cette épithète est bien placée. En effet, l'homme est composé de terre, d'eau, d'air et de feu; le corps de la Terre est de même. Si l'homme a en lui '

((

.

des os qui le soutiennent et une armature de chair, a les roches qui supportent la terre. Si

du sang, où

croît et décroît le

l'homme

poumon dans

monde

le

a en lui le lac

la respiration, le

corps de la Terre a son océan qui, lui aussi, croît et décroît toutes les six heures avec la respiration lac de

sang dérivent

corps humain, de d'infinies veines

les veines,

même

d'eau.

Il

l'intention

du mouvement,

il

n'y advient

dudit

qui vont se ramifiant dans

manque au corps de

la

Terre

trouvent pas, parce que les nerfs sont

ne

stabilité,

Si

le

l'océan remplit le corps de la Terre

nerfs, qui

s'y

du monde.

et

que

le

monde

les

faits à

étant de perpétuelle

aucun mouvement; aucun mouvement

n'y advenant, les nerfs n'y sont pas nécessaires. Mais en toutes

choses,

l'homme

et le

monde

sont fort semblables.

»

Les manuscrits de L'îonard de Vinci, publiés par Gli, Ravaisson-Mollien ms. A Bibliothèque de l'Institut, fol. 55, verso. Cf. Del moto e misura deW acqua, libro I, cap. XXXIX. I.

de

la

;

:


ÉTUDES

l88

Suivons gnes;

le

cette analogie

sang

afflue à

LÉONAKD DE VINCI

SUll

au sommet des monta-

l'eau sourd

:

la

de l'homme; ces deux

tète

effets

semblables se doivent expliquer par des raisons semblables; aussi

Léonard poursuit-il en ces termes

i :

Des veines de Veau au sommet des montagnes.

((

clairement que toute la surface de l'océan, quand

aucune fortune, que

et

les

11

apparaît

il

ne subit

également distante du centre de

est

la Terre,

cimes des montagnes sont d'autant plus éloignées

de ce centre qu'elles s'élèvent davantage au-dessus du centre de

la surface

de

mer. Donc

la

de ressemblance avec l'homme,

de

la

mer, qui

est à croire

la tête

que

L'explication

que

la

raison qui retient

même

la

des

sang au sommet de

le

tendance qu'ont tous

les

offre

de la tête de l'homme,

il

si

ne devrait

le

quelqu'un cassait sortir

que

les

veines et les

qui oblige

le

la tête? Cette

il

gonfler

sang à s'échapper par

cassure de la

tête,

la

se

toute chose et

;

il

paraît

fuit

s'il

dans

c'est ce

gonflement

rupture du

sommet de

que

la

sang qui

le

elles-mêmes à fournir une

afflue; celui-ci n'a pas

de

sang qui

opinion serait vite réfutée. Les veines, en

comme

haut

la respiration, s'emplit d'air;

au sang qui

1.

effet,

sang a un poids,

chasse de ce lac

fait croître et

suffisent bien par

2.

le

le

il

sang quand ce poumon, dans qu'en se dégonflant,

désir de

monte comme une chose aérienne poumon se dilate au sein du lac de

impossible que, de lui-même, Diras-tu que

le

la

:

trouve entre les bords de cette cassure; en pesante désire les lieux bas,

difficultés

commun

liquides, à leur

semble 2 à première vue que

des

semble contredire à

l'autre,

s'écouler des lieux élevés vers les lieux bas

et légère.

sommet

qui retient l'eau au

phénomènes

deux

comme

11

montagnes,

»

toutes pareilles'; l'un,

((

les

l'eau

monter au sommet de ces montagnes. D'où

de l'homme est

des montagnes.

que

serait impossible

il

est tellement plus basse

pût, par sa nature, il

corps de la Terre n'avait pas

si le

commode

effet,

retraite

besoin de déborder par

manquait de

place.

la

»

Léonard de Vinci, /oc. cil.CJ. Delmoloc misuradeW acqua,\'\hvo\,CQ-[). XXXVIU. Les manuscrits de Léonard de Vinci, publiés par Ch. Uavaisson-Mollien; ms. A Bibliothèque de l'Instilut,

fol. 56,

verso.


THÉMON

DU JUIF ET LEONARD DE VINCI

FILS

I.E

189

Quelle est donc la cause qui, en dépit de la pesanteur,

sang à

affluer le

la

de l'homme? C'est

tête

fait

La

chaleur.

la

chaleur mêle à un corps pesant des parties de feu qui sont légères et dont la légèreté porte vers le haut le mixte ainsi

composé

:

Pourquoi ce sang J ait par le sommet de la téte^. Les parties spirituelles ont force de se mouvoir et d'associer à leur course ((

parties matérielles.

les

Nous voyons

le

chaleur spirituelle, envoyer au-dessus de

aux vapeurs en

ainsi si

et

est-il

aux fumées, des matières

pour

tu la brûles.

De même

elle est infusée et mêlée... et

emporte avec

et

emporte en

la tête,

lui les

cheminée, mêlées

se réduire

en cendres

chaleur mêlée au sang, désireuse

la

de retourner à son élément, rupture de

la

la

terrestres et pesantes;

que tu verras

la suie,

moyennant

feu,

trouvant à s'évaporer par la

compagnie

sa

sang auquel

le

Le feu veut retourner à son élément

humeurs

réchauffées,

comme on

le

voit

en distillant du vif argent dans un alambic; quand cet argent de

grande pesanteur sera mêlé à

si

verras se soulever,

un second

On peut

que

d'ailleurs constater

retomber dans

et aller

»

au moyen de

cette

« le «

chaud rend légers

expérience

les

probante^

»

:

Tu

»

feras cette

épreuve au moyen de deux balles de cuivre

attachées aux balances par deux

fils

de fer; tu mettras l'une

des deux au feu que tu attiseras en soufflant; l'aura portée

au rouge, tu

pas soulevé par

soit

alors

que

la

chaleur. C'est

l'en retireras, afin

quand

que

le

le

feu

poids ne

vapeur chaude qui monte; tu verras

cette balle, qui avait

qu'elle était froide, est

même

poids que l'autre lors-

devenue plus légère par

l'effet

de la

»

donc

cette légèreté, effet de la chaleur, qui porte le

sang jusqu'au sommet I.

»

deux choses de poids égal sont placées sur la balance, qui sera embrasée sera plus légère que l'autre, qui est

froide.

3.

le

Si

celle

«

monter en fumée,

chaleur du feu, tu

réceptacle, en reprenant sa première nature.

corps pesants ((

la

Léonard de Vinci, Léonard de Vinci,

loc. cit. loc. cit.

de

la

tête

lorsque

l'homme

est

en


ÉTUDES SUR LÉONARD DE VlNCl

jqô

vie;

montagnes

— Je

dis qu'elle est

dans

relient

des

:

sommet des montagnes

Explication de la présence de l'eau au

((

sommet

aussi qui pousse l'eau jusqu'au

elle

c'est

les

comme

'

sang, que la chaleur naturelle

le

au sommet du corps de l'homme

veines,

;

quand l'homme est mort, le sang, refroidi, se réfugie dans les parties basses du corps; quand le soleil échauffe la tête de l'homme,

sang y

le

qu'il force les veines et

De même, le

est

il

mêlé d'humeurs, en

afflue,

engendre souvent des douleurs de

tête.

des veines qui vont se ramifiant dans tout

corps de la Terre; la chaleur de corps continu,

ce

abondance,

telle

la Terre,

répandue en tout

maintient l'eau élevée dans

veines

ces

jusqu'aux plus hautes cimes des montagnes. L'eau que contient un conduit muré, creusé dans le corps de la montagne, sera

comme une

chose morte

;

ne s'élèvera pas du

elle

tout, parce

qu'elle n'est pas échauffée par la chaleur vitale de la première

veine.

La chaleur de l'élément du feu

soleil,

ont

la

et, le

puissance de la réveiller.

jour, la chaleur

du

»

Et Léonard d'imaginer^ une expérience propre à confirmer cette explication

:

Au

fond d'une

sorte de fournaise se trouve de

un grand feu échauffe sommet de cette fournaise,

l'eau le

;

comme le

échauffe la cime

soleil

des montagnes

l'eau s'élève en

;

vapeurs au sein de

loin

du sommet,

dehors ((

2.

RF

par-dessus, l'eau quittera

Toute 1.

de

la

libro 2.

cap.

cette

RF

et,

fournaise

par un conduit percé non

et,

FiG.

la

Si

elle distille

au

:

tu

(Jig.

prends l'instrument

2) et

montant,

que tu l'échauffés

se déversera

par A.

»

Physique, bien surprenante pour notre science

Les manuscrits de Léonard de Vinci, publiés par Ch. Ravaisson-Mollion ms. A Cf.: Del moto e misura deW acqua, Bibliothèque de l'Institut, fol. 56, recto. ;

cap. XLI. Léonard de

I,

XLL

Vinci,

lac.

cit.

Cf.

:

Del

moto

e

misura

dcli

acqua.

libro

1,


THÉMON LE

FtLS

JUiF ET

DtJ

LÉONARD DE VINCt

IQt

moderne, que Léonard développe avec tant de conviction, point du tout, de sa part, une innovation

n'était

entièrement

presque

enseignements

des

tirée

ancienne Scolastique. En particulier,

comme

Albert

Grand

le

il

il

;

d'une

très

expliquait exactement

sommet

présence des sources au

la

l'avait

des montagnes. Aristote,

qui ne voulait voir dans les eaux

pluviales ni

l'unique raison, ni la raison principale, des sources, attribuait

en grande partie

la

génération de l'eau que celles-ci amènent

au jour à une corruption d'air au sein des cavités dont est creusée;

il

n'avait nullement invoqué l'action de la chaleur

jusqu'aux sommets des

pour expliquer l'ascension de

l'eau

monts

hypothèse

;

il

semble bien que

celte

maître Albert, qui s'exprime en ces termes ((

la terre

de

soit la propriété :

L'eau est lourde plutôt que légère; par nature, elle descend

donc

vers les lieux bas; soit qu'elle

haut,

ait

pour cause

tombent sur

qu'elle provienne de la mer, soit

les

le sol,

humides qui, d'en ne pourra s'élever du fond des

impressions

elle

cavités terrestres jusqu'aux orifices d'où découlent les fleuves et les sources.

Pour résoudre

cette difficulté,

il

de nous

suffit

rappeler ce qui a été dit plus haut. Nous avons dit que le soleil et les étoiles,

par

le

mouvement

continuel de leurs rayons,

engendraient sous terre de très chaudes vapeurs; souvent, ces

vapeurs demeurent enfermées entre des parois solides; sont poussées vers des cavités, la terre, ((

le soleil,

en s'approchant de

en engendre sans cesse de nouvelles quantités...

comment

Voici donc

dans

les cavités terrestres,

l'eau s'élève.

La vapeur contenue

elle se

trouve la chaleur ;

eaux qui se trouvent au-dessous. Cette

vapeur bout au sein des eaux; entre les parois solides,

»

en tourbillonnant sur elle-même,

échauffe la voûte solide de la cavité ainsi produite attire les

elles

et,

elle

continue à tourbillonner

semblable à un vent qui serait en-

î. Beati Alberli Magni, Ratisbonensis episcopi, ordinis proedicatorum. de Meteoris librilV... recogniti per R. A. P. F. Petruni lammy, sacrœ Iheologiae docto.

.

primum prodeunt. Operum tomus secundus. l.ugduni, MDGLI. — Liber II Meteorum; Tractatus II De origine fluminum; Gaput XII El est digrcssio declarans hoc quod est elevans aquas ad ostia suorum fluxuum.

rem, conventus Gratianopolilani, ejusdem ordinis, nunc

:

:


ÉTUDES SUR LÉONARD DE VINCI

192

Sa continuelle poussée

fermé, elle élève les eaux.

finit

par

ouvrir quelque orifice au flanc de la montagne; l'eau s'échappe

par cet orifice

met

et se

Les eaux jaillissantes s'échappent ainsi des

à l'extérieur...

comme dune marmite

des fontaines

orifices

à couler sur la pente qu'elle trouve

liquide en ébuUition.

»

Cette théorie d'Albert le

Léonard de Vinci; ce le

à

Grand, mais

celle

remplie d'un

Grand

est

cependant

n'est pas

de Thémon,

Léonard son explication de

bien celle que développe

le fils

du

la lecture

d'Albert

qui a suggéré

Juif,

présence de l'eau au flanc des

la

montagnes.

Thémon, en sa théorie;

effet,

emprunte

mais à l'appui de

celles

à Albert le

cette théorie,

tions tirées de l'expérience de

fournies par les

^

chaque jour

phonomènes de

qu'invoque Léonard

;

Grand et ces

;

nous ne saurions où prendre

donc que

faut

lieux, la terre est

ces cavernes recueillent les eaux

pluviales qui semblent s'être perdues;

il

précisément

:

creusée de vastes cavernes

sources;

observations,

distillation, sont

Nous voyons qu'en un grand nombre de

((

des observa-

cite

il

l'essence de

s'il

n'en

les réservoirs

était

pas ainsi,

d'où viennent les

Comme

ces cavernes existent.

ces

cavernes ne peuvent être vides, elles sont remplies d'air ou de vapeur. D'autre part, la terre qui entoure cet air et cette

vapeur

est froide; elle détruit

condense;

la

refroidie, elle

la

vapeur, en

prend

donc

la

effet, est

chaleur de la vapeur

humide;

et

lorsqu'elle est

de l'eau. Cette transforma-

les propriétés

lion de la vapeur en eau se produit

peu

à peu,

gouttes qui adhèrent aux parois de la caverne

;

engendrant des goutte à goutte

forment des masses d'eau, qui finissent par descendre aux

se

plus bas lieux, car la nature des fluides pesants est de toujours

descendre. Ces eaux s'échappent enfin par

un

orifice et,

de

la

une source est produite. Nous observons des effets semblables en des expériences

sorte, ((

artificielles;

est

t-

il

en est ainsi, par exemple, dans l'alambic, qui

l'instrument propre à

Thimonis Quœstioncs

in

faire

l'eau

ou dans

distillée,

quatuor libros Metheoriim: in librum

\

quaestio

XX.

le


ÏHÉMON LE

FILS DU JUIF ET

LEONARD DE

\

IqS

LNGI

fourneau qui sert à fabriquer l'eau de rose. La vapeur monte

au sommet du récipient; mais

du vase

froideur

la

de

et

qui l'entoure condense cette vapeur; celle-ci découle

l'air

aussitôt.

»

Les expériences que Léonard invoque à l'appui de sa théorie

Thémon;

sont empruntées aux Questions de

ment

la

entre

leur doit égale-

comparaison, qu'il a développée avec tant de faveur,

macrocosme

le

et

le

microcosme, entre

l'homme; car Thémon continue en

ces termes

terre

la

et

:

L'explication précédente est confirmée par cela qu'il en est

((

de

il

même

dans

dans

le petit

monde

grand monde; dans

le

(je

veux dire dans l'homme) que

le petit

monde,

il

y a aussi une

caverne, l'intérieur de la tête; les vapeurs s'élèvent vers cette cavité; elles s'y convertissent

par

les

yeux.

en eau

découlent parle nez et

et

»

Ces passages suffiraient à nous prouver,

nous n'en étions

si

convaincus par ailleurs, que Léonard a pris souvent sur

tions

les

Météores compilées par Thémon

comme

les Ques-

guides de

ses méditations.

Nous pouvons,

d'ailleurs,

indiquer assez exactement l'époque

où Léonard a emprunté à Thémon son explication de l'origine des sources.

Nous avons vu, en

effet, qu'il

n'acceptait point

encore cette opinion lorsqu'il jetait ses pensées sur

du cahier il

la

F,

commencé

i5 septembre i5o8; le cahier A,

écrivait le cahier

pour Léonard, définitivement acquise lorsqu'il

E qui

comme en témoignent Je partis de Milan

i5i3.

fut,

commencé en

sans doute,

ces lignes par

lesquelles

il

i5i3,

débute

»

Léonard reprend

comment

la théorie favorite d'Albert

de Saxe, montre

l'érosion fait sans cesse varier le centre de gravité de

la Terre, et

prouve par l'observation des

ments qui

témoignent de

cette

Les manuscrits de Léonard de Vinci; ms.

fossiles les soulève-

variation,

E de

la

nous trouvons

Bibliothèque de l'Institut,

verso. p.

:

pour Rome au jour 24 de septembre

Feuilletons, en effet, ce cahier E; à côté de fragments'

I.

développe, est donc postérieur à cette date. D'autre part,

cette théorie était,

((

le

les feuillets

DUHEM.

i3

fol.

^i,


ÉTUDES SUR LÉONARD DE

1()4

d'autres fragments celui-ci ((

De

par exemple

I

la

VIISCI

de Thcmon,

se reflètent les pensées

:

grandeur qa'a

la

sphère de Ueaa.

— La

sphère de

une circonférence moindre que la terre découverte de et pour mesurer cette sphère de l'eau, aie un espace

l'eau a l'eau,

connu de la mer quand elle est au calme. » Nous trouvons surtout, en ce cahier E, un fragment capital ^; Léonard y résume toutes les doctrines sur les relations de la terre et de l'eau que nous lui avons vu recueillir de l'enseignement de Thémon :

«

Ordre du premier

choses sont hauteur

livre

— Définis d'abord quelles

des eaux.

et bas-fond,

puis

comment

sont situés les

éléments l'un dans l'autre. Ensuite quelle chose est

dense

et la gravité liquide,

mais d'abord quelles choses sont en pourquoi l'eau

soi gravité et légèreté. Puis décris

pourquoi

elle

la gravité

se

termine son mouvement; puis pourquoi

ou rapide,

se fait plus lente

en outre comment

et

elle

toujours, étant limitrophe d'air plus bas qu'elle. Et l'eau s'élève

retombe en monts. Et

si

en

l'air,

pluie. l'eau

moyennant

la

Encore pourquoi

la

chaleur du

la surface

la

et

elle

descend

comment

soleil, et

l'eau sourd des

d'aucune veine plus haute que

peut verser une eau plus haute que

comment

meut

puis

cimes des

mer Océan

de cet Océan. Et

toute l'eau qui retourne à l'Océan est plus haute que

sphère de l'eau. Et

comment

l'eau des

mers équinoxiales

est

plus haute que les eaux septentrionales, et est plus haute sous le

corps du Soleil qu'en aucune autre partie du cercle équi-

noxial.

Gomment on

ardent, l'eau qui,

expérimente, sous la chaleur du tison

moyennant

ce tison, bout et l'eau qui, tout

autour du centre de cette ébullition, descend en onde circulaire.

Et

comment les eaux

les autres

septentrionales sont plus basses que

mers, d'autant plus qu'elles sont plus froides, jusqu'à

ce qu'elles se changent en glace. »

i.

Les manuscrils de Léonard de Vinci; ms.

fol. 2(j, 2.

recto.

E de

la

Bibliothèque de

l'Institut,

verso.

Les ma/iusc/'i/s de Léonard do Vinci; ms.

Edcla Bibliothèque de

l'Institut, fol. 13,


THEMON LE

DU JUIF ET LÉONARD DE VINCI

FILS

I95

VI L'ÉCOULEMENT UNIFORME DES COURS d'eAU.

Léonard de Vinci, pour rendre compte de la présence de l'eau au flanc des montagnes, a fini par adopter l'explication proposée par

renoncé à

Thémon

le Juif,

après Albert

celle qui l'avait séduit tout d'abord.

Grand;

le Il

il

a

n'a pas aban-

donné cette dernière sans avoir reconnu le vice qui faussait son raisonnement et sans avoir substitué une vérité à sa première erreur.

La masse des eaux douces que reçoivent

les

mers méditerra-

néennes suppose un écoulement constant de ces mers vers

un continuel abaissement de la depuis la mer d'Azow jusqu'au détroit de Gibraltar; la supposition que Léonard emprunte à Aristote. partant

l'Océan,

Léonard suppose également que de l'eau doit être partout la surface doit être la

même

même,

eji

la vitesse

de l'écoulement

tout point; en quoi

la vitesse

telle est

partant, que la pente de la

assurément. Lorsqu'un écoulement d'eau est

régime permanent,

surface

trompe parvenu à son il

se

avec laquelle l'eau coule est en

raison inverse de la section qui s'offre à son passage; très

rapide dans les parties étroites et peu profondes du cours d'eau, le

mouvement devient

a largeur et profondeur.

Méditerranée

deviendra

Un très

très lent là

la

nappe d'eau

courant insensible en sensible

dans

le

mer

la

de

détroit

Gibraltar.

Cette vérité n'avait

point échappé à Aristote;

second livre des Météores,

remarque que la

«

dans

il

traite

laisseraieut,

la

du mouvement des mers,

il

mer paraît couler grâce ù au lieu du large espace qu'elles

les détroits, la

configuration des côtes qui,

lui

lorsqu'au

resserrent étroitement

»

;

Aristote,

il

est

semble donner pour origine à cet écoulement « le balancement qui, fréquemment, fait osciller la mer », c'est-à-dire la

vrai,

marée;

il

insiste sur ce point

que

«

l'oscillation très petite

au


ÉTUDES SUR LÉONARD DE VINCI

196

large, paraîtra nécessairement fort la terre laisse

peu de place à

la

grande dans

mer

les

endroits où

»

Ce passage devait attirer l'attention de Léonard, d'autant que Thémon en avait cité la phrase essentielle sous cette forme: « Fluit autem mare et videtur secundum angustias. ^

La mer coule

cela s'aperçoit dans les détroits.

en outre, l'attention sur

attire, lit

et

il

d'ailleurs,

à

dans Aristote

Léonard

Thémon,

et

les

mots

u

hue

»

Thémon

et illuc » qu'il

une allusion au flux et au reflux. l'époque où il lisait les Météores de

voit

songé à l'accroissement que l'amplitude d'une

a

marine éprouve en un golfe resserré; nous en trouvons la preuve dans un curieux fragment ^ du cahier F; oscillation

le

Vinci y montre que

le flux et le reflux

«

sont doubles dans

un même pelago », entendant par ce mot un golfe qu'une étroite embouchure fait communiquer avec la pleine mer. Gela a lieu parce que l'onde du premier flux court fortement dans le pelago et que dans le temps que cette onde suit son impeto, celle qui se trouve en dehors de la bouche fait son reflux avant que l'onde qui s'est engolfée ressente l'effet du ((

;

reflux qui s'est produit à l'embouchure, le flux renaît à cette

bouche; à ce moment,

la

première onde engolfée ralentit son

impeto et s'arrête tandis que s'engolfe la deuxième onde. Ainsi

niveau du pelago s'élève

forte-

eaux alors retournent impétueusement derrière

le flot

tant d'ondes s'engolfent

ment;

les

que

le

qui rétrograde; la troisième, la quatrième onde n'engolfent plus ce

flot

qui rétrograde, tant que la première eau ne s'est

pas dégolfée.

»

Celui qui s'efforçait d'analyser ainsi

l'effet

de

la

configuration

des côtes sur les marées ne pouvait méconnaître bien long-

temps l'influence que violence du courant

;

la largeur il

d'un cours d'eau exerce sur

ne devait pas tarder à signaler

la

cette

influence et à en formuler la loi précise: Si le débit d'un cours

d'eau est

le

est partout

même

en toutes ses sections,

en raison inverse de

l'aire

de

la vitesse

du courant

la section.

Thimonis Qaxstiones

in quatuor libros Metheororum ; in librum IT quaeslio II. Les manuscrits de Léonard de Vinci, publiés par Gli. llavaissoa-Moliien ms. F de la Bibliothèque de rinstilut, fol. G, verso. 1.

2.

;


THÉMON LE Si,

par exemple,

DU JUTF ET LÉONARD DE VINCI

FILS

le lit

du cours d'eau

a,

partout,

I97

même

pro-

fondeur, la vitesse du courant sera en raison inverse de la largeur. Ce corollaire est

de Léonard

^

premier qui

le

se présente à l'esprit

:

mer a plus de courant dans le détroit d'Espagne Le fleuve de profondeur uniforme aura une fuite qu ailleurs. plus rapide dans la moindre largeur que dans la plus grande, d'autant que la plus grande largeur surpassera la moindre. Pourquoi

((

la

Cette proposition se prouve

))

l'expérience la confirme.

mille de largeur passera fleuve sera large de

le

à refaire le mille

chacun de ces

fleuve sera large de trois milles,

milles carrés mettra le tiers de sa quantité fait le

mille carré

du

et

cinq milles, chacun de ces cinq milles

un cinquième de lui-même manquant dans le pelago.

Et là où

))

raison

En effet, quand par un canal d'un un mille de longueur d'eau, là où le

carrés mettra

carré d'eau

par

clairement

détroit.

Pour rendre aisément

pour

le

défaut qu'a

»

saisissable cette proposition,

Léonard

imagine l'exemple suivant:

Imaginons une avenue formée de de largeurs difTérentes;

les autres,

le

tronçons consécutifs,

premier tronçon,

le

quatre fois moins large que

moins large que

trois

le

second,

et celui-ci est

premier; des hommes, serrés

emplissent ces avenues;

ils

se trouvent

la partie large

en

la

région

les

moyenne en doivent

uns contre

hommes

tous les

mouvements qui passent par des

faire

deux

et

ceux

lieux de différentes

»

Ce qui vient

d'être dit

touchant le courant d'un fleuve de pro-

fondeur invariable, mais de largeur variable, Léonard

le

répète ^

ms. A Les manuscrits de Léonard de Vinci, publics par Ch. Ravaisson-MoUien Cf. Bibliothèque de l'Institut, fol. 67, recto et verso. Del moto e misiira acqua, libro VIII, cap. XLI,

1.

la

deW

qui se

proportion que tu trouveras dans

étroit espace, huit; «

de

fois

de l'avenue font un pas, ceux qui

du plus

largeurs.

les

deux

doivent marcher tous

ensemble d'une manière continue; quand trouvent en

plus étroit, est

le

;

:

Les manuscrits de Léonard de Vinci, publiés par Ch. Ravaisson-Mollien ms. A Bibliothèque de l'Institut, fol. 07, verso. Cf.: Del moto e misura deW acqua, Ubro VIII, cap. XXllI, 2.

de

la

;


ÉTUDES SUR LÉONARD DE VTNCT

198

d'un cours d'eau où une profondeur variable s'associe à une largeur uniforme:

Tout mouvement d'une eau de largeur

«

et

suPface uniformes

courra plus fort dans un endroit que dans un autre d'autant que cette

eau sera moins projonde dans l'un que dans Vautre.

— Cette

bien que

le fleuve

proposition se prouve clairement; en soit

de largeur

et

effet,

de surface uniformes,

s'il

inégale,

EGA

M îT^

par

est il

de profondeur nécessaire,

est

données

les raisons

mouvement

dessus, que son

^k

ci-

soit, lui aussi, inégal.

Et ce

ï

mouvement

k

I

qualité

fois

et

3.

3), l'eau a

MN

entre en

y entre quatre fois; le mouvement sera donc quatre plus rapide en MN qu'en AB, trois fois plus qu'en CD il

deux

fois

Léonard

plus qu'en EF. a

donc

»

rectifié l'erreur

par laquelle

il

montagnes en ;

la rectifiant,,

essentiel d'Hydraulique

;

il

a clairement formulé

nous Talions voir

tirer

avait cru,

sommet

tout d'abord, expliquer l'ascension de l'eau au

un

MN

Je dis qu'en

d'autant que

AB;

de cette

un mouvement plus rapide qu'en AB,

(fig. FiG.

:

sera

des

un principe

de ce principe

corollaire important.

VII L'invention du principe fondamental de l'Hydrostatique

Au moment où Léonard vient de formuler cette vérité En un cours d'eau uniforme, de section variable, la vitesse du courant varie en raison inverse de la section; au moment où :

il

vient d'expliquer cette vérité par

ajoute' ces

1.

de

la

libro

mots

un exemple

saisissant,

il

:

Les manuscrits de Léonard de Vinci, publiés par Ch. Ravaisson-MoUien ms. A Bibliothèque de l'Institut, fol. 67, verso. Cf.: Del moto e misura delC acqua, ;

Vin, cap. XLI.


THEMON LE FILS DU ((

se

Regarde

la

meut d'un

doigt, la première eau qui a paru au dehors s'est

mouvement

que le

si le

199

seringue; quand son piston, qui chasse l'eau,

Tu trouveras

éloignée de deux brasses... le

ET LEONARD DE VTNCI

.TUFF

même

la

chose dans

des roues par rapport à leurs pignons, attendu

pôle de

la

roue est de

mouA ement du pignon

même

de

et

grosseur que de

la surface

la

le

pignon,

roue est plus

rapide que celui de son pôle d'autant que la circonférence du

pignon entre davantage dans

circonférence de

la

roue.

la

»

En

marge de ces lignes, au-dessous d'une seringue, est dessinée une grande roue dentée qui engrène avec un pignon de même grosseur que l'axe de la roue. Examinons de près la pensée que nous venons de transcrire, exactement tous

afin de reconnaître très

les

germes de

vérité

qu'elle porte en elle. Si la

circonférence de

grande que la

la

elle, se

fois

phis

circonférence de Taxe qui la porte, un point de

circonférence de la roue,

avec

roue dentée est vingt

la

meuvent vingt

un point du pignon qui engrène fois

plus vite qu'un point pris à la

surface de l'axe; dans le temps que ce dernier parcourt

pouce de chemin,

les

un

deux premiers parcourent chacun vingt

pouces.

Supposons que par un poids dont

peu

à

la

roue

le

fil,

soit

mue,

à la façon d'une horloge,

enroulé sur l'axe de

la roue, se

peu; supposons aussi que, par un dispositif

pignon remonte un poids dont

le

fil

dévide

inA^erse, le

s'enroule à sa surface;

tandis que le premier poids descendra seulement d'un pouce, le

second montera de vingt pouces. Cette multiplication de vitesse entraîne

le

une conséquence

premier poids ne pourra descendre en

second à monter que celui-ci;

si

le

s'il

est plus

de vingt

fois

le

plus lourd que

poids qui doit descendre est exactement égal

à vingt poids semblables à celui qui doit

vement ne

contraignant

:

monter, aucun mou-

se produira; la puissance et la résistance se tien-

dront en équilibre; enfin,

si

vingt fois plus grand que

second,

en sens contraire;

le

le

le

poids dont

descendra, forçant à monter

le

premier poids

le

le fil

est

mouvement

moins de

se

produira

s'enroule sur le pignon

poids que porte l'axe de

la

roue.


ETUDES SUR LEONAUD DE VINCI

200

Ces vérités élaient familières aux mécaniciens de l'Antiquité; jouaient

elles

en avait

traité

nommé

L'éléva-

l'application aux engrenages de roues dentées

fait

de pignons,

et

rôle essentiel dans les Questions mécaniques

Héron d'Alexandrie, en son

d'Aristote; teur,

un

Pappus, en

et

mathématiques,

Collections

ses

avait reproduit cette partie de l'œuvre de Héron.

Comparons maintenant, comme Léonard nous y

invite, les

propriétés des engrenages à celles de la seringue.

Que

la section

de

la

canule par laquelle l'eau s'échappe soit

pompe;

cent fois plus petite que la section du corps de

courra dans

canule cent

Imaginons

piston. petit

la

que

le

l'eau

plus vite que n'avance le

fois

qu'un second piston, cent

fois

plus

premier, s'oppose à cette course cent

fois

plus

alors

y parviendra sûrement pourvu que la force qui le pousse soit au moins égale à la centième partie de celle qui

rapide;

il

pousse

le

grand piston

centième partie de et le

et si

première force surpasse

la

seconde, c'est

le petit

cette

:

un vaisseau

Si

la

piston qui avancera

grand qui reculera. Nous pouvons donc formuler

conclusion ((

la

;

deux

d'eau, clos de toutes parts, a

plein

ouvertures, l'une centuple de l'autre; en mettant à chacune

un piston qui

un homme poussant le de cent hommes, qui pousseront

soit juste,

lui

piston égalera la force

qui est cent fois plus large,

et

petit

celui

en surmontera quatre-vingt-

dix-neuf. »

Et quelque

proportion qu'aient ces

forces qu'on mettra sur les pistons sont elles seront

d'eau est

en équilibre. D'où

homme, par

puisqu'un

»

lui

les

ouvertures,

paraît qu'un vaisseau plein

les forces à tel

ce

les

si

une machine

et

degré qu'on voudra,

moyen, pourra enlever

tel

fardeau

proposera.

Et l'on doit admirer qu'il se rencontre en cette machine

nouvelle

cet

ordre constant qui

anciennes; savoir est

comme

un nouveau principe de mécanique,

nouvelle pour multiplier

qu'on

il

ouvertures,

que

force.

le

Car

chemin il

le levier,

est

le

trouve

en

toutes les

tour, la vis sans fin, etc., qui

augmenté en

est visible que,

se

même

comme une

proportion que

de ces ouvertures

la

est


THKMON LE centuple de l'autre, fonçoit d'un pouce,

si

DU JUIF ET LEONARD DE VINCI

l'homme qui pousse

comme pour

la force est à la force; ce

même

chose de

d'eau,

que de ;

de cet

vraie cause

la

le petit

ne repousseroit l'autre que de

il

seulement;... de sorte que

partie

d'eau

FILS

chemin

le

que

effet

piston Tenla

centième

au chemin

même

prendre

l'on peut

étant

:

est

20I

clair

que

c'est

la

un pouce de chemin à cent livres cent pouces de chemin à une livre

faire faire

faire faire

et qu'ainsi

lorsqu'une livre d'eau est tellement ajustée

avec cent livres d'eau, que les cent livres ne puissent se

remuer un pouce,

qu'elles

ne fassent remuer

de cent

la livre

demeurent en équilihrc, une livre ayant autant de force pour faire faire un pouce de chemin à cent livres, que cent livres pour faire faire un pouce à une livre. » pouces,

il

faut qu'elles

Ces lignes ne sont pas de Léonard cependant, elles forment

;

elles sont

de Pascal

de

la suite toute naturelle

que énoncée par Léonard; tant

il

est vrai

la

»

Pascal, se trouve

logiquement contenu

qu'en cette remarque

tout d'abord développée? A-telle produit,

même

de Léonard de Vinci,

les effets qu'elle

sance? Léonard, en d'autres termes, a-t l'aperception

question est

de

!

Mais la vérité que cette remarque contenait en germe elle

et,

remar-

principe fondamental de l'Hydrostalique, le principe

le

;

il

dans

s'est-

l'esprit

contenait en puis-

précédé Pascal dans

du principe fondamental de l'Hydrostatique? La d'importance; elle mérite d'être examinée avec

soin.

Et d'abord le génie de Léonard était-il préparé à apercevoir

conséquences dont sa remarque

les

était

capable? Nous allons

reconnaître sans peine que son attention, pleinement éveillée, guettait

Dès

en quelque sorte ces conséquences.

les

premiers

Vinci préoccupé de la loi se répartit ((

3.

la

fois la

bouche A entre dans tout

le

vide du

Pascal, Traité de V équilibre des liqueurs, chap. IL

A

l'inverse

A

a été écrit,

F, qui a été presque entièrement écrit à rebours, le en général, dans l'ordre où il est paginé. Les manuscrits de Léonard de Vinci, publiés par Ch. Ravaisson-Mollien; ms. A Bibliothèque de l'Institut, fol. i5, verso,

caliier

de

en une masse fluide 3.

Autant de

1.

2.

du cahier A^, nous voyons le suivant laquelle une pression donnée

feuillets

du cahier


ETUDES SUR LEONARD DE VINCI

202 soufflet,

en autant de parties

soufflet ci-dessous figuré

le

Ainsi,

^i).

(fi(j.

poids se divisera dans si

nous disons que

bouche du looo

fois

dans

la totalité

que

et

poids qui

presse

lui aussi,

la

soufflet entre

de celui-ci, le

le est,

de looo livres,

du

bouche

la

le

soufflet

aura pour sa part une FiG.

seule livre de ce poids

k.

999 autres parties 999 parties du soufflet qui restent en et les

du poids agiront sur sus de la bouche.

De

les

»

la vérité à découvrir,

Léonard n'a encore qu'une vue

bien imprécise et bien incorrecte; des diverses parties du fluide eiit

un

jouer aux volumes

fait

rôle qu'une formule exacte

attribué aux surfaces.

Cette

même

erreur se retrouve dans

cependant, plus encore que dans

Léonard

a entrevu le principe

l'Hydrostatique «

il

le

fondamental de

lui

d'eau moindre par rapport à lui-même,

au-dessus de

représente

précédent,

:

Le poids qui pressera sous

plus

passage suivant', où

le

5j

(fig.

lui.

— Par

une quantité la

chassera

exemple,

si

AB

onze brasses de pierre sur

une brasse d'eau BC, toute

la

brasse inférieure

rm n Fig.

E N

g.

Fig.

est pressée

par

brasse d'eau

onze

la

fois

a,

le

poids superposé; donc,

sur

elle,

si

une

onze brasses de pierre, l'eau sautera

plus haut que celle de

la

brasse

EN

qui a

(pg. 0)

I. Les manuscrits àe Léonard de Vinci, publiés par Ch. Ravaisson-MoUien Bibliothèque de l'Institut, fol. l\b, recto.

;

ms.

A de


TIIÉMOX

F[LS

r-E

sur elle seulement une

DU JUIF ET LÉO\ARD DE VINCI

de pierre, car onze brasses

brasse

d'eau ont sur elles onze brasses de pierre.

Non seulement

ce passage nous

marque

mais encore

en cherche

la solution; cette solution,

de

tirer

il

l'égalité entre

le

il

travail

résistant, qui assure l'équilibre des

moteur

même

la

quand pôle.

:

du

dans

poids, et semblablement dans la lenteur

dans

et le travail

immédiatement

écrites

Cette proportion qu'aura la longueur

contre-levier, tu la trouveras de

il

souhaite visiblement

au-dessus de celles qui viennent d'être citées ((

des

machines simples; pour

nous en avons ces lignes,

garants,

la distribution

nous montre par quelle voie

pressions,

la

»

à quel point l'esprit

de Léonard est attentif au problème de

de

203

levier avec

la qualité

son

de leurs

du mouvement

et

du chemin parcouru par leurs extrémités, seront parvenus à la hauteur permanente de leur

qualité

ils

»

Souci du problème à résoudre, intuition de la méthode qui

en doit fournir

moment où lysée,

la solution,

jette sur le

il

rien ne

manque

à Léonard,

au

papier la note que nous avons ana-

de ce qu'il faut pour développer

les vérités

que

cette note

implique. Assistons maintenant à ce développement. C'est au cahier

I,

vraisemblablement postérieur au cahier A,

que nous découvrirons

premières traces de ce dévelop-

les

pement.

Léonard y étudie des instruments analogues à celui que Héron a décrit; ils se composent d'une série de roues dentées; ^

chaque roue engrène avec un pignon solidaire de

la

roue

sui-

vante; une telle machine permet de multiplier indéfiniment la force

qu'on

lui

applique

:

<(

Une

livre de force

résultat dix mille milliers de millions de livres

que quand liers

la

de millions de tours, celle de dessous ne donne qu'un

nique.

des merveilles de

l'art

du génie méca-

»

Ces réflexions voisinent, dans I.

en M... Et sache

première roue de dessus donne cent mille mil-

tour entier. Ce sont

la

en B a pour

le

même

cahier, avec des

Les manuscrits de Léonard de Vinci, publiés par Ch. Ravaisson-Mollien

Bibliothèque de l'Institut,

fol. 57] 9],

verso.

;

ms.

I

de


ÉTUDES SUR LÉONARD DE VIMCI

20/|

considérations sur

que reproduit « Il

le traité

dans

est

la

la

pression hydrostatique;

Del molo e misura delV acqiia

nature qu'un

même

une distance

l'eau loin de soi à

telle

laquelle l'eau s'échappe,

u

infinie

;

parce qu'infinie peut

par

l'issue »

Et à chaque degré de hauteur,

un degré en

conduit acquiert

:

conduit puisse jeter de

hauteur occupée par l'eau qui charge sur

être la

celle- ci»,

la distance à laquelle

il

le

peut

jeter. »

Qu'en ces sortes de multiplication de motrice ohéisse toujours à

pour mesure chute, c'est

sions hydrostatiques

dans

((

moment même que

c'est ainsi

;

cahier

le

loi

;

qu'elle ait toujours

hauteur de

la

vérité qui est sans cesse présente à l'esprit

Vinci, qui le sollicite au

cité est,

même

produit du poids moteur par

le

une

la

force, la puissance

I,

le

qu'il

du

songe aux pres-

passage précédemment

aussitôt suivi de celui-ci ^

:

quelqu'un descend de marche en marche en faisant de

Si

l'une à l'autre

sances des

un

saut et que tu additionnes toutes les puis-

percussions et poids de

tu trouveras

tels sauts,

sont égales à la totalité de la percussion et du poids

qu'elles

que donnerait un

tel

homme

s'il

tombait par ligne perpendi-

culaire de la tête au pied de la hauteur dudit escalier. C'est dans le traité Del moto

e

»

misura deW acqua que nous

pouvons contempler, parvenues à leur plein développement, les vérités

dont

les

fragments précédents nous présentaient

la

première ébauche.

Le problème essentiel qui tion de

Un

Léonard

est le suivant

pompe

corps de

sollicite à

maintes reprises

:

cylindrique se relie par

conduit vertical également cylindrique;

pompe

(hotluio) est pressé

(contrappeso) ;

à

quelle

l'eau

le

bas à

un

du corps de

par un piston qui porte une charge

hauteur,

dans

le

l'eau s'élèvc-t-elle au-dessus de son niveau

pompe

l'atten-

conduit

dans

le

vertical,

corps de

?

1. Les manuscrits de Léonard de Vinci, publiés par Cli. Ravaisson-MoUien ms. I de Bibliothèque de l'Inslilut, fol. i^i, recto.— Cf. Del moto e misura deW acqua, libre VllI, cap. LV. 2. Les manuscrits de Léonard de Vinci, publiés parCh. Ravaisson-Mollien ms. I de la Bibliothèque de l'Institut, fol. i^, verso. ;

la

:

;


200

THEM0;N le fils du juif et LEONAUD de VINCI

La charge du piston peut

diverse; Léonard lui

être fort

attribue visiblement

une forme cylindrique,

pas toute diversité

Les contrepoids

contenue dans

le

«

:

ce qui n'exclut

qui en pressant l'eau

^

corps de pompe, chassent cette eau en haut

sont de trois natures: de nature plus grave que l'eau, ou plus

ou

légère,

que

En

pompe, ou plus

étroits,

ou

général, Léonard suppose que l'on remplace cette charge

même

le

piston par

un

pesanteur que de

usage de cet et

de

ou plus larges

:

))

exercée sur

de

du corps

largeur

la

égaux.

égale. Ils sont aussi de trois formes

artifice

dans

«

cylindre d'eau de

contrappeso

)).li fait

même

base et

constamment

énoncés que nous allons rapporter

les

où nous trouverons, sous des formes

variées, l'affirmation

bien claire du principe de Pascal.

au cas

oii

que

le

ces énoncés ont trait

La plupart des

du piston a précisément

même

section

charge

la

corps

de

pompe. «

L'eau qui est élevée par suite d'un degré quelconque de

mouvement d'une meut dans l'eau qui

par la

la

le

autre eau^ est plus mince que celle qui la

rapport

même

plus longue. Multiplie

elle est

descend par sa hauteur de chute

et divise

hauteur à laquelle tu veux élever l'eau

quantité d'eau ultime et

Autant de

on veut monte.

fois la

maximum que

chute de l'eau entre dans

l'élever,

autant de

fois

est

la

plus

la

;

^

le

produit

le résultat est

pompe

versera.

hauteur à laquelle subtile

l'eau

»

«Le poids de

l'eau''

dessus de son niveau a

qu'un conduit quelconque élève autelle

proportion à celle de l'autre eau

[équivalente au contrappeso] qui la chasse qu'a la section

conduit à celle du corps de l'eau qui presse étant

pressée dans

1.

le

2. 3. l\.

pompe

d'où

supposée égale à

corps de pompe.

il

sort, la section

celle

de l'eau qui

du de est

»

Léonard de Vinci, Del moloe misura deW acquit, libro Vlll, cap. LKXX (Raccolta tomo X; Bolodel moto deW acque ; edizionc quarla

d'autori italiani che trattano

gna,

qui

;

MDGCGXXVI). Léonard de Vinci, Del moto e misura delV acqua, libro VHI, cap. LVIL Le texte dit multipUcala ; c'est visiblement un lapsus calami. Léonard de Vinci, Del moto e misura deW acqua, libro VIII, cap. LVIII. :


ETUDES SUK LEONARD DE

2o6 «

Si le contrepoids

dans

corps de pompe,

le

qui opère

et

conduit.

telle est la fraction

commune

section]

de ce contrepoids

du vide dudit

section

la

conduit opposé

le

»

Nous avons

du principe de

là l'énoncé

Pascal, aussi formel,

qu'on peut l'attendre de notes désordonnées,

précis

hâtivement jetées sur

Du

que leau comprimée

section

pèse sur l'eau qui s'élève dans

qu'est [à cette

aussi

même

a

'

VllNGI

dans

le papier,

la fièvre

de l'invention.

principe ainsi posé, d'ailleurs, Léonard sait tirer des corollaires exacts

;

telle la loi

selon laquelle

des liquides de densités diverses se super-

posent en des vases communiquants

l'eau

est moitié plus

l'huile

« Si

instrument

cet

2,

légère

7) aura

(fig.

côté la surface de l'eau en regard

de gravité de l'huile;

que

et

:

que d'un

du centre

les

conduits

soient variés en grosseur autant que l'on

voudra,

que

FlG.

et

que

l'huile soit

ses

énoncés plus

clairs,

corps de pompe; mais

il

sait

que

d'essentiel à l'exactitude de la loi

«

Si

qu'il

que

cette loi le

si

;

il

»

même

section que le

cette restriction sait

comment

il

la surface

Le Vinci,

n'a rien faut for-

l'on veut la débarrasser de cette restriction

contrepoids^ est dix fois plus large que

comprime,

quantité

Léonard a attribué au

contrappeso la forme d'un cylindre de

muler

telle

l'on voudra, la règle se produira tou-

jours dans l'ordre susdit.

Pour rendre

en

le boltino

l'eau qu'il élève s'élèvera dix fois plus

de l'eau équivalente au contrepoids.

d'ailleurs,

ne perd jamais de vue

:

haut

»

le lien

qu'ont

toutes ces propositions avec l'égalité qui s'établit, en l'équilibre

de toute machine, entre « Il

est

impossible

^'

le travail

que

moteur

l'eau qui

et le travail résistant

meut n'importe quel

:

inslru-

Léonard de Vinci, Del moto e misura deW acqua, libro VIII, cap. LXXXII. Léonard de Vinci, Dd moto e misura dcW acqua, libro Vill, cap. L\X\ IN. — Cf. Les manuscrits de Léonard de Vinci, publiés par Gh. Ravaisson-Mollicn, ms. E delà liibliolhcquc de l'Inslilut, loi. 70, verso. 3. Léonard de Vinci, Del moto e misura delV acqua, libro VIII, rap. LXXXIII. Léonard de Vinci, Del moto e misura deW acqua, libro \ III, cap. LIX. !.

3. :

.'j.


THÉMON LE

ment puisse la

elle est partie,

celle qui lui est

chapitre si

élever, depuis le niveau

hauteur d'où

que

long

même

tais-toi,

LXXXIV ',

elle s'arrête

On

semblable en poids. qui dit

Il

:

2O7

VIIVGI

jusqu'à

une quantité d'eau plus grande est

le

prouve par

le

impossible qu'en un temps%

un poids qui descend

soit-il,

à

DU JUIF ET LÉONARD DE

FILS

tire

un poids

égal à lui-

une hauteur égale à celle dont il est descendu. Donc, toi qui veux tirer un poids d'eau plus grand que le

En

contrepoids qui la lève.

vérité, si tu lèves mille livres

à

une brasse, leur descente ne chassera environ que deux cents livres d'eau, et ne les chassera pas à plus de cinq brasses s.»

VIII

Comment le principe fondamental de l'Hydrostatique s'est transmis de Léonard de Vinci a Pascal. Giovanni Battista Benedetti et le P.

Que Léonard de Vinci

ait

clairement aperçu

laquelle la pression exercée sur fluide, qu'il ait

Mersenne.

un

la loi

selon

fluide est transmise par ce

nettement formulé celte

loi, qu'il ait

reconnu

qui la rattache au principe général de l'égalité entre le

le lien

moteur

travail

sont autant de propo-

nous paraissent maintenant hors de doute.

sitions qui

certain

et le travail résistant, ce

que Léonard, en

la

Il

est

découverte de ces vérités, a précédé

Pascal de près d'un siècle et demi.

Ce point acquis, une nouvelle question notre attention. Pascal a

par

le

t-il

se pose aussitôt à

tout ignoré des découvertes faites

Vinci, en sorte que ses propres trouvailles gardent leur

entière originalité? A-t-il,

au contraire, parle canal d'une

tra-

ou moins détournée, reçu quelque part des idées que Léonard avait émises au début du xvi" siècle? Ce problème

dition plus

mérite assurément de nous arrêter

Que

les idées

hâtivement jetées par Léonard sur

1.

Le texte

2.

Léonard do Vinci, Del moto

3.

Le texte

dit,

dit,

un moment.

par erreur

:

per

la oUantesiinaquinta.

misura deW acqua, libro par erreur, nove braccla. e

les feuillets

\ lil,

cap. L^.XXI^^


ETUDES SUR LEONARD DE VINCI

2o8

de ses cahiers aient grandement influé sur

du

XVI' siècle, c'est,

dit ailleurs

pensée scientifique

croyons-nous, chose assurée. Nous avons

à quel point la Statique de

'

la

Cardan nous

paraissait

nourrie de la Statique de Léonard; nous verrons, dans une

prochaine étude, que

mathématicien -astrologue

célèbre

le

Léonard de Vinci bien d'autres emprunts;

avait fait à

même^, nous avons vu un des

cahiers

du Vinci

dans l'œuvre de Villalpand, puis

intact,

et, ici

passer, presque

Exercices mécani-

les

ques de Bernardino Baldi s'enrichir de toutes

les

pensées du

grand peintre 3. Cardan, Baldi

Villalpand ne sont sans doute point les

et

amas de pensées pillages. Parmi ceux qui

seuls qui aient bénéficié de ce prodigieux

bientôt livrées à tous les

inédites,

en ont

parti,

tiré

en

effet,

mécanique

La

BenedettiV

Baptista paraît,

nous avons cru pouvoir ranger Giovanni

presque entièrement

qu'expose tirée des

auteur

cet

manuscrits de

Léonard.

Or

le recueil d'écrits scientifiques

divers publié en i585 par

Benedetti^ contient une série de lettres adressées à Jean-Paul

Capra de Novare, maître de

l'hôtel

du duc de Savoie; parmi

ces

lettres, oii l'influence

de Léonard se perçoit à plusieurs reprises,

bien reconnaissable,

il

chine qui pousse de cette ((

lettre

et

en

est une*J qui a

soulève l'eau

».

pénètre

le

ait

le

corps de

Si le

premier diamètre

drait

que

I.

ma-

était

pompe où

un diamètre plus grand

que celui du tuyau par où l'eau doit monter,

lourd que

la

:

piston qui chasse l'eau

le

«

Voici les passages essentiels

ne faut point, en une fontaine, que

Il

pour objet

et voici

plus grand que

le

pourquoi

second,

il

:

fau-

poids du piston qui chasse Teau fût beaucoup plus

volume d'eau capable de remplir un cylindre dont

le

Les origines de la Statique, chapitre IIF, Jérôme drd&n (lievuc des t. IV, 1900). Vide supra il, Léonard de Vinci et Villalpand. Vide supra IIF, Léonard de Vinci et Bernardino Baldi. P. Duhem, Les origines de la Statique, cliapiircX {lievuedes Questions scientifiques,

p.

Duhem,

questions scientifiques, 3' série, 3.

3. h.

:

:

3' série, 5.

t.

VI, 190/i).

philosophi, Diversarum speculationum physicarum liber : Taurini, MDLXXXV. J.-B. Benedetti, Diversarum speculationum liber, p. 287.

Jo. Baplistaî Benedicli, patritii Veneti,

mathematicorum G.

et


THEMON LE la

hauteur serait

de pompe.

monter

et

celle

de

209

du corps

la fontaine et la section celle

»

Soient, par

«

LEONARD DE VIXCI

FILS DU JUIF ET

AU

supposons

le

exemple,

(fig.

F

conduit par lequel l'eau doit

le

8) le corps de

corps de

pompe;

pompe AU

aussi

F et plus large que lui. Imaginons ces deux vases pleins à bord. Il est évident que l'eau du tuyau F suffira à résister à la poussée de l'eau du corps élevé que le tuyau

pompe AU

de

et

réciproquement, bien

du vase A U surpasse en volume et en poids l'eau du vase F. Gela s'explique par ce fait que l'eau du vase A U ne que

l'eau

FiG. 8.

pousse pas de tout son poids l'eau du tuyau F;

du fond du

divisé proportionnellement à la surface ((

suffit à

pourra résister

poids est

vase...

n

AU et F.

De même que l'eau contenue résister à Feau contenue dans AU, de même on à cette dernière en remplaçant l'eau du conduit F

Revenons aux vases

dans F

le

par un poids égal de n'importe quelle matière, placé dans l'âme du tuyau F, pourvu seulement qu'il soit exactement adapté à la cavité interne du tuyau de sorte que ni l'eau ni

ne puissent passer entre

l'air

la surface interne

de

pompe AU,

la surface externe

du tuyau. Gela va de

soi.

de ce piston et

Mais dans

qui, par hypothèse, est plus large

que

le

le

corps

tuyau F,

aucun piston ne pourra résister à la poussée de l'eau du tuyau F s'il n'est aussi lourd que toute l'eau contenue dans AU jusqu'à

la

hauteur du tuyau F.

Si,

tuyau F pesait seulement une livre était

dix fois plus large que

tenir l'eau

du tuyau

le

F, placer

par conséquent^ l'eau du

et si le

tuyau F,

dans

le

corps de

il

pompe AU

faudrait,

corps de

pour sou-

pompe AU un

piston qui s'y adaptât exactement et dont le poids fût de dix livres;

pour

faudrait

qu'il fût

en

état

de pousser l'eau du tuyau F,

que ce piston pesât plus de dix

que ce corps

soit

que

l'eau qu'il

occupe seulement

EO

suffira

DUHEM.

Imaginons

formé d'une matière tellement plus dense

à pousser l'eau

léger n'y suffirait pas. p.

livres.

il

volume EO. Le corps pesant du tuyau F, mais un corps plus le

» l4


2

ETUDES SUR LEONARD DE VINCI

10

Dans ce passage, Benedetti formule, au exactement

la loi

Benedetti ne la entre

le

l'a

et

le travail

Léonard^ de

résistant;

en

loi,

l'égalité effet,

la

contre les principes de l'École de Jor-

conduit à rejeter toute démonstration fondée sur

axiome mais

cet

comme l'avait fait

moteur

mène

réaction qu'il

danus

qu'a énoncée Léonard de Vinci. Cette

tire pas,

travail

pompe,

sujet de la

;

la

déduction dont

il

fait

usage

était suffisam-

ment esquissée par l'habitude qu'avait Léonard de substituer au piston, en ses énoncés, une masse d'eau de même poids'. Les considérations hydrostatiques de Benedetti sont donc toutes voisines encore de celles du Vinci. Et cependant, combien elles sont proches de celles que donnera Pascal! Benedetti a sub-

un piston successivement à l'eau du vase étroit, puis à l'eau du vase large; si, réunissant ces deux substitutions, il eût placé simultanément un piston dans chacun des deux corps de pompe, il eût inventé la presse hydraulique; du moins a-t-il laissé bien peu de choses à faire à celui qui, l'ayant stitué

imaginerait cet instrument.

lu,

Celui qui, ayant lu Benedetti, a imaginé la presse hydraulique, ce n'est pas Pascal, c'est

Que Mersenne le

ait lu le

Mersenne.

Diversarum speculationam

liber ^

savons par son témoignage. Ayant, en son Harmonie

verselle'^ y

traiter fait

à user de la notion de

de l'équilibre de

la

balance,

Jean Benoist dans son

3*^

moment il

nous uni-

d'une force pour

ajoute ces mots

:

«

Gomme

chapitre sur les méchaniques.

Or l'écrit De mechanicls est une des sarwn speculalionum liber.

parties principales

»

du Dicer-

Lors donc que Mersenne écrivait sur l'Hydrostatique,

le

sou-

venir de ce qu'en avait dit Benedetti se présentait sans doute à son esprit;

il

se mêlait

au souvenir des

écrits

de Stevin, que

1. Léonard de Vinci, d'ailleurs, a, parfois, usé d'un raisonnement presque semblable à celui de Benedetti. Cf. Les manuscrits de Léonard de Vinci, publiés par Ch. Ravaisson-Mollien, nis. E, fol. 7/4, verso et Del moto c misura dell' acqiia, libro \1I1, cap. LXXVU.

:

2. Harmonie universelle, contenant la théorie et la pratique de la musique, oii est traité de la nature des sons, et des mouvemens, des consonances, des dissonances, des genres, des modes, de la composition, de la voix, des chants, et de toutes sortes d'inslrumcns harmoiniques, par F. Marin Mersenne, de l'ordre des Minimes; à Paris, chez Sebastien Granioisy, MDGXXXVl. Nouvelles observations physiques et mathématiques, ^ * observation,

p. 17.


THEMON LE

DU

FILS

J

LEONARD DE VLNGl

DIF ET

211

On

savant Minime avait, depuis longtemps, lus et résumés.

le

que des principes

s'explique, dès lors,

pu

tirer ce corollaire

((

Supposons que

vase de

^

ait

il

:

la

mer

un

entière ait été enfermée dans

qu'un couvercle, pressant sa face supérieure,

telle sorte

de monter,

l'empêche

établis par Stevin,

tout

comme

fond

le

l'empêche de

immerger un bâton dans l'Océan; le couvercle ne pourra empêcher la mer de monter^ à moins d'exercer une force qui contienne le poids du bâton autant de fois que la surface de l'Océan contient la section du bâton. » « Si donc, par un trou percé dans le couvercle, ce bâton plongeait dans le vase précédemment décrit, le couvercle se s'écouler; supposons, en outre,

que

l'on veuille

trouverait pressé, de bas en haut, par l'eau qui se trouve au-

dessous de lui avec autant de force qu'il

le serait,

de haut en

on lui superposait un cylindre de bois ayant hauteur que Je bâton et même largeur que le vase où

bas,

si

De

contenue.

est

même dans

un trou dans

les parois latérales,

ce trou,

ayant

il

faudrait

même

le

les

parois latérales

fond, ou dans

pour empêcher

le

mer

le

bâton

et

vase.

ou

l'eau de s'échapper par

même

Ces lignes étaient écrites en i644. Or

commença

du

couvercle,

une force égale au poids du cylindre

hauteur que

i646 que Pascal

la

plus, ce bâton et ce cylindre exerceraient

pression l'un que l'autre sur

Si l'on perçait

même

»

de bois

largeur que le trou. c'est

seulement en

à s'occuper de recherches person-

nelles sur l'équilibre des fluides, à l'occasion de l'expérience

célèbre de Torricelli, et c'est par le P. Mersenne que Pascal il

nous l'apprend lui-même

vation. C'est

((

>>

— avait ouï parler de

cette obser-

du P. Mersenne » qu'il refit l'expérience du vif-argent, «laquelle ayant

sur les Mémoires

à Rouen, en i646,

très bien réussi,» dit-il, «je la répétai plusieurs fois

1.

quam

F. Marini

;

et

par

Mersenni Minimi Cogitata physico-mathematica, in quibus lam naluree admirandi certissimis demonstrationibus explicantur; Parisiis,

artis effectus

sumptibus Antonii Bertier, MDCXLIV; p. 228. 2. Le texte, hâtivement rédigé, comme la plupart des écrits de Mersenne, fait, en cet endroit, une confusion entre le couvercle et le bâton; la suite du texte suffit à dissiper cette confusion; nous avons, dans la traduction, rétabli le sens. 3. Lettre de Pascal à M. de Ribeyre {Œuvres complètes de Biaise Pascal, tome III, p. 72, Paris, Hachette, 1880).


ETUDES SUR LEONARD DE VINCI

2 12

fréquente répétition, m'étant assuré de sa vérité, j'en

cette

conséquences pour

des

tirai

la

preuve desquelles je

nouvelles expériences très différentes de celles-là.

dans

le

composé par

dernier ouvrage

le P.

»

de

fis

C'est enfin

Mersenne que ces

premières expériences de Biaise Pascal furent, tout d'abord, publiées ^

Il

est

donc hors de doute que Pascal

qu'en ses Cogitata physico-mathematica,

connu ce Mersenne avait

le P.

ait

écrit sur l'équilibre des liqueurs.

Par l'intermédiaire de Mersenne, Pascal

s'était

courant des découvertes de Stevin; mais

il

trouvé mis au

avait,

en outre,

subi l'influence de Benedetti, et l'influence de Benedetti n'était autre, en dernière analyse,

que

de Léonard de Vinci.

celle

IX Comment le principe fondamental de l'Hydrostatique s'est transmis

Le

p.

de Léonard a Pascal

Benedetto Castelli et Galilée.

Par Giovanni- Battista Benedetti

connu une

partie des idées

partie.

il

Le principe fondamental de

clairement aperçu par

le

et

Mersenne, Pascal avait

que Léonard avait conçues touchant

pression hydrostatique, mais

la

(suite).

n'en avait connu qu'une la presse

hydraulique,

grand peintre, avait

été recueilli

si

par

Benedetti. Mais Léonard ne s'était pas borné à formuler ce

principe

;

il

l'avait rattaché à

un axiome d'une bien

généralité^ dont découle la Statique tout entière

un

corollaire de l'égalité entre le travail

il

;

moteur

plus grande

en avait

fait

et le travail

machine en équilibre ou réduction de l'Hydroslaliquc à une

résistant, égalité qui caractérise toute

en régime permanent; loi

cette

qui n'avait été appliquée jusque-là qu'à l'équilibre des

poids solides suffirait à placer Léonard au premier rang des

mécaniciens.

I.

Novarum

observationuni physico - mathematicanun F. Marini

lotnus III, qulbus accessU Arislarclius

Antonii Bcrlicr,

MDGXLMI;

p. 91.

Samius de Mundi systemalc ;

Merscnui Miainii

Parisiis, sumiilibus


THÉMON LE

DU JUIF ET LÉONARD DE VINCI

FILS

2l3

de cette puissante idée, toute trace a disparu dans

Or,

de Benedetti

lettre

étonner; fonder travail

créée,

moteur au

xiii^

Benedetti était

la

nous ne saurions,

;

la

nous en

d'ailleurs,

science de l'équilibre sur l'égalité entre le

méthode siècle, par l'école de Jordanus de Nemore, et parmi les géomètres du xvi*' siècle qui luttaient et le travail résistant est le

propre de

la

contre la tradition de Jordanus'. Et cependant,

grande pensée que Benedetti n'a point

cette

transmise, Pascal la connaît et la formule avec une parfaite clarté.

A

la description

entendu joindre

de

presse hydraulique, nous l'avons

la

cette observation

:

«

Et l'on doit admirer qu'il

se

rencontre en cette machine nouvelle cet ordre constant qui

se

trouve en toutes les anciennes

vis sans fin, etc., qui est

proportion que

la

que

force.

»

le

;

savoir le levier, le tour, la

chemin

Le lien

augmenté en que Léonard avait est

même établi

entre l'Hydrostatique et la Statique des corps pesants, Pascal l'a-t-il

donc retrouvé par

ses

propres méditations?

découverte n'excédait assurément point génie.

Il

ne paraît pas, cependant, qu'elle

une génération toute spontanée, reçu aucun germe.

Au moment même

oii

soit

telle

de son

puissance

la

esprit par

Une

née en son

et sans qu'il

du

Pascal, sous l'influence

en

ait

P. Mer-

commençait à rechercher les raisons de l'équilibre des liqueurs, le Minime exposait avec grand éloge quelques-unes des idées émises par Galilée a dans un subtil petit livre, écrit senne,

^

en

italien,

au sujet des corps plongés dans

l'eau,

voudrais voir lu par tous ceux qui aiment l'étude

livre

que

))

L'ouvrage de Galilée, dont Mersennc propageait ainsi

renommée rence,

imprimé en 1612, à FloSerenissimo Don Cosimo II,

titre

:

Discorso al

di Toscana, intorno aile cose che slanno in su V acqua,

o che ni quella délia

la

et les doctrines, avait été

sous ce

Gran Daca

je

si

muovono,

di Galileo Galilei, Jllosofo e matematico

medesima Altessa Serenissima, Pascal, sans doute, avait

1. Cf. p. Duhem, Les origines de la Statique. Chapitre X: La réaction contre Jordanus; Guido Ubaldo, Benedetti; tome I, p. 209. 2. F. Mersenni Minimi Cogitata physico-mathemaiica, in quibus tam naturœ quam artis effectus admirandi certissimis demonstrationibiis explicantur ; Parisiis sumptibus Antonii Bertier, via Jacobeâ, MDCXLIV. Ph.Tnnomona hydraulica, p. 195.


ÉTUDES SUR LÉONARD DE VINCI

2l4 suivi le conseil

studieux;

il

que son religieux ami donnait à tous

les propriétés

pu voir

pu

Galilée

ramener

des corps flottants, connues depuis Archimède,

du principe des

à n'être que des corollaires avait

gens

avait lu le Discorso de Galilée

Or, dans ce discours^ Pascal avait

il

les

lire les

vitesses virtuelles;

raisonnements par lesquels

le

grand physi-

cien de Pise appliquait ce principe à l'équilibre d'un liquide

en deux vases communiquants de différentes grosseurs; une

masse d'eau, contenue dans

petite

le

vase étroit, peut faire

une grande masse, contenue dans

équilibre à

le

vase large,

parce qu'un petit abaissement de celle-ci entraîne

soulèvement de dont Pascal

celle-là.

allait

Ce raisonnement

l'œuvre du géomètre français,

exactement celui

en sorte qu'il marque,

usage,

faire

est

un grand

le

en

sceau qui caractérise les

pensées de Galilée; mais, non moins exactement, ce raisonne-

ment

est celui

que Léonard a maintes

nettement donc que

fois

employé; aussi

l'influence de Galilée se

reconnaît en

l'œuvre de Pascal, l'influence du Vinci transparaît en celle de Galilée.

Qu'est-ce à dire? Galilée traité

que

a-t-il

eu en main une copie du

Del moto e misura deïï acqua? Pourquoi non,

cette affirmation aurait d'invraisemblable?

et qu'est-ce

N'avons-nous

pas vu 2 Bernardino Baldi, en ses Exercices sur les Questions

mécaniques d'Aristote, faire à les

la

science du Vinci les emprunts

plus larges et les plus variés,

comme

reconnaissables? Et Bernardino Baldi

les

n'était-il

plus nettement

pas

un

familier

de Guidobaldo del Monte, que fut lui-même l'un des premiers maîtres et des premiers protecteurs de Galilée? N'est-il point, dès lors, fort naturel de penser que Galilée

ait eu,

directement

ou indirectement, connaissance de certains fragments composés par Léonard et, en particulier, de quelques-unes des notes qui ont servi à former

Que

le

Del moto e misura deïï acqua"^

ces notes aient été

connues parmi

les

géomètres

et les

ï. Sur la genèse du principe de Pascal, le lecteur trouvera des détails plus complets dans P. Duhem, Le principe de Pascal, essai historique (lievue générale des Sciences, iG* année, p. ^99, i5 juillet 1905). j. Voir notre précédente étude sur Léonard de \'inci et Bernardino Paldi (Bulletin :

Italien,

t.

V, p. 809; 1905).


TIIliMON LE FILS

DU JUIF ET LEONARD DE VINCI

commerce avec

2l5

on n'en peut guère douter, croyons- nous, lorsqu'on analyse l'œuvre du physiciens qui avaient

Galilée,

P. Benedelto Castelli.

Né à Brescia en 1577, "^ort à Rome eu i6/i4, après y avoir formé ces deux élèves de génie qui se nomment Cavalierl et Torricelli, le

Bénédictin Benedetto Castelli fut

le disciple et

ami de Galilée; le grand géomètre entretint avec le Castelli une longue correspondance, témoignage irrécusable

le fidèle

P.

de

la

confiance qu'il avait en

lui

vieux géomètre, aveugle, malade

envoya en

lui

le fruit

c'est

et reclus

au P, Castelli que en sa

les faire

œuvres lorsqu'on

La communion

le

villa d'Arcetri,

Dynamique, insérer dans l'édition com-

de ses dernières réflexions sur

recommandant de

plète de ses

;

la

la publierait.

intellectuelle de Galilée et

du

P. Castelli fut

particulièrement intime en l'étude des problèmes que pose la

Mécanique des

fluides; cette

communion

changea presque

se

en collaboration. Les raisonnements exposés par

Galilée

en son Discorso

Colombe

avaient été critiqués par Lodovico délie

et

par Vin-

cenzio di Grazia^. Le grand géomètre laissa au P. Castelli le soin de confondre ses

deux contradicteurs;

le

savant religieux

une réfutation minutieuse-^ des objections soulevées par Lodovico délie Colombe et par Vicenzio di Grazia composa, en

effet,

;

en cette réfutation,

il

épousa

si

exactement

les

opinions de

que plusieurs historiens croient devoir attribuer cette riposte au maître lui-même, et non pas à l'élève; l'élève se serait

Galilée

borné à prêter son nom. Si le P. Castelli a

eu connaissance des recherches de Léonard

de Vinci sur l'Hydrostatique,

il

est bien

vraisemblable que

Galilée ne les a point ignorées. 1.

Discorso

apologetico

siccomed' intorno 2.

ail'

di

Lodovico

clelle

Colombe,

d' inlorno

al

Discorso del

cose che stanno in su Vacqua, o cfie in quella si miiovono aggiante faite dal medesimo Galileo nella seconda impressione.

Sig. Galileo Galilei circa

le

Considerazioni di M. Vicenzio di Grazia, sopra

il

intorno aile cose che stanno in su Vacqua, o che in quella

;

Discorso del Sig. Galileo Galilei

si

rnuovono.

Risposta aile opposizioni del Sig. Lodovico délie Colombe e del Sig.]'incenzio di Grazia, contra al Trattato del Signor Galileo Galilei dcUe cose che stanno sull' aequa, o che in 3.

Enea Piccolomini Aragona, Signore Sticciano, conteugono molle considerazioni filosofiche remote dalle vnlgate

quella si rnuovono. Airillustrissimo Sig. ecc, Nella

quale

si

opinioni. Firenze, i6i5,


ÉTUDES SUR LÉONARD DE VINCI

2lG

Or, en

1628, le P.

la

première

mesure des eaux courantes

édition de son célèbre Traité sur la

Cet ouvrage, qui, plus que tout autre, auteur,

Rome

Gastelli publiait à

la

fit

»

réputation de son

tout entier consacré à l'exposé d'une vérité et

est

à son application à l'étude des cours d'eau

cette vérité,

;

nous reconnaissons une des idées essentielles de Léonard de Vinci, peut se formuler en ces termes :

Toutes en

même

même

sections d'un

les

temps, à

la

même

cours

d'eau livrent passage,

quantité d'eau; la vitesse de l'eau qui

traverse une section est donc en raison inverse de l'aire de cette section.

Voici par quelle voie^ Benedetto Gastelli conduit l'esprit de

son lecteur à l'acceptation de cette vérité

:

Pour expliquer tout cecy plus clairement par un exemple, faut supposer un vaisseau plein d'eau, tel que seroit un

« il

tonneau, lequel demeure tousiours plein, bien que l'eau en sorte continuellement,

supposons que Peau en sorte par

et

deux robinets d'égale grosseur, dont Pun

soit

tonneau, et l'autre au bas

que dans

temps, dans lequel

il

il

;

sortira

est certain

mis au haut du le

mesme

du robinet plus haut une certaine

mesure d'eau, du plus bas il en sortira quatre, cinq, et davantage des mesmes mesures d'eau, selon que la différence de hauteur des robinets sera plus grande, et selon Péloignement

du robinet supérieur de dans il

le

tonneau;

la surface et

du niveau de Peau qui

et cela sera tousiours ainsi,

bien que,

est

comme

a esté dit, les robinets soient égaux, et que Peau en sortant

remplisse tousiours leur canal. D'où

mièrement que bien que 1. Benedetto Camerale, 1G28.

la

il

faut

mesure des robinets

Gastelli, Délia misura delV acque correnti... In

2*

édition: In

remarquer pre-

Roma, per Francesco

Roma,

soit csgale,

nella stamparia

Cavalli, 1689.

— 3* édition

:

In qiiesla terza edizione accrcsciiita del seconda libro, e di moite curiose scritture, non piu stampate. AU' 111° et Rev" Signor Abbale Urbano Sacchetti. In Bologna, per gli hh.

MDGLX. Traicté de la mesure des eaux courantes de Benoist Gastelli, relitraduit de l'Italien gieux du Monteassin et mathématicien du Pape Urbain VIII en François; avec un Discours de la jonction des Mers, adressé à Messeigncurs les Comensemble un Traicté du mouvement des eaux d'Evanmissaires députez par sa Majesté gcliste Torricelli, mathématicien du Grand Duc de Toscane; traduit du Latin en François. A Gastres, par Bernard Barconda, Imprimeur du Roy, de ia Ghambre Nos citations sont exlrailes de cotte de l'Edict de ladite Ville et Diocèse. iGVi. del Dozza,

;

;

édition française, a.

Gastelli, Traicté de la mesure des

eaux courantes,

p. j.


THEMON LE

DU JUIF ET LEONARD DE YINGl

FILS

néantmoins dans un temps égal

il

2

1

7

sort et passe par leurs trous

une quantité inesgale d'eau. Et si nous considérons cecy plus attentivement, nous trouvons que l'eau qui sort par le robinet

beaucoup plus de

que ne

fait celle

robinet supérieur, quelle qu'en soit

la cause.

inférieur passe avec

qui sort par

le

vitesse

du robinet supérieur mesme quantité d'eau que l'inférieur en un temps égal, doncques nous voulons

Si la

sorte

qu'il

qui ne voit qu'il faudra multiplier les robinets de

partie

la

mettre au haut du tonneau un plus grand

supérieure,

et

nombre de

robinets,

d'embas sera plus

d'autant plus grand que

et

viste

que

celui

le

robinet

ou bien

d'en haut,

faire

robinet supérieur d'autant plus grand que l'inférieur, que

le

l'inférieur est plus viste

égal

il

que

le

supérieur. Et ainsi en

un temps

une esgale quantité d'eau du robinet supérieur

sortira

de l'inférieur. Et partant, supposé ce raisonnement, nous

et

pourrons dire que toutes

les fois

que deux robinets de différente

une esgale quantité d'eau en temps esgaux, il faudra que le robinet moins viste soit plus gros, et ait le trou plus grand que le robinet plus viste, d'autant que le robinet vitesse ietteront

plus viste surpasse en vistesse ((

le

moins

viste... »

Maintenant pour appliquer à nostre dessein tout ce que

nous avons

dit

jusques icy,

ie

considère qu'estant très certain

qu'en diverses parties d'une

mesme

courante,

en

il

passe

tousiours

rivière,

ou canal d'eau

temps esgaux, une esgale

quantité d'eau,... et estant encore vray qu'en diverses parties

de la

mesme

y peut avoir diverses vistesses, il s'en suivra par nécessaire conséquence, que là oij la rivière aura

moins de elle

rivière,

vistesse, elle

aura plus de mesure,

et

aux endroits où

aura plus de vistesse, elle aura moins de mesure,

le dire

mesme

en peu de mots, rivière

les vistesses

auront éternellement

avec leurs mesures.

et

pour

des diverses parties de la la

proportion réciproque

»

La proposition que est

il

le P.

Benedetto Gastelli vient de formuler

bien celle que nous avons vu Léonard inventer afin de se

réfuter à

lui-même

la théorie des

les

objections qu'il avait dressées contre

sources imaginée par Albert

nue par Thémon

;

mais

le

Grand

et soute-

celte proposition, Gastelli la doit-il à


études sur LÉONARD DE VINCI

2t8

Léonard? Au premier abord, empruntée, Il

qu'il l'ait

en

est conduit,

il

semble

découverte seul

effet,

et

qu'il

ne

pas

la lui ait

par ses propres

efforts.

à énoncer cette proposition en obser-

vant que, toutes choses égales d'ailleurs, une ouverture percée

dans

paroi d'un tonneau laisse échapper

la

le

liquide avec

d'autant plus de vitesse qu'elle se trouve plus bas au-dessous de

du fluide. Or, ce n'est point par de telles considérations que Léonard a été amené à son important théorème, bien qu'il

la surface

se

préoccupé sans cesse de

soit

d'écoulement d'un fluide à surface

libre,

et

que

ses

la

la

qui relie la vitesse

loi

distance entre l'orifice et la

essais

pour formuler

cette

loi,

fréquents en la plupart de ses cahiers de notes, abondent au cahier A.

Mais

la voie

même

que

suit le P. Castelli

pour montrer au

lecteur que la vitesse d'un cours d'eau varie en raison inverse

de

l'aire

de

marque, à tout prendre^ l'influence

section,

la

exercée par les pensées de Léonard sur les recherches du savant Bénédictin.

Ouvrons, en

ce traité Del molo e misura delV acqiia,

effet,

publié par Gardinali en 1828, et où se trouvent réunies la

plupart

des

mique dont

propositions les

manuscrits de Léonard nous conservent

brouillons. Le livre huitième est intitulé e délie canne.

Ce

livre débute

où Léonard a étudié loppe la enfin

par

il

loi

qui

lie

:

DeW

e

fragments

diverses circonstances qui règlent

les

la vitesse

orifice;

puis

il

la

déve-

d'un cours d'eau à sa section

;

expose l'application du principe des vitesses virtuelles

à l'Hydrostatique. Si le P. Castelli a eu en

molo

les

oncia dclV acqiia

la collection des

d'écoulement d'un liquide par un

vitesse

d'Hydrodyna-

d'Hydrostatique et

mains ce

traité

Del

misura delV acqua ou quelque recueil analogue, n'est- il

pas bien naturel qu'il

ait suivi,

en exposant l'idée de Léonard,

méthode qu'il a, en effet, adoptée? Et le choix de méthode qui, considérée en elle-même, peut paraître

la

artificielle,

cette

assez

ne trouve-t-il pas, dans ce rapprochement, sa plus

satisfaisante explication

Voici encore

?

un rapprochement qui semble marquer, en

l'œuvre de Castelli, l'empreinte des pensées de Léonard,


THÉMON LE

Dans

le Traité

ce passage

ï

de

un

cède

219

mesure des eaux courantes^ nous lisons

la

:

De

Corollaire cinquiesme.

((

de

cette opération

nature pro-

la

autre effet digne de considération, qui est que

d'eau estant retardé,

du

DU JUIF ET LÉONARD DE VINCI

FILS

torrent,

son eau

s'il

comme

a esté dit en ces dernières parties

en

telle

sorte

rendent trouble,

petites parties terrestres qui la

qui rehausseront

fond de son

le

ne puisse pas

qu'elle

alors le torrent deviendra clair, en laissant parties

cours

arrive que le torrent devienne trouble et que

soit retardée,

emporter ces

il

le

tomber

ces petites

à l'endroit des

lict

dernières parties de son cours dans la rivière, et ce rehausse-

ment

résidence des parties terrestres sera après emporté,

et

lorsque la rivière s'abaissant vitesse.

»

Ce corollaire ne

;

le désir

du

tient

que par un

lien assez lâche

au

reste de

y paraît en quelque sorte accisa présence, en ce Traité, ne s'explique-t-elle pas par

l'ouvrage dentel

torrent reprendra sa première

le

P. Gastelli;

il

de conserver une pensée de Léonard, que nous voyons,

en ses notes, préoccupé sans cesse des phénomènes d'érosion et

d'alluvion? N'est-on pas tenté, en particulier, de rapprocher

ce cinquiesme corollaire

du fragment suivant ^

:

«

De

Valterrisse-

ment des marais. Les atterrissements des marais seront

quand on aura conduit dans

ces marais les fleuves troubles.

Ceci se prouve, parce que, où le fleuve court, terrain, et Il

il

se retarde,

il

faits

il

délaye

le

laisse sa perturbation... »

nous paraît donc probable que

le P.

Benedetto Gastelli a

eu connaissance des recherches hydrauliques de Léonard de

un rapprochement partique Bernardino Baldi avait connu ces

Vinci; nous avions déjà prouvé, par

culièrement saisissant,

mêmes

recherches,

que Galilée

les eût

il

serait,

dès lors, de toute invraisemblance

ignorées.

Lors donc que Pascal trouvait dans

méthode selon laquelle être

1.

2.

le

le

Discorso de Galilée la

principe des vitesses virtuelles doit

appliqué aux problèmes d'Hydrostatique,

il

subissait,

en

Benoist Gastelli, Traicté de la mesure des eaux courantes, p. 10. Les manuscrits de Léonard de Vinci ms. E de la Bibliothèque de l'Institut,

fol. 5, recto.

;


2

ETUDES SUR LEONARD DE VINCI

20

dernière analyse, l'influence des recherches du Vinci. C'est

encore cette influence qui, par de longs détours, venait jusqu'à lui lorsque Benedetti et

Mersenne

lui

suggéraient l'idée de

la

presse hydraulique.

Léonard avait aperçu tique;

avait

il

la

loi

fondamentale de l'Hydrosta-

reconnu comment

elle

devait être reliée aux

principes de la Statique générale. Mais la vérité dont

eu

la

vue

si

fragmentée

pleine et

et

si

entière ne s'était plus

avait

montrée que

morcelée à ceux qui s'étaient inspirés de ses

notes; chacun d'eux en avait aperçu partie seulement.

une

partie,

mais une

La tradition qui avait pris source en

découvertes n'avait point coulé, large

unique;

il

elle s'était divisée

et rapide,

en ruisselets multiples

ses

en un fleuve et

appauvris.

Voici qu'en Pascal, tous ces ruisselets confluent de nouveau

pour former une doctrine qui suivra désormais un cours régulier.


VI

LÉONARD DE VINCI CARDAN ET BERNARD PALISSY



LÉONARD DE VINCI CARDAN ET BERNARD PALISSY

Cardan Maintes la

fois,

a-t-il

pu plagier Léonard de Vinci?

au cours de nos recherches sur

de

l'histoire

Mécanique', nous avons eu occasion de remarquer que

les

opinions professées par Cardan, tant en Statique qu'en Dyna-

mique, ressemblaient étrangement aux idées émises sur

mêmes

sujets par

Léonard de Vinci. Cette ressemblance

manifestée à nous en des circonstances diverses

que nous n'avons pas cru

une rencontre

nombreuses

si

les s'est

et

si

qu'elle fût explicable par

fortuite entre les pensées issues

spontanément

de ces deux génies; nous avons supposé que Cardan avait eu

connaissance des notes manuscrites laissées par Léonard et qu'il n'avait

point hésité à profiter des découvertes semées à

profusion dans ces immortels brouillons.

Parmi ceux qui ont bien voulu ne trouvent point cette

lire

supposition

nos

écrits,

il

en

est

qui

suffisamment assurée.

Sans méconnaître l'analogie qui existe entre la Mécanique de

Cardan

et celle

de Léonard,

ils

pensent que cette analogie peut

résulter de l'accord spontané qui s'établit parfois entre esprits lorsque ces

deux

esprits, à l'insu l'un

quent leurs méditations au haut

I.

le

P.

p. lo/i).

de la

même

de l'autre, appli-

problème.

Ils

prisent trop

génie scientifique de Cardan pour admettre qu'il

Duhem,

Les origines de

la

Statique, ch, III

(t. I,

— De l'accélération produite par une force constante

Dynamique^

Genève du

4

au

8

p. 34) et ch. ;

deux

notes

XV,

S

pour servir à

ait

B

(t.

pu

Il,

l'histoire

(Congres international de Philosophie 2' session, tenue à § V. septembre 190/4. Rapports et comptes rendus, p. 859.) ;


ÉTUDES SLR LÉONARD DE VINCI

224

grossir son

œuvre d'emprunts inavoués, trop semblables

larcins. Ils

remarquent enfin que

ses,

de Léonard, conci-

les notes

obscures, écrites de droite à gauche, difficiles à déchiffrer

non moins

parfois,

et,

à des

difficiles

guère propres à tenter

à interpréter, ne paraissaient

concordantes leur font croire que et la

Dynamique

Ces raisons diverses

plagiaire.

le

aperçus sur la Statique

les

présentés en divers livres

sont bien œuvres propres de Cardan, lors

en les découvrant, n'a

fait

et

du De

même

que retrouver ce que

Subtilitate

que

celui-ci,

Vinci avait

le

déjà inventé.

Les objections que l'on peut élever à rencontre de notre

hypothèse ne sont point, croyons-nous, assez fortes pour nous contraindre à l'abandonner.

Sans doute, la fièvre

les notes

que Léonard

si

les déchiffrer

un

même moment,

trait

sollicitaient

tumultueusement active du grand peintre; aussi pêle-mêle, elles

offrent-ils

étaient

et

couramment sans

d'un miroir; ces notes, d'ailleurs, avaient

divers qui, en

011,

dans

de l'invention, étaient écrites de droite à gauche,

peu de personnes pouvaient l'aide

jetait sur le papier,

aux la

les

sujets

pensée cahiers

enregistrées aussitôt qu'écloses

presque toujours à nos yeux l'aspect d'un inexpri-

mable désordre. Mais, pour les renseigner sur les inventions du Vinci, les

hommes du

xvi* siècle avaient, en bien des cas, des documents

d'un plus facile usage.

Il

existait

pensées du grand peintre ayant

des cahiers où toutes les

trait à

un même

vaient réunies, lisiblement transcrites

ordre provisoire. Que Léonard recueils, qu'il

nommait

ait

et

objet se trou-

classées

dans un

lui-même composé de

des Traités, on n'en

tels

saurait douter;

une proposition du Traité des poids, du Traité de l'eau, du Traité du mouvement local; cette proposition est désignée par le numéro qui marque à chaque instant, ses notes nous renvoient à

sa place en ce traité; les discordances

mêmes

et les variations

que, parfois, l'on peut noter en ces numérotages nous montrent

que Léonard retouchait souvent ces ébauches de

traités, qu'il

modifiait l'ordre des propositions déjà rassemblées ou qu'il intercalait de nouvelles propositions.

1


LÉONARD DE

VINCI,

CARDAN ET BERNARD PALISSY

22i3

Nous ne possédons point les manuscrits autographes de ces traités; mais, pour mieux répandre les innombrables troude celui qui

vailles

Melzi

fît

lui

avait légué ses écrits,

tirer des copies des recueils

vaient réunies

de

François

ses pensées se trou-

main en main, trop quelquefois recopiées par un lecteur plus

ces copies passèrent de

* ;

souvent égarées,

soigneux; à des répliques de ce genre nous devons

la

conser-

vatioQ du Trattato délia pittara et du Tratlalo del moto e misura

deW acqaa. Ces recueils de pensées de Léonard ne furent pas seulement lus et recopiés; Gellini,

furent

ils

impudemment

Benvenuto

dans son Traité de Perspective, ne nous apprend-il pas

rendu acquéreur de

qu'il s'était

l'écrit

sujet, qu'il l'avait prêté à Sarlio, et

que

le

même

en avait

tiré ce

du Vinci sur celui-ci

y a de mieux dans son ouvrage? L'étude des œuvres de

qu'il

Villalpand ces

plagiés.

de Bernardino Baldi

et

^

ne nous

a-t-elle

pas montré

deux auteurs reproduisant un grand nombre de théorèmes bien nette encore, la marque de leur génial

qui portaient,

inventeur? Celui qu'étonnerait l'emploi de semblables procédés connaîtrait

mal

l'esprit

et Villalpand.

Le

du temps où vécut xvi^ siècle, la

nous apparaissent, au cours de l'époque où

le

Sarlio,

où vécurent Baldi

première moitié du

xvii^ siècle

comme

l'histoire des sciences,

plagiat fut pratiqué avec la plus cynique

dence. C'est alors que l'on vit Statique avec les écrits

un

impu-

Tartagiia composer toute sa

démarqués de

l'École de Jordanus,

un

Giuutino copier de longues pages d'Albert de Saxe sans pro-

noncer une seule

comme

de

lui,

nom de l'auteur, un un même livre, et la lettre

fois le

dans

Taisner donner sur l'aimant de

Pierre de Maricourt, et les recherches sur la chute des corps

de Benedetti. Sans atteindre à ce degré d'impudence, mètres

et

les

physiciens

peu soucieux de

1.

la

les

les géo-

plus illustres se montraient fort

propriété d'une idée scientifique, du moins

Charles Ravaisson-MoUien, Les manuscrits de Léonard de Vinci,

t.

I,

p.

i;

Paris, 1881. 2.

Vide supra

:II,

Léonard de Vinci

et

Villaloand;

III,

Léonard de Vinci

et

Bernardino

Baldi. p.

DUHiai.

*

i5


2

ÉTUDES SUR LÉONARD DE VlNCl

20

lorsqu'elle n'était point leur;

noms de ceux dont

ils

taisaient sans

ils

s'inspiraient,

pour ne

scrupule

citer

les

que leurs

adversaires.

Ce mépris du droit de priorité s'affirmait même au sujet d'inventions que publiaient des manuscrits fort répandus, des livres

plusieurs fois imprimés;

il

s'exerçait

que

serait bien étrange

même

à l'égard

les

notes de Léo-

nard de Vinci n'eussent point eu à en souffrir;

elles offraient,

d'auteurs vivants;

en

il

au plagiaire une proie particulièrement assurée

effet,

réclamation à craindre,

nulle

l'auteur,

et

la

diffusion très

restreinte de ses manuscrits garantissait contre tout celui qui se prétendait l'inventeur de

de

;

démenti

quelque découverte

qu'il

y avait lue.

mieux que ses contemporains à la tentation que lui offVaient les traités composés par Léonard; pour renoncer à enrichir ses œuvres et à accroître sa renommée des pensées que ces traités renfermaient, il eût fallu que Jérôme Pour

Cardan

résister

fût

guidé par

les règles

du Vinci. Or, en Jérôme Cardan, l'histoire ne nous révèle aucune trace de cette rigide probité; ses contemporains l'ont accusé

au temps où

de vices

il

vivait,

ou bien

d'une probité rigide, bien rare

qu'il ignorât les écrits

soupçonné de crimes;

et

et le

plus récent

comme

le

plus indulgent de ses biographes, M. Maurice Cantori, termine

par ces mots

Cardan

:

« Ei/i

de caractère Sa vanité,

!

la

vivante étude qu'il a consacrée à Jérôme

Génie doch

kei/i

Charakter

Un

génie, mais pas

»

comme

la

médiocrité de son sens moral, condam-

naient presque fatalement Cardan à plagier les découvertes de

Léonard de Vinci, pourvu sciilcment qu'il les connût; or, il les a connues nous en avons pour garant son propre témoi;

gnage.

Par deux

1.

Moritz

fois,

Canlor,

dem XVI Jahrhunderte

en ses livres Sur

la

Subtilité^,

Cardan

cite

Cardanus, eiii vnssenschaftliches Lebensbild amt Congresso interna: ionale di Scicnzc sloriche, Roma.

Uieronymas (Atti

del

Aprile 1908, vol. XII, p. 3i). Ilieronymi (lardani, modici Mcdiolanensis, D<' Sublililatc libri \Xl. Ad illuslriss. l'iincipein l'errandiun Gonzagam, Mediolanciisis proviiichr Prafectiiin. Ijiirdimi. IjCS ;/(vv.s- de IlicTomo Gardaapud Guglielmum Houillium siib sciilo Vcnclo. \'y7)\. 1-9

2.


LEONARD DE

CARDAN ET BERNARD PALISSY

VINCI,

Léonard de Vinci. Ces deux citations l'une de Tautre, au

En le

peintre doit posséder:

rapprochées

se trouvent,

livre.

première', Cardan indique

la

bon dissecteur le

XVIP

2:27

les qualités

Le peintre

a

multiples que

est filosofe, architecte, et

l'excellente imitation de tout le corps

;

manifeste, jà

humain

commencée de longtems par Léonard Yin-

cius Florentin, presque parachevée.

Cardan, nous

»

le

voyons

par ce passage, connaissait cette admirable série de figures

anatomiques dessinées par en

le

et

conservées aujourd'hui

bibliothèque de Windsor.

la

connaissait

11

également

Léonard ou, tout au moins, en

Vinci

effet

:

«

les

ses essais d'aviation;

Léonard Vincius, duquel

de voler, mais en vain;

il

bien

paraît

avoir

connu

parlé,

partie des notes

serait étonnant,

Il

s'est

dit^,

efforcé

»

le

ses

vol des oiseaux. Cardan

multiplicité des problèmes

la

l'étude desquels se complaisait ce génie et avoir

une

nous

il

de

anatomiques de Léonard, de

pour imiter mécaniquement

essais

j'ai

grand peintre.

estoit

Instruit des recherches

mécaniques

inventions

ses réflexions

d'ailleurs,

que

en

vu au moins

nous sont conservées. les

notes

laissées

par

Léonard fussent demeurées inconnues de Girolamo Cardano, alors

que

le

un

père de celui-ci, Fazio Cardano, était

du Vinci; Léonard nous apprend lui-même'^ des livres au

père de Cardan

Giovanni Taverna

»

et «

;

qu'il

tenait de lui

il

familier

empruntait

« le

livre de

Les proportions d'Alchino'^ avec

considérations de Marliano

»

;

il

les

étudiait les propres ouvrages

nus, médecin Milannois^ intitulés de la subtilité et subtiles inventions, ensemble les causes occultes et raisons d'icellcs, traduis de latin en François par Richard le Blanc. A Paris, par Charles l'Angelier tonanl sa boutique au premier pillier de la grand'salle

du

Palais. i556. 1.

Hieronymi Gardani De

Richard 2.

le

Blanc, éd. i550, p.

Hieronymi Gardani De

Richard

Subtilitale libri

XXI, éd. i55i, p. 620.

— Traduction de

XXI, éd.

3 18, verso.

Siibtilitate libri

i.'>5i,

p. 532.

Traduction de

Blanc, éd. i556, p. 322, recto. 3. Il Codice atlantico di Leonardo da Vinci nella Biblioieca Ambrosiana di Milano, riprodetto e pubblicato délia Regia Accademia dei Lincei, sotto gli auspici c col sussidio del Re e del Governo. Ulrico Hoepli, Milano, MDGGGLXXXX.IV, fol. 225, recto b (34). Gf. Maria Baratta, Leonardo da Vinci ed i Problemi délia Terra, Torino, le

1903, p. 9. '4. Il s'agit, je pense, de l'ouvrage intitulé Alexandri Achillini Bononiensis De proportionibus inotuum quaestio. Get ouvrage fut d'abord imprimé à Bologne, en i/ig^, :

par Benedictus Hectoris, sous

le titre

:

De

distributionibiis ac de

proportione motmim.

Il


ÉTUDES SUR LÉOiNARD DE VlNCl

!^28

de Messer Fazio; celui-ci avait donné une édition de live de italien

la

perspec

Léonard prit la peine de traduire en John Peckham un passage de l'introduction dont Fazio Gardano avait '

;

doté cette édition 2.

Que entre

si,

la

désormais, nous constatons

la

plus étroite analogie

Mécanique professée par Jérôme Cardan

et la

Mécanique

de Léonard, nous serions bien naïfs d'attribuer cette analogie

une coïncidence toute fortuite. Ce n'est pas seulement entre la Mécanique de Cardan et celle de Léonard que l'on peut reconnaître de nombreux rapà

ports;

il

est

impossible de parcourir

De

la

les

unes à demi

Subtilité

pensées que

le

les

vingt et un livres

sans y trouver de nombreuses réminiscences, effacées, les

grand peintre

autres très nettes encore, des

a émises

en ses cahiers de notes.

énumérer toutes en cet article; nous en signalerons seulement quelques-unes; nous choisirons celles qui témoignent du passage, entre les mains du médecin milanais, des deux cahiers, copiés par les soins de Melzi, qui sont venus jusqu'à nous Le Traité de la Peinture et

Ces réminiscences, nous ne pouvons

les

:

moto

le Trattato del

e

misura deW acqua.

a élc reproduit dans les éditions des Alexandri Achillini Bononiensis Opéra omnia données à Venise, en i5/j5, i55i et i568, par Hieronymus Scotus. Quant à Jean Marliani, nous avons de lui un écrit intitulé De proporiione motuuni iii Impressum Papie per Damianum de velocitate qaestio subtilissima. Golophon Coniphalonerii de Binascho, die i6 Decembris Anni 1/482. Amen. Cette question a été reproduite dans la collection des œuvres de Jean Marliani, publiée, sans date, par le môme éditeur. Cette collection renferme encore une pièce intitulée Probalio cujusdam conseqaentie Calculatoris in de motu localL L'inscription portée par Léonard au verso de la couverture du cahier F, inscription mentionnée en notre étude sur Albert de Saxe et Léonard de Vinci, nous montre qu'en i5o8, le grand peintre possédait un écrit qu'il intitule Marliino, De calciilatione ; il s'agit vraisemblablement du second des deux ouvrages mentionnés ci-dessus; Il est destiné à défendre Suisset, le Calciilator de motu locali, d'une critique que lui adresse Achillini. I. Prospectiva communis D. Johannis, Archiepiscopi Cantauriensis, fratris ordinis minorum, ad unguem castigata per eximium artium et medicinae ac juris utriusque doctorem ac mathematicum peritissimum D. Faciuni Cardanum Mediolanenscm in venerabili colegio juris peritorum Mcdiolani residenlem. (Sans nom d'imprimeur ni :

:

:

:

date d'impression.) a.

Op.

Léonard de Vinci,

cit.,

p. 272.

Il (^odice

atlantico,

fol.

200 reclo A.

Cf.

Mario Baratta,


LÉONARD

CARDAN

VINCI,

l)i;

lîERNARD PAL16SY

J/i

22()

II

Des emprunts faits par Cardan AU Traité de la Peinture de Léonard de Vinci.

De

question de toutes choses en ces vingt

est

Il

Subtilité,

la

xvi''

qui furent Fun des ouvrages

demeurent une des œuvres

siècle et qui

de cette époque;

de

reprises,

la

est question,

y

il

peinture et

des

algébriste, physicien, astrologue,

souplesse de

voyons pas cependant, en soit

les plus curieuses

plusieurs

de

variété; géomètre,

médecin, les

et à

Les aptitudes

couleurs.

son génie aux objets

livres

plus lus au

les

en particulier,

Cardan étaient assurément d'une extrême

un

et

il

appliqué la

a

plus divers; nous ne

lisant l'histoire de sa vie, qu'il

adonné aux beaux-arts;

donc

si

de

traite

il

se

peinture,

la

il

n'en saurait rien dire qui soit issu de son expérience personnelle;

est naturel qu'il

il

en parle d'après

de ceux qui ont pratiqué cet

Où donc Cardan parler

du peintre?

Il

cherchait-ii

ture la

;

la

discipline

inventions;

et

chose plus admirable que les

spéculative en

car

il

faut

que

le

que «la peinture

mécaniques,

peinture adjouste

ombres,

la

est la

ou

est

fîlosofe,

architecte

imitation de tout le cors

et

humain

le

de longtems par Léonard Yincius chevée.

»

Lors

même

que

Vinci, à la suite de ces

marquer

l'origine,

il

-

quelques nouvelles ait

la

cognoissance

réflexions,

nous eût

été

le

pein-

dissecteur;

l'excellente

manifeste, jà

commencée

Florentin, presque

Cardan

la

les couleurs, et s'ajoint

peintre

bon

plus

la sculp-

de toutes choses pource qu'il ensuit toutes choses; tre

deviner.

plus noble. Et

la poterie

adjoustant le

voulait

inspiration lorsqu'il

ne nous sera point malaisé de

subtile de tous les arts fait

enseignements

art.

Écoutons-le lorsqu'il déclare'

peinture

les

n'eût

pas

comme pour facile

para-

nommé

le

en mieux

de deviner celui

I. Hieronymi Cardani De SnhtiUlate libri XXI; liber XVII; éd. Traduction de Richard le Blanc, éd. i556, p. 3 18, verso.

i55i,

p.

629.


ÉTUDES SUR LÉONARO DE VINCI

'y.'Ao

qui les avait inspirées; à la supériorité de les autres arts

peinture sur

la

plastiques, à l'effort intellectuel que le peintre

donner avec plus de puissance et d'intensité que le sculpteur, la pensée de Léonard revient sans cesse avec com-

doit

plaisance; surtout,

un

aime

il

esprit universel

Le peintre

«

:

rendre bon perspectif,

pour

et

que

le

peintre doit être

le

commencer par

doit

^

moins en

il

doit estre encore

il

n'a pas la pratique,

il

ne faut point

voir et dessigner sur le naturel.

»

Le peintre doit donc être bon

«

il

bon

ce qui concerne la régularité

extérieure d'un édifice et de toutes ses parties

dont

se

puis s'acquérir une connaissance

du corps humain;

entière des mesures architecte,

à répéter

doit savoir placer exactement

et

;

aux choses

qu'il néglige d'aller

perspectif

tout d'abord,

et,

»

d'horizon

la ligne

de son

tableau par rapport aux figures humaines qui s'y trouvent

donne

représentées. Voici la règle que Cardan^ ((

Mais cependant souvienne

veuë égale; est peint

c'est le

chef de

que tu observes

toi

la figure

en un petit tableau; car

veu dessous, estre bas;

et

à cet effet: le lieu

de

la

humaine, quand l'homme

l'œil

jugera tout ce qui sera

tout ce qui sera dessus, estre haut.

»

Cette règle est aussi celle que nous trouvons, plusieurs fois répétée, dans le Traité de la Peinture

sur le relief doit s'accomoder de

au niveau de celuy de

:

telle

a

Celuy^ qui desseigne

sorte

que son œil

la figure qu'il imite.

))

perspectif' doit estre mis au niveau de l'œil d'un taille

ordinaire,

sur

la

«

soit

Le point

homme

de

ligne qui fait confiner le plan avec

l'horizon, de laquelle ligne la hauteur doit estre esgalle à celle

de l'extrémité du plan joignant l'horizon, sans néantmoins y comprendre les montagnes, lesquelles sont libres. »

Le peintre possède découvrir

un moyen très efficace de commises contre les lois de la

d'ailleurs

les fautes qu'il aurait

1. Traité de la Peinture de Léonard de Vinci, donné au public et traduit de l'italien par R. F. S. D. C. [iloland Fréart, sieur de Chambray]; à Paris, de l'imprimerie de Jacques Langlois, MDCLl, ch. CCLXXIV, p. 89. 2. Hieronymi Cardani De Subtilitate libri XXI; liber IV éd. i55i, p. i85. Traduction de Richard le Blanc, éd. i55G, p. 92, recto. 3. Traité de la Peinliire do Léonard de Vinci, ch. De la manière de desseigncr sur la bosse ou d'après nature; éd. iG5j, p. 8. A quelle hauteur 4. Traité de la Peinture de Léonard de Vinci, ch. CCLXWI on doit mettre le poinct de veuë; éd. iG5i, p. 92. ;

XWI

:

:


2^1

CAIVDAX ET 15EKNAUD PALISSY

LÉONAllI) DE VL\CI,

perspective; c'est d'examiner l'image de son ouvrage rétlccliie

dans un miroir plan. Cardan préconise» l'emploi de ce proPar mesme moien presque les peintures doivent estre cédé :

((

éprouvées au miroir. Car

le

miroir découvre plusieurs choses

qui estoient latentes^ entendu qu'il monstre les choses qui sont à l'opposite.

»

Léonard

le

peintre doit

vaillant, le

recommande également^ « En tratenir devant luy un miroir plat, et :

ouvrage dans ce miroir, qui

considérer souvent son

le

luy

main d'un pourra mieux

représentera tout au rebours, et semblera de la autre

maistre, de sorte que par ce

remarquer

moyen

il

ses fautes. »

Léonard

une admirable sagacité

a étudié avec

impressions qu'engendre en notre œil

la

les diverses

juxtaposition de cou-

Cardan reproduit plus ou moins clairement

leurs diverses;

presque tout ce qu'il en avait

dit.

phénomène de l'irradiation, qui agrandit une figure claire placée sur un fond sombre, qui, par contre, diminue une figure de nuance foncée tracée sur un fond clair. A ce phénomène, le Traité de la Peinture fait allusion ^ en ces termes a La chose qui sera veuë en un air obscur et bruineux Voici d'abord

le

:

estant blanche paroistra plus grande qu'elle n'est pas arrive parce

que

comme

il

a esté dit cy-dessus

:

La chose

semble s'augmenter dans un champ obscur, par cy-devant déduites. les effets

»

Les livres De

de l'irradiation

:

«

la Subtilité

monstre plus grandes. Les desquels tant lettres

livres

imprimés

sembler estre moindres.

»

Subtilitate libri

noire

les

démonstrent,

le

fait

les

XXI;

des notes du

tirés

liber IV^, éd. i55i, p. i8G. ch.

GGLWIV

mesme

:

Traduc-

Gomment un

de son propre ouvrage éd. i65i, p. 89. Peinture de Léonard de Vinci; ch. GLXÏI Des couleurs; éd. i65i,

peintre doit examiner et juger luy Traité de la

^

Seulement, dans sa hâte à

tion de Richard le Blanc, éd. i55G, p. 92, recto. 2. Traité de la Peinture de Léonard de Vinci; 3.

la

plus l'encre est claire, tant plus elle

Hieronymi Gardani De

raisons

décrivent aussi

comme

reproduire les enseignements qu'il avait 1.

les

claire

Certes la couleur blanche monstre

choses moindres qu'elles ne sont,

les

ce qui

;

;

:

p. 02.

Hieronymi Gardani De Subtilitate libri XXI ; lil)er XVII. Le passage dont il est question ne se trouve pas en la première édition (i55i) de l'ouvrage; il a été introduit par Gardan en la seconde édition sur laquelle a été faite la traduction de Richard le Blanc; en celle-ci, il se trouve à la page 819, verso. ^.

ici


ÉTLDES SUR LEONARD DE VINCI

232

Vinci, Cardan écrit tout le contraire de ces enseignements et

de

la vérité.

n'est pas le seul

Ce cas

de

lui soit arrivé d'altérer et

il

fausser les résultats exacts des observations de Léonard. Considérons, par exemple, ce passage si

finement certains

couleurs

effets

grand peintre décrit

le

observés en l'association des diverses

:

Or prenez garde que

«

»

lente obscurité,

blancheur,

il

si

faut lui

et ainsi

vous voulez représenter une excel-

donner en parangon une excellente

pour une blancheur excellente luy opposer

une grande obscurité; de mesme fera paraistre le

le

jaune pasle relesvera

rouge de couleur plus vive

et

ne seroit pas de luy-mesme en parangon du

qu'il

et

plus allumée violet.

11

y

une autre règle par laquelle on n'a pas dessein de rendre

a

les

couleurs plus hautes et plus éclatantes qu'elles ne sont naturellement, mais en les accompagnant et assortissant ensemble,

s'entredonnent de

elles

et tout

comme

la grâce,

au contraire aussi,

le

verd au rouge,

fait le

verd est antipathique au bleu.

Il

y a encore un second moyen de produire et faire naistre la grâce aux couleurs par l'union et par l'assortiment de celles qui ont de la sympathie ensemble,

jaune qui blables,

Du

est fort pasle,

le

passage qui vient d'être

estre disposées

en

rapprochons

cité,

mais

si

les

ornement

à la peinture;

Il

est évident

pourtant, la rouge couleur doit

blanche entre

que

le

second passage

est

une

sorte de

Traité de

résumé

et

confond tout

Comment il faut Peinture do Léonard de Vinci, ch. L\.X\\1\ couleurs l'une avec l'autre en sorte que l'une donne de la grâce à

la

les

la

désir d'abréger, et sans doute aussi par

incompétence en ces matières. Cardan brouille 1.

donnent grâce

»

du premier; mais par

accompagner

:

obscures ont lieu entre

estre entremeslée entre la bleue et la verde, la

grise et la jaune.

celui-ci 3

couleurs ne doivent

les claires, les claires entre les obscures, elles

et

le

et lieu. »

la peinture, les

la légère;

de l'azur avec

blanc, et d'autres sem-

dont nous parlerons en temps

Or pour retourner à

u

ou avec

comme

:

l'autre; éd. iG5i, p. 3i. 2.

Hieronymi Gardani De

Sabtililate libri

XXI, liber IV;

tion de Richard le Blanc, éd. i556, p. 92, verso.

éd. i55i, p.

i8G.

Traduc-


LÉONARD DE

que Léonard avait soigneusement distingué; Léonard, par

ce

exemple, signale

de contraste que produisent deux cou-

l'effet

comme

leurs complémentaires,

vert et le rouge; cet effet,

le

sépare soigneusement du contraste que produit

le

sition

d'une teinte claire

et

donne comme exemple de

que prend

le

rouge lorsqu'il

bleu avive également

est voisin

rouge;

le

en

les défigurant, les

Cardan déforme qu'il

il

du

vert;

que voici Car

^

que

apparaît assez par là qu'il

du

à ce point les parties

nous n'avions, pour

si

la

clarté...

mais qu'il trans-

Traité de la Peinture

décevoir »?

au passage

peut estre cachée, non plus que de

d'icelle

plus tost que peinture?

la

Il

nous

serait fort malaisé

nous explique bientôt milanais; Léonard, en

lorsqu'il

nous

la

par

l'air,

le

deviner

si

nous ne

proposition énigmatique du médecin

effet, insiste

des objets voisins

de

Peinture; mais la lecture de ce traité

la

remarque qu'un objet blanc

le

»

Cardan prétend nous enseigner

recourions au Traité de

que

faut-il attribuer

de

couleur blanche est aidée par autres couleurs pour

la «

soleil et

l'éclairer, le texte

Ainsi elle est aidée par autres couleurs pour décevoir

Qu'est-ce que

reflets

fait

couleur blanche approche fort en la clarté, en sorte

et est teinture

que

le

:

que nulle partie

le

croit

observations d'autrui.

Léonard. Quel sens, par exemple,

dit

il

pense résumer, que son exposé serait souvent tout à

incompréhensible

{(

juxtapo-

ce dernier effet l'éclat

n'écrit point d'après ses propres observations, crit,

la

il

d'une teinte sombre; Cardan, au

contraire,

ce

253

CAUDAN ET BERNARD PALISSY

VINCI,

:

«

à maintes reprises sur cette

montre toujours coloré par les L'ombre du blanc ^ esclairé par le se

a sa teinte tirant sur le bleu, et cela vient de

blanc de soy n'est pas proprement une couleur, mais

réceptacle des autres couleurs... Cela provient^^ de ce que le

blanc n'est pas mis au 1.

Hieronymi Cardani De

nombre

des couleurs, mais est seulement

Subtilitate libri

XXI, liber XVII. Ce passage ne

se

trouve

pas dans l'édition de i55i il a été ajouté par Cardan en la seconde édition, sur laquelle Richard le Blanc a fait sa traduction; en celle-ci, il se trouve à la page 3 19, ;

verso. 2.

Traité de la Peinture de

Léonard de Vinci, ch. CIV

De

:

la

couleur du blanc;

éd. i65i, p. 33. 3.

Traité de la Peinture de Léondivd de

une ombre plus noire;

éd. i65i, p. 33.

Vinci, ch.

CV

— Cf. ch. GXXIII

propre à recevoir les couleurs; éd. i65i, p. 4i.

:

Quelle couleur produira Quelle est la superficie plus :


LÉONAUD DE VINCI

KTLlDES SU II

2'6!l

propre

disposé à

et fort

recevoir toutes indifféremment, et

les

transforment mieux

superficies blanches se

les

et

reçoivent

plus essentiellement les couleurs de leur objet qu'aucune autre superficie de quelque couleur

Un

que ce

et sur les

:

Bon nombre

des réflexions sur la peinture

De

couleurs qui se trouvent au

extraites des notes de

ont été

Sahtililate

Léonard de Vinci; mais en résumant sans

du grand

soin ni compétence les observations

Cardan

peintre.

souvent transformées en aphorismes faux ou incompré-

hensibles, à il

mécon-

lecteur attentif ne pourra guère, croyons-nous,

naître cette vérité

les a

soit. »

point que pour les rectifier ou les interpréter

tel

de recourir au Traité de

est nécessaire

la peintare,

qui en fut

la source.

III

Les emprunts faits par Cardan AU TliArTATO DEL MOTO E

Nous allons

MISUIiA DELL'

être conduits à

en étudiant ce que Cardan l'eau à la surface sujet des

une conclusion toute semblable

a écrit

du globe

vesseaus.

voions

la

présence de

au

eaux courantes.

L'eau est ronde^

loing;

au sujet de

terrestre et, particulièrement,

Lisons, par exemple, ce passage' ((

ACQUA DE LÉONARD DE ViNCI.

Pour eaus

tu vois ans pos de terre et autres

ceste cause les fleuves et lacs sont

nous regardons d'en haut,

car ou les

comme

:

;

on nous regardons de

ment nous voions

les eaus,

et

la plaine,

pource que l'eau

veus de

pource nous d'où

mesme-

est ronde.

»

La remarque qui termine ce passage semblera bien obscure à qui n'a pas lu Léonard de Vinci; elle s'éclairera, au contraire, si

l'on

ouvre

\e

Del moto

e inisura delV

acqaa; on y trouvera'.

I. Hioronymi Gardani De SubtilUate Ubri XXI, liber \X.I. Ce passag^e ne se trouve pas en la première édition (1550; il a été ajouté en la seconde édition; en la traduction de Richard le Blanc, il se trouve au verso de la page 388. 2. Leonardo da Vinci, Del moto c misiira delV acqua, iibro primo, capitulo \1\

{liaccoUa d'aiilori italiani che traltano del moto delV aaïue. Edizione (piarla.

Bologna

VIDCCCWVI,

p. 281.)

Tomo

\.


LÉONARD

en

Di:

une réflexion

effet,

235

CAllDAN ET BERNARD PALISSY

VINCI,

que nous avons repro-

assez étrange

duite, avec la figure qui l'illustre, en notre précédente étude'.

Léonard y montre comment une étendue plane semblerait s'enfoncer au-dessous d'une nappe d'eau sphérique à laquelle elle confinerait.

Le

iva'iié

Del moto

e

misura deW acqua ne renferme pas, tant

s'en faut, toutes les pensées

que Léonard avait conçues au

de l'eau

en ses notes. De ces pensées. Cardan

et qu'il avait fixées

sujet

dû posséder un recueil plus complet que le traité publié eu il en connaît assurément qui n'ont 1826 par F. Cardinali

a

;

point été reproduites en ce recueil. Voyons, par exemple, de quelle manière «

explique^ l'origine des montagnes

il

Les montagnes peuvent être produites de trois manières

En premier

différentes.

secouée de

lieu, la terre,

engendre

répétés, s'enfle et

les

monts comme

de vessies sortant de son corps; ainsi

Averne, en Campanie, terre est

accumulée par

approprié

et

le

démolie par pierres

vallée; c'est

place, tandis

un mont pierreux

pourquoi

la

sommet de

dessus du sol;

la pluie,

terre des

faisse

peu

souvent

champs;

en

le

ces

sol

à peu; les pierres,

elles croissent,

proviennent

procédé

c'est le

les récifs d'îles

dont

même l'eau

le

plus

la

terre

est

par

la

mer;

les

du fleuve descend

s'élève ainsi au-dessus de la

s'élève de plus en plus au-

ronge chaque jour davantage

meuble lui-même au contraire, ne

comme nous

aussi sont elles plus basses

En mer,

que

monts

effet,

cependant, sont rongées par

»

et

plupart des montagnes sont formées

de rochers. Le

la

lieu,

lieu, la

qui arrive fréquemment

les vents, ce

eaux courantes ou

demeurent en

provenaient

formé, près du lac

plus fréquemment employé,

les

la vallée;

s'est

s'ils

mouvements

mont Moderne. En second

le

en Afrique. En troisième

en

:

les

que

le

s'affaissent point;

verrons. Les vallées,

eaux courantes

les

champs

sont formés de la la terre a été

se tasse et s'af-

et les torrents;

et les plaines.

même

rongée par

manière;

ils

les flots. Mais,

Vide supra V, Thémon le fils du Juif et Léonard de Vinci, IV, fig. i, p. 179. Hieronymi Cardani De 5u6/i7/7a/<' libri XXI, liber II; odit. i55i, p. 2i5. Traduction de Richard le Blanc, éd. i556, p. Sg, verso. La traduction de Richard le Blanc est fort peu claire en ce passage; nous ne la suivrons pas. 1.

2.

:


ÉTUDES SUR LÉONARD DE VINCI

y 36

à leur tour, fler, ils se

elles

très

récifs

si

la terre

qui

les

transforment en

montueuses

;

porte vient à s'élever et à s'en-

îles.

Aussi

plupart des

la

mer

lorsque la

sont devenus des montagnes.

desséchée, les

s'est

donc point éton-

n'est

11

sont-

îles

nant de trouver, au sein des montagnes qui avoisinent

la

mer,

des épaves de navire, des huîtres et d'autres coquilles. IN'esl-ce

pas

la

preuve que ces montagnes ont

milieu de

la

mer, ou qu'elles ont

grande inondation.^

été

au

submergées par une

»

Nous ne trouvons deir ocqua, qui ait

été jadis des récifs

rien,

dans

Del moto e inlsura

traité

le

pu inspirer ces considérations sur

l'origine

des montagnes; en revanche, nous reconnaissons en ces considérations

un résumé

très net des

vues sur

Géologie que

la

Léonard a consignées au cahier F de ses notes ^ Léonard, il est vrai, avait emprunté à Albert de Saxe idées sur la formation des

dan aurait donc pu,

à

ses

montagnes par voie d'érosion Carson tour, les emprunter au même ;

auteur; d'autant que maint indice semble nous révéler la pré-

du médecin milanais, des Questions composées sur le De Cœlo par ce grand scolastique. Mais si Cardan a pu apprendre d'Albertutius comment les eaux courantes avaient creusé les vallées et sculpté les montagnes, il n'a pu

sence, aux mains

apprendre de

lui

comment

les fossiles

témoignaient des soulè-

Acments qui avaient porté à ces hauteurs des immergées. En

cette observation, force

nous

terres jadis

de reconnaître

est

l'une des idées favorites de Léonard.

Le Vinci a minutieusement analysé

le

procédé par lequel

coquilles des mollusques se sont fossilisées. C'est encore

les

une

résumé des observations du grand peintre que nous donne Cardan lorsqu'en sa description des diverses espèces de sorte de

pierres, «

il

arrive à celles qu'il

On nomme

Conchites

nomme

Conchites

^

:

une pierre semblable à une

coquille,

Vide supra: I, Albert de Saxe et Léonard de Vinci, 111 et W. Hieronymi Cardani De Sahtilitate libri AXl, liber VII. La première ligne de ce passage se trouve seule en l'édition de i55i tout ce qui concerne la fossilisation a été introduit en la seconde édition, sur laquelle a été laite la traduction de Richard le Blanc; en cette traduction (éd. i55G), le passage considéré se trouve au verso de la page cji. Nous ne suivons pas ici cette traduction, moins claire que le texte latin. 1.

2.

;


LÉONARD

VlNCF,

t)E

couverte de stries courbes

Une

CARDAN ET BERINARD PALISSY et

ornée d'une armature brillante.

du marbre;

autre espèce de ConchUes a l'aspect

blanche, tendre, coquillages. ville

Ton y trouve habituellement des

et

On ne

la trouvait autrefois

que ce pays-là

s'est

En

recouvert par la mer.

eil'et,

lorsque

au sein des rochers

et

la

un sûr

C'est

des coquillages

les tests

sont fort anciens, en beaucoup d'endroits, pétrifier

de

tests

une certaine époque,

à

trouvé^

elle est

qu'au voisinage de

de Mégare, au témoignage de Pausanias.

indice

'2'S-

finissent par se

ils

sous la terre.

gardent leur

Ils

forme, mais leur substance est changée. La plupart sont recouverts d'armatures dorées

ou argentées

;

ces armatures sont for-

mées d'une matière qui contient beaucoup de en

effet, et

de

sel

ces armatures sont constituées

sel; le sel brille,

par quelque partie

pur. Celles qui proviennent des coquilles sont faites

d'une certaine matière salée; celle-ci est rejetée à l'extérieur

du coquillage trouve

;

puis

le fossile la

aqueuse de

la

le

grand froid qui règne au

lieu

congèle sous forme d'armature;

la

substance qui forme cette armature

la

se

partie

rend

aqueuse ne disparaît pas, parce qu'elle intimement mélangée d'une matière terreuse très fine;

brillante. Cette partie est

Parmi ces

objets, les

uns prouvent

la sagacité

de

la nature,

qui

poursuit une fin bien déterminée; les autres démontrent la

longue durée du monde.

»

Certes, les idées géniales par lesquelles

Géologie

et la

Léonard

a créé

la

Paléontologie sont reproduites par Cardan sous

une forme quelque peu confuse;

cependant bien

elles restent

reconnaissables, et bien capables encore d'éveiller l'attention

d'un esprit soucieux des questions naturelles; d'ailleurs, en s'appropriant ces idées, Cardan leur rend il

les

exhume de

pendant des

notes

siècles,

ovi,

un

sans doute, elles fussent demeurées,

inconnues

et inutiles

;

il

les

par la vogue extraordinaire qui accueille Les lité,

elles

se

service signalé:

publie; portées

livres

répandent en tous lieux, prêtes à

nouvelles recherches; et

le

Cardan

plagiat de

du Vinci. Les renvois qui accompagnent nos pu suggérer une remarque au lecteur

de

la Subll-

susciter

fera de

de

Bernard

Palissy le continuateur

citations de :

Cardan ont

La première édition du


ÉTUDES SUK LÉONARD DE VlNCl

!i38

emprunts au Traité de la Peinture, aux observations de Léonard sur l'Hydraulique et la Géologie; ces emprunts sont bien plus nombreux en la seconde

De

déjà divers

Suhtllitate contient

La lecture des opinions de Cardan touchant la Mécanique donne lieu à une semblable remarque^ Cardan s'était déjà inspiré maintes fois des cahiers du Vinci lorsqu'il avait édition.

composé son ouvrage il y recourut de nouveau lorsqu'il voulut en donner une seconde édition plus complète. Nous allons voir que la publication de cette seconde édition ne mit pas fin aux emprunts subis par les notes du grand peintre. ;

Nous avons

dit,

Léonard de Vinci

en notre précédente étude % à quel point

s'était

préoccupé de

cette question

Comment

:

donne naissance aux fleuves, peut-elle sourdre au sommet des montagnes P Ce problème est de ceux que ne man-

l'eau qui

quaient guère de

au

traiter,

écrivaient sur les météores;

il

xvi'' siècle,

était

les

philosophes qui

donc naturel

qu'il sollicitât

l'attention de Cardan.

Dès se

première édition de ses livres Sur

la

propose d'examiner^

Cardan

la Subtilité,

les diverses explications

données de l'origine des fleuves. Ces explications,

qui ont été il

commence

énumérer « Le filosofe donc estime que les eaux sont engendrées; Salomon pense qu'elles soient dérivées de la mer par

les

:

par circuit;

les

autres estiment qu'elles soient assemblées des

pluies et neiges; les autres pensent qu'elles sourdent des fontaines qui sont sous terre,

paraît

exempte de

n

Aucune de

difficultés.

«

11

ces explications

est manifeste

engendrée aux montagnes ne de

n'est

sourd au

champ

de Moscovie.

davantage

raient rivières

mesme

:

«

elle

suffire

à

»

La neige

l'air;

1. ->..

p.

lui

que toute eau

veu que Tanaïs

et les pluies

rendre compte de

la

ne sau-

genèse des

Pareillement, l'eau n'est des seules neiges, veu que

coule des montagnes quand elles ne sont couvertes

de neiges^ ne mouillées de pluies; totalement donc crédibile

ne

que tant grande quantité des eaus,

Duhem,

Vide supra

et tant

il

n'est

continue

Les origines de la Statique, ch. XV, 8, t. TI, p. to4. V, Thémoii ie fds du Juif et Léonard de Vinci, IV et V.

:

3. Hicronymi Gardani De Subtilitate libri XXI, liber H; Traductioade Richard le Blanc, éd. lô.^O, p. O'i, verso, sqq.

éd.

i33i, p.

137

sqq.


LEONARD DE soit

CARDAN ET BERNARD PALlSSY

VlNCI,

une hypothèse qui graves objections, c'est assurément

engendrée des neiges.

soulève de nombreuses et celle qui

prétend dériver de

des montagnes

:

«

»

Mais

la

mer

est

s'il

la

mer jusques

coupeau des montagnes;

le

qu'elle

parvienne jusques aux montagnes,

qu'elle

ne s'épartc de tous costés

jamais diminués;

mesmement

et

au sommet

l'eau qui sourd

Et ne peut monter de

grande hauteur qu'est

389

de fleuves, ains aucunefois

la

et les fleuves

;

mer ne

;

devant

a

moien

ne seroient

sufïiroit

asséchée

elle seroit

et

n'y

il

à tant

pas

tant

à

entendu que

la

plus grande part des eaus s'évanouit par la chaleur du Soleil;

mesmement,

comme j'ai

mouvement dessous

ce

dit; et n'y a pas raison

der d'une montagne,

non d'une

vraisemblable qu'elle

pour que

autre; aussi difficilement

est

exempte de

et

faire rejeter toutes les

solutions proposées; c'est du parti contraire que

Cardan

a

:

toutes les causes prédites.

Parmi

il

»

Ces critiques, semble-t-il, devraient l'éclectisme de

trembler,

l'eau doive procé-

rendue tant pure

soit

saline et d'amertune.

la terre la feroit

Que dirons

s'accommode

donc:> Qu'elles sont de

»

ces causes, cependant,

il

en

est

une qui semble jouir

particulièrement de la faveur du célèbre astrologue, et cette

cause est celle qui attribue aux eaux pluviales l'origine des

Dès

rivières.

la

voyons admettre

première édition de son ouvrage, nous ^

fleuves par la pluie

son

traité,

il

que

c

o.

l'eau

donc

puisse

augmenter

le

les

compose la seconde édition de vingt et unième livre d'une longue

Lorsqu'il

accroît le

addition relative aux météores aqueux; au cours de cette addition, les

s'exprime 2 au sujet de la formation des rivières dans

il

termes

bonne

mêmes que nous

fin

Soleil; car

il

a

que

esté fait

premièrement

se convertit

emploierions aujourd'hui

en eau douce,

les

après elle rend

de fleuves qui se déchargent en

1.

Hieronymi Cardani De

Richard le

le

Blanc, éd. i556, p.

Subtilitate libri (JG,

c(

Et à

pluies accompagneroient le

l'eau salée attirée de la et

:

mer en

la pareille

mer, desquels

la

XXL

éd.

i55i, p. i3o.

haut,

par tant les

eaus

Traduction de

recto.

2. Les livres de Hiérome Cardanns, intitulés De Blanc, éd. ibSfi, p. 390, recto.

la Subtiliié.

Traduction de Richard


ÉTUDES SUR LÉO^SARD DE VINCI

2 4o

douces se convertissent en salées. Pour ceste cause

si

la distri-

bution doit estre égale, qu'elle puisse demeurer sempiterne,

que

est nécessaire

il

l'eau des pluies soit fort abondante, laquelle

puisse estre égalée à la cheute de tous les fleuves qui tombent

dedens

mer.

la

Toutefois,

«

sivement arrêté à

Cardan ne semble pas

passage que nous venons de

que

eaux de

souterraine, des

abondantes en eaus,

c'est

la

nous

citer,

qui arrosent les

les fleuves

presque

théorie;

cette

aussitôt

des

i5 fleuves,

isles.

quand

Et

«

:

un argument

comme

Car

seroit

il

ces isles sont

et signe évident,

et le

:

mont environné de

douces, qui esloient salées, en

niveau

par

n'avoient leur source de la mer, quand les eaux

s'ils

montagne

comment

les

possible qu'Hibernie eut

ces eaus proviennent douces, pource que la

que

et distilées

sont purgées en passant et coulant par les terres?...

de

le

voyons admettre

le

eaus n'y sont engendrées, ains coulées seulement la terre

après

proviennent, par dérivation

îles

mer

s'être exclu-

de

l'eau

primitif.^

la

mer

les

l'isle est le

la

mer rend

faut

que

coupeau eaus

les

coulant et distilant.

»

Mais

monter plus haut que son

peut-elle

Cardan, qui,

Il

toujours jusqu'ici, a réputé

impossible cette ascension, néglige maintenant de nous en

indiquer la cause.

Avant de

la

qu'il n'ait

Sabtllitéy Jules

pu connaître

seconde édition des Livres

la

César Scaliger publiait, de cet ouvrage,

une critique vive jusqu'à

la

violence et détaillée jusqu'à

minutie I. En cette critique, Scaliger

traitait à

son tour de

la

l'ori-

gine des fleuves; à l'encontre de ce que Cardan avait écrit en la

première édition du De SabtilUate,

il

soutenait

que

les

sources qui arrosent les flancs des montagnes proviennent de la

mer,

et

s'élève plus

Cardan ter plus

haut que son niveau dans si

J.

Luleiiiv

l'eau

,

du réservoir

apud \ascosanum,

G. Scaligeri

gencralione.

l'eau de la

mer

que l'eau ne pouvait, par un tuyau, monle

réservoir qui la fournit;

n'est pas

comprimée; mais

Julii Cîcsaris Scaligeri Exotericarum exercitationiim liber

Cardanum ; a.

comment

haut que sa surface libre 3.

a affirmé

cela est vrai

I.

prétendait expliquer

il

De

Siibtilitale

XV

:

il

De SabtUitate ad

1557.

ad Cardanum; Exercilatio \L\

I

:

De lluviorum


LÉONARD

en

est

autremeat

charge et

IJE

elle est

si

leau montera dans

serait

obtenu

si

sommet

que

le

;

les

la

mer peuvent

même

le

effet

atteindre le

eaux marines inférieures sont

en un corps de pompe, par

celles qui les

de cette pression, ces eaux s'élèvent en

l'effet

comme

des roches

pompe. Quiconque

d'ailleurs,

eaux de

les

comme

surmontent; par les fissures

tuyau bien plus haut que dans

une masse d'eau poids. Cette remarque nous explique tout

des montagnes

comprimées,

avec une pierre, par exemple,

l'on remplaçait la pierre par

comment

aussitôt

le

'ifxl

soumise à une pression. Que l'on

est clair,

Il

même

qui aurait

CARDAN ET BERNARD PALISSY

pompe

piston d'une

le

corps de pompe.

de

VINCI,

elles s'élèveraient

dans

le

tuyau

la

a des lois de l'Hydrostatique

une notion quelque

peu sensée ne peut manquer d'accueillir en souriant niveau

monte dans

explication

;

pompe

précisément celui qu'atteindrait, dans

est

le

l'eau

oi^i

le

cette

tuyau d'une le

corps de

pompe, l'eau dont le poids équivaudrait à la charge du piston. Ce principe était souvent invoqué dans les notes de Léonard de Vinci où, vraisemblablement, Giovanni-Baptista Benedetti allait

En

l'apprendre'.

vertu de ce principe, la compression

des eaux marines inférieures par les eaux marines supérieures

ne peut soulever celles-ci.

ignore

plus haut que la surface libre de

celles-là

Mais Scaliger n'a cure de cette objection, car idées fécondes introduites en

les

il

Hydrostatique par

le Vinci.

Ce

n'est pas

que Scaliger

libre des liquides

;

de Léonard,

Selon

la

se

c'est celle d'Albert

il

se

réclame n'est point

de Saxe.

doctrine d'Albert de Saxe, dont nous avons dit

mot en notre première étude 2, un grave ne de gravité actuelle

ne

qu'il se

soit

s'il

hors de ce

se trouve lieu,

gêner ni se comprimer

1.

3.

de l'équi-

préoccupe au contraire d'y soumettre

mais l'Hydrostatique dont

sa théorie; celle

il

soit sans souci des lois

les

saurait être

doué

en son lieu naturel; à moins

ses diverses parties

unes

les autres;

ne sauraient

en particulier.

Vide supra: V, Thénion le Jîls du Juif et Léonard de Vinci, VIH. Vide supra I, Albert de Saxe et Léonard de Vinci, IT. :

DUHEM.

un

iO


ÉïLDES SUn LÉO.NAHD DE VINCI

242

lorsque l'eau se trouve naturellement située, les parties voisines

du fond ne sont nullement pressées par celles qui sont proches delà surface; c'est l'enseignement formel d'Albert de Saxe « Una non movetur contra aliam, ergo non impedit aliam; assumptum patet de aqua, cujus partes superiores non comprimunt nec deprimunt inferiores. » Or, selon l'enseignement du même maître, la mer, limitée ^

par une surface sphérique dont

:

centre est celui du Monde,

le

en son lieu naturel

se trouve actuellement

;

les

supérieures n'exercent donc aucune pression inférieures;

elles

ne sauraient

les

eaux marines sur les

eaux

sommet

pousser au

des

montagnes. Visiblement, Jules César Scaliger souscrit à la première partie de la doctrine d'Albert de Saxe;

dire à la seconde partie

;

il

lui faut soutenir

il

donc contre-

lui faut

que

mer

la

pas actuellement en son lieu naturel; et c'est ce qu'il

invoquant

Pour que naturels,

raisons que voici

les singulières

les

vînt ensuite, puis

:

centre de l'Univers; que

le

l'air,

puis

sphère que

la

la

du centre; que Teau

le feu.

cette disposition n'est point celle

A

en

faudrait qu'ils fussent limités par quatre surfaces

il

terre occupât la région la plus voisine

sente.

fait

quatre éléments fussent vraiment en leurs lieux

sphériques ayant pour centre

Or

n'est

que

la terre devrait

nous pré-

la réalité

naturellement occuper,

des protubérances et des gibbosités ont été ajoutées, qui forment les

continents et les

îles

;

ces protubérances remplissent

partie de la

couche sphérique que

occuper;

masse d'eau chassée par

la

élève le niveau de l'Océan

;

l'eau devrait naturellement elles

de son lieu naturel

l'Océan se trouve ainsi formé de deux

couches superposées; l'une,

la

couche profonde,

est constituée

par de l'eau qui se trouve en son lieu naturel;

couche

superficielle,

une

représente

l'eau

que

la

l'autre,

terre

la

ferme a

chassée de son lieu naturel; en vertu de la doctrine d'Albert de Saxe, celle-ci, de tout son poids, presse celle-là. Telle est l'étrange doctrine par laquelle

I.

Albcrli

de Saxouia

Qiisesliones

in

VIII

libros

Scaliger

Physicorum

;

in

prétend,

librum

IV.


LÉONARD DE

2^3

VINCI, GAllDAN ET lîERNAKD PALISSY

contre Cardan, que les sources des montagnes proviennent

des eaux marines.

Les attaques de Jules

médecin de Milan;

insensible le Actio prima

César Scaliger ne laissèrent point

calamniatorem

in

du De

troisième édition latine

qu'il

joignit,

Cardan

niateur;

il

insiste le plus

parle

comme

est

i56o,

un des

à

la

points sur

en ^on Action contre

3

se bornait à

s'il

en

Siihiilitate^.

La théorie de l'origine des fleuves lesquels

une

riposta vivement en

il

calom-

le

développer plus lon-

guement une doctrine déjà indiquée au De Subtilitate; en réalité, il expose une hypothèse dont, jusqu'alors, il n'avait mot.

soufïlé «

L'eau de la

mer

pénètre la terre de toutes parts,

comme elle

imbiberait une éponge; parfois, elle la pénètre par de larges

conduits elle alimente alors les puits d'eau salée ;

elle

se

;

.

.

.dans ce cas,

ne monte jamais d'elle-même; aussi, toute fontaine

trouve en

un

lieu plus bas

que

la

salée...

mer. Toute eau qui s'élève

au-dessus de ce niveau a nécessairement éprouvé l'action de la chaleur; partant, elle est devenue douce. L'eau est donc tirée

du Soleil et de la pluie; le qui règne au sommet des montagnes condense les vadu

vers la surface froid

sol par la chaleur

peurs, qui forment des ruisseaux; ceux-ci, coulant en foule vers les bas lieux, engendrent les fleuves. Cette ascension d'eau est perpétuelle, car les

vapeurs sont soulevées non seulement

par la chaleur des astres, mais encore par la chaleur qui règne

dans

profondeurs du

les

distiller.

ne

fait

sol,

de

même

qu'au sein d'un vase à

Ainsi donc la matière de cette perpétuelle circulation

jamais défaut, car

la

mer y pourvoit;

détermine est aussi toujours présente

;

c'est,

la

en

part, la chaleur céleste et la chaleur des entrailles

d'autre part, le froid des pierres et de l'air au

cause qui

la

effet,

d'une

de

terre,

la

sommet

des

1. Hieronymi Gardaui Mediolaaensis medici De Subtilitate libri XXI. Ab authore plusquam mille locis illustrati, nonnullis etiam cum additionibus. Addita insuper Apologia adversus calumniatorem, qua vis horum librorum aperitur. Basileae. In

Ilieronymi Cardani : Basileae, en ofïicina Petrina, Anno MDLX, menseMartio. Mediolanensis medici In calumniatorem librorum De Subtilitate actio prima ad Fran-

fine

ciscimi

3.

Abundium,

paru en Cardan, lac.

i'i26. (11

a

S.

Abundii Gommendalai'ium perpetuum. Éd. in 8", pp. ".^^^rnir^ temps, et chez le même imprimeur, une édition in- ^lio.7 ^ '^«.

même cit.,

pp. iSit-iSîfi.


ÉTUDES SUK LÉOjNAKD DE

2/i4

monts. Dès

sources est continuel...

lors, le jaillissement des

comment

Vois maintenant

VINCI

comment

tous les faits et

tous nos

dires s'accordent avec les vrais principes; dans notre théorie,

on

ne

trouve

d'absurde.

de

rien

de

rien

faux,

contradictoire,

rien

»

Cardan peut maintenant affirmer fièrement une doctrine entièrement nouvelle

«

:

exposé

qu'il a

Nunc usque inauditam

Nous n'aurons garde de le croire. Cette doctrine, en effet, nous la connaissons déjà; nous l'avons lue dans les notes de Léonard de Vinci '. doctrinam declaravimus.

et

»

C'est bien certainement

dans ces notes que Cardan

non point dans

de quelque prédécesseur du Vinci;

sans

les écrits

Albert

doute,

Grand

le

de vapeurs au

sommet

nouveau; sans doute,

la terre,

des monts,

le fils

supposé que

avait déjà

échauffée dans les entrailles de

du

le

oii

l'eau,

montait sous forme

froid la

Thémon,

Juif,

l'a lue,

condense de

avait déjà

com-

paré cette ascension à la distillation de l'eau dans l'alambic;

mais Albert

et

Thémon

tote; ils pensaient

admettaient tous deux la théorie d'Aris-

que

engendrée au sein de

sources s'alimentent est

au secours de

Léonard,

le

premier, a repris ces

considérations pour les faire servir à la doctrine de

Pline l'Ancien

et

expliquer

comment

l'eau

des

mers peut

sommet des montagnes. C'est de lui, non Grand ni de Thémon, que Cardan s'est inspiré.

sourdre au le

cette

appel à la chaleur du sol et à la

fait

distillation qu'elle produit.

les

et c'est

la terre,

hypothèse qu'ils avaient

mêmes

dont

l'eau

Lors donc que Cardan a rédigé ses Vingt Subtilité,

il

a

fait

et

un

d'Albert

livres

sur

la

de larges emprunts au trésor de pensées

accumulé par Léonard de Vinci;

il

a continué d'y puiser, soit

lorsqu'il s'est

proposé de rendre son ouvrage plus complet,

soit lorsqu'il a

voulu

le

défendre contre

César Scaliger. Réflexions sur

remarques sur et

la figure

les attaques

peinture et sur

la

de Jules

les couleurs,

des eaux, considérations sur l'érosion

sur les soulèvements du sol, explication de la formation des

I.

Vide s\lpra

:

\,

Thémon

le

fih du

f

.lui

cl

Léonard de

\inci. \,


LÉONA.KD DE VINCI, CAIU)A.\ LT BEUNAUD PALISSY fossiles, théorie

SublUUate,

21^5

sur l'origine des fleuves, tout cela porte, au De

marque indéniable du Vinci; Cardan, sans doute,

la

y a mis du sien; mais, bien souvent, il n'y a ajouté que les incohérences et les obscurités de son génie étrange et fumeux; à tel point que pour comprendre pleinement la pensée du célèbre astrologue,

qu'il a défigurée

grand peintre

On ne

nous faut parfois recourir à

il

en

la

la

note du

voulant reproduire.

s'étonnera plus maintenant de nous entendre affirmer,

comme nous

l'avons

fait ailleurs,

presque tout ce qu'il a tique et la

au De

écrit,

Dynamique.

que Cardan doit à Léonard Subtilitate,

touchant

Si l'on voulait prétendre

la Sta-

que l'analogie

entre la Mécanique de Cardan et la Mécanique de Léonard résulte d'une coïncidence toute fortuite,

autant des rapprochements,

avons signalés entre serait

vraiment

nous aurions

le

De

nombreux

si

faudrait en dire

et si variés,

Sabtilitate et les notes

de nous écrier

que nous

du Vinci. Ce

au hasard; avec Pascal,

faire la part trop belle

le droit

il

:

«

Les dés sont pipés.

»

IV

La formation des fossu.es selon Bernard Palissy. Les pensées

que Cardan avait empruntées à Léonard de

Vinci ne sont pas demeurées inaperçues ou méconnues, dans les écrits

du médecin milanais

;

la

vogue extraordinaire des

Livres de la Subtilité les a signalées à l'attention d'une foule de

savants

ont

;

fait

ceux-ci les ont reprises

produire

C'est surtout

du

livre

Richard

de le

les

et,

par leurs méditations, leur

découvertes dont elles étaient grosses.

en France que

se

peut remarquer cette influence

Cardan, influence que

la

traduction

Blanc a puissamment secondée;

et,

par

par

faite là,

il

se

trouve que Léonard de Vinci a grandement contribué à l'éveil

de la Science française.

Mécanique nous fournirait bien des argul'appui de cette assertion; nous n'en citerons qu'un.

L'histoire de la

ments

à

Depuis François Arago, on

sait quelle place

de choix

il

con-


ÉTUDES SUU LÉONARD DE

240

YliNCI

vient d'attribuer, parmi les inventeurs de la

machine

à vapeur,

Salomon de Caux ou de Caus. Salomon sur cette de Caus fonde toute sa Mécanique industrielle En aucune machine, le travail résistant ne grande vérité peut excéder le travail moteur. Mais si Salomon de Caus a créé le mot travail, il n'a créé ni l'idée que ce mot représente, ni le principe fécond dont cette idée est un terme il les a empruntés au seul mécanicien moderne dont il cite le nom, à Cardan; et Cardan les tenait de Léonard. Lors donc que nous remonà l'ingénieur français

:

;

tons jusqu'à l'origine des théories qui régissent la Mécanique industrielle,

nous

les

voyons naître de ce que Cardan a pris

au Vinci. Il

en

est

même

de

de

la Paléontologie.

Nul, en France, ne paraît avoir affirmé l'origine organique

des

fossiles

avant ce potier de génie

qui a

nom

Bernard

Palissy.

imprimée en i563% que Palissy reconnaît, en examinant les coquilles pétrifiées dont abonde la Saintonge, que ces pierres curieuses sont les restes d'animaux qui ont vécu en ces lieux. Laissons-le nous conter^ dans sa Recepte

C'est

sa découverte ((

véritable,

:

Sur toutes choses qui m'ont

terre produisoit

fait

croire et entendre que la

ordinairement des pierres,

j'ay trouvé plusieurs fois des pierres, qu'en

eust

les

pu rompre,

il

se trouvoit des

coquilles estoyent de pierre plus dure que

c'a esté

parce que

quelque part qu'on

coquilles, lesquelles

non pas

le résidu,

1. Les raisons des forces mouvantes avec diverses machines tant utilles que plaisantes ans quelles sont adioint s plusieurs desseings de grotes et fontaines, par Salomon de Caus, Ingénieur et architecte de son Altesse Pal.'>tine Électorale. A Francfort, en la boutique do Jean Norton, iGi5. Cf. P. Duhem, Les origines de la Statique, t. I, p. 290,

Paris, 1905. les hommes de France pourront apprendre à mulaugmenter leurs thrésors Jtem ceux qui n'ont jamais eu cognoissance des lettres pourront apprendre une philosophie nécessaire à tous les habitans de la terre... Composé par Maître Bernard Palissy, ouvrier de terre, et inventeur des rustiques fîgulincs du Roy et de Monseigneur le Duc de Monlmorancy, pair et connestable de France, demeurant en la ville de Xainctes, A la Rochelle, De l'imprimerie de Barthélémy Berton, MDLXllI. Cet écrit est reproduit dans les diverses éditions des œuvres de Bernard Palissy dont la plus récente a le titre sui\ant Les œuvres de Maistre Bernard Palissy. Nouvelle édition, nnue sur les textes originaux par B. Fillon, avec une notice historique, bibliographif[ue et iconolog-ique par Louis Audiat. Niort, 1888. Nos renvois se rapportent à cette édition. 3. Les œuvres de Maistre Bernard Palissy, éd. 1888, t. I, pp. ^7 sqq. 2.

Recepte véritable par laquelle tous

tiplier et

:


LÉONAKD DE

qui a esté

la

cause que je

qui pouvoit estre

tourmenté

'J^'

débatu en

et

contempler

et

cause de cela... à baisser la teste le

long de

cause de cela,

pensay dès

et,

chose que je crois encore à présent

lors,

d'autres fois quelque habitation, et ceux qui toient, après qu'ils avoient la coquille, ils

mangé

le

pour

il

y a eu

lors y habi-

poisson qui estoit dedens

jettoyent les dites coquilles dedens cette vallée,

ledit

esloit

mon

estant en ce travail

m'asseure qu'il est véritable, que près dudit fossé

et

mon

de ne voir rien qui m'empeschast d'imaginer

fin

qui pourroit estre la d'esprit, je

suis

moyen et commençay

le

Et dès lors je

chemin, à

me

de plusieurs jours, pour admirer

esprit, l'espace

))

CAKDAN ET BERNARD PALISSY

VINCI,

fossé,

et,

par succession de temps, lesdites

coquilles s'estoyent dissoutes en la terre, et aussi la terre de ce

bourbier

s'estoit

terre fine,

modifiée, et les saletez pourries et réduites en

comme

terre argileuse, et ainsi lesdites coquilles se

venoyent à dissoudre sel desdites coquilles

et la

et liquéfier, et la

vertu et substance du

faisoyent attraction de la terre prochaine

réduisoyent en pierre avec soy; toutesfois, parce que coquilles tenoyent plus de sel en soy qu'elles n'en

lesdites

à la terre, elles se congeloyent d'une congélation

donnoyent

beaucoup plus dure que non pas la terre, mais l'une et l'autre se réduisoyent en pierre, sans que lesdites coquilles perdissent leur forme.

Oh!

comme

il

»

convient d'accueillir avec méfiance

le récit

de

l'inventeur lorsqu'il nous conte la genèse de ses découvertes

Avec complaisance, ses

il

nous

fait

descendre en

propres méditations; mais, trop souvent,

profondeur de

la il

!

oublie de nous

dire quelle lecture a fait jaillir l'étincelle qui a illuminé ces

ténèbres.

Dans

les

dialogues par lesquels

Bernard Palissy prend volontiers

il

le

nous expose visage de

«

ses opinions, la

qui tire toutes ses connaissances de l'observation

Practique ;

il

»

persifle

Théorique», gonflée d'une science ridicule que lui ont donnée de gros livres, écrits en latin. Il nous peint les « la

tourments des fossiles

et ;

débats de son esprit cherchant à deviner l'origine il

que ces tourments et débats eut ouvert Les livres de Hiérome Car-

omet de nous

prirent fin après qu'il

dire


ETUDES SLR LEONARD DE

248

VllNCl

danus, traduits par Richard le Blanc,

passage suivant

Conchites

«

^

et

y eût lu

qu'il

le

:

semblance d'une coquille, de rides

est dit à la

courbées, décoré d'armature jaune.

11

est

un

autre genre de

marbre blanc, mol, auquel coustumièrement sont trouvées les écailles des coquilles au lems passé on n'en trouvoit aucune part, sinon en la ville Megara, conchites, qui est espèce de

:

comme

Pausanias témoigne. Et ceci est un certain indice, que

mer

la

auparavant couvert

avoit

Megara. Car

long tems,

les

sous

et

quand

coquilles,

est

située

sont de

elles

deviennent pierres en plusieurs liens entre

elles

les rochers,

écailles des

région

la

muée. Pourquoi

la

c'est

terre, la

forme retenue,

qu'aucune de ces pierres sont munies

d'armatures dorées ou argentées, saline en est cause

:

substance

la

car

le

sel

de quelque pure portion du

matière qui n'est sans

la

resplendit sel.

:

et elles

sont faites

Celles qui sont faites des

coquilles sont composées de quelque portion salée

:

et cette

portion jelée extérieurement au grand froid du lieu, elle

une armature, pource que que

la

la partie

aqueuse

reluit. Et

matière aqueuse est meslée à la terre subtile;

fait

pourtant elle n'est

consumée. Aucunes de ces choses sont de nature provide, regardante à certaine perpétuel.

Que

ce

fin

:

et

aucunes sont argument de monde

»

passage de Cardan

ait

suggéré à Bernard Palissy

sa théorie de la fossilisation, la chose est tout d'abord évi

dente; ces deux auteurs attribuent l'un et l'autre l'armature solide et brillante des coquilles pétrifiées a la substance saline

que ces coquilles renfermaient

un

tel

et qu'elles

accord en une supposition

si

du hasard. Bernard Palissy, il point, et d'une manière fâcheuse,

l'effet

ont rejetée au dehors

;

étrange ne saurait être

est vrai, a la

modifié en un

doctrine de Cardan

;

celui-ci voyait dans les fossiles les témoins de l'antique pré-

sence de la

regarde se

mer aux

comme

lieux maintenant émergés; celui-là les

des débris de la cuisine humaine; en quoi

montre singulièrement naïf I.

Les livres de

p. i5i, verso.

et

mal

il

inspiré.

Hiérome Cardanus... traduits par

Ricliard le Blanc, éd.

i55G;


LÉONARD DE

CARDAN ET BERNARD PALISSY

VIJNGI,

'2l\()

Bernard

D'ailleurs, en parcourant soit la Recepte véritable de Palissy, soit ses Discours admirables

^ ^

nous aurions occasion

de noter maint passage où l'Inventeur des rustiques figulines

du

inspiré

s'est

Cardan y

livre

de Cardan; non pas, cependant, que

nommé;

soit

au

auteur moderne dont on emprunte

que pour

on ne

xvi" siècle, les

opinions; on ne

contredire Cardan; pour

si

il

nous

contredire,

le

souvent avait puisé sa soi-disant

Or

j'ay

mer des

vu

la

homme

faute

si

livre traité

il

nombre de

des montagnes et

une

C'est

».

»,

au

de ces discours qui :

que Cardan avoit de

la

fait

coquilles pétrifiées jusqu'au

mesme dans

impri-

cause pourquoy

les rochers.

il

se

sommet

Je fus fort aise de

lourde pour avoir occasion de contredire un

tant estimé; d'autre costé j'étois fasché de ce

livres des autres

le

Théorique

Practique

à celui

en

et,

Practique.

un

autrefois

Subtilitez,

trouve grand

voir

«

Des pierres, que nous empruntons ce dialogue ^

«

»

«

besoin de

le

l'a cité;

il

a révélé la source, produite par

huitième de ses Discours admirables, traite

le cite

le réfuter.

Fort heureusement, Bernard Palissy a éprouvé

citant,

guère un

cite

que

les

philosophes n'estoyent traduits en françois,

comme cestuy là, pour voir si d'aventure j'eusse pu contredire, comme je contredis à Cardan sur le fait des coquilles lapifiées. ))

Et

»

1

des

.

Théorique.

comment? Voudrois-tu

Discours admirables de

métaux, des

la

contredire à

nature des eaux

et

un

tel

sçavant per

fontaines tant naturelles qu'artificielles, du feu et des émaux, avec plusieurs

sels et salines, des pierres, des terres,

autres excellens secrets des choses naturelles, plus un traité de la marne fort utile et nécessaire pour ceux qui se niellent de l'agriculture, le tout dressé par dialogues es quels sont

par M. Bernard Palissy, Inventeur des rustiques de la Royne sa mère. A très haut et puissant sieur le Sire Anthoine de Ponts, Chevalier des Ordres du Roy, Capitaine des Cents Gentilshommes et Conseiller très fidèle de Sa Majesté. A Paris, chez Martin le Jeune, à l'enseigne du Serpent, devant le Collège de Cambray, i58o. Les œuvres de Maistre Bernard Palissy, éd. Fillon et Audiat, t. II. 2. Les œuvres de Maistre Bernard Palissy, éd. Fillon et Audiat, t. II, pp. i6o sqq. introduits la Théorique et la Practique,

figulines

du Roy

et


ÉTUDES SUR LÉONARD DE VINCI

25o

sonnage, toy qui n'es rien? Nous sçavons que Cardan est

un médecin fameux,

lequel a régenté à Tolette, et qui a

com-

posé plusieurs livres en langue latine. Et toy, qui n'as que la

langue de

mère, en quoy est-ce que tu

ta

voudrois

le

contredire? ))

En

»

ce

a

qu'il

Practique. que

dit

estoyent esparses par l'univers, es jours

du Déluge, lorsque

montaignes,

hautes

terre,

la

l'univers, laissa

sont

poissons de

les

que

et

poissons,

les

en

réduits

sentence

la

et

la

mer

Pour

de M.

croire

que

la vérité

ne

Si est ce

eaux surmontèrent

plus

les

eaux couvroyent toute

les

mer

les

dilatoyent

se

par

tout

portans

poissons

elle

coquille

forme.

Voilà

se la

Cardan.

fort belle raison, et je

ne sçaurois

soit telle.

»

»

mer

Théorique.

une

certain, voilà

estoyent venues de la

sans changer de

pierre

»

»

qui

estant retirée en ses limites, les

et

l'opinion

pétrifiées,

comme

et,

coquilles

les

Practique.

me

que tu n'as garde de

faire croire

une

telle

bavasse... »

Si

Cardan eust regardé

le

livre

de

la

Genèse,

il

eust parlé

Moyse rend tesmoignage qu'es jours du Déluge les abymes et ventailles du ciel furent ouvertes et pleut l'espace de quarante jours, lesquelles pluyes et abymes autrement, car

amenèrent la

les

eaux sus

la terre, et

non pas

le

desbordement de

mer. »

»

Théorique.

Mais d'où voudrois tu donc dire

dedans escrit?

les pierres, si ce n'est

par

le

la

cause de ces coquilles

moyen que Cardanus

a


LÉONARD DE

»

pétrifiées qui

trouvent en

le

grand nombre de coquilles

la terre, tu

connoistrois que

la

ne produit guères moins de poissons portans coquille

terre

que

se

aSl

Practique.

bien considéré

Si tu avois

»

CARDAN Eï BERNARD PALISSY

VllNCl,

mer, comprenant en

la

icelle

les

fontaines et

rivières,

ruisseaux. L'on voit aux estangs et ruisseaux plusieurs espè-

de moules,

ces

quand y

il

et

quelque

a

poissons portant coquilles,

que,

en

icelle

sont gettées à terre,

coquilles

dites

les

autres

semence

salcitive,

elles

si

viendront

se

à

pétrifier... »

Par quoy je maintiens que

les

poissons armez,

et lesquels

sont pétrifiez en plusieurs carrières, ont esté engendrez sur

mesme, pendant que

le lieu

de

et

rochers n'estoyent que de l'eau

les

depuis ont esté pétrifiez avec lesdits

la vase, lesquels

poissons... »

»

Théorique.

Par ce propos tu n'as rien

fait

contre l'opinion de Cardan,

car tu n'as pas dit la cause de la pétrification des coquilles.

»

»

Aucunes ont

poisson

esté jetées

estant en

et,

Practique. en

la terre,

après avoir

mangé

par leur vertu salsitive ont

terre,

le

fait

attraction d'un sel génératif, qui, estant joinct avec eeluy de la

coquille en quelque lieu

aqueux ou humide,

dites matières estant jointes à ce pétrifié

la

la raison, et

le

regret

le plaisir qu'il ressentait à

qu'il

à

la

ne faut pas

controverse;

la

il

pensée d'autrui

latin. et

n'a

contredire Cardan, n^

éprouvait de ne pouvoir contester avec

philosophes qui ont écrit en

combattre

et

»

Assurément, Bernard Palissy aimait dissimulé ni

des

corps mixte ont endurcy

masse principale. Voilà

que tu en cherches d'autres.

l'affinité

Ce

désir

immodéré de

d'en triompher

imaginer de toutes pièces une théorie qui

les

l'a

conduit

fût aisée à réfuter


20-2

ETUDES SUR LEONAUI) DE VINCI

et à la prêter très

gratuitement au médecin milanais, qui n'en

avait soufflé mot. est

Il

pris les

Palissy,

Selon

recueille,

les

pour

fossiles

les

Bernard

d'antiques repas.

reliefs

coquilles pétrifiées témoignent que les terres

lui, les

on

011

comme

bien vrai que Cardan n'a point,

émergées aujourd'hui,

jadis sous les flots;

mais

insinué que ces

fussent ceux

flots

n'a point dit,

il

sont trouvées

se

même

n'a

il

du déluge biblique;

point

ne

il

le

pensait sans doute point,

et,

vraisemblablement, à l'imitation

d'Aristote et de Léonard,

il

admettait qu'au cours des temps,

océans

les

et

continents avaient lentement changé de

les

place. D'ailleurs,

Genèse nous a conté,

la

peu question aux Livres de

fort fait

du déluge que

une vague

De

donc

ce

est

à peine y est-il

la Subtilité;

douteuse allusion. Discourant des grandeurs

et

relatives de la terre et de l'eau, «

il

il

est

Cardan expose

manifeste

comment

ces

remarques

^

:

sont faites les inon-

dations que coustumièrement on appelle déluges. Car entendu

que si

l'eau est petite de nature, et

elle s'enfle

tems

quelque peu,

elle

mise au dessus de

couvre

elle est retirée, car elle est petite,

Mais

si

elle

tant

estoit

la terre,

les liens bas, et

en bref

quoi qu'elle fût creue.

grande qu'elle

estimée, elle

estoit

requerroit une grande augmentation pour faire les déluges.

Pourtant jamais

les

déluges ne fussent venus

pu

fussent venus, difficilement eussent-ils

ils

et retirés,

que

le

non seulement par et

:

plusieurs mois. Mais,

au déluge dont

donner leurs, I.

verso.

écrit

le plaisir

révoqués

fois,

la

de

la

comme

récite

ains plusieurs

»

Cardan, n'attribue l'origine des

Bible nous a gardé

Bernard Palissy a imaginé

seul,

une

derechef en peu de mois sont cessés.

Rien donc, en ce qu'a fossiles

être

cachée sous l'eau par plusieurs

Plato, ces déluges n'ont esté seulement fois

quelquefois

genre humain n'eust esté totalement esteint

et aboli; et la terre eust esté

ans,

et si

:

cette

le

hypothèse

souvenir;

pour

combattre. Que l'on n'aille pas,

se

d'ail-

s'étonner extrêmement de ce procédé de polémique.

dardai», Les livres de

la Subtilité,

traduits par Richard

le

Rlanc. éd.

loôf),

p.

03,


LÉONARD DE

Au XM°

siècle,

«

CARDAN ET BERNARD PALISSY

VINCI,

ceux de

Religion

la

»

206

invoquer

se plaisaient à

Bible en des discussions dont la science profane avait seule

la

connu jusque-là; les

sur

c'est ainsi

que Luther

premiers adversaires que le

résoudre au

nom

de

la

Mélanchthon furent

système de Copernic rencontra

le

théologique;

terrain

et

les

premiers,

prétendirent

ils

Révélation les problèmes de Méca-

nique céleste que saint Thomas d'Aquin, Albert

le

Grand,

Albert de Saxe, Pierre d'Ailly, Prosdocimo de' Beldomandi, Nicolas de Gus, Gœlio Galcagnini, Gopernic

avaient traités

par la raison naturelle. G'est sans doute cette coutume qui entraîna Bernard Palissy en sa polémique contre Gardan. comptait-il sur cette polémique pour faire

Peut-être aussi

oublier ce qu'il devait aux Livres de

quelques idées justes qu'il émettait au sujet de des fossiles,

il

les avait tirées

les avait

en

la Subtililé;

effet, les

formation

la

empruntées à Cardan qui, lui-même,

des notes de Léonard. Ainsi, par cette suite de

larcins, les vérités

que

a la

Practique

avait enseignées

»

au

Vinci touchant les coquilles pétrifiées allaient se répandant

parmi

les

savants,

singulièrement amaigries

mais fécondes encore

et

défigurées,

et

capables de donner naissance à la

Paléontologie.

Gomme

Yillalpand,

comme

d'autres de ses contemporains.

en plagiant

les

idées

l'oubli; grâce à la

sema partout,

et

Cardan

fut

un

de Léonard de Vinci,

grande vogue de son

son

comme

Bernardino Baldi,

manque de

découvertes dont elles portaient

les

pensées humaines

fait servir

plus tristes faiblesses des savants.

plagiaire; mais les

il

le

sauva de

livre étrange,

scrupules leur

les

tant

fit

il

les

produire

germe. Celui qui mène

au progrès de

la

Science les



VII

LA SCIENTIA DE PONDERIBUS ET

LÉONARD DE VINCI



LA SCIENTIA DE PONDERIBUS ET

LÉONARD DE VINCI

I

TROUVENT LES PREMIÈRES PENSÉES DE LÉONARD

SE

SUR LA RÉSISTANCE DES MATÉRIAUX.

Léonard de Vinci musicien

énuméré

après avoir tait

Ludovic

à

qu'il écrivit

seulement peintre, sculpteur

était aussi architecte et

il

;

n'était pas

ces motsï

:

«

le

More pour

ingénieur. lui

En

la lettre

services,

offrir ses

divers projets de génie militaire,

En temps de

et

paix, je crois pouvoir

il

ajou-

donner

complète, à l'égal de n'importe qui, en matière

satisfaction

d'architecture, dans la composition des édifices tant publics

que privés, autre.

et

pour conduire

eaux d'un endroit à un

les

»

Aucun

édifice

s'attribuait

;

important ne témoigne du talent que Léonard

mais

les

notes manuscrites qu'il a laissées abondent

en projets de palais, d'églises, de mausolées, certains

d'ajouter

Hanté par des visions

un

fleuron à sa couronne artistique.

d'édifices

;

préoccupé sans cesse des

selon lesquelles les forces s'équilibrent; soucieux, plus

qu'aucun

artiste

ne

l'a

jamais

été,

sciences projettent sur les arts,

î.

beauté de

de ces projets nous assure que l'occasion seule a

manqué au Vinci lois

et la

Eug. \tûntz, Léonard de p.

DUHEM.

des lumières que les diverses

Léonard devait nécessairement

Vinci, p. i4ii ty


ÉTUDES SLR LÉONAUD DE VlNCI

258

rechercher quels secours l'Architecture peut tique;

tirer

de la Sta-

devait, de tous ses efforts, tendre à la constitution

il

d'une théorie de la résistance des matériaux.

De

nous trouvons mainte

ces efforts,

trace

parmi ces notes

qui nous permettent de suivre pas à pas quelques-unes des

méditations du grand peintre.

que Venturi

a

marqué de

Bibliothèque de

En

particulier,

la lettre A, et

le

manuscrit

qui est conservé à la

renferme un grand nombre de

l'Institut,

réflexions sur la flexion des poutres, sur la poussée des arcs en

plein ceintre et en ogive, sur les

rupture.

De

ces réflexions,

moyens propres

à en éviter la

nous avons touché quelques mots',

tout en signalant les emprunts que Bernardino Baldi paraît

avoir contractés à leur égard.

Texamen des nombreuses remarques sur

Toutefois,

stance des matériaux que nous présente

des questions intéressantes dont tion.

De

il

le

cahier

A

la rési-

pose bien

ne nous donne pas

la solu-

quel principe les diverses propositions formulées par

Léonard ont-elles

été tirées?

de Statique alors connues,

amené

a-t-il été

et

Ce principe

se relie-t-il

par quel lien?

aux

lois

Comment Léonard

à le concevoir.'^ Autant de problèmes à la solu-

tion desquels les fragments exposés sous nos yeux incitent notre curiosité, sans lui fournir les

Visiblement, au

moyens propres

moment où Léonard

du cahier A de son

à les résoudre.

couvrait les feuillets

écriture renversée et de ses croquis, sa

théorie de la résistance des matériaux avait déjà reçu, en son esprit,

une forme aux contours

première ébauche, pour développée,

s'est

il

saisir le

nous

faut

Pour en trouver

arrêtés.

germe

la

à partir duquel elle

assurément étudier quelque

manuscrit plus ancien. Il

la

nous

a

semblé que l'on surprenait, en son principe même,

doctrine que Léonard de Vinci développera plus tard au

sujet de la flexion des poutres et de la solidité des arcs, lorsque

l'on feuilletait le

manuscrit conservé dans

la

bibliothèque du

prince Trivulzio^. Jll, Léonard de Vinci et Bernardino Baldi, IIIj p. loG. Cod/ce di Leonardo da Vinci nella biblioteca dcl Principe Trivuhio in Milano, Irascritlo edannotato da Lucaliellranii riprodutto in g'i lavolc clioiiralirlio da An^iclc I.

Vide supra

:

2. /i

;

.lolla

Croco. Milano,

MDCCCXCI

;

lUrito llocpli. (dKorc.


LA SCIEÎSTIA DE PONDERIBUS ET LEONARD DE VINCI

La lecture des notes,

très brèves

pour

la

plupart, qui

sent ce manuscrit, nous montre, en outre,

Léonard avait puisé per;

au

cette

nous

nous

source,

au plus

siècle

xni''

les idées

en un

trouvons

la

à

de dévelop-

composé,

écrit

un géomètre dont

tard, par

compo-

quelle source

se proposait

qu'il

2^^

le

inconnu.

est

Que Léonard

ait

emprunté

à cet auteur le principe de sa

théorie de la résistance des matériaux, cela n'est point

peintre et

paru assez

ayons proposé Vinci;

pour

du grand la Statique de ce mécanicien inconnu nous ont nombreuses et assez saisissantes pour que nous

nous étonner. Déjà,

de

nom

^

de

les analogies entre la Statique

nommer

mais nulle part

celui-ci le Précurseur de le

Léonard

contact entre Léonard et son

Précurseur n'apparaît plus intime, plus aisément reconnaissable,

qu'en ces courtes réflexions sur

au Codice

la

Mécanique consignées

Trivulzio.

II

Les AucroHEs de Ponderibus et le Précurseur de Léonard.

Le Précurseur de Léonard de Vinci

De ponderibus. Au Moyen- Age,

la

Mécanique

est l'auteur

d'un

sollicite les efforts

méthodes par lesquelles mêmes, en général, pour Tune

catégories de penseurs, et les traitée

ne sont pas

l'autre de ces

Cœlo

lorsqu'ils et

de deux elle est

et

pour

deux catégories.

D'une part, en sités,

les

traité

eiîet,

nous voyons

commentent

la

les Maîtres des

Physica ausculiatio ou le De

Mundo, développer, au sujet de Léquilibre

vement des poids, des doctrines

Univer-

et

du mou-

qu'ils rattachent à la philoso-

phie péripatéticienne. D'autre part, avant que les universités

ou bien après leur création, mais hors de leur discipline, des géomètres développent une Science des poids qui n'emprunte presque rien à la Physique de l'Ecole.

fussent créées,

I.

P.

Duheni, Les orujines de

la

Statique,

l.

1,

p. io4;

Pai'iï>,

Hjêô.


ÉTUDES SUR LEONARD DE VINCI

aOo

domaine peu étendu, mais

Cette science indépendante, au

nettement délimité, ne demeurait point inconnue, d'ailleurs, de ceux qui avaient étudié

déclare

^

qu'elle

«

ribus ; c'est

Physique scolastique. En 1267,

pour manifester

Bacon,

Roger

la

permet de comprendre

une science

de

l'utilité

».

Cent ans plus

Quatorze questions par lesquelles

il

ponde-

pour ceux

difficile

qui n'ont pas expérimenté les causes des

corps pesants ou légers

Géométrie,

la Scientia de

mais trop

fort belle,

la

mouvements

en l'une des

tard,

commente

des

le

Traité de la

Sphère de Jean de Sacro-Bosco (John of Holywood), Pierre d'Ailly,

ébauchant une classification des sciences, marque ^

place que doit occuper, selon lui,

le

la

Tractatus de ponderibus.

Les philosophes de l'École, d'ailleurs, ne se contentaient pas

de connaître la Science des poids; entre cette science doctrines qu'ils professaient,

chements; tantôt

ils

ils

faisaient parfois des rappro-

invoquaient à l'appui de leurs doctrines

des propositions empruntées aux traités De ponderibus interprétaient selon les principes

ils

les

et

axiomes qu'invoquaient ces

de

leur

traités. C'est ainsi

;

tantôt

Physique

les

qu'au xiv^ siècle

Albert de Saxe^^ et son disciple Marsile d'Inghen^' mentionnent écrits

les

relatifs à la

Science des poids. Parfois

même,

les

ne dédaignaient point de

maîtres de la Faculté des Arts

s'adonner à cette science; Biagio Pelacani, dit Biaise de Parme, qui enseigna avec éclat, à la fin du

de Paris, de Padoue

et

xiv'' siècle,

aux Universités

de Parme, nous a laissé un

traité

De

ponderibus^.

Les maîtres péripatéticiens et les géomètres qui s'adonnaient à la Scientia de ponderibus ont, les

grandement au progrès de I.

la

uns

et les autres,

Statique.

A

contribué

ceux-ci

on

doit

Miuormn, Opus majus ad Clemcnlrm Quartum, Roinanum. Ex M. S. Codice Dubliiiieiisi, cuin aliis quibusdum collalo, mine cdidit S. Jcbb, M. D., Londini, lypis Guliclmi Bowycr, MDCGXXXIII.

Fralris Rogeri Bacon, ordinis

Pontijicein

primam Pars IV,

dist. IV, cap.

XV,

p. io5.

de Aliaco, Episcopi Gameracensis, XIV Quasstioncs in Sphœram Johannis de Sacro-Bosco ; Quiestio I. (Gel écrit a ou de très iiombreuses éditions.) 3. Qaœstiones subtilissiniœ Alberli de Saxonia in libros de Cœlo et Manda; Libri 3.

III,

Pelri Cardinalis

qua^st. f\.

II

et III

;

Venetiis, 1/192.

Qiiœstiones subtilissirnœ

Johannis Marcilii Inguen super oclo

secunduni nominalium viani; circa libriini IV quiest. VIII et XI; P. Duliem, f.es origines de la Statique, t. T, p. l'iy; igoB. .').

libros Pfiysiconnn,

Lugdnni,

i5i8.


LA SGIENTIA DE PONDERIBUS ET LEONARD DE VINCI

dont Descartes

attribuer ce principe, verselle puissance

Ce qui peut élever an certain poids à une

:

fois moindre.

K.

axiome que

cet

déductions

pour

aurait

Torricelli

Un système

:

faut bien

titres

Jois plus

grand à

prendra pour point de départ de de gravité.

science par ces deux Écoles leur

la

égaux à notre reconnaissance

que ceux à qui

ses

en équilibre lorsque tout dérangement

est

Les services rendus à

K

Ceux-là ont, peu à peu, formulé

effet d'en élever le centre

donnent des

reconnaître l'uni-

fera

certaine hauteur peut aussi élever un poids

une hauteur

2G1

cette

;

mais

s'en

il

reconnaissance est due nous

soient de part et d'autre également connus.

Parmi

les

maîtres dont l'enseignement a développé au sein

des Universités la doctrine péripatéticienne de la gravité,

dont l'histoire nous a gardé

est

Pierre d'Ailly sont de ce

le

nombre. D'autres, parmi

les

plus

cependant

;

les

Universités nous ont conservé quelques traces

registres des

et

de leurs enseignements; ainsi en est- il pour

Thémon

Albert de Saxe, pour

Au

en

souvenir; Marsile d'inglien,

grands, ont été victimes d'un injuste oubli

de leur vie

il

le fils

du

Juif.

nous ignorons presque tout des géomètres qui l'École De ponderibus. La plupart du temps, les

contraire,

ont illustré

Scolastiques qui les citent les désignent, d'une manière collective et

anonyme par

ces

mots

de ponderibus Seuls les deux .

sont parfois mentionnés.

Nemore sont également

les

même comme de un

texte

auteurs des poids, auctores

les

noms d'Archimède

Euclide,

noms

manuscrits où se conserve récrit attribué à

:

la

et

de Jordanus

Archimède, Jordanus de

qui figurent en tête des textes Scientia de ponderibus;

Archimède n'est sûrement pas de est donné tantôt comme d'Euclide

Jordanus; mais

trois traités

lui;

mais mais

et tantôt

absolument disparates

réclament de Jordanus de Nemore.

se

Nous nous sommes

efforcé de mettre

un peu

d'ordre dans ce

chaos. Qu'il nous soit permis de rappeler en quelques mots les

conclusions auxquelles nous nous

Parmi

I.

p.

les traités

Duhem,

sommes

arrêtée

dont usait l'École de Jordanus,

Les origines de

la

Statique,

t. I,

il

en est qui

ch. V, VI et VII; Paris, igoS.


ÉTUDES SUR LEONARD DE YINCl

>.C)2

provenaient assurément de

hellène, bien qu'on ne

la science

puisse accepter sans réserves l'attribution que faisait à tel

De

ou

tel

Moyen-Age en

le

géomètre grec.

ou pour mieux dire de ces fragments, deux attribués à Euclide. Le premier, intitulé De levi et pon-

ces traités,

étaient

deroso

posait avec

libellas,

Dynamique

une grande

du

traitait

des principes de

levier.

Un fragment

«ur

se prolongeait

plet,

la

péripatéticienne. Le second, le Liber de poiideribus

secundum terminorum circumferentiam, la théorie

axiomes de

netteté les

les

poids spécifiques, aujourd'hui incom-

vraisemblablement par une description

de l'aréomètre; toujours on l'attribuait à Archimède

les prin-

;

cipes sur lesquels repose ce petit traité d'Hydrostatique sont,

cependant, contraires à ceux d'Archimède; bien plutôt, l'auteur de cet écrit semble s'être efforcé de déduire d'une Physique

voisine de celle d'Aristote les lois découvertes par Archimède.

A

ces traités d'origine hellénique joignons

écrit sur la

balance romaine,

le traité

De

un

élégant petit

composé

canonio,

un géomètre du nom de Charistion. Un commentaire, ou mieux une introduction au livre de Charistion, œuvre du célèbre astronome Thâbit-ibn-Kurrah, représente l'apport de la Science musulmane à la doctrine De ponderibus. sans doute par

Sur

cette

mince alluvion de Science hellène

et

de Science

musulmane, la Science occidentale commença de bâtir. Dès le début du xn!*" siècle, à coup sûr, et probablement avant cette époque,

elle avait jeté les

premiers fondements d'un édifice qui

ne devait plus cesser de grandir

et

de s'étendre.

de génie, dont nous ignorons tout, sauf Statique des temps

modernes en un

d'introduction au traité

le

Un géomètre

nom, inaugura

la

petit écrit destiné à servir

De canonio; en

cet écrit,

il

créait la

notion de gravité secundum situm, Jordanus de Nemore inventait la

ver la

méthode des travaux virtuels loi d'équilibre du levier.

et s'en servait

pour prou-

Le renom de Jordanus étouffa celui que certains de ses disciples eussent mérité d'acquérir.

tique que composèrent les auteurs

Parmi

les

traités

du De ponderibus

et

de Sta-

que

les


LA SGIILM'IA

du xnV

scribes

PONDKKI MUS ET l-KONAKD UE Vl^Gl

\)E

siècle

nous conservèrent,

soit attribué à

du

texte qui, visiblement, fut le

raisonnable de regarder

deux autres

germe des autres

comme

l'œuvre du chef d'École,

écrits est

l'œuvre d'un philosophe, fort

peu géomètre, qui cherche à rattacher nus aux principes de

les doctrines

de Jordanus

et

de Jorda-

Physique d'Aristote. C'est sans doute

la

que Roger Bacon

à ce péripatéticien «

traités et qu'il

écrits sollicitent notre attention.

Le premier de ces

parlait

n'en est aucun qui

Jordanus de Nemore. Et cependant, à côté

ne

est

il

T-iO.'^

faisait allusion lorsqu'il

de son commentateur

»

L'œuvre de ce

.

commentateur fut comprise dans la rhapsodie qu'au xvi*^ siècle Pierre Apian donna comme représentant le Traité des poids ^

de Jordanus. Si l'écrit

du Commentateur

dépourvu de toute valeur d'un autre traité que aussi, à Jordanus.

péripatéticien de Jordanus est

scientifique,

les scribes

Œuvre

du

il

n'en est pas de

xni^ siècle attribuent, lui

d'un géomètre habile, ce

ferme quelques-unes des découvertes

les

par des démonstrations dont la rigueur

aux méthodes de

la

traité ren-

plus fécondes qui

aient été faites en Statique; et ces découvertes,

à envier

même

il

et l'élégance

les justifie

n'ont rien

Géométrie grecque. Le principe

des travaux virtuels dont Jordanus avait tiré la loi d'équilibre

du

levier droit sert,

libre

du

dans cet ouvrage, à prouver

la loi d'équi-

un procédé d'une extrême également une solution irréprochable

levier coudé, et cela par

ingéniosité

;

il

fournit

du problème du plan incliné, solution par laquelle l'auteur inconnu de ce traité De poiideribus acquiert à la reconnaissance des mécaniciens des titres comparables à ceux d'Archimède. C'est cet auteur

que nous avons

nommé

le

Précurseur de

Léonard de Vinci. Les textes manuscrits^ divisent son traité en quatres livres.

I. Liber Jordani Nemorarii, viri clarissimi, de pondèrihus propositiones XIII et eariimdem demonstratlones, maltarumqae rerum raliones sane pulcherrimas complectens,

in lucem editus, cum gratia et privilégie imperiali, Petro Apiano, mathematico Ingolstadiano, ad XXX annos concesso. MDXXXIII.

nunc

La Bibliothèque nationale possède deux de ces textes, tous deux du xiii* siècle; trouvent dans les manuscrits 7878 A et 858o (A fonds latin). Tartaglia, dans ses Qiiesiti et inventioni diverse, Aysiit impudemmeni lilagié ce traité; il en légua le texte ->..

ils se


ÉTUDES SUR LÉONARD DE VINCI

264

Les trois premiers sont seuls consacrés à

ment

dite.

Le quatrième

traite

à la Science de

propre-

de questions fort diverses,

que nous rapporterions aujourd'hui drostatique,

la Statique

à la

l'élasticité.

Dynamique, C'est en

à l'Hy-

lisant ce

quatrième livre que Léonard conçut ses premières pensées sur la résistance des matériaux.

III

Une remarque de Léonard a propos du levier et du La plupart des pensées le

treuil.

Mécanique que renferme bibliothèque du prince Trivulzio

relatives à la

manuscrit conservé en

sont des notes jetées sur

la le

papier par Léonard, alors qu'il

lisait le traité

De ponderibus dont nous venons de parler;

se rapportent

presque toutes au quatrième livre de ce

parmi

les

propositions de ce quatrième livre,

ne soient, au Codice

Trivulzio^ l'objet

il

en

elles

traité;

peu qui

est

d'une remarque; celles

qui n'y sont point mentionnées se trouvent commentées en d'autres écrits de Léonard, particulièrement au cahier

Bibliothèque de l'Institut; ce cahier semble

comme un développement du

Codice

être,

Trivulzio;

E de

en

la

effet,

bon nombre

de pensées, simplement ébauchées en celui-ci, parviennent,

en

celui-là, à leur Il

est,

forme achevée.

toutefois,

un

du Codice

feuillet

Trivulzio^

dont

les

réflexions ne paraissent pas se rapporter au quatrième livre

du traité De ponderibus, mais du troisième livre.

à l'avant -dernière proposition

à son ami Curtius Trojanus, l'éditeur vénitien; celui-ci le publia'; mais, incapable de déchiffrer les abréviations dont avait fait usage le copiste du Moyen-Age, il présenta l'œuvre du disciple de Jordanus de la manière la plus fautive et la plus incompréhensible. L'importance de cet écrit pour l'histoire de la Mécanique a été signalée tout

d'abord par M. G. Vailati''. I. Léonard de Vinci, Codice Trivulzio,

fol.

26

r" (34).

a. Jordani Opusculum de ponderosiiate, Nicolai Tartaleae studio correctum et novis figuris auctum. Veneliis, apud Curtium Trojanum, MDLXV. h. G. Vailati, Il principio dei lavori virtuali, da Arisiotele a Erone d'Alessoudria (Accademia Reale délie Scieuze di Torino, Vol. XXXII, anno 1896-1897).


LA SCIENTIA DE PONDERIBUS ET LEONARD DE VINCI

265

Lorsqu'un poids pend à l'extrémité d'un bras de

pour

l'efTort qu'il faut faire

mesure que

fur et à

rapprocher de

le

maintenir soulevé diminue au de l'horizontale pour se

le levier s'éloigne

la verticale

;

en

le

effet,

sans cesse, de plus en plus

devient,

levier,

moment

petit.

de ce poids

Cette

remarque

n'échappe sans doute pas au fellah qui puise de l'eau au bord

du

ne

Nil; aussi l'Antiquité

de Héron d'Alexandrie

ment ou implicitement

et la

point ignorée;

l'a-t-elle

les écrits

de Pappus en supposent expliciteconnaissance.

mesure du moment d'un poids suspendu à l'extrémité d'un bras de levier oblique que le Précurseur de Léonard de Vinci consacre l'avant-dernière proposition de son C'est

à

la

troisième livre. Cette proposition, Quolibet ponderoso

secundum mensuram

l'énonce ainsi

il

ab

sequalitale^

:

ad directionem^

elevato,

omni positione pondus

sastinentis in

ipsius

determinari est possibile.

Le développement que l'auteur du De ponde ribus donne à

cette

non

seu-

proposition renferme des affirmations inacceptables,

lement en

l'édition

si

étrangement incorrecte de Curtius Tro-

janus, mais encore dans les textes manuscrits du

même

la grossièreté

de son

siècle

;

de ces erreurs nous assure qu'elles sont

l'œuvre de quelque copiste inintelligent tres parties

xiii''

;

d'autant qu'en d'au-

usé fort correctement de

traité l'auteur a

la

notion de moment.

La proposition que nous venons de citer

a

sûrement

Léonard

de

attiré

Vinci.

Au

l'attention feuillet

de

que

nous avons mentionné, deux dessins se trouvent tracés. res,

l'une

(flg.

i)

De ces deux a évidemment

figutrait

changement qu'éprouve le moment d'un poids pendu à l'extrémité au

d'un bras fort

I.

de

analogue à

= =

œqualitas

3. directio

la

levier

lorsqu'on

incline

FiG.

ce

celle qu'avait tracée l'auteur position horizontale.

la verticale.

levier;

I.

elle

est

du De ponderibus ;


m

KTIjDES SUU

l'autre (fig. 2) représente

deux poids inégaux

LEONARD OE VINCI

un

se tiennent en équilibre.

Auprès de ces deux figures «

La chose

qui,

par l'intermédiaire duquel

treuil

dans

se

trouve la réflexion que voici

la ligne

d'égalité,

:

trouvera plus

se

éloignée de son support ï, sera d'autant moins soutenue par ce

Fig.

support,

comme

Fig.

2.

cela est

3.

démontré ci-dessous, enMN.

même

Cette pensée est reprise par Léonard, en la

»

page, sous

quatre formes peu différentes. Contentons- nous d'en reproduire une, qui est la plus développée. Elle figure

quées

ffig.

3) d'une règle très inclinée et

les distances

se trouvent

la

mar-

des deux extrémités à la A^erticale du point

de suspension. Elle est ainsi libellée ((

accompagne

La partie de ce bâton qui

:

est la plus éloignée

de son sup-

port est moins soutenue par ce support; étant moins soutenue, elle

garde plus de liberté pour observer sa nature

est

pesante

et

que

la

nature

des

;

comme

choses pesantes

elle

désire

descendre, cette partie du bâton descendra plus vite qu'aucune autre partie.

»

La page que nous venons de

lire

suggère bien des remar-

ques.

En premier été le I.

germe qui

C'est-à-dire

grande.

lieu, les réflexions

:

a

dont

que nous venons de

donné naissance la distance à

citer onl

à la théorie delà résistance

sou support a une projection liorizonlale plus


LA SGIENTIA DE l'ONDERlBUS ET LEONARD DE VINCI

des matériaux développée par Léonard

nous

;

267

verrons tout

le

à l'heure.

En second avait sous les cette étude

Léonard a

lieu, si

yeux

le traité

écrit ces réflexions alors qu'il

de son Précurseur

ne nous permettra guère d'en

un

n'en sont pas moins conçues dans celui de la

Scientia

de ponderibas

Saxe

plutôt de celui d'Albert de

passage

^

où Albertutius critique que

siturn telle

la

doLitei'

et la

esprit qui

n'est point

Cet esprit procède bien

.

semble inspiré par ce

il

;

— suite de — ces réflexions

notion de gravité secandum

la présentaient les Auctores de

ponderibas

:

Nous devons déclarer qu'un grave ne désire pas plus descendre par une ligne que par une autre s'il descend par ((

;

telle

qué à »

non par telle autre, ou telle résistance...

ligne et telle

Mais, dira-t-on,

descendre par

voyons, en diculaire,

il

la

eflet,

il

cela tient à ce qu'il est appli-

semble bien qu'un grave désire plutôt

perpendiculaire que par une oblique; nous

que lorsqu'un grave descend par

est plus

soit le signe

la ligne

arrêter lorsqu'il descend

la

raison de cet

désir de descendre par

l'oblique; cet effet tient à ce

qu'il

efîet, est

plus

difficile à

suivant la verticale que lorsqu'il

descend obliquement; mais

moindre résistance

la

oblique.

Je réponds à cela qu'un grave, en

un plus grand

paraît bien

il

d'un désir plus grand à descendre par

perpendiculaire que par ))

perpen-

de l'arrêter ou d'empêcher sa

difficile

descente que lorsqu'il descend par une oblique;

que ce

la

que

le

la

effet n'est

verticale

que par

corps pesant éprouve une

descend verticalement que

lorsqu'il

point

lors-

descend obliquement, sur un plan incliné, par exemple;

moins facile d'empêcher le mouvement d'une puissance motrice donnée avec une moindre résistance qu'avec une résistance plus grande. » or,

il

est

La méthode par laquelle la

les

Auctores de ponderibas traitaient

Statique, forme première de notre

travaux virtuels,

n'exigeait

moderne méthode des

pas que l'on

réaction des appuis sur les poids mobiles I.

Alberti de Sax.onia Sabtilissimœ ITI quaest. Xf.

lihrum

Qaœstiones

in

;

prît

garde à

la

Albert de Saxe, au

libros

de Cœlo

el

Mundo ;

in


ÉTUDES SUR LEONARD DE YINCI

268

comme

contraire,

qu'on

plus tard Guidobaldo

de

justifie les lois

par

la Statique

Varignon, veut

et

considération de cette

la

Dans les passages que nous venons de citer, nous voyons Léonard confronter, pour ainsi dire, les deux méthodes. réaction.

Cette occasion n'est pas la seule

aux prises

Trivulzio mettent

de Léonard avec

enseignements du Précurseur

les

doctrines d'Albert de Saxe

les

du Codice

les réflexions

nous en trou-

;

verons d'autres.

Mais plus encore que l'influence d'Albert de Saxe,

une qui paraît citer

En

tote.

deuxième question,

sa

en

est

aux passages que nous venons de

se trahir

c'est l'influence directe des Questions

:

il

mécaniques d'Aris-

déclare qu'un corps

le Stagirite

mobile sur un cercle éprouve une résistance

(Ixxpouatc)

d'au-

tant plus grande

en donne

cette

que

le cercle est

plus petit

il

;

du plus petit rayon est plus voisine du centre Hxq que l'extrémité du plus grand Kaxi yàp xo lYvuispov raison que

l'extrémité

«

:

£?vai Tou [j.ÉvcvTcç TYjç

âXaxTovc^ xo ay.pGV,

r^

Ce principe joue un rôle tout à

était

Il

[j.£'ZovC(T. »

primordial dans

fait

donc bien capable

Léonard, pour peu que celui-ci

les

d'attirer l'attention

de

eu connaissance des Ques-

ait

mécaniques.

tions

Or,

il

peu vraisemblable que ce monument de

serait

science grecque lui fût

demeuré inconnu, car

heure l'attention des savants de ceni de est

xy]ç;

développe au sujet des diverses

considérations qu'Aristote

machines.

xo

un

dans

de bonne

à la fin

du

xv* siècle,

des premiers érudits qui aient étudié les auteurs grecs

ï

la

originaux

traduction

mécaniques. fait%

attira

Renaissance. Nicolas Leoni-

Tomes, qui enseignait à Padoue

les textes

publié

la

il

la

On

peut,

;

et le

or, le seul de ces textes

commentaire

d'ailleurs,

dont

il

ait

est celui des Questions

relever,

et

nous l'avons

— au cours des notes de Léonard, d'autres traces de

l'in-

fluence exercée par les Questions mécaniques.

1.

Nicolai Leonici

proxima liabonlur

Thomapi Opuscula nupcr

in

lucem

a?dita,

quorum nomina

pagolla... Conversio mechanicarum quœstionum Arislotelis cumfigiiris

annotationibus qiiibusdam... In fine Opusculum hoc ex impressione repiwscnlavit Bernardinus Vitalis Venetus anno Domini MCGCCCXX.V, Die XXllI Februarii. Ex

et

:

Veneliis. 2.

Vide supra: p. 7O.


LA SCIENTIA DE PONDERIBUS ET LEONARD DE VINCI

269

Voici une nouvelle remarque qui, plus encore que les trois

rend intéressants

autres,

avons reproduits

Ouvrons

le

tement

Un

les

aux précieux volumes de

des feuillets de ce cahier

i

la

cordes

les

enroulées

Bibliothèque de

nous présente exac-

deux dessins que reproduisent

points

les

:

cahier manuscrit formé par les feuilles que Libri

avait arrachées l'Institut.

notes et les dessins que nous

les

les figures

sur les

touchent ces tambours

lettres

M, N. Auprès du premier de ces deux dessins réflexion,

et 2

tambours

treuil

cette

i

ont été marqués

des

;

du

mêmes

se trouve

presque identique à celles que nous avons

lues dans le Codice Trivalzio

:

«

La chose qui

est plus éloignée

de son point d'appui est moins soutenue par lui; étant moins soutenue, libre la

elle

garde plus de sa liberté,

et

parce que

le

poids

descend toujours, nécessairement l'extrémité du fléau de

balance qui est plus distante de son point d'appui, parce

qu'elle est plus pesante, descendra de soi plus vite partie.

»

Lorsque Léonard trace ces lignes, cupé des

mêmes

qu'au

pensées

réflexions sur les feuillets

nant,

qu'aucune

il

en

tire

évidemment préocmoment où il jetait ses il

du Codice

est

Trivalzio. Mais,

mainte-

des conclusions dont le Codice Trivalzio ne

porte point de traces.

Au

feuillet

du manuscrit qui provient du fonds

dessins reproduits par les figures

d'un autre croquis; figure

I,

celui-ci,

est la copie

peu

i

et 2 se

((

de l'un des dessins qui illustrent

la réflexion

Pelacani dit que

bera plus vite que

le

le

que voici

Parme. A ce dessin

:

plus petit, parce que sa descente décrit fait le petit, et

poids désirant tomber par ligne perpendiculaire,

tira

d'autant plus que

le

plus grand bras de cette balance tom-

son quart de cercle plus droit que ne le

trouvent au-dessous

différent, d'ailleurs, de notre

Tractai as de ponderibas de Maître Biaise de

Léonard joint

Libri, les

le cercle se

courbera plus.

parce que, il

se ralen-

»

I. Les manuscrits de Léonard de Vinci, publiés par Gh. Ravaisson-MoUien. Ms. 2o38 (italien) de la Biljliothèque nationale (Acq. 8070, Libri), fol. 2, verso. Cf. P. Diihem, Les origines de la Statique, t. 1, p. 160-162.


ÉTUDES SUR LÉONARD DE VINCI

270 C'est alors

que Léonard dessine

figure 2 et qu'il ajoute ces

La figure

((

MN

mots

M

parce que

jette à terre cette raison,

s'abaisse.

Ajoutons qu'un peu

pourtant,

et,

fait,

à

chaque

sur

jdIus loin,

instant,

Combien sont venons de

faire

le

même

feuillet,

dans ses notes,

instructifs

les

le

moment, dont

plus pesant

commun

des graves

directement au centre

de l'obliquité de

cette considération

en corollaires exacts,

moins oblique.

la trajectoire,

Commentateur

le

avait étudié le

était d'autant

ou, en d'autres termes, que sa trajectoire était

la

Léonard

!

qu'il tendait plus

de

poids

rapprochements que nous

Jordanus avait déclaré qu'un corps

substitué,

le

plus heureux usage.

Nous y voyons, tout d'abord, que Léonard Tractatas de ponderihus de Biaise de Parme.

A

la des-

»

présente d'une manière fort exacte la notion de il

la

:

cente de ses poids ne va pas par cercle,

du grand bras

reproduit en

le lieuil

féconde

péripatéticien avait

par une transposition fâcheuse,

considération

la

courbure; Biagio Pelacani avait adopté cette manière

de voir.

A

l'opinion inacceptable

du Commentateur péripatéticien

et

de Biaise de Parme, Léonard oppose victorieusement l'exemple saisissant

que

lui offre le treuil.

niciens se réclamaient,

par

il

principes dont ces méca-

substitue des considérations inspirées

les doctrines d'Albert

aux mécaniciens du

Aux

de Saxe. Par

là,

il

prépare la voie

xvi^ siècle qui s'insurgeront contre

enseignements de l'École de Jordanus,

et

les

particulièrement à

Guidobaldo del Monter y a plus, et l'on est en droit de se demander si le marquis del Monte n'empruntait pas à Léonard quelques-uns des arguIl

ments par lesquels

il

combattait l'École de ponderibus.

assez malaisé d'en douter lorsqu'on

lit

blable à ceux que nous venons de citer Si le bras de la 1.

Cf. p.

Duliem, Les origines de

Guido Ubaldo 2.

OD

balance

et Benedetti. T.

\,

(fig.

la Slalique, cli.

ce passage %

(>oncordiauij

est

sem-

:

U) est plus

X: La

long que

le

réaction contre Jordanus-

pp. 209 sqq.

Guidi Ubaldi e Marchionibus Montis Mechanicorum

nynium

si

11

MDLXXVJI, De

lil)ra,

prop. IV.

liber...

Pisaurij

apud Hiero-


LÀ SCIËNTIA DE PONDERlBUS ET LÉONARD DE VINCI

bras OC, Lin poids placé en

371

sera plus lourd lorsqu'il

pend

du premier bras qu'à l'extrémité du second, descente du poids sera plus proche du

à l'extrémité la

mouvement

OH le

que par

la

circonférence OG. Si donc

centre de la balance est placé en D,

poids sera plus libre le

et

moins

centre était placé en G

plus lourd. être

))

G

O

naturel par la circonférence

;

Ce passage,

le

que

lié

partant,

il

si

sera

pu

toutefois, a

suggéré au marquis del Monte par

la

lecture des Questions mécaniques d'Arisioie. D'ailleurs,

car

«

que Guidobaldo

Frc.

/i.

connu

ait

certaines pensées de Léonard de Vinci,

il

n'y aurait rien là

qui nous puisse étonner; Guidobaldo avait Bernardino Baldi

pour familier,

et

nous avons vu que

s'inspirait sans cesse des idées Si

Léonard a

dont usait

traité

la

il

même

Mécanique de Baldi

conçues par Léonard.

rejeté certaines des

dans l'École de Jordanus,

la

opinions qui avaient cours

y a été poussé par École.

la lecture

Déjà, l'étude des feuillets

volés par Libri nous avait conduits à cette conclusion

même sous

temps que les

moment

yeux

le traité

d'une force

impérieusement

cette

s'est

^

:

a

En

de Biaise de Parme, Léonard avait

de son Précurseur lorsque

l'écrit

d'un

manifestée à

lui.

»

du

l'idée

Combien plus

conclusion va s'imposer à nous lorsque

nous aurons achevé l'examen du Codice

Trivulzio!

IV Les réflexions de Léonard sur le quatrième livre

DU Tractatus de ponderibus composé par son Précurseur.

Parmi

les

propositions que le Précurseur de Léonard a

for-

mulées au quatrième livre de son traité, il n'en est presque aucune dont les écrits du grand peintre ne nous offrent un

I.

I'.

Duhem,

Les origines de

la Statique,

t.

I,

p.

lO'i.


ÉTUDES SUR LÉONARD DE VINCI

272

commentaire

souvent ce commentaire se trouve au Codice

très

;

ne

Trivulzio; lorsqu'il

s'y

trouve pas, nous

sommes

peu près

à

où Léonard a

sûrs de le rencontrer en quelqu'un des cahiers

consigné ses réflexions. N'insistons pas sur

Précurseur;

le

mouvement.

Léonard étudie éprouvent de

formulée

elle est ainsi

On ne

»

première proposition énoncée par

la

saurait

la résistance

«

:

Toat milieu gêne

énumérer tous que

les

corps

les

passages

le

011

en mouvement

part du milieu qu'ils traversent; mais tant

la

d'auteurs en ont parlé avant lui qu'il serait malaisé de relever

en

de

ses réflexions la trace

ticulier,

:

ou

tel

d'entre eux

et,

en par-

de l'auteur du De ponderibus.

Venons de auteur

tel

Plus

c

seconde proposition que donne cet

suite à la est

pesant

le

lente la descente qui se fait

sition, à l'appui

milieu qui doit être traversé, plus est

au travers de ce

de laquelle l'auteur

milieu.

»

Cette propo-

l'exemple de

cite

l'air et

de l'eau, est une des traces les plus nettes que l'on puisse relever de l'influence exercée par la Physique péripatéticienne

sur la Mécanique

du Précurseur.

invoqué par Aristote, au troisième

démontrer que

le

Elle est, en livre

l'axiome

eff'et,

de sa Physique, pour

vide est impossible, attendu que

dans

le

vide les graves tomberaient avec une vitesse infinie.

Au

Codice Trivulzio, nous ne trouvons

cette proposition.

rien qui

concerne

Mais nous avons vu certaines réflexions,

consignées au Codice Trivulzio, se continuer, pour ainsi dire, sur quelques-uns des feuillets dérobés par Libri, et ces feuillets avaient été arrachés au cahier tut.

Or,

«

'

la

Bibliothèque de

l'Insti-

nous ouvrons ce dernier cahier, voici ce que nous

si

y lisons^

A de

:

Du mouvement

dans

l'air.

— Le

mouvement dans

l'air est

plus rapide que celui de l'eau (quoiqu'il soit causé par une au bas de la tranBibliothèque nationale (Les manuscrits de Léonard de Vinci, publiés par Ch. llavaisson-MoUien. Ms. II de la Bibliothèque de l'Institut et mss. Ash. 2o38 et 2087 de la Bibliothèque nationale Paris, 1891). M. Ravaisson-Mollien a, d'ailleurSj fait remarquer (Ibid., conclusion, p. 5i) que le manuscrit A de la Bibliothèque de l'Institut et le Codice Trivulzio sont de même format. 2. Les manuscrils de Léonard de Vinci. Ms. A, fol. 3o, verso. 1.

Voir, à cet égard, la note mise par M. Ravaisson-MoUien

scription

du

lolio

I,

recto,

du manuscrit 2o38

(italien)

de

la

;


LA SCIENTIA DE PONDÈRIBtJS ET LÉONARD DE VÎNGI

d'autant que

force égale),

est plus

l'air

l'expérimenteras avec une épée.

subtil

278

que

l'eau; tu

»

Voici la troisième proposition du quatrième livre De ponderibus

:

Ce qal a plus de cohésion soutient davantage.

«

assurément à

C'est

du Codice

réflexion

cette proposition

que

se

»

rapporte une

un croquis représente une

Trivalzio^;

sphère pesante qui s'enfonce dans la vase; à côté de ce croquis

deux phrases

se lisent ces

:

«

La

terre qui est plus

mélangée

d'eau résistera moins aux poids posés à sa surface. L'eau qui

un

participera davantage de la terre fera résistance à

grand poids.

plus

»

Nous arrivons à l'une des plus remarquables propositions qu'ait données notre Aactor de ponderibus, celle qui occupe la quatrième place termes

La

«

:

elle

;

est

énoncée en ces

descente est d'autant plus

en un fluide qu'il est plus profond.

»

A

TQ

lente

l'énoncé

D

K

A

succède un développement qui mérite d'être reproduit ((

Soit

:

A B G D

(flg.

K

enfermé en de certaines lignes; soient E F les parties

cente,

E

au travers desquelles

étant la plus

les parties situées

B

et G.

Plus

de part

et d'autre

le liquide est

en

effet,

comme

comprimées par ce qui

de E sont

comprimées;

trouvent au-dessus, mais

les

aussi

G

E ^^^-

*•

les

parties

parties

se trouve

par exemple,

E,

est

du liquide qui

se

par celles qui se trouvent B,

G,

au-dessus

poussées à s'échapper de tous côtés

E de

B

située;

profond, plus les

comprimé non seulement par à côté;

se fait la des-

profondément

inférieures sont

parties

F

5) le fluide profond,

;

sont liquides et d'elles, elles

elles font

donc

sont

effort sur

F venait à céder, la partie E sortirait du lieu qu'elle occupe pour prendre une position plus élevée il est donc clair que non seulement la partie E supporte la telle sorte

que

si

;

F en repousse d'autant plus fortement K. F repousserait moins

partie F,

1.

mais encore qu'elle

Léonard de Vinci, Codice Trivubio, p.

DUUEM.

fait effort

fol. 33,

contre

elle,

et

recto (65). i8


ÉtLDES sur LÉONARD DE

•2-jl\

K si

fortement

la

de F; car alors

F

profondeur du lluide

la paroi solide

VIxNCt

était

terminée au-dessous

qui se trouverait au-dessous de

supporterait seulement ce liquide sans faire effort à ren-

Donc,

contre.

la

descente du liquide K, en la position qu'il

occupe, se trouve plus fortement empêchée que

moindre. De même,

était

plus fort empêchement.

Étrange

est la

le

T qui tombe éprouve un

poids

»

et

non moins étrange

en cette argumentation

tration! Et cependant,

profondeur

»

proposition

nous trouvons, de

si la

si

la

peu logique,

au sein d'un

la pression qui s'exerce

une notion plus nette peut-être que celle dont d'Archimède nous donnent la définition. Léonard de Vinci

Cette notion,

ment,

»

dit-ib,

qu'il lui est

En

cette

Saxe sur

repousse

«

:

fluide,

les

les parties

supérieures de

les parties inférieures.

brève réflexion,

la gravité qu'il

écrits

Aucun

«ne pèse au sein de son propre élément,

connexe;

donc pas sur

la

démons-

l'air

élé-

lors-

ne pèsent

»

c'est toute la doctrine d'Albert

de

résume pour l'opposer à l'auteur du

De ponderihus. Nous avons esquissé en notre première étude-^ cette théorie de la gravité et nous avons \\x comment elle avait conduit Albert de Saxe à ces conclusions, toutes semblables à

que Léonard vient de formuler

celle «

Lorsque^

point

les

unes

les

dont

les diverses parties

d'un corps ne se meuvent

unes à l'encontre des autres, elles^ne les

autres.

les parties

On

le voit

se

gênent pas

clairement en observant l'eau

supérieures ne compriment ni ne dépriment

les parties inférieures. u

:

»

Si les parties centrales de la terre ^ sont plus denses

les parties externes, ce n'est

par

les

celles-ci

que

point qu'elles soient comprimées

parties terrestres qui se trouvent au dessus d'elles;

ne pèsent pas sur

les parties sous-jacentes.

»

Une proposition analogue se trouve au livre des II po6Xy) axa attribué à Arisun bâtiment enfonce plus dans l'eau douce que dans l'eau de mer; l'auteur pense (XXII f, 3) que cola provient de ce que la mer contient plus d'eau qu'un 1.

jj.

tote;

fleuve. 2.

Léonard de Vinci, Codice

3.

Vide supra, p. i6. Alberti de Saxonia Qiixstioncs in libros de physica anscultotione: in libnini IV

ft.

TrivnlziOy fol. 0, verso (la).

qujest. X. 5.

Alberti de Saxonia Quœstioncs

in lihros

de

(^<flo

cl

Miindo, libri

II!

(nuusl.

III.


LA SGIENTIA DE PO>DERIBUS ET LÉO?iAKD DE

Une plus grande largeur diminue

((

mulée

la

s'agit

il

gravilé.

la

Ainsi est for-

»

quatrième proposition de notre auteur'.

d'un aphorisme de

270

VIISCI

Ici

encore,

Physique péripatéticienne; au

la

quatrième livre du De Cœlo (chap. YI), Aristote admet qu'une plaque de

large

aiguille

Pour

fer

peut

sur l'eau

flotter

pendant qu'une

mince s'enfonce. son

justifier

assertion,

le

disciple

de Jordanus

a

recours à des considérations peu différentes de celles que nous

avons vu développer tout à l'heure;

lui

que

le

invoque

il

pression

la

liquide sous-jacent exerce à l'encontre du grave;

celui-ci est large, plus est

monter,

et

puissante la résistance qu'il a à sur-

«plus sa descente est relardée

Selon ces derniers mots,

un théorème sur

plus

la

proposition dont

il

s'agit devient

qu'un fluide oppose à

la résistance

des graves; elle cesse d'être,

».

comme

le

la

chute

voulait Aristote,

une

d'Hydrostatique; d'erreur grave elle se transforme alors en

loi

vérité assurée. C'est avec ce sens

que Léonard l'adopte;

en ce sens qu'elle se trouve interprétée dans énoncés que voici ^ ((

Du mouvement

les

c'est

multiples

:

fait

par

le

grave.

meut du côté où il pèse le plus. » Et le mouvement du grave est fait du côté où il trouve une moindre résistance. » La partie la plus lourde des corps qui se meuvent dans Lair se fait guide de leur mouvement. » Ce grave est de plus lente descente dans l'air, qui tombe ))

Tout grave

se

en plus grande largeur. ))

suit

Il

que ce grave sera de plus rapide descente qui

se

resserre en plus courte largeur. »

La descente

libre de tout

grave est

faite

par la ligne de son

plus grand diamètre. »

Ce grave

se fait plus rapide qui se réduit

en plus courte

épaisseur.

1.

Au

Trojanus 2.

lieu de dit

:

:

Latitudo major minuit gravitatem, le texte

Les manuscrits

fol. 67,

recto.

imprimé par Curtius

Altitudo major...

de Léonard de Vinci. Ms. F de

la

Bibliothèque de l'Institut,


ÉTUDES SUR LÉONAKD DE

yyé »

La descente du grave

en plus grande largeur.

Ce passage

est d'autant plus lente qu'elle s'étend

»

est d'autant plus intéressant

dont nous parlons la

VliNCl

la

trouve jointe à cette autre

s'y

meuvent dans

plus lourde des corps qui se

de leur mouvement.

que

proposition «

:

La partie

l'air se fait

guide

un des aplioun emprunt du

Cette proposition, qui est

»

rismes favoris de Léonard,

est,

elle

aussi,

grand peintre à son Précurseur, Le cahier E, dont

nombre de

la citation

précédente est extraite, contient

réflexions sur la résistance qu'éprouve

fort large lorsqu'il

tombe dans

l'air. Il est

un corps

riche, d'ailleurs, en

corollaires tirés par le Vinci des enseignements de l'École de

Jordanus.

Nous trouvons, d'ailleurs, la proposition qui nous occupe énoncée par Léonard de Vinci en un autre cahier ^

«

Ce poids

figure.

se

se fera

de plus grande

»

Continuons venons à ((

montrera plus léger qui

:

la

la

lecture

du

que nous

traité

analysons

proposition suivante, qui est la cinquième

Une chose grave

se

l'eau, car l'air est

:

méat daatant plas rapidement

descend plas longtemps. Ceci est plus vrai dans

l'air

et

qa'elle

que dans

propre à toutes sortes de mouvements. Donc

un grave qui descend

tire,

en son premier mouvement,

fluide qui se trouve derrière lui et

met en mouvement

le

le fluide

qui se trouve en dessous, à son contact immédiat; les parties du milieu,

en mouvement, meuvent

ainsi mises

suivent, de telle sorte

que

celles

celles-ci, déjà ébranlées,

qui les

opposent

un moindre obstacle au grave qui descend. Par le fait, celui-ci devient plus grave et donne une plus forte impulsion aux parties du milieu qui cèdent devant lui, au point que celles-ci ne sont plus simplement poussées par lui, mais qu'elles le tirent. Il arrive ainsi que la gravité du mobile est aidée par

mouvement est mouvement accroît conti-

leur traction, et que, réciproquemenl,

accru par

la gravité,

nuellement 1.

la vitesse

en sorte que ce

du grave.

»

Les manuscrits de Léonard de Vinci. Ms.

loi. 5(j, recto.

leur

M

de

la

Bibliothèque de

riiistitiit,


LA SCIENTIA DE PONDERIBUS ET LEONARD DE VINCI

Ces considérations, nous

les

trouvons presque textuellement

reproduites par Léonard au cahier que Venturi a

M; nous avons remarqué

la lettre

la

277

déjà,

marqué de

y a un instant, que

il

précédente proposition de l'élève de Jordanus se trouvait

exactement énoncée en ce cahier. Voici donc ce que nous

très

lisons en ce cahier ((

La

M^

:

gravité qai descend libre acquiert à chaque degré de

vement un degré de poids. Ceci naît par

deuxième du premier

la

qui dit que ce corps sera plus grave qui aura une moindre

En

stance.

mourési-

on

cas de la descente libre des corps graves,

voit

manifestement, par l'expérience déjà alléguée de Tonde de

que

l'eau,

l'air fait la

même onde

parce qu'il se trouve poussé

et,

sous la chose qui descend,

de l'autre côté,

attiré, c'est-à-

une onde tournante qui aide à pousser en bas. A présent, pour ces raisons-là, l'air qui fuit en avant du poids qui le chasse montre manifestement qu'il ne lui résiste pas et, dire qu'il fait

mouvement; dès

pas conséquent, qu'il n'empêche pas ce

lors,

plus descend l'onde qui va plus vite que la gravité qui

meut, plus dure

le

mouvement de

le

cette gravité; plus la der-

nière onde s'en éloigne et d'autant plus elle prépare l'air qui

touche

poids à une facile

le

Reproduisons

danus ((

))

du

sixième proposition

disciple de Jor-

:

La forme du corps pesant change la vertu du poids. En effet, si ce corps est étroit et pointu, il traverse plus

aisément le

la

fuite. »

le

milieu, et cela pour deux raisons

sépare plus aisément est heurté

et,

par

là, il

par une moindre quantité

il

qu'il

éprouve une moindre résistance il

en premier

lieu,

il

devient plus léger; d^autre

part,

encore,

:

et,

d'air,

pour

en sorte

cette raison

passe plus rapidement. Le contraire aurait lieu

s'il

était obtus. »

Or, au cahier A, Léonard écrit ceci^

trouve de résistance dans

1.

l'air,

:

«Moins

la

chose

mue

plus elle va loin. Le corps long

Les manuscrits de Léonard de Vinci.

Ms.

M

de

la

Bibliothèque de l'Institut,

fol. /i6, recto. 2.

Les manuscrits de Léonard de Vinci. Ms.

fol. 36, recto.

A de

la

Bibliothèque de

l'Institut,


ihUDES SUR LÉONARD

o^-jH

DF.

VIA'CI

pointu, de proportion pyramidale, ira plus loin qu'un corps

et

rond de poids

égal.

La page où cette autre a

Du

se trouve cette réflexion

pensée

coup.

»

:

— Un

autant son objet

nous présente encore

tombé de haut, endommage qu'un poids médiocre tombé de bas. » petit poids,

Cette pensée est suggérée à Léonard, croyons-nous, par la

septième proposition que son Précurseur donne en son quatrième livre

:

Tout corps produit une plus forte poussée lorsqu'il

((

est en

mouvement. S'il est

))

par impulsion,

en état de pousser;

s'il

mouvement, plus

se

plus

un

il

il

se

meut, au contraire, de son propre

meut, plus

devient pesant.

Un

d'autant plus fortement qu'il se

proposition

n'est

devient rapide

il

corps en

obstacle plus fortement que

Cette

est clair qu'il est lui me^'me

il

s'il

et,

partant,

mouvement pousse donc ne

mouvait point,

se

meut davantage.

»

pas seulement intéressante

parce

de Léonard, elle

qu'elle a sans doute attiré l'attention

et

l'est

encore parce qu'elle nous manifeste une influence exercée sur

son Précurseur;

cette

aurons à relever

la

dont plusieurs

influence,

trace,

est

celle

des

nous

fois

Mç/^tkv.o:

-pî6Ay;;j.:tTx

d'Aristote.

La vingtième question de cet

une hache divise le divise

pas

si

le

le

Lors donc qu'on pose

elle

se

meut

communique

«qu'un grave en mouvement la

gravité que

hache,

et

par son poids

celui qui frappe.

empêche davantage

elle n'est

le

la

et

par

la

en repos.

mue que

par

pesanteur que

le

lui

»

huitième proposition

mouvement

reçoit

:

«

Ce qui

une plus forte imput

Appuyée d'une démonstration peu

paraît surtout destinée à préparer la suivante ((

était

s'il

reçoit

sa pesanteur; lorsqu'au contraire elle est lancée,

Passons rapidement sur

sion. »

pourquoi

u

l'on se contente de la poser à la surface de ce

mouvement de

mouvement de

demande

bois lorsqu'elle frappe, tandis qu'elle ne

bois». Aristote répond

davantage

écrit

intelligible,

elle

:

La vertu du moteur semble également frustrée

et

par un poids


LA S(JE\T[A OE PONOERIBUS RT LEONARD trop grand de la chose mise en faible.

AB

Soient

soit si léger

moteur

le

par rapport à

il

accompagne

la

cette proposition

G

la

puissance du moteur

le projectile.

Il

reçoit à peine

il

peut arriver, au contraire, qu'il soit

pas à

par un poids trop

et

mette point obstacle; alors, Il

et

279

»>

Voici le développement qui ((

mouvement

V[NCr

l)K

si

se

peut que G

AB

qu'il n'y

une impulsion.

lourd qu'il ne cède

puissance du moteur ou qu'il n'y cède qu'avec peine

donc une impulsion

reçoit

deux

très

faible

:

ou

nulle.

;

Partant,

parce que cetfe

du moteur semble frustrée, puissance ne convient pas ou convient mal au

mouvement du

projectile.

dans

les

Le sujet de

cas, la puissance

»

cette proposition n'est point

demeuré étranger

aux méditations de Léonard de Vinci; témoin ces passages «

De

connaissance des poids proportionnés aux puissances de

la

leurs moteurs

K Toujours

la

puissance du moteur doit être pro-

portionnée au poids de son mobile

dans lequel ((

l'air

De

:

le

poids se meut...

chose jetée en

la

l'air

et à la résistance

du milieu

»

avec furie

^.

La chose jetée en

par une puissance plus grande qu'il ne convient à sa

moins de mouvement, chemin, que si elle était mue par une moindre puissance. Tu verras à en faire l'expérience avec une balle ou une vessie; si tu la jettes doulégèreté, fera

cement,

elle ira fort,

chemin.

»

((

lète

Pourquoi

et si

la balle est

tu la jettes fort, elle fera peu

de

chassée plus loin par rare que par Varba-

de grande longueur^.

— Toutes

les fois

une force ne sera pas proportionné à

que

cette

le

poids

force, la

par

chose

poussée ne fera pas son dû parcours. »

Le poids, chassé par

proportion avec »

1.

fureur de la force, qui est hors de

ne fera pas son dû parcours.

Cela se confirme clairement par l'expérience; en

effet, si

Ms. E de

la

Bibliothèque de l'Institut,

Léonard de Vinci. Ms. A de

la

Bibliothèque de l'Institut,

Léonard de Vinci. Ms. A de

la

Bibliothèque de

Les manuscrits de Léonard de Vinci.

fol. 28, 2.

elle,

la

verso.

Les manuscrits de

fol. 33, recto. 3.

Les manuscrits de

fol. 29,

verso.

l'Institut,


ÉTUDES SUR LEONARD DE VTNCI

aSo

un rapide mouvement de bras une chose dont la légèreté n'est pas compagne de ta force, elle prendra peu de mouvement. De même, si tu traînes une chose tu éloignes de toi avec

d'un poids supérieur à

Mais

la

ta force, elle fera

Physique de l'École

peu de chemin.

souvent intéressée

s'est si

»

à cette

question qu'il serait téméraire de vouloir trop affirmativement

désigner elles

Léonard a trouvé

l'écrit oii

le

ont pu lui être suggérées par

germe de

les Questions d'Albert

De Cœlo aussi bien que par

Saxe sur

le

ribus; le

rapprochement que nous venons de

peu propre

à mettre

Vinci par ce dernier

En revanche,

la

ces réflexions;

le

de

Tractatus de pondefaire

est

donc

en évidence l'influence exercée sur

le

écrit.

proposition dont nous venons

l'énoncé et la démonstration

lièrement nette que l'auteur

de citer

marque d'une manière particudu Tractatus de ponderibus avait

quelque connaissance des Questions mécaniques attribuées à Aristote.

comment

Voici, en effet, ces Questions ((

formulée

est

la

trente-cinquième de

:

Pourquoi

ne sont-ils point lancés au loin lors-

les projectiles

quHls sont ou trop petits ou trop grands?

»

Et voici la réponse qui est donnée à cette question «

Il

faut

que

le

projectile

manière au moteur. Ne et

faut-il

poussé résiste à ce qui

corresponde

d'une

certaine

pas que ce qui doit être projeté

pousse? Dès

le

:

lors, ce

qui ne cède

aucunement à cause de sa grandeur ou ce qui ne résiste aucunement à cause de sa faiblesse, ne saurait faire jet ni impulsion. Celui-là, en effet, ne cède aucunement parce qu'il excède trop les forces

ne

résiste

du moteur;

aucunement...

celui-ci,

parce qu'il est très

»

La treizième des Questions mécaniques «

Pourquoi

les

fronde qu'avec

la

faible,

projectiles se

main seule?

est la suivante

lancent-ils plus

loin

:

avec

»

Les considérations qui accompagnent cette question se

minent <(

ainsi

une

ter-

:

Lorsqu'on se sert d'une fronde,

la

fronde est une ligne issue de ce centre

main ;

se fait centre; la

plus elle est grande,


LA SCIENTIA DE PONDERIBUS ET LEONARD DE VINCI

plus le projectile est la

main,

la ligne

à la fronde.

rapidement. Lorsqu'on

qui meut

le projectile est

jette

»

composait sa dixième proposition

ribas, lorsqu'il

La

rotation

du propulseur en augmente

d'autant plus fortement que

De

A

avec

courte par rapport

De ponde-

Cette Question semble bien avoir inspiré l'auteur

«

28

rayon en

le

vertu,

ta

et

cela

est plus long. »

donne deux raisons

cette vérité, l'auteur

:

:

l'extrémité d'un plus long rayon, le projectile est plus

pesant, et son

La onzième

mouvement et

la

est plus rapide.

douzième proposition du Précurseur de

Léonard ne portent pas moins nettement

marque de

la

fluence exercée par les Questions mécaniques

réservons l'examen pour

le

;

l'in-

mais nous en

prochain paragraphe, car

elles

ont

inspiré ce que Léonard a dit de la résistance des matériaux.

Nous passons donc de ((

Ce qui

suite à la treizième proposition

reçoit une plus forte impulsion devient plus cohérent.

L'impulsion

est

produite

ont à pousser celles qui celles-ci

:

par se

les

parties

postérieures

trouvent devant elles;

qui

comme

opposent, grâce à leur poids, une certaine résistance,

qui se trouvent au milieu sont obligées de se resserrer

celles

parfois aussi, elles s'échappent sur les côtés.

que

sorte

Il

;

arrive de la

qui sont fixées aux parties

les parties inférieures,

supérieures, s'appliquent plus étroitement contre ces parties

lorsque celles-ci reçoivent une impulsion.

La condensation de

l'air

»

au-devant du mobile qui

a été maintes fois considérée par Léonard.

une de «

ses réflexions à ce sujets

L'air se

condense devant

le

traverse

Citons seulement

:

les

corps qui

le

pénètrent rapi-

dement, avec une densité d'autant plus grande ou plus petite

que

le

mobile

est

prouve pourquoi

de plus grande ou plus petite l'air se

le

une

I.

tout de ce qui est en avant. C'est ce que

Les manuscrits de Léonard de Vinci. Ms. verso.

E de

la

le

partie ne pousse

nous enseigne

l'inondation qui s'engendre au-devant du navire.

fol. 70,

On

condense au-devant des corps qui

pénètrent, parce que ce qui en pousse

pas

vitesse...

))

Bibliotlièque de l'Institut,


ÉTTJDRS SLR LÉONARD DE VINCI

•jH'J.

La proposition que nous venons d'étudier paraît avoir eu surtout pour but de préparer la suivante,

Léonard nous

connaître

fait

Précurseur de

oii le

du rebondissement

sa théorie

après le choc. Cette théorie est remarquable par le rôle qu'elle

du corps choquant, soit des éléments du milieu condensé en avant du mobile. La voici « Un corps dont les parties sont cohérentes se rejette directeattribue à l'élasticité soit des éléments

:

ment en arrière produit par

l'efFet

du

soit

l'eau

Soient A

projectile,

le

B

donc que A quitte se trouvait,

le lieu

pour

que A

cause

à

effet et

que B

La

même

il

moins que

Au moment

forte]. le

poids qui

G

B

;

en

est alors le

lieu

et

de

le rejeter

en arrière

tournant^ et cela d'autant plus [que l'im-

brisée par l'obstacle

A;

B du

impulsion a donc

le

oii

A

vient heurter G, B ne

surmonte

le

comprime

rend plus pesant; mais l'impétuosité de

seul de

G

retourne en arrière pour remplir

de chasser B en avant

un mouvement

le

se

et

A met B en mouvement; puis

laisse derrière lui.

peut plus avancer;

à

aussi

et

occupait et chasse

le lieu qu'il

faut

il

pulsion est plus

et

l'air,

corps se

le

milieu qu'il traverse

le

l'obstacle qu'il vient heurter.

par

ou

Gela se

»

plus ou moins grande raréfaction des parties [du projec-

la

tile].

il

au sein duquel

milieu

que ce milieu

meut, de

est

heurté dans son mouvement.

s'il

n'est plus pressé

A

trouve

se

que par

alors

le

poids

de rejeter en arrière ce projectile,

état

poids n'en soit trop fort; et

il

le rejette

norma-

lement, car B recule également de tous côtés.

La dilatation des parties du mobile produit

»

tat;

en

effet, les

parties

du mobile A qui

se

sont les premières qui heurtent l'obstacle G alors pressées par la se

trouvent derrière

le

même

résul-

trouvent en avant ;

elles se

trouvent

masse

et

elles,

ce qui les oblige à se condenser;

par l'impétuosité des parties qui

l'impétuosité des parties postérieures se trouve ainsi amortie; les parties antérieures,

reprenant leur volume primitif, revien-

nent en arrière en communiquant aux autres une impulsion. Si les parties

se

détacher

de-là.

qui ont été ainsi comprimées sont susceptibles de les

unes des autres,

elles

rejaillissent

de-ci

et

»

Gette théorie du choc a certainement attiré

du ne

manière


LA SCIKNTrV DE PONDERTRUS ET LEONARD DE VINCI

"iHS

toute spéciale l'atteiiliou de Léonard de Vinci. Le rôle qu'elle

jouer à

fait

condensation,

la

suivie de dilatation,

même

diverses parties d'un solide élastique^ soit

peut observer

masse

d'air;

il

des diverses

comprendre comment rebondissement d'un mobile sur une

que

parties d'un fluide tel

on

des

soit

le

lui fait

l'air,

applique aussitôt cette idée au vol des oiseaux,

sujet constant de ses méditations.

En deux passages du

idée naître au contact de la proposition il

y a un instant, au traité

passages

la fuite

que nous empruntions,

De ponderïbus.

Voici ces deux

de

engendre un mouvement plus rapide que

la force' l'air

denser, tout le

cette

:

Quand

((

nous voyons

Codlce Trivalzio,

qui résiste au mobile, cet air vient à se con-

comme

plumes qui sont pressées

les

poids du dormeur

corps qui chasse

et le

;

l'air,

par

et foulées

trouvant une

résistance en ce fluide, rebondit à la ressemblance de la balle

qui frappe une muraille. «

comprimer, tandis que

L'air se peut

Lorsque fuite

le

mouvement

de ce fluide,

tile se fait

et,

mouvement

le

de cet

air, le

qui chasse

ne

le

peut pas^

plus rapide que la

l'air est

du

fait

dans

l'air est

plus rapide que

apparaît dans

le

à celui qui l'animait d'abord. C'est lorsqu'il leur

vol des oiseaux,

bien qu'ils les meuvent avec toute

puissance du moteur qui

Il

se

produit un

appuyé du pied mains, est

et

effet

mur;

1. 2.

l'oiseau

si le

un mur,

mur ne

remonte

6,

avec

les

cède pas, l'homme

la lecture

mécanisme qui produit

Léonard de ^'^inci, Codice Trivuhio, fol. Léonard de Vinci, Codice Triviilzio, foL

fait,

homme,

n

Nous avons vu Léonard concevoir, à le

et

semblable lorsqu'un

nécessairement rejeté en arrière,

son Précurseur,

bas,

des ailes ont plus de peine à

des deux mains à

effort contre ce

le

est

que peut produire

la vitesse

anime;

les

d'autant plus que les pointes s'abaisser.

la fuite

corps qui a mis cet air en branle vient à prendre

impossible d'abaisser les pointes de leurs ailes vers

la

projec-

par conséquent, plus résistante. Ainsi,

un mouvement contraire ce qui

l'eau

partie qui est la plus voisine

la

plus dense

quand

»

verso (12).

20, recto (46).

le

u

du

traité

de

vol réfléchi

»


ÉTUDES SUR LÉOÎNARD DE VINCI

284

des oiseaux;

si

nous voulions connaître tout

su tirer du principe ainsi découvert,

maint

ici

du cahier

feuillet

E, conservé à la Bibliothèque de

Le Précurseur de Léonard projectile,

le

nous faudrait reproduire

I.

l'Institut

oii

il

le parti qu'il a

s'était

borné

choquant normalement

à considérer le cas l'obstacle, rebondit

suivant la normale. Les lois du choc oblique ne préoccupent

pas moins

le

Vinci, témoin ce passage

du Codice

Trivalzio'^

:

Toute chose qui heurte un objet résistant rebondit sur

«

objet sous

produite.

La

((

un angle

égal à celui sous lequel la percussion s'est

»

même

chose est prouvée en

troisième livre De

Cette loi,

la

Léonard

dixième proposition du

la

»

reprend au cahier A qui

de Codice Trivulzlo

sorte, la suite

la

nature du coup, où l'on traite de la balle

un mur...

lancée contre

«La

cet

ligne de la percussion,

»

en quelque

est,

:

du

dit-iP, uet celle

saut sont

placées au milieu d'angles égaux.

Tout coup frappé sur un objet saute en arrière par un

»

angle égal à celui de

la

percussion.

Cette proposition apparaît clairement; en effet,

))

si

tu frappes

un mur avec une balle, en arrière par un angle

égal à celui

de

si la

balle

elle

retour-

la

(Jig.

percussion; ainsi,

elle sautera

en C,

6) est jetée

nera en arrière par

la

B

ligne CB,

parce qu'elle est contrainte à laisser FiG.

sur la paroi

G.

et

si

des angles égaux;

tu la jettes par la ligne

retournera en arrière par la ligne DE;

elle

de percussion

et la ligne

entre

1.

2.

'^

M

BD,

et ainsi la ligne

de saut feront, sur la paroi FG, un

angle situé entre deux angles égaux,

foL

FG

comme on

voit l'angle

D

et N. »

Voir, en particulier, en ce manuscrit, les folios ai, verso; 87, verso, et Léonard de Vinci, Codice Triviilzio, fol. 87, recto (71). Les manuscrits de Léonard de Vinci. Ms. A de la Bibliothèque de

19, recto.

89, recto. l'Institut,


LA SCIENTIÀ DE PUNDERIBUS ET LÉONARD DE VINCI

De

Léonard

cette loi,

de l'écho'.

Il

aussitôt application au

fait

examine %

d'ailleurs,

une foule de

285

phénomène

particularités

qui peuvent se présenter dans la réflexion qui suit

un choc;

visiblement, toutes ces pensées lui sont suggérées par la qua-

torzième proposition du quatrième livre De ponderibus. Simplicius, voulant prouver Taccélération de la chute des graves, cite^ deux observations qui sont propres à mettre cette

accélération en évidence

Lorsqu'un par exemple,

filet il

se

:

d'eau tombe d'un lieu élevé, d'une gouttière

montre continu au voisinage de son origine

mais bientôt l'accélération de

la

chute sépare

les

;

unes des

autres les gouttes d'eau qui tombent à terre isolées.

Quand une

tombe d'un lieu élevé, elle frappe l'obstacle plus violemment si on l'arrête vers la fin de sa chute qu'au milieu ou au commencemeut; ce choc plus violent est la marque d'une plus grande vitesse. Simplicius emprunte ces observations à un écrit intitulé Ile pi /.ivYjc7£03ç, composé par Straton de Lampsaque qui fut pierre

:

disciple de ïhéophraste, l'élève préféré d'Aristote. Mais clair qLi'elles

ont pu être

faites

de tout temps

et qu'il

il

est

serait

puéril d'en chercher le premier auteur. C'est à la première de ces

deux observations

et à

son expli-

cation par l'accélération de la chute des graves que se rapporte la

quinzième proposition donnée par l'auteur De ponderibus,

en son quatrième livre

forme un

continue le

liquide intéressé

influence

Cette

:

«

Un

liquide qui s'écoule d'une

manière

jet dont la section est d'autant plus étroite que

par

cette section coule depuis plus longtemps.

qu'exerce

l'accélération

de

la

chute

»

des

graves sur l'écoulement des liquides a maintes fois occupé l'esprit

1.

2.

3.

de Léonard ^ Mais

Léonard de Vinci, ms. Léonard de Vinci, ms.

elle avait été si

cit., fol. ig, cit.,

foL

souvent considérée

recto et verso.

8, recto.

Simplicii in Aristotelis Physicoruin libros quaUuor posteriores commentaria edidit Diels, Berolini, MDGX.CV, p. 916 (Gomment, in Physicorum lib. V,

Hermannus cap. VI).

Les manuscrits de Léonard de Vinci. Ms. F de la Bibliothèque de l'Institut, verso. Ms. M de la Bibliothèque de l'Institut, fol. A7, verso et recto. Il Codice Atlantico, fol. i45; fragment cité par Libri, //ts^otVe des Sciences mathématiques en Italie, t. III, note V, p. 212. 4-

loi. 5o,


ÉTUDES SUR LÉOJNARD DE

a86

VIÎSCl

commentateurs d'Aristote que nous ne saurions déclarer Léonard la tenait ou non de son Précurseur.

par si

les

Arrivons à

comment

Voici

proposition de l'auteur De ponderibus.

la dernière il

l'énonce

:

Si la pesanteur d'an corps n'est pas uniforme, en quelque

((

partie que l'on

communique à

ce corps une impulsion, la partie la

plus lourde viendra se placer en avant.

))

Nous ferons grâce au lecteur des considérations par

lesquelles

l'auteur prétend justifier cette affirmation, en prouvant que

plus lourde du mobile attire, en quelque sorte,

la partie la

vers

la

elle,

totalité

suite les traces

de l'impulsion; nous rechercherons de

de cette proposition parmi les notes manu-

de Léonard de Vinci.

scrites

Nous

trouvons,

les

en

lisons,

presque une traduction de

De ponderibus ((

Ce qui

dont

passage ^

ce

elïet,

au cahier A; nous

d'abord,

tout

première ligne

la

y est

proposition formulée au traité

la

:

de celui qui

est plus loin

le lance, est ce

qui est

le

plus pesant, attendu que c'est la partie du boulet qui va devant et qu'elle se

poussé

l'a

et

trouve sur une ligne passant par l'endroit qui

par

le

centre

du poids

et

de

la fuite; et, se

également au milieu de deux puissances,

ainsi

une égale action;

comme

or,

duisent une percussion frappé.

elle

qui est

le

Précurseur, sert

ces forces sont unies, elles pro-

une ruine plus grande sur

:

«

Ce qui

plus pesant, ici

de celui qui

est plus loin »

le lieu

pait obliquement.

à expliquer pourquoi

Apres

se réfléchissant afin

le

le

lance

que Léonard emprunte à son

un boulet qui

normalement une muraille l'endommage plus que en

en subit

»

Cette proposition est ce

et

trouvant

choc oblique,

le

s'il

frappe la frap-

boulet pirouette

de mettre en avant, suivant sa nouvelle

trajectoire, la partie la plus lourde qui contient le centre la fuite

:

Et la chose qui sera la plus légère dérivera, car la partie

«

du boulet qui frappe 1.

fol.

de

le

mur

est

Les manuscrits de Léonard de Viuci.

44

j

plus près de la bouche de Ms.

A

de

lu

la

Bibliothè(iue de riiislitut,

recto.

I


La èCIElNtlA

bombarde,

cela

et,

mouvement,

également

rellement

PONDEhlBUS Et LÉONARD DE

étant,

éloignée du centre du

plus

est

287

VIlNGl

poids étant hors de ce centre, les parties

et, le

ne

des puissances ni

t)E

peuvent pas

charger

la partie

sur

la

qui pèse

le

également

être

distantes,

qui frappe;

partie

plus pousse

le

et

plus,

natu-

d'où

le

boulet se tord avec furie; en mettant, après la percussion,

d'abord

le

centre de la fuite,

se tord et

il

parce que la ligne de fuite se tord, force.

touche

le

mur; mais

coup n'a que peu de

le

»

L'intluence exercée sur l'esprit de Léonard par la proposition

qui nous occupe se remarque encore au cahier E; nous la

reconnaissons dans ces formules^ ((

Tout grave

«

La partie

l'air se fait

se

la

meut du

côté

:

oii il

pèse

plus lourde des corps qui se meuvent dans

guide de leur mouvement.

Ces formules, nous

»

avons déjà rencontrées, car

les

trouvent jointes à diverses variantes de inspirée par le Liber de ponderibus

descente dans

l'air,

rapprochement,

le plus. »

et

:

«

celle-ci,

Ce grave

est

elles se

également

de plus lente

qui tombe en plus grande largeur.

»

Ce

bien d'autres remarques que nous omet-

nous prouvent que Léonard attribue maintenant à la résistance de l'air ce fait que «la partie la plus lourde d'un

trons,

grave se

fait

guide de son mouvement». De cette explication,

d'ailleurs exacte, le cahier

A ne

portait point de trace;

Léonard

semblait, à l'imitation de son Précurseur, y attribuer cet effet à l'inégale distribution de Vimpetiis entre les diverses parties

du mobile. La proposition qui nous occupe

est

constamment invoquée

par Léonard pour rendre compte du

moyen par

lequel les

oiseaux dirigent leur vol. C'est

au milieu de considérations sur

nous retrouvons, au cahier E^, ((Toujours le centre

cette

le

vol des oiseaux que

formule

du grave qui descend dans

rera sous le centre de sa partie la plus légère.

I.

l'air

demeu-

»

Les manuscrits de Léonard de Vinci. Ms. E de la Bibliothèque de l'Institut^

fol. 57, recto. :!.

:

Léonard ào Vinci,

nis. cit.,

l'ol.

V'i,

recto.


ÉTUDES SUR LÉONARD DE

288 C'est en

un cahier consacré presque entièrement au

oiseaux que nous lisons ces phrases ((

...Parce

que toujours

du mouvement. » De la manière de ((

s' équilibrer .

vol des

:

plus lourde se

Toujours

fait

fait

guide

plus

la partie

guide de leur mouve-

»

Léonard de Vinci aime à répéter encore deux formules ((

'

la partie la

lourde des corps est celle qui se

ment.

Vllkci

cette proposition

en voici

;

:

Le poids tombant 2 inégal de proportions

et

de pesanteur

dirigera, selon la ligne de sa course, le centre de sa partie la

plus lourde sous ((

Da

le

centre de sa partie la plus légère.

»

mobile de poids non uniforme qui se méat dans

ou dans Feau^.

Dans

mobiles de matière uniforme

les

ou

l'air

et

de

gravité

non uniforme, toujours

guidé.

Le poids pyramidal de grosseur uniformément non

uniforme^ qui sera lancé par

la partie la plus

avec

l'arc

tournera immédiatement sa base vers

meut.

la

le lieu

grave se

fait

pointe en avant oii

son tout se

»

En adoptant

la loi

paraît bien en avoir

formulée par son Précurseur, Léonard

profondément modifié

l'explication; le titre

du passage que nous venons de citer en dernier lieu, les considérations parmi lesquelles se rencontrent d'autres passages analogues, semblent prouver que Léonard rendait compte de cette loi en invoquant la résistance du milieu que traverse le mobile; il n'est pas certain, cependant;, qu'il ait toujours admis cette explication.

Nous savons quel

rôle important ces affirmations

ont joué dans l'évolution de la Mécanique.

du Vinci

Par une tradi-

/ manoscrittl di Leonardo da Vinci Codice sal volo degli uccelli e varie altre matePublicato da Teodoro Sabachnikoff. Trascrizioni e note di Giovanni Piumati. ïraduzione in lingua francese di Carlo Ravaisson-MoUien. Parigi, Edoardo Rouveyre 1

;

rie.

MDCCGXGIII. Fol. /,, verso, et fol. i6 [i5], recto. Les manuscrits de Léonard de Vinci. Ms. G de la Bibliothèque de l'Institut, fol. 28, verso.

edilorc; 2.

3.

Les manuscrits de Léonard de Vinci. Ms.

G de

la

Bibliothèque de

l'Institut,

fol. 5i, recto.

Ces mots équivalent aux mots uniformiter difformis, employés par Albert de Oresmc et par la plupart des mathématiciens de l'École; ils sont exactement rendus par notre expression moderne utiifomicment varié. 4.

:

Saxe, par Nicole

:


LA SCIENTIA. DE PONDERIBUS ET LÉOINARD DE VINCI

389

Léonard à Bernardino Baldi, de Bernardino Baldi à Mersenne, à Roberval, à Descartes, au P. Honoré Fabry, de ceux-ci, enfin, à Ghristiaan Huygens, nous

tion ininterrompue qui va de

avons vu ces formules donner

moderne des

naissance

De

centres d'oscillation.

à

notre théorie

nous

cette tradition,

avions découvert une première source en la notion de gravité

communément répandue

accidentelle,

du

début

au

déjà

nous venons d'en reconnaître une seconde source

xiv^ siècle;

en

la

dernière proposition du Liber de ponderlbas

par

le

Précurseur de Léonard.

composé

V Les premiers essais sur la résistance des matériaux. Aristote, Vitruve, Héron d'Alexandrie le Précurseur de Léonard, Léonard de Vinci.

En parcourant nous avons

Léonard

laissé

ce quatrième livre

du

traité

De ponderibus,

de côté deux propositions qui ont suggéré à

sa théorie de la résistance des matériaux. Ces

onzième

sitions

occupent

retenir

un moment notre

le

et le

douzième rang;

propo-

elles

vont

attention.

Ces deux propositions tirent leur origine de deux des Questions

mécaniques d'Aristote,

la

quinzième

La quinzième Question mécanique

et la

traite «

dix-septième.

de la rupture d'un

morceau de bois au moyen du genou )>. Pourquoi un morceau de bois donné, » demande Aristote, « se rompt-il plus aisément au moyen du genou si les mains le saisissent près des bouts, que si elles se placent proche du genou? De même, si le pied serre ce bâton contre terre, pourquoi avec la main le brise-t-on plus aisément en le saisissant loin du pied que près du pied N'est-ce pas parce que le ((

.^

genou, dans jouent

le rôle

le

premier

de centre

cas, et le pied, et

dans

le

second cas,

qu'une chose quelconque

est d'au-

mouvoir qu'elle est plus éloignée du centre? un objet, il faut le mouvoir. »

tant plus facile à

Or, pour briser p.

DUHEM.

Kl


ÉTUDES SUR LEONARD DE VlNCt

âgO

Voici maintenant l'énoncé de la dix-septième Question mécanique, et le

commentaire qui l'accompagne

Pourquoi

«

les

:

perches de bois sont-elles d'autant plus

fai-

bles qu'elles sont plus longues? Et pourquoi, étant soulevées,

en sorte qu'une perche mince,

se courbent-elles davantage,

longue de deux coudées,

courbe moins qu'une grosse

se

perche, longue de cent coudées? N'est-ce pas parce que ce long

morceau de bois que

comme un

l'on soulève est

que

sa charge et son point d'appui? la partie

joue

de point d'appui

le rôle

;

perche

se courbera...

ici

par

xvn" siècle

le

plifie la

On

audacieusement,

;

le

la

même remarque

dit

du centre

qu'un corps

se

en

effet, se

la raison des propriétés

du

levier.

En son

livre

;

du

brillé

quinzième

la

levier qu'Aristote

trouve, pour

ordonné sur

peu

en

levier.

meut d'autant plus

là,

plus loin

du

au sujet de

Question mécanique; c'est bien aux loi?

songe lorsqu'il

elle ressortit,

Philosophe en sim-

solution qu'il prétend tirer des lois

peut répéter

;

aucune lueur n'a

à la théorie de l'élasticité, dont

avant

de

excède de beaucoup

A.ristote

connaissances physiques de son temps

effet,

le rôle

»

La question soulevée les

joue

du point d'appui, plus

poids. Plus cette extrémité est distante la

main soulève

la

l'autre extrémité

levier, avec

le

qu'il est

Philosophe,

Héron

Les Mécaniques,

d'Alexandrie reproduit s avec de sérieuses variantes, plusieurs des Questions mécaniques d'Aristote

que nous venons de

forme ((

qu'il leur

;

en particulier,

citer sont reprises

donne

les Questions

par Héron

3;

voici la

:

— Pourquoi rompt-on plus vite un bâton quand genou en son milieu? — Parce que, lorssur

Question 7.

on l'appuie qu'on place

le

le

genou en deçà de

la moitié,

l'une des deux

portions du bâton étant plus longue que l'autre,

une

main

sorte de fléau partagé la

plus éloignée

il

constitue

en deux segments inégaux,

du genou l'emporte sur

la

et

la

plus rappro-

Les Mécaniques ou VÉiévateur de Héron d'Alexandrie, publiées pour la première sur la version arubc de Qostà ibn Lûkà et traduites en français par M. le baron Carra de Vaux. Extrait du Journal Asiatique. Paris, iSg.'j. Livre H, section iV. 2. Héron d'Alexandrie, loc. cit., p. i40-i^j7. Questions 7 et 8. 1.

fois


La SCIENTIA de PONDERIBiJS ET LÉONARD DE VINCt

29

chée; les mains ne peuvent résister l'une à l'autre que se trouvent

ensemble aux extrémités du bâton à des distances

du point d'appui.

égales

qu'il est plus

»

— Pourquoi un bâton est-il d'autant plus faible

Question 8.

((

si elles

long, et d'autant plus

davantage aux extrémités?

Parce que

s'amincit

qu'il

flexible

bâton long subit

le

l'action de forces multiples réparties entre ses différents seg-

ments,

et

dont

somme

la

partie fixe par laquelle

chose que dans

le

il

l'emporte sur la résistance de la

est

soutenu.

Il

même

se produit ici la

cas d'un bâton court au bout duquel

on

sus-

pend quelque chose qui tend à l'abaisser. L'accroissement de longueur du bâton joue le même rôle que ce poids qui appuie sur le bâton court. fait

de sa longueur,

Le bâton long supporte de lui-même, du la

même

action que

duquel on pend un corps lourd.

le

bâton court au bout

»

Les modifications apportées par Héron au texte d'Aristote ne sont point sans intérêt. Plus formellement que fait

appel, en la première question, à la théorie

demande

ce qu'il

En

la

du

levier;

mais

à cette théorie est vraiment de son ressort.

seconde question, au contraire,

du

lois

le Stagirite, il

levier de résoudre

ne demande plus aux

il

un problème

d'élasticité. Il a

donc

commentaire de ces deux questions en éliminant erreurs commises par la Mécanique trop imparfaite du

purifié le les

Philosophe.

La onzième proposition que YAuctor de ponderibus développe en son quatrième livre est ainsi formulée milieu que se déprime

mités;

il

se

le

u

C'est

plus vite ce qui est soutenu par

déprime davantage encore

cela selon la forme et la

:

masse de

s'il

l'objet

les

par

le

extré-

reçoit une impulsion, et

qui

le

presse.

»

Nous ne reproduirons pas le commentaire assez long qui accompagne cette proposition; nous nous contenterons de dire

que l'auteur assimile chacun des deux supports au point

d'appui d'un levier, et qu'il regarde

comme

la partie la plus

le

milieu de l'objet soutenu

pesante, parce qu'elle est la plus

éloignée de chacun des deux points d'appui. l'idée et

erronée que

le texte d'Aristote

que Héron d'Alexandrie avait su

Il

explicite

donc

contenait implicitement

éviter.


ÉTUDES SUR LÉONARD DE VINCI

293

même

Le ((

Lorsque

le

auteur énonce ainsi sa douzième proposition

:

milieu d'un objet est maintenu fixe, ce sont les extré-

mités qui se courbent

plus aisément.

le

»

cours des considérations qui accompagnent cette propo-

Au

sition, voici ce

que nous lisons

:

a

Plus l'objet considéré est

long, plus ses extrémités sont aisées à courber

même

;

pour

c'est

la

raison qu'en une balance, les charges sont d'autant plus

pesantes qu'elles

plus

sont

du

éloignées

qu'elles décrivent des arcs plus grands. »

Il

attendu

centre, est

impossible de

résumer plus fidèlement l'opinion qu'Aristole avait émise dans les deux Questions mécaniques que nous avons citées. Les deux propositions que nous venons d'étudier sont, dans les écrits

de Léonard, l'origine de développements importants;

renferment, en particulier,

elles

touchant

la résistance des

Tout ce

qu'il

va dire,

il

le

germe de ce

qu'il dira

matériaux. le

rattachera à ce principe que nous

avons entendu formuler à propos du levier ou du

lui

treuil

:

«La chose qui est plus éloignée de son point d'appui est moins soutenue par lui. » Dès le moment où il écrivait ses réflexions sur les feuillets du Codice

nous

Trivulzio,

voyons appliquer ce principe à

le

»

comme

flexion des corps fixés par leurs extrémités,

curseur l'avait

en

fait

ci-dessus étudiées.

son Pré-

deux propositions

des

dessine une voile gonflée par le vent

Il

à côté de ce dessin,

première

la

il

écrit

:

a

la

et,

Cette partie de la voile qui sera

plus lointaine de son soutien cédera davantage au vent, son

moteur.

La

même

pensée, reprise sous diverses formes, se

lit

cahier A, qui est en quelque sorte la suite du Codice vulzio

V endroit

le

plus faible de

la

chose qui plie'.

corps a une grosseur uniforme, la partie

la

— Si

I.

De

la disposition

de

la

chose pliée.

Léonard de Vinci, Codice Trivulzio, i'ol. 33, recto Les maimscrils de Léonard de Vinci. Ms. A de

ioL 33, recto.

un

plus éloignée des

extrémités se pliera avec plus de facilité qu'aucune autre.

2.

Tri-

:

«De

((

au

Si tu

veux

plier

»

deux

(05).

la

Bibliollièquc de l'Inslilul,


LA SGlEiNTlA DE POXDERIRUS ET LEONARD DE VINCI

298

choses d'égal poids, tu plieras la plus longue avec une moindre force

que

la

plus courte.

Se souvenir de faire

((

»

cette expérience.

— Expérimente,

si

un

bois mince, suspendu en travers par ses extrémités sur deux

supports, porte lo livres, ce que portera

proportions. Assure-toi l'expérience ((

et

fait

bonne

si la

une poutre de mêmes

règle de trois est applicable, car

règle.

»

Dans toute chose suspendue', apte à ployer,

et

de grosseur

de matière uniformes, la partie qui sera la plus éloignée des

supports sera celle qui s'abaissera

Après avoir étudié

deux extrémités,

le

la flexion

le plus. »

d'une tige supportée par ses

Précurseur de Léonard,

d'Arislote, a étudié la flexion d'une tige fixée

l'imitation

à

en son milieu.

Il

évidemment au même d'étudier la flexion d'une tige dont une extrémité est encastrée, tandis que l'autre extrémité demeure libre. C'est sous cette forme que Léonard aborde le problème, et il en demande toujours la solution au même revient

principe. Il

dessines par exemple, deux bâtons de

même

grosseur,

mais de longueurs inégales, qui sont encastrés dans un par une de leurs extrémités; l'autre extrémité, poids. ((Si

un :

la

même

grosseur en portera 200.

bâton court entre dans

plus de poids que le long.

le

En

effet,

long, autant de fois

il

autant

soutient

»

Le principe formulé au Codice Trivalzio plus éloignée de son point d'appui est lui, »

libre, porte

Ce dessin est accompagné du commentaire que voici une lance de deux brasses porte loo livres 3, une brasse

de bâton de le

mur

:

((

La chose qui

est

moins soutenue par

inspire à Léonard tout ce qu'il écrit sur la résistance des

arcs et des voûtes. Cette théorie de la solidité des arcs, qui fait l'objet

de mainte réflexion consignée au cahier A, nous

la saisissons à l'état

naissant en une courte note

Trivulzio-K

1.

2. o. 4.

Léonard de Vinci, ms. cit., fol. 47, verso. Léonard de Vinci, ms. cit., foL 49, recto. Par un lapsus évident, Léonard u écrit 10 livres. Léonard de Vinci, Codice Trivulcio, fol. i?f), recto (28). :

du Codice


ÉTUDES SUR LÉONARD DE VINCI

294

Un

croquis nous montre

successivement

même

une

7)

(fig.

charge placée

sommet

l'extrémité d'un support vertical, au

à

d'un arc ogival, enfin sur

de voûte d'un arc en plein

la clef

cintre; à côté de ce croquis,

\^

se trouve cette courte phrase,

l_

J

(^

immédiat du principe que nous venons de rap-

corollaire

peler Ficx.

:

La ligne qui est

((

la

plus

droite est celle qui résiste le

7.

plus.

Le principe dont, assurément,

»

celte

conséquence

a

été

déduite, justifie aussi cette conclusion, qui paraît bien, d'ail-

impliquée dans

leurs,

être

citer

Si l'on réduit

:

simple droite

et la

par

passage que nous venons

le

pensée

la

le

de

support vertical à une

charge à un point pesant,

la résistance

de

ce support sera infinie. Cette conclusion, Léonard la formule à

au cahier A de

telle

:

charges! un support placé en ligne perpendiculaire,

Si tu

«

façon que

du poids,

il

résistance. le

le

centre de ce support soit sous

// est

centre

du poids correspondent aux

impossible que

le

De

la

pression dupoidsK

de grosseur

centre

et

11

parties de la

support qui a son centre placé

du poids superposé par

puisse jamais ployer, mais d'abord «

le

s'enfoncera plus vite qu'il ne ploiera, parce que

toutes les parties

sous

plusieurs reprises

ligne perpendiculaire se

poussera sous terre sa

il

est

base.))

impossible qu'un support

de force uniformes, étant chargé debout d'un

poids équidistant à son centre, puisse jamais se tordre et se

rompre, mais

il

pourra bien s'enfoncer; mais

excès se trouve placé plus sur une partie l'autre, le

support se ploiera du côté

si

le

poids en

du support que sur

oii il se

trouvera

le

plus

pressé par la plus grande charge, et cassera au milieu de partie opposée,

éloignée des extrémités.

1.

Vis.

verso.

Léonard de Vinci, ms.

cit.,

est la

plus

»

Les manuscrits de Léonard de Vinci.

fol. l\5, 2.

dans cette partie qui

c'est-à-dire

la

foL

3,

verso.

A de

la

Hibliolhèque de l'Instilut,


LA SCIENTIA DE PONDERIBUS ET LÉONARD DE VINCI

Nous n'insisterons pas sur

nombreux

les

SqS

diverses remarques et sur les

croquis, relatifs à la solidité des arcs et des voûtes,

que renferme

cahier A; en une autre étude', nous en avons

le

un

déjà touché

mot,

nous avons signalé comment

et

les

pensées émises à ce sujet par Léonard se retrouvaient dans les In mechanica Aristotelis prohlemata exercitationes de

Bernardino

Baldi.

Nous n'avons pas épuisé toutes les réflexions auxquelles le grand peintre s'est livré touchant la résistance des matériaux, et celles qui nous restent à analyser sont d'une singulière importance. Elles

concernent

charge sur

les

répartition des efforts exercés par

la

appuis qui

Pour en trouver

la

une

soutiennent.

la

source,

nous faut encore remonter

il

jusqu'aux Questions mécaniques d'Aristote.

En

sa trentième

Question, Aristote se

demande:

Pourquoi

a

deux hommes qui portent un poids suspendu à une perche n'éprouvent pas une égale pression.

A

cette question,

»

hommes ne

répond que ces deux

il

res-

sentent point une charge égale, à moins que le poids ne se

trouve pendu au milieu de la perche; hors ce cas, qui est plus voisin du poids se trouve plus chargé. pas,

portefaix,

regardé

le

fardeau serait

qui est

celui

«

N'est-ce

comme

résistance, tandis

la

à mouvoir, et plus

charge

résiste à la

que

du fardeau, plus

est propre,

fait.

donne un des porteurs

Si et,

il

en

la faut

effet,

il

a de facilité

tandis

:

III,

la

»

appliquer tout autrement

l'on veut déterminer l'effort

que

partant, la charge qu'il ressent,

on

un

levier

point d'appui est l'épaule de l'autre porteur, tandis que

Vide supra

que

à fournir la solution

doit l'assimiler à la puissance qui agit sur

î.

être

l'autre est la puis-

façon d'un point d'appui.

question posée, mais l'a

du poids peut

presse l'autre porteur,

il

La théorie du levier qu'Aristote ne

point d'appui.^ Des deux

le

plus voisin

le

sance; plus celui-ci est distant

la

porteur

ajoute le Philosophe, «parce que la perche joue le rôle

»

d'un levier dont

de

le

Léonard de Vinci

et

Bernardino Baldi,

JII,

pp. 106-108.

dont

le

le faix


ÉTUDES SUR LÉONARD DE VINCI

296

suspendu représente la résistance. Cette solution exacte conduit, d'ailleurs, pour le rapport des charges éprouvées par les deux portefaix, à

la

même

valeur que la solution incorrecte du

Stagirite; ces charges sont entre elles

comme

les distances des

épaules des porteurs au point de suspension du fardeau.

connues par

Les Questions mécaniques d'Aristote ont été

divers mécaniciens de l'Antiquité, parmi lesquels

au dixième

de citer Vitruve; consacre tout tions

convient

son Architecture^,

il

chapitre ^ à exposer quelques-unes des Ques-

mécaniques.

C'est ((

un

livre de

il

en ce chapitre que nous lisons ^ ce qui

Lorsque

suit

:

ou quatre à quatre veulent mesurent les hastons dont ils

les portefaix six à six,

soulever de lourds fardeaux,

ils

servent pour cela, et font en sorte que le centre qui doit

se

porter, soit au milieu, afin de partager la charge également

sur les épaules de chacun. Pour cet

effet,

il

y a des chevilles de

au milieu de leurs basions, pour empescher que

fer

royes qui portent

Or quand

le

le

fardeau ne glissent d'un costé ou d'autre.

fardeau s'éloigne du centre,

porteurs vers lequel

a coulé, de

il

aller le poids et l'anneau ((

Il

en

est

de

les cour-

mesme

il

pèse sur celuy des

mesme que

lorsqu'on

fait

d'une romaine vers son extrémité...

»

des basions à porter... lorsque les cour-

royes ne sont pas au milieu, et qu'il y a une partie du baston plus longue et une autre pltis courte, sçavoir celle vers laquelle la

courroye a coulé; car cela estant ainsi,

le

baston sur l'endroit où est

la

si

Ton

courroye, qui est

partie la plus longue décrira par son extrémité cercle, et la plus courte les petites

un plus

petit; et ainsi

roues ont plus de peine à rouler,

fait

le centre, la

un de

tourner

plus grand

mesme que

les

basions...

pèsent davantage du costé où est l'intervalle plus court depuis le

centre jusqu'à

l'extrémité,

et

au contraire

ils

soulagent

1. Les dix livres d'Architecture de Vitruve, corrigez et traduits nouvellement en François, avec des notes et des figures. Seconde édition revevië, corrigée et augmentée. Par M. Perrault de l'Académie Royalle des Sciences, Docteur en Médecine de la Faculté de Paris. A Paris, chez Jean- Baptiste Coignard, Imprimeur ordinaire du Roy, rue S. Jacques, à la Bible d'Or. MDCLXXXIV.

2. Chapitre VIII, De la force que pour porter les fardeaux. 3.

Vitruve,

loc. cit., p.

3ii.

la ligne

droite et la circulaire ont dans les nuiffiines


LA SCIENTIA DE PONDERIBUS ET LEONARD DE VINCI

d'autant ceux qui les portent, qu'il y a

depuis

le

centre jusqu'à l'extrémité.

Vitruve a paraphrasé

coup

sûr,

il

ne

l'a

le

un

297

plus long espace

»

raisonnement d'Aristote; mais, à

point amélioré.

Nous avons vu que Héron d'Alexandrie

aussi,

avait, lui

reproduit quelques-unes des Questions mécaniques d'Aristote, mais,

parfois,

en

les

modifiant

en

et

les

améliorant d'une

manière sensible. De ces Questions, aucune n'a plus vivement et plus longuement sollicité son attention que celle dont nous

nous occupons en ce moment. Le premier,

a

il

vu

les liens

qui l'unissaient à certains problèmes qui se posent en l'étude

de la résistance des matériaux. Plus exactement,

premier des géomètres anciens dont

nous soient parvenues;

car, si

les

nous

est le

il

remarques sur ce

l'en croyons, ces

sujet

remar-

ques ne font que résumer un ouvrage d'Archimède, aujourd'hui perdu. Voici

comment débute

Héron auquel nous faisons allusion « Il

est nécessaire

ment on porte

d'expliquer

et transporte les

le

passage

^

du

livre de

:

comment on

soutient,

com-

corps graves, avec les dévelop-

pements convenables pour une introduction. Archimède a traité cette

matière avec

un

art très sûr

dans son livre appelé

pour nous, nous établirons ce qu'on a besoin d'en connaître pour d'autres objets, et nous ferons usage de ces résultats, dans la mesure qui peut convenir aux Livre des supports;

étudiants. Voici la voie »

que nous suivrons

Soient des colonnes en

:

nombre quelconque

tent des poutres transversales

elles

;

suppor-

ou une paroi, posées sur

elles

dans des situations identiques ou diverses, dépassant par l'une de leurs extrémités ou par sont également ou

deux ensemble,

et ces

colonnes

inégalement distancées;

nous

voulons

les

connaître quelle portion du poids supporte chacune d'elles.

Un exemple

semblable

poutre, partout de

est

même

offert

par ce cas

:

Une longue

poids, est portée par des

également espacés sur sa longueur

et

hommes

entre ses extrémités;

Les Mécaniques ou l'Élévateur de Héron d'Alexandrie, publiées pour la première sur la version arabe de Qostà ibn Lûkà et traduites en français par M. le baron Carra de Vaux. Extrait du Journal Asiatique. Paris, i8q4. Livre I, section VI, p. 77. I

fois

.


298

ÉTUDES SUR LÉONARD DE VINCI

dépasse par l'une de ses

elle

extrémités ou par les deux ensemble. Nous voulons connaître quelle portion de son poids

chaque

deux

homme

cas.

Si la

blème

supporte. Le problème est le

même

dans

les

»

poutre n'est portée que par deux manœuvres, ainsi

énoncé

ramène

se

considéré; la poutre

le

pro-

aussitôt à celui qu'Aristole a

peut être traitée

comme une

tige sans

poids, à condition que l'on suspende en son centre de gravité

une charge égale à son poids; la loi du levier fournit alors solution demandée. Lorsque le nombre des porteurs excède deux, la question complique étrangement; alors

est

l'épaule de

impuissante

de

la

déterminer

chaque portefaix

une question

définie,

poutre,

et

la

il

se

Mécanique des solides invariables

la

à

la

faut

;

pour que

que

charge qui

la

presse

problème devienne

le

l'on tienne

compte des

question ressortit alors à

la

flexions

théorie de

l'élasticité.

Naturellement, Héron n'a point soupçonné cette complication

du problème

qu'il avait

énoncé; naturellement aussi,

solution qu'il en a proposée est tout à

pas lieu de la rapporter

Après avoir donné le

problème

même

cette solution.

Héron d'Alexandrie aborde

«

Soit

un corps

même poids

:

égal aussi

a g (fig. 8),

dans toutes

et

de

il

repose sur des supports dressés dans

ses parties

des conditions identiques a y et ^l. clair

à ap, au point il

est évident

H

que sur chacun des supports pèse

moitié du poids a

Fig. 8.

n'y a

qui avait sollicité l'attention d'Aristote;

P

par moitiés,

il

ici.

voici ce qu'il en dit

6

insuffisante;

fait

la

s;

p.

;

est la

Suspendons un poids

si le

point

s

divise

a|3

que chacun des deux pieds supporte

une moitié du poids a p, plus une moitié du poids suspendu au point e ou chargé en ce point. Si le point s ne divise pas ag en deux parties égales, divisons le poids suspendu en deux

I.

Héron d'Alexandrie,

loc. cit., p. 86.


LA SCIENTIA DE POjNDERIBUS ET LEONARD DE VINCI

portions dans tionnelle à

£

rapport

le

pèsera sur a y

(3

tionnelle à as pèsera sur g

supporte

la

moitié de a g.

3.

poids de la portion propor-

le

;

399

de

et celui

De

la

portion propor-

chacun des deux poids

plus,

»

La règle que Héron propose pour répartir la charge entre les deux appuis est celle qu'Aristote avait formulée; cette règle, Aristote y était parvenu par un raisonnement inexact; Héron se

contente de

poser sans songer aucunement à

la

Le Précurseur de Léonard de Vinci va

faire

la justifier.

même

de cette

règle la conclusion d'une déduction logique.

En

effet,

il

préoccupé, lui aussi, du problème qui a

s'est

sollicité les efforts d'Aristote,

drie;

il

de Vitruve

prend pour objet de

le

la

de Héron d'Alexan-

et

proposition qui clôt son

troisième livre. Voici cette proposition et la démonstration, aussi brève que correcte, qui l'accompagne ((

Le poids qui

n'est point

courte partie dans

le

partie plus courtes

n

:

suspendu au milieu alourdit

rapport de

la

plus

partie la plus longue à cette

E (flg. 9) le poids suspendu et ABC ce qui le divisons E en deux parties D et F, de A B \ ((

la

Soient

soutient;

G

'^

telle sorte

que

rapport que

dons

D

D

AB

soit à

à

au point C

chacun d'eux aura le

BC.

F dans

Si

et

le

même

nous suspen-

F au point A,

même pesanteur que

Ç\

poids E, pourvu que l'on regarde

l'autre extrémité

comme

jouant

f

le rôle

Q^

^

(

e p^^

de point d'appui du levier. Donc, pour

ceux qui portent, en pesanteur en

A

A

et G, le

poids E, suspendu en B,

sera à la pesanteur en

G comme GB

est à

Ge court passage mérite grandement, par lui-même, l'attention de l'historien des sciences;

en

effet,

depuis que

les

hommes

pour

la

la

BA.»

d'attirer

première

fois,

s'occupent de Mécanique,

1. Nous trouvons ici un saisissant exemple des déformations que l'édition de Curtius Trojanus a fait subir à la pensée de VAuctor de ponderibus. Celui ci avait énoncé sa proposition en ces termes « Pondus non in medlo dependens breviorem parteni secundum proportionem longioris ad ipsam. graviorem reddit. » Le Jordanl opusculum de ponderositate, en sa Quœstio vigesima-octava, lui fait dire «Mundus non in medio descendens breviorem partem secundum proportionem longioris ad ipsam gravitatem redditur! n :

:


ETUDES SUR LEONARD DE VINCI

3oo

une

une méthode

force de liaison s'y trouve déterminée par

exacte. Mais

combien plus

que nous aurons salué

Léonard

s'imposera à notre souvenir lors-

il

découvertes qu'il va suggérer à

les

!

Ce que Léonard de Vinci a pensé en lisant la proposition remarquable que nous venons de reproduire, le Codice Trivulzio ne nous le dit pas; pour saisir l'éveil des réflexions du grand peintre,

il

nous faut recourir à l'un des

aux cahiers de

avait arrachés

Ce

feuillet se

tices,

que Libri

Bibliothèque de

l'Institut.

un

trouve maintenant en

des deux cahiers fac-

provenant des déprédations de Libri, que conserve

Bibliothèque

nationale

cahier B, dont cahier

le

la

^

feuillets

il

formait

B semble

primitivement

appartenait

il

;

94® feuillet.

le

être bien

Comme

la

au

cahier A,

le

souvent une suite naturelle du

Codice Trivulzio.

Deux croquis

(Jig.

10) sont tracés côte à côte.

En

l'un,

un

B A

Ô8

Ô8 FiG.

10.

boulet qui pèse 8 est suspendu à égale

supports qui soutiennent une perche;

la

au-dessus de chacun de ces supports.

charge 4

En

des deux

distance est

l'autre,

marquée

même

le

boulet est suspendu au point B dont la distance à l'extrémité

A

un un 6

2

de

la

perche

nous indique

est triple la

de

la

C

distance à l'extrémité

charge du support qui aboutit en A,

et

;

la

charge du support qui se trouve au-dessous de C. Ces croquis sont accompagnés du commentaire que voici

«La même proportion qu'a de

A

l'a

avec celui de C.

l'espace

BC

avec AC,

le

:

poids

»

«Si tout corps pesant désire tomber au centre, l'opposition I.

Les manuscrits de

nale, fol.

l\,

verso.

Léonard de Vinci. Ms. 2087

(italien)

de

la

Bibliothèque natio-


LA SCIEÎVTIA DE PO]NJ)ERlBUS ET LEONARD DE VINCI

3oi

plus proche participe plus de ce poids. Et sache

qui en est

la

qu'autant

BG

entre

mesure en AG, autant de

par

poids qui se trouve en

A

en G;

générale.»

et cette règle est

fois

le

entre dans le poids qui se trouve

M Gomment Léonard a découvert la

loi

de composition

des forces concourantes.

Gomme

nous l'annonce

cherchera généraliser

cette dernière phrase,

Léonard va

la règle qu'Aristote a posée,

que Vitruve,

que Héron d'Alexandrie, que son Précurseur ont

De

suite,

il

suivie.

propose une première généralisation;

qui pèse toujours

8, est

suspendu

(fig,

le

houlet,

ii) au point de jonction

de deux poutres inclinées. Dans un premier cas, ces poutres forment, avec

un

la

ligne horizontale qui passe par leurs pieds,

triangle isocèle; alors,

chacune

une charge k. Dans un second verticale du point d'application

d'elles

transmet au sol

cas, le triangle est scalène; la

divise la base

en parties dont

l'une est triple de l'autre; les appuis pressent alors le sol les

poids

écrit

2

et 6.

«Bien que ces supports changent de forme,

Léonard, néanmoins

ci-dessus.

((à

mettre

ils

même

sont de la

nature que ceux*

»

Gette généralisation, s'efforcer

comme

fort

inexacte

d'ailleurs,

de l'étendre encore davantage le

boulet entre deux cordes.

»

:

Léonard va

ulngénie-toi,

»

dit-il,


ETUDES SUR LEONARD DE VlNCl

3o3

Le Vinci s'ingénia aisément à placer cordes

En

;

nous en avons pour garant un

boulet entre deux

le

feuillet

du manuscrit A ».

ce feuillet, qui est, sans doute, postérieur en date au

feuillet

que nous venons d'étudier, nous trouvons

que reproduit

la figure

12;

nous

croquis

le

oyons comment Léonard

a

étend aux tensions de deux cordes qui soutiennent

un poids

la règle

erronée qu'il avait énoncée pour qui supportent une

appuis

des

charge.

Auprès du croquis que nous

venons de reproduire

s'en trouvent

plusieurs autres, où nous voyons

un poids soutenu par

plusieurs

cordes ou par plusieurs poutres; à ces croquis sont jointes les FiG.

gnes suivantes

12.

((

ché en haut

et

li-

:

De ponderibus

.

— Le poids

atta-

suspendu avec des cordes ou soutenu par-

dessous avec des poutres établies avec leurs extrémités en différentes situations

plus grande à

donnera une partie de son poids d'autant

un support qu'à un

de l'un sera plus près de

que

l'autre voisin.

la

autre que le point d'appui

perpendiculaire du centre du poids

»

La lecture d'une proposition que VAuctor de ponderibus avait empruntée aux Questions mécaniques d'Aristote a conduit Léonard de Vinci à se poser l'un des problèmes les plus imporproblème de

tants de toute la science de l'équilibre, le

la

com-

position des forces concourantes.

De

ce problème, la première solution qui s'est offerte à

l'esprit

du grand peintre

est

une solution erronée;

tion va retenir avec persistance son adhésion, notes,

I.

Lei manuscrits de Léonard de Vinci. Ms.

fol. 47, •2.

nous en retrouverons maintes

et,

dahs

formule ^ Mais

ses les

A de

la

Bibliothèque de riustilul,

A

la

Bibliothèque de

verso.

Les manuscrits de Léonard de Vinci. Ms.

fol. 3i,

fois la

cette solu-

verso.

Ms.

G de

la

de

Bibliothèque de l'Institut,

fol. 89,

verso.

l'Inslilut,


LA SCIËiVTIA

PONDERIBUS ET LEONARD DE VINCI

t)E

3o3

méditations du Vinci sur ce sujet contraindront

incessantes

enfin la vérité à se manifester.

Ouvrons

lisons -le en

marqué de la lettre E et pagination. Nous sommes

cahier que Venturi a

le

de

inverse

sens

la

assurés que nous suivrons ainsi, dans la partie de ce cahier

même

qui nous intéresse, l'ordre à qui en douterait,

des pensées de Léonard

;

et

nous pourrions en fournir des preuves

convaincantes.

A

la

du verso du

fin

achever un raisonnement, écrit

du

même

du

recto

feuillet,

Léonard,

6i,

feuillet

Tourne le papier. » En haut nous lisons « Ici suit ce qui o

:

:

manque derrière au pied. » Au verso du feuillet 77, un passage coup

note, qui semble mise après

troisième page après celle-ci.

»

:

u

biffé est suivi

sième page avant

donc

du

du

de

la

recto

« Ici

celle-ci.

Feuilletons partir

:

Or, c'est au recto

le

se finit

de cette

Ceci est mieux dit à la

ce qui

du

feuillet 76

même

passage,

manque

à la troi-

que nous trouvons une nouvelle rédaction du précédée de ces mots

ne pouvant

»

cahier E en commençant par

feuillet 71,

la fin;

à

nous voyons Léonard soucieux

composition des forces concourantes

;

presque à chaque

page, nous trouvons des réflexions et des dessins qui ont trait à ce

problème; jusqu'au

feuillet

réflexions, tous ces dessins

thème unique,

et ce

thème

68 inclusivement, toutes ces

ne sont que des variations sur un est la règle

erronée déjà formulée

au cahier A. Mais voici que l'hésitation s'empare de l'esprit de Léonard; à côté de cette règle erronée, est la véritable; entre ces

préoccupe,

il

en entrevoit une autre, qui

deux solutions du problème qui

le

semble tâtonner.

La première page où au verso du

il

feuillet 67.

se

marquent

ces hésitations

La page presque entière

est

se trouve

consacrée

à des énoncés divers de la règle incorrecte; mais tout au bas,

un

dessin

I

représente une poutre soutenue par deux cordes

concourantes; du centre de gravité de I.

Ce dessin

et le

dans Les origines de

la poutre,

commentaire qui l'accompagne ont

la Statique,

t. I,

fig.

5o et p. 17g.

qui se trouve

été reproduits et étudiés


ÉTUDES SUR LEONARD DE VINCI

3oA

du point de suspension, deux perpendicusans douie, Léonard laires sont abaissées sur les deux cordes a comparé les moments des tensions des deux cordes par dans

la verticale

;

rapport au centre de gravité de

Au

poutre.

la

verso du feuillet 66, nous trouvons des dessins analo-

gues, mêlés à des croquis relatifs à la règle que Léonard va

abandonner

au recto du

;

même

feuillet, le

Vinci s'efforce de

du problème qui

tirer des propriétés des poulies la solution

le

préoccupe.

Mais voici que

lumière se

la

fait

dans son esprit;

il

voit

que

de composition des forces concourantes se peut tirer

la loi

d'une théorie qu'il possède pleinement, la théorie du levier coudé.

commence par résumer

Il

(fol. 65,

verso) les principes

de cette théorie en les mettant sous la forme qui va lui servir. Puis, par il

ce

un

artifice très

élégant'

(fol. 65, recto, et 64,

verso),

résout l'importante question qu'il avait posée en formulant

théorème

:

Lorsque deux cordes soutiennent un poids, par

rapport à un point pris sur l'une des deux cordes,

le

poids et

moments égaux

et

de sens

de l'autre corde ont des

la tension

contraires.

^

Les pages suivantes recto

;

(fol.

63, verso et recto; 6i,

verso

et

6o, verso et recto) sont consacrées à des variations sur

cette solution,

dont

la

découverte

suffirait à

mettre Léonard au

Nous avons vu que cette découverte lui avait été suggérée par une proposition que l'École De ponderibus avait empruntée aux Questions mécaniques premier rang des

mécaniciens.

d'Aristote.

De

cette

mémorable découverte nous pouvons

mativement

la date

;

en

effet, le

fixer approxi-

cahier E, où elle est consignée,

nous apporte deux renseignements propres à déterminer

Au

date.

partis

cette

Je du folio i nous lisons cette mention de Milan pour Rome au jour 24 de septembre i5i3 avec recto

,

:

((

la solution, donnée par Léonard, du problème de la compoLéonard de Vinci et la composition des forces concourantes des forces dans {Bibliotkeca mathematica, 3* série, t. IV, p. 338, 190/1) et dans Les origines de la Statique, Mais, iaute d'avoir vu que le manuscrit E devait être lu à rebours, i. I, eh. VIIF, -2. nous avions cru que Léonard avait méconnu sa découverte. Le lecteur trouvera ilans CCS deux écrits des détails qui ne peuvent, ici, trouver place. I.

sition

Nous avons étudié

:


3o5

LA SCIEMIA DE PONDERIBUS ET LÉOiXARD DE VINCI

Jean, François de Melzi,

Salaï,

Laurent

le

et

Fanfoia.

»

Le

du feuillet 80 nous présente cette autre indication A Parme, à la campagne, au jour 26 de septembre i5i/i. » Si l'on observe que la partie du cahier E comprise entre le

recto

:

((

folio

80

et le folio

60 renferme précisément tous les essais qui

ont conduit Léonard à courantes

la loi

que, d'ailleurs, cette partie du cahier

;

en sens inverse de

été écrite

de composition des forces con-

grande découverte du Vinci et qu'elle fut

sans doute

E

a sûrement

pagination, nous voyons que la

la

est postérieure

au 25 septembre i5i4

peu de temps après

faite

cette date.

Léonard de Vinci avait alors soixante -trois ans.

VII

Quelques problêmes sur la balance suggérés au Vinci PAR SON Précurseur.

Parmi

les

propositions que VAuctor de ponderibus a exposées

en son quatrième se soit

emparé

ment. Des six

livre,

il

n'en est aucune dont Léonard ne

donné quelque développepropositions qui composent le troisième livre, et à laquelle

il

n'ait

deux dernières ont également servi au Vinci,

les

d'elles, la sixième, lui a fourni l'occasion

et

l'une

d'une grande décou-

verte; c'est en cherchant à la généraliser qu'il a obtenu,

premier, la

loi

le

de composition des forces concourantes.

Le grand peintre

a-t-il

également connu

quatre premières

les

propositions de ce troisième livre?

Les premières propositions de ce livre ont

de

la balance.

troisième

trait à la stabilité

Aristote avait déjà abordé ce

Question

mécanique^

;

solution

la

problème en sa qu'il

en

avait

donnée renfermait de graves erreurs. Ce problème est également l'un de ceux auxquels Jordanus ait tenté d'appliquer la notion de gravité secundam situm; pas la moins fâcheuse qu'il 1.

Cf. Les origines de la Statique, p.

DUHEM

t.

ait faite I,

et

cette

application n'est

de ses principes.

chap. VI,

2

;

p. iio. -20


ÉTL'DES SUR LEO>ARt>

3o6

Au sujet

que

contraire, tout ce

même

de cette

le

Î)E

VlNCt

Précurseur de Léonard a dit au

question, dans les trois théorèmes par

lesquels débute son troisième livre, est très clair et très exact.

Si

((

le

dus aux deux extrémités,

jusquà devenir de

est impossible

il

la règle et la

rapport entre

le

longueur de

la

la règle; si

l'angle de la règle avec la verticale.

au

à peine

contraire,

Léonard douter

;

le

arrivera que

s'il

poids suspen-

la règle s'incline

a-t-il

ton donne également

les

on connaîtra

la règle,

»

pivot se trouve au-dessous de la règle, c'est les

connu

au sujet de

du pivot au milieu

distance

rapports des poids suspendus au poids de

Si,

que

les

verticale. »

Si l'on donne

((

:

pivot autour duquel tourne la règle qui sert de fléau se

trouve au-dessus de cette règle, quels que soient

((

théorèmes

à reproduire l'énoncé de ces trois

Bornons-nous

poids puissent demeurer en équilibre.

ces propositions?

la stabilité

de

fort exactes; et ces choses, très

la

est

11

balance,

conformes à

il

»

malaisé d'en

a dit

^

des choses

de son

la théorie

Précurseur, se trouvent particulièrement au cahier E, où nous

avons relevé déjà tant de traces du Liber de ponderibus.

Après

les

trois

théorèmes consacrés à

la

stabilité

de

la

balance, ce livre nous présente cette proposition, d'allure paradoxale, qui mérite de nous arrêter

un

instant

((

:

Le fléau d'une balance

vant dans

la

position

se trou-

horizontale,

on peut, du côté que Von voudra, y suspendre un poids aussi grand que Von voudra, sans que détourné de

la position horizontale. »

Soient, en effet, le fléau, il

D

tourne,

point

D

;

le

et

ABC

(fig.

13)

pivot autour duquel

DE

la verticale

pour remplir

tions de l'énoncé, le

fléau soit

le

il

du

les condi-

suffit

de suspendre au bras

BH

du

fléau

poids qu'on y veut attacher, en donnant à ce poids la forme

Les manuscrits de Léonard de Vinci. Ms. E de la Hibliothcque de l'Instilul, Statique, t. 1, r- J^Ofol. 57, verso; loi. 58, recto; loi. 5y, reclo. Cf. Les origines de la I.


La SGlENTlA DE PONDERIBUS ET LEONARD DE VINCI

homogène Z DE.

d'une règle verticale

H, dont le milieu

ne paraît pas douteux que Léonard

II

un fragment^ qui

sition. Voici

un corps quelconque

Si

«

se trouve sur la

connu

ressemble fort

lui

(fig.

ait

T

007

cette

propo-

:

i^J de longue figure, de gros-

seur et de poids uniformes, étant suspendu à ses extrémités

par deux cordes attachées aux extrémités des bras égaux des

D

CD

CD A Fig.

Fig. ik.

ï5.

balances, les cordes sont de longueurs différentes, les balances

n'en resteront pas moins dans la ligne de

en

est

sous

que

le

centre

si

l'égalité.

La raison

une ligne qui passe

tu tires perpendiculairement

centre de la balance, cette ligne passera aussi par le

du poids soutenu.

Assurément,

»

c'est la lecture

de cette

même

proposition qui a

suggéré au Vinci cette réflexion 2, inscrite au Codice Trivalzio ((

Tout poids

fait la

somme

:

de sa charge sur sa résistance en

une balance, un poids qui en montre ABCD (flg. i5), et qui soit

ligne perpendiculaire. Soit, sur

entièrement

comme le uni comme en

poids

sur

G

dans

le

est fort distant,

raîtra

2

la figure. Je dis

met un

;

sorte, \q Codice Trivalzio;

le

»

cahier

Les manuscrits de Léonard de Vinci. Ms.

Léonard de Vinci, Codice

A

prolonger, en quel-

nous ne nous étonnerons donc

G de

la

fol. 7, verso. 2.

l'on

un poids 3 sur D, le poids i en excès appaplateau B et je ramènerai A à l'équilibre en

Nous avons accoutumé à voir

1.

si

et

y mettant une livre de plus qu'en B.

que

que

Trivulzio, loi. 3, verso (6).

Bibliothèque de l'Institut,


ETUDES SUR LEONARD DE

3o8

pas d'y

même

lire la réflexion

CD

et

AB

que

qui dépend évidemment du

J,

principe que la précédente

De ponderibus

«

suivante

:

AD

Si le clou

VI>'CI

16) est fiché sur Tais

(fîg.

BGD,

pèse autant que

le

clou et

l'ais

qui

soutient seront en équilibre, et leur pôle sera au point G. Qu'il existe

un

lien étroit entre cette réflexion et celle

nous avons empruntée au Codice

FiG.

sans peine;

il

Trivalzio,

iG.

»

que

s'en peut assurer

FiG.

de regarder

suffît

on

le

17.

dessin que Léonard a tracé,

le

sans aucune explication, au-dessous de cette dernière; ce dessin

(fig.

un cadre pesant en

17) représente

équilibre sur

pointe. Mais l'équilibre surprenant de ce clou et de le soutient s'expliquait

tentation,

par

auquel

le

le

de Saxe

qui

théorème du polygone de sus-

Vinci avait

la lecture d'Albert

artiste, se

par

l'ais

une

2;

précédemment conduit ainsi, dans l'esprit du grand été

soudaient les unes aux autres

les

pensées d'origines

diverses.

Le cas d'équilibre paradoxal imaginé par Léonard a vive-

ment excité son intérêt; il y revient, en effet, un autre semblable, dans le passage suivant^ Le poids uni qui

«

est il

1.

fol. I, 2.

soutenu par

le

il

en combine*

:

milieu, et dont le reste

suspendu, peut être de n'importe quelle forme étrange, car

s'établira toujours

3.

est

et

en équilibre sur son soutien,

Les manuscrits de Léonard de Vinci. Ms. verso.

Vide supra

pp. 73 sqq. Les manuscrils de Léonard de Vinci. Ms.

fol. 33,

verso.

A

et

quelque-

de

la

Bibliothèque de

A de

la

Bibliothèque de Tlnslitut,

l'Institut,

:


3o9

LA SGIEiNTIA DE PONDERIBUS ET LEONARD DE VTNGI

extrémités ne se trouveront pas à égale distance

fois les

centre ))

du

poids.

Exemple. Soit

ment par

du

AB

18)

(Jig.

un bout de

règle qui pose seule-

l'extrémité A, le reste étant suspendu; c'est impos-

FiG. i8.

sible à faire

si

d'abord tu n'attaches pas à cette règle

qui fasse un contrepoids et ce »

tel

que A

reste

poids viendra à s'arrêter sur

L'instrument de dessous

semblable.

Quel

(Jîg.

le

le

poids G

au milieu entre G

et B,

pôle A.

19) est soumis à une raison

»

fut le rôle

de ces pensées dans l'histoire de

la Statique

;

FiG. 19.

comment, plus ou moins écrits de Gardan et du ailleurs

I.

^

et

défigurées, elles passèrent dans les P.

Mersenne, nous l'avons conté

nous ne voulons point

Les origines de

la

Statique,

t.

II,

le

répéter

ici

pp. loô-iiaet pp. 126-128.

:

il

nous

suffît


ÉTUDES SLR LEONARD DE YINCI

3lO d'avoir montré

comment Léonard

les a

conçues par

le

rappro-

chement des Subtilissiinœ qiiœstiones in lihros de Cœlo et Mundo, composées par Maître Albert de Saxe, et du Liber de ponderibus dont usaient

de Jordanus.

les disciples

Vin Conclusion.

Parmi

les

propositions qui forment

les

deux derniers

livres

De ponderibus, il n'en est presque aucune dont les cahiers de Léonard de Vinci ne nous présentent la trace bien à coup sûr, le grand peintre nette et bien reconnaissable

de ce

traité

;

avait lu et médité les livres III et IV de ce traité. Avait-il

Ce

eu connaissance du livre

livre II est consacré à des

blèmes

oii il est

II

du

même

problèmes sur

ouvrage

la

tenu compte du poids du fléau;

?

balance, proles

questions

posées, tout aussi bien que les procédés par lesquels elles sont résolues, rappellent par plus d'un trait le petit écrit intitulé

De

:

canonio.

Les problèmes de ce genre ont souvent sollicité l'attention

de Léonard de Vinci

dont

^ ;

mais

il

est

malaisé de fixer l'ouvrage

suggéré ces questions

la lecture lui a

avons étudié au cours de cet

article, le

de ponderibus de Maître Biaise de

;

le traité

De canonio,

le

que nous Tractatus

Parme peuvent également

les

lui avoir posées.

En revanche, il

est

un point qui nous semble hors de doute

:

du traité dont les derniers livres l'ont si souvent inspiré, Léonard n'a pas connu le premier livre. Voici une raison, entre beaucoup d'autres, qui nous semble capable de fixer notre opinion à ce sujet

:

Feuilletons les cahiers où nous avons relevé les traces fréIraité

De

La plupart d'entre eux,

les

quentes de rinflueiice exercée sur Léonard ponderibus de son

1.

Précurseur.

Cf. Les origines de la Statique,

t.

I,

pp.

i5r)-i5().

pai*

le


LA SGIENTIA. DE PONDERIBUS ET LÉONARD DE VINCI

cahiers

A, G, E, M, H,

de la Bibliothèque de

Codice sal volo degli uccelli nous

préoccupé du problème

du plan

montrent

le

incliné;

ce

l'aborde parles voies les plus diverses ï; tente, les

unes

le

3ll

l'Institut,

grand

le

artiste

problème,

il

des solutions qu'il

conduisent à une formule erronée

;

les autres,

par des raisonnements plus ou moins logiques, lui donnent l'énoncé d'une règle exacte.

breuses et variées,

il

parmi

Or,

nom-

solutions

ces

n'en est pas une seule où l'on puisse

moindre reflet de la méthode, si simple et si convaincante, que l'auteur du De ponderibus a exposée en son premier livre; aucune note de Léonard, si courte soit-elle, ne fait découvrir

le

du Vinci

allusion à cette belle démonstration. Le silence sujet est d'autant plus significatif s'agit reposait sur la

une de

que

la

démonstration dont

notion du travail de

ses idées favorites

;

la

il

a

fréquemment usé

méthode ;

qu'elle

en un mot, admirablement propre à ravir son suffrage

était,

il

pesanteur, qui fut

qu'elle procédait selon la

des déplacements virtuels dont

à ce

s'il

connu.

l'eût

Les notes du Vinci, d'ailleurs, ne portent pas davantage la trace

du procédé

si

élégant par lequel l'auteur du De ponderibus

a établi la condition d'équilibre

du

levier coudé.

donc indiquer que Léonard a ignoré le premier composé par le disciple de Jordanus.

Tout semble

livre

du

traité

Au contraire, il semble avoir bien connu les doctrines mêmes de Jordanus de Nemore; il en a donné une critique très ingénieuses Les résultats auxquels nous a conduits notes de Léonard avec

nants

;

ils

1.

CL Les

comme

composés celui

comparaison des

De ponderibus semblent surpre-

seraient incompréhensibles

ce traité étaient

en main,

le traité

la

comme

si

tous les manuscrits de

ceux que nous avons eus

que Tartaglia a plagié

et

dont Gurtius

origines de la statique, i.l, -pp. 26-33 et pp. 182-198. t. I, pp. iGS-iGg. L'Académie royale

de Venise possède la première page d'un traité sur la Mécanique écrit par Léonard, traité dont tout le reste est perdu. En cette page, on lit cet énoncé « Un grave se montre d'autant plus grande pesanteur qu'il se meut par une ligne plus voisine de la verticale, n C'est la traduction « Graviusesse indescendcndo quanto ejusdem motus textuelle du principe de Jordanus ad médium rectior.y^ [V. Uzielli, Eicerche su Leonardo da Vinci, Série II, Roma, 1884. Giovanni Vailati, /i prmc/pio dei lavori virtuali da Aristotele a Erone d'Alessandria {Accademia reale délie Scienze di Torino, anno 1896-1897).] 2.

Cf. Les origines de laStatique,

:

:


ETUDES SUR LEONARD DE VINGT

3l2

Trojanus a donné une édition

dont

composition

la

a signalé

il

est des textes

M. Axel Anthon Bjôrnbo en

est différente.

un que renferme

I

fautive. Mais

si

manuscrit n" 3io2 de

le

la Biblio-

thèque du Vatican; en ce codex, on trouve tout d'abord

neuf propositions des Elemenia de Jordanus, puis

les

les

quatre

propositions du De canonio; ces treize propositions sont suivies

du

des trois derniers livres

traité

De ponderibas qui nous

a

constamment occupé en cet article. Tout ce que nous avons dit au sujet des emprunts faits par Léonard à la Scientia de ponderibus devient fort aisé à comprendre si le manuscrit étudié par le grand peintre se trouvait composé comme celui qu'a décrit M. Bjornbô. est

Il

étudié, traité

donc possible, au traité De ponderibus que nous avons de supprimer le premier livre et de le remplacer par le

de Jordanus

;

c'est assez dire

plus lâches. Rien de plus aisé,

les trois derniers, le lien est des

en

effet,

que de briser ce

lien.

exposées aux trois derniers liVres proposition du premier livre. jouent, au premier livre,

secundam situm premier

part,

livre,

Aucune des démonstrations n'invoque explicitement une

y a plus

les

:

et les trois

forment deux ouvrages

la

pesanteur, n'appa-

derniers livres. Visiblement,

trois

d'une part,

deux notions qui

rôle essentiel, la notion de gravité

notion de travail de

aucunement aux

raissent le

et la

un

Il

qu'entre le premier livre et

derniers livres, d'autre

distincts,

fort

artificiellement

réunis l'un à l'autre.'

Que pouvons-nous ouvrages

En

forme

deribus, l'influence

les trois

de

derniers livres

ces

la science

grecque

se

du traité De ponmarque avec évi-

Bon nombre de questions examinées en

sont empruntées aux

sous laquelle

Mrf/avr/.à 7upo6X7^[j.a-a

la théorie

grande analogie avec

en son

chacun de

?j

celui qui

dence.

dire touchant l'origine de

des

celle

moments

que

lui

cet

d'Aristote.

ouvrage

La forme

est présentée a la plus

donne Héron d'Alexandrie

livre sur r Élévateur.

I. Axel Anthon lîjornbo, Stadien iiber Menelaos' Spharih. Beitriige ziir Geschirhte der Spharik und Trigonométrie der Griechcn (Abhandlangen :ur Gesrliichte der malliema-

tischen Wissenschaften mit Einschluss ihrer

XlVif*

Ilert, S. 1/17; 1902).

Anwendungen, l)Cf>rrmdet vonMoritzCanlor.


LA SGIENTIV DE PO>fDERIBUS ET LEONARD DE VINCI

Un

3l3

autre caractère permet de reconnaître l'origine

nique de cette partie du les lettres se

En

traité.

Iiellé-

nous avons vu

la figure i3,

succéder dans l'ordre A, B, C, D, E, Z, H, T;

cet ordre, qui rappelle celui de l'alphabet grec a, g, Y, 0, £, C,

se retrouve

dans toutes

figures des livres II et

les

IIÏ.

permettent de reconnaître

0,

•//,

démonstrations

dans toutes

et

les

Selon M. Hultsch, ces désignations les écrits

grecs venus à la connais-

sance des Occidentaux par l'intermédiaire de versions arabes.

Le passage par l'arabe explique d'origine grecque dans

le

de

l'absence

tout

mot

ces

mots

du De ponderibus ;

texte

sont au contraire très fréquents, en général, dans les versions

du grec au latin dont remarquable exemple.

directes

Est-il possible d'aller

de cet ouvrage

premier attribué

^

De canonio nous

plus loin et de

Nous ne

"è

le

le

nommer

offre

un

l'auteur grec

croyons pas. Thurot, qui a

le

une origine hellénique^ a émis

à notre traité

l'hypothèse de son identité avec

le

IIspl po7ï(T)v

de Ptolémée.

Cette hypothèse ne nous paraît pas justifiée. Simplicius, en effet,

connaissait ce traité de Ptolémée qu'il cite^ en son

mentaire au De Cœlo d'Aristote. Or, lorsque

même

le

Simpli-

cius énumère"^ les diverses théories qui ont été proposées

rendre compte de

la

chute accélérée des graves,

tionne aucunement l'explication traité

soit

peut-être, r Élévateur de

t.

XIX,

traité

II s pi

les Mrj^^avtxa

composé

izpo^lrnj.oiTa et,

le

Principe d'Archimède (Revue archéolo-

1869, P- '^7)-

Simplicii in Aristotelis de Coelo commentavia cdidit

MDCCGCXCIV (Comment,

poTuwv,

l'auteur,

Héron d'Alexandrie.

ïhurot, Recherches historiques sur

gique, nouvelle série,

3.

ne men-

curieuse qu'en donne notre

donc possible d'en nommer

nous pouvons y reconnaître un par un géomètre qui connaissait

2.

pour

De ponderibus.

Sans qu'il nous

1.

si

il

com-

J.

L.

Heiberg",

Berolini,

in de Coelo, lib. IV, cap. IV).

Simplicii in Aristotelis de Coelo commentaria edidit J. L. Heiberg. Berolini, pp. 26/i seqq. (Comment, in de Coelo, lib. 1, cap. VIII).

MDCCCCXCIV,


ÉTUDES SUR LÉONARD DE VTNCl

3 14

Tout

que nous présente

différent est le caractère

Aucune marque de imprimée.

Les lettres

ne

hellénique

science

la

qui désignent les

divers

le livre

trouve

s'y

points

figures s'y succèdent dans l'ordre de l'alphabet latin.

I.

des

La seule

empreinte que nous y reconnaissions, profondément gravée, est celle de l'Ecole de Jordanus. L'auteur a écrit après Jordanus de Nemore.

en reproduit certaines démonstrations, non sans

Il

les critiquer.

Ses deux propositions les plus marquantes, la

condition d'équilibre du levier coudé

sa théorie

du plan

sont établies en usant de la méthode par laquelle

incliné,

Jordanus a ment,

et

justifié la loi d'équilibre

l'écrit

qui forme

le

premier

du

levier droit. Visible-

livre de notre traité

De pon-

une production du Moyen-Age occidental. deux écrits, si différents d'origine et de caractère,

deribus est Si ces

trouvent

le

plus souvent soudés l'un à l'autre, est-ce pur

se

effet

de hasard.^ Les écrits dont usait l'École De ponderibus nous offrent autre exemple de soudure entre

un

autre traité

un

traité d'origine

grecque

composé par un géomètre du Moyen-Age

;

un et les

Elemenla Jordani super demonslraiionem ponderis sont presque toujours, et dès le xni' siècle, unis au

De canonioK De

cette

rapsodie, la raison est évidente; le De canonio ne se suffit pas à ((

lui-même;

il

invoque des propositions qui ont été démontrées

par Euclide, par Archimède

et

par d'autres

»;

or, la

démons-

tration de ces propositions est l'un des principaux objets de l'écrit

de Jordanus

;

forme

cet écrit

ainsi,

au De canonio, une

introduction très naturelle et peut-être voulue par Jordanus

même. Ne peut-on donner une explication analogue de la soudure entre le premier livre du traité De ponderibus et les trois derniers ?

Gomme loi

du

le

De

canonio, le second livre de ce traité suppose la

levier et son extension

au cas où l'on tient compte du

poids des bras du levier; l'auteur du premier livre démontre ces propositions exactement

r.

Cf. Les origines de la Statique,

t.

I,

comme Jordanus p.

1

25- 138.

l'avait fait

avant


3l5

LA SGIEINTIA DE PONDERIBUS ET LEONARD DE VINCI

en sorte que son premier

lui;

que

livre peut, aussi bien

Elemenla Jordani, servir d'introduction au second

les

livre.

Mais ce premier livre apporte au troisième livre un secours

que

Elémenta Jordani ne lui sauraient donner.

les

Prenons, en livre

qui

:

«

Si

forme

première proposition de ce troisième

pivot de la balance se trouve au dessus de la règle

le

fléau, quels que soient les poids suspendus en ses

fléau ne s'inclinera pas jusqu'à devenir vertical,

le

Suivons-en

la

ABC

supposons poids G;

la

le

extrémités,

«Soit

effet,

démonstration

le

poids

menons

:

20) le fléau,

(fig.

A

n

D

le pivot,

DBE

la verticale;

supérieur au

DG,

les lignes

DA

;

prolongeons cette dernière jusqu'en Z,

de

comme

poids

le

que DZ

sorte

telle

remplaçons égal à G,

le

A

placé

en

DG

au poids G,

est

poids

soit à

A

et

par un poids Les

Z...

choses

étant ainsi disposées, Z voudra s'ap-

procher de

que G; A

la

se

DBE

verticale

rapprochera donc de

quantité proportionnelle; verticale.

autant

n'arrivera

il

même

verticale d'une

donc pas

à toucher cette

la

»

Visiblement, cette démonstration suppose l'on peut

énoncer

ainsi

:

((

aux bras

Si des poids égaux pendent

inégaux d'un levier coudé, poids soient équidislants de

un lemme que

il

faudra, pour

la verticale

l'équilibre,

du point d'appui.

que ces »

Gette

proposition était assurément connue des géomètres de l'Ecole

d'Alexandrie; elle est citée par Héron d'Alexandrie

regarde avec raison

comme

impliquée dans

les

',

qui la

théorèmes

d'Archimède. Mais, bien loin de se trouver établie dans Elemenla Jordani,

elle

y

était

les

formellement niée. Au contraire,

du premier livre De ponderibus l'énonce exactement en son théorème VllI, et il la justifie par un raisonnement des

l'auteur

plus élégants.

De même que Jordanus de Nemore semble avoir rédigé

I.

Les Mécaniques ou VÉlévateur de

Héron d'Alexandrie,.., pp.

87 sqq.

ses


ETUDES SUR LEONARD DE VINCI

3i6

Elementa pour en faire une sorte d'introduction au De canonio,

de

même

paraît avoir souhaité de fournir aux trois derniers

derihas, livres

A

son disciple, en composant un premier livre De pon-

un lemme dont

ils

avaient besoin.

inconnu des quatre

De ponderihus, nous avions proposé de donner un nom; nous l'avions appelé le Précurseur de Léonard de Vinci. Or, voici que cet auteur se dédouble, pour ainsi dire, et que nous trouvons en lui deux l'auteur

personnages

:

livres

un géomètre adepte de

Science hellène, a

la

un mécanicien de Jordanus de Nemore, a composé le

rédigé les trois derniers livres de l'ouvrage; occidental,

disciple

premier.

Au premier

de ces deux auteurs,

Léonard convient

exactement;

très

de son traité qui n'ait

il

de Précurseur de

le titre

n'est

sollicité l'attention

aucune proposition

du Vinci;

il

en

est

qui lui ont suggéré quelques-unes de ses plus belles trouvailles

en Mécanique, notamment

la loi

de composition des forces

concourantes.

Au

contraire,

théorèmes du

les

inconnus à Léonard

;

celui-ci a

ignoré

second

nom du

demeurés

la belle solution

par celui-là au problème du plan incliné eût illustré lé

sont

;

une

disciple de Jordanus,

telle

si

ce

donnée

découverte

nom

n'était

à tout jamais perdu. L'auteur de cette découverte ne mériterait il

pas

le titre

le titre

et

ï

de Précurseur de Simon Stevin.^ ou bien encore

de Précurseur de Descartes, puisqu'en cette solution

en une autre

il

a

si

heureusement usé de

la

méthode que

le

grand philosophe devait préconiser?

I.

Cette dénomination nous a été proposée par M. P. Mansion, professeur à l'Uni-

versité de

Gand.


vni

ALBERT DE SAXE



ALBERT DE SAXE I

Ce que nous connaissons touchant la tie d'Albert de Helmst^dt, surnommé Albert de Saxe. L'influence d'Albert de Saxe sur les pensées de Léonard de Vinci a été considérable; à plusieurs reprises, il nous a été

donné d'en relever la

marques; souvent, encore, nous aurons à signaler. Gomment ne souhaiterions-nous pas de connaître, les

complètement que possible, ce que fut la vie de ce maître? Malheureusement, jusqu'à ces dernières années, nous possé-

aussi

dions bien peu de renseignements sur cette vie;

les

particularités de

quelques lignes de Georges Lokert ou de

Du Boulay

contenaient tout ce qu'il nous était donné d'en savoir.

Aujourd'hui, bien que notre curiosité ne puisse encore faire tous ses légitimes

désirs,

du moins

satis-

a telle reçu de pré-

cieux aliments par les soins du R. P. Denifle et de M. Emile Ghatelain.

Dans

le Cartulaire

de r Université de Paris, dont la

publication est due à leur érudition, nous trouvons quelques

documents authentiques sur

la vie

d'Albert de Saxe'. Nous

trouvons d'autres renseignements, en bien plus grand nombre,

dans ce Livre des Procureurs de

nous

la

Nation anglaise qui, déjà,

permis de reconstituer quelques parties de la vie de ïhémon^ et dont nous devons la publication aux mêmes a

savants éditeurs-^. Chartularium Universitatis Parisiciisis sub auspiciis Goncilii generalis Facultadiversis bibliothecis tabulariisquc collegit, cum authenticis chartis contulit, notisque illustravit Henricus Denifle 0. P.... auxiliante Emilio 1.

tum Parisicnsium, ex

Ghatelain... Tomus Ilf, ab anno MCGCL usque ad annum MGGCLXXXXIIII. Parisiis, anno MDGGGLXXXXIIIL — Ghercher à la table au nom Albertus de Saxonia. 2. Vide supra V, Thémon le fils du Juif et Léonard de Vinci, pp. 162 sqq. 3. Auctariiim Chartularii Universitatis Parisiensis sub auspiciis Goncilii generalis :

:

Facultatum Parisicnsium cdiderunt Henricus Denifle G.

P....

_^milius Ghatelain...


ETUDES SUR LliONAUD DE VINCI

03O

Les premières pièces le

nomment

qui fassent mention d'Albert de Saxe

^

Alhertas de Helmstede, Albert de Helmstœdt; c'est

ainsi qu'il est encore désigné

au rôle

transmet au pape en i352; mais

officiel^

on

déjà'^

que l'Université

avait pris l'habitude

de l'appeler Albert de Saxe, Alberlus de Saxonia.

La

ville

de Helmstœdt appartient aujourd'hui au duché de

Brunswick; mais 1180 le

le

elle

fit

duché de Saxe

longtemps partie de

fut

démembré,

Brunswick, à constituer

elle

la

Saxe; lorsqu'on

continua, avec tout

du duc déchu.

les alleux

Il

n'est

donc pas étonnant qu'à l'Université de Paris, au xiv*' siècle, on regardât comme Saxon un maître né dans cette ville. Albert de Saxe n'était pas le premier citoyen de Helmstœdt

qui fût venu étudier et enseigner à Paris; l'Université parisienne avait déjà connu

un Jean de Helmstsedt;

celui-ci avait

pris la déterminance (ou baccalauréat)^ et la licence ^ en i345; la

même

année,

il

comme

avait débuté^

procureur de la Nation anglaise

maître es arts; élu

juin iSliQ^,

le 12

il

ne tarda

pas à quitter Paris pour retourner dans son pays^; en i352, Livre des Procureurs de

parmi

les

la

Nation anglaise

le cite

maîtres présents à l'Université; puis

il

le

de nouveau ^

n'est plus fait

aucune mention de son nom. C'est

en i35i qu'Albert de Helmstœdt subit l'épreuve de

déterminance sous maître Albert de Bohême, en

que Wiskin Wenslay la

même

la subit

1.

sous maître Henri de Minden

Parisiis,

comme

anno MDGCCLXXXXIIII.

annum MCCCCVI.

— Chercher à

1.

Auctariiim, coll.

2.

Auctariuni, col. 160.

3.

Auctarium, Auctarium, Auctarium, Auctarium, Auctarium, Auctarium, Auctarium, Auctarium^ Auctarium, Auctarium,

ti.

5. 0, 7. 8. 9.

10. 11.

12.

i» ;

maîtres es arts^^ Maître Albert

candB (Allemanniœ) in Universitate Parisiensi.

ad

temps

année, les deux condisciples subirent l'examen de

licenceii et débutèrent

Tomus

même

la

i/ig,

i5o, 162 et i5/i.

coll. i55, i58,...

col. 79. col. 85.

col. 88. col. 90. col. 96. col. iGo.

col. 149-

col. i5o. col. i52.

la table

Liber procaratorum Nationis Àngll-

ïomus au

I,

nom

ab anno

MGCCXXXIII usquc

Helmstat (Albertus).


ALBERT DE SAXE

Bohême

de

présidé

avait

toutes

à

32

1

épreuves auxquelles

les

Albert de Saxe avait été soumis.

Chacun des examens

récipiendaire, l'acquittement de certains droits

men

donné,

le

miné d'après

mêmes

taux de ces droits n'était pas

les

fixe;

pour un exail

était déter-

étaient évaluées d'après la bursa, c'est-à-dire d'après la

vait de sa famille; et

le

parmi

déterminant ou

ces

escholiers

u

de Suède ou de Dacie pour recueillir l'Université de Paris, qu'ils sont le

;

ressources de l'étudiant; ces ressources elles-

pension hebdomadaire que

sur

du

universitaires exigeait, de la part

»

le licencié rece-

venus d'Ecosse,

enseignements de

les

nombreux ceux dont

le

Livre des Procureurs, est suivi de cette mention

bursa nihill

au jour

le

De

leur famille,

jour,

comme

ne recevaient rien;

ils

:

nom, Cujus

vivaient

ils

pouvaient.

ils

Ni Albert de Saxe, ni son condisciple VViskin Wenslay, ne se

trouvaient dans cet absolu dénuement; leur

madaire

était

lorsqu'il

débuta

de cinq sous au

comme

moment

«

bourse

»

hebdo-

de leur déterminance

;

maître-ès-arts, Albert recevait six sous

par semaine; bien peu d'étudiants touchaient davantage. Ces ressources ne leur permettaient pas, cependant, d'acquitter les droits

minance,

ils

d'examens

au

;

moment où

durent s'engager

i,

receveur de la Nation, à payer

de licence avant la

fête

de

la

ils

par une

les droits

subirent la déterlettre adressée

au

de déterminance

et

Pentecôte, et ce sous peine d'être

privés de leurs titres.

La Pentecôte passa; mais point

ciples,

les

les

honneurs vinrent aux deux condis-

ressources qui leur permissent de se

libérer.

Wiskin Wenslay

avait été élu, dès i35i

Nation anglaise; Albert de Helmstœdt

même

année, la veille de Noël 3;

lesquels

impayés.

ils

En

s'étaient

i352,

I.

Auctariain, col. lig.

2.

Auctariain, col.

ib-2.

3.

Auctariiim, col.

i5/j.

4.

Auctarianij col. i58, p.

UUllKM.

et

procureur de

la

son tour,

la

fut à

cependant,

engagés envers

on consentit^

le

3,

la

les billets

par

Nation demeuraient

à leur remettre ces billets en


ÉTUDES SUR LEONARD DE MxNCl

33 2

échange de

la

promesse d'acquitter leur dette

plus tôt

le

possible. Si

l'Université

comme

Nation

la

et

nous

anglaise

apparaissent

des créanciers doués d'une bienveillante patience à

l'égard de leurs débiteurs, les maîtres étaient sans doute plus

pressés de réclamer les redevances que les usages leur

Tout licencié qui

buaient.

faisait sa

attri-

comme

leçon de début

maître-ès-arts, tout maître élu procureur était tenu de verser

un écu ou un

pour étancher

florin

francs buveurs pour

la plupart;

et

la soif

impôt ne

cet

point les longs délais dont s'accommodaient

En

sitaires.

i35i, nous voyons

^

le

de ses collègues, souffrait

les droits

univer-

procureur Wiskin Wenslay

promus Henri de Clèves, Albert de Helmstaedt, Zebald de Nuremberg et Hermann Rotwill verser chacun un florin afin d'offrir une u consolation » (sola-

et les

maîtres nouvellement

ciiim)

aux maîtres de

la

Nation anglaise présents à Paris.

Albert de Saxe ne fut pas seulement procureur de la Nation anglaise; nous le voyons

2,

en i353, recteur de l'Université.

Le i3 février i353, Albert de Saxe présente ^ une requête à la

Nation anglaise, assemblée près de

il

demande

l'église

Saint-Mathurin;

une

à envoyer, sous le sceau de la Nation,

au cardinal Pierre de Croze, évêque d'Auxerre, qui

lettre

fut provi-

seur de la Sorbonne, afin d'être admis en cette maison de

Sorbonne;

à

l'unanimité,

sa

demande

un

reçoit

accueil

favorable.

Albert étudia longtemps en Sorbonne

docteur en théologie ? croire, S'il

;

reçut-il le

Aucun document ne nous

bonnet de

autorise à le

malgré l'opinion de certains biographes'*.

ne

fut

point théologien, Albert de Saxe fut assurément

un professeur

brillant et zélé de la Faculté des arts

;

le

souvenir

de son enseignement n'était point effacé au temps de Georges Lokert, et le Livre des Procureurs de

la

Nation anglaise nous

apporte maint témoignage de son activité. Auctarium, col. i53. Auctarium, coll. i65-iGG. 3. Auctarium, col. 162. Chartularium, p. 98, en note. (Celle noie est attribuée à Albert de Hicuiestorp, /». ([ui, nous le verrons, n'est pas Albert de HelmstcTpdt, 1.

2.


323

ALBERT DE SAXE

Sans cesse, nous

voyons

le

solliciter l'autorisation

de faire

des leçons soit en dehors des heures réglementaires, soit aux

jours fériés. à

En

355,

1

il

donner lecture d'un

sainte Vierge.

En

est autorisé

i358,

le

i356,

mieux,

demande 3

il

à partir de la fête de Noël,

livre d'Aristote à l'heure des

permis

lui est

il

en son propre domicile, sur qui lui plaira

i,

les

le

;

à enseigner, en ces

après

fête,

le

morale

sermon. En

une leçon sur la Robert le Normand demande également mêmes jours, le Centiloquiam et VOpus

quadripartitam de Ptolémée; ces deux

blement accueillies par aussi,

de faire des leçons,

^

livre de philosophie

jours de

la

à faire, les jours fériés,

Politique d'Aristote

droits des

réserver les

nones de

la

Nation; cependant

autres

donner des leçons

les

demandes sont elle

favora-

a soin de

maîtres qui voudraient,

eux

jours fériés.

Albert a été très activement mêlé à la vie universitaire de

son temps; non seulement

il

d'examens de baccalauréat

et

a fait

de

un bon nombre

passer

licence,

débuts de maint maître-ès-arts, mais encore plusieurs délibérations importantes dont

le

a

il

il

présidé aux a pris part à

souvenir nous est

conservé par des documents authentiques.

Tous

les ans, la

(rotulus)

Curie pontificale recevait à Avignon un rôle

qui faisait

connaître au Pape

l'état

du personnel

enseignant de l'Université de Paris. L'établissement de ce rôle

donné lieu à des abus, car la Nation anglaise en i352^, pour fixer le canon inviolable selon lequel

avait, sans doute,

se réunit,

cette pièce serait

désormais rédigée.

On

devait inscrire d'abord

maîtres actuellement pourvus d'un enseignement à Paris,

les

par rang d'âge, en commençant par finissant

par

le

plus jeune. Les

noms

le

plus ancien

Gautier de

1.

0. 4.

donne

les

des maîtres appartenant à la Nation anglaise qui étaient

présents à Paris au

2.

en

des survenants pren-

draient place ensuite. Le Livre des Procureurs nous

noms

et

moment

W aldclaw,

Auctarium, col. i86. Auctarium, col. 19g. Auctarium, col. 226. Auctarium, col. 160.

de cette délibération; ce sont:

Jean de Wesalie, Gerhard t de Prusse,


ÉTUDES SUR LÉO>ARD DE VINCI

324

Jean de Helmstsedl,

Henri de Minden, Mathias

de Suède,

Wiskin Wenslay, Albert de Helmstsedt, Jean de Louvain, Jean l'Écossais, David l'Écossais, Henri de Clèves, Hermann

Tylemann, Eghelin, Gerhardt du et Jean de Minden.

Rotwill, Johannes de Aquis,

Moulin,

Thomas

l'Écossais

Chaque année, la Nation désignait des maîtres qu'elle chargeait de composer le rôle, conformément au statut; en cette fut investi de

année i352, Albert

mission

cette

il

i;

le

fut

encore en i3552.

Nous avons

dit le

appartenant à

dénuement de bon nombre

Nation anglaise

la

d'étudiants

bienveillance

et la

avec

laquelle la Nation leur accordait soit des délais pour le paie-

ment de droits.

même

leurs droits d'examens^ soit

la

remise de ces

Mais cette bienveillance favorisait des abus; certains

étudiants aisés se disaient pauvres, afin d'être dispensés des ((

bourses

»,

et

leur

finances, souvent

Les maîtres de nêtes

;

ils

peu prospères, de la

ils

auparavant, avaient la Nation, furent le

la

Nation.

un

y mît fin et, le chargèrent^ cinq d'entre eux d'élaborer ce

Wiskin Wenslay

Désormais,

un grave préjudice aux

Nation s'émurent de ces procédés malhon-

résolurent d'établir

2^ mai i354, statut;

fraude portait

fait

et

statut qui

Albert de Saxe qui, peu d'années

appel à

la

longanimité du receveur de

au nombre des maîtres

élus.

candidat dénué de ressources dut affirmer

sous serment qu'il ne possédait ni à Paris, ni en son propre pays, la

somme

d'argent nécessaire à l'acquit des droits;

dut, en outre, laisser en gages, entre les

il

mains des représen-

tants de la Nation, des objets d'une suffisante valeur; au jour

de l'échéance, l'étudiant

était

faute de quoi, les gages étaient

mis en demeure de

vendus au

profit

se libérer,

du

trésor de

la Nation.

Ces délais de paiement constituaient une faveur que l'étudiant devait, en général, solliciter en personne de la Nation assemblée. Le i4 mars i356, nous voyons'' Maître Albert de 1.

Aactariiiin, col,

i(5o.

2.

Auctariuin, col.

i8'i.

3.

Aiictarinm, col.

i']'\.

li.

Auctariuni, col. 191.


Saxe

du

le fils

demander

Juif,

pour deux candidats retenus dans

cette faveur et

Thémon,

Maître

et

62b

DE SAXE

ALr.EI\T

obtenir

et

la salle

d'examen

empêchés de présenter eux-mêmes leur requête. L'étudiant à court d'argent donnait volontiers quelque livre

en gage, pour obtenir un délai dans

le

d'examens mais, au jour de l'échéance, ;

démuni que par

Au début dépenses

le

paiement de

ses droits

se trouvait

non moins

il

passé et hors d'état de récupérer son gage.

de l'année iSôg, la Nation avait à faire face à des

exceptionnelles, car la querelle des théologiens et

du recteur de

l'Université

exigeait la confection d'un rôle

^

spécial et son envoi h Avignon. Aussi, le

i/i

février % la Nation

de l'Université,

anglaise,

réunie

résolut

extorquer quelque argent à ses débiteurs

d'((

convoqua

avec

la

Faculté

à venir acquitter leurs dettes le

(17 février). Les étudiants furent

à cet appel

ceux qui

;

s'y

leurs gages seraient vendus

gages seraient vendus

engagés par

les livres

les

peu empressés de

rendre

se

la le

savoir que

fit

ne soldaient leur dû

;

mais

majorité de la Nation décida

plus tôt possible.

En

étudiants furent mis dans

en présence des bedeaux de

l'on scella,

elle les

;

dimanche suivant

aux autres, on

s'ils

nul ne put se libérer. Alors, les

»

rendirent furent, par délibération,

invités à racheter leurs gages;

que

Arts

des

la

attendant,

un

sac

que

Nation, du sceau

du

procureur; on mit ce sac en dépôt chez un libraire, Jean de la

Porte

;

procureur, Henri Egher de Kalker,

le

maîtres que

la

et

les

deux

Nation avait désignés pour présider à cette

opération. Maître

Thémon

et

Maître Albert de

cèrent cinq sous et huit deniers pour payer

le

avan-

Saxe,

porteur

et

pour

boire avec les libraires.

Maître Albert était volontiers choisi par la Nation anglaise lorsqu'il s'agissait de la représenter

en quelque circonstance

importante

l'un des témoins qui, le

et délicate

;

il

fut ainsi

12 juillet i358, signèrent le concordat^ par lequel

anglaise et la Nation picarde fixaient la

commune

des pays ressortissant à chacune d'elles.

1.

2. 3.

V, Thémon le fils du Juif et Léonard de Vinci, p. 169. Auctarium, col. 2/11. Chartularium. tomus III, p. 56, n" i2-'io.

Vide supra

:

la

Nation

frontière


ÉTUDES SUR LÉONARD DE

SaÔ

En de

cette

Saxe,

même

année,

un

frère d'Albert de Helmstaedt,

trouvait à l'Université

se

27 août i358, nous voyons

VIISCI

de

Paris.

En

Jean le

effet,

Maître Albert déclarer à l'Assem-

^

blée de la Nation anglaise que son frère Jean désire faire ses

regagner aussitôt son pays;

débuts de maitre-ès-arts et

demande donc que

il

l'on veuille bien faire remise au récipien-

des droits relatifs à cette leçon de début, et que l'on

daire

consente également à l'inscrire sur

moyennant

maîtres absents,

la

le

avec les autres

rôle,

redevance prescrite. Ces deux

requêtes ayant été favorablement accueillies,

«

Maître Jean de

Saxe, frère de Maître Albert de Saxe, débuta sous la présidence

de Maître Henri de Saxe.

»

Dans une assemblée tenue en octobre i36i, nous voyons

la

^

Nation anglaise acquitter certaines dettes qu'elle avait contractées

de trois maîtres, parmi lesquels se trouvait

à l'égard

Albert de Saxe.

Au mois demande 3

d'octobre

de

la

même

année.

Maître

à l'Assemblée générale de la Nation de le

Albert

nommer

curé de la paroisse des Saints Gôme-et-Damien, qui s'étendait

sous les

murs de

Paris et qui dépendait de l'Université

;

à

l'unanimité, cette charge lui est confiée.

Peu après, la Nation lui confère^ la dignité de receveur, en remplacement de Thémon, qu'elle délègue auprès du pape. Maître Albert, d'ailleurs, ne devait pas garder longtemps cette nouvelle fonction, car, le 28 septembre 1862, nous voyons qu'elle est déjà

aux mains de Henri de Kempen.

C'est à l'occasion de son élection

que

le

nom

à' Alberlus

prononcé par plus que

le

le

nom

1.

2.

3. A. f).

de Saxonia est, pour la dernière fois,

Livre des Procureurs de la Nation anglaise; pas d'Alberhis de Helmstsedt,

pages suivantes. Aussi de curé

aux fonctions de receveur

la carrière

Auctariam,

col. 287. Auctariuni, col. 266.

Auctarium, col. 2G7. Auctariam, col. 267. Auctariam, col. 269.

Du Boulay

a-t-il

il

ne

se retrouve

arrêté à sa

du profond philosophe.

aux

nomination


ALRERT DE SAXE

32 7

II

Albert de HelmstyEdt

même qu'Albert de Ricmestorp?

est-il le

Cette carrière, d'autres historiens l'ont prolongée davantage;

dans ce but,

ils

ont identifié Albert de Helmstaedt avec Albert

de Ricmestorp, dont la

nom

le

Nation anglaise au

paraît au Livre des Procureurs de

moment

précis

le

nom

d'Albert de

Saxe disparaît.

En

un Jean de Ricmestorp

subir les

examens du baccalauréat. Ce Jean de Ricmestorp, on

l'identifie

1357, nous voyons'

avec Jean de Saxe, qui, en i358, débute

comme

maître-ès-arts,

après que son frère, Albert de Saxe, a obtenu pour lui une

remise de droits.

Ce Jean de Ricmestorp a, en effet, un frère nommé Albert. Le 3 novembre i362% Albert de Ricmestorp est hors d'état de payer

droits d'inscription au

les

un

supplie la Nation d'accorder à

donner

envers

qu'on

la

sa parole

rôle;

Jean de Ricmestorp

délai à son frère;

pour Maître Albert,

à s'engager

il

s'offre

pour

lui,

Nation, par un billet scellé de son propre sceau, ce accorde.

lui

Albert de Ricmestorp eut, d'ailleurs, une brillante destinée^; après qu'il eut été, en i363, recteur de l'Université de Paris, il

fut,

en

Urbain

V

i365,

dépêché

en

par Rodolphe, duc

ambassade d'Autriche.

auprès

En

du pape

cette

même

année i365, l'Université de Vienne fut fondée, et, sous l'influence de Rodolphe, Albert de Ricmestorp fut élu comme premier recteur.

nommé,

le 21

Il

était

chanoine d'Hildeseim lorsqu'il

fut

octobre i366, évêque d'Halberstadt.

Quelle raison a-t-on pour regarder cet Albert de Ricmestorp

comme

étant la

même

personne qu'Albert de Helmstaedt ou

de Saxe? Celle-ci seulement

1.

2.

3.

Auctarium, col. 208. Auctarium, col. 276. Chartularium, tomus

III, p.

:

Le Livre des Procureurs de

98 (en note).

la


ÉTUDES SUR LÉONARD DE VTNCï

328

Nation anglaise cesse de mentionner les deux frères Albert et

moment même où

Jean de Saxe au

deux

Jean

frères

et

commence

il

à citer les

Albert de Ricmestorp.

Mais, pour soutenir cette identité entre Albert de Helmstaedt

Ricmestorp,

de

Albert

et

que

d'invraisemblances

faut

il

accumuler!

brusquement il

nom

le

Saxe abandonne

d'abord, qu'Albert de

supposer,

faut

Il

de sa

était célèbre jusqu'alors,

surnom sous lequel pour prendre un nom qu'il n'avait ville natale et le

jamais porté. Il

que Jean de Saxe, au

faut supposer

de retourner dans

lieu

comme

son pays après son début de maître-ès-arts, l'avait déclaré à la Nation, est

Saxe cumule

la vie universitaire

la paroisse des Saints la

demeuré

son frère

à Paris; qu'Albert de

avec ses fonctions de curé de

Gôme-et-Damien,

reprend en 1862

et qu'il

charge de recteur qu'il avait occupée neuf ans auparavant. Et ces invraisemblances ne sont pas les seules

que l'on

doive signaler.

En

1862, Albert de Saxe est curé d'une paroisse de Paris;

vient de

quitter

maîtres fortunés

fonctions

les ï;

aux

réservées

supposer, cependant,

le faut

il

de receveur,

si

il

démuni

d'argent qu'il ne peut payer son inscription au rôle et que son

jeune

frère,

un débutant,

qui est presque

lui

répondant; ne semble-t-il pas plutôt, en cette de Ricmestorp

Ricmestorp

comporte en

se

frère

doit servir de

affaire,

que Jean

aîné et qu'Albert

de

soit le cadet?

D'ailleurs, ce rôle

envoyé

à

Urbain

Y

le

novembre

27

1862,

ce rôle à l'occasion duquel Jean de Ricmestorp fut le répon-

dant de son frère Albert, nous en possédons apporte contre

la thèse

textes et ce texte

le

dont nous parlons des arguments

singulièrement puissants. Naturellement, les deux frères Jean et Albert de Ricmestorp

y figurent,

et voici

Maître Jean,

exactement comment

surnommé

1.

Auctarium, tomus

2.

Chartulariutn,

tomus

3.

Chortularium,

loc. cit., p.

I,

le fils

de Bernard

inlroductio, p. xxii. III, n° 12G5, p. 8-;!. 91.

ils

y sont désignés ^ le

:

Riche, de Ric-


AT.RERT DE SAXE

3^9

mestorp, au diocèse d'Halberstadt, chanoine majeur de l'Église

de Brème. Maître Albert,

surnommé

le

fils

de Bernard

le

Riche, du

diocèse d'Halberstadt, recteur de l'Université de Paris, exami-

nateur des licenciés en l'examen de Notre-Dame de Paris,

chanoine de Mayence. Les deux frères sont originaires du diocèse d'Halberstadt;

comment

pu

Albert aurait-il

naître à Helmstsedt?

Aussi voyons-nous que la mention de Helmstaedt ne figure

aucunement au

de curé des Saints

le titre

nom

non plus que Gôme-et-Damien. Peut-on demander

rôle, à la suite

du

d'Albert,

preuve plus convaincante à rencontre de

la

proposition que

nous avons mentionnée?

A

bien examiner,

le

arguments propres

le

nous fournit encore d'autres

rôle

à ruiner cette proposition.

Rappelons-nous, en

effet, le

statut relatif à la rédaction de

ce rôle, statut arrêté dix ans auparavant, en i352, et à la confection

duquel Albert de Saxe avait pris part; en vertu de ce

statut,

les

maîtres présents à Paris, en i352, devaient être

Inscrits d'abord,

par rang d'âge, du plus ancien au plus jeune;

maîtres entrés plus tard à l'Université devaient prendre

les

rang à

En

la suite.

vertu de ce statut, nous devons trouver, en tête du rôle

noms

des maîtres qui enseignent encore à cette

de i362,

les

date

qui appartenaient déjà à la Nation en

et

i352;

c'est

parmi ces noms que nous devons trouver celui d'Albert de Saxe, s'il y figure. Plus loin dans la liste doivent s'inscrire les noms des maîtres moins anciens

et,

parmi eux,

celui

de Jean de

Ricmestorp.

Examinons donc telle

27

que nous

novembre

En premier

la

la liste

présente

des maîtres de la Nation anglaise,

le rôle

'

adressé au pape Urbain

I.

le

i362.

rang, nous trouvons naturellement

de la Nation, Thierry Distel de Unna;

jeune maître;

Y

il

c'est,

le

procureur

selon l'usage,

un

a subi la déterminance, en i358, sous Albert

Chartularium, tomiis

III, n"

ia65, pp. 82-98,


330

ÉTUDES SUR LÉONARD DE VINCI

de Saxei; en

la

même

année, sa leçon de début a été présidée

par Thémon^; quatre Aussitôt après faisait prévoir,

le

un

fois, il été

élu procureur de la Nation

comme

procureur vient, très

ancien maître de

le statut

nous

•'5.

le

Faculté des Arts,

la

Magister Nicolinus de Dombrec, prêtre d'Aberdeen. Nicolinus de

Dombrec

a

déterminé en

comme

subi l'examen de licence 5 et débuté*^

moment où

en i35i, au il

cette

Dombrec continue d'appartenir 11

est

en i348,

il

a

maître-ès-arts;

Albert de Saxe subit la déterminance,

examinateur pour

est déjà

i344^';

épreuve^. Nicolinus de

à l'Université jusqu'en i364^.

chargé parfois des missions auxquelles

la

Nation anglaise

attache une importance particulière; lors des démêlés de cette

Nation avec

la

Nation picarde,,

député par

est

il

les

siens^

d'abord pour entamer les négociations, puis pour rédiger

le

concordat.

Nicolinus de

Dombrec appartenait

en i352, on arrêta

le statut relatif

à l'Université lorsque,

au rôle; mais

était alors

il

absent de Paris. Des maîtres présents à Paris à ce moment, pas

un

nous le

seul ne figure au rôle de i362. Le premier

nom

de Henri de Holtz de

Kempen licencié

Le

Dombrec

lisions après celui de Nicolinus de

subi

n'a II

et a

nom

la

débuté

Kempen;

maître

d'Henri de Holtz de

Jean de Ricmestorp, surnommé

^^

en

Kempen le fils

est,

en

effet,

or Henri de Holtz de

déterminance qu'en

comme

nom que

i353ïo;

il

a

été

i35/i.

est suivi

de Bernard

du nom de le

Riche.

Après Jean de Ricmestorp, nous trouvons: Henri- Jean de Holtz de et

débuté 1.

2.

3. li.

5.

0. 7.

8.

9.

10. 11. 12.

i3. 1^.

comme

Auctarium, Auctarium, Auctarium, Auctarium, Auctarium, Auctarium, Auctarium, Auctarium, Auctarium, Auctarium, Auctarium, Auctarium, Auctarium, Auctarium,

Kempen, qui

a déterminé en iSSS'"^

maître-ès-arts en i359 ^^

tomus J, tomus 1, tomus 1, tomus I, tomus I, tomus 1, tomus I, tomus I, tomus I, tomus I, tomus I, tomus I, tomus 1, tomus 1,

col. 226.

col. 289. coll. 261-252, 254, 278, 276.

col. 70.

col. 121. col. 1/12. col. i^Q-

col. 396. col. 222.

col. i65. col. 168.

col. 172.

col. 226. col. 260.


ALBERT DE SAXE

Henri Yde de Beest, qui a subi

33 I

déterminance en i356i

la

première leçon de maître-ès-arts en iSôi^,

et a fait sa

Bricius Kerre, prêtre de Glasgow, au sujet duquel le Livre des Procureurs est muet.

Wilhelm,

dit

Bucer, bachelier en i356%

et maître-ès-arts

en i357^.

noms que nous trouvons celui d'Albert, de Bernard le Riche; parmi les noms des maîtres

C'est après tous ces dit le

fils

autres que le Procureur,

occupe

il

le

huitième rang;

il

est

à trois rangs après celui d'un maître dont la première leçon

date de l'année précédente. Quelle dérogation à l'étiquette cet Albert,

fils

de Bernard

le

Riche, est

le

et illustre

professeur Albert de Helmstsedt!

un

manquement aux égards en

pareil

statut,

solennellement arrêté,

tombé en désuétude, garantit N'est-il

Vienne

nous l'avions supposé, Qu'il n'a,

et

que

Comment

savant

expliquer

des circonstances où

un

respect de la hiérarchie?

le

fils

de Bernard

le

évêque d'Halberstadt,

le frère

le

trop récent encore pour être

et

pas évident qu'Albert,

sera recteur de

même

si

Riche, qui

comme

est,

cadet de Jean de Ricmestorp.^

par conséquent, rien de

philosophe Albert de Helmstaedt,

commun

dit Albert

avec

le

grand

de Saxe?

III

Albert de Saxe appartint-il a un ordre religieux? Albert de Saxe et Albertutius. Certains auteurs ont pensé qu'Albert de Saxe était sa

nomination

à la cure de

la

un

laïc;

paroisse des Saints Gôme-et-

Damien nous prouve surabondamment

qu'il était prêtre.

Fut-il prêtre séculier ou bien appartint-il à quelque ordre

monastique

1.

2.

3. /|.

?

Auctarium, Auctarium, Auctarium, Auctarium.

tonius

tomus tomus tomus

I, col.

190.

I,

col. 267.

I,

col. 19 a.

I,

coll. 219-220,


332

ETUDES SUR LEONARD DE VINCI

Aucun document contemporain de sa qu'il ait été moine. En revanche, à la fin du du

xvi*'

siècle, les divers

comme

mentionne

xv" siècle,

au début

ordres se disputent ce philosophe,

alors célèbre; les titres de ses livres le ciscain,

vie ne

dominicain ou

donnent

comme

comme

fran-

augustin, selon que

lui-même de la règle de saint François, de celle de saint Dominique ou de celle de saint Augustin. Ainsi, frère Luca Pacioli di Borgo San Sepolcro, qui est l'éditeur est

franciscain,

cite^

Traité des

le

proportions

d'à Albertutius,

ancore de Saxonia, de l'ordine nostro seraphyco ». Le R. P. Isidoro Isolani de Milan, frère prêcheur, a composé un Epitome^ du Tractatus proportionam d'Albert de Saxe; de l'auteur,

il fait,

bien entendu, son frère en saint Dominique.

Edité à Pavie en i5i3 et en 1622, à est intitulé

Eplthoma

:

in

Lyon en

i58o, cet Epitome

proportiones fratris Alberti de Saxonia,

sacri Ordinis Prœdicaiorum.

nous voyons

Enfin,

sa

Logique attribuée ^ en

i522,

par

Maître Aurelio Sanuto de Venise, à «Maître Albert de Saxe, de

Tordre des Ermites de saint Augustin

Revendiqué de il

la sorte

par

».

les divers

ordres monastiques,

extrêmement probable qu'Albert de Saxe n'appartint à

est

aucun d'eux. Nous avons dit^ comment certains historiens avaient été amenés à distinguer l'un de l'autre un premier Albert de Saxe, professant à l'Université de Paris au milieu

du

siècle, et

xiv''

un second Albert de Saxe, moine franciscain du xv'^ siècle, surnommé Alberiutius. Nous avons dit aussi que cette distinction ne nous semblait aucunement fondée q\i' Alberiutius était assurément le nom sous lequel le grand penseur du xiv'' siècle ;

était

1.

fréquemment désigné au Summa

Venise,

1/49/1,

de Arithinetica, P- 6^» recto.

xv''

siècle et

Geometria, Proportioni

et

au

xvi" siècle.

Proportionalità

;

i" ('dition,

édition, ïoscolano, iSaS, p. G8, recto, Intorno al Tractatus proportionam di Alberto di ij'

Sassonia 2. B. Boncompagni, {BuUetino di Bibliografia e di Storia délie Scienze mateniatiche e fisiche, pubblicato da Baldassare Boncompagni, t. IV, 1871, p. Bog). 3. Logica Albertucii. Perutilis logica exccllenlissimi sacr.T thcologi.no professoris Magistri Alberti de Saxonia, ordinis Eremilanim divi Augiistini, por Magislrum

Aurelium MDXXll. !\.

Sanutum Vcnetum;

Vide supra

:

pp. G-7.

Venetiis,

ivro,

et

sollertio

ha^rednm

O.

Scoti,


ALBERT DE SAXE

A

de

l'appui

cette

333

de

d'Albert

identification

Saxe

et

nous avons déjà apporté des arguments convaincants. Nous avons vu Nicoleto Vernias de Chieti attrid'Albei'tutius,

buer à Albertutius

la théorie

de ïlmpetus qu'Albert de Saxe a

constamment soutenue en son Tractatas proporUonam, en ses Questions sur la Physique, en ses Questions sur le De Cœlo. Nous avons vui Léonard de Yinci attribuer à a Albertucco » un De calculatione, c'est-à-dire, selon le langage du temps, un traité

des proportions; ce traité, Léonard l'intitule ailleurs

proportione, en restituant à l'auteur le

A

nom

nous en pouvons ajouter

ces preuves,

d'autres. le

Albertutius, dit encore de Saxonia

«

De

d'Albert de Saxe.

Nous venons de voir Fra Luca Pacioli attribuer proportionum à

2

Tractatus

».

Nous trouvons une indication analogue dans un recueil des commentaires et des questions sur le De generatione et corruptione,

composés par

d'Inghen

Dans

Gilles de

Rome (yEgidus Romanus),

Marsile

Albert de Saxe^.

et

ce recueil, Paul de Genezano, de l'ordre des frères de

Saint -Augustin, se donne, à la fin des Questions d'Egidius et

comme en ayant revu la rédaction; il a sans la même tâche pour les Questions d'Albert de

de Marsile,

doute

accompli

Saxe,

en sorte que l'on doit

note qui se trouve au

lui attribuer la

en cette note, on

remarquer au lecteur que les Questions d' Albertutius portent exactement sur les mêmes textes folio i32;

que

les Questions

de Marsile d'Inghen.

Constamment donc, certaine, avoir été

données

comme

minations 1.

œuvres que

les

:

l'on sait,

d'une manière

composées par Maître Albert de Saxe sont

écrites

par

désignent un

Vide supra

fait

Albertutius.

même

Ces

personnage.

deux

déno-

Ajoutons que

p. 20.

Vide supra ."p. 28. 3. Egidivis cum Marsilio et Alberto De generatione. Commentaria fidelissimi expositoris B. Egidii Romani in libros de generatione et corruptione Aristotelis cum textu 2.

intercluso singulis locis.

— Quesiiones

libre de generatione ; iiunc

ejusdem doctoris super primo publicum prodeuntes. — Questiones

item subtilissime

quidem primum

in

Item quesquoque clarissimi doctoris Marsilii Inguen in prefatos libros de generatione. tiones subtilissime magistri Albcrti de Saxonia in eosdem libros de generatione ; nusquam alias impresse. Omnia accuratissime revisa, atquc castigata; ac quantum Impressum Venetiis mandato et ars aniti potuit fîdeliter impressa. Colophon expensis nobilis viri Luceantouii de Giunta Florentini, Anno Domini i5i8, die 12

:

mensis Februarii.


ETUDES SUH LEONAUD DE

J34

nomme

Nicoleto Vernias ne

Albertutius ; par opposition à

\ iNCl

pas seulement Albert de Albert

Grand,

le

nomme

le

il

Saxe

encore Albertas parvus.

Le célèbre philosophe Augustin Nipho désigne Saxe par

les

Alberiillus

un grand

à' Alber Villas et dCAlberlilla.

qu'Albert de Saxe fut

d'ailleurs, ((

surnoms

logicien

u

summus

logicus

>>

»

il

;

il

;

le

le

«

péripateticien

regarde

place

rang des faiseurs de raisonnements subtils culatorum prxclpaas

Nipho déclare %

un savant

non ignarus peripateticus

Albert de

^

^^

^

comme

au premier

Albertilla captian-

)>

IV Les Écmis d'Albert de Saxe. Les écrits d'Albert de Saxe sont assez nombreux;

dont

vogue

la

a été

grande

et

il

en

est

qui ont été imprimés à plusieurs

complète et exacte. Nous n'avons pas la prétention de donner ici cette liste; pour la dresser, il faudrait des recherches beaucoup plus étendues que celles auxquelles nous avons pu nous livrer. reprises;

il

serait fort intéressant d'en

posséder

la liste

Nous pensons, cependant, être utile à quelques lecteurs en consignant ici les renseignements que nous avons pu recueillir. De tous les écrits d'Albert de Saxe, aucun ne semble avoir eu plus de vogue que l'opuscule intitulé Traclatus proporlionam.

Cet ouvrage a été

l'objet

extrêmement exactes de

la

de recherches part

bibliographiques

du prince Boncompagni^.

Augustiiii Mplii medices philosoplii Suessani, /n Ubris Arlstotelis meteorologi-

1.

corurn comrnentaria. In prfrlo Brandini et Octaviani Scoli, Venctiis, MD\L. fol. 8, Aristolelis Stagirita^ De Cœlo col. a; fol. i/j, col. c; fol. ki, col. d; fol. 'nj, col. a.

quatuor, e grseco in latinuin ab Augustino Niplio pliilosopho Suessano conversi, et ab eôdem etiam prœclara, neque non longe omnibus aliis in hac Scientia resolutiore aucti expositione. Venetiis, apud Hieronymum Scotuni, MDXLIX, fol. nj, el

Mundo

libri

d; fol. 3i, coll. c et d; fol. Sa, coll. a, b et d; fol. oS, col. b; b cl c; fol. 89, col. c. ; fol. ya, col. a. In Ubris de a. Aug. Niphi In Ubris meteorologicorum comrnentaria, fol. 8, col. a. Cœlo commenlaria, fol. 3i, col. c. 3. Aug. Niphi In Ubris de Cœlo et Mundo comrnentaria, fol. 5o, col. c. Aug. Nipho, toc. cit., fol. aG, col. c. /i.

col. a; fol. 2G, coll. c et fol. 5o, coll.

5.

B. Boiicoiupagni, Intorno al Tractatus j)ropurtionuni di Alberto di Sussonia {BalleBibliograjla e di Storia dclle Scienze matematiclie e Jisiche, t. IV, 1871, p. ^\)S).

tino di


ALBEKT DE SAXE

Du

proporlionum d'Albert de

Traclalas

Boncompagni

335

Saxe,

prince

le

décrit dix éditions.

furent données à Padoue, en i4S2, i484 et

Trois éditions

1487, par Matheus Gerdo de Windischgrœtz.

A

une édition fut donnée en MGGGGXXXLVII (1487?) par Andréas Gatharensis; une autre, en i494, par Bernardinus Venetus, aux frais de Jeronimus Duranti; une Venise,

troisième, en 1496, par Bonetus Locatellus, aux frais d'Octa-

vianus Scotus. Benedictus Hectoris imprima à deux reprises, à Bologne, des collections contenant

le

Tractatus proporlionum; ces deux

éditions sont datées de i5o2 et de i5o6. La seconde contient

un commentaire

même

à ce

traité;

ce

commentaire a pour

auteur Benedetto Yittori, de Faenza, qui enseigna la logique, la

philosophie

A

Paris,

et la

une

médecine à Bologne

édition,

sans date ni

Padoue i.

et à

nom

d'imprimeur,

se

vendait au faubourg Saint-Jacques, près de l'église Saint- Yves, à l'enseigne

du Pélican.

Une dixième

édition ne porte ni date, ni indication d'ori-

gine.

A

la description

joint, d'après

de ces dix éditions,

Échard,

la

le

prince Boncompagni

mention d'une onzième édition

faite

à Venise, en 1496, par les héritiers d'Octavianus Scotus.

Bappelons, en outre,

Les

données à Pavie en i5i3

et

Lyon en i58o de V Epithoma in proportiones fratris de Saxonia, composé par le R. P. Isidoro Isolani, O.P.

en i522, Alherti

les éditions

et à

Sabtilissinide

quœsUones super

ocio

libros

auraient été imprimées à Padoue dès i493, selon

riwn bibliographie uni de Hain. Deux autres

imprimées à Venise, aux héritiers,

frais

Physicorwn le

Reperto-

éditions

furent

d'Octavianus Scotus, puis de ses

par Bonetus Locatellus, l'une en i5o4, l'autre en

i5i6.

Dès

Mundo I.

i48i,

les

QuœsUones

in

Arislolelis

libros

de

Cœlo

et

furent publiées à Pavie par Antonius de Garchano.

F. Jacoli, Intorno ad un comento di Benedetto Vittori, medico Faentino, al Tractatus

proportionum

di Alberto di Sassonia (Bulletino di Bibliograjîa e

niatematiche ejîsiche,

t,

IV, 1871, p. 498).

di

Storia délie Scienze


ETUDES SUR LEONARD DE YlNGl

33(3

En

1492, Bonetus de Locatellis les

A

d'Octavianus Scotus. édita en

aux

frais

Venise encore, Olinus Papiensis

De

le

les

geiierallone el corraptio/ie d'Aristote

en général, publiées dans

été,

commentaires de

même

à Venise

Mg;.

Les Questions sur

ont

imprima

Ce

traité.

De

Atberto

Gilles de

Rome

recueil,

generatione,

même

recueil

que

les

de Marsile d'inghen sur

intitulé

cum

Egidius

:

imprimé

fut

Bonetus Locatellus, aux

et

le

à Venise,

Marsilio

le et

d'abord par

d'Octavianus Scotus, en i5o/i;

frais

puis par G. de Gregoriis, en i5o5; enfin par Luceantonius de

Giunta, en i5i8.

Georges Lokert, régent du Collège de Monlaigu au commen-

cement du

xYi*"

siècle,

une

a réuni en

même

Quœstiones d'Albert de Saxe sur les Octo Très

de Cœto

tibri

corruptione ;

Tliémon

il

et les

Mando

et

et

Duo

les

physicorum,

tibri

libri

collection' les les

de generatione

et

y joignit les Quœstiones in libros meteororum de Quœstiones in parva naiuratia de Jean Buridan.

Ce monument, élevé à l'École nominaliste qui florissait à Paris au milieu du xiv" siècle, a été deux fois édité par Jodocus Badins Ascensius

et

Gonradus Resch

données à Paris, en i5i6 Sous

le

;

les

deux éditions ont

été

en i5i8.

et

de Logica Atbertucii, la Logique d'Albert de

titre

Saxe fut éditée à Venise, en i522, par Aurelius Sanutus Venetus,

aux

En

frais

des héritiers d'Octavianus Scotus.

i497j Bonetus Locatellus

Scotus,

d'Octavianus

Saxonia super

Un

libros

J.

Quœstiones

les

à

Venise, aux frais

de

Alberti

subtilissimœ

posteriorum Aristotelis.

opuscule intitulé

Lyon, par

imprima

Tractatus

obligationum fut

publié

à

Carcan, au voisinage de i^qS; aucune marque

typographique, d'ailleurs, ne donne ces indications, que nous

empruntons

à M"^ Pellechet.

Petrus Le Rouge

imprima

cule dont le titre est

:

Sophismata Magistri

Le Tractatus obligationum sième opuscule,

I.

Vide supra

: \}.

5.

un

autre opus-

xilberti

de Saxonia.

à Paris, en 1/189,

et les

les Insolubilia,

Sophismata, joints à

un

forment une collection qui

troifut,


ALBERT DE SAXE trois fois

63']

au moins, imprimée à Paris

Vuolf Badensis; en

:

en 1490, par Gcorgius

par Félix Baligault; à une date

i/igô,

inconnue, par Anthonius Cayllaut.

Le cinquième

traité

de

\3l

paralogismis seu fallaciis; le sixième et dernier traité se

de deux parties qui ont pour

De

et

la

tains

titres respectifs

De

:

insolubilibus

obligationibas. Les opuscules intitulés Traclatus obllgatio-

num, Sophismata de

De compose

Logica Albertucii est intitulé

seulement des extraits

et Insolabilia sont-ils

Ou bien, au chapitres, comme le Logica?

contraire, en développent-ils cer-

Tractatus proportionum développe

quelques-unes des Questions sur

Cœlo? Nous ne saurions

les

le décider,

Physiques ou sur

le

De

n'ayant pu consulter ces

opuscules.

Nous possédons enfin un ouvrage oii les commentaires de Guillaume Occam et d'Albert de Saxe sur VArs vêtus sont réunis sous ce

Artem veterem

mum

titre

:

Expositio aurea et

admodum

édita per venerabilem inceptorem

utilis

super

fratrem Guliel-

Ocham cum questionibus Alberti parvi de Saxonia; cet ouvrage fut imprimé à Bologne, en 1496, par Benedictus de

Hectoris.

Certains écrits

de

d'Albert

sollicité l'attention

Saxe

semblent n'avoir point

des imprimeurs de la Renaissance;

demeurés inédits ou n'ont

été publiés

M. Heinrich Suter a publié

^

en i884 un

petit traité intitulé

un manuscrit du début du

(Codex A. 5o) conservé à

Gomme le

Boëce

rapport de

la

le

xv^ siècle

Albert de Saxe croit que

circonférence au diamètre est exactement

M. H. Suter a publié également ^ un second fragment, tulé se

— inti-

De proportione dyametri quadrati ad costam ejusdem^ qui

:

trouve, I.

nom

Bibliothèque municipale de Baie.

et tous ses successeurs,

la

sont

que de nos jours.

Demonstrationes de quadratura circuli qui se trouve, sous d'Albert de Saxe, dans

ils

sans

nom

d'auteur,

dans

le

même

manuscrit;

Heinrich Suter, Der Tractatus «.De quadratura circuit)) des Albertus de Saxonia Mathematik und Physik, XXIX Jahrgang, 1887; Historisch-literarische

(Zeitschrift fiir

Abtheilung, p. 81). a. Heinrich Suter, Die Questio a

De proportione dyametri quadrati ad costam

des Albertus de Saxonia (Zeitschrift

fur Mathematik und Physik,

p.

XXXH

ejusdem))

Jahrgang, 1887,

40. p.

OUQEM.

33


338

ÉTUDES SUR LÉONARD DE VINCI

M. Suter attribue

cet écrit à Albert de Saxe;

dans une note^

qui nous font rejeter cette opinion.

les raisons

M. Aschbach mentionne ^ un d'Albert de Saxe traité contient

maxima

et

comme

le

sans doute

premier

traité

De maximo

et

minimo

existant en manuscrit à Venise; ce le

développement des idées sur

minima qu'Albert

question sur

nous développerons

livre

les

a exposées en sa quatorzième

du De Cœlo

et

Mundo.

M. Aschbach attribue également à Albert de Saxe un Tracta-

formarum qui aurait été imprimé à Venise en i5o5; mais nous n'avons pu trouver aucune trace de cet ouvrage, ni découvrir en les écrits d'Albertutius aucune mention des mots latitudo formarum. Nous pensons qu'il y a là quelque confusion; il est bien vrai, en effet, qu'on imprima à Venise, en i5o5, un recueil ^ qui contenait deux traités De lalitudinihus formarum; mais de ces deux traités, l'un était dû à tus de latitudinïbus

Nicole

Oresme

et l'autre à Biaise

Vraisemblablement, incomplète; elle

est

vogue dont

il

cette liste des

suffît,

l'activité intellectuelle

de Parme.

ouvrages d'Albert de Saxe

cependant, à donner une idée de

de ce grand philosophe, à marquer

jouissait au début de la Renaissance,

combattre l'inexplicable oubli où ressent les progrès de la pensée

le

la

enfin à

délaissent ceux qu'inté-

humaine au cours du Moyen-

Age.

1.

2.

Vide infra : note A. Aschbach, Geschichte der Wiener

Universitàt, Bd.

— Tractatus

I,

p. 365.

proportionum introductorius ad Tractatus proTractatus proportionum Thome Bradvardini. calculationes Suisset, Tractatus de latitudinibus formarum ejusdem Nicholai. portionum Nicholai Horen. Auctor sex inconvenientium. Tractatus de latitudinibus formarum Blasii de Parma. Colophon Venetiis, mandate et sumptibus heredum quondam nobilis viri D. Octaviani Scoti Modoetiensis per Bonetum Locatellum Bergomensem presbyterum, 3.

Questio de modalibus Bassani Politi.

:

kalendis Septembribus i5o5.


NOTES

22

A



NOTES

— SUR

A.

UN ECRIT ATTRIBUÉ A ALBERT DE SAXE

Un manuscrit conservé à la Bibliothèque municipale de Baie, le Codex A. 5o, contient, parmi beaucoup d'autres pièces, un écrit intitulé Qaestio Alberli de Saxo nia de qaadratura circuli; nous avons dit, en notre VHP étude, que cet écrit avait été publié par M. Heinrich Suter. :

A

de ce

la suite

traité

opuscule qui a pour qiiadrati

sur la quadrature du cercle, se trouve

titre

:

un autre

Item alla questio de proportione dyametri

ad costam ejusdem

et

qui ne porte aucun

nom

d'auteur.

M. H. Suter a publié également cet opuscule qu'il attribue formellement à Albert de Saxe. Parmi les raisons qu'invoque M. H. Suter pour justifier cette attribution, nous trouvons d'abord le langage en lequel cet opuscule est écrit u Je m'arrêterai seulement à ce sujet », dit M. H. Suter, « à l'expression est dare pour il y a, il y aura, qui revient plusieurs fois dans les deux mémoires que je publie; on la rencontre fréquemment dans ceux i

:

des écrits d'Albert de Saxe que

j'ai eu l'occasion de comparer à ces dans les commentaires à la Physique d'Aristote, au De Cœlo, et au De generatione et corniptione, que cet auteur a composés. Au contraire, cette expression ne se rencontre absolument pas (gar nicht) dans les écrits d'autres scolastiques comme Guillaume d'Occam (In libros physicorum Arislotelis) et Thémon (In quatuor libros meteororum Aristotelis) ; certains, comme Jean Buridan, ne l'emploient qu'en quelques écrits (par exemple, dans le commentaire au De anima d'Aristote), et encore n'en usent-ils que fort rarement. » A l'appui de l'attribution à Albert de Saxe de la question De proportione dyametri quadrati ad costam ejusdem, M. H. Suter allègue une autre raison. En ses questions sur la Physique d'Aristote, iVlbertde Saxe invoque à deux reprises (Jn lib. Wlquœst. XI et in lib. VI quœst I)

mémoires,

par exemple

l'incommensurabilité du rapport entre

pour combattre fait

le

côté

l'existence des indivisibles

;

du

carré et la diagonale

c'est

précisément ce que

l'auteur de la Question conservée dans les manuscrits de Bàle.

Ces deux raisons n'ont pas, croyons-nous, démonstrative que leur attribue M. H. Suter. Les expressions quantitatem,

:

est

signifiant

dare :

maximum

telle

la

valeur absolument

quantitatem, est dare

quantité admet

un

minimum

maximum ou un

1. Heinrich Suter, IHe Qaeslio « De proportione dyametri quadrati ad costam ejusdem» des Albertus de Saxonia (Zeitschrift filr Mathematik und Physik, \XX1I Jahrgaug, 1887; Historisch-llterarische Abtheilung, pp. 4i-56).


ÉTUDES SUR LEONARD DE VlNCt

342

minimum semblent absolument consacrées, dans dès

le

Romanus) il

V

écrire

:

a

langage scolastique,

Nous voyons Gilles de Rome (.Egidius Est dare minimam carnem et minimam aquam »

début du xiv" i

le

siècle.

;

emploie sept fois l'expression est dare au cours de ses questions IV, et VI sur le premier livre du De generatione et corruptione. Walther

même

Non

minus minimo. » Nous troudans une seule question 3 de vons cette Guillaume d'Ockam sur le Livre des sentences de Pierre Lombard. Dans ses divers écrits, Albert de Saxe emploie très fréquemment cette Burley dit de

2

:

u

forme de langage

est dare

trois fois

tournure d'un latin barbare; mais ses contemporains ne se font point faute de l'imiter là où ils en trouvent l'occasion. Cette occasion ne se rencontre pas

fréquemment dans

les

écrits

de Jean Buridan que nous avons eu occasion de feuilleter mais elle se présente une fois, et il semble que Buridan ait hâte d'en profiter, ;

deux pages qu'occupe une de ses questions sur le De anima d'Aristote, nous avons relevé jusqu'à vingt-huit emplois de la forme est dare^. Les successeurs d'Albert de Saxe ne se font point faute non plus d'user de cette expression on la rencontre très fréquemment dans les

car dans les

;

écrits

de Marsile d'Inghen

et

de Pierre d'Ailly.

donc voir dans l'emploi de cette formule Est dare, un motif suffisant pour attribuer à Albert de Saxe la question De proportione dyametri quadrati adcostam ejusdem. Cette attribution ne trouve pas non plus une suffisante justification dans cette remarque qu'Albert a, par deux fois, invoqué la nature

On ne

saurait

:

incommensurable du rapport entre le côté du carré et la diagonale pour réfuter la doctrine des indivisibles. Cet argument, en effet, était tout à fait classique en la Scolastique du xiv" siècle. Il semble qu'il ait été imaginé par Roger Bacon, qui l'expose en son Opus majus^. Jean Duns Scot l'a reproduit^. Guillaume d'Ockam libroa de physlco auditu Aristotelis commentaria acciiratissiine 1. Egidii Romani in emendata. Golophon Venetiis impressus mandato et cxpensis heredum nobilis viri Domini Octaviani Scoti civis Modoetiensis per Bonetum Locatellum presbyterum. 13 Kal. Octobr. i5o2. fol. 59, col. b. Impressa arte et diligentia 2. Burleus Saper oclo libros phisicorum. Golophon Boneti Locatelli Bergomensis, sumptibus vero et expensis nobilis viri Octaviani Scoti :

:

Modoetiensis. Venetiis, anno Salutis 1/191, quarto Nonas Decembris. f 71, col. b. 3. Guilhelmi de Ockam Saper quatuor libros seatentiarum anno ta tione s ; libri

II

quaîstio VllI. !^.

telis

Joannis Buridani, artium liberalium doctoris subtilissimi, In secundum AristoXX. (Dans l'édition de Georges Lokert qui a été décrite

de anima librum quaîst.

ci-dessus, p. 5). 5. Fratris Rogcri Bacon, Ordinis

Minorum, Opus majas, ad Clementem quartum, ex M. S. Godicc Dubliniensi, cum aliis quibusdam coUato, nunc primum edidit S. Jcbb. M.D. LonJini, lypis Gulichni Bowycr MDCCXXXlll, p. f)3. G. R. P. F. Joanis Duns Scoti, Doctoris suljtilis, Ordinis Miiiorvnn, (Jua'Slioncs in lib. II Sententiaruni. Lugduni, sumptibus Laurent! Durand, MDGX\.XIX (R. P. F. Joannis Duns Scoti Opéra; tomi VI pars I). Lib. II, dist. Il, qu.pst. IX. pontificom

Romanum,

;


NOTES

343

indiqué en un de ses Qiiodtibeta {Quodlibet.

l'a

plus brillants disciples de

donné d'après son maître

Duns

I,

qaœst. 9) et l'un des

également

Scot, Jean le Chanoine, l'a

i

Les raisons qui ont conduit M. H. Suter à attribuer à Albert de Saxe

Qaœst 10 de proportione dyametri quadrati ad cosiam ejusdem ne nous paraissent donc nullement convaincantes; la lecture de cette question nous semble, par contre, très propre à fournir des motifs la

à qui désire contester cette attribution.

En

cette question,

l'infmiment grand retenir

un

et

se trouvent exposées diverses considérations sur

l'infiniment petit

((

une de

ces considérations va

instant notre attention.

Voici, en effet, l'étrange paradoxe

comme

;

huitième conclusion 2

que l'auteur de

la

question donne

:

Étant donnés une infinité de corps, qui sont tous d'un

volume déterminé,

et

qui occupent un espace

sans leur faire subir aucune condensation, de

un corps

fini,

occupant un espace

fini...

En

infini,

on peut

les

telle sorte qu'ils

voici la

preuve

:

même réunir

forment Considé-

que des fruits ou d'autres objets analogues, qui occupent un volume infini. En la première partie proportionnelles d'une heure, prenons un premier corps en forme de prenons ensuite un second de ces corps, boule, et soit A ce corps comprimons-le en une large figure, que nous fléchirons de façon à en recouvrir le premier; soit B cette couche d'une certaine épaisseur. En

nombre

rons ces corps en

infini, tels

;

seconde partie de l'heure, prenons un autre corps

la

et

recouvrons-

B; soit C cette nouvelle couche. Prenons encore un nouveau corps et recouvrons-en l'ensemble A B C de façon à former la couche D, et répétons la même opération en chacune des parties proportionnelles de l'heure. Alors, à la fin de l'heure, nous aurons en l'ensemble

A

réuni une infinité de corps dont chacun a

cependant je vais prouver qu'à

la fin

un même volume

fini, et

de l'heure, cet agrégat est

fini. » «

que

En la

seconde couche est appliquée à une plus grande surface de première elle est donc moins épaisse que la première

effet, la

;

;

couche appliquée en troisième lieu est moins épaisse que la seconde, et ainsi de suite. On voit donc que l'épaisseur de- la première couche est à l'épaisseur de la seconde dans le même rapport que l'épaisseur de la seconde à l'épaisseur de la troisième, que l'épaisseur de la troisième à l'épaisseur de la quatrième, que l'épaisseur de la

même,

la

quatrième à l'épaisseur de 1.

la

cinquième,

et ainsi

de

suite.

Joannis Canonici Qaœstiones super VIII libros physicorum Aristotelis

Ainsi les

periitiles;

in

VI, quaest. unica. 2. Loc. cit. y p. 48. 3. Diviser une heure en parties proportionnelles, c'est, dans le langage du xiv' siècle, une demi-heure, la diviser en parties qui décroissent en progression géométrique suivie d'un quart d'heure, puis d'un huitième d'heure, etc. lib.

:


ÉTUDES SUR LÉOTSARD DE VINCI

344

épaisseurs de toutes ces couches décroissent en proportion continuel;

première d'entre elles a, d'ailleurs, une valeur finie et déterminée, et il en est de même de son rapport à la seconde. Dès lors, ces couches en nombre infini dont les épaisseurs décroissent en propor-

la

forment pas une épaisseur infinie, de même que les parties proportionnelles d'un continu quelconque ne forment pas un continu infini. Il résulte donc de là que le corps obtenu à la fin de l'heure a une épaisseur finie; comme il est sphérique, son diamètre est fini et il est fini lui-même, bien que formé d'une infinité de corps tion continue, ne

;

égaux, ce qu'il

fallait

démontrer.

»

Albert de Saxe connaît cet étrange raisonnement et c'est

pour

l'expose,

mais

demande

« S'il

il

le réfuter.

En une de peut exister

De Cœlo^, Albert une grandeur solide, superficielle ou ses questions sur le

se

linéaire qui soit

Ayant l'intention de conclure par la négative, il expose d'abord, selon la méthode scolastique, les arguments que l'on peut C'est parmi invoquer pour l'affirmative u Et primo videtur quod sic. ces arguments que se trouve, occupant le cinquième rang, le résumé du singulier raisonnement que nous avons reproduit.

infinie».

))

:

A

la fin

de

la

question, sous

Ad

le titre

rationes, se trouve la réfuta-

arguments produits au début; c'est là qu'Albert de Saxe montre très sensément Terreur commise par l'auteur de la Quœstio de proportione dyametri. « A la cinquième raison je réponds qu'il n'est pas possible, sans raréfaction ni condensation, de transformer une infinité de corps égaux et séparés les uns des autres en un corps fini. Lorsque l'auteur déclare qu'on a là une infinité d'épaisseurs dont la plus grande est finie, je l'admets. Lorsqu'il ajoute que l'épaisseur qui tion des

somme

est la

de toutes

celles-là est finie, je l'accorde si ces épaisseurs

décroissent en proportion continue, mais point

Or

n'en est pas ainsi

il

même

rapport que

la

la

;

première n'est pas à

seconde à

d'assimiler ces épaisseurs aux

en un continu, est égal

de

au rapport de

même

la

troisième;

la

que

le

rapport de

seconde à

de ces épaisseurs.

il

n'en est pas ainsi.

la

seconde dans

le

n'y a donc pas lieu

parties proportionnelles d'un continu

les parties proportionnelles

tion continue, de telle sorte

s'il

se la

;

succèdent en porpor-

première à

la troisième

;

mais

il

la

seconde

n'en est pas

»

Albert de Saxe a donc pris soin de réfuter une grave erreur contenue

Quœstio de proportione dyametri quadrati ad costam ejusdem. Comment serait-il l'auteur de cette Question ? en

la

géométrique.

1.

C'est-à-dire en progression

2.

Questiones subtilissime Alberti de Saxonia in libros de Cœlo et Mimdo. Veneliis,

1/192.

Tn lib.

T,

quest. ÎX.


NOTES

B.

345

A PROPOS

DES QUESTIONS SUR LES MÉTÉORES DE THÉMON, LE FILS DU JUIF En ses savants commentaires aux livres des Météores, le célèbre Augustin Niphoi déclare formellement 2 que les Questions sur les Météores qui ont été publiées sous d'Albertillus, c'est-à-dire d'Albert

tiones sunt editse sub

A

nom

le

de Saxe

:

de Thimon

Juif sont

cujus quœs-

u Albertillus,

nomine Thimonis judœi.

le

»

l'appui de cette opinion de Nipho, on peut invoquer certains

arguments.

On

peut remarquer, en premier

res sont de

forme

très

semblable à

lieu,

ses Questions sur la Physique, sur le et

mêmes principes que mêmes thèses lorsqu'elles Questions sur

les

ont à

De generatione

qu'elles adoptent les sujets

manière

la

;

enfin,

que

les

plus heureuse la celle-

Philosophie naturelle du Stagirite.

la

peut, en second lieu, donner

qui n'est pas moins

;

mêmes

la

Météo-

s'inspirent exactement

de Saxe

des

le

composées par Albert de Saxe, formant avec

un commentaire achevé de

On

traiter

les

de Saxe a donnée à

sur

et

Thémon

celles d'Albert

Météores complètent de

série des Questions ci

De Cœlo

corruptione ; que les Questions de

des

que ces Questions sur

celle qu'Albert

une preuve d'une autre ordre

et

forte.

Aux deux éditions que nous avons eu vrage de Thémon débute en ces termes

:

occasion de consulter, l'ou« Ici

commencent

les

ques-

tions sur les quatre livres des météores compilées par le très savant

professeur de

philosophie

Thimon.

Incipiunt qusestiones super quatuor libros metheororum compilatae per doctissimum Philosophiœ

professorem Thimonem. » Cette forme est très inusitée les Questions publiées par Jean le Chanoine, par Albert de Saxe, par Jean Buridan, par Marsile d'Inghen, par une foule d'autres scolastiques, ne sont jamais données comme compilées par ces auteurs. 11 semble donc bien que Thémon n'ait ;

point voulu se faire passer pour l'auteur des Questions sur et qu'il ait

revendiqué seulement

la

les

Météores

rédaction de ces Questions, qu'un

autre avait composées. Dès lors, tout porte à croire que cet autre était

Albert de Saxe. 1. Augustin! Niphi medices, philosophi Suessani, In libris Aristotelis meteorologicis cnmmentaria. Ejusdeni Generalia cominentaria in lihro de mistis, qui a veteribus quartas ineteororum liber inscribiliir, et a junioribiis meteorologicon dicitur. Anno post partum intemeratae Virginis, in praelo Brandini et Octaviani Scoti fratruni haec commentaria curiose cudebantur, Venetiis, MDXL. A la fin de l'ouvrage, on lit Finis Salerni,

iSaS, quinto Aprilis. 2,

Aug. Nipho,

loc. cit., fol.

ilt,

col. c.

;


ÉTUDES SUR LÉONARD DE VINCI

346

C.

SUR LA BIBLIOGRAPHIE

DES ŒUVRES DE BERNARDINO BALDI Nous avons

dit

(p.

que

98)

le

prince Baldassare Boncompagni

possédait, en manuscrits, l'original et plusieurs copies de l'ouvrage

composé par Bernardino Baldi sur ciens.

les vies

des grands mathémati-

Enrico Narducci, qui a extrait de ces manuscrits

notices

les

aux géomètres italiens, a donné une description de ces précieux codices dans l'introduction qu'il a mise en tête de sa publi-

relatives

cation

i.

D'autres extraits de l'ouvrage de Baldi ont été publiés dans

Boncompagni. Nous en avons déjà

Bulletino dirigé par le prince

un

à la page 98, sous le n" 26.

En

voici quelques autres

La notice sur Alhazeno se trouve reproduite à la

l'écrit

suivant

le

cité

:

fm

de

(p. 47)

:

Intorno ad una iraduzione italiana, fatta nel secolo decimoquarto del irattaio d' Ottica d' Alhazen,

matematico

del secolo

undecimo,

ad

e

altri lavoridi questo scienzato. Nota di Enrico Narducci (Bulletino di

Bihliografia e di Storia délie Scienze matematiche e fisiche pubblicato

da B. Boncompagni;

La

l'article

t.

IV, p.

i,

1871).

de

notice sur Vitellione se trouve reproduite à la fin (p. 77)

suivant

:

Sur l'orthographe du nom et sur la patrie de Witelo (Vitellion). Note de M. Maximilien Gurtze {Bulletino..., t. IV, p. 49; 1871). 3° Vite de matematici Arabi traite da un' opéra inedita di Bernardino Baldi con note di M. Steinsghneider {Bulletino..., t. V, p. 427; 1872).

Les notices de Baldi qui sont reproduites en cet écrit

et

commentées

avec une rare érudition par M. Steinschneider, sont intitulées suit

comme

:

— Albumasaro — Tebitte — Albategno — Almansore Alhazeno — Ali Abenrodano — Punico — Ali Abenragele — Arzahele — Gebro — Alpetragio. Messala

Andalo

Alfragano

de'

— —

Negri (De

Alchindo

vite

le

de matematici

dino Baldi da Urbino, Abbate di Guastalla. Manoscritlo posseduto da D. B. car. 120-121) {Bulletino...,

t.

libri

due

di

Bernar-

MDXGVI. Tom.

Boncompagni contrassegnato

« A^"

II.

i5U

»,

VII, p. 337; 1874).

I. Vite inédite di matematici italiani, scritte da Bernardino Baldi e pubblicate da Enrico Narducci (Bulletino di Bihliografia e di Storia dellr Scienze matematiche e fisiche, pubblicato da B. Boncompagni, t. \IX, pp. 333, 383, '|37 et 02 188O). 1

;


TNOTES 5"

Vite

inédite

scritte

matematici

di tre

Giovanni de Lineriis

e

347 (Giovanni Danck di Sassonia,

Fra Luca Pacioli

da Bernardino Baidi

{Balletino...,

di t.

Borgo San SepolcroJ

XII, p. 420; 1879).

Ces

trois notices sont précédées d'un article dont voici le titre Baldassare Boncompagni, Intorno aile vite inédite di tre matematici :

(Giovanni Danck di Sassonia, Giovanni de Lineriis e Fra Luca Pacioli di t.

Borgo San Sepolcro) XII, p. 352;

Dans l'article

le

scritte

da Bernardino Baldi [Balletino...,

1879).

même

volume, à

précédent, sous le

la p. 863, se

titre

trouve

un complément

à

:

Baldassare Boncompagni, Giunte allô scritto intitolato a Intorno... » Vita di Pitagora, scritta da Bernardino Baldi, trotta deW aiitografo et annotata da Enrico Narduggi {Bulletino..., t. XX, p. 197; 6°

1887).


ÉTUDES SUR LÉONARD DE VINCI

348

D.

SUR UN PASSAGE EMPRUNTÉ

PAR BERNARDINO BALDI A LÉONARD DE VINCI Nous avons vu

que Bernardino Baldi

(p. io4)

avait exposé quelques

sur la formation des tourbillons au

considérations

des

sein

eaux

courantes; deux circonstances lui paraissaient propres à engendrer ces tourbillons.

Léonard

Nous avons

décrivait,

cité

presque dans

seconde de ces circonstances,

également les

io5)

(p.

mêmes

un passage où

termes

celle à laquelle se

que Baldi,

rapporte

la

la figure 2

page 104. Quant à la première de ces circonstances, à laquelle i de la même page, il n'en était pas question en ce fragment écrit par le Vinci. de

la

a trait la figure

Celte circonstance, Léonard en fait mention au

Cahier

H

de ses

notes manuscrites, et cela de la manière la plus formelle; nous

trouvons, en tiques

qui dépasse

I

fleuves se

la

profondeur ou

meut en mouvement

Cette eau

c(

la

décrite à trois reprises, en termes presque iden-

:

L'eau

((

effet,

2

se tournera

la largeur

générale des

contraire. »

en cours contraire qui dépasse

les largeurs

profondeurs générales des fleuves. » «L'eau 3 qui dépasse en profondeur ou en largeur la largeur et profondeur générale des fleuves se tournera contre son premier

et

cours.

De ((

»

ces trois réflexions,

on peut encore rapprocher

celle-ci^

:

Les tournants de l'eau, après la percussion angulaire terrestre, se

tournent en

mouvement

contraire. »

Chacun de ces passages est accompagné d'un dessin très sommairement esquissé. Ces quatre dessins, peu différents les uns des autres, ressemblent fort à la figure i de la page 104. Toutefois, il existe une divergence essentielle entre le croquis de Baldi et ceux de Léonard La rotation du tourbillon a, dans le premier, un sens opposé à celui qu'elle affecte dans les derniers. On reconnaît sans peine qu'en la figure 1 de la page io4, Baldi attribue au mouvement tourbillonnaire un sens de rotation qui ne peut être le sien; là où l'eau tourbillonnante est contiguë à l'eau :

Les manuscrits de Léonard de Vinci. Ms. 08 [20], verso.

i.

fol.

Ibid., fol. 87 [39], recto. Jbid., fol. 87 [89], verso. 4. Ibid., fol. 47, verso. 3.

3,

II

de

la

Bibliothèque de rinslitut,


qui coule dans

NOTES

349

le fleuve, les vitesses

de ces deux masses d'eau sont

dirigées en sens contraire l'une de l'autre.

montré à Léonard de Vinci que les tourbillons ne tournaient pas ainsi, mais bien comme Baldi les a fait La raison

et l'expérience avaient

page io4. Maladroit comme le sont souvent les plagiaires, Baldi a renversé le sens de cette rotation, montrant ainsi que ses connaissances d'Hydraulique avaient une tout autre

tourner en

origine

que

la figure 2

la

de

la

contemplation de

la nature.

>


atlribiĂŻ,

peut

et

Les 68 [2f

1.

fol.

2.

/6itiy

3.

Ibid.,

k.

Ibidl


ERRATA

Page

5,

Page

ligne 5 de la note,

i34, note

Ms.

:

M

de

i6o, ligne 3

Page

i6i, ligne 9

Page

172, notes 2 et 3,

Page

173, note

:

même au

— page

— page 178, note — page i,

note

I

:

même

la

:

meteorum,

A

de

correction.

la

:

lisez

:

meteororum.

Bibliothèque de

Bibliothèque de

en remontant, au lieu de

Page

i,

de

lieu

au lieu de: Ms.

i,

verso, lisez

fol. 3i,

au

l'Institut,

l'Institut, fol. 46, recto.

meteorum,

lisez

:

meteororum.

correction. lieu

de

:

metheorum,

174, notes 180, note

i,

i,

2

et 3,

lisez

:

metheororum.

— pages

— page

175, notes

192, note

i,

i

et 2,

page 19O5


attribii

peut

1.

fol.

.

é»

Les

68

[2<

2.

Ibu

3.

Jbid.^

A.

Ibidl


TABLE DES MATIÈRES

pages

Préface

I.

ni

Albert de Saxe et Léonard de Vinci I.

II.

Albert de Saxe.

i

Ce que nous savons de

Quelques points de

la

sa vie

3

Physique d'Albert de Saxe

7

III.

Ce que Léonard de Vinci a emprunté à Albert de Saxe.

IV.

Ce que Léonard de Vinci a ajouté aux théories d'Albert de Saxe. .

.

,

que Léonard de Vinci

V. Ce

.

a

19

33

opposé aux doctrines d'Albert

de Saxe

39

IL LÉONARD DE ViNCI ET ViLLALPAND

L Gomment

se sont

répandues

53 les

pensées de Léonard de

Vinci

53

IL La théorie de l'équilibre des mers selon Aristote, x^draste et

Théon de Smyrne

III.

La sphéricité de

IV.

La sphéricité de

58

la terre et des la

mers selon Albert de Saxe

terre et des

mers dans

les écrits

.

de

Léonard de Vinci V. Le

centre

de gravité

68 et

l'équilibre

dans

les

écrits

Léonard de Vinci VI. Les

III.

vie de

73

X

Bernardino Baldi, abbé de Guastalla

.

.

IL Les œuvres de Bernardino Baldi III.

Les emprunts de Bernardino Baldi à

la

Mécaniqu

la

Mécanique

Léonard de Vinci IV. Les

emprunts de Bernardino Baldi

Léonard

de

accidentelle

Vinci

de

.80

théorèmes de Jean-Baptiste Villalpand

LÉONARD DE ViNCI ET BeRNARDINO BaLDI

L La

63

(suite).

Le

à

centre

de

la

p


ÉTUDES SUR LÉONARD DE

354

VIÎSCI l'aies

IV.

Bernardino Baldi, Roberval et Descartes I.

Une opinion de Bernardino

127

Baldi touchant les

mouvements

accélérés

127

II.

Bernardino Baldi

et le P.

III.

Bernardino Baldi

et

Mersenne

i4o

Roberval

i42

IV. Bernardino Baldi et Descartes

i45

V. La discussion entre Roberval et Descartes au sujet d'agitation.

V. Thémon le fils DU JUIF et Léonard de Vinci. 1.

IL III.

V.

les

Météores de

Quelques rapprochements entre

les

iSg

juif

La mer

171

peut sourdre au

l'eau

177

sommet des montagnes.

Comment

le

principe fondamental de l'Hydrostatique

Comment

le

.

.

s'est

207

principe fondamental de l'Hydrostatique

transmis de Léonard de Vinci à Pascal.

s'est

— Le P. Benedetto 212

Castelli et Galilée

VI.

LÉONARD DE ViNCI, CaRDAN ET BeRNARD PaLISSY

223

pu plagier Léonard de Vinci? IL Les emprunts faits par Cardan au Traité de

228

I.

Cardan

a- 1 -il

la

Peinture de

Léonard de Vinci III.

Les emprunts

faits

.

229

par Cardan au Trattato del moto e misura

Léonard de Vinci

delV acqua de

La formation des

fossiles selon

234

Bernard Palissy

245

NTIA DE PONDERIBUS ET LÉONARD DE ViNCI se

attribiV

peut

ê* ^,

.'

.

j fol.

198

— Giovanni Battista

Mersenne

le P.

187 igS

transmis de Léonard de Vinci à Pascal. Benedetti et

.

uniforme des cours d'eau

VU. L'invention du principe fondamental de l'Hydrostatique

IX.

et

plus haute que la terre?

est-elle

Comment

169 162

Thémon

doctrines de

.

.

pensées de Léonard de Vinci

VI. L'écoulement

VIII.

147

,

.....

Thémon, le fils du Ce que nous savons de Thémon, le fils du juif Les Questions sur

les

IV.

du centre

Le P. Honoré Fabry. Ghristiaan Huygens

08 3.

les

premières pensées de Léonard sur

la

résistance des matériaux

Les Auctores de Fonder ibus et

Une remarque de Léonard

[2(" '^es /fettt«

trouvent

267

réflexions

de

le

Précurseur de Léonard

à propos

Léonard

Traciaf as de poAideri6«s

267

sur

du

le

levier et

du

quatrième

.

treuil

livre

composé par son Précurseur.

.

259

.

2 04

du .

.

271


355

TABLE DES MATIERES V, Les premiers essais sur Aristote, Vitruve,

résistance des

la

matériaux.

Héron d'Alexandrie, Le Précurseur de

Léonard, Léonard de Yinci VI.

Gomment Léonard

289

a découvert la loi de composition des

forces concourantes

VIL Quelques problèmes sur

3oi

balance suggérés au Vinci par

la

son Précurseur VIII.

VIII.

3o5

Conclusion

3io

,

Albert de Saxe I.

Ce

III.

819

que nous

Helmstaedt, II.

connaissons touchant

surnommé

Albert de Helmstaedt est-il

la

vie

d'Albert de

Albert de Saxe le

819

même qu'Albert de Ricmestorp?

Albert de Saxe appartint-il à

un ordre

religieux?

de Saxe et Albertutius

33

334

Notes

B.

.

— —

Sur un

A

le fils

— — D. C.

écrit attribué à Albert

propos des Questions sur

Sur

la

du

des météores de

34

34

Thémon,

juif

345 .

.

.

346

passage emprunté par Bernardino Baldi à Léonard

de Vinci

Errata

de Saxe

les livres

bibliographie des œuvres de Bernardino Baldi

Sur un

827

Albert

IV. Les écrits d'Albert de Saxe

A.

Pages

348

35


BORDEAU.s

—IMPRIMERIE

G.

GOUNOUILHOU, 9-

II,

RUE GUIRAUOE.







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K.

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